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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 15 mai   2009

 

N° 216

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

 

 

 

LA SAGA DE LA MESSE TRIDENTINE

AU DIOCÈSE DE CHICOUTIMI

au Canada (II)

 

 

LE CURÉ DE LA CATHÉDRALE CONTRE LA MESSE TRIDENTINE

 

 

 

PAR JACQUES TREMBLAY, ÉRIC LAROUCHE ET LÉONARD MURPHY

 

(ÉGARDS, n° 22, HIVER 2008-2009)

 

« Depuis des temps immémoriaux et aussi à l’avenir, le principe à observer est que chaque Église particulière doit être en accord avec l’Église universelle »

Pape Benoît XVI

 

 

 

Introduction

 

En avril 2008, quelque 140 fidèles du diocèse canadien de Chicoutimi (au Canada) demandèrent la célébration de la messe tridentine, en conformité avec l’application du motu proprio Summorum Pontificum du Pape Benoît XVI. L’évêque de Chicoutimi, Mgr André Rivest, avait alors refusé la requête. Cette histoire a fait l’objet d’un article dans le numéro 21 d’Égards. (NB que vous avez pu lire dans Item, n° 215)

 

Devant la position irrévocable de l’évêque, le groupe de demandeurs a transmis le dossier à la commission pontificale Ecclesia Dei, à Rome. En raison de ce désir persistant, pourtant légitime, le groupe s’exposa à de l’intolérance, voire même à une forme de persécution de plus en plus explicite de la part de certains acteurs ecclésiaux les plus radicaux et les plus influents de l’appareil diocésain.

 

Le présent article met en lumière un épisode malheureux, dans l’histoire du diocèse de Chicoutimi, dans lequel le groupe de fidèles catholiques attachés à la tradition liturgique tridentine fut dénoncé en chaire par le curé de la cathédrale de Chicoutimi. Nous présentons donc le sermon en question ainsi que notre analyse. Nous tenons à exprimer que notre critique, qui en aucun cas ne constitue une attaque personnelle, porte sur le sermon en tant que discours reflétant une idéologie fort répandue dans les milieux pastoraux au Québec, et en particulier dans le diocèse de Chicoutimi.

 

Un appel inattendu

 

Le dimanche 3 août 2008, vers 10h30, le téléphone sonne chez un fidèle du groupe demandant la messe tridentine à Chicoutimi. Ce dernier est averti que le curé de la cathédrale de Chicoutimi, M. l’abbé Gaétan Thibeault, prêche contre le groupe et la demande. Immédiatement, deux membres du groupe se dirigent vers la cathédrale pour la messe dominicale de 11h15 afin d’enregistrer le sermon.

 

Même si la demande de messe tridentine concernait exclusivement le curé de la paroisse Sacré-Coeur (Mgr Jean-Roch Gaudin) et l’évêque de Chicoutimi (Mgr André Rivest), le curé de la cathédrale (paroisse Saint-François-Xavier) a prêché contre cette demande aux quatre messes dominicales des 2 et 3 août 2008.

 

Le sermon passé au crible de l’analyse théologique

 

La version audio du sermon, d’une durée approximative de 20 minutes, est disponible. Voici le verbatim du sermon. Nos commentaires sont en caractères romains et entre les crochets :

 

Ce matin, vous me permettrez de ne pas faire d’homélie comme telle, mais d’aborder un sujet un peu difficile à partir d’un événement qui s’est produit chez nous il y a quelque temps : un groupe de personnes avait fait signer une pétition pour demander au curé d’abord, et à l’évêque ensuite, l’autorisation de revenir à la liturgie du Pape saint Pie V, c’est-à-dire pour la messe, avoir la messe en latin, dos au peuple comme on avait avant le Concile Vatican II. [Ceci n’est pas tout à fait exact : personne ne veut revenir à la situation antérieure et l’imposer à tous. Le groupe demande seulement UNE messe supplémentaire PAR MOIS. La liberté de chacun est respectée.]

 

Le curé de la paroisse d’à côté, Jean-Roch Gaudin, après avoir consulté l’évêque, et l’évêque lui-même, après avoir étudié la question, ont demandé d’abandonner cette demande. Il avait d’ailleurs publié dans le feuillet paroissial de la paroisse la réponse de l’évêque. [Pourtant, le motu proprio affirme, à propos du curé, à l’article 5 § 1 : « le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la messe selon le rite du Missel romain édité en 1962 ». Et l’article 7 déclare, à propos de l’Évêque : « L’Évêque est instamment prié d’exaucer leur désir. »]

Dimanche dernier, dans le Progrès-Dimanche, un article redemandait l’autorisation de cette messe.

 

Je voudrais simplement apporter quelques éléments d’éclairage sur cette question. Tout d’abord, je voudrais que l’on regarde un peu qu’est-ce que c’est la liturgie. Si on prend une définition simple, la liturgie c’est un ensemble de rites simples, significatifs, mais pour montrer, pour faire vivre, pour réaliser l’action de Dieu en nous et dans notre monde pour aujourd’hui. En particulier, l’Eucharistie qui est la Présence réelle de Jésus, de Jésus Ressuscité au milieu de nous. Et la messe est structurée de telle façon qu’elle est faite pour nous faire saisir trois formes de la Présence de Jésus en même temps.

 

La première, c’est nous : la chrétienté, l’Église, les croyants se rassemblent pour célébrer le Seigneur et prendre conscience qu’Il a dit : « Lorsque vous serez deux ou trois réunis en mon Nom, Je suis au milieu de vous. » C’est ce que nous faisons chaque dimanche et c’est la première forme de présence que la messe nous signifie.

 

La seconde, c’est dans la Parole. Nous partageons un ou plusieurs textes de l’Ancien Testament comme du Nouveau Testament. L’homélie normalement a pour but de les approfondir et de nous aider, vous et moi, à les faire passer dans nos vies.

 

La troisième forme, évidemment, qui est la plus parfaite, c’est l’Eucharistie, c’est-à-dire la Présence du Christ que nous recevons dans la Communion. Et, en plus, la messe a pour but de nous faire vivre et de présenter à notre époque les grands éléments de notre salut, c’est-à-dire la Mort et la Résurrection de Jésus. [Il aurait été bien de parler de la notion de sacrifice qui est centrale. Le Concile Vatican II nous enseigne que « le sacrifice eucharistique perpétue le sacrifice de la croix au long des siècles. » (SC 47)]

 

Nous en avons déjà parlé et je l’ai déjà expliqué, il y a des rites symboliques. En particulier, à la consécration, nous séparons le pain et le vin, ce qui symbolise la mort du Christ. Et, vous avez dû remarquer, juste avant la communion, le prêtre prend un morceau d’hostie qu’il met dans le calice. Il réunit le pain et le vin symboliquement pour montrer que le Christ est maintenant ressuscité, total, présent avec nous. [Les symboles c’est bien, mais le centre de la messe n’est pas la symbolique mais le mystère de la transsubstantiation au moment de la consécration.]

 

Et, au cours des siècles, depuis le début du christianisme, parfois lentement, parfois plus vite, mais l’Église a toujours su adapter sa liturgie aux besoins de son époque pour que les gens, selon ce qu’ils sont, puissent mieux comprendre et mieux suivre cette liturgie qui réactualise la présence et le mystère de Jésus. [Selon le motu proprio, la liturgie romaine d’aujourd’hui comporte deux expressions : l’une ordinaire et l’autre extraordinaire. En effet, l’article 1 affirme : « Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en oeuvre de l’unique rite romain. Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Église. »]

 

Je prends deux exemples importants, mais il y en aurait plus. À la fin du XVIe siècle, le Pape Pie V, qui est devenu saint par la suite – on l’appelle saint Pie V – a provoqué à son époque une réforme de l’Église. Il a d’abord essayé d’accentuer et d’insister sur la mise en oeuvre du Concile de Trente qui avait eu lieu quelques années avant. Il a publié un catéchisme qui donnait aux chrétiens un bon résumé de la foi chrétienne et de l’interprétation théologique de ce temps. Et aussi, il a renouvelé la liturgie de l’Église de l’époque. Il a restructuré la façon concrète de célébrer la messe, non pas le mystère, mais la façon de célébrer. Il a fait oeuvre de réforme et d’adaptation. [Avec la promulgation du motu proprio Summorum Pontificum, le Pape Benoît XVI aussi a fait oeuvre de réforme et d’adaptation pour aujourd’hui.]

 

C’est précisément ce que le Concile Vatican II a fait de 1962 à 1965, à l’invitation du Pape Jean XXIII, qui était là à la première session du Concile et qui est décédé. Et c’est le Pape Paul VI qui a continué l’oeuvre. Mais à travers les réformes que le Concile a faites, il a fait comme Pie V, il a renouvelé la liturgie pour l’adapter au monde d’aujourd’hui, la rendre plus concrète et plus compréhensible. C’est comme ça qu’on a arrêté de dire la messe dos au peuple, on s’est tourné vers les gens, que la langue a été modifiée, au lieu de lire la messe en latin, on la lit en français, ou en polonais, ou en allemand ou en italien, selon le pays. [Ces modifications sont venues dans la période post-conciliaire : la disparition totale du latin n’est pas demandée par les textes du Concile ; aussi, le Concile est totalement silencieux sur l’orientation du prêtre.]

 

Donc, le Concile a voulu adapter concrètement pour nous faire vivre mieux la compréhension du mystère du Seigneur. Le Pape Jean XXIII, déjà, avait commencé quelques adaptations de la liturgie de la messe. C’est le Pape Paul VI, bien sûr, qui l’a terminé en publiant un nouveau rite pour l’Eucharistie. Et le Pape Jean-Paul II a terminé l’oeuvre en publiant, lui, un catéchisme qui représente encore les grands mystères, les grandes vérités de la foi chrétienne, avec l’interprétation théologique plus ajustée au progrès de la réflexion chrétienne. [Derrière cet enseignement se cache la crainte de la remise en cause du Concile. Pourtant, dans sa lettre d’accompagnement aux Évêques, le Saint-Père affirme à propos du motu proprio : « On trouve des réactions très diverses les unes des autres, qui vont de l’acceptation joyeuse à une dure opposition [...] Deux craintes s’opposaient plus directement à ce document [...] En premier lieu il y a la crainte d’amenuiser ainsi l’autorité du Concile Vatican II, et de voir mettre en doute une de ses décisions essentielles – la réforme liturgique. Cette crainte n’est pas fondée. »]

 

C’est dans cette optique donc, qu’un groupe dans notre région a lancé, si vous le voulez, une pétition pour demander au curé, et, par conséquent à l’évêque, l’autorisation pour ce groupe d’avoir la messe selon le rite de saint Pie V, une messe que l’on appelle traditionnelle, qui, au fond, n’est pas si traditionnelle que cela, puisque Pie V a fait son renouveau il y a quatre siècles et ça veut dire que dans les seize siècles précédents, il y a eu d’autres façons de célébrer l’Eucharistie. Et si on voulait être de la Tradition la plus fondamentale, il faudrait célébrer comme les Apôtres, dont on ne sait pas d’ailleurs exactement comment ils célébraient. [Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la messe de saint Pie V n’est pas de saint Pie V. Ce Pape, dans le prolongement du Concile de Trente, n’a fait que codifier, et non fabriquer, ce qui existait déjà. Par exemple, l’ensemble du canon remonte au Ve siècle, et il n’a pas été modifié depuis lors (seuls 26 mots ont été changés). Quant au reste de la messe, on en trouve la substance dès le pontificat de saint Grégoire le Grand (540-604) et on peut même, pour l’essentiel, remonter jusqu’aux Apôtres (1er  siècle).]

 

Il y a une chose cependant que l’histoire nous démontre ; s’il y a une Tradition claire dans l’Église catholique, entre autres, c’est cette capacité qu’elle a eu, et c’est presque la seule Église qui est capable de cela, à travers les siècles, de s’arrêter, de s’évaluer, de s’interroger et de renouveler ce qu’elle jugeait nécessaire.

 

D’ailleurs, la fête de saint Pie V est le 30 avril de chaque année. Et cette année, par un hasard intéressant, j’étais à Rome à l’occasion de la fête de Pie V. Et il y avait une messe solennelle à la basilique Sainte-Marie-Majeure, c’est le nom de la basilique à Rome, c’est la troisième basilique la plus importante après, évidemment, la cathédrale de Rome et la basilique Saint-Pierre. C’est dans cette basilique que se trouve d’ailleurs le corps du Pape Pie V. Il y avait donc une messe avec tout le déploiement de la liturgie romaine. J’y suis allé. Il y avait des cardinaux, des évêques, il y avait beaucoup de monde. J’ai été surpris ! Je n’ai pas vu l’ombre de l’allusion à un rite de la messe de Pie V. On a célébré avec le rite qui a suivi Vatican II. Et le cardinal, qui faisait l’homélie, a pris la peine de dire que Pie V, après avoir expliqué plus loin que la messe <inaudible>, il a pris la peine de dire, qu’à son époque, le Pape Pie V a voulu renouveler pour rendre plus proche la liturgie. C’est exactement ce que Vatican II a fait. Cela a été sa conclusion. [La forme ordinaire est très certainement célébrée à Rome, tout comme la forme extraordinaire. Une paroisse personnelle a même été confiée à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre pour la célébration de la forme extraordinaire des sacrements : la paroisse Santa Trinità dei Pellegrini. Cela est conforme à l’article 10 du motu proprio qui déclare : « S’il le juge opportun, l’Ordinaire du lieu a le droit d’ériger une paroisse personnelle au titre du canon 518, pour les célébrations selon la forme ancienne du rite romain, ou de nommer soit un recteur soit un chapelain, en observant les règles du droit. » C’est dans cette optique qu’il faut comprendre ce que le cardinal Marc Ouellet a fait à Québec en érigeant la chapellenie Saint-François-d’Assise.]

 

On sait tous probablement ou pas, si vous ne le savez pas je vous l’apprends, que le Pape Benoît XVI, l’an dernier, a autorisé, pour des groupes bien particuliers, et à des conditions bien spéciales, la possibilité d’avoir la messe du rite de Pie V. [Concernant les prêtres, le motu proprio ne dit pas que SEULS les prêtres lefebvristes peuvent célébrer la messe selon le Missel de 1962 mais affirme que TOUS les prêtres peuvent le faire sans autorisation (aux messes célébrées sans peuple). En effet, l’article 2 du motu proprio stipule : « Aux messes célébrées sans peuple, tout prêtre catholique de rite latin, qu’il soit séculier ou religieux, peut utiliser le Missel romain publié en 1962 par le bienheureux Pape Jean XXIII ou le Missel romain promulgué en 1970 par le Souverain Pontife Paul VI, et cela quel que soit le jour, sauf le Triduum sacré. Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre Missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son Ordinaire. » Et l’article 4 ajoute : « Aux célébrations de la messe dont il est question ci-dessus à l’art. 2 peuvent être admis, en observant les règles du droit, des fidèles qui le demandent spontanément. »]

 

[Concernant les groupes, le motu proprio ne dit pas que SEULS les groupes lefebvristes peuvent célébrer selon le Missel de 1962, mais affirme, à l’article 5 § 1, ce qui suit : « Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la messe selon le rite du Missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’Évêque selon les normes du canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Église. »]

 

Il a expliqué lui-même pourquoi. Et la première raison qu’il a donnée, et le premier groupe visé, c’était le groupe qui a débuté en France, et qui s’est continué un peu ailleurs, de Mgr Lefebvre, et qui, d’ailleurs, s’est séparé de l’Église. Et en ajoutant cette autorisation, c’était une main tendue pour les rapprocher. Il est allé un peu plus loin. Il a souligné que si, à l’intérieur même de l’Église, il y avait des groupes depuis longtemps établis, qui n’ont jamais pu, qui pouvaient éventuellement peut-être se retirer, il leur tend aussi la main en l’autorisant. Il y a donc des conditions. [Certes, la réconciliation avec les lefebvristes est une raison qui a incité le Saint-Père à publier le motu proprio, mais ce n’est pas le seul motif. Il y a également toute la question des abus liturgiques (les « messes alternatives » qui sont célébrées au Grand Séminaire de Chicoutimi en sont un exemple). Dans sa lettre d’accompagnement aux Évêques, le Saint-Père affirme : « Beaucoup de personnes qui acceptaient clairement le caractère contraignant du Concile Vatican II, et qui étaient fidèles au Pape et aux Évêques, désiraient cependant retrouver également la forme de la sainte Liturgie qui leur était chère ; cela s’est produit avant tout parce qu’en de nombreux endroits on ne célébrait pas fidèlement selon les prescriptions du nouveau Missel ; au contraire, celui-ci finissait par être interprété comme une autorisation, voire même une obligation de créativité ; cette créativité a souvent porté à des déformations de la Liturgie à la limite du supportable. Je parle d’expérience, parce que j’ai vécu moi aussi cette période, avec toutes ses attentes et ses confusions. Et j’ai constaté combien les déformations arbitraires de la Liturgie ont profondément blessé des personnes qui étaient totalement enracinées dans la foi de l’Église. »]

 

Mgr Rivest a fait le tour du diocèse, pas au sens qu’il a pris son auto, il a étudié tous les endroits, il a consulté et on s’est aperçu qu’il n’y avait pas dans le diocèse de groupes qui correspondaient aux conditions que Benoît XVI a données. [Ce qui est faux : un groupe existe bel et bien. On refuse toutefois de lui accorder le qualificatif de « stable ».]

 

Et, en même temps, selon son jugement, et après également consultation des conseils qui l’assistaient, il a suggéré d’abandonner cette idée et il a donc refusé que cela se produise chez-nous. [Pourtant, dans sa lettre d’accompagnement aux Évêques, le Saint-Père affirme : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur donner leur juste place. »]

 

Il faut croire que le groupe ne veut pas céder puisque dimanche dernier, dans le Progrès-Dimanche, il y avait un article « En latin s’il vous plaît. Des fidèles veulent le retour à la messe traditionnelle. » Si je vous faisais lever la main, je ne suis pas sûr qu’il y en aurait tant que ça qui la lèveraient. [Le but de la demande n’est pas de convertir le diocèse en entier à la « forme extraordinaire » mais de permettre à ceux qui le désirent, dont les 140 signataires, d’y participer.]

 

Ce qui m’agace là-dedans, c’est l’idée évidemment, c’est <inaudible>. Faire de la pastorale, c’est suivre globalement l’Église et c’est ce que nous faisons. C’est la fonction de l’évêque, dans son diocèse, d’animer la foi des chrétiens de son diocèse, et c’est lui qui doit nous guider. [Le rôle de l’évêque doit être celui de modérateur et non celui de dictateur. Certes, l’Évêque doit guider son peuple et ce, en harmonie avec les dispositions du motu proprio. Dans sa lettre d’accompagnement aux Évêques, le Saint-Père affirme : « Rien n’est donc retiré à l’autorité de l’Evêque dont le rôle demeurera de toute façon celui de veiller à ce que tout se passe dans la paix et la sérénité. Si quelque problème devait surgir et que le curé ne puisse pas le résoudre, l’Ordinaire local pourra toujours intervenir, en pleine harmonie cependant avec ce qu’établissent les nouvelles normes du motu proprio. »]

 

Je ne porte pas de jugement sur les personnes et je ne connais pas tous les coeurs, et beaucoup de gens sont sincères évidemment. Mais, en même temps, je m’interroge sur des événements. Lorsqu’on fonctionne par menaces, et elles ont été dites : « Si l’évêque refuse on va écrire à Rome, on finira bien par l’avoir ». [Faire appel à l’autorité romaine est légitime du point de vue du droit et n’a rien d’une menace. Le recours à la commission Ecclesia Dei est la procédure normale prévue et conseillée par le motu proprio en cas de difficultés.]

 

Si c’est ça qu’on appelle le respect de l’Église et de l’évêque, je me demande ce que c’est.

 

Sur un site Internet que ce groupe avait, on a vu plusieurs articles avec des mots plutôt grossiers à l’égard de plusieurs personnes dans la direction du diocèse. [Aucun article sur le blogue ne contient des « grossièretés » (le lecteur peut en juger par lui-même en le visitant). Critiquer des arguments sur une base rationnelle n’est pas du tout la même chose « qu’être grossier ».]

 

On a même vu une photographie de l’évêque à qui on avait mis des cornes pour qu’il ressemble au démon. [Cette caricature a été créée dans un pays hispanique sur un autre blogue et n’est pas l’œuvre du groupe de Chicoutimi qui n’est pas d’accord avec ce genre de procédé.]

 

S’ils pensent attirer le respect avec ça, je peux leur dire que non !

 

Dans l’article du Progrès-Dimanche on change de ton : c’est la douceur, c’est presque l’humilité. C’est fallacieux ! Avec ce qu’il y a eu avant, on a l’impression qu’ils veulent se présenter en victimes.

 

On dit que c’est même un prêtre de Québec, un jeune que nous avons vu dans ces groupes, qui viendrait célébrer la messe ici selon le rite de Pie V, parce que c’est difficile d’en trouver dans la région. D’ailleurs, vous savez, j’ai 65 ans, il y a 40 ans que je suis ordonné, je n’ai jamais célébré la messe selon le rite de Pie V ; c’était aboli même à mon époque ! [Il n’est pas trop tard pour l’apprendre, plusieurs prêtres (aux États-Unis entre autres) suivent des formations pour apprendre à célébrer selon le Missel de 1962.]

 

La majeure partie des signataires de la pétition, au moment où je l’ai vue, peut-être ça a changé après, ce n’était pas des gens âgés pour la plupart, c’était des gens entre 20 et 30 ans. Ils n’étaient même pas nés ! [Le Saint-Père lui-même reconnaît, dans sa lettre d’accompagnement aux Évêques, que la messe traditionnelle convient aux personnes jeunes puisqu’il affirme : « Aussitôt après le Concile Vatican II, on pouvait supposer que la demande de l’usage du Missel de 1962 aurait été limitée à la génération plus âgée, celle qui avait grandi avec lui, mais entre-temps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgique, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement. »]

 

Souvent, vous savez, mais c’est pas vrai pour tout le monde, mais souvent les gens intégristes, très traditionalistes – parce que c’est important la Tradition, c’est l’exagération qui n’est pas bon – ça démontre un manque d’assurance, ça démontre une incapacité d’adaptation et c’est pas seulement sur le plan de la foi, c’est sur le plan humain et dans la société du monde actuel. Mais c’est vrai que ce n’est pas facile parce que les changements sont toujours rapides : regardez tout ce qui se passe partout dans le monde. Mais le retour en arrière donne une impression de sécurité. [Il est faux de prétendre que les membres du groupe manquent d’assurance et ne sont pas capables de s’adapter. Le curé déplace le débat théologico-juridique sur le plan psychologique en projetant possiblement ses propres craintes face au changement apporté par le motu proprio.]

 

Et, dans la foi, si on pense que le fait de comprendre enlève le mystère et que ça compromet la foi, c’est qu’elle est très faible et elle n’est pas basée à la bonne place. Le contraire est vrai aussi : si on pense que le fait de ne pas comprendre augmente le mystère et rassure et resserre la foi, c’est également se leurrer. Mais dans le fond, quelle que soit la liturgie, le problème le plus sérieux n’est pas là. [Comment peut-on se permettre de juger la foi des autres ? La plupart des demandeurs ont une foi solide et un cheminement spirituel significatif. Les demandeurs désirent vivre l’expérience du mystère sans renoncer à approfondir leur foi par la catéchèse, la théologie et la messe dans sa « forme ordinaire ». L’équation du curé est réductrice de la réalité et simpliste pour un théologien.]

 

À l’occasion du Congrès eucharistique de Québec, je n’ai pas pu y aller parce que j’étais seul ici en paroisse et tout le monde était parti en même temps, mais je prenais les nouvelles et les interviews qu’il y avait à la télévision. Il y a eu l’interview justement d’un jeune prêtre de ces groupes ; l’interview a duré une minute et demie ou deux au plus, c’est jamais très long, mais pendant cette minute et demie ou deux, il a réussi à faire quatre erreurs théologiques importantes. J’ai enseigné pendant 20 ans la théologie.

 

Les deux principales sont les suivantes : ça a d’abord été de dire que le Pape était l’évêque universel et de dire dans la même phrase que le Cardinal Ouellet était le représentant du Pape à Québec. C’est une erreur ecclésiologique sérieuse. Le Pape n’est pas l’évêque universel, il est l’évêque de Rome. Et, au titre de l’évêque de Rome, il est – à l’intérieur du collège des évêques – celui qui a la charge de Pierre à l’intérieur du collège apostolique. Mais il n’est pas évêque de Chicoutimi. Et l’évêque de Chicoutimi, Mgr Rivest, n’est pas le vicaire du Pape, il est l’évêque de Chicoutimi, il est le successeur des apôtres. Comme chaque évêque, il est celui qui a la charge de toute l’Église dans son diocèse. Et ça lui a même été donné justement par le Pape. Bien sûr, comme tous les évêques, il doit le faire en union, ce que l’on appelle en théologie la collégialité, avec les autres évêques et avec le Pape. Mais c’est lui qui est le responsable de l’Église de Chicoutimi, de notre communauté chrétienne. C’est lui qui a reçu la mission, à la suite des Apôtres, d’affermir la foi de ses frères. [Concernant l’évêque, le canon 381 § 1 déclare qu’il possède : « le pouvoir ordinaire, propre et immédiat requis pour l’exercice de sa charge pastorale, à l’exception des causes que le droit ou un décret du Pontife Suprême réserve à l’autorité suprême ou à une autre autorité ecclésiastique ». Concernant le Pontife Romain, le canon 331 affirme qu’il possède : « le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement ».]

 

Si on lui demande son avis, pour après dire que c’est un imbécile, [Personne n’a traité l’évêque d’imbécile, le groupe est seulement en désaccord avec ses arguments] je me demande qu’est-ce que ça donne et où on est rendu. [Nous sommes rendus à l’article 7 du motu proprio qui déclare : « Si un groupe de fidèles laïcs dont il est question à l’article 5 § 1 n’obtient pas du curé ce qu’ils lui ont demandé, ils en informeront l’Évêque diocésain. L’Évêque est instamment prié d’exaucer leur désir. S’il ne peut pas pourvoir à cette forme de célébration, il en sera référé à la commission pontificale Ecclesia Dei. »]

 

Je suis sûr qu’il n’aimerait peut-être pas que je parle comme ça ce

matin. C’est un homme bon, il ne se défendra pas. C’est toujours les

mêmes qui parlent et au nom de la charité on se ferme. Alors qu’au

nom de la charité, parfois, il faut s’ouvrir la bouche. » [C’est exactement

ce que le groupe demandant la messe tridentine fait : au nom de

la charité et de la vérité, il remet en question les arguments lui interdisant

l’accès à la liturgie traditionnelle.]

 

L’ancien régime de l’Indult versus le nouvel ordre juridique

 

Le sermon du curé de la cathédrale de Chicoutimi démontre que l’intelligentsia diocésaine n’a pas encore fait le passage obligé du régime plus restrictif de l’Indult (1984) vers le régime instauré par le nouveau motu proprio (2007) libéralisant la messe tridentine. Faisons un bref rappel historique.

 

Dans la lettre Quattuor abhinc annos (1984), un indult était accordé pour les fidèles attachés à la forme liturgique antérieure à la réforme qui a suivi le Concile Vatican II. Avec le motu proprio Ecclesia Dei, le Pape Jean-Paul II demandait ce qui suit : « On devra partout respecter les dispositions intérieures de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique latine, et cela par une application large et généreuse des directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l’usage du missel romain selon l’édition typique de 1962 ». Sous ce régime dit de l’Indult, la messe tridentine était une sorte de concession que seul l’évêque avait le pouvoir d’accorder.

 

Avec la promulgation du motu proprio Summorum Pontificum, la messe tridentine – qui devient la « forme extraordinaire » du rite romain – n’est plus une concession accordée à des groupes particuliers mais un don offert à toute l’Église. La liberté de participer à l’ancienne liturgie est accordée à tous et il appartient désormais non plus à l’évêque mais au curé de satisfaire aux demandes. Tous les prêtres et tous les fidèles sans exception ont le droit de vivre leur foi au rythme de « la forme extraordinaire ». C’est dans ce sens que l’on parle de libéralisation de la messe tridentine. Il semble que les autorités diocésaines n’aient pas encore passé du régime de l’Indult au nouvel ordre juridique instauré par le motu proprio Summorum Pontificum.

 

Le Cardinal Dario Castrillón Hoyos, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, affirme à propos du motu proprio Summorum Pontificum :

 

« Ce n’est pas un don qui s’adresserait à ceux-là seuls qu’on appelle les « traditionalistes » : non, c’est un don pour toute l’Église catholique. Et ce don, librement offert, le Saint-Père le fait au moyen de cette merveilleuse structure de l’Église, que constituent les paroisses, les prêtres et les chapelains dans les chapelles où l’on célèbre l’Eucharistie. Par la volonté du Vicaire du Christ, ils doivent accepter les pétitions et les demandes des fidèles qui désirent cette messe, et ils doivent la leur offrir. Et même lorsqu’il n’y a pas de demande spécifique, ni de requête, ils devraient la rendre accessible, afin que chacun puisse avoir accès à ce trésor de la liturgie ancienne de l’Église. Là est l’objectif primordial du motu proprio : une richesse spirituelle et théologique. Le Saint-Père veut que cette forme de la messe devienne normale dans les paroisses afin que, de cette manière, des communautés jeunes puissent aussi se familiariser avec ce rite.

 

Alors que le motu proprio Summorum Pontificum déclare que la liturgie tridentine n’a jamais été abrogée, les autorités diocésaines parlent et agissent comme si la liturgie réformée avait abrogé l’ancienne.

 

Alors que le motu proprio Summorum Pontificum nous assure que le rite romain comporte et une « forme ordinaire » et une « forme extraordinaire », la direction diocésaine se comporte comme s’il n’y avait qu’une seule forme valide : « la forme ordinaire ».

 

Alors que le motu proprio Summorum Pontificum confère au curé le pouvoir et la liberté d’accorder l’ancienne liturgie aux fidèles et aux prêtres qui ont cette sensibilité liturgique, l’épiscopat local s’arroge le droit d’interdire ce genre de célébration.

 

Finalement, il semble que le caractère obligatoire du motu proprio Summorum Pontificum soit grandement incompris, voire même négligé. Pourtant, la conclusion du texte papal est claire :

 

« Tout ce que Nous avons établi par la présente Lettre apostolique en forme de motu proprio, Nous ordonnons que cela ait une valeur pleine et stable, et soit observé à compter du 14 septembre de cette année ».

 

La question de l’autorité dans l’Église

 

Le sermon du curé de la cathédrale de Chicoutimi met en évidence une tare assez répandue dans l’Église au Québec, notamment dans le diocèse de Chicoutimi, de même qu’en d’autres endroits. Cette tare est une tendance au gallicanisme qui réduit le rôle du Pape à celui d’évêque de Rome, et qui considère l’évêque local quasiment comme le Pape dans son diocèse. À la suite de la publication du motu proprio Summorum Pontificum, la dissidence ecclésiale et la désobéissance au Pape sont devenues de plus en plus manifestes, comme l’a d’ailleurs constaté Mgr Albert Malcolm Ranjith, secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements :

 

« Il y a eu des réactions positives et, inutile de le nier, des critiques et des prises de position contraires, même de la part de théologiens, liturgistes, prêtres, évêques et aussi de cardinaux. Franchement, je ne comprends pas ces formes d’éloignement et – pourquoi pas ? – de rébellion contre le Pape. J’invite tout le monde, mais par-dessus tout les pasteurs, à obéir au Pape, qui est le Successeur de Pierre. Les évêques, en particulier, ont juré fidélité au Pontife : qu’ils soient cohérents et fidèles à leur engagement ».

 

Il est vrai que les évêques sont les modérateurs et les gardiens de la liturgie dans leur diocèse, mais à l’intérieur du droit et dans le respect de l’autorité du Siège Apostolique sur l’Église universelle. Le Cardinal Hoyos nous le précise :

 

Le Pape n’a pas changé le Code de droit canonique. L’évêque est toujours le modérateur de la liturgie dans son propre diocèse. Mais le Siège apostolique a la compétence d’ordonner la sainte liturgie de l’Église universelle. Or un évêque doit agir en harmonie avec le Siège apostolique et il doit garantir à chaque fidèle ses propres droits, y compris celui de pouvoir participer à la messe de saint Pie V, comme forme extraordinaire du rite.

 

Il faudra de toute évidence remettre au coeur de la vie de l’Église diocésaine l’obéissance au Souverain Pontife qui possède non seulement la primauté d’honneur mais également la primauté de juridiction. Le Saint-Père nous rappelle dans l’introduction de son motu proprio que :

 

« Depuis des temps immémoriaux et aussi à l’avenir, le principe à observer est que chaque Église particulière doit être en accord avec l’Église universelle ».

 

Le concept de Tradition

 

Le sermon du curé de la cathédrale de Chicoutimi soulève la question du concept de Tradition en conjonction avec celui de la conscience liturgique. Il semble que le Cardinal Joseph Ratzinger – aujourd’hui Pape Benoît XVI – puisse nous éclairer sur cette question. Dans le livre Voici quel est notre Dieu, il affirme :

 

« Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique, est traité comme un lépreux : c’est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Église. On méprise par là tout le passé de l’Église. Comment pourrait-on avoir confiance en elle au présent, s’il en est ainsi. J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance, qui s’oppose aux réconciliations nécessaires dans l’Église sans raison valable. »

 

Cette conscience liturgique, que nous sommes appelés à développer, est un élément indispensable pour faire sortir l’Église de la crise actuelle. Dans Ma Vie. Souvenirs, le Cardinal Ratzinger nous affirme que la crise de l’Église trouve son origine dans « l’idéologie de la rupture » et la déformation de la liturgie renouvelée. Voici ce qu’il propose :

 

« Un renouvellement de la conscience liturgique, une réconciliation liturgique qui reconnaîtrait l’unité de l’histoire liturgique, et verrait en Vatican II non une rupture mais une étape, est d’une nécessité urgente pour l’Église. Je suis convaincu que la crise de l’Église que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie ».

 

Beaucoup de déviations théologiques, pastorales et liturgiques – qui minent l’unité et la fécondité de l’Église – semblent puiser dans une vision dichotomique maintes fois stigmatisée par le théologien Joseph Ratzinger :

 

« Il faut s’opposer à tout prix à cette vue schématique d’un avant et d’un après dans l’histoire de l’Église, qu’on ne peut aucunement étayer par des documents qui, eux, ne font que réaffirmer la continuité du catholicisme. Il n’y a pas d’Église « pré » ou « post » conciliaire : il n’y a qu’une seule et unique Église qui marche vers le Seigneur, approfondissant de plus en plus et comprenant de mieux en mieux le trésor de la foi que Lui-même nous a confié. Dans cette histoire, il n’y a pas de sauts, il n’y a pas de brisures, il n’y a pas de solutions de continuité. Le Concile n’entendait pas du tout introduire un partage en deux du temps de l’Églis »e.

 

Le malaise dans l’Église ne pourra se dissiper qu’en prenant en compte toute la Tradition qui contient l’enseignement des Apôtres, des Pères de l’Église et des Saints, des Papes et des Conciles OEcuméniques. Le Cardinal Ratzinger nous invite à accueillir Vatican II dans la continuité de la Tradition :

 

« Premièrement, il est impossible de prendre position « en faveur » de Vatican II et « contre » le Concile de Trente et Vatican I. Quiconque accepte Vatican II tel qu’il s’est lui-même clairement exprimé et compris, affirme en même temps toute la tradition ininterrompue de l’Église catholique, et en particulier les deux Conciles précédents. Deuxièmement, de la même manière, il est impossible de se ranger « en faveur » du Concile de Trente et de Vatican I et « contre » Vatican II. Quiconque nie Vatican II nie l’autorité qui soutient les deux autres Conciles et l’abolit dans son principe même. Ici, tout choix partisan détruit le tout, qui ne peut exister que comme unité indivisible ».

 

Conclusion

 

En guise de conclusion, rappelons que nous avons donné une suite à la saga de la messe tridentine dans le diocèse de Chicoutimi afin de mieux faire comprendre les enjeux théologiques et liturgiques liés à cette requête. Nous avons présenté le sermon du curé de la cathédrale de Chicoutimi qui s’oppose à la demande ainsi que notre réplique et des rectifications. Nous avons analysé ce sermon comme étant un discours symptomatique d’une idéologie répandue dans l’Église du Saguenay-Lac-Saint-Jean et d’ailleurs.

 

Il est à espérer qu’un changement de mentalité s’opère au sein de l’appareil diocésain. La messe tridentine pourrait apporter au diocèse de Chicoutimi un enrichissement spirituel, théologique et liturgique, de même qu’une réappropriation de son histoire et du patrimoine de toute l’Église. Comme l’écrit le Cardinal Hoyos :

 

« Avec le motu proprio, le Pape a voulu offrir à tous une nouvelle occasion de profiter de l’énorme richesse spirituelle, religieuse et culturelle présente dans la liturgie de rite grégorien. Le motu proprio a été conçu comme un trésor offert à tous, et non fondamentalement pour répondre aux lamentations ou aux demandes de qui que ce soit. »