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Un regard sur le monde politique et religieux
Au 14 juillet 2005
N°50
En mémoire du cardinal
Mindszenty
XXXe anniversaire de sa
mort
« La communauté hongroise de Rome et l’Institut pontifical ecclésiastique hongrois ont commémoré, le dimanche 8 mai 2005, le serviteur de Dieu, le Cardinal Jozsef Mindszenty, à l’occasion du XXXe anniversaire de sa mort.
La figure du grand pasteur de l’Eglise hongroise - ordonné prêtre il y a 9O ans et nommé
Archevêque et Primat de Hongrie voilà 60 ans
- a été évoquée au cours de
C’est en ces termes que l’ « Osservatore Romano » en langue
française, du 28 juin 2005 annonce cette
cérémonie en l’honneur du bien aimé Primat de Hongrie.
C’est le Cardinal Re qui prononça l’homélie. L’ « Osservatore Romano » la publie intégralement.
J’en ai pris connaissance avec un vif intérêt, ayant lu, voilà déjà longtemps, les « Mémoires » du cardinal Mindszenty. C’était au séminaire d’Ecône, dans les années 1975 ou 1976. Elles m’avaient profondément impressionné.
Le Cardinal Re veut, nous n’en doutons pas, nous donner un beau panégyrique du Cardinal-Primat. Il exprime bien la haute et belle figure de ce prince de l’Eglise par quelques traits et événements qu’il rappelle. Il en exprime bien la dignité, la grandeur. Mais il dénature le différent qu’il eut avec le Pape Paul VI
Il affirme : «Plongé au cœur des événements de l’histoire, de son époque,
ressentant toute la responsabilité qui pesait sur ses épaules en tant que
Cardinal-Archevêque d’Esztergom et Primat de Hongrie, il fut un véritable homme
de Dieu…Il vécut intensément la tragédie de son peuple en ces années
difficiles, et il fut indubitablement convaincu de ses responsabilités
historiques face à l’Eglise et face à
C’est très juste. Cela on le voit dans ses « Mémoires ».
Il relate alors quelques événements de sa vie. Il montre son franc caractère, son audace, son courage devant les forces ennemis, d’abord les troupes allemandes puis les troupes soviétiques.
Il se dressa avec courage contre le régime communiste. Le 26 décembre 1948, il fut arrêté emprisonné et soumis à d’éprouvants interrogatoires. Il fut également sauvagement frappé, subit même des tortures visant à briser sa résistance. Il fut soumis à un faux procès et forcé à avouer sa culpabilité et se trouva condamné à la prison à perpétuité.
Pendant huit ans, le cardinal Mindszenty fut mis au secret
le plus complet : en partie dans une prion particulièrement dure et en
partie dans des conditions inhumaines à
l’hôpital pénitentiaire.
En 1956, pendant l’insurrection de Budapest, le 31 octobre, ses geôliers lui rendirent sa liberté. Lorsque, quelques jours plus tard, l’armée soviétique intervint en Hongrie ave la brutalité que l’on sait, le Cardinal se réfugia à l’Ambassade des Etats-Unis de Budapest, où il résida pendant 15 ans. 15 années d’asile politique consacrées à l’étude, à la prière et à la lecture de la presse.
Alors arriva la « nouvelle » politique du Vatican, appelée « l’Ostpolitik », suggérée et conduite par celui qui devint le cardinal Casaroli, une politique de négociation, d’arrangement coûte que coûte avec le pouvoir politique.
Là, le cardinal Re affirme : « Chacun sait qu’au cours de ces années, le point de vue du Cardinal Mindszenty et celui du Saint Siège furent divergents ».
Un simple différent ?
Le cardinal Re expose sur ce problème délicat et pourtant
capital, le point de vue du Saint Siège. Il relate d’abord la situation des
diocèses de
« Le saint-Siège, au contraire, désireux d’aider l’Eglise qui était en Hongrie à ne pas s’éteindre, mais à continuer de vivre même dans les circonstances défavorables, tentait d’obtenir par la négociation quelques espaces de liberté ».
Il reconnaît que le rêve du cardinal eut été de rester dans sa patrie, « comme signe indestructible de fermeté, sans concession d’aucune forme au Gouvernement-Parti ».
Et là, il raconte son départ de Hongrie par ordre du pape Paul VI.
Ce départ fut terrible pour le Cardinal-Primat.
Il faut lire les deux récits
a - celui du Cardinal Re dans son Homélie
b -celui du Cardinal-Primat dans ses « Mémoirs ».
A- Le Départ du Cardinal-Primat de sa
Hongrie bien aimé par le cardinal Re
« Le désir de favoriser le bien des âmes en Hongrie et
la force des circonstances conduisirent le cardinal Mindszenty à accepter, en
septembre 1971 de quitter
La volonté du Cardinal était d’installer sa résidence à
Vienne, où il se rendit environ un mois après son arrivée à Rome, portant dans
son cœur la conviction qu’il conserverait jusque-là la mort le titre d’Archevêque
d’Esztergom-Budapest, auquel était également lié celui de Primat de Hongrie. En
effet le pape avait annoncé que le cardinal Mindszenty, bien qu’il eût quitté
Toutefois, à peine deux ans plus tard, le Saint-Siège comprit que si la
situation était prolongée, elle aurait eu de graves conséquences sur les âmes
et sur le destin de l’Eglise en Hongrie.
Le pape estima que c’était « un acte nécessaire de son ministère pontificale »
de demander au Card. Mindszenty de renoncer au titre d’Archevêque d’Esztergom
et, par conséquent à celui de Primat.
Le Cardinal Mindszenty avait en revanche un point de vue différent et ne voulut pas franchir ce pas. Aussi, le Pape en prit-il toute a responsabilité et, faisant prévaloir sur toute autre considération, aussi digne soit-elle, le salut des âmes et le bien de l’Eglise en Hongrie, déclara vacant le siège d’Esztergom et y nomma un nouvel Archevêque et Primat : Mgr Laszio Lekai (qui avait été pendant un an le secrétaire du Cardinal Mindszenty à Veszprèm).
Dans une lettre de Paul VI au Cardinal à cette occasion, on est frappé par une phrase initiale : « Je vous écris devant ce crucifix qui un jour jugera vous et moi… » Pour le pape comme pour le Cardinal, seul comptait le jugement de Dieu.
Il ne fait aucun doute que ce fut une souffrance pour le Cardinal Mindszenty. Toutefois, il termine ses « Mémoires » en écrivant : « Malgré tous ces événements, je ne ressens aucune amertume, je tente au contraire de poursuivre, soutenu par la bénédiction de notre Seigneur, la mission de salut en faveur des âmes des Hongrois dispersés à travers le monde, avec ce même esprit qui m’avait accompagné dans mon travail à Zalaegerszeg, Veszprèm, Esztergom et dans tout le territoire hongrois » (Cf L Minszinty, Mémoires Rusconi, Milan 1975) »
NB. Ces paroles sont bien du
Cardinal Primat. Mais elles ne concernent pas
la décision du Pape de lui enlever son titre de Primat. On peut tout
dire sauf de falsifier le vrai. Vous verrez
la vraie pensée du Cardinal Primat, en lisant les « Mémoires » du
Cardinal sur ce sujet terrible. (Voir le grand B, plus bas)
« Le cardinal Casaroli rapporte qu’un jour, le Cardinal Mindszenty lui dit avec amertume : « Ego debuissem mori in Hungaria », « j’aurai dû mourir en Hongrie ». Mais il mourut à Vienne, le 6mai 1975, alors qu’il venait de rentrer d’un voyage à Bogota.
Lors de l’audience générale, le lendemain de la mort du Cardinal
Mindszenty, le Pape Paul VI évoqua celui-ci « Une remarquable figure de prêtre et de pasteur, le Cardinal Mindszenty !
Ardent dans la foi, fier dans les sentiments, inflexible en ce qui lui
apparaissait comme le devoir et le droit.
A présent, depuis le 4 mai 1991, le cardinal Mindszenty repose dans sa cathédrale, dans sa Hongrie libre et indépendante, objet de pèlerinages incessants de fidèles qui viennent prier sur sa tombe. …
Le Cardinal Mindszenty
fut le défenseur courageux des racines chrétiennes de
Le Cardinal Mindszenty demeura toujours fidèle à lui-même. Ce fut une figure fière, dont la grandeur demeure dans l’histoire de l’Eglise et de l’humanité. La cause de béatification qui a été engagée montre que le témoignage de sainteté de sa vie a été considérée d’une grande envergure.
Puissent son exemple d’amour pour Dieu, de défense irrépressible de la foi et de l’identité chrétienne de son peuple, apporter lumière et soutien dans la victoire du bien sur le mal ».
B- Le récit par le Cardinal Primat lui-même
de son exil : ses « Mémoires ».
Ce récit est l’ultime chapitre de ses « Mémoires ». La lecture de ce texte permet de voir la grandeur d’âme du Cardinal et de juger les paroles du Cardinal Re.
« En exil ».
« Le 23 juin 1971, le cardinal Köning m’informa de la
visite du prélat Joseph Zagon de Rome. Il arriva chez moi le 25 juin à 10
heures du matin, comme délégué personnel du Saint-Père, accompagné de Mgr
Giobanni Cheli : Chéli me remit un cadeau du pape, le premier tome d’un
nouveau bréviaire et, après m’avoir transmis les salutations du cardinal
secrétaire d’Etat, il se retira.
Lorsque nous fûmes seuls, Mgr Zagon me fit part de l’inquiétude du Saint-Père et termina en me disant que le pape pensait qu’il serait avantageux que je puisse me décider à quitter l’ambassade américaine. Il m’exposa les raisons qui amenaient Sa Sainteté à ce point de vue.
J’avais l’impression que le gouvernement américain jugerait mon départ de l’ambassade souhaitable, compte tenu du changement de la situation et de mon âge. Mgr Zagon évoqua aussi les réflexions du pape sur ma maladie, et sur ma mort peut-être proche, ainsi que les difficultés qui en résulteraient. Il continua : « C’est pourquoi le Saint Père pense arranger une solution qui éclaire différemment le sacrifice de Votre Eminence, afin que votre importance morale face à l’opinion mondiale grandisse encore, que vous ne perdiez rien de vos services et que vous puissiez servir d’exemple à l’Eglise toute entière. Le Pape voudrait faire tout ce qui est possible dans ce sens ».
Le délégué personnel du Saint-Père souligna aussi que l’on ne pouvait espérer sauver et publier mes mémoires que si j’emportais mon manuscrit à l’étranger et m’occupait moi-même de la publication. Je pourrais ainsi rendre un précieux service à l’Eglise et à la nation hongroise à l’occasion du millénaire du catholicisme hongrois. Ma participation en tant que Primat aux cérémonies de l’émigration hongroise contribuerait grandement à la rénovation de la vie morale et religieuse des Hongrois à l’étranger.
Je rétorquais que je ne voulais pas abandonner mes croyants ni l’église dans leur situation difficile. Je voulais finir ma vie au pays au milieu de mes fidèles. Mon éloignement ne servirait que le régime, mais ferait du tort à l’Eglise. Il fallait sans doute s’attendre à ce que les bolcheviques essaient d’utiliser pour leur propagande un changement de ma situation.
Je souhaitais donc que le Saint-Siège, en contrepartie de mon éloignement, exige avant ma décision définitive que le régime répare les dommages causés à l’Eglise.
Mgr Zagon m’assura que le Saint-Siège veillerait personnellement à ce que les communistes n’exploitent pas mon départ du pays à des fins de propagande. Le Vatican combattrait avec ténacité pendant les négociations pour la réparation des injustices subies, d’autan t plus que l’espoir et la détente se faisaient jour à maints égards.
Quant à moi, j’exigeai surtout la dissolution du mouvement des prêtres de la paix et l’assurance de la liberté du cours de religion. Mais le légat du pape ne croyait pas à un succès à ce sujet.
Après le déjeuner, nous poursuivîmes nos entretiens. Remerciant le Saint-Père pour sa bienveillance à l’égard de l’Eglise catholique de Hongrie et de moi-même, je demandais un temps de réflexion pour prendre ma décision en tenant compte scrupuleusement de chaque détail. Je devais à l’Eglise hongroise et à ma patrie de décider d’une affaire aussi importante après mûre réflexion. En outre, il me fallait préparer le transport de mes affaires et mettre de l’ordre dans les affaires de famille avec ma sœur qui était malade à l’hôpital, ce qui ne pouvait se faire du jour au lendemain. Tout cela demanda un certain temps. Mais je promis de ne pas remettre ma décision d’une année. En me déclarant prêt à faire passer mes intérêts après ceux de l’Eglise, je demandai cependant dans quelles conditions je devrais quitter l’ambassade et peut-être même ma patrie. Zagon les résuma comme suit :
Nos entretiens durèrent six jours. Pendant ce temps, je préparai une lettre au Saint-Père dans laquelle je faisais allusion à ma souffrance en quelques lignes et prenais position sur l’accusation qui faisait de moi « le principal obstacle à des rapports normaux entre l’Eglise et l’Etat ». Je continuai ma lettre ainsi : « Afin d’écarter cette allégation, de faire la lumière sur la vérité des faits et de mettre fin aux charges et désagrément d’une longue et généreuse hospitalité, je voudrais assurer Votre Sainteté que je n’hésite pas en cet instant, comme je l’ai toujours fait, à subordonner mon destin aux intérêts de l’Eglise . Dans cet esprit et après avoir examiné consciencieusement mes obligations d’évêque, mais aussi pour prouver mon amour désintéressé pour l’Eglise, j’en suis arrivé à al décision de quitter le bâtiment de l’ambassade américaine. J’aimerais passer la fin de ma vie sur le sol hongrois, au milieu de mon peuple bien-aimé, sans préjudice des circonstances extérieures qui m’attendent. Cependant, si les passions nourries contre moi ou des raisons considérées comme graves par l’Eglise ne devaient pas le permettre, je me charge de la plus lourde croix de ma vie : je suis prêt à quitter ma partie pour expier en exil pour l’Eglise et pour mon peuple. Je dépose humblement cette offrande aux pieds de Votre Sainteté. Je suis convaincu que le sacrifice personnel le plus grand se réduit à l’insignifiance quand il s’agit de Dieu et de l’Eglise ».
Mgr Joseph Zagon composa le protocole qu’il me demanda de signer. Je refusai. Je trouvais particulièrement inacceptable la dernière phrase du protocole où le délégué de Sa Sainteté concluait de nos entretiens que « exception faite des conditions contenues dans les points 1-4, je pouvais gagner l’étranger en homme libre, sans aucune condition restrictive.
Zagon insistait pour obtenir ma décision, mais je maintiens que j’avais besoin d’un temps de réflexion.
Après le départ de Zagon, j’informai le président Nixon de ma situation par lettre et je lui demandai s’il ne serait pas possible que je continue à séjourner à l’ambassade américaine. Sa réponse me parvint très rapidement. Il me conseillait de me résigner à mon sort. Il était clair, à travers le ton courtois de la lettre, qu’à partir de ce moment j’étais un hôte indésiré à l’ambassade. En fin de compte, je n’avais le choix qu’entre deux solutions : quitter l’ambassade, me livrant ainsi à la police politique ou partir à l’ouest conformément au vœu du Pape.
Si j’avais su que l’on me mettrait en prison ou en résidence surveillée comme à Felsöpeteny, je serais volontiers resté au pays. Mais je pensais plein d’angoisse, que le régime m’infligerait le sort du cardinal Stepinac que Tito avait fait interner dans son village natal « par grande clémence ». Un journaliste américain m’avait en effet apporté, après le soulèvement, un rapport sur la vie du cardinal. Ce journaliste avait assisté un dimanche à ma messe ; il resta dans la pièce après l’office, se présenta et me remit une « communication importante » du cardinal Stépinac. Mon frère cardinal qui était au bord de la tombe, m’engageait à refuser d’aller en résidence surveillée dans mon village natal. Il me mettait en garde pour que je ne me trouve pas plongé dans une situation aussi pitoyable que lui. En effet, seize policiers étaient venus avec lui dans son village près de Zagreb. Sa sœur qui était veuve, donna sa seule pièce au cardinal. Elle se replia dans la cuisine avec ses enfants. La chambre fut aménagée pour recevoir le personnel de surveillance du prisonnier. Quand il allait à l’église pour célébrer la messe, il était accompagné de policiers. Mais cela n’aurait pas été le plus grave.Un groupe de policiers emmena dans une caserne éloignée le fils aîné de sa sœur, qui n’était pas en âge militaire. Il fut rendu à sa mère deux mois plus tard, mais il avait perdu la raison à la caserne. A la maison il était paresseux, il était nuit et jour dans les forêts, les champs, les prairies et sur les routes. Les habitants du village et des environs observaient avec pitié et pensivement le grand mal et le rude coup qu’avait apportés à cette pauvre famille sa solidarité familiale avec le cardinal. Au premier abord, je ne mis pas en doute l’exactitude des informations de ce visiteur bienveillant. Pourtant en exil j’appris que les descriptions du journaliste étranger n’étaient pas tout à fait exactes. Ainsi, le cardinal ne résidait pas dans la maison de sa sœur mais dans la cure de son village natal.
Avec effroi je pensais que le régime de Kadar pourrait aussi monter cette scène pour faire impression dès que j’aurai passé le portail de l’ambassade américaine car j’avais une sœur veuve, mère de plusieurs enfants dans mon village natal. Ils subissaient déjà assez mon sort. Avais-je le droit de continuer à leur faire supporter un peu de ma lourde croix ? A Mindsent, il y avait quatorze enfants et de nombreux petits enfants dans les familles de mes deux sœurs cadettes. Pouvais-je les exposer au sort réservé au neveu du cardinal croate ? Je conservai le message et la mise en garde de mon frère cardinal comme un legs sacré et ce fut finalement déterminant pour me faire choisir non pas simplement de quitter l’ambassade mais plutôt l’exil. Je savais pertinemment que j’étais un hôte indésirable à l’ambassade, non seulement en raison de ma maladie, mais parce que j’étais un obstacle à la politique de détente. Il faut dire que mes anciennes maladies redevenaient aiguës….
Mon état de santé, entre 1960 et 1965, fournit aux partisans de la politique de détente une bonne occasion de maintenir constamment mon affaire à l’ordre du jour. Le fait que je fus guéri entre temps n’y changea rien….
En 1971 on prépara volontairement des nouvelles sur la gravité de ma maladie afin de détourner l’attention des causes véritables de mon départ de l’ambassade et de pouvoir dire que j’étais à la charge du personnel de l’ambassade avec « ma maladie ». Je reçus la lettre du Saint-Père le 10 juillet 1971, peu de temps après la lettre du président Nixon.
Il avait appris que j’étais prêt à quitter l’ambassade et me priait, par l’intermédiaire de son délégué personnel, qui revint le 14 juillet passer quatre jours à Budapest, d’arriver à Rome au moins pour l’ouverture du synode épiscopal en septembre. Mgr Zagon prépara mon départ. Nous convîmes que je recevrais un passeport diplomatique du Vatican et que lui-même et Mgr Cheli, accompagnés du nonce de Vienne, viendraient me chercher à Budapest avec deux voitures et m’accompagneraient jusqu’à Vienne. Nous voulions emporter mes affaires les plus indispensables, et les plus importantes ; tout le reste, entre autres les manuscrits de mes mémoires, devait être expédié à l’ambassade américaine à Vienne par courrier diplomatique. Finalement le départ eut lieu le 28 septembre 1971.
A 8h30 je descendis
du premier étage entre une haie d’employés de l’ambassade. Je passai le portail
en compagnie du chargé d’affaires Puhan
et je sortie sur la place de
Le nonce fit conduire la voiture à l’aéroport de Vienne. A 13 heures nous montâmes dans l’avion de ligne pour Rome. L’archevêque Casaroli se joignit à nous. Le secrétaire d’Etat, le cardinal Villot, m’accueillit à Rome et me conduisit au Vatican. Le Pape Paul VI m’attendait à l’entrée du Torre de S. Giovanni où je fus installé princièrement. Il m’embrassa, prit sa croix pectorale qu’il me passa au cou, m’offrit son bras et me conduisit à l’intérieur. Il prit l’ascenseur avec moi et me conduisit à travers tout l’appartement superbe qui était mis à ma disposition. Le patriarche Athënagoras avait habité ici avant moi. Par la suite, le Saint-Père me donna presque chaque jour un signe de bienveillance paternelle. Je fus très ému d’être autorisé à concélébrer la sainte messe à sa droite, à l’ouverture du Synode épiscopal. Dans son allocution le pape parla du catholicisme hongrois et de ma personne : « Parmi nous se trouve notre révérend frère, le cardinal Joseph Mindszenty, archevêque d’Esztergom qui vient d’arriver à Rome après de nombreuses années d’absence forcée. C’est un hôte attendu avec impatience qui concélèbre avec nous, comme le symbole glorieux de l’unité dans laquelle vivent depuis plus de mille ans l’Eglise hongroise et le Saint-Siège. Mais il est aussi un symbole des relations spirituelles avec ceux de nos frères qui sont empêchés d’entretenir des relations normales avec leurs frères en foi et avec Nous. Il est un symbole de la force inébranlable qui prend ses racines dans la foi et dans le don désintéressé de soi à l’Eglise. Il l’a tout d’abord prouvé par son inlassable activité et son amour attentif, puis par la prière et de longues souffrances. Louons le Seigneur et disons ensemble un Ave respectueux et vigoureux à cet évêque exilé et très estimé ».
Après la messe le pape me prit par la main et me conduisait hors de la chapelle Sixtine, sous les applaudissements des archevêques et évêques.
Pendant mon cours séjour à Rome, je reçus de nombreuses
visites. Des cardinaux, des évêques, des hauts fonctionnaires de la curie, des
prêtres, des laïcs. Le Saint-Père
m’invita à sa table et me fit souvent porter des messages ou des cadeaux par
ses secrétaires. Je rendis également visite à plusieurs cardinaux, à
quelques congrégations romaines et au secrétariat d’Etat. A
La poste m’apportait chaque jour une grande quantité de lettres et de
télégrammes du monde entier. Dans les lettres de nombreux non catholiques, je
fus surpris du grand respect et de la vénération pour l’Eglise catholique. Les
lettres de mes compatriotes révélaient t une façon de penser particulièrement bienfaisante.
J’étais très apaisé de constater que l’esprit historique hongrois, la foi, la fidélité
à l’Eglise et à la patrie étaient toujours vivants. Dans mon exil c’est
toujours pour moi une immense consolation, une lumière en même temps qu’un
espoir.
La presse internationale
parlait beaucoup de la situation de l’Eglise catholique en Hongrie et de mon
affaire. La plupart des journaux écrivaient avec bienveillance et objectivité.
Bien sûr, il y eut aussi quelques voix discordantes. Le 28 septembre, ce fut
même l’ « Osservatore Romano » qui commenta mon départ de
Hongrie comme si mon éloignement avait balayé un obstacle compromettant les
bonnes relations entre l’Eglise et l’Etat. C’était ma
première expérience amère : je dus constater que les milieux du
Vatican n’accordaient pratiquement pas d’attention à mon objection à ce sujet qui
figurait au protocole établi à Budapest.
J’eus ma deuxième déception quand j’appris par les journaux que deux semaines après mon départ, le Saint-Siège avait déchargé les prêtres de la paix excommuniés de leur peine.
Je dus aussi constater une certaine indifférence vis-à-vis
de mes affaires. J’avais décidé dès juin de m’installer à l’étranger, au
Pazmaneum et je pensais que la diplomatie vaticane en ferait part au gouvernement
autrichien. Mais apparemment il n’en fut rien. Le chancelier fédéral aurait
même appris mon projet par la presse. Mes réclamations furent transmises sous
forme d’un mémorandum au cardinal secrétaire d’Etat.
J’avais l’intention de partir pour mon lieu de résidence permanent, le Pazmaneum de Vienne, trois semaines plus tard. De nombreuses personnes y étaient opposées et préféraient Rome pour une plus grande sécurité. Sur ma demande Mgr Zagon entama les préparatifs de mon émigration. Là-dessus, le délégué extraordinaire autrichien auprès du Vatican vint me voir pour essayer de me faire reporter mon départ. Néanmoins je fixai la date de mon départ pour la capitale autrichienne au 23 octobre. Ce jour-là je célébrai la messe avec le Saint Père. Les prêtres et religieux hongrois de Rome prirent part à la messe et chantèrent des cantiques hongrois. Après la messe, comme nous nous dirigions vers la sacristie, le pape fit écarter tout le monde ; il se tourna vers moi et me dit en latin : « Tu es et tu resteras archevêque d’Esztergom et Primat de Hongrie. Continue à travailler et si tu as des difficultés, adresse-toi toujours à nous avec confiance ! ». Puis il appela Mgr Zagon à qui il expliqua en italien, devant moi : « Je fais don à Son Eminence de mon manteau cardinalice pour qu’il le protège du froid dans ce dur pays et qu’il lui rappelle l’amour et la haute considération que je lui garde ».
Mgr Zagon fut chargé de m’assurer au nom du Saint Père que mon sort n’était subordonné d’aucune manière à d’autres objectifs. « Le cardinal restera toujours archevêque d’Esztergom et Primat de Hongrie ».
Je partis pour Vienne tard le soir, en compagnie de Mgr Zagom. A l’aéroport il y avait l’archevêque Casaroli venu prendre congé au nom de Vatican. J’arrivai au Pazmaneum avant minuit et m’installai dans l’appartement du recteur.
En m’exilant j’avais la faible consolation de penser que je pourrais continuer à servir à l’étranger les trois principaux objectifs hongrois, si Dieu me prêtait vie et force : en tant que Primat prendre sous ma protection de dignitaire religieux, les centaines de milliers de catholiques apatrides, attirer l’attention de l’opinion internationale sur le danger du bolchevisme en faisant paraître mes mémoires, et peut-être me charger du tragique destin de mon peuple. J’avais obtenu à Rome des informations sur la vie religieuse et spirituelle des Hongrois chassés à l’étranger. A Vienne je rassemblai systématiquement les comptes rendus sur les conditions religieuses et culturelles de mes compatriotes dans le monde entier. J’obtins une information détaillée par les lettres et les conversations de mes visiteurs. Il est incontestable que certains faits réjouissants et des phénomènes réconfortants ressortent de l’émigration, mais les défauts et les inconvénients sont bien plus grands. Avant tout il manque des directeurs de conscience, car la plupart de nos prêtres se mettent au service d’institutions et de diocèses étrangers. Des églises construites grâce aux dons de nos croyants se perdent, comme en Amérique par exemple, et à côté de cela des communautés hongroises importantes n’ont ni paroisse, ni curé, ni école, ni aucun foyer religieux ou de personnes âgées. Même à présent, après le Concile Vatican II, le pastorat dans la langue maternelle connaît des difficultés.
Les carences dans le domaine du pastorat hongrois sont dues de façon certaine, à ce que Rome a enlevé, avec droit, la possibilité à l’épiscopat hongrois entièrement soumis au régime communiste, d’envoyer des directeurs de conscience aux catholiques hongrois vivant à l’étranger. Devant cette situation extraordinaire, je demandai à la fin de 1971 au Saint Siège de me permettre de me substituer exceptionnellement à la hiérarchie hongroise, en tant que chef légal de cette hiérarchie et que Primat de Hongrie, pour créer une organisation capable d’assumer dans le domaine de la direction de conscience des Hongrois de l’étranger la tâche de l’épiscopat hongrois défaillant, et la représentation des catholiques hongrois dans tous les pays. Je demandai également que l’on donne des évêques consacrants aux quinze cent mille catholiques hongrois vivant à l’étranger.
Ma demande ne fut pas satisfaite. Manifestement le Vatican voyait que mon activité pastorale pourrait irriter le régime de Budapest qui avait raison de craindre qu’une direction de conscience menée par moi sur les émigrants exerce une influence durable et se fasse sentir dans leur activité sociale, politique et culturelle. C’est sans doute encore la principale raison maintenant que je suis en exil, pour laquelle le régime ne modifie pas sa tactique ; il veut faire croire - vis-à-vis du Vatican aussi - que je fais de la politique sous le prétexte de direction de conscience. C’est pourquoi ma lettre pastorale de l’Avent 1971 fut attaquée. J’y évoquais, outre ma prison, le « rideau de fer » qui entoure notre pays. En Autriche, on alla jusqu’à influencer quelques fonctionnaires et ameuter des catholiques « progressistes ». La campagne de presse déclenchée de toutes pièces ne prit fin que lorsque le chancelier fédéral autrichien, répondant aux interpellations, déclara au Parlement que ma lettre pastorale ne parlait pas du tracé de la frontière austro-hongroise, mais que le texte se référait au rideau de fer.
La phrase contesté était ainsi libellée : « Avec foi et espoir en Dieu nous passâmes le seuil de la prison et la frontière provisoire et mortelle » Dès le début des attaques, mon secrétariat a expliqué à la presse que la frontière provisoire et mortelle où de nombreuses personnes perdaient la vie, signifiait le rideau de fer et non la frontière austro-hongroise. Pour tout Hongrois fidèle à sa patrie, ce rideau n’est que « provisoire ». Pendant cette campagne de presse manifestement dépourvue de tout fondement, aucune autorité religieuse n’intervint en ma faveur. Au contraire : on m’informa de Rome que je devais dorénavant soumettre au Saint Siège pour approbation chacune de mes déclarations et même mes prêches. Après de négociations et quelques lettres, je me déclarai prêt à soumettre mes déclarations au Saint Père, mais à lui seul et s’il l’exigeait expressément.
Faute d’un évêque consacrant, je me proposais d’effectuer
des voyages pastoraux vers les Hongrois. Je visitai tout d’abord les
catholiques hongrois d’Europe, puis je partis au Canada, aux Etats-Unis et en
Afrique du Sud. Au cours de ces voyages je liai des relations avec les évêques
compétents pour évoquer avec eux les problèmes des croyants hongrois et de
leurs directeurs de conscience. (Le
cardinal raconte ainsi quelques voyages pastoraux. Dans ces voyages,il développe
les thèmes suivants : « Dans
mes allocutions, je les priai de conserver même à l’étranger la tradition
morale et culturelle de
Ces protestations furent acceptées par le Vatican et, le 10 octobre 1972, au treizième mois de mon exil, le nonce apostolique porta à ma connaissance que le Saint Siège avait donné au régime communiste hongrois, en été 1971, la garantie que je n’entreprendrais ni ne dirais rien à l’étranger qui pût déplaire au régime communiste hongrois.
Je répondis à cela qu’au cours des négociations entre le légat du Pape et moi-même, du 25 au 28 juin 1971, ce détail qui me touchait tant n’avait pas été évoqué. Si j’avais eu connaissance d’une semblable promesse, j’aurai sans doute été effrayé d’accorder une telle garantie et j’aurais prié le Saint-Siège d’annuler toutes les dispositions prises pour mon départ. C’était pourtant un fait généralement connu que je voulais rester parmi mon peuple malheureux et mourir là-bas. Je priai le nonce d’informer les autorités vaticanes compétentes qu’un terrifiant silence de mort régnait désormais à la maison et que je craignais l’idée de devoir me taire, même dans le monde libre.
Je reçus
l’admonestation la veille de mon départ de mon voyage à Fatima. Malgré
tout, le Saint Père ne souhaitait pas que je lui soumette le discours préparé
pour Fatima ; cependant la nonciature de Lisbonne le censura à
l’impression, derrière mon dos. Tout
un paragraphe fut barré qui contenait entre autres ces phrases : « L’Est proclame que même les rebelles
les plus farouches sont devenus de doux agneaux. Ne le croyez pas ! C’est
aux fruits qu’on reconnaît l’arbre. Il est possible qu’il y ait là-bas
davantage de fidèles que dans maint pays occidental, ce n’est pas le mérite du
régime, mais bien de ces chrétiens qui avancent à pas comptés, courbés sous le
fardeau de
J’arrivai au Portugal le 11 octobre
Il ne fait pas de doute que le discours du cardinal anglais et cette déclaration ont encore irrité le régime communiste hongrois. Après mon voyage en Angleterre, Budapest fit plus fortement pression sur le Vatican pour qu’il me révoque et prenne des mesures disciplinaires. La question de mes mémoires fut également soulevée à cette occasion.
Mes mémoires, en hongrois et en allemand, furent prêts à imprimer à l’été 1973. J’envoyai le manuscrit au Saint Père en juillet. Il m’écrivit le 30 août qu’il avait lu le manuscrit avec intérêt et émotion. Il me remerciait de le lui avoir transmis, lui permettant ainsi de connaître ma biographie « précieuse » et douloureuse. Il pensait que le contenu en était vraiment précieux, passionnant, grandiose, que le lecteur aurait une idée de mon destin qui force l’admiration et la piété et affermit la certitude que tant d’épreuves et de souffrances ne seront pas vaines devant Dieu.
Le pape ne contesta donc pas le texte et ne fit aucune objection. Il me fit cependant remarquer que le régime communiste hongrois pourrait se venger de deux manières : il pourrait renouveler ses calomnies contre moi et se venger sur toute l’Eglise de Hongrie. Je répondis au Saint Père :
1- Je suis déjà habitué aux calomnies perpétuelles des ennemis de l’Eglise et je me suis fait à l’idée d’être systématiquement attaqué par eux et par les soi-disant catholiques progressistes de gauche Cependant c’est mon droit d’homme et mon devoir d’évêque de repousser ces calomnies si je peux le faire en toute liberté. Sans compter que j’ai pardonné à mes ennemis, je décris uniquement des faits dans mes mémoires et, comme le Saint Père a pu s’en convaincre, il y manque le ton polémique qui pourrait susciter une basse vengeance contre ma personne ou contre l’Eglise.
2- L’histoire du bolchevisme qui a déjà plus d’un demi-siècle montre que l’Eglise ne peut faire aucun geste vers lui dans l’espoir de le voir abandonner ses persécutions religieuses. Cela est inhérent à l’essence et à la nature profonde de son idéologie. Même l’Eglise russe orthodoxe n’est pas parvenue à échapper à la persécution, ni pendant la collaboration sans réserve, ni pendant la période de coexistence et pas non plus au temps de la soumission. L’expérience des négociations entre Budapest et le Vatican prouve la même chose ; bien que depuis 1964 les diplomates du Vatican aient mené des négociations au sujet des prêtres de la paix, de l’enseignement de la religion et de la libre activité de direction de conscience, c’est à ce moment-là que le mouvement des prêtres de la paix s’est épanoui de nouveau, que le cours de religion a été complètement étouffé dans les villes et dans certains villages. Les directeurs de conscience capables et pieux ont, sauf exception, tous été séparés de leurs fidèles. Les négociations spectaculaires et utilisées à des fins de propagande par les communistes ont eu pour seul résultat que des évêques furent choisis par l’Office national pour les affaires religieuses parmi les rangs des prêtres de la paix pour le plus grand tord de la discipline ecclésiastique et de la vie religieuse.
Je signalais ensuite au Saint
Père que nous remettrions à l’automne les droits de publication de mes mémoires
à un grand éditeur européen ou
américain. Je m’appuyais sur le fait que la publication de mes mémoires était
réclamée par des catholiques et des non catholiques, dans le monde entier. En
arrivant à l’étranger, j’avais créé, grâce à l’aide de quelques bienfaiteurs,
«
De tout ce qui suivit, je peux conclure avec beaucoup de vraisemblance que le pape ne fut plus en mesure de résister à l’assaut du régime de Budapest qui se référait à la promesse de garantie du Vatican.
Le 1 er novembre, je fus invité à me dessaisir de ma charge archiépiscopale. Le Pape exigeait cela de moi « avec une extrême répugnance », car il savait bien qu’il me demandait un nouveau sacrifice et qu’il « ajoutait ainsi des peines à celles que j’avais déjà subies ».
Mais il devait tenir compte des « difficultés pastorales » de l’archidiocèse d’Esztergom délaissé depuis 25 ans, qui continuerait sinon à être « privé de la direction directe et personnelle d’un évêque », ce qui « créerait de grands dommages pour les âmes et pour l’Eglise ». La lettre se terminait par la remarque que je pourrais disposer « librement » de la publication de mes mémoires après mon abdication.
Je répondis à cette lettre du pape au retour de mon voyage en Afrique du Sud, après mûre réflexion, le 8 décembre 1973. Avec respect je fis savoir au Saint-Père que je ne pouvais pas renoncer à ma charge épiscopale dans l’état actuel de l’Eglise catholique en Hongrie. Je lui adressai un log exposé sur l’activité néfaste des prêtres de la paix, sur le système Etat-Eglise établi de force et je mentionnai les résultats négatifs des négociations vaticanes menées depuis dix ans avec les communistes.
Par mon abdication et une occupation ultérieur de la plus haute fonction ecclésiastique conforme aux vœux de l’Office national pour les affaires religieuses, je craignais de contribuer à la « légitimation des conditions ecclésiastiques catastrophiques ».
J’énumérai les dommages et les inconvénients qui résulteraient de mon abdication pour les Hongrois en exil dont j’avais assuré la direction de conscience, en l’absence d’un évêque consacrant. Enfin j’attirai l’attention du Saint Père sur le fait que des attaques contre ma personne pourraient advenir si j’étais destitué de ma charge.
Après tout cela, j’eus la douleur de recevoir une lettre du Saint Père datée du 18 décembre, le jour du 25e anniversaire de mon arrestation, par laquelle Sa Sainteté m’informait en termes reconnaissants que le siège archiépiscopal d’Esztergom serait déclaré vacant.
Dans une lettre du 7 janvier 1974 j’exprimai au pape ma profonde douleur mais je l’informai : « Si je ne peux pas accepter cette décision, ce n’est ni à cause de mon chagrin personnel, ni pour me cramponner à ma charge, mais parce que cette mesure aggrave encore la situation de l’Eglise hongroise, fait du tort à la vie spirituelle et jette le trouble dans l’âme des catholiques fidèles à la foi et des prêtres fidèles à l’Eglise. Je le priai d’annuler cette décision ».
Il ne se passa rien de tel, mais au contraire on annonça le 5 février 1974, 25e anniversaire de mon simulacre de procès, que j’étais écarté du siège archiépiscopal d’Esztergom. Le lendemain, je me vis dans la pénible obligation de faire diffuser la déclaration suivante à la presse par mon secrétariat :
« Quelques agences de presse ont transmis la décision du Vatican de telle façon qu’on a eu l’impression que le cardinal Joseph Mindszenty avait pris volontairement sa retraite. Les agences de presse ont également mentionné qu’un échange de lettres intensif entre le Vatican et le cardinal Primat archevêque aurait précédé cette décision. Certains en ont conclu qu’il y avait un accord parfait entre le Vatican et l’évêque hongrois. Dans l’intérêt de la vérité le cardinal Mindszenty autorise son secrétariat à faire la déclaration suivante :
Le cardinal Mindszenty n’a
renoncé ni à sa charge archiépiscopale ni à sa dignité de Primat de Hongrie. La
décision a été prise unilatéralement par le Saint Siège.
Après longue et mûre réflexion, le cardinal a justifié sa position de la façon
suivante :
Dans ces graves
conditions, le cardinal Mindszenty ne pouvait pas résigner ses fonctions. »
Et le cardinal Primat conclue ses Mémoires par cette phrase terrible : « C’est ainsi que je pris le chemin de l’isolement d’un bannissement total ».
Voilà la véritable conclusion des « Mémoires » du
Cardinal Mindszenty. Ca n’a rien à voir avec ce que dit le Cardinal Re dans son
homélie du 8 mai 2005. Le différent qu’il eut avec le Vatican ne fut pas
seulement un simple désaccord, une simple « divergence », mais bien
une opposition totale à la politique vaticane, dite « Ostpolitik ».
L’honneur du Cardinal-Primat, sa haute figure héroïque
exigeait cette mise au point claire. Mise au point fondée sur ses
seuls et sublimes
« Mémoires ».