ITEM

 

 

Portable : 06 80 71 71 01. Courriel : abbe_aulagnier@hotmail.com.

Site : http://la.revue.item.free.fr

 

Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 13 mars   2009

 

N° 207

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Le mystère d’Israël

et

Nostra aetate

le  document conciliaire sur les Juifs.

 

 

 

Nous allons traiter du Mystère d'Israël en nous plaçant dans la perspective chrétienne et en nous appuyant sur les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament, ainsi que sur les opinions des grands auteurs catholiques. Et à cette lumière nous ferons quelques remarques sur le document « Nostra aetate », le document conciliaire sur les Juifs

 

Nous sommes encouragés à poursuivre cette réflexion sur le Mystère d’Israël que nous avons débutée dans Item de la semaine dernière ( 6 mars 2009)  puisque le pape Benoît XVI parle du peuple juif dans la lettre qu’il vient d’adresser ce jeudi 12 mars 2009 à l’épiscopat mondial pour expliquer son attitude dans la levée de l’excommunication des évêques de la FSSP. On sait que la publication des propos tenus par Mgr Williamson et la levée de l’excommunication ont troublé, par leur coïncidence et leur « superposition » certains dans le sein de l’Eglise ainsi que dans le peuple juif. C’est ainsi que cette levée des excommunications aurait pu être considérés « comme un démenti de la réconciliation entre chrétiens et Juifs et donc comme la révocation de ce que le Concile avait clarifié en cette matière pour le cheminement de l’Eglise », voire même  comme « un retour en arrière par rapport à tous les   pas de réconciliation entre les chrétientés et les juifs faits à partir du Concile – pas dont le partage et la promotion avaient été dès le début un objectif de mon travail théologique personnel ».

 

Le pape parle donc de clarification fait en cette matière à partir du Concile Vatican II.

 

Est-il possible  de se demander si le Concile a suffisamment « clarifié » le problème du mystère d’Israël « pour le cheminement de l’Eglise » ? De toute façon, ce sera un des sujets que devront aborder les théologiens de la FSSPX avec les responsables de la Congrégation de doctrine de la foi, puisque le règlement de la question de la FSSPX dépend aujourd’hui,  par la volonté de Benoît XVI,  de cette Congrégation.

 

J’utilise pour ce faire la belle étude de Le Caron de Choqueuse publiée dans son livre « Dieu est-il antisémite ? » aux éditions Fideliter.  Je recommande également la belle étude de Julio Meinvielle « Les juifs dans le mystère de l’Histoire ».

 

 I. - IL EXISTE UN MYSTÈRE D'ISRAËL

.

Saint Paul lui-même l'affirme lorsqu'il s'adresse aux Romains : « Je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mys­tère, afin que vous ne soyez pas sages à vos propres yeux: C'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement jusqu'à ce que la masse des Gentils (c'est-à-dire les peuples qui constituent les autres nations) soit entrée... Il est vrai, en ce qui concerne l'Évangile, ils sont encore ennemis à cause de vous mais eu égard au choix divin, ils sont aimés à cause de leurs pères. Car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance... »

 

Le plus grand Mystère d'Israël, c'est, comme l'indique saint Paul, l'aveuglement d'Israël. Comment un peuple qui avait été réparé par Dieu pendant plus de deux mille ans à accueillir Messie a-t-il pu ne pas le reconnaître ? Comment les grands prêtres et les Juifs de Jérusalem ont-ils pu le faire mourir une mort infâme, en le crucifiant, utilisant le bras de la puissance romaine ?

 

Mais avant de chercher les raisons de cet aveuglement, il nécessaire d'ouvrir une parenthèse sur le choix divin, car on ne peut comprendre le destin « du peuple élu » sans méditer cet autre mystère qu'est « le choix divin ».

 

II. LE CHOIX DE DIEU

 

 

Tous les peuples ont une vocation parce que tout a une utilité au sein de la création divine. Cependant, ces vocations sont explicitées d'une manière plus ou moins nette. Pour la France, par exemple, elle a été clairement précisée par saint Rémi au moment du sacre de Clovis et, par la suite, de nom­breux papes ont confirmé la vocation de la France en qualité de fille aînée de l'Église. Mais jamais,- au cours de l'histoire de l'humanité, la vocation d'un peuple n'a été énoncée aussi directement et aussi nettement que celle d'Israël puisque c'est Dieu Lui-même qui l'a affirmée.

 

Avec Abraham.

 

Tout le plan de Dieu sur son peuple est contenu en germe dans la mise à part d'Abraham quand il sortit d'Ur des Chaldéens (Gen. XII) et lorsqu'il reçut les grandes promesses.

 

Dieu dit à Abraham :« Va-t-en de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai et je rendrai grand ton nom. Tu seras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront et celui qui te maudira je le maudirai et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » (Gen. chap. XII, 1-3.)

 

En ce jour-là, enseigne l'Écriture, Dieu fit alliance avec Abraham en disant: « Je donne à ta postérité ce pays depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve de l'Euphrate » (Gen. XV 18-19) ([1]).

 

Lorsqu’Abrasam eut atteint l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut encore pour lui préciser ce que serait le pacte d'alliance. Il lui dit: « Je suis le Dieu tout puissant; « marche devant ma face et sois irréprochable. J'établirai mon alliance entre moi et toi et je te multiplierai à l'infini. » Abram (premier nom que portait Abraham) tomba la face contre terre et Dieu lui parla ainsi : « Moi, voici mon alliance avec toi. Tu deviendras père d'une multitude de nations ; on ne te nommera plus Abram, mais ton nom sera Abraham (ce qui signifie père d'une multitude) car je te fais père d'une multitude de nations ... Des rois sortiront de toi. J'établis mon alliance entre moi et toi et tes descendants après toi. Je te donnerai à toi et à tes descendants après toi le pays où tu séjournes comme étranger, tout le pays de Chanaan, en possession perpétuelle, et je serai leur Dieu. » (Gen. XVII, 1-8).

 

Renouvellement du pacte d’alliance avec Moïse

 

Quand les fils d'Israël, au nombre d'environ six cent mille piétons, non compris les enfants, quittèrent l'Égypte sous la conduite de Moïse, après une captivité qui avait duré quatre cent trente ans (Exode chap. XII), le pacte d'alliance fut renouvelé. Alors qu'Israël campait dans le désert du Sinaï, « Moïse monta vers Dieu et Yahweh l'appela du haut de la montagne disant : « Tu parleras ainsi à la maison de Jacob et tu diras aux enfants d'Israël: « Vous avez vu ce que j'ai fait à l'Égypte et comment je vous ai portés sur des ailes d'aigle et amenés vers moi. Maintenant, si vous écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous serez mon peuple particulier parmi tous les peuples car toute la terre est à moi ; et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte." (Ex. XIX 3-7.)

 

Et Dieu donna Lui-même à Moïse des indications minutieuses pour la construction de l'Arche d'Alliance.

 

La grande révélation prophétique que Moïse reçut avant de mourir a été consignée d'abord sous forme de bénédictions et de malédictions dépendant entièrement de l'attitude du peuple d'Israël dans son obéissance à la loi de Dieu. « Tu seras pour l'Éternel un peuple saint, comme Il l'a juré, lorsque tu observeras les commandements de l'Éternel ton Dieu et que tu marcheras dans ses voies. Tous les peuples verront que tu es appelé du nom de l'Éternel et ils te craindront. » (Deut. XXVIII 1-14).

 

Mais encore faut-il qu'Israël demeure fidèle. « Si tu n'obéis pas à la voix de l'Éternel ton Dieu... voici toutes les malédictions qui viendront sur toi... Tu seras maudit dans la ville et tu seras maudit dans les champs... L'Éternel enverra contre toi la malédiction, le trouble et la menace au milieu de toutes les entreprises que tu feras. » (Verset 15-20.)

 

Ces textes du Deutéronome sont à rapprocher des Bénédictions et des Malédictions concernant la France, contenues dans le testament de saint Rémi.

 

Les peuples auxquels Dieu a fait la grâce et l'honneur de confier une mission sont durement châtiés quand ils la trahissent.

 

Or, Israël, comme la France, a été, au cours de son histoire, souvent infidèle à sa vocation et n'a pas respecté l'alliance que Dieu avait conclue avec lui. C'est pourquoi il a été durement châtié.

 

C’est pourquoi nous sommes surpris de l’affirmation de Nostra aetate qui affirme : « S'il est vrai que l'Eglise est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Evangile et à l'esprit du Christ ».

 

Mais ce châtiment, cette malediction, ne vaut que pour une partie du peuple juif.. Ainsi cette réprobation n’a pas été totale, mais partielle seulement, et Dieu s’est réservé un  reste d’Israël. C’est le clair enseignement de l’Apôtre : « Je demande donc : Dieu aurait-il rejeté son peuple ? Certes non. Ne suis-je pas moi-même israélite, de la race d’Abraham, de la Tribu de benjamin ? Dieu n’a pas rejeté le peuple que d’avance, il a discerné. Ou bien ignorerez vous ce que dit l’Ecriture à propos d’Elie quand il s’entretient avec Dieu pour accuser Israël : Seigneur, ils ont tué tes prophètes,   rasé tes autels, et moi je suis resté seul et ils en veulent à ma vie. Eh bien que lui répond l’oracle divin ? Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal. Ainsi pareillement il subsiste un reste, élu par grâce » (Rm 11 1-5)

Une partie d’Israël fut réprouvée pour que la miséricorde atteignit les peuples gentils. C’est précisément là qu’est le mystère dans lequel Dieu, plein de compassion pour les peuples et résolu à les sauver, permet la perdition d’une partie d’Israël et dans leur substitution , Il dispose l’insertion des peuples gentils dans le grand olivier de l’Eglise : « Je demande donc, dit l’Apôtre, serait-ce pour une vraie chute qu’ils ont bronché ? Certes non. Mais leur faux pas a procuré le salut aux païens afin que leur propre jalousie en fut excité » (Rm 11 11)

 

Pourquoi le choix d’Israël ?

 

Nous pouvons nous demander pourquoi Dieu a jugé qu'il était nécessaire de choisir un peuple qu'Il préparerait pen­dant deux mille cinq cents ans à accueillir le Messie, lequel naîtrait en son sein. Il est très difficile de répondre à une pareille question qui touche directement à l'économie du Salut. Comme l'écrivait déjà saint Paul. « Qui a connu la pensée du Seigneur ou qui a été son conseiller? »

 

Nous ignorons à peu près tout des expériences de l'huma­nité avant Abraham. La Genèse nous laisse supposer que des civilisations perverties ont été anéanties. (Déluge.) D'autre part, il est plus facile de préparer un groupe limité d'hommes à accomplir une mission que l'humanité tout entière. Le choix d'Abraham est beaucoup plus explicable. Celui-ci, par sa piété, son obéissance et son énergie, unies à une grande sagesse et une grande prudence, a toujours agi comme un fidèle serviteur de Dieu. Abraham qui possédait toutes les qualités d'un fonda­teur est un des plus grands saints de l'Ancien Testament.

 

Les événements importants d'ordre mystique sont très souvent précédés d'une période de préparation. Jean-Baptiste, le précurseur direct du Seigneur, a annoncé la venue du Rédempteur. Mais, avant lui, tous les prophètes d'Israël avaient annoncé que le Sauveur viendrait de Sion. La préparation de l'événement le plus important de l'histoire de l'humanité, la Rédemption, a duré environ deux mille cinq cents ans.

 

Le père Julio Menvielle poursuit ces considérations et lève un peu le voile sur le mystère du peuple d’Israël et son choix par Dieu.

 

Il s’exprime ainsi sur le peuple juif :

 

Ainsi est grand ce peuple parce que il est choisi par Dieu, consacré, sanctifié pour signifier et nous apporter dans sa chair, le Christ, cet « Autre » qui devait venir, Celui qui était l’objet de la foi d’Abraham, Celui qu’attendaient les Nations.

C’est là ce qui est terrible chez ce peuple : sa chair est sanctifiée et stigmatisée pour nous « apporter Celui qui est la Vérité et la Vie ; qui est le salut des hommes »,  l’objet des Promesses faite à Abraham. Mais pourquoi cette chair est-elle sainte ? Pourquoi est-elle de la lignée d’Abraham et pourquoi doit-elle nous apporter le Christ ? En d’autres termes, est-ce le Christ qui sanctifie le lignage juif, ou est-ce le lignage juif qui sanctifie le Christ ?

C’est alors que le Christ, comme l’avait prédit Isaïe (Rm 9 32) a été mis comme pierre d’achoppement et de scandale parmi ce peuple. Parce que si ce peuple, avec l’humilité d’Abraham, croit au Christ qui sanctifie son lignage, il est appelé à être racine et tronc d’un olivier frondescent qui est l’Eglise de Jésus Christ. Mais  si par contre une partie de ce peuple rejette le Christ en se basant sur l’orgueil de sa race, il est appelé à être la racine et le Cep d’une vigne sauvage qui ne produit que des fruits amers de péché.

 

Et c’est cette distinction qui est capitale dans le jugement que nous portons sur le peuple juif.

 

Si je considère le peuple juif dans cette attente et cette réception du Messie, mû toujours par  cette foi d’Abraham en la Promesse, alors est vrai le jugement de « Nostra aetate », repris hier, jeudi 12 mars 2009 par le pape Benoît XVI.

 

Nostra aetate enseigne :

«  Scrutant le mystère de l'Eglise, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée Abraham.

L'Eglise du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d'Abraham selon la foi , sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l'Eglise est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C'est pourquoi l'Eglise ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l'antique Alliance, et qu'elle se nourrit de la racine de l'olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage que sont les Gentils .L'Eglise croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même des deux a fait un seul.

L'Eglise a toujours devant les yeux les paroles de l'apôtre Paul sur ceux de sa race "à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, et de qui est né, selon la chair, le Christ" (Romains, 9, 4-5), le fils de la Vierge Marie. Elle rappelle aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l'Eglise, sont nés du peuple juif, ainsi qu'un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l'Evangile du Christ ».

Cela est vrai pour le peuple juif animé de la foi d’Abraham.

Ces propos de Nostra aetate viennent d’être repris par le Pape Benoît XVI alors qu’il recevait le jeudi 12 mars 2009  un groupe de travail composé de juifs et de chrétiens :

: « L'Eglise, a affirmé Benoît XVI, reconnaît que les commencements de sa foi se trouvent dans l'intervention divine historique dans la vie du peuple juif, et que c'est là que se fonde notre relation unique. Le peuple juif, qui a été choisi comme le peuple élu, communique à toute la famille humaine la connaissance et la fidélité au Dieu Un, unique et vrai. Les chrétiens sont heureux de reconnaître que leurs racines se trouvent dans la même auto-révélation de Dieu, qui a nourri l'expérience religieuse du peuple juif ».

 

Ainsi si ce peuple accepte le Christ, il sera le principal, le meilleur de l’Eglise. Il sera la racine et le tronc de cet olivier qui produit des fruits pour la vie éternelle, comme l’enseigne l’Apôtres. Mais s’il repousse le Christ, il  sera aussi le principal, i.e. le pire dans le royaume de l’iniquité. Saint Paul le souligne clairement dans son Epître aux Romains : Rm 2 9.

 

Le juif est premier dans l’ordre de la bonté dans le mystère de la grâce. Juif alors, le tronc de l’arbre qui est l’Eglise. Le Concile a raison de le souligner. Juifs, les Patriarches ; juifs les prophètes ; juif, le Baptiste, le Précurseur, juif, saint Joseph, juive, la Mère de Dieu, juif, notre adorable Seigneur, en qui sont bénies toutes les nations. Juifs les Apôtres, les Evangélistes, juif le Proto martyr saint Etienne. Quel peuple que ce peuple théologique, devenu, dans la fidélité à la Foi d’Abraham, le tronc de l’arbre de l’Eglise ! Devant cet olivier, que valent les peuples gentils qui ne sont que pauvres olivâtre. Que vaut la puissance de Rome ou la sagesse des Grecs ? Sottise et niaiserie, comme le dit saint Paul parce qu’elles ne servent absolument à rien pour le salut. Les gentils, comme les Grecs à leur tête, s’ils veulent entrer dans la voie du salut, doivent entrer par charité, profitant du rejet de quelques juifs pour pouvoir être greffés. Aussi l’Apôtre dit-il que la chute d’une partie du peuple juif : « est devenue une occasion de salut pour les Gentils. Si quelques branches ont été coupées, et si toi, peuple gentil, qui n’es qu’un olivâtre, as été greffé à leur place et fais participant de la sève qui monte de la racine de l’olivier. Tu n’as pas à te glorifier contre les branches. Et si tu te glorifies, sache que tu ne te nourris pas à la racine, mais la racine à toi » (Rm 2 16-18)

 

C’est le père Julio Meinvielle qui s’exprime ainsi.

 

Mais plus est élevé la grandeur d’Israël qui a été prédestiné dans le Christ, plus grand devra être sa fidélité au Christ.

 

Malheur alors à ce peuple s’il en vient à répudier Celui qui est son salut ! Alors il continuera à être le premier, mais le premier dans l’iniquité. Judas le traite fut juif. Juifs, Anne et Caïphe. Juif le peuple qui se réjouissait du sang du Sauveur et qui clamait que son « sang retombe sur nous et sur nos enfants ». Juifs, ceux qui lapidèrent Saint Etienne. Juifs ceux qui donnèrent la mort à Saint Jacques. Juifs, ceux qui s’opposèrent à la prédication de l’Apôtres. Le crime le plus grand de tous les temps, la mort de l’Homme-Dieu a été perpétrée par ce peuple, qui a mérité pour cela le nom de « perfide »

 

Où est la racine du péché et de toutes les erreurs judaïques ? Dans le fait « qu’une partie de ce peuple » a cru que les promesses faites aux juifs à cause du Christ qui devait naître d’eux, furent faites à sa chair, à sa généalogie.

 

En d’autres termes, au lieu de s’apercevoir que si le peuple juif était le peuple de prédilection, il l’était par le Christ. Eux, dans leur aveuglement, crurent que ce fut le Christ qui eut de quoi  se glorifier de sa descendance généalogiques. Ainsi ce n’était pas du Christ que venait sa gloire mais de la chair d’Abraham. Aussi les pharisiens, incarnation véritable de cet esprit d’iniquité, disaient-ils avec orgueil, pour ne pas accepter le Christ : « Nous avons Abraham pour père ». Leur péché consista alors à rendre charnelles les divines promesses. De cette façon, ils donnèrent valeur de substance à ce qui n’était que figure. Ils attendirent le salut de ce qui n’était que signe. Et du « Messie » qui était Celui qu’on attendait pour apporter au monde la grâce de la vérité, ils firent un dominateur politique, terrestre qui devait assurer et perpétrer la grandeur d’Israël sur toutes les nations assujetties comme esclaves à l’empire judaïque. A cette lumière que pouvait valoir ce pauvre fils de charpentier ?

 

Il est bien clair que l’Eglise ne se reconnaît pas en cette partie du peuple juif. Et qu’elle ne partage en rien cette « foi mondaine, politique et dominatrice», mais ce n’est plus la foi qui soutenait Abraham, et les Prophètes.  Et c’est pourquoi, si l’on veut être honnête intellectuellement, il faut toujours préciser cette distinction et éviter l’équivoque qui peut être fatal sur le « mystère d’Israël ». C’est pourquoi si l’enseignement de Nostra aetate est juste sous un certain aspect, il pêche par équivocité. Une partie du peuple juif a été infidèle à son propre « mystère », à sa propre « élection ». De quel « mystère d’Israël » veut-on parler ? Il eut fallu que cela soit dit. Et cela ne l’a pas été. Voila pourquoi nous demandons que cette « équivoque » soit enlevée de ce texte conciliaire. Ce devrait être possible. Il ne faut jamais oublié les figures de l’Ancien Testament, celles en particulier « d’Ismaël et d’Isaac », celle « d’Esaü t de Jacob », celle de « Caen et d’Abel ».

 

 

III. -- LES RAISONS DE L'AVEUGLEMENT D'ISRAËL

 

Il y a des raisons d'ordre naturel et des raisons d'ordre surnaturel.

Les Juifs, plus spécialement ceux de Jérusalem, ont été abusés par leurs grands prêtres et par leurs scribes, qualifiés de sépulcres blanchis par Notre Seigneur. Avec saint Thomas d’Aquin nous l’avons vu dans Item du 6 mars 2009.

 

Israël attendait un Messie qui le délivrerait de la domination romaine. Comment les gens simples auraient-ils pu comprendre, puisque les autorités religieuses ne le leur expliquaient pas, que cette libération serait d'ordre spirituel et que le Messie viendrait sur terre pour les libérer du péché afin de leur permettre de jouir des béatitudes éternelles. Cela dépassait la compréhension du plus grand nombre.

 

Le peuple juif qui a toujours eu de l'inclination pour le veau d'or (il n'est pas le seul) attendait un roi qui lui apporterait la puissance terrestre et les richesses tangibles de ce monde. Comment aurait-il pu reconnaître ce roi tellement désiré dans la personne de ce modeste charpentier de village, lui-même fils de charpentier, qui avait mené une existence aussi obscure pendant trente ans ?

Ce sont là des raisons d'ordre naturel qui viennent à l'esprit.

 

Mais il y a sans doute des raisons plus profondes qui échappent en grande partie à nos intelligences humaines. Dieu, pour qui tout est un éternel présent, n'ignorait pas qu'Israël n'accomplirait qu'une partie de sa mission. C'est au sein d'Israël qu'a mûri ce fruit .merveilleux, ce plus grand trésor de l'humanité qu'est la Vierge Marie destinée à donner naissance à la seconde personne de la Trinité. Il aura fallu attendre plus de deux millénaires, mais ce qui est précieux exige souvent une longue maturation.

La Très Sainte Vierge, saint Joseph, et le Messie dans sa forme charnelle sont de la postérité d'Abraham. Ainsi, le plan de Dieu a été réalisé dans les événements les plus importants de l'humanité : l'Incarnation et la Rédemption.

 

Mais ensuite, ce plan de Dieu a été modifié à cause de l'endurcissement et de l'aveuglement des Juifs. Dieu a respecté leur liberté ; Il ne leur a pas imposé la foi en Jésus-Christ (ce qu'Il aurait pu faire en ouvrant de force leur intelligence et leur cœur). Mais Il a modifié son plan d'économie de notre Salut.

 

Le pacte d'alliance ayant été rompu par Israël, la grâce de Dieu s'est reportée directement sur les nations. C'est ce que saint Paul explique aux Romains quand il dit que « par la chute d'Israël, le salut est arrivé aux nations » et « que cette chute a été la richesse du monde » (Rom.11  11-12). La Sainte Eglise Catholique Romaine que nous avons vue se développer au cours de ces deux derniers millénaires n'aurait sans doute pas eu la même forme si Israël n'avait pas trahi sa mission et était demeuré « un royaume de prêtres, une nation sainte » destinée à éclairer et à instruire l'humanité.

 

Israël, cependant, est resté un peuple messianique. Mais son messianisme a changé de nature. N'étant plus au service de Dieu, il a mis sa vive intelligence à la disposition des puissances du monde. Le messianisme révolutionnaire de certains Juifs n'est qu'une transposition, une contrefaçon démoniaque du messianisme véritable qui devait être la propagation de la foi en Jésus-Christ.

 

Et sous ce rapport, nous n’avons rien de commun avec cet « Israël » là. Nous l’avons dit. Et même, sous ce rapport, nous devons nous protéger. Ce fut toujours l’attitude l’Eglise Et c’est pourquoi nous avons du mal à comprendre ce conseil de Nostra aetate : « Du fait d'un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l'estime mutuelles, qui naîtront surtout d'études bibliques et théologiques, ainsi que d'un dialogue fraternel » : ce  que Benoît XVI veut poursuivre. (Cf sa lettre du 10 mars 2009).  Nous craignons. Nous le disons. L’histoire nous encourage à ne pas taire notre avis. « Estime mutuelle » ! Il faudrait préciser.

 

 

Dieu seul peut tirer du mal un plus grand bien. Il est possible, il est même probable que cet éclatement de la foi à travers le monde, ce ruissellement de vérités sur l’humanité, en dehors du canal d'Israël, ait constitué un très grand bien. Ainsi ont été réalisées les paroles du prophète Osée, citées par saint Paul: « J'appellerai mon peuple celui qui n'était pas mon peuple et bien-aimée celle qui n'était pas la bien-aimée et dans le lieu où il leur avait été dit : vous n'êtes pas mon peuple, là ils seront fils du Dieu vivant » (2) (Osée II 1-25).

 

Beaucoup de catholiques, parce que l'on n'a pas attiré suffisamment leur attention sur ce fait, n'ont pas compris que l'aveuglement d'Israël et sa chute ont permis au « grand mystère » (Eph. 5-32), « le mystère caché aux âges et aux générations » (Eph. 3-9) d'être manifesté. « Ce mystère, c'est que les païens sont cohéritiers, forment un même corps et participent à la même promesse dans le Christ-Jésus (Eph. 3-6).

 

Les Juifs savaient que le salut de Dieu parviendrait aux païens, mais ils croyaient qu'il leur serait dispensé par leur intermédiaire. « Le salut vient des Juifs ». Ils ne pouvaient imaginer, parce qu'aucun prophète ne l'avait enseigné, que les païens recevraient le salut directement sans dépendre des Juifs et plus tard qu'« un seul corps » serait formé, identifié au « corps même du Christ » dans lequel les païens convertis seraient placés en égalité absolue avec ceux d'Israël. Et là, le Concile a raison de rappeler cette grande vérité. Car, on le sait Israël se convertira. Ainsi l’annonce clairement et glorieusement l’Apôtre, les juifs se convertiront. « Et si leur faux pas a fait la richesse du monde et leur amoindrissement la richesse des païens, que ne fera pas leur totalité (Rm 11 12) Et plus loin : « Car si la mise à l’écart fut une réconciliation pour le monde, que sera leur admission sinon une résurrection d’entre les morts (Rm 11 15) Saint Paul a bien soin de faire remarquer que la chute d’Israël s’est faite provisoire et uniquement en faveur des Gentils. « Car je ne veux pas, frères, vous laisser ignorer ce mystère, de peur que vous ne vous complaisiez en votre sagesse ; une partie d’Israël s’est endurcie jusque ce que soit entrée la totalité des païens et ainsi tout Israël sera sauvé, comme il  est écrit : de Sion viendra le Libérateur pour ôter les impiétés du milieu de Jacob. Et voici quelle sera mon alliance avec eux lorsque j’effacerai leurs péchés » Rm 11 25-27)

 

Saint Paul a eu connaissance de ce mystère « caché de tous temps en Dieu ». Nous devons le croire puisqu'il nous le dit: « A moi, écrit-il, cette grâce a été accordée... de mettre en lumière quelle est la dispensation du mystère caché... afin que les principautés et les puissances dans les lieux célestes (on pense que les anges eux-mêmes ignoraient ce mystère) connaissent maintenant, par l'Eglise, la sagesse infiniment variée de Dieu » (Eph. III, 8-10).

 

IV. - LES CHATIMENTS D'ISRAËL

 

Les châtiments d'Israël, quand il serait infidèle à son Dieu, avaient été annoncés par les prophètes.

 

Déjà, Dieu avait révélé à Abraham le premier grand châtiment qui s'abattrait sur le peuple hébreu, c'est-à-dire la captivité d'Egypte : « Sache bien que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera pas à eux et ils y seront en servitude et on les opprimera pendant quatre cents ans. (En réalité leur captivité a duré 430 ans). Mais je jugerai la nation à laquelle ils auront été asservis et ensuite ils sortiront avec de grands biens » (Gen. XV, 13-14).

Dans les textes du Deutéronome, l'Eternel annonce les captivités assyrienne et babylonienne: « Tu engendreras des fils et des filles et ils ne seront pas à toi car ils iront en captivité » (Deut. XXVIII, 41). Et encore: « Pour n'avoir pas, au milieu de l'abondance de toutes choses, servi l'Eternel, ton Dieu, avec joie et de bon cœur, tu serviras au milieu de la faim, de la soif, de la nudité et de la disette de toutes choses, tes ennemis que l'Eternel enverra contre toi » (Vers. 47-48).

 

L'occupation romaine avait été prédite et précisée par ce même texte avec des détails impressionnants. « Une nation fondra sur toi d'un vol d'aigle, une nation dont tu n'entendras pas la langue, une nation au visage farouche et qui n'aura ni respect pour le vieillard, ni respect pour l'enfant » (Vers. 47-51).

Le terrible siège de Jérusalem par les légions de Titus, en l'an 70 de notre ère, était annoncé quinze siècles à l'avance. « Au milieu de l'angoisse et de la détresse où te réduira ton ennemi, tu mangeras le fruit de tes entrailles, la chair de tes fils et de tes filles » (Vers. 52-57).

Or, nous savons par l'historien Flavius Josèphe, témoin oculaire de ce siège, que des femmes ont été contraintes de manger leurs enfants.

Il semble bien aussi que Moïse avait annoncé le plus grand châtiment qui allait frapper Israël, la Diaspora qui allait durer deux mille ans, châtiment mérité par le refus du peuple élu de reconnaître le Messie annoncé par tous les prophètes. « L'Eternel te dispersera parmi tous les peuples d'une extrémité de la terre à l'autre. Parmi ces nations, tu ne seras pas tranquille et tu n'auras pas un lieu de repos. L'Eternel rendra ton cœur agité, tes yeux languissants, ton âme souffrante. Ta vie sera comme suspendue devant toi, tu trembleras la nuit et le jour, tu douteras de ton existence... » (Vers. 64-66).

 

Les prophéties du Deutéronome concernant la prise de Jérusalem, sa destruction et la dispersion d'Israël au sein des nations ont été confirmées par Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même lorsqu'Il montait à Jérusalem pour subir sa passion. « Mais lorsque vous verrez des armées investir Jérusalem, sachez alors que sa désolation est arrivée... Car ce seront des jours de châtiment, en accomplissement de tout ce qui est écrit. Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jour-là car il y aura une grande détresse sur la terre et colère contre ce peuple. Ils tomberont au fil de l'épée et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations... »

 

Au cours des siècles la plupart des auteurs catholiques ont déclaré que ce châtiment exceptionnel des Juifs était la conséquence de leur « déicide ». On fait observer maintenant que la postérité des Juifs de Jérusalem qui ont réclamé la mort du Messie ne constitue qu'une minorité par rapport à la postérité des Juifs de Palestine et de celle des Juifs déjà installée à l'étranger. Dans la déclaration conciliaire sur les Juifs, le Concile Vatican II a écarté la qualification de peuple déicide :

 

« Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps » ([2]).

 

Mais saint Pierre apostrophait les hommes d'Israël ainsi :

 

« Oui, vous avez renié le Saint et le Juste et vous avez demandé que vous soit accordée la grâce d'un assassin. Vous avez tué l'auteur de la vie » (Act. III, 14-15).

 

De même, l'apôtre des Gentils a dit des Juifs: « Ce sont eux qui ont tué le Seigneur Jésus et les prophètes et nous ont persécutés et ils ne plaisent pas à Dieu » (I Th. II, 15-16).

 

Et les Pères de l'Eglise estimaient que tous les Juifs étaient directement responsables de la crucifixion de Jésus parce que les descendants de ceux qui avaient tué Jésus, en persistant dans l'infidélité et en s'obstinant à ne pas reconnaître dans Jésus le Messie attendu et à persécuter ses disciples, actualisaient en quelque sorte le péché de leurs pères.

 

Dans l'Europe chrétienne, cette qualification de « peuple déicide » a certainement provoqué des persécutions, mais, à un autre point de vue, elle a contribué à séparer les Juifs des autres peuples, les empêchant d'être absorbés définitivement par les nations.

 

Les prophéties de l'Ancien Testament, confirmées par les faits, prouvent que les Juifs n'ont pas toujours été ces agneaux innocents, persécutés sans cesse injustement, comme cherchent à le démontrer leurs frères qui détiennent actuellement une grande partie des moyens de communication sociale (presse, radio, télévision).

 

Dieu Lui-même par la voix des plus grands prophètes d'Israël, a porté contre eux des jugements qui, de nos jours, seraient considérés comme des propos racistes. Telles ces paroles d'Ezéchiel : « Fils de l'homme, ceux de la maison d'Israël, quand ils habitaient sur leur terre, l'ont souillée par leur conduite et par leurs œuvres... Je les ai dispersés parmi les nations et ils ont été disséminés dans les pays. Je les ai jugés selon leur conduite et selon leurs œuvres. Arrivés chez les nations où ils sont allés, ils ont déshonoré mon saint nom quand on disait d'eux: « C'est le peuple de Dieu, c'est de son pays qu'ils sont sortis... » (Ez. XXXVI 16-20).

 

Mais si Dieu a jugé son peuple et l'a châtié, nous devons nous garder de persécuter les Juifs injustement. L'attitude des papes a toujours été, vis-à-vis d'eux, pleine de sagesse. C'est dans les États Pontificaux, qu'au cours des temps, les Juifs ont été le moins inquiétés ([3]). Chacun connaît le vieil adage « qui mange du pape en crève ». Il en est de même pour les Juifs lorsqu'on les persécute injustement et surtout quand on cherche à les détruire. La promesse faite à Abraham demeure intacte. « Je maudirai ceux qui te maudiront » (Gen. XII, 3). L'Allemagne nazie en a fait récemment l'expérience.

Bien que cela n'entre pas dans notre sujet, nous pouvons, nous Français, en méditant sur les châtiments d'Israël, penser à ceux que nous avons mérités car, nous aussi, nous appartenons à une nation qui a reçu de Dieu une mission, une nation qui est fille aînée de l'Eglise. Or, cette nation, en rejetant toute référence à Dieu dans les dernières constitutions qu'elle a adoptées, a officiellement apostasié. En légalisant l'avortement, elle a enfreint la loi naturelle et le Décalogue. Comment Dieu va-t-Il nous faire expier nos péchés d'apostasie, ainsi que le non-respect de ses commandements et de ceux de son Église ? La décomposition rapide de notre société, la disparition progressive de l'autorité ne sont-elles pas les signes annonciateurs d'épreuves plus douloureuses encore ?

 

 

 

V. - LE MIRACLE DE LA SURVIE D'ISRAËL ET DE SON RÉTABLISSE­MENT SUR LA TERRE DE SES ANCÊTRES

 

a) Le miracle de la survie.

 

Il n'existe pas d'exemple comparable dans l'histoire de l'humanité.

Que ce petit peuple dont le nombre ne dépassait pas la population bretonne ou picarde, ait pu subsister pendant près de deux mille ans hors de son territoire, et sans être absorbé par les nations, constitue un fait prodigieux.

 

Qu'il ait pu ensuite créer une force politique et militaire suffisante pour reconquérir la terre de ses ancêtres, malgré l'hostilité des peuples arabes et l'opposition de plusieurs grandes puissances, constitue un autre fait qui n'est pas moins surprenant.

 

Même les catholiques les plus viscéralement hostiles aux Juifs ne peuvent nier la réalité quasi miraculeuse de ces faits. Ils prétendront sans doute que cette entreprise sioniste soutenue par les Juifs du monde entier, n'a aucun caractère religieux, est artificielle et temporaire et que les peuples arabes, lorsqu’ils se seront organisés, sauront y mettre un terme.

Il est exact que les sionistes ont, pour la plupart, cessé de pratiquer la religion de leurs ancêtres. Il est très probable aussi qu'il y ait eu, lors de la création de l'État d'Israël et au cours de ces dernières années, des gens dont les projets et les ambitions étaient plus proches des intérêts des puissances du monde que du règne de Dieu. Mais cela ne signifie rien parce que tout concourt à la réalisation du plan du Seigneur lorsque le moment est venu. Même le diable a été parfois un instrument très efficace dans la réalisation du plan divin. C'est ce qu'exprime le proverbe « le diable porte pierre ».

 

A ce propos, il serait évidemment cynique de suggérer aux Israéliens d'élever des statues à Adolf Hitler. Cependant, quand on y réfléchit, on s'aperçoit que ce démoniaque a été plus utile au mouvement sioniste que tous les gouvernements d'Israël. C'est lui, en effet, qui, par ses persécutions, a provoqué l'exode des Juifs d'Europe vers la Palestine.

Les démoniaques, pas plus que le démon, ne connaissent l'avenir, mais l'esprit qui les inspire leur donne parfois d'éton­nantes prémonitions. Hitler, avant d'entreprendre sa grande  persécution a écrit dans « Mein Kampf » les lignes suivantes : « Tandis que j'étudiais l'influence exercée par le peuple juif à travers de longues périodes de l'histoire, je me demandais souvent avec anxiété si le destin dont les vues sont insondables ne voulait pas, pour des raisons inconnues de nous, pauvres hommes, et en vertu d'une décision immuable, la victoire finale de ce petit peuple. »

La victoire finale appartient en réalité à Notre Seigneur qui a vaincu le monde en le libérant du péché et à ses saints ; mais l'intuition d'Hitler se demandant avec « anxiété » si ce peuple ne survivrait pas à ses persécutions, « en vertu d'une décision immuable », est assez extraordinaire.

Nous savons maintenant qu'il a survécu à cette tentative de génocide et au nazisme.

 

b) Les raisons de la survie.

 

Il existe des raisons d'ordre naturel et des raisons d'ordre surnaturel qui expliquent la survie d'Israël.

Le peuple juif est peut-être le plus xénophobe de la terre en ce qui touche à son identité et à sa conservation. Un non­ Juif ne peut que très difficilement devenir citoyen de l'État d'Israël, encore moins accéder à son gouvernement. Au cours de la Diaspora, leurs chefs religieux, leurs rabbins les ont maintenus dans une stricte observance de leurs coutumes et de leurs lois. Ils possèdent aussi un esprit d'entraide qui est remarquable. Par ailleurs, ce terme de « peuple déicide », nous l'avons dit, les a préservés de rapports trop intimes avec les Chrétiens.

 

Mais la raison surnaturelle de leur survie, en tant que peuple, est la volonté de Dieu. L'Éternel, comme Il l'avait annoncé par les prophètes, a châtié ce peuple, mais il n'a jamais été dans ses intentions de le détruire. Bien au contraire, de nombreuses prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testament prouvent qu'Il a toujours eu l'intention de le ramener sur la terre de ses ancêtres et de le convertir, quand le temps des nations (c'est-à-dire le temps du privilège religieux des nations sur Israël) sera accompli.

 

c) Le temps des nations.

 

Le temps des nations annoncé et décrit par les prophètes Jérémie, Ezéchiel et Daniel est confirmé par saint Paul et par Notre Seigneur Lui-même lorsqu'Il a prophétisé sur Jérusalem avant d'y subir sa passion. « Ils tomberont au fil de l'épée et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis » (Luc XXI, 20-25, traduction de Crampon).

 

Alors que dans l'Ancien Testament, Israël était séparé des nations et uni à Dieu, dans le Nouveau et jusqu'à la fin du temps des nations, Israël est séparé de Dieu et dispersé, pour son châtiment, parmi les nations.

 

La fin du temps des nations viendra quand Jérusalem ne sera plus foulée aux pieds par les nations (depuis la guerre du Yom Kippour - elle a eu lieu à l'époque de la fête juive du Grand Pardon - Jérusalem est retombée sous l'autorité du peuple juif), mais encore quand « l'esprit de grâce et de supplication » sera répandu sur la véritable postérité d'Abraham, lorsque les Juifs reconnaîtront celui « qu'ils ont percé » pour leur seul et véritable Messie annoncé par les prophètes. En un mot le temps des nations prendra fin avec la conversion de ceux des Juifs qui constituent la véritable postérité d'Abraham. Car là encore il faut faire la distinction que faisait saint Paul quand il écrivait: « Tous ceux qui descendent d'Israël ne sont pas Israël et pour être la postérité d'Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants » (Rom. IX, 6-7).

(De même, tous les Français ne sont pas, en esprit, des fils de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis.)

 

d) Les textes concernant le retour d'Israël sur sa terre et sa conversion.

Ils sont extrêmement nombreux et il est impossible de les citer tous.

 

Déjà, dans le Deutéronome, il était mentionné à propos des Bénédictions et des Malédictions que lorsque le peuple juif se repentirait, Dieu aurait pitié de lui: « Ton Dieu ramènera tes captifs... Quand tu serais exilé à l'autre extrémité du ciel, l'Éternel ton Dieu te rassemblera de là et c'est là qu'Il t'ira chercher. L'Éternel, ton Dieu, te ramènera dans le pays que possédaient tes pères et tu le posséderas, il te fera du bien et te rendra plus nombreux que tes pères » (Deut. XXX, 1-5).

 

Et le prophète Ezéchiel, dans ses grandes prophéties qui semblent bien concerner les événements de la fin des temps, précise: « Je vous tirerai d'entre les nations, je vous rassem­blerai de tous les pays et je vous ramènerai sur votre terre... de toutes vos souillures et de toutes vos abominations je vous purifierai. Et je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai au-dedans de vous un esprit nouveau... Vous habiterez le pays que j'ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu » (Ezéchiel XXXVI, 16-28). Ainsi parle le Seigneur Dieu: « Le jour où je vous purifierai de toutes vos iniquités, je rendrai aux villes leurs habitants et ce qui est en ruine sera rebâti. La terre dévastée sera cultivée, elle qui n'était que désolation aux yeux de tous les passants. On dira : Cette terre qui était dévastée est devenue comme un jardin d'Éden » (Ezéchiel, XXXVII, 33-35).

 

Or, cette prophétie est maintenant réalisée.

 

Mais Ezéchiel n'est pas le seul prophète de l'Ancien Testa­ment qui ait prophétisé la dispersion et le grand retour d'Israël sur sa terre.

 

Le prophète Amos qui vivait deux cents ans avant Ezéchiel avait déjà écrit : « Je ramènerai les captifs de mon peuple d'Israël ; ils bâtiront les villes dévastées et les habi­teront ; ils planteront les vignes et en boiront le vin ; ils feront des jardins et en mangeront les fruits. Et je les plan­terai sur leur sol et ils ne seront plus jamais arrachés de leur terre que je leur ai donnée, dit Yahweh, ton Dieu » (Amos IX, 14-15).

 

Saint Paul est peut-être celui qui a le mieux exposé le mys­tère d'Israël et il est significatif que cet enseignement ait été donné précisément aux Romains, citoyens d'une ville qui allait devenir la capitale de l'Église des Nations. « Je demande donc : Ont-ils bronché afin de tomber pour toujours ? Loin de là ! Mais par leur chute, le salut est arrivé aux nations de manière à exciter la jalousie d'Israël. Or, si leur chute a été la richesse du monde et leur amoindrissement la richesse des nations, que ne sera pas leur plénitude !..: Car si leur rejet a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration sinon une résurrection d'entre les morts ! ([4]). Si toi (habitant des nations) tu as été coupé sur un olivier de nature sauvage et enté, contrairement à ta nature, sur l'olivier franc, à plus forte raison les branches naturelles seront-elles entées sur leur propre olivier » (Rom. XI).

 

En dehors des textes prophétiques, de nombreux auteurs catholiques ont cru au retour d'Israël et à sa conversion qu'il ne faut pas confondre évidemment avec le triomphe de la Synagogue. La Synagogue n'a pas voulu reconnaître le Messie et a provoqué la chute d'Israël. La conversion, au contraire, doit être la reconnaissance par les Juifs du Messie et de l'Église, corps mystique du Christ, dont ils feront partie.

 

Les auteurs du Moyen Âge voyaient dans la réintégration d'Israël le signe caractéristique du troisième âge de l'Église et de la chrétienté. (Le chiffre 3 est celui de la Sainte Trinité). L'Ancien Testament (alliance avec Israël) aurait constitué le premier âge; le Nouveau Testament (temps des nations) le second âge et le troisième serait l'âge à venir.

Bossuet a écrit à propos d'Israël: « Le Sauveur que Sion avait méconnu et que les enfants de Jacob avaient rejeté se tournera vers eux, effacera leurs péchés et leur rendra

l'intelligence des prophéties qu'ils auront perdue pendant un long terme pour passer successivement et de main en main, dans toute la postérité et n'être plus oubliée jusqu'à la fin du monde et autant de temps qu'il plaira à Dieu de le faire durer après ces merveilleux événements. »

 

Les pères conciliaires eux-mêmes (Vatican II), après avoir écarté d'Israël l'accusation de peuple déicide, ont mentionné dans la déclaration sur les Juifs: « Avec les prophètes et l'apôtre saint Paul, l'Église attend le jour où tous les peuples invoqueront le Seigneur d'une seule voix et le serviront sous un même joug ». Et cette affirmation est heureuse !

 

VI. -- QUAND LA PROPHÉTIE VA-T-ELLE S'ACCOMPLIR ET PAR QUELS MOYENS?

 

L'avenir appartient à Dieu seul. Quand les disciples posèrent à Jésus la question « quel sera le signe de ta venue et de la fin de l'âge ? », il répondit: « Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le fils (en tant que fils de l'homme), mais le Père seul » (Mt XXIV, 35). De même, après sa résurrection, lorsque les apôtres lui demandèrent : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d'Israël ? », Il leur répondit : « Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité » (Actes I, 3-7).

 

Il est donc impossible de connaître les temps et les moments. Même les plus grands mystiques auxquels Dieu fait parfois la grâce de révéler certains événements à venir, ne peuvent en fixer la date. Ils déclarent seulement que, dans leur vision, ces événements paraissent proches ou encore lointains.

On peut penser d'ailleurs que dans le plan de Dieu, certains événements peuvent être avancés ou retardés par la prière des saints et par leurs sacrifices. Là encore, il s'agit d'un domaine où la liberté humaine exerce une influence qui peut être déterminante.

Ninive devait être détruite comme Sodome, mais ses habitants, après avoir entendu les avertissements du prophète Jonas, firent pénitence et le châtiment a été écarté.

D'autre part, il faut tenir compte du fait que les événements concernant les peuples ou les civilisations ne sont pas à l'échelle humaine. Il est toujours faux d'établir des calculs à la mesure d'une vie d'homme.

Seuls, les événements annoncés par les prophéties, lorsqu'ils se réalisent, peuvent constituer pour nous des signes de l'approche ou de la venue d'autres événements annoncés comme devant suivre les premiers. Mais il est impossible de préciser la durée de leur intervalle.

 

En ce qui concerne Israël, nous savons par Ezéchiel que le rétablissement des Juifs ou d'une partie des Juifs sur la terre de leurs ancêtres doit précéder leur conversion.

 

Nous savons que cette merveilleuse opération doit être effectuée en deux phases ; mais nous ignorons combien de temps il faudra pour ce rétablissement et quel sera le délai entre ce grand retour et leur conversion.

 

« Voici que je vais ouvrir vos tombeaux et je vous ferai remonter hors de vos tombeaux, ô mon peuple et je vous ramènerai sur la terre d'Israël. Je mettrai mon esprit en vous et je vous donnerai du repos sur votre sol et vous saurez que moi, Yahweh, je dis et j'exécute » (Ez. XXVIII, 12-14).

 

Les deux temps sont indiqués par la prophétie, mais quel délai faudra-t-il pour ramener les Juifs sur la terre d'Israël et quel sera l'intervalle avant la venue de l'Esprit? (Conver­sion).

 

De même, les hommes ont été créés avec une intelligence qui leur permet de procéder par déduction (alors que les anges n'ont qu'une intelligence intuitive).

 

Lorsque Notre Seigneur nous révèle dans la prophétie qui précède sa montée à Jérusalem, dont les deux premières parties sont maintenant réalisées (la destruction de Jérusalem et la Diaspora), que « Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis », nous pouvons déduire du fait que Jérusalem n'est plus foulée aux pieds par les nations, que l'humanité est entrée dans la période de la fin du temps des nations, laquelle serait d'après certains auteurs, le signe scripturaire du troisième âge de l'Église.

 

Mais tant que le rétablissement des Juifs en Palestine n'est pas terminé et surtout tant que l'Esprit de Dieu ne sera pas descendu sur eux (conversion), la fin du temps des nations n'est pas arrivée à son terme définitif.

 

Le troisième âge, du moins peut-on le supposer, ne commencera qu'avec cette con­version qui pourrait d'ailleurs être plus rapide que le rassemblement. L'Éternel a dit au prophète Zacharie : « J'enlèverai l'iniquité de ce pays en un jour » ([5]) (Zac. 3-9). Mais quand ce jour viendra-t-il ?

 

Toutefois, on doit penser que si les Juifs, de nouveau rassemblés sur la terre donnée à Abraham et rétablis politiquement, laissaient passer le délai fixé par Dieu pour leur conversion, comme ils l'ont fait une première fois après la Résurrection du Sauveur (les Juifs n'ont pas été dispersés immédiatement; il leur a été accordé un délai de cent vingt ans environ), ils retomberaient dans un état pire que le précédent.

C'est pour cette raison que certains catholiques constatant que les sionistes sont en grande majorité agnostiques ([6]), croient que la reconstitution de l'Etat d'Israël est une simple tentative des puissances juives internationales et qu'elle est vouée à l'échec. Ce n'est, disent-ils, qu'un feu de paille.

 

 

Personnellement, nous sommes d'un avis opposé; nous ne le pensons pas pour les raisons suivantes :

 

a) Nous savons que le rassemblement d'Israël doit précéder sa conversion. Or, ce rassemblement est seulement en cours. Il n'est pas encore terminé. Le fait que les Israéliens soient agnostiques n'a donc pas de signification. D'ailleurs, nous l'avons dit, seule, la véritable postérité d'Abraham est appelée à se convertir (filiation selon l'esprit).

b) La conversion d'Israël, c'est-à-dire la reconnaissance de Jésus-Christ comme seconde personne de la Trinité, sera une des plus grandes victoires de l'Église fondée sur Pierre. Elle est tout le contraire du triomphe de la Synagogue souhaité par certaines puissances juives internationales. Or, nous savons par les révélations de la Très Sainte Vierge à Fatima, qu'à la fin « le cœur de Marie triomphera » et « qu'un temps de paix sera donné au monde » après la conversion de la Russie. Ce triomphe de la Très Sainte Vierge serait-il complet si la véritable postérité d'Abraham, dont elle est issue, devait demeurer dans l'aveuglement? On doit noter aussi que l'année 1917 fut celle où le démoniaque Lénine instaura un régime qui devait conquérir une partie de la terre et persécuter ceux qui croient en Dieu; ce fut également l'année où, à Fatima, la Vierge Marie mit en garde l'humanité contre les périls et les erreurs qu'allait engendrer la Russie, prophétisant que si l'on écoutait ses demandes, celle-ci, à la fin, se convertirait ; enfin, ce fut au cours de cette même année qu'eut lieu la déclaration Balfour autorisant les Juifs à retourner en Terre Sainte ([7]). L'instauration du communisme athée, la mise en garde de la Mère de Dieu, l'autorisation donnée aux Juifs de retourner sur la terre d'Abraham datent de 1917. Or, il n'y a pas de hasard dans le plan de Dieu. Et ce qui existait en germe, en 1917, n'a cessé de croître depuis lors.

 

c) Il a fallu près de deux mille ans pour que la prière des Juifs « L'an prochain à Jérusalem » soit enfin exaucée. Il a fallu un concours de circonstances politiques et économiques assez exceptionnel pour que les Juifs dispersés parmi les nations obtiennent la restauration nationale d'Israël. La tentative effroyable du génocide hitlérien a certainement influencé les gouvernements des nations qui avaient remporté la dernière guerre. En 1945, les sionistes de France, lors de leur sixième congrès national, réclamaient « la création immédiate d'un État juif en Palestine ». Il était précisé: « Le congrès espère que, en raison de l'effroyable tragédie du peuple juif, les gouvernements français, anglais, américain et soviétique soutiendront efficacement les revendications légitimes du peuple juif, notamment :

 

« 1) La création immédiate d'un État juif dans les limites historiques de la Palestine.      _

2) La reconnaissance de l'Agence juive pour la Palestine comme gouvernement provisoire de l'État juif en Palestine.

 3) L'ouverture immédiate des portes de la Palestine pour une immigration massive de tous les Juifs désireux de s'y établir." (Le Monde, 14 février 1945.)

Tout cela a été réalisé assez rapidement.

Or, actuellement ce ne serait sans doute plus possible en raison de l'énorme pression que font subir les peuples arabes sur les nations occidentales, grâce à l'arme du pétrole.

 

d) La restauration nationale d'Israël a suivi de peu la plus effrayante expiation, la purification la plus terrible qui puissent être exigées d'un peuple. Les Juifs qui pénétraient dans les camps de la mort ont pu prononcer les paroles qu'avait mentionnées, le prophète Ezéchiel deux mille cinq cents ans auparavant. « Notre espérance est morte, nous sommes perdus ». Comment douter que Dieu, après avoir permis une pareille expiation, ne préside pas Lui-même à la restauration de la véritable postérité d'Abraham ! Dieu châtie, puis Il donne sa grâce.

 

e) La restauration nationale d'Israël n'est qu'un des signes de l'approche de la fin du temps des nations. (Qu'il ne faut pas confondre avec la fin du monde.)

Les Écritures et les mystiques auxquels Dieu a donné l'intelligence des Textes sacrés, nous enseignent que les autres signes annonciateurs de la fin des temps seront constitués par de grands bouleversements dans le monde et par l'apostasie des nations chrétiennes ([8]).

C'est un fait qu'actuellement, tous les pays du monde ont rarement connu pareille effervescence. L'agitation touche toutes les nations. C'est un fait également facile à constater que les principales nations chrétiennes ont apostasié, qu'il s'agisse de la Sainte Russie ou des peuples d'Occident qui ont repoussé la Royauté sociale de Notre Seigneur. Il suffit de considérer dans quels abîmes les cinq démocraties laïques et maçonniques ont conduit la France, fille aînée de l'Église. De bons auteurs ont même dit qu'elles étaient à l'image des cinq plaies de Notre Seigneur.

 

Et le pape Benoît XVI exprime l’anxiété de son cœur, sa préoccupation majeure dans sa lettre du 10 mars 2009 lorsqu’il dit aux évêques : « A notre époque où dans de vastes régions de la terre la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s’alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï ; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour poussé jusqu’au bout (Jn 13 1) – en Jésus-Christ crucifié et ressuscité. En ce moment de notre histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon  des hommes et que tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’en manifestent toujours plus en son sein ».

 

C’est bien l’apostasie des nations chrétiennes.

 

Saint Paul a écrit aux Thessaloniciens :« Pour ce qui concerne l'avènement de Notre Seigneur, que personne ne vous séduise d'aucune manière, car il faut que l'apostasie soit arrivée auparavant" (II Th., II, 1-3).

A propos de ce texte, on peut se poser bien des questions. Il a trait certainement à la fin du monde, lorsque Jésus-Christ reviendra pour abattre le véritable antéchrist (dans lequel Satan lui-même se sera incarné) et pour juger ses créatures. A ce moment-là restera-t-il un peu de foi sur la terre?

 

Mais ce texte peut concerner aussi les temps présents qui sont une préfiguration antichristique de ce qui adviendra à la fin du monde.

Il est très probable qu'il y aura un renouveau de l'Église qui devrait coïncider avec « ce temps de paix » prophétisé par la Mère de Dieu à Fatima, lorsque son Cœur immaculé aura triomphé. (C'est la période que les Pères de l'Église appellent peut-être le troisième âge). On peut penser, en effet, que le Seigneur va glorifier sa Sainte Mère en la faisant triompher des forces antichristiques qui asservissent le monde actuellement. (Se reporter également aux visions de sainte Catherine Labouré, rue du Bac). Le véritable antéchrist (possédé par Lucifer lui-même) doit être anéanti, nous enseignent les Écritures, par le Christ qui reviendra juger les vivants et les morts.

 

L'avenir appartient à Dieu et nous ignorons ce que sera ce temps de paix dans l'Église si ce n'est une période de « restauration », lorsque Dieu se sera réconcilié avec les hommes. Il est vraisemblable qu'il sera d'une plus courte durée que les précédents en raison du phénomène d'accélération de l'histoire. Il est possible que la conversion d'Israël entraîne de grands bouleversements dans l'Église, non pas en ce qui concerne la doctrine infaillible de celle-ci, mais dans ses formes actuelles.

 

Les séismes qui secouent l'Église depuis quinze ans font penser à l'ébranlement de la Synagogue, au début de l'ère chrétienne. Avec cette différence que l'Église a reçu de Dieu des promesses d'Éternité et qu'elle ne peut disparaître.

 

 

Une dernière question vient à l'esprit, elle est d'importance. Comment cette conversion se fera-t-elle ? Nous avons vu, en effet, comment s'effectuaient le rassemblement et la restauration nationale d'Israël, mais nous ignorons comment Notre Seigneur leur fera reconnaître qu'Il est le Messie, Fils du Dieu Vivant.

 

Nous savons que c'est Dieu seul qui ouvre les cœurs et éclaire l'intelligence. Mais sa grâce peut opérer plus ou moins rapidement.

Le Pape Pie XII qui avait des vues prophétiques annonçait que nous allions entrer « dans un printemps de l'histoire où ne feraient défaut ni les vents, ni les tempêtes... que l'Eglise n'avait pas fini son martyre... Dieu veuille, - disait il - qu'il soit un des plus beaux printemps que les hommes aient jamais vécus, après un des hivers les plus longs et les plus durs, un printemps qui précède un des étés les plus riches et les plus lumineux... Aucune autre époque, - disait-il encore - ne nous apparaît comme aussi, décisive que celle que vous vivez. » (Allocution à la jeunesse italienne, Doc. cath. 13 avril 1958.)

 

En 1957, dans son admirable message de Pâques, il s'écriait : « Venez, Seigneur Jésus ! L'humanité n'a plus la force d'écarter l'obstacle qu'elle-même a créé en cherchant à empêcher votre retour. Envoyez votre ange, ô Seigneur, et faites que notre nuit devienne lumineuse comme le jour. Combien de cœurs, ô Seigneur, vous attendent ! Combien d'âmes se consument pour hâter le jour où vous vivrez et régnerez seul dans les cœurs ! »

« Venez, Seigneur Jésus ! Il y a tant de signes que votre retour n'est pas loin 1... »

 

Pie XII ne voulait pas dire que Notre Seigneur régnerait Lui-même sur la terre au milieu des hommes (comme certains auteurs l'ont soutenu autrefois dans des doctrines qui ont été condamnées - millénarisme, etc.). Le règne du Saint Esprit est aussi le règne de Dieu. Or Pie XII a prononcé également ces paroles qui sont un éclaircissement à la question que nous nous posons à propos d'Israël, mais aussi de l'apostasie des nations : « Nous prions que Jésus hâte le jour qui doit venir où une nouvelle infusion du Saint Esprit enveloppera tous les soldats du Christ et les enverra apporter le salut parmi les misères de la terre. Et ce seront des jours meilleurs pour l'Église et à travers l'Église, pour le monde entier » (8 décembre 1954).

 

Ce que nous pouvons affirmer sans nous tromper, c'est que la conversion d'Israël et celle du monde retombé dans l'apostasie se fera, au moment choisi par Dieu, par la grâce de Dieu, au moyen d'une nouvelle infusion du Saint Esprit.

Quelle philosophie tirer de l'histoire du peuple élu, écarté à cause de son aveuglement pour être finalement accueilli comme le fils prodigue de l'Évangile ?

Quelle philosophie tirer de l'histoire du peuple témoin (il aura témoigné dans la fidélité comme dans l'infidélité) dont le destin est lié si intimement à celui des autres peuples que sa chute, nous dit saint Paul, aura été le salut des nations ?

 

Nous devons reconnaître que ces événements qui s'échelonnent sur plusieurs millénaires et qui constituent la trame de l'économie de notre salut dépassent nos intelligences humaines. S'ils surprennent les Chrétiens habitués aux vérités d'ordre surnaturel, ils demeurent incompréhensibles pour les athées et pour les païens qui en constatent les effets sans en com­prendre la cause.

 

Saint Paul, déjà, en avait conscience. S'adressant aux Romains, il s'écriait: « O profondeur inépuisable et de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles !», après qu'il leur eut donné une explication qui renferme sans doute la véritable philosophie de l'histoire de notre salut. « Comme vous-mêmes autrefois vous avez désobéi à Dieu, - précise-t-il -, et que par le fait de leur désobéissance, vous avez maintenant obtenu miséricorde, de même, eux aussi, ils ont maintenant désobéi à cause de la miséricorde qui vous a été faite afin qu'ils obtiennent également miséricorde. Car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous... » (Rom. XI, 30-34).

Ce qui domine l'histoire de l'humanité, c'est la miséricorde divine. Dieu a laissé martyriser son propre Fils pour le salut de l'humanité pécheresse. La Rédemption par l'Incarnation du Verbe, est le plus grand acte d'amour que Dieu ait imaginé. Cette miséricorde est liée à l'amour infini qu'Il a pour les hommes. Elle est le plus grand attribut de Dieu, comme la faiblesse est le caractère déterminant de l'homme depuis le péché originel.

 

Mais Dieu le sachant, se complaît dans la faiblesse quand elle s'accompagne d'une véritable humilité. Si tous les hommes et tous les peuples ont été « enfermés dans la désobéissance », c'est pour qu'ils aient toujours conscience de leur dépendance vis-à-vis de leur Créateur, afin qu'ayant péché, ils se tournent vers Lui et obtiennent miséricorde ([9]).

 

Et c’est pourquoi la conclusion de Nostra aetate est belle : «  D'ailleurs, comme l'Eglise l'a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s'est soumis volontairement à la passion et à la mort, à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l'Eglise, dans sa prédication, est donc d'annoncer la croix du Christ comme signe de l'amour universel de Dieu et comme source de toute grâce. »

 

Nota. - Nous nous sommes abstenus de parler des Arabes - ce n'était pas notre sujet. Il est évident que la restauration nationale d'Israël leur pose des problèmes qui paraissent insolubles. Depuis la Diaspora, des populations arabes se sont installées en Palestine et elles estiment que cette terre est devenue leur propriété.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]  Ce texte est inquiétant pour les peuples arabes qui peuvent penser qu'Israël revendiquera un jour ces territoires comme étant ceux qui lui ont été donnés par Dieu.

[2]  Déclaration Nostra Aetate

[3]  A noter également que les rois de France les ont rarement persécutés. Les pogromes ont eu lieu en Russie, en Pologne, en Europe de l'Est.

[4]  A rapprocher de la prophétie d'Ezéchiel dite « des ossements dessé­chés ». « Voici que je vais ouvrir vos tombeaux et je vous ferai remonter hors de vos tombeaux... ».

[5]  La reconquête de Jérusalem pendant la fête du . Grand Pardon » a demandé six jours. Le septième jour est celui de Dieu.

[6]  Des hommes comme Menahem Begin sont très religieux, mais c'est le petit nombre.

[7]  Cette déclaration promettait la création, en Palestine, après la paix d'un r Foyer national juif ».

[8]  Saint Jean Chrysostome (Bouche dbr), patriarche de Constantinople, interprétant saint Paul écrivait: « Paul dit que les Gentils, abusant peu à peu des grâces de Dieu, Celui-ci rappellera de nouveau les Juifs »

[9]  Le péché le plus grave, le péché sans doute impardonnable est le péché contre l'esprit ; c'est le péché de la créature orgueilleuse qui se prend pour Dieu et qui prétend égaler, si ce n'est dépasser Dieu. C'est le péché de Satan. C'est aussi le péché de la Révolution.