ITEM
80, rue de Normandie .
92400 Courbevoie.
Port. O6 80 71
71 01 ; e-mail : abbe_aulagnier@hotmail.com. Site : http://la.revue.item.free.fr/
Un
regard sur l’actualité politique et religieuse
Au 16 décembre 2005
N°70
« Benoît XVI et l’enjeu
de la messe traditionnelle ».
C’est le titre que
François-Xavier Pujol me proposa de traiter lors de la conférence de Perpignan qu’il a, seul, merveilleusement préparée, le 9 décembre
2005, au milieu de la plus réelle
opposition des prêtres de
Quoi qu’il en soit, la
conférence eut lieu, bel et bien. Elle
fut un bon succès, malgré cette opposition publique… Que devient l’amour
de la vérité ? Le « sectarisme » prendrait-il le pas sur l’amour
du vrai ?
Tout ça n’est pas de bonne
augure pour la suite, me disais-je dans mon intime…
« Benoît XVI et l’enjeu de la messe
traditionnelle »…
Tel fut le titre annoncé de
la conférence. Je dirais plus volontiers : « Benoît XVI et les enjeux
de la messe traditionnelle ». Je mettrais le sujet au pluriel parce que,
en cette affaire, les enjeux sont nombreux et réels.
Et s’il en est ainsi, on
comprend que nous nous soyons vivement réjouis de la messe célébrée par le Cardinal
Castrillon Hoyos en
Ne serait-ce l’opposition
formelle du Supérieur Général…- là, j’ai obéi ! - j’aurais été dans la
foule des prêtres et des fidèles pour m’unir à cet acte d’une importance
historique majeure…Il aurait même fallu favoriser, dans le sein de
Tel était un des enjeux, me
semble-t-il, de cette messe « historique ».
A- Les enjeux de la messe traditionnelle.
Oui ! Essayons tout
d’abord de découvrir tous les enjeux du maintien de cette messe traditionnelle
dans l’Eglise et pour l’Eglise. Dans une deuxième considération, nous verrons
comment Benoît XVI, alors simple cardinal Ratzinger, les a soulignés dans ses
œuvres diverses.
a- Le premier enjeu est d’abord d’ordre historique.
Jean Madiran, dans Présent, l’a
fort bien expliqué : « Plus
qu’un geste, la célébration de cette messe à Sainte Marie Majeure fut un acte, un acte historique en direction des
traditionalistes, certes, mais surtout en direction de l’être historique de l’Eglise, de son patrimoine sacré reçu en
dépôt, de sa liturgie dont nous sommes les héritiers ».
En effet, ce rite de la messe
en sa forme « tridentine » est certainement un bien de l’Eglise, un
bien qui fait parti du patrimoine de
l’Eglise, patrimoine qui lui est essentiel, essentiel à sa foi, à son histoire,
à son dogme. Aussi est-ce une raison légitime et en soi, déjà suffisante, de
garder jalousement cette messe dite de saint Pie V. Cela fut déclaré par le
cardinal Castrillon Hoyos, ce jour, le 24 mai 2003, au nom du Souverain
Pontife, Jean-Paul II.
C’est le premier des enjeux. Il n’est pas mince.
Garder cette messe saint Pie V est une affaire, finalement, de respect du patrimoine de l’Eglise, de respect dû au patrimoine historique de
l’Eglise, une affaire d’amour de l’Eglise. Plus que tout autre, le fidèle
catholique est un « héritier » qui reçoit en partage, par son
baptême, tous les biens de l’Eglise.
Par cette célébration
solennelle du 24 mai 2005, en cette basilique romaine, le pape Jean-Paul
II a voulu redire le respect que tous,
nous devons aux « coutumes légitimes et immémoriales de l’Eglise », à
cette « tradition légitimement constituée » comme l’a écrit Jean-Paul
II dans « Ecclesia de Eucharistia ».
b- Le deuxième enjeu : une affaire
d’honneur.
Par la célébration solennelle
du 24 mai 2003, l’Eglise de Rome, Mater
et Magistra omnium ecclesiarum, a rendu aussi son honneur à la messe
traditionnelle, latine et grégorienne selon le Missel Romain de Saint Pie V.
Oui, le maintien de la messe
ancienne, c’est une question d’honneur.
c- le troisième enjeu : une affaire de
justice.
C’est une affaire de justice.
C’est bien la définition de la justice : rendre à une chose, à une
personne, ce qui lui est dû, l’honneur qui lui est dû.
Ainsi par la célébration
solennelle du 24 mai, l’Eglise a-t-elle
rendu son honneur à une messe offensée et presque entièrement recouverte
par trente trois années de dénigrement,
de diffamation, de mépris, d’interdictions abusives et de persécutions
ecclésiastiques, épiscopales et même papales. Ce n’est pas rien, tout de
même !
Rendre ce rite à l’Eglise, le
reconnaître comme légitime, licite, utile, c’est poser un acte de justice. Ce n’est
pas le moindre des enjeux tant la justice est chose primordiale dans une
société, dans toute société. Cela fut dit, enfin, par le cardinal Castrillon
Hoyos, le 24 mai 2003 : « La
messe traditionnelle a droit de citoyenneté dans l’Eglise ».
Nous, nous le savions et nous
avons toujours défendu cette position. Mais officiellement, dans l’Eglise, on
ne le disait plus depuis 33 ans…Certes quelques cardinaux le dirent
immédiatement, au début du « conflit »…en 1969, le cardinal
Ottaviani, le cardinal Bacci… et quelques autres, en privé…Mais, de fait, il
fallut attendre 1986 et surtout 1988, pour que d’autres cardinaux commencent à
le dire…le redire. Je veux parler surtout du cardinal Stickler, préfet émérite de
Les enjeux du maintien de la
messe traditionnelle et de la reconnaissance de sa libre célébration dans
l’Eglise sont importants. Les enjeux ne sont rien d’autres qu’une question de
respect de l’ « être historique de l’Eglise », qu’une question
d’honneur, qu’une question de justice.
Ce respect, cet honneur,
cette justice, je le pense, je le souhaite, je prie pour cela, seront bientôt
confirmés, très bientôt, par le Pape Benoît XVI, l’ancien cardinal Ratzinger. -
Il le faut. Nous ne cesserons jamais de le réclamer. – Mais comment le cardinal
ne réaliserait-il pas ce qu’il a enseigné des années durant surtout maintenant
qu’il est successeur de Pierre et qu’il en a le pouvoir…Même si le gouvernement
de l’Eglise est chose difficile, comme il vient de le déclarer récemment, il
faut que justice soit faite…
Car, de fait, le cardinal
Ratzinger, après les sacres de Mgr Lefebvre en
d- l’enjeu doctrinal : la foi.
Et dans ses œuvres diverses
et nombreuses, il a, lui-même, exposé ces enjeux… Il les a d’abord dit. Il les a développés, il les a expliqués. Il a
même beaucoup insisté sur l’enjeu doctrinal qui est lié à cette affaire
liturgique de
Le Père Calmel, l’abbé Dulac,
Mgr Lefebvre… nous ont, oh combien, rappelé cet enjeu doctrinal de la réforme
de la messe. Rappelez-vous leurs
déclarations formelles des uns et des autres. Combien ils insistaient sur cette
question. C’était, pour eux, l’enjeu fondamental. Le premier des enjeux.
B- La position du cardinal Ratzinger, devenu
Benoît XVI
Et le cardinal Ratzinger, dès 1988, n’est pas
passé à côté, de cet enjeu : la foi. Il l’a vu. Il l’a exposé, lui aussi.
Voyons cela de plus
près !
a- Le premier des enjeux du maintien de la
messe traditionnelle dans la sainte Eglise est un enjeu doctrinal : la foi est en jeu.
Le cardinal Ratzinger le
laisse clairement entendre alors qu’il acceptait de préfacer le livre de Mgr
Gamber, publié, par la communauté du Barroux, en 1992 : «
« En
1992, Dom Gérard publie un livre de Mgr Gamber, prélat, théologien allemand,
spécialiste en liturgie, qu’il intitule : « La réforme liturgique en question ».
Ce
livre est fort intéressant. Il contient des critiques (doctrinales,
liturgiques) sur la nouvelle messe très pertinentes. Peut-être même jamais
lues, mêmes sous la plume d’un abbé Dulac, d’un Mgr Lefebvre.
Jugez
vous-même. Quelques expressions vous donneront le ton de l’ouvrage qui est un
recueil d’articles que Dom Gérard fit traduire de l’allemand au français.
« D’année en année, la réforme liturgique,
saluée avec beaucoup d’idéalisme et de grands espoirs par de nombreux prêtres
et laïcs, s’avère être, comme nous l’avons déjà esquissé, une désolation liturgique de proportions effroyables. »
(p.15)
« Au lieu du renouvellement de l’Eglise et de
la vie ecclésiale, nous assistons à un démantèlement des valeurs de la foi et
de la piété qui nous avaient été transmises et, en lieu et place d’un
renouvellement fécond de la liturgie, à
une destruction des formes de la messe qui s’étaient organiquement
développées au cours des siècles ». (p.15)
« S’y ajoute, sous le signe d’un oecuménisme
mal compris, un effrayant rapprochement avec les conceptions du protestantisme
et, de ce fait, un éloignement considérable des vieilles Eglises d’Orient. Ce
qui ne signifie rien moins que l’abandon d’une tradition jusqu’à ce jour
commune à l’Orient et à l’Occident. Même les pères de
« Pas un
catholique n’aurait pensé, il y a vingt ans que de tels changements pourraient
un jour intervenir dans l’Eglise romaine, qui semblait solidement édifiée sur
le roc de Pierre, et qu’on pourrait en
arriver à une telle confusion des esprits ». ( p 17)
« Aujourd’hui tout
a changé de fond en comble. On attaque souvent maintenant ceux qui, par
conviction profonde, restent fidèles à ce qui était, encore récemment strictement
prescrit par l’Eglise romaine. S’ils continuent à user du rite dans lequel ils
ont été élevés et ordonnés, on leur fait des difficultés. On ne tient pas
compte de leurs décisions prises en conscience et de leurs scrupules ».
(p. 18)
Malgré
cette critique en forme, et ce ne sont là que quelques extraits, le Cardinal
Ratzinger ne craint pas de le préfacer et d’en recommander la lecture, d’en
louer l’auteur.
Lui-même,
dans la préface, critique cette réforme
liturgique par son caractère « artificiel »
et « fabriqué »… :
« Ce qui s’est
passé après le Concile signifie tout
autre chose : à la place de la liturgie, fruit d’un développement continu,
on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance
et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le
devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les
a remplacés, à la manière de la production technique, par une fabrication,
produit banal de l’instant. » (p. 8)
Il
poursuit son discours tout à l’honneur de Mgr Gamber :
« Gamber, avec la
vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin s’est
opposé à cette falsification…C’est ce qu’il exprime dans ce livre… Il nous a
enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable grâce à
sa connaissance incroyablement riche des sources ». (p. 8)
«
La mort de cet homme et prêtre éminent
devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous aider à prendre un nouvel
élan ». (p.8)
« En cette heure de détresse, il
pourrait devenir le père d’un nouveau départ ». (p.7)
Mais,
attention, ce panégyrique est adressé à un théologien qui n’a pas craint de
dire de la réforme liturgique : « Qu’on
mit désormais de façon exagérée l’accent sur l’activité des participants,
rejetant de la sorte au second plan l’élément cultuel, celui-ci s’appauvrit de
plus en plus chez nous ».(p. 13)
Qui
n’a pas craint d’écrire non plus : « De même il manque maintenant, dans
une large mesure cette solennité qui fait partie de toute action cultuelle… En
lieu et place, on voit souvent régner une austérité calviniste ». (p. 13)
Qui
a même l’audace d’écrire que : « La rupture avec la tradition est
désormais consommée ». (p »14)
Ou
encore : « La réforme
liturgique saluée avec beaucoup d’idéalisme et de grands espoirs par de nombreux
prêtres et laïcs s’avère être une désolation liturgique de proportions
effroyables ». (p.15)
On
pourrait relever, dans ce livre, mille jugements de même sévérité. Et, malgré
tout, le Cardinal a osé le préfacer. »
Pour
le cardinal Ratzinger, le futur Benoît XVI, l’enjeu de
L’appel du Père Calmel prend alors, à la lumière de
l’enseignement du cardinal Ratzinger, toute son importance : « Je m’en tiens à la messe traditionnelle, celle
qui fut codifiée, mais non fabriquée par Saint Pie V, au XVIe siècle,
conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc
l’ « Ordo Missae » de Paul VI. Pourquoi ? Parce que, en
réalité, cet ordo n’existe pas. Ce qui existe, c’est une révolution liturgique
universelle et permanente prise à son compte ou voulue par le Pape actuel et
qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’ « ordo
missae » du 3 avril 1969.
C’est le droit de tout prêtre de refuser
de porter le masque de cette révolution liturgique. Et j’estime de mon devoir
de prêtre de refuser de célébrer la messe dans un rite équivoque.
Si nous acceptons ce rite nouveau qui
favorise la confusion entre la messe catholique et
b- le deuxième enjeu :
l’enjeu historique.
Nous
avons dit que l’un des enjeux est historique. Il est lié au respect que tout
catholique doit à l’être historique de l’Eglise, de son patrimoine.
Là
aussi, le cardinal a souvent rappelé cet enjeu.
1- dans son livre « Ma vie, Souvenirs » publié en 1998, à la page 132-133 vous trouvez exposé
clairement cet enjeu historique. Il écrit : « Le deuxième grand événement au
début de mes années à Ratisbonne fut la publication du Missel de Paul VI,
assortie de l’interdiction quasi totale de missel traditionnel, après une phase
de transition de six mois seulement ».
Le
problème liturgique est bien posé.
« Il était heureux
d’avoir un texte liturgique normatif après une période d’expérimentation qui
avait souvent profondément défiguré la
liturgie »
C’est
juste. Que d’expérimentations précédant la loi ! Que d’improvisations
fantaisistes. Le témoignage de Cardinal Gut le confirmait un jour
dramatiquement.
Le
Cardinal Ratzinger poursuit :
« Mais j’étais
consterné de l’interdiction de l’ancien missel, car cela ne s’était jamais vu
dans toute l’histoire de la liturgie.
Bien sûr, on fit croire
que c’était tout à fait normal. Le missel précédent avait été conçu par Pie V
en 1570 à la suite du concile de Trente. Il était donc normal qu’après quatre
cents ans et un nouveau concile, un nouveau pape présente un nouveau missel.
Mais la vérité historique est tout autre : Pie V s’était contenté de
réviser le missel romain en usage à l’époque, comme cela se fait normalement
dans une histoire qui évolue. Ainsi, nombreux furent ses successeurs à réviser
ce missel, sans opposer un missel à un autre ».
C’est
très juste. Saint Pie V n’a fait que « réviser »
et « enlever les scories » qui, inévitablement, s’ajoutent au fil
du temps. Ce n’était donc pas un autre missel, différent, mais bien le même
purifié des ajouts du temps. L’abbé Dulac, dans le Courrier de Rome ne cessait de nous expliquer cette œuvre du
Concile de Trente et de Saint Pie V. Le jugement du Cardinal reprend tout à
fait cette explication. Nos deux auteurs se rejoignent. Le Cardinal écrit en
effet :
« Il s’agissait
d’un processus continu de croissance et d’épurement sans rupture. Pie V n’a jamais créé de missel. Il n’a fait que réviser le missel, phase d’une
longue évolution.
La nouveauté, après le
Concile de Trente, était d’un autre ordre : l’irruption de
« Dans cette confusion, devenue possible par manque de
législation liturgique uniforme et par l’existence d’un pluralisme liturgique
datant du Moyen-Age, le Pape décida d’introduire le Missale Romanum, livre de
messe de la ville de Rome, comme indubitablement catholique, partout où l’on ne
pourrait se référer à des liturgies remontant
à au moins deux cents ans. Dans le cas contraire, on pourrait en rester
à la liturgie en vigueur, car son caractère catholique pourrait alors être
considéré comme assuré. Il ne pouvait donc être question d’interdire un missel
traditionnel juridiquement valable jusqu’alors. Le décret d’interdiction de ce
missel qui n’avait cessé d’évoluer au
cours des siècles depuis les sacramentaires de l’Eglise de toujours, a opéré
une rupture dans l’histoire liturgique, dont les conséquences ne pouvaient
qu’être tragiques. Une révision du
missel, comme il y en avait souvent eu, pouvait être radicale cette fois-ci,
surtout en raison de l’introduction des langues nationales ; et elle avait
été mise en place à bon escient par le Concile.
« Toutefois, les
choses allèrent plus loin que prévu ; on démolit le vieil édifice pour en
construire un autre, certes en utilisant largement le matériau et les plans de
l’ancienne construction. Nul doute que ce nouveau missel apportait une
véritable amélioration et un réel enrichissement sur beaucoup de points ;
mais de l’avoir opposé en tant que construction nouvelle à l’histoire telle
qu’elle s’était développée, d’avoir interdit cette dernière, faisant ainsi
passer la liturgie non plus comme un organisme vivant, mais comme le produit de
travaux d’érudits et de compétences juridique : voilà ce qui nous portait
un énorme préjudice. Car on eut alors l’impression que la liturgie était
« fabriquée », sans rien
de préétabli, et dépendait de notre décision. Il est donc logique que l’on ne
reconnaisse pas les spécialistes ou une instance centrale comme seuls habilités
à décider, mais que chaque « communauté » finisse par se donner à
elle-même sa propre liturgie. »
2-le 24 octobre 1998 à Rome.
Le cardinal
Ratzinger revient sur cette question historique, de nouveau, en octobre 1998
alors qu’il reçoit à Rome les communautés dites Ecclesia Dei Adflicta. C’est dire que le sujet lui tient à cœur. L’enjeu
est d’importance.
Il est
11h00. Nous sommes à l’hôtel Ergife.
Le cardinal va faire remarquer que jamais dans son histoire, l’Eglise n’a
« aboli » un rite
catholique. Il invoque le témoignage du
Cardinal Newman. C’est prudent !
« Il est bon de rappeler ici ce qu’a constaté le
Cardinal Newman qui disait que l’Eglise dans toute son histoire, n’avait jamais
aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait
étranger à l’Esprit de l’Eglise. Une
liturgie orthodoxe, c’est à dire qui exprime la vraie foi, n’est jamais une
compilation faite selon des critères pragmatiques de diverses cérémonies dont
on pourrait disposer de manière positive et arbitraire – aujourd’hui comme ça
et demain autrement ».
« Les formes orthodoxes d’un rite sont des
réalités vivantes nées du dialogue d’amour entre l’Eglise et son Seigneur –
sont des expressions de la vie de l’Eglise où se sont condensées la foi, la
prière et la vie – même de générations et où se sont incarnées dans une forme
concrète en même temps l’action de Dieu et la réponse de l’homme. »
« De tels rites peuvent mourir, si le sujet qui
les a portés historiquement disparaît ou si ce sujet s’est inséré dans un autre
cadre de vie. L’autorité de l’Eglise
peut définir et limiter l’usage des rites dans des situations historiques
diverses – mais jamais elle ne les défend purement et simplement ! »
« Ainsi le Concile a ordonné une réforme des
livres liturgiques, mais il n’a pas interdit les livres antérieurs. »
Mais qu’a
donc fait le Pape Paul VI ?
Qu’a fait
l’ensemble de la hiérarchie pendant des années et des années ?
S’il est
vrai que canoniquement
Et contre
ceux qui, sous prétexte de sauvegarder l’unité du diocèse, refusent le « bi
ritualisme » pratique, le cardinal fait remarquer que le « multi
ritualisme » liturgique fut
toujours parfaitement admis dans
l’Eglise. L’histoire de l’Eglise le prouve facilement. Il disait : « Il faut encore examiner l’autre argument, qui prétend que
l’existence de deux rites peut briser l’unité. Là, i faut faire une distinction entre le côté
théologique et le côté pratique de la question. pour ce qui est du côté
théologique et fondamental, il faut constater que plusieurs formes du rite
latin ont toujours existé, et qu’elles se sont retirées seulement lentement
suite à l’unification de l’espace de vie en Europe. Jusqu’au concile
existaient, à côté du rite romain, le rite ambrosien, le rite mozarabe de
Tolède, le rite de Braga, le rite des chartreux et des carmes, et le plus
connu : le rite des dominicains, - et peut-être d’autres rites encore que
je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé que les dominicains,
souvent présents dans nos aproisses, ne célébraient pas comme les curés, mais
avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun
doute, que leur rite fût catholique autant que le rite romain, et nous
étions fiers de cette richesse d’avoir plusieurs traditions liturgiques ».
On peut
difficilement être plus clair !
c- le troisième enjeu : l’enjeu
juridique.
Là, sur cet enjeu, le
cardinal a des expressions extrêmement fortes. Pour lui, cette affaire de
justice est finalement une affaire de crédibilité de l’autorité ecclésiale.
Rien de moins. Une autorité qui ne respecte pas elle-même le droit, est une
autorité qui se détruit elle-même. Elle n’est plus crédible.
Le cardinal Ratzinger y est
revenu par deux fois et dans des termes particulièrement forts.
1-D’abords dans son livre « Le sel de la terre » publié en 1994. C’est un livre de dialogue.
Il est interviewé par Peter
Seewald.
Ce
dernier lui pose la question de la reviviscence de l’ancien rite : « Est-il possible, pour lutter contre
cette manie de tout niveler et de ce désenchantement de remettre en vigueur
l’ancien rite ? »
Le
Cardinal lui répond :
« Je suis certes
d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le
souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce
que cela aurait de dangereux ou d’inacceptable.
Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était
jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui
l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en
question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire
demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?…. Malheureusement, la tolérance
envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle
est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi
sur le mauvais chemin. » (p. 172-173)
Ce
sont, là, paroles du Préfet de
2- Il revient
sur cet aspect du problème dans son livre « Voici qu’el est notre
Dieu » A la page 291 du livre,
on peut lire : « Pour la
formation de la conscience dans le domaine
de la liturgie, il ;est important aussi de cesser de bannir la
forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient
pour la validité de cette liturgie, ou qui l’a pratique, est traité comme
un lépreux : c’est la fin de toute
tolérance. Elle est telle qu’on n’en a pas
connu durant toute l’histoire de l’Eglise. On méprise par la tout le
passé de l’Eglise. Comment pourrait-on avoir confiance en elle au présent, s’il
en est ainsi. J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères
évêques se soumettent à cette loi d’intolérance, qui s’oppose aux
réconciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison valable ».
(p.291).
d- l’enjeu
liturgique : le sens liturgique se perd.
Le
cardinal a beaucoup insisté sur ce point. Il
a écrit tout un livre sur ce sujet : « L’esprit de la
liturgie ». Je voudrais vous relire son exposé sur l’orientation de la
prière.
Aujourd’hui,
il n’y a pas un seul autel dans les églises qui ne soit pas retourné vers le
peuple. Seul le monde de
Voilà
ce qui dit le cardinal, par exemple, du sens de la prière vers l’Est.
« La prière vers
l’Est a été considérée par l’ancienne Eglise comme une tradition remontant aux
Apôtres. Même s’il n’est pas possible de dater avec précision le moment où l’on
cessa de regarder vers le Temple pour se tourner vers l’Est, cette évolution
remonte avec certitude aux premiers temps du christianisme, et a toujours été
considérée comme une caractéristique essentielle de la liturgie chrétienne
(comme aussi de la prière personnelle).
L’orientation »
(Oriens, en latins, signifie « est » ; orientation veut donc
dire direction vers l’Est) a plusieurs significations.
Elle exprime la forme
christologique de notre prière : en dirigeant notre regard vers l’est,
nous le tournons d’abord vers le Christ, point de rencontre de Dieu et de
l’homme. Symboliser le Christ par le soleil levant, c’est également définir la
christologie de façon eschatologique. Le soleil levant symbolise le Seigneur du
second avènement, l’aube finale de l’histoire. Prier en direction de l’est
signifie donc aussi partir à la rencontre du Christ qui vient. Une liturgie
tournée vers l’est nous fait en quelque sorte entrer dans la procession de
l’histoire, en marche vers le monde à venir, vers le ciel nouveau et la terre nouvelle, qui viennent à
notre rencontre dans le Christ. Elle est prière d’espérance, prière sur la voie
ouverte par l’incarnation, la crucifixion et la résurrection du Christ »
(p. 58)
« … La deuxième
nouveauté du bâtiment de l’église chrétienne est un élément original, qui ne
pouvait exister dans la synagogue. C’est l’autel sur lequel est célébré le
sacrifice eucharistique et qui se trouve dans l’abside, ou plus précisément
adossé au mur oriental. De part sa position, l’autel tout à la fois désigne
l’Orient et en fait partie. Dans la synagogue, le Tabernacle de
« … La position du
prêtre tourné vers le peuple a fait de
l’assemblée priante une communauté refermée sur elle-même. Celle-ci n’est plus
ouverte vers le monde à venir, ni vers le Ciel. La prière en communion vers
l’est ne signifiait pas que la célébration se faisait en direction du mur ni
que le prêtre tournait le dos au peuple – on n’accordait d’ailleurs pas tant
d’importance au célébrant. De même que dans la synagogue tous regardaient vers
Jérusalem, de même tous ensemble regardaient vers le Seigneur. Il s’agissait
donc, pour reprendre les termes de J .A. Jungmann, un des pères de
« … Il serait
certainement faux de rejeter en bloc les reformes accomplies au XX siècle. Il
était justifié de rapprocher du peuple l’autel, souvent trop éloigné des
fidèles. Il fut ainsi possible, dans les cathédrales, de revenir à
l’emplacement traditionnel du maître-autel, à l’intercession de la nef et du transept.
Il était important aussi de différencier de nouveau clairement le lieu de la
proclamation de
Vous
pouvez mesurer par ce petit exemple l’importance symbolique de la liturgie…Que
n’a-t-on pas perdu au niveau de la
liturgie et du symbolisme aujourd’hui avec la réforme
« bunignienne » !
Conclusion.
J’en
viens à ma conclusion : les enjeux de la messe traditionnelle sont tels, -
historique, juridique, théologique, liturgique -, qu’il est bien légitime d’y
rester attacher d’autant que son retour semble bien difficile…et tarde
beaucoup…Ce que Jean Madiran, du reste, écrivait déjà en 1970 : « Que l’on n’imagine pas que l’on pourra
aisément faire aller et retour d’une
messe à l’autre. Ce qui est interrompu sera perdu pour longtemps. Ce qui est
brisé ne se raccommodera pas au
commandement. Ce qui est arraché ne reprendra pas racine. Non, qu’on ne
s’imagine pas qu’on peut bien céder pour le moment, sous la contrainte, et
qu’il sera toujours temps, à la première occasion, de revenir au Missel romain.
Ce n’est pas vrai. Ceux qui ont la possibilité de maintenir, fût-ce à l’écart,
en petits groupes, en catacombes ou en ermitages, la liturgie romaine et le
chant grégorien, en tiennent le sort
historique entre leurs mains : ils ont la responsabilité d’en assurer,
tout au long de l’hiver dans lequel nous sommes entrés, la transmission vivante
et ininterrompue… » (Jean Madiran Editoriaux et chroniques Tome 11, p.
243 (aux Edi Dominique Martin Morin).
Reçu
cinq sur cinq ! Avec la grâce de Dieu et sous sa seule protection !