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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 18 janvier 2008
N° 155
Benoît
XVI a célébré les saints mystères
« versus
ad orientem ».
En ce dimanche matin, 13 janvier, à 10h, dans la splendeur
de la chapelle Sixtine a eu lieu une émouvante cérémonie où furent baptisés par
le pape treize enfants appartenant à des
familles qui travaillent au Vatican.
Après la cérémonie du baptême, - nous
vous donnons le texte intégral de l’homélie prononcée à cette occasion par le
Souverain Pontife dans les Nouvelles de Chrétienté de cette semaine - le Pape a célébré la nouvelle messe versus ad orientem, (tourné vers
l’Orient) c’est-à-dire son regard tourné vers
Une note explicative du Bureau des Célébrations Liturgiques du Souverain Pontife l’avait, du reste, annoncé : "Il a été décidé de célébrer à l'ancien autel pour ne pas altérer la beauté et l'harmonie de ce bijou architectural, préservant sa structure du point de vue de la célébration [..]".
Même si nous attendons avec beaucoup d’impatience et de ferveur le jour où le pape lui-même célébrera le rite « tridentin », nous ne pouvons pas laisser passer cet évènement sans réagir et manifester notre joie.
Il faut reconnaître que la chose n’est pas surprenante.
De même qu’il fallait s’attendre à la publication de Motu
Proprio du 7 juillet 2007 réhabilitant, dans l’Eglise, l’usage de la messe préconciliaire. (voir sur
ce sujet mon livre « L’enjeu de l’Eglise
Je vais vous donner à lire un écrit importants du cardinal Ratzinger aujourd’hui Benoît XVI, tiré de son livre traduit en français sous le titre « l’esprit de la liturgie », le chapitre 3 de la deuxième partie du livre. Nous sommes en 200O…Ce livre ne fut connu en France qu’en 2001, publié aux éditions « Ad solem ».
L’autel et l’orientation de la prière.
« …une
chose est claire à l’esprit de toute la chrétienté : la prière vers
l’Orient est de tradition depuis l’origine du christianisme, elle exprime la
spécificité de la synthèse chrétienne, qui intègre cosmos et histoire, passé et
monde avenir dans la célébration du mystère du salut. Dans la prière vers
l’Orient nous exprimons donc notre fidélité au don reçu dans l’incarnation et
l’élan de notre marche vers le second avènement.
L’homme
moderne ne comprend plus grand chose à cette orientation. Pour le Judaïsme et
l’Islam, il est encore naturel, comme il l’a toujours été, de prier en
direction du lieu où Dieu s’est révélé, de telle façon et en tel lieu. Mais
dans le monde occidental, il règne une façon de penser abstraite, qui en un
sens est l’effet du christianisme. Si Dieu est esprit, si Dieu est partout,
cela n’implique-t-il pas que la prière ne soit liée ni à un lieu ni à une
direction ? C’est vrai, nous pouvons prier en tout lieu, et Dieu nous est
partout accessible. L’idée d’un Dieu partout présent est une idée chrétienne,
qui voit Dieu au-dessus de tous les lieux, un Dieu qui embrasse le cosmos et
nous est en même temps plus intime que notre être même. Cette conscience nous
vient de
Mais
qu’en est-il de l’autel ? Dans quelle direction prions-nous pendant la
liturgie eucharistique ? Alors que
l’Eglise byzantine conservait dans les grandes lignes la structure que nous venons
de décrire, Rome développa une disposition quelque peu différente. La chaire de
l’évêque fut transférée au milieu de l’abside, et l’autel, par conséquent, fut
déplacée vers la nef. C’est ce qui semble avoir été le cas dans la basilique de
Saint Jean de Latran et de Sainte Marie Majeure, jusqu’au IX siècle. Par
contre, dans la basilique saint Pierre, l’autel fut rapproché de la chaire de
l’évêque, sous le Pontificat de Grégoire le Grand (590-604), sans doute pour le
placer autant que possible au dessus du tombeau de l’Apôtre – exprimant de
façon évidente que le sacrifice du Seigneur se célèbre dans la communion
intemporelle des saints. L’usage de dresser l’autel au-dessus des tombes des
martyrs remonte probablement fort loin et relève du même grand motif : les
martyrs perpétuent le sacrifice du Christ à travers l’histoire. Ils sont en
quelque sorte l’autel de l’Eglise, un autel fait de pierres vivantes, d’hommes
devenus membres du corps du Christ, donnant ainsi un sens nouveau au culte : le sacrifice est
l’offrande de l’humanité devenue tout amour par le Christ.
Pour
des motifs purement topographiques, dont nous ne donnerons pas les détails, il
se trouve que l’abside de la basilique Saint Pierre fait face à l’ouest. Si le
prêtre célébrant – en conformité avec la tradition de prière chrétienne –
voulait faire face à l’est, il devait logiquement se tourner vers le peuple.
Sous cette influence, certains architectes reproduirent cette disposition dans
plusieurs églises, ce qui donna valeur de référence à cet usage. Au XXe siècle,
le renouveau liturgique s’empara de ce modèle hypothétique pour élaborer un
nouveau concept : la célébration de l’Eucharistie versus populum ( vers le peuple) ; de ce fait, l’autel, selon
la norme de saint Pierre devait être disposé de telle sorte que le prêtre et le
peuple se regardent l’un l’autre pour former ensemble le cercle des célébrants.
Cela seul, pensa-t-on alors, pouvait correspondre à l’esprit de la liturgie
chrétienne et à la consigne de la participation active, et rendre ainsi la
célébration liturgique moderne fidèle au prototype de la sainte Cène.
Ces
conclusions semblèrent si convaincantes qu’après le Concile (qui lui-même ne
mentionne pas de « se tourner vers le peuple) on disposa partout de nouveaux
autels, tant et si bien que l’orientation de la célébration versus populum
paraît être aujourd’hui la conséquence du renouveau liturgique voulu par le
Concile Vatican II. En fait l’orientation versus
populum est l’effet le plus visible d’une transformation qui ne touche pas
seulement l’aménagement extérieur de l’espace liturgique, mais implique une
conception nouvelle de l’essence de la liturgie : la célébration d’un
repas en commun. Cette notion résulte
non seulement d’une fausse interprétation du sens de la basilique romaine et de
la disposition de son autel, mais aussi d’une compréhension pour le moins
approximative de ce que fut la sainte Cène. Ecoutons le Père Bouyer à ce
sujet :
« L’idée
qu’une célébration face au peuple ait pu être une célébration primitive,
et en particulier celle de
Cela
dit, il faut ajouter à cette analyse qu’il est tout à fait inadéquat de
qualifier de « repas » l’Eucharistie célébrée par les premiers chrétiens.
Le Seigneur a bien célébré
« Nous n’avons jamais
et nulle part avant cette date ( le XVI
siècle) d’indication que l’on ait accordé quelque importance, ou même
quelque attention au fait que le prêtre célèbre avec le peuple devant lui ou
derrière lui. Comme le Professeur Cyrille Vogel l’a récemment démontré, la
seule chose sur laquelle on ait vraiment insisté ou que l’on ait mentionnée,
c’est qu’il devait dire la prière eucharistique, comme toutes les prières, face
à l’Orient (….) Même lorsque l’orientation de l’église permettait au célébrant
de prier tourné vers le peuple lorsqu’il était à l’autel, il ne faut pas
oublier qu’il n’y avait pas alors que le peuple à se tourner vers
l’Orient : c’était l’assemblée toute entière qui le faisait avec
lui »
(pp 50-51)
Il
est vrai que, dans la construction des
églises comme dans la pratique liturgique moderne, le sens de ce lien entre
célébration et orientation n’apparaît plus aujourd’hui, s’il n’a pas complètement
disparu de la conscience chrétienne. Comment comprendre autrement que l’on
parle de « célébration vers le mur » ou de « tourner le dos au
peuple » pour désigner l’orientation commune de la prière du prêtre et du
peuple, telle que
Dans
cette perspective, on a pu voir se développer une « cléricalisation »
comme jamais il n’en a existé auparavant. Le prêtre, ou plutôt « l’animateur
liturgique », comme on préfère l’appeler maintenant, est devenu le
véritable point de référence de la célébration liturgique. Tout se rapporte à
lui. Il faut le regarder, suivre ses gestes, lui répondre ; c’est sa
personnalité qui porte toute l’action. Pour encadrer ce « one man
show », on a confié à des « équipes liturgiques »,
l’organisation « créative » de la liturgie ; on a ainsi
distribué des fonctions liturgiques à des laïcs dont le désir et le rôle sont
souvent de se faire valoir eux-mêmes. Dieu, cela va sans dire, est de plus en
plus absent de la scène. L’important c’est d’être ensemble, de faire quelque
chose qui échappe à un « schéma préétabli ».
La
position du prêtre tourné vers le peuple a fait de l’assemblée priante une
communauté refermée sur elle-même. Celle-ci n’est plus ouverte ni vers le monde
à venir, ni vers le Ciel. La prière en commun vers l’est ne signifiait pas que
la célébration se faisait en direction du mur ni que le prêtre tournait le dos
au peuple - on n’accordait d’ailleurs
pas tant d’importance au célébrant. De même que dans la synagogue tous
regardaient vers Jérusalem, de même tous ensemble regardaient « vers le
Seigneur ». Il s’agissait donc, pour reprendre les termes de J.A. Jungmann,
un des pères de
N’est-ce
là qu’une exaltation romantique, une nostalgie du passé La forme originelle de
la prière chrétienne est-elle encore susceptible de nous parler ou devrions-nous
plutôt rechercher notre propre forme, une forme pour notre temps ? Bien
sur, on ne peut simplement reproduire le passé. Chaque époque doit reconnaître
les éléments essentiels de sa tradition religieuse et les exprimer dans une forme
adaptée à sa culture. L’important pour nous est donc de redécouvrir ce qui est
demeuré permanent à travers les transformations de la forme.
Il
serait certainement faux de rejeter en bloc les réformes accomplies au XXè siècle.
Il était justifié de rapprocher du peuple l’autel souvent trop éloigné des
fidèles. Il faut ainsi possible, dans les cathédrales, de revenir à
l’emplacement traditionnel du maître-autel, à l’intersection de la nef et du
transept. Il était important aussi de
différencier de nouveau clairement le lieu de la proclamation de
A.Häussling
a formulé plusieurs objections à ces arguments, que j’ai déjà exposé ailleurs.
Je viens d’évoquer la première : ces idées ne seraient qu’une vision romantique des origines, une nostalgie
trompeuse du passé : j’évoquerais selon lui les premiers siècles de l’ère
chrétienne, en omettant tous les siècles suivants. Venant d’un spécialiste de
la liturgie, c’est là un reproche pour le moins étonnant : la science
liturgique moderne ne tient-elle pas justement l’Antiquité chrétienne comme
seule source et seule norme de sa réflexion,
rejetant comme décadence tout développement ultérieur, au Moyen Age et à partir
du Concile de Trente ? De là ces reconstitutions douteuses des pratiques
anciennes, ces critères fluctuants, ces réformes jamais pleinement
satisfaisantes et sans cesse recommencées
-avec pour résultats la désintégration de la liturgie, dont le
développement avait été jusque-là vivant et homogène.
Il
est important et nécessaire au contraire de voir que le passé en tant que tel
ne peut pas servir de critère dans ce domaine, et qu’on n’est pas en droit de
qualifier automatiquement d’étrangers à la forme originelle de la liturgie les développements
ultérieurs. Il peut tout à fait s’agir d’un développement organique, où la
semence plantée à l’origine prend le temps de mûrir et de porter ses fruits.
Nous reviendrons sur ce point. En ce qui me concerne, il n’est justement pas
question de fuir dans un passé romantique et lointain, mais de redécouvrir
l’essence de la liturgie chrétienne, c’est-à-dire ce qui garantit la permanence
de sa forme à travers le temps.
Häussling
pense qu’il n’est pas possible de
réintroduire l’orientation vers l’est, vers le soleil levant, dans la liturgie
contemporaine. Vraiment ? Le cosmos ne nous concernerait-il plus
aujourd’hui ? Ne sommes-nous plus qu’entre nous, irrémédiablement enfermés
dans le cercle que nous formons ? Ne serait-il pas important, aujourd’hui,
justement de prier avec toute
On
objecte également qu’il n’est pas besoin de regarder vers l’est et vers la
croix puisque, en se regardants mutuellement, le prêtre et les fidèles apercevraient dans l’homme l’image de
Dieu - ce qui justifierait le face-à-face
pour prier. J’ai de la peine à croire qu’un illustre liturgiste ait pu prendre
cet argument au sérieux. L’image de Dieu dans l’homme n’est pas immédiatement
visible, comme le serait une image que l’on pourrait photographier !
Certes, on peut discerner cette image, mais avec le regard de la foi. On peut
la percevoir comme on perçoit dans l’homme la bonté, l’honnêteté, la vérité
intérieure, la modestie, l’amour -
autrement dit tout ce qui rend l’homme semblable à Dieu. Mais pour cela il faut
apprendre une nouvelle manière de voir, et c’est là précisément le rôle de
l’Eucharistie.
L’objection
la plus importante est d’ordre pratique. Faut-il à nouveau changer, tout
réarranger, alors que rien n’est plus dommageable en liturgie que cet activisme
constant, même s’il a pour but une rénovation authentique ? Je vois pour
ma part une solution qui m’ a été suggérée par les travaux d’Erik Peterson.
L’orientation vers l’est, nous l’avons vu, fut mise en rapport avec le
« signe du fils de l’Homme »,
Je
compte parmi les manifestations les plus absurdes des dernières décennies
d’avoir mis la croix de côté pour libérer
la vue sur le prêtre. La croix est-elle gênante pendant la messe ?
Le prêtre est-il plus important que le Seigneur ? On devrait remédier à cela le plus vite possible, cela ne requiert
d’ailleurs aucune nouvelle transformation. Le Seigneur est le point de
référence. Il est le Soleil levant de l’histoire. C’est pourquoi il pourrait
s’agir aussi bien de
Et voilà pourquoi vous retrouver sur l’autel « ad caput » à Rome, à Saint Pierre, la croix majestueuse et les chandeliers. Et
voilà pourquoi il n’est pas surprenant de voir le pape célébrer aujourd’hui les
saints Mystère versus ad orientem
Il y a manifestement une évolution du côté de Rome.
Voilà ce que j’ai analysé dans mon livre :
« L’enjeu de l’Eglise : la messe ».
Voilà ce que j’aimerais que mes confrères de
La préface du livre de Uwe Michael
Lang : « Tournés vers le Seigneur ».
Le pape Benoît XVI a abordé aussi cette question, alors
qu’il était encore cardinal, dans la
préface qu’il donna au livre intitulé "Tournés vers le Seigneur" du
théologien anglais Uwe Michael Lang, de l’Oratoire de Londres,
Voici également cette préface. Votre documentation sera
bonne :
Préface publiée en 2003 en allemand et 2004 en anglais
Trad. de l'anglais par Pierre LANE, éd. Ad Solem, novembre 2006
«Versus Deum per Iesum Christum»
Pour le catholique pratiquant normal, la réforme liturgique du Concile Vatican
II a eu essentiellement deux résultats: la disparition de la langue latine et
l’autel tourné vers le peuple. Mais si l’on lit les textes conciliaires, on
pourra constater avec étonnement que ni l’un ni l’autre de ces changements ne
s’y trouvent sous cette forme.
Certes, on devait, selon les intentions du Concile (cf. la constitution Sacrosanctum
Concilium 36,2) faire place à la langue vulgaire – dans le
cadre surtout de la liturgie de
Dans le texte conciliaire, il n’est pas question de l’autel tourné vers le
peuple. Il en est question dans les instructions post-conciliaires. La plus
importante d’entre elles est
Il s’agit d’un éclaircissement important parce qu’il met en lumière le
caractère relatif des formes symboliques extérieures et s’oppose ainsi aux
fanatismes qui, malheureusement, n’ont pas été rares ces quarante dernières
années dans le débat sur la liturgie. Mais, en même temps, il indique la
direction dernière de l’action liturgique qui n’est jamais totalement exprimée
dans les formes extérieures et qui est la même pour le prêtre et pour le peuple
(vers le Seigneur: vers le Père à travers le Christ dans l’Esprit Saint).
Aussi la réponse de
Ce petit livre d’Uwe Michael Lang, oratorien résidant en Angleterre, analyse la
question de l’orientation de la prière liturgique du point de vue historique,
théologique et pastoral. Ce faisant, il rallume en un moment opportun – me
semble-t-il –, un débat qui, malgré les apparences, n’a jamais vraiment pris
fin, même après le Concile.
Le liturgiste d’Innsbruck Josef Andreas Jungmann, qui fut l’un des artisans de
Ce n’est que récemment que le climat s’est détendu et ainsi, si l’on pose des
questions du genre de celles de Jungmann, de Bouyer et de Gamber, on n’est plus
immédiatement soupçonné de nourrir des sentiments “anti-conciliaires”. Les
progrès de la recherche historique ont rendu le débat plus objectif et les
fidèles sont de plus en plus conscients qu’une solution dans laquelle il est
difficile de percevoir l’ouverture de la liturgie vers ce qui l’attend et vers
ce qui la transcende, est une solution discutable. Dans cette situation, le
livre d’Uwe Michael Lang, qui est si agréablement objectif et qui n’a
absolument rien de polémique, peut se révéler une aide précieuse. Sans
prétendre offrir de nouvelles découvertes, il présente avec beaucoup de soin
les résultats des recherches des dernières décennies et donne les explications
nécessaires pour que l’on arrive à se faire un jugement objectif. Il est très
appréciable que soient mis en évidence, à ce sujet, non seulement la
contribution, peu connue en Allemagne, de l’Église d’Angleterre, mais aussi le
débat sur ce thème, un débat interne au Mouvement d’Oxford au XIXe siècle, au
sein duquel mûrit la conversion de John Henry Newman. C’est sur cette base que
sont ensuite développées les réponses théologiques.
J’espère que ce livre d’un jeune chercheur, conclut celui qui est aujourd'hui
le pape Benoît XVI, pourra se révéler une aide dans l’effort – nécessaire
à chaque génération – pour comprendre correctement et célébrer dignement la
liturgie. Mon souhait est qu’il puisse trouver beaucoup de lecteurs
attentifs. »