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 Un regard sur l’actualité politique et religieuse

 Au 13 octobre 2005

 N°61

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

Du 2 octobre au 23 octobre 2005

Le Synode

Le discours de Benoît XVI

 

Le 2 octobre, Benoît XVI a ouvert le Synode sur l’Eucharistie. Il a célébré, à 9 h 30, en la basilique Saint-Pierre, la messe d’ouverture du XIe synode entouré de 320 évêques du monde entier, dont 55 cardinaux, 7 patriarches. Et parmi les 256 pères synodaux, 216 sont élus par les conférences épiscopales ou participants de droit, 40 délégués sont de nomination pontificale, auxquels s’ajoutent une trentaine d’experts et d’auditeurs. Ils représentent les cinq continents et 118 nations et cultures.

Nous voulons analyser le discours qu’il adressa aux pères synodaux. C’est un discours important, quasi une « encyclique », sa première encyclique.

Avec ce discours, peut-on encore dire, comme Mgr Williamson ne cesse de le dire,   que « rien ne change dans l’Eglise » ? Je pose simplement la question.  Je me souviens de ce que Mgr Lefebvre lui écrivait et à ses confrères dans l’épiscopat : « lorsque sur le trône de Pierre viendra de nouveau un vrai successeur de Pierre, vous remettrez dans ses mains votre épiscopat… » Je cite de mémoire.  L’heure n’est-elle pas venue ?

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Toute cette homélie- encyclique est comme un commentaire du récit du prophète Isaïe en son chapitre V sur la création de la vigne du Seigneur, « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il en remua le sol, il en ôta les pierres, il la planta de ceps exquis. Il bâtit une tour au milieu et il y creusa aussi un pressoir… ».

Quelle sollicitude de la part du Seigneur, le Maître et propriétaire ! « Ainsi, comme le dit le pape, la vigne, comme, du reste, le vin, sont-ils devenus des images du don de l’amour, dans lequel nous pouvons faire dans une certaine mesure l’expérience de la saveur du Divin. »

Le Souverain Pontife, se fondant sur le sens symbolique du « vin et de la vigne », ainsi que sur le sens littéral de ce passage, développe, tout spontanément, l’idée de l’amour que l’homme doit porter à Dieu, au seul titre de la reconnaissance.  « Le premier enseignement des lectures d’aujourd’hui est celui-ci : à l’homme, créé à son image, Dieu a insufflé sa capacité d’aimer et donc la capacité de l’aimer Lui aussi, son Créateur ». « Dieu nous attend.  Il veut être aimé de nous : un semblable appel ne devrait-il pas toucher notre cœur ? ».

Et le pape interpelle son « auditoire », cardinaux, archevêques, évêques, les membres du Synode. Trouvera-t-il « en votre cœur », - mais il s’interpelle lui même, trouvera-t-il « en mon cœur », à moi, Pontife suprême, une vraie réponse d’amour ? Trouvera-t-il, au contraire, « indifférence », voire « commisération sur moi-même », donc finalement égoïsme et même « conflit » ? Saurons-nous répondre à son amour ? « Arrivera-t-il avec nous ce qu’il se passe avec la vigne, à propos de laquelle Dieu dit à Isaïe : « Il attendait de beaux raisins : elle donna des raisins sauvages » ? Donnerons-nous du bon vin ou seulement encore comme eux, du « verjus » ?

C’est une belle captatio des intelligences et des cœurs.

C’est un peu l’appel que Notre Seigneur adressait par trois fois à Saint Pierre. « Pierre m’aimes-tu ? ». Nous en connaissons la réponse. « Oui Seigneur vous savez bien que je vous aime ».

C’est donc ce même appel que Benoît XVI adresse à ses confrères dans l’épiscopat.

Les termes utilisés ne me semblent pas choisis sans raison. Benoît XVI parle de « commisération sur nous-même », « de conflit » », « d’indifférence ». L’amour que les participants au Synode sauront entretenir dans leur cœur sera la raison, a contrario, de leur zèle pour le vrai, de la paix des cœurs dans les débats synodaux, de leur application à ses  travaux.

Rien n’est plus difficile, en effet, que d’animer un groupe de clercs. Sont-ils « blasés » devant le sacré ?

Ceci dit, Benoît XVI reprend le beau récit de la vigne d’Isaïe. Se fondant sur la conclusion de la première strophe : « Il attendait qu’elle donnât des raisins, mais elle donna du verjus », il se pose la question : Mais en quoi consiste ce « verjus », « ce raisin sauvage » ? Il répond de suite, sans détour, je dirais même brutalement : « Le raisin sauvage, ce sont la violence, le sang répandu et l’oppression qui font gémir les peuples sous le joug de l’injustice ».

Serait-ce l’œuvre des autorités « politiques », des autorités « religieuses », du peuple lui-même ?  

Benoît XVI se réfère tout également au récit de l’Evangile, et tout particulièrement, à la parabole des « vignerons homicides », que tous vous connaissez. Ce que furent les vignerons homicides à l’égard du maître de la vigne et de ses serviteurs, lui refusant son titre de propriété et son propre pouvoir, les hommes d’aujourd’hui le sont  tout pareillement.

Il va expliciter l’analogie et se fonder sur elle pour porter un jugement de valeur sur le temps présent.

Les vignerons homicides sont aux messagers et ultimement à Dieu et à son Christ, ce que sont devenus les hommes modernes aujourd’hui vis-à-vis de Dieu et de son Christ. Ceux-la battent et tuent les messagers, envoyés de Dieu. Ils vont même jusqu’à tuer le Fils de Dieu, celui en qui Il se complait, le « Monogène ». Ceux-ci font de même. Ils sont tout autant « rebelles », « révoltés », « opposés », « hostiles » à Dieu.

Mais pourquoi les « vignerons agissent-ils ainsi ?  

Le pape répond clairement : « Leur motivation est simple : ils veulent devenir eux-mêmes les propriétaires. Ils prennent possession de ce qui ne leur appartient pas »

C’est toute l’histoire de l’humanité qui est ici décrite. Il en fut toujours ainsi.

Déjà sous l’Ancien Testament : « On trouve au premier plan l’accusation de violation de la justice sociale, du mépris de l’homme de la part de l’homme. En arrière plan, toutefois, apparaît que, à travers la Torah, du droit donné par Dieu, c’est Dieu lui-même qui est méprisé ; l’on veut seulement jouir de son propre pouvoir. »

Dans le Nouveau Testament, il en est de même. C’est le sens même de la parabole de Notre Seigneur des « vignerons homicides ».

Aujourd’hui, il en est encore ainsi.  Cette parabole des « vignerons homicides » est un vrai « miroir » de ce que nous vivons aujourd’hui.  « Ces vignerons constituent également pour nous un miroir », dit le pape.

Alors vient tout naturellement le jugement de valeur de Benoît XVI sur le monde moderne.

Ce jugement fut repris par toute la presse écrite et orale. C’est à peine si les journalistes ne s’en scandalisaient pas !

« Nous les hommes, auxquels la création est pour ainsi dire confiée en gestion, nous l’usurpons. Nous voulons en être les propriétaires au premier chef et tout seuls. Nous voulons posséder le monde et notre propre vie de manière illimitée. Dieu nous est une entrave. Ou bien on le réduit à une simple phase pieuse ou bien Il est nié totalement, mis au ban de la vie publique, au point de perdre toute signification. La tolérance  - et là,  le Pape va définir le terme qu’il utilise – la tolérance qui admet pour ainsi dire Dieu comme une opinion privée, mais qui lui refuse le domaine public, la réalité du monde et de notre vie, n’est pas tolérance, mais hypocrisie ».

Mais qui ne voit dans ce langage, le langage de tous les pontifes romains. Ce sont là les paroles même d’un Pie IX, d’un Léon XIII, d’un Pie XI, d’un Pie XII. Le cardinal Pie et Mgr Lefebvre n’ont cessé, toute leur vie, de rappeler « ce droit de Dieu à régner sur sa création ». C’est une thèse majeure du « droit public » de l’Eglise. Un tel jugement renvoie, comme au grenier des vielles lunes, la thèse du Concile Vatican II sur la « liberté religieuse ».  Qu’on veuille bien y réfléchir…

Saint Pie X tenait ce même langage, vous dis-je, avec plus de force, il est vrai, mais c’était le même principe qu’il dénonçait, pas plus, pas moins : l’oubli de Dieu.

Souvenez vous de sa première Encyclique : « E supremi » du 4 octobre 1903.  Dès les premiers paragraphes nous trouvons ce jugement sur le monde moderne :

« Voulant donc entreprendre et poursuivre cette grande oeuvre, -« Restaurer toutes choses dans le Christ »- Vénérables Frères, ce qui redouble Notre ardeur, c'est la certitude que vous Nous y serez de vaillants auxiliaires. Si nous en doutions, Nous semblerions vous tenir, et bien à tort, pour mal informés, ou indifférents, en face de la guerre impie qui a été soulevée et qui va se poursuivant presque partout contre Dieu. De nos jours, il n'est que trop vrai, "les nations ont frémi et les peuples ont médité des projets insensés" contre leur Créateur; et presque commun est devenu ce cri de ses ennemis : "Retirez-vous de nous" (7). De là, en la plupart, un rejet total de tout respect de Dieu. De là des habitudes de vie, tant privée que publique, où nul compte n'est tenu de sa souveraineté. Bien plus, il n'est effort ni artifice que l'on ne mette en oeuvre pour abolir entièrement son souvenir et jusqu'à sa notion.

Qui pèse ces choses a droit de craindre qu'une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps, et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement "le fils de perdition" dont parle l'Apôtre n'ait déjà fait son avènement parmi nous. Si grande est l'audace et si grande la rage avec lesquelles on se rue partout ã l'attaque de la religion, on bat en brèche les dogmes de la foi, on tend d'un effort obstiné à anéantir tout rapport de l'homme avec la Divinité ! En revanche, et c'est là, au dire du même Apôtre, le caractère propre de l'Antéchrist, l'homme, avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur en s'élevant "au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C'est à tel point que, impuissant à éteindre complètement en soi la notion de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté, et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables. Il siège dans le temple de Dieu, où il se montre comme s'il était Dieu lui-même ».

Avouez ! Si Benoît XVI s’exprime moins fortement que Saint Pie X, il exprime cependant la même vérité : l’oubli de Dieu et dans l’univers privé et dans le monde public.

Retenez et réfléchissez sur cette phrase de Benoît XVI et vous partagerez mon avis.  : « Nous les hommes, auxquels la création est pour ainsi dire confiée en gestion, nous l’usurpons. Nous voulons en être les propriétaires au premier chef et tout seuls. Nous voulons posséder le monde et notre propre vie de manière illimitée. Dieu nous est une entrave. Ou bien on le réduit à une simple phase pieuse ou bien Il est nié totalement, mis au ban de la vie publique, au point de perdre toute signification ».

Et Benoît XVI, comme ses prédécesseurs, va dénoncer les conséquences sociales de ce rejet de Dieu. Il écrit : « Mais là où l’homme se fait le seul propriétaire du monde et propriétaire de lui-même, la justice ne peut exister ».

Cette justice est, de fait, bafouée puisque n’est pas rendu à Dieu ce qui lui est dû : la sujétion de sa créature, tant en privé qu’en public.

Est bafoué l’ordre divin. Souvenez-vous du traité d’alliance proposé par le grand roi d’Israël qui demande au peuple et au roi la même soumission au Dieu trois fois Saint. « La charte que je propose  et que devront jurer ensemble les peuples et les rois, c’est la charte du ciel, ce sont les devoirs de tous envers le Seigneur…Peut-être nous entendrons-nous mieux sur les choses humaines quand nous aurons commencé par nous entendre sur les choses divines. Droits de la multitude, droits du pouvoir, que tous s’abaissent à la fois devant les droits de Dieu. Et s’il reste sur le front des rois une auréole nécessaire de puissance, ce sera une puissance empruntée qui s’exercera non point en leur nom, mais au nom de Dieu. Et s’il reste au peuple un devoir de juste sujétion, ce sera une sujétion glorieuse et filiale qui se reportera non point à l’homme mais à Dieu dont l’homme est le représentant et le ministre. Ici-bas comme au ciel, Dieu seul régnera sur nous, et il sera obéi de tous ».

Ces paroles de l’Ecriture Sainte se retrouvent sans cesse dans l’enseignement du cardinal Pie.

« La justice ne peut exister » si Dieu est banni de notre société, nous dit Benoît XVI.

Mais c’était aussi la conclusion de Saint Pie X dans sa belle encyclique « E supremi », citée plus haut.  

Lui aussi écrivait : « Qui pourrait, en effet, Vénérables Frères, ne pas sentir son âme saisie de crainte et de tristesse à voir la plupart des hommes, tandis qu'on exalte par ailleurs et à juste titre les progrès de la civilisation, se déchaîner avec un tel acharnement les uns contre les autres, qu'on dirait un combat de tous contre tous ? Sans doute, le désir de la paix est dans tous les coeurs, et il n'est personne qui ne l'appelle de tous ses voeux. Mais cette paix, insensé qui la cherche en dehors de Dieu ; car, chasser Dieu, c'est bannir la justice; et, la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère. "La paix est l'oeuvre de la justice».

Saint Pie X parle d’ « un combat de tous contre tous », comme conséquence de l’injuste attitude de l’homme contre son créateur, envers Dieu.

Benoît XVI, lui, parle encore plus fortement. Il fait allusion à une image biblique, il parle d’un « terrain inculte piétiné par les sangliers ».

Il écrit : « Mais là où l’homme se fait le seul propriétaire du monde et propriétaire de lui-même, la justice ne peut exister. Là, ne peut dominer que l’arbitraire du pouvoir et des intérêts. Bien sûr, l’on peut chasser le Fils hors de la vigne et le tuer, pour goûter de manière égoïste, tout seuls, les fruits de la terre. Mais alors, la vigne se transforme bien vite en un terrain inculte piétiné par les sangliers, comme nous dit le Psaume responsorial » (Ps 79, 14)

Mais là n’est pas la seule et ultime conséquence.…

L’insubordination des hommes contre Dieu n’a pas pour seule conséquence l’absence de justice entre les hommes, l’absence de paix sociale, en raison de l’exercice arbitraire du pouvoir soumis aux seuls intérêts « mercantiles ». Les conséquences sont plus graves encore. Ce sont les guerres, les exils, voire les destructions des villes.

L’appel du pape se fait pressant… pathétique !

Il se fonde sur l’Ecriture Sainte, toujours sur le texte d’Isaïe au chapitre 5 ainsi que sur le jugement de Notre Seigneur sur Jérusalem : « Jérusalem, Jérusalem toi qui tues les prophètes…Parce que tu n’as pas reconnu l’heure où tu fus visitée…Il ne restera pas en toi pierre sur pierre »…

Là, dans Isaïe, le Seigneur annonce le jugement à la vigne infidèle :

« Et maintenant, habitants de Jérusalem et hommes de Juda, Jugez, je vous prie, entre moi et ma vigne !

Qu’y avait-il à faire de plus à ma vigne que je n’aie fait pour elle,
Pourquoi ai-je attendu qu’elle produisît des raisins, Et n’a-t-elle produit que du verjus ?

 

Maintenant donc je vous ferai connaître ce que je vais faire à ma vigne :

J’arracherai sa haie, et elle sera broutée. J’abattrai sa clôture, et elle sera foulée aux pieds. J’en ferai un désert ; Et elle ne sera plus ni taillée, ni cultivée.  Les ronces et les épines y croîtront,

Et je commanderai aux nuées de ne plus laisser tomber la pluie sur elle »

Car la maison d’Israël est la vigne du Seigneur. Et les hommes de Juda sont le plan qu’il chérissait.  Il en attendait la droiture, voici du sang versé, la justice, et voici le cri de détresse

….

Le Seigneur a dit cette parabole à mes oreilles : Oui ces maisons seront désertes, Ces maisons grandes et belles n’auront plus d’habitants… Mais ils ne prendront point garde à l’œuvre du Seigneur, Et ils ne voient point l’ouvrage de ses mains.

C’est pourquoi mon peuple s’en va en exil sans s’en douter. Sa noblesse va devenir une troupe affamée, et sa multitude séchera de soif.

C’est pour cela que le séjour des morts élargit son gouffre. Et ouvre sa bouche sans mesure. Elle y descend, la magnificence de Sion. Avec sa multitude bruyante et joyeuse. Le mortel sera humilié, l’homme sera abaissé. Et les yeux des superbes seront abattus… » (Is 5, 3-15)

Le pape résume ces prédictions, ces malheurs apportés à la vigne par la main vengeresse de Dieu bafoué par l’orgueil humain en disant : « Le jugement qu’Isaïe prévoyait s’est réalisé au travers des grandes guerres et des exils pratiqués par les Assyriens et les Babyloniens ».

Ce langage devrait plaire à Mgr Williamson…

Ici, dans l’Evangile et le jugement sur Jérusalem, c’est la destruction de la ville qui est annoncée et qui est advenue en l’an 70. Sur cette prédiction, le pape écrit : « Le jugement annoncé par le Seigneur Jésus se réfère surtout à la destruction de Jérusalem en l’an 70 »

Et de conclure - nul ne semble l’avoir remarqué jusqu’ici :

« Mais la menace de jugement, - c’est-à-dire de guerre, de destruction, d’exil … en un mot de mort-, nous concerne nous aussi, l’Eglise en Europe, l’Europe et l’Occident en général ».

De ces prédictions, Mgr Williamson en est friand…ce discours, s’il prend le temps de le lire mais il est vrai rien ne change…alors peu importe ce discours…

« L’Eglise en Europe, l’Europe et l’Occident en général ».

Cette allusion à l’Europe, à l’Eglise en Europe, en un mot à l’Occident, me fait penser au jugement exprimé par Jean-Paul II, sur l’Europe, dans sa « Lettre apostolique »   Ecclesia in Europa.  Là, le pape fait allusion à « la perte de la mémoire et de l’héritage chrétien ». Là, prévaut la « tentative de faire prévaloir une anthropologie sans Dieu et sans le Christ ». Là, « nous sommes devant l'apparition d'une nouvelle culture »… « Une culture de mort ».

Mais relisons ce passage.

Il écrivait : « le temps que nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d'égarement. Beaucoup d'hommes et de femmes semblent désorientés, incertains, sans espérance, et de nombreux chrétiens partagent ces états d'âme. Nombreux sont les signes préoccupants qui, au début du troisième millénaire, troublent l'horizon du continent européen, lequel, « tout en étant riche d'immenses signes de foi et de témoignage, et dans le cadre d'une vie commune certainement plus libre et plus unie, ressent toute l'usure que l'histoire ancienne et récente a provoquée dans les fibres les plus profondes de ses populations, entraînant souvent la déception ».

Parmi les nombreux aspects, amplement rappelés aussi à l'occasion du Synode, je voudrais mentionner la perte de la mémoire et de l'héritage chrétiens, accompagnée d'une sorte d'agnosticisme pratique et d'indifférentisme religieux, qui fait que beaucoup d'Européens donnent l'impression de vivre sans terreau spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été légué par l'histoire. On n'est donc plus tellement étonné par les tentatives de donner à l'Europe un visage qui exclut son héritage religieux, en particulier son âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la composent sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du christianisme.

Certes, les prestigieux symboles de la présence chrétienne ne manquent pas dans le continent européen, mais avec l'expansion lente et progressive de la sécularisation, ils risquent de devenir un pur vestige du passé. Beaucoup n'arrivent plus à intégrer le message évangélique dans l'expérience quotidienne; il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi et menacé; dans de nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée que croyant; on a l'impression que la non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d'une légitimation sociale qui n'est ni évidente ni escomptée.

Cette perte de la mémoire chrétienne s'accompagne d'une sorte de peur d'affronter l'avenir. L'image du lendemain qui est cultivée s'avère souvent pâle et incertaine. Face à l'avenir, on ressent plus de peur que de désir. On en trouve des signes préoccupants, entre autres, dans le vide intérieur qui tenaille de nombreuses personnes et dans la perte du sens de la vie. Parmi les expressions et les conséquences de cette angoisse existentielle, il faut compter en particulier la dramatique diminution de la natalité, la baisse des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, la difficulté, sinon le refus, de faire des choix définitifs de vie, même dans le mariage.

On assiste à une fragmentation diffuse de l'existence; ce qui prévaut, c'est une sensation de solitude; les divisions et les oppositions se multiplient. Parmi les autres symptômes de cet état de fait, la situation actuelle de l'Europe connaît le grave phénomène des crises de la famille et de la disparition du concept même de famille, la persistance ou la réactivation de conflits ethniques, la résurgence de certaines attitudes racistes, les tensions interreligieuses elles-mêmes, l'attitude égocentrique qui enferme les personnes et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d'une indifférence éthique générale et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges. Pour beaucoup de personnes, au lieu d'orienter vers une plus grande unité du genre humain, la mondialisation en cours risque de suivre une logique qui marginalise les plus faibles et qui accroît le nombre des pauvres sur la terre.

Parallèlement à l'expansion de l'individualisme, on note un affaiblissement croissant de la solidarité entre les personnes : alors que les institutions d'assistance accomplissent un travail louable, on observe une disparition du sens de la solidarité, de sorte que, même si elles ne manquent pas du nécessaire matériel, beaucoup de personnes se sentent plus seules, livrées à elles-mêmes, sans réseau de soutien affectif.

À la racine de la perte de l'espérance se trouve la tentative de faire prévaloir une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit à considérer l'homme comme « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n'est pas l'homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l'homme. L'oubli de Dieu a conduit à l'abandon de l'homme », et c'est pourquoi, « dans ce contexte, il n'est pas surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans la manière d'aborder la vie quotidienne ». La culture européenne donne l'impression d'une « apostasie silencieuse » de la part de l'homme comblé qui vit comme si Dieu n'existait pas.

Dans une telle perspective prennent corps les tentatives, renouvelées tout récemment encore, de présenter la culture européenne en faisant abstraction de l'apport du christianisme qui a marqué son développement historique et sa diffusion universelle. Nous sommes là devant l'apparition d'une nouvelle culture, pour une large part influencée par les médias, dont les caractéristiques et le contenu sont souvent contraires à l'Évangile et à la dignité de la personne humaine. De cette culture fait partie aussi un agnosticisme religieux toujours plus répandu, lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l'homme comme fondement des droits inaliénables de chacun. Les signes de la disparition de l'espérance se manifestent parfois à travers des formes préoccupantes de ce que l'on peut appeler une « culture de mort ».

La description de cette Europe, pour ne pas dire de cet Occident, qui cultive plus la mort que la vie, est très vraie et réaliste.

Et ce réalisme est partagé, aujourd’hui encore, par le pape Benoît XVI lui-même… La « culture de mort » pourrait bien être la sentence de Dieu, comme hier les guerres et les exils pratiqués par les Assyriens et les Babyloniens le furent pour le « peuple juif », comme la destruction de Jérusalem, en 70, fut la conséquence du reniement du peuple juif contre son « Christ ».

Et n’oublions pas que Benoît XVI connaît avec précision le troisième secret de Fatima…Cela pourrait nous faire réfléchir et devrait retenir notre attention….celle aussi de Mgr Williamson…

Et de même que le Seigneur s’adressait « à l’oreille » de son prophète Isaïe – « Le Seigneur des armées a dit cette parole à mes oreilles » (Is.  5 9) - de même Benoît XVI s’adresse-t-il, de la même manière, à « l’oreille » de son public fait de cardinaux et d’évêques. Plus encore ! Non seulement il s’adresse à l’oreille de son auditoire, mais il « crie » à ce même auditoire : « Par cet Evangile, le Seigneur crie jusque dans mes oreilles ».

Il est bon également de relever ces expressions.

C’est dire combien la sentence est importante.

Et quelle est-elle ? Elle n’est pas seulement faite de guerre, vous dis-je, d’exil et de destruction. Elle annonce également l’ « aveuglement de l’esprit et du cœur », le péché contre l’Esprit.

Le pape crie à l’oreille de son public ce que l’ange de l’Apocalypse dit à l’Eglise d’Ephèse.

Le pape ne fait pas allusion aux autres églises, à celle de Smyrne ou de Pergame, à celle de Thyatire, ou de Sardes, à celle de Philadelphie ou de Léodicée.

Non !  il s’adresse à l’oreille de son public, les cardinaux et au-delà aux hommes politiques de l’Occident et au peuple même de l’Occident, Il leur crie la parole même de l’Ange à l’Eglise d’Ephèse : « J’ai contre toi que tu t’es relâché de ton premier amour. Souviens-toi donc d’où tu es tombé, repens –toi et reviens à tes premières œuvres ; sinon je viendrai à toi, et j’ôterai, ton chandelier de sa place, à moins que tu ne te repentes. Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises ». (Ap 2 3-5)

Vous le voyez, c’est très solennel. C’est sublime. Le jugement du pape est important. Il faut le prendre au sérieux. C’est ce qu’il demande du reste lui-même.

« Si tu ne te repens pas, je vais venir à toi pour changer ton candélabre de son rang ».

Vivant de ce même reniement de Dieu, « relâché de notre premier amour », l’Europe, l’Occident même pourrait bien connaître la même sentence, dit le pape : « A nous aussi la lumière peut être enlevée ».

« La lumière peut nous être enlevée » ? 

« Mais quelle lumière » ? Par évidence, la lumière de l’Evangile. La lumière qu’est le Christ. « Je suis la lumière du monde ». C’est cette lumière là qui a fait l’Europe, ainsi que l’Occident. Cette lumière, celle de l’Evangile, pourrait bien finir par nous être enlevée.

Et comment cela ?

Serait-ce forcer la pensée du pape en répondant : « par l’invasion de l’islam », qui est aux portes de l’Occident, en Occident même et qui mène déjà à l’intérieur de notre sol, le « Djihâd ». Le pape ne le dit pas. Il ferait bien pourtant de le dire. Souvenez-vous de ce récit de cet étudiant qui a vu – il en a témoigné - l’irruption d’une soixantaine de garçons islamistes pénétrant violemment dans la salle d’Amphi à la « fac de droit » de Cergy Pontoise, au cri : « c’est le Djihâd, mort aux chrétiens». Ils voulaient manifestement en découdre… Ils durent se retirer devant les vigiles appelés au secours… (cf.  LNDC n° 23)

A force de ne plus vouloir vivre de la lumière du Christ et surtout à force d’avoir un pouvoir politique qui ne cesse de faire la guerre à ce catholicisme. - On va même jusqu’à aider l’Islam à s’implanter sur notre sol  alors qu’on poursuit toujours du même ostracisme le Christ et son  Eglise- la lumière de l’Evangile finira bien par être supplantée par un autre  principe, celui de l’Islam, voire de la Thora . 

Serait-ce forcer la pensée du pape ?

Je ne sais…Toujours est-il que son appel se fait pressant, lui qui a dit dans la Basilique Saint Pierre,  le 2 octobre 2005 :  « A nous aussi, la lumière peut être enlevée et nous faisons bien  - remarquez le temps, un indicatif présent, c’est dire que,  d’ores et déjà, il le sait,  certains prennent en compte cet avertissement  -  la lumière peut être enlevée… si nous ne laissons résonner cet avertissement en notre âme avec tout son sérieux, en criant dans le même temps  - comme l’ange de l’Apocalypse le demandait à l’église d’ Ephèse- de faire repentance :  « en criant dans  le même temps au Seigneur : « Aide-nous à nous convertir ! Donne à chacun de nous la grâce d’un véritable renouvellement ! Ne permets pas que la lumière qui est au milieu de nous s’éteigne ! Renforce notre foi, notre espérance et notre amour afin que nous puissions porter de bons fruits ! »

Mais alors n’y aurait-il aucune espérance, se demande le pape, « aucune parole de réconfort » ? « La menace serait-elle le dernier mot » ?

La réponse du pape est aussi catégorique que le fut, tout à l’heure, la menace. La réponse est pleine d’allégresse. Et de joie. Elle repose toute dans le Christ, dans sa mort et sa résurrection, dans sa mort qui est une victoire sur la mort. Le Christ sort vivant du tombeau et donne vie à ce qui était mort, victoire à ce qui était vaincu, éternité à ce qui était à jamais damné, hors de Dieu. « De la mort du Fils surgit la vie, un nouvel édifice se forme, une nouvelle vigne, une nouvelle Jérusalem, la Jérusalem céleste ».

Tout le passage doit être lu tant il exprime un bel acte de foi en Notre Seigneur et en son œuvre rédemptrice, raison de la Sainte Eglise.

« Dès lors, se pose à nous cette question : "Mais n'y a-t-il aucune promesse, aucune parole de réconfort dans la lecture et dans la page d'évangile de ce jour? La menace serait-elle le dernier mot ?" Non ! La promesse existe et c'est elle qui constitue le dernier mot, le mot essentiel. Nous l'entendons dans le verset de l'Alléluia, tiré de l'Évangile de Jean : "Je suis la vigne; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit" (Jn 15, 5). Par ces paroles du Seigneur, Jean nous illustre la fin dernière et véritable de l'histoire de la vigne de Dieu. Dieu ne faillit pas. À la fin, il remporte la victoire, l'amour sort vainqueur. Une allusion voilée à cette victoire se trouve déjà dans la parabole de la vigne proposée par l'Évangile d'aujourd'hui et dans ses paroles conclusives. Même à ce moment-là, la mort du Fils ne constitue pas la fin de l'histoire, même si elle n'est pas directement racontée. Mais Jésus exprime cette mort par le biais d'une nouvelle image tirée du Psaume : "La pierre qu'avaient rejetée les bâtisseurs c'est elle qui est devenue pierre de faîte..." (Mt 21, 42; Ps 117, 22). De la mort du Fils surgit la vie, un nouvel édifice se forme, une nouvelle vigne. Lui, qui à Cana, changea l'eau en vin, a transformé son sang dans le vin du véritable amour et transforme ainsi le vin en son sang. Dans le cénacle, il a anticipé sa mort et l'a transformée en don de soi, en un acte d'amour radical. Son sang est don, il est amour, et pour cette raison, il est le vrai vin que le Créateur attendait. De cette manière, le Christ même est devenu la vigne et cette vigne porte toujours du bon fruit : la présence de son amour pour nous, qui est indestructible. »

Mais la « présence de cet amour du Christ » pour nous et en nous, c’est la sainte Eucharistie qui est toute la doctrine et la vie de l’Eglise.

Et cette eucharistie est « sacrifice », confesse le pape, en premier lieu. « Nous célébrons l’Eucharistie bien conscients que son prix fut la mort du Fils – le sacrifice de sa vie, qui, en elle, reste présent. Chaque fois que nous mangeons ce pain et buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne, nous dit saint Paul (cf. Co 11 26)».

C’est elle qui est « vie », la vie de nos âmes, la vie de l’Eglise, la vie de l’Occident. « Mais nous savons également que, de cette mort provient la vie, parce que Jésus l’a transformée en un geste oblatif, en un acte d’amour, en la modifiant ainsi profondément : l’amour a vaincu la mort ».  

C’est elle qui est « amour », amour substantiel, qui façonna, des siècles durant, cet Occident chrétien.

C’est elle qui est « la vigne », la vraie vigne. Et en communiant à cette eucharistie nous devenons les « vrais sarments de la vigne qu’Il est lui-même »

Et en demeurant unis à Lui, Eucharistie, « nous porterons du fruit nous aussi, alors nous aussi, nous ne produirons plus le « verjus ».

Il le décrit de nouveau, « ce verjus », tant l’idée le préoccupe.  Ce verjus », c’est « le vinaigre de l’auto suffisance » qui est et fait et a fait le « mécontentement de Dieu » et il ajoute « et de sa création » en tant que cette création - son peuple - souffre elle-même de l’injustice des hommes politiques, ainsi que des hommes religieux. Et moi, je pense, ici, à l’injustice de cette hiérarchie catholique qui a tenu captive en des mains injustes et qui tient encore captive en ces mêmes mains, ce beau rite de Saint Pie V.

Ainsi en restant unis à l’Eucharistie, nous produirons au contraire, nous dit le pape, « le bon vin de la joie de Dieu et de l’amour du prochain ».

C’est dire, vraiment, que l’Eucharistie est tout. Elle est au principe de la vie d’une âme, de la vie des peuples, de l’amour, de la justice, en un mot de la vie de la cité.  Elle en est son « cœur ».

Voilà ce que j’ai entendu pendant longtemps auprès de Mgr Lefebvre et que j’entends toujours en « mémoire » de lui…

Ces successeurs ne pourraient-ils pas sérieusement réfléchir…à ce discours, au lieu de vouloir toujours en remontrer au pape…C’est l’heure des « accords » avec Rome. C’est urgent. C’est du moins mon point de vue. Certes, ces accords sont, comme le dit M l’abbé Philippe Laguérie, dans son dernier Mascaret, du seul ressort de Mgr Fellay…en son seul pouvoir. Je ne le sais que trop… Fasse le ciel qu’il ne se trompe pas…et qu’il ne fasse pas semblant de « négocier ». La peur est paralysante.