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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 12 décembre 2008
N° 194
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Discours de Benoît XVI pour les 60 ans
de
Le pape Benoît XVI a prononcé, le mercredi 10 décembre 2008,
un bref discours sur les « droits de l’homme », à l'issue du concert
interprété par le Brandenburgisches Staastorchester de Francfort, dans
la salle Paul VI du Vatican, qui lui fut offert à l'occasion du 60ème
anniversaire de
Il a rappelé quelques vérités qu’il faut souligner et dont la principale est certainement le rappel du fondement divin des « droits de l’homme » : ils ont pour fondement la loi naturelle, connaissable par tous. Ils sont donc « enracinés en Dieu créateur » de cette loi et de la nature humaine. C’est pourquoi ils doivent être « respectés » par tous et par tous les Etats. Mais si l’on omet ce fondement ultime, ce principe essentiel, « si l'on fait abstraction de ce fondement éthique, dit Benoît XVI, on « fragilise »les droits humains parce qu’on les prive de leur juste fondement.
C’est très juste. Il fallait le dire en cet anniversaire.
.Jean Madiran le faisait remarquer lui-même dans son beau livre « Les droits de l’homme » (éd. du Présent) lorsqu’il écrivait : « Les droits de l’homme ne donnent aucune raison décisive d’être respectés. Si l’homme n’a ni Dieu ni Maître, il est parfaitement libre de ne plus respecter ni son prochain ni lui-même. Et il le fait bien voir ». (Les Droits de l’homme. p. 130) Il disait aussi « Car voici que les droits de l’homme eux-mêmes ne sont plus fondés sur rien, quand ils ne sont plus fondés sur les droits de Dieu ». (id. p. 130)
Jean-Paul II avait déjà dit la même chose sur le même sujet, le 3 mai 1987 : « Droits de l’homme et droits de Dieu sont étroitement liés. Là où Dieu et sa loi ne sont pas respectée, l’homme non plus ne peut faire prévaloir ses droits….Les droits de Dieu et les droits de l’homme sont respectés ensemble ou sont violés ensemble…Il s’agit de donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. Ce n’est qu’alors que sera donné à l’homme ce qui appartient à l’homme ».
Il s’exprimait de la même manière, en décembre 1980, auprès de l’épiscopat brésilien : « Les droits de l’homme n’ont de vigueur que là où sont respectés les droits imprescriptibles de Dieu et l’engagement à l’égard des premiers est illusoire, inefficace et peu durable s’ils se réalisent en marge ou au mépris des seconds ». Cette condamnation est sévère, puisque les droits de l’homme étaient ainsi déclarés illusoires si l’on entend les « réaliser » non seulement au « mépris » mais même simplement « en marge » des droits de Dieu.
Un tel enseignement rappelé par Jean-Paul II et aujourd’hui encore par Benoît XVI était devenu dans l’Eglise d’une exceptionnelle rareté.
Et même on en était venu dans l’Eglise à en faire l’éloge sans
réserve, ou si peu. Et cela depuis Jean XXIII. Dans son encyclique Pacem in
terris, en 1963, il fit, en
effet, l’éloge de
Le rappel de ces réserves qui vient d’en être fait par Benoît XVI, le 10 décembre 2008, hier par Jean-Paul II, surtout en 1987, sera-t-il écouté ou sera-t-il ignoré ou tenu par le clergé pour une clause de style sans portée pratique ?...comme le Motu Proprio « Summorum Pontificum…voire même détourné de son but ?
Rappeler les fondements divins des « droits de l’homme » est, pourtant, chose capitale.
Jean Madiran, dans ce formidable livre « Les Droits de l’homme » nous rappelle, du reste, que c’était le jugement de Pie XII. En effet, au moment où l’ONU se préparait à proclamer sa Déclaration, l’Osservatore romano en avait critiqué l’article premier : « Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans u n esprit de fraternité »
Le quotidien de Saint Siège objectait :
« Ce n’est plus Dieu mais l’homme qui avertit les humains qu’ils sont libres et égaux, doués de conscience et d’intelligence, tenus de se considérer comme des frères. Ce sont les hommes eux-mêmes qui s’investissent de prérogatives dont ils pourront aussi arbitrairement se dépouiller » (OR 15 octobre 1948)
« Critique fondamentale certes, objection décisive parue dans l’OR, nous dit Jean Madiran, comme un communiqué officiel et attribué au pape Pie XII en personne
« Critique d’ailleurs traditionnelle, fait remarquer encore Jean Madiran. Et de citer Etienne Gilson qui écrivait en 1934 :
« Les doits de l’homme nous sont beaucoup plus chers (à nous catholiques) qu’ils ne le sont (aux incroyants) car ils ne se fondent pour eux que sur l’homme, qui les oublie, au lieu qu’ils se fondent pour nous sur les droits de Dieu, qui ne permet pas de les oublier ».
Oui ! Vains sont ces droits de l’homme s’ils n’on pas Dieu pour fondement, nous rappelle le pape.
Mais ajoutons une autre critique, tout aussi importante…
Si donc la déclaration des droits de l’homme de 1948, aussi bien du reste que celle de 1789 pèche par le fait qu’elle ne veut ni « Dieu ni Maître », elle dépend, par contre et le revendique hautement de « l’opinion générale », du « suffrage universel ». C’est le seul Maître reconnu. Voilà le « venin » de ces déclarations. Voilà ce que j’aurais aimé trouver sous la plume du pape. C’est capital !
Voyons cela de près.
La déclaration de 1789 affirme : « art 6 : la loi est l’expression de la volonté générale »
La déclaration de 1948 prend la suite : art 21 §
3 : « La volonté du
peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté
doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu
périodiquement, au suffrage universel,
égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté
de vote ». Ainsi nul corps, nul individu n’a le droit d’exercer une
autorité si elle n’émane pas expressément du suffrage universel. .
Mais sont également abolies toutes les autorités qui n’émanent pas du suffrage universel. Sont corrodées les autorités morales et religieuses. Sont corrodées l’autorité de l’homme sur le femme dans le mariage, l’autorité des parents sur les enfants, du fondateur sur sa fondation, du maîtres sur l’élève, du chef d’entreprise sur son personnel. Ces autorités, diverses par leur nature et par leur degré, sont toutes mises en cause, chacune sur son terrain, par la marche en avant du suffrage universel et donc de la démocratisation qu’invoque les droits de l’homme. L’instinct, la nature, le bon sens résistent à cette logique infernale. Mais cette logique est rigoureuse et sans faille ; ce venin est efficace.
Mais plus important encore : est corrodée l’autorité de Dieu, du Dieu Créateur sur ses créatures, d’une loi morale universelle et irréformable, d’une Eglise divinement instituée. Ce n’est pas forcément l’athéisme : l’idée de Dieu est encore reconnue comme éventuellement possible, au titre d’opinion facultative qui a droit au respect, - à condition toutefois que cette idée ait été révisée de manière à devenir acceptable selon les critères, les exigences et la dignité de la conscience personnelle. La loi morale peut survivre pareillement, si elle ne prétend pas davantage à l’objectivité et à l’universalité, si elle renonce à son caractère d’obligation reçue, et si elle n’est plus que l’expression d’une conscience ne légiférant que pour elle-même. Plus rien ne s’impose à l’homme, plus rien ne lui est imposé d’en haut ; ce qui lui est imposé désormais, et cette fois sans conditions ni rémission, ce sont les décrets qui se présentent comme l’émanation du suffrage universel, de la volonté général du peuple : contre eux aucun recours.
Tout le reste est nommé « arbitraire ». Est « arbitraire » tout ce qui prétend exercer sur l’homme une autorité, une vérité, une doctrine ne dépendant pas de son consentement libre. Ainsi Dieu, sa loi et son Eglise ne sont que des autorités « arbitraires » dont il faut se libérer. L’homme est libre. Sa loi est son « moi libre». Mais face à cette prétention, à cette « déclaration », l’Eglise soutient que la liberté « sans la soumission à Dieu et l’assujettissement à sa volonté » est illusoire. Car la liberté n’est rien d’autre que la vertu humaine. Elle en est son « fruit », comme le dit justement Maurras, dans « Mes idées politiques » Or cette vertu suppose ou implique cette belle soumission de l’homme à Dieu.
Il me semble que Benoît XVI aurait pu rappeler, à l’occasion
de cet anniversaire de
Il faut faire également remarquer que personne aujourd’hui, parmi les officiels ne parle clairement des « droits de l’homme ». Comme le dit Jean Madiran, dans son livre « Les droits de l’homme » « chacun s’en réclame, mais sans rien préciser d’autre que sa réclamation du moment ; sans préciser le fondement moral de ces « droits » ni leur énoncé rigoureux, comme si l’accord était tellement unanime là-dessus… Ici, dans son discours, le Pape Benoît XVI rappelle très heureusement la nécessité de mieux définir ces droits : « Que ne cesse donc pas l'engagement commun à promouvoir et mieux définir les droits de l'homme, et que s'intensifient les efforts pour en garantir le respect ».
C’est là un autre bienfait de la déclaration de Benoît XVI.
Voici le texte du discours de Benoît XVI. Je le fais suivre du commentaire de Jean Madiran paru dans Présent d’aujourd’hui.
Mesdames, Messieurs,
Chers frères et soeurs,
J'adresse un salut cordial aux autorités présentes, en
particulier au président de
Il y a 60 ans, le 10 décembre, l'assemblée générale des
Nations unies, réunie à Paris, adopta
La dignité de chaque homme est véritablement garantie uniquement lorsque tous ses droits fondamentaux sont reconnus, protégés et promus.
Depuis toujours, l'Eglise rappelle que les droits fondamentaux, au-delà des différentes formulations et importances qu'ils peuvent prendre dans le cadre des diverses cultures, sont un fait universel, parce qu'inhérents à la nature même de l'homme. La loi naturelle, inscrite par le créateur dans la conscience humaine, est un dénominateur commun à tous les hommes et à tous les peuples ; c'est un guide universel que tous peuvent connaître et sur la base desquels tous peuvent s'entendre. Les droits de l'homme sont donc, finalement enracinés en Dieu créateur, lequel a donné à chacun l'intelligence et la liberté. Si l'on fait abstraction de ce fondement éthique, les droits humains demeurent fragiles car privés d'un fondement solide.
La célébration du 60ème anniversaire de
Commentaire de Jean Madiran dans Présent du vendredi
12 décembre 2008.
Les droits de « l’Homme sans Dieu »
On rectifie le tir
Pour son 60e anniversaire, Benoît XVI s’est montré
très courtois à son égard.
Mais il a insisté sur le fait que les DHSD (Droits de
l’Homme sans Dieu) demeurent sans fondement moral. Il a en outre appelé à un
effort général pour « mieux définir » les droits fondamentaux : ils le
sont en effet assez mal dans les Déclarations de 1789 et de 1948.
En somme, le Pape a réactivé doucement le grave avertissement que Jean-Paul II avait lancé à Munich contre les DHSD, le 3 mai 1987, et qui depuis lors avait été bien oublié : « Droits de l’homme et droits de Dieu sont étroitement liés. Là où Dieu et sa loi ne sont pas respectés, l’homme non plus ne peut faire prévaloir ses droits (…). Les droits de Dieu et les droits de l’homme sont respectés ensemble ou sont violés ensemble. »
Surnommé par les communistes « le pape des droits de l’homme », Jean-Paul II avait déjà commencé à réagir en décembre 1980 : l’engagement à l’égard des DHSD, avait-il assuré, est « illusoire, inefficace et peu durable ».
Le cardinal Martino, qui avait pris l’initiative controversée d’organiser une fête pour le 60e anniversaire, a cette fois précisé qu’il existe une « vision catholique des droits de l’homme ». On s’en doutait ! Le Cardinal a reproché aux DHSD de concerner l’« individu » plutôt que la « personne ». Si l’on veut s’en tenir à la philosophie, il vaudrait mieux observer que les droits de l’individu, ou de la personne, ont le défaut rédhibitoire d’être sans limites, alors que leurs
limites naturelles proviennent de leur rencontre avec les droits trop souvent oubliés de la famille et ceux de la nation : ceux de la hiérarchie de tous les biens communs.
Puisque les DHSD sont déconsidérés par leur ignorance des droits de Dieu, il serait souhaitable de rappeler que les vrais droits de l’homme se fondent sur les devoirs envers Dieu. Et aussi que parler des « devoirs » est pédagogiquement plus approprié que de parler tout le temps des « droits », ce qui incite à une attitude constamment
revendicative ; tandis que si chacun accomplit ses devoirs, les vrais droits seront respectés. Telle est la position de l’école contre-révolutionnaire française, s’inspirant de la pensée de l’Eglise et en parfaite et visible homogénéité avec elle jusqu’en 1958. Puis cette homogénéité est devenue de moins en moins évidente. Peut-être s’agit-il d’un simple changement de vocabulaire. Rien n’oblige l’école contre-révolutionnaire à ne pas conserver le sien.
Depuis
1958, on a diplomatiquement laissé en dehors du débat catholique le paragraphe
3 de l’article 21 : « La volonté du peuple est le fondement de
l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté droit s’exprimer
par des élections, etc. » C’est en parfaite concordance filiale avec
les articles 3 et 6 de
JEAN
MADIRAN