ITEM

 

Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 17 juillet 2009

 

N° 225

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

Du nouveau sur l’avortement de la petite fille brésilienne

Un article de l’Osservatore Romano daté du 11 juillet 2009.



Le Dossier.

"Du côté de la fillette brésilienne":

 

C’est le titre, dans "L'Osservatore Romano" du 15 mars 2009, d’une note en première page sur l’affaire de la « petite fille brésilienne » signée par l'archevêque, Mgr  Rino Fisichella, président de l’Académie Pontificale pour la vie et Recteur de l’Université Pontificale du Latran.

L'autorité du signataire, l’emplacement du texte et plus encore son contenu font que l’article est sûrement l’un de ceux que la Secrétairerie d’Etat du Vatican a contrôlés et autorisés.

L’article parlait du cas d’une fillette brésilienne déjà fertile à 9 ans qui a été violée à plusieurs reprises par son jeune beau-père, s’est trouvée enceinte de jumeaux et que l’on a fait avorter au quatrième mois de grossesse.

Ce cas, a écrit Mgr Fisichella, "n’a été rendu public dans les journaux que parce que l’archevêque d’Olinda et Recife s’est empressé d’annoncer l’excommunication des médecins qui ont aidé à interrompre la grossesse". Mais "avant de penser à l’excommunication", il fallait "avant tout défendre, embrasser, caresser" la fillette avec cette "humanité dont nous, hommes d’Eglise, devrions être des annonciateurs experts et des maîtres". Mais "il n’en a pas été ainsi".

L'attaque contre l'archevêque d’Olinda et Recife ne pouvait pas être plus dure.

En effet les déclarations de l'archevêque sur l’excommunication des auteurs du double avortement ont aggravé le conflit déjà en cours depuis longtemps au Brésil entre l’Eglise et le gouvernement, la première engagée dans une grande campagne de défense de la vie naissante, le second orienté vers une libéralisation encore plus large de l’avortement.

Le cardinal Giovanni Battista Re, la conférence des évêques brésiliens  soutinrent le prélat brésilien.

A Rome, le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation des évêques, a pris la défense de l'archevêque d’Olinda et Recife dans une interview à "La Stampa".

Au Brésil, la conférence des évêques a fait de même par une note diffusée le 13 mars et par des déclarations de son président, l'archevêque Geraldo Lyrio Rocha, et de son secrétaire, Dimas Lara.

Le nouvel archevêque de Rio de Janeiro, Orani João Tempesta, s’est aussi exprimé dans ce sens, notant entre autres que la mère de la fillette avait dit que "le seul endroit où elle s’était sentie non pas maltraitée mais respectée avait été le bureau de Caritas".

 

Soutien également de Mgr Dominique Rey, évêque de Toulon.

Un soutien autorisé à ce qu’a fait l’Eglise brésilienne est même venu de France. L’évêque de Toulon, Dominique Rey, de retour du Brésil, a déclaré avoir vu de ses yeux "les nombreux témoignages de miséricorde vécue par les communautés chrétiennes qui ont entouré et accompagné la fillette et sa mère".

Mais la réaction de Rome est différente.

 

Mais le Saint-Siège a réagi autrement. En publiant l'article de Mgr Fisichella dans "L'Osservatore Romano", il a montré que l’objectif d’aplanir le différend avec l’opinion laïque, le président Luiz Inácio Lula da Silva et son gouvernement passait avant la défense de l’Eglise brésilienne et de sa campagne "pro vie". L’accusation est grave !

Ce qui a eu pour résultat de transporter totalement le conflit à l’intérieur de la hiérarchie et, qui plus est, en ouvrant une controverse sur le jugement à porter sur l’avortement dans des cas semblables. On a pu s’en apercevoir même à l’intérieur de la « mouvance de la Tradition », même en France, du côté de la rue saint Joseph, à Paris.

L'article de Mgr Fisichella, en effet, continuait ainsi:

"Du fait de son très jeune âge et de son état de santé précaire, la vie [de la fillette] était sérieusement mise en danger par la grossesse en cours. Que faire en pareil cas? Décision difficile pour le médecin et pour la loi morale elle-même. Des choix comme celui-là se présentent chaque jour [...] et la conscience du médecin se retrouve seule avec elle-même face à l’obligation de décider ce qu’il y a de mieux à faire".

En fin d’article, Mgr Fisichella applaudissait ceux qui "ont permis à la fillette de vivre".

Il est vrai que, dans un autre passage, le président de l’Académie Pontificale pour la vie rappelait que "l'avortement provoqué a toujours été condamné par la loi morale comme un acte intrinsèquement mauvais et cet enseignement reste inchangé de nos jours".

Mais les doutes exprimés précédemment restaient et donnaient sa tonalité à tout l’article. Des doutes visiblement en opposition avec la solidité granitique de ce passage du paragraphe 62 de l'encyclique "Evangelium vitae" de Jean-Paul II:

"Aucune circonstance, aucune finalité, aucune loi au monde ne pourra jamais rendre licite un acte qui est intrinsèquement illicite, parce que contraire à la Loi de Dieu, écrite dans le cœur de tout homme, discernable par la raison elle-même et proclamée par l’Eglise".

 

 

Voici l’article, paru dans "L'Osservatore Romano" du 15 mars 2009, qui a donné lieu à la déclaration du diocèse d’Olinda et Recife. Il a été publié sous le titre : Du côté de la fillette brésilienne et signé par Mgr Rino Fisichella :


 « Le débat sur certaines questions est souvent serré et les points de vue différents ne permettent pas toujours de mesurer à quel point l’enjeu est vraiment important. C'est alors qu'il faut s’en tenir à l'essentiel et laisser de côté un moment ce qui ne concerne pas directement le problème. Cette affaire, tout en étant dramatique, est simple. Il y a une fillette innocente que nous devons regarder droit dans les yeux, sans détourner le regard un seul instant, pour lui faire comprendre à quel point on l'aime. Nous l'appellerons Carmen. Ces derniers mois, à Recife, au Brésil, elle a été violée à plusieurs reprises, à l'âge de neuf ans, par son jeune beau-père, et s’est retrouvée enceinte de jumeaux ; sa vie ne sera plus facile. La blessure est profonde car cette violence totalement gratuite l'a détruite intérieurement et lui laissera peu de possibilités, à l'avenir, de regarder les autres avec amour.

Carmen représente une histoire de violence quotidienne; elle n'est apparue dans les pages des journaux que parce que l'archevêque de Recife s'est empressé d'annoncer l'excommunication des médecins qui ont aidé à interrompre sa grossesse. Une histoire de violence qui, hélas, serait passée inaperçue - tellement nous sommes habitués à supporter chaque jour des faits d'une gravité sans égale - sans le tapage et les réactions suscitées par l'intervention de l'évêque. La violence sur une femme, déjà grave en soi, devient encore plus condamnable lorsque celle qui la subit est une petite fille sans défense, avec la circonstance aggravante de la pauvreté et de la misère sociale dans lesquelles elle vit. Il n’y a pas de langage approprié pour condamner de tels faits : ils inspirent souvent un mélange de colère et de rancœur, sentiments qui ne s'apaisent que lorsque la justice est réellement rendue et quand on est sûr que le criminel en question purgera sa peine.

Carmen devait avant tout être défendue, embrassée, caressée avec douceur, pour qu’elle sente que nous étions tous avec elle; tous, sans aucune distinction. Avant de penser à l'excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder sa vie innocente et de la ramener à un niveau d'humanité dont nous, hommes d'Eglise, devrions être des annonciateurs experts et des maîtres. Il n'en a pas été ainsi et la crédibilité de notre enseignement s'en ressent, hélas: beaucoup de gens le trouvent insensible, incompréhensible et dépourvu de miséricorde. Il est vrai que Carmen portait en elle d’autres vies, innocentes comme la sienne bien qu'elles aient été le fruit de la violence, qui ont été détruites; mais cela ne suffit pas pour rendre un jugement qui pèse comme un couperet.

Dans son cas, la vie et la mort se sont affrontées. Du fait de son très jeune âge et de son état de santé précaire, sa vie était sérieusement mise en danger par la grossesse en cours
. Que faire en pareil cas? Décision difficile pour le médecin et pour la loi morale elle-même. Des choix comme celui-là, même si les cas sont différents, se présentent chaque jour dans les salles de réanimation et la conscience du médecin se retrouve seule avec elle-même face à l’obligation de décider ce qu’il y a de mieux à faire. En tout cas, personne n'arrive à une décision de ce genre avec désinvolture; le seul fait de le penser est injuste et blessant.

Le respect dû au professionnalisme du médecin est une règle qui doit s’appliquer à tous et qui ne peut pas permettre de parvenir à un jugement négatif sans avoir préalablement réfléchi au conflit qui s'est créé en lui. Le médecin porte avec lui son histoire et son expérience. Devoir sauver une vie en sachant que l’on en met une autre en grand danger n’est jamais un choix facile à vivre. Bien sûr, certains s'habituent à ces situations au point de ne plus éprouver la moindre émotion; mais alors le choix d'être médecin se réduit à n'être qu'un métier vécu sans enthousiasme et subi passivement. Mais il serait non seulement incorrect mais injuste de faire d'un seul cas une généralité.

L’histoire de Carmen a posé, une nouvelle fois, un problème moral des plus délicats; le traiter de manière expéditive ne rendrait justice ni à sa personne fragile ni à ceux qui sont impliqués à divers titres dans cette histoire. Comme chaque problème particulier et concret, il mérite cependant qu’on l’analyse dans sa spécificité, sans généralisations. La morale catholique a des principes dont elle ne pourrait pas faire abstraction même si elle le voulait: la défense de la vie humaine dès sa conception en est un. Elle se justifie par le caractère sacré de la vie; en effet, dès le premier instant, chaque être humain porte l'image du Créateur imprimée en lui; c'est pourquoi nous sommes convaincus qu’on doit lui reconnaître la dignité et les droits de tout être humain, le premier d'entre eux étant son intangibilité et son inviolabilité.

L'avortement provoqué a toujours été condamné par la loi morale comme un acte intrinsèquement mauvais et cet enseignement reste inchangé de nos jours, depuis l'aube de l'Eglise. Dans "Gaudium et spes" - document qui manifeste beaucoup d’ouverture et de perspicacité envers le monde contemporain - le concile Vatican II utilise de manière inattendue des mots très clairs et très durs contre l'avortement direct. La collaboration formelle elle-même constitue une faute grave qui, lorsqu'elle est commise, conduit directement hors de la communauté chrétienne. Techniquement, le code de droit canonique utilise l'expression "latae sententiae" pour indiquer que l'excommunication a lieu au moment même où le fait se produit.

A notre avis, il n'était pas nécessaire d’annoncer aussi vite et avec autant de publicité un fait qui se produit de manière automatique. Ce qui paraît le plus nécessaire en ce moment, c’est un geste témoignant que l’on est proche de ceux qui souffrent. Un acte de miséricorde qui, tout en maintenant fermement le principe, soit capable de regarder au-delà de l’aspect juridique pour parvenir à ce que le droit lui-même prévoit comme but de son existence: le bien et le salut de ceux qui croient à l'amour du Père et de ceux qui accueillent l'Evangile du Christ comme les enfants que Jésus appelait à ses côtés et serrait dans ses bras en disant que le royaume des cieux appartient à ceux qui sont comme eux.

Carmen, nous sommes de ton côté. Nous partageons avec toi la souffrance que tu as éprouvée, nous voudrions tout faire pour te rendre la dignité dont tu as été privée et l'amour dont tu auras encore plus besoin; ce sont d'autres personnes qui méritent l'excommunication et notre pardon, non pas ceux qui t'ont permis de vivre et qui t'aideront à retrouver l'espérance et la confiance, malgré la présence du mal et la méchanceté de beaucoup de personnes. »

Réaction de l’archevêque de Récife.

Le 16 mars, le diocèse d’Olinda et Recife a répliqué à l'article de Mgr Fisichella paru dans "L'Osservatore Romano" par des "Eclaircissements" officiels, annoncés très visiblement sur la page de son site web.

Rome n’en a pas accusé réception. Pas même quand, le 21 mars, le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, est revenu sur l’affaire.

Le père Lombardi était ce jour-là à Luanda, à l’occasion du voyage de Benoît XVI au Cameroun et en Angola.

La veille, parlant au corps diplomatique et se référant à l'article 14 du Protocole de Maputo sur la "santé maternelle et reproductive", le pape s’était exclamé sur un ton solennel:

"Combien est amère l’ironie de ceux qui promeuvent l’avortement au rang des soins de la santé des mamans! Combien est déconcertante la thèse de ceux qui prétendent que la suppression de la vie serait une question de santé reproductive!".

Rencontrant les journalistes, le père Lombardi a exclu tout lien entre les propos du pape et l’affaire de la fillette brésilienne. Et il a continué ainsi:

"A ce sujet, ce qui compte, ce sont les propos de Mgr Rino Fisichella qui, dans 'L'Osservatore Romano' a déploré l’excommunication annoncée trop rapidement par l'archevêque de Recife. Aucun cas-limite ne doit masquer le vrai sens du discours du Saint-Père, qui se référait à quelque chose de très différent. [...] Le pape n’a absolument pas parlé de l’avortement thérapeutique et n’a pas dit qu’il doit toujours être refusé".

Il est frappant que, près d’une semaine après la diffusion des "Eclaircissements" du diocèse brésilien, le porte-parole officiel du Saint-Siège ait fait comme s’il les ignorait totalement, que ce soit en ce qui concerne la reconstruction des faits opposée ou les objections à caractère doctrinal et moral.
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Voici le texte intégral du document du diocèse brésilien intitulé « Eclaircissements ». :

Eclaircissements du diocèse d’Olinda et Recife

 « A propos de l’article intitulé "Dalla parte della bambina brasiliana", publié dans "L’Osservatore Romano" du 15 mars, les soussignés déclarent:

1. Les faits de viol n’ont pas eu lieu à Recife comme il est écrit dans l’article, mais dans la ville d’Alagoinha, diocèse de Pesqueira. C’est l'avortement qui a été pratiqué à Recife.

2. Tous – à commencer par le curé d’Alagoinha, soussigné – nous avons traité la fillette enceinte et sa famille avec toute la charité et la tendresse possibles. Dès qu’il a été au courant des événements survenus sur le territoire de sa paroisse, le curé, par sollicitude pastorale, s’est rendu immédiatement au domicile de la famille. Il y a rencontré la fillette et l’a assurée de son soutien et de sa présence face à la situation grave et difficile où elle était. Cette attitude s’est poursuivie chaque jour, d’Alagoinha jusqu’à Recife où a eu lieu le triste événement de l’avortement des deux bébés innocents. Il est donc évident et indubitable que personne n’a pensé en premier lieu à une “excommunication”. Nous avons utilisé tous les moyens à notre disposition pour éviter l’avortement afin de sauver les trois existences. Le curé de la paroisse s’est personnellement associé à tous les efforts du Conseil des Enfants local en vue du bien-être de la fillette et de ses deux enfants. À l’hôpital, lors de ses visites quotidiennes, il a eu une attitude, faite d’attention et de sollicitude, qui a clairement manifesté à l’enfant et à sa mère qu’elles n’étaient pas seules mais que l’Église, représentée par le curé de leur paroisse, leur garantissait toute l’aide nécessaire et la certitude que tout serait fait pour le bien-être de la fillette et pour sauver ses deux enfants.

3. Une fois la fillette transférée dans un hôpital de Recife, nous avons tenté d’utiliser tous les moyens légaux pour éviter l’avortement. L’Église n’a à aucun moment failli dans cet hôpital. Le curé de la paroisse de l’enfant lui a rendu visite chaque jour à l’hôpital, venant d’une ville située à 230 km de Recife, faisant tous les efforts possibles pour que l’enfant et sa mère ressentent la présence de Jésus, le Bon Pasteur qui part à la recherche de la brebis qui a le plus besoin d’aide. L’affaire a donc été traitée par l’Église avec toute l’attention voulue et pas de manière "expéditive" comme le dit l’article.

4. Nous ne sommes pas d’accord avec l’affirmation que "la décision est difficile... pour la loi morale elle-même". La Sainte Église ne cesse de proclamer que la loi morale est très claire: il n’est jamais licite de détruire la vie d’une personne innocente pour sauver une autre vie. Voici les faits objectifs: il y a des médecins qui déclarent explicitement qu’ils pratiquent l’avortement et qu’ils continueront à le pratiquer, tandis que d’autres déclarent avec une fermeté identique qu’ils ne pratiqueront jamais l’avortement. Voici la déclaration écrite et signée d’un médecin catholique brésilien: "Comme obstétricien pendant 50 ans, diplômé de la Faculté nationale de médecine de l’Université du Brésil et ancien directeur du service d’obstétrique de l’hôpital d’Andarai où j’ai exercé pendant 35 ans jusqu’au moment où j’ai pris ma retraite pour me consacrer au diaconat, j’ai accouché 4 524 bébés, dont beaucoup sont nés de mères mineures, et je n’ai jamais eu besoin de recourir à l’avortement pour 'sauver des vies', de même que tous mes confrères, professionnellement sincères et honnêtes et fidèles à leur serment d’Hippocrate".

5. L’affirmation que le fait n’a été rendu public dans les journaux que parce que l’archevêque d’Olinda et Recife s’est empressé d’annoncer l’excommunication, est fausse. Il suffit de constater que l’affaire a été rendue publique à Alagoinha le mercredi 25 février, que l’archevêque a fait sa déclaration à la presse le 3 mars et que l’avortement a été pratiqué le 4 mars. Il serait absurde d’imaginer que, devant un fait aussi grave, la presse brésilienne aurait pu rester silencieuse pendant six jours. Donc, les informations sur la fillette enceinte – "Carmen" – ont été rendues publiques dans les journaux avant que l’avortement n’ait été pratiqué. Ce n’est qu’ensuite que l’archevêque, interrogé par les journalistes le 3 mars, a évoqué le canon 1398 [du code de droit canonique]. Nous sommes convaincus que la révélation de cette peine thérapeutique, l’excommunication, fera du bien à beaucoup de catholiques en les incitant à éviter ce péché grave. Le silence de l’Église aurait été préjudiciable, surtout quand on pense que, chaque année, 50 millions d’avortements sont pratiqués dans le monde et que, rien qu’au Brésil, un million de vies innocentes sont supprimées. Le silence peut être interprété comme une connivence ou une complicité. Si un médecin éprouve une "perplexité de conscience" avant de pratiquer un avortement (ce qui nous semble très improbable), il devrait, s’il est catholique et entend suivre la loi de Dieu, consulter un conseiller spirituel.

6. Autrement dit, cet article constitue une attaque directe contre la défense de la vie de ces trois enfants assurée avec ardeur par l’archevêque José Cardoso Sobrinho. Il montre combien son auteur manquait des bases et des informations nécessaires pour s’exprimer sur ce sujet, en raison de sa totale ignorance des faits. L’hôpital où a été pratiqué l’avortement de cette petite fille est, dans notre Etat, l’un de ceux où cette opération est constamment pratiquée sous couvert de la "légalité". Les médecins qui ont pratiqué l'avortement de ces jumeaux ont déclaré et continuent à déclarer dans les médias qu’ils ont fait ce qu’ils ont l’habitude de faire "avec une grande fierté". L’un d’entre eux a même déclaré: "Et alors, j’ai déjà été excommunié de nombreuses fois".

7. L’auteur a cru pouvoir parler de ce qu’il ne connaissait pas et, plus grave encore, il n’a pas même pris la peine d’en parler préalablement avec son frère dans l’épiscopat. À cause de cette attitude imprudente, il a provoqué un grand désarroi chez les fidèles catholiques du Brésil. Plutôt que de solliciter son frère dans l’épiscopat, il a choisi de croire à notre presse, souvent anticléricale.

Recife, le 16 mars 2009.

Edvaldo Bezerra da Silva
Vicaire général de l'archidiocèse d’Olinda et Recife
Cicero Ferreira de Paula
Chancelier de l'archidiocèse d’Olinda et Recife
Moisés Ferreira de Lima
Recteur du séminaire archidiocésain
Marcio Miranda
Avocat de l’archidiocèse d’Olinda et Recife
Edson Rodrigues
Curé de la paroisse d’Alagoinha, diocèse de Pesqueira

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Voici maintenant le communiqué de l’évêque de Fréjus-Toulon, Dominique Rey. On le trouve dans son blogue, sous le titre : À propos de l’affaire de la petite fille brésilienne

 


« De retour du Brésil où j’accompagnais une délégation d’évêques et de prêtres, j’ai été tenu directement au courant de l’affaire de la petite fille brésilienne de 9 ans qui a été violée, puis a subi un avortement. Elle attendait deux jumeaux. La presse internationale s’est emparée de cette affaire dans un contexte politique particulièrement polémique. En effet, actuellement, au Brésil sont débattues des dispositions législatives tendant à élargir le droit à l’avortement. Certains lobbies se sont saisis d’une tragédie particulière pour justifier l’extension des conditions légales de l’interruption volontaire de grossesse. La manière dont cette affaire a été souvent rapportée et traitée travestit l’objectivité des faits, et instrumentalise un drame particulier.

L’impératif de la Charité à laquelle nous appelle l’Evangile a deux versants. En premier lieu, la Charité est attachée au principe de la Vérité. Aimer quelqu’un c’est refuser de lui mentir. En ce qui concerne l’avortement, l’Eglise répète depuis toujours qu’il constitue une offense à la vie même s’il est légalisé par la loi et promu par certains courants d’opinion publique. Depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, toute vie est sacrée. Elle mérite d’être respectée d’autant plus qu’elle est fragile. Une humanité qui nie ce respect inaltérable de la vie court à sa propre perte. L’Eglise a toujours revendiqué le principe non négociable du respect de la vie de l’enfant à naître. Qui sommes-nous pour décréter qu’un être, fût-il au stade embryonnaire de son développement, mérite d’être éliminé ? Par rapport à toutes les formes de violence et d’atrocité (viol, meurtre...), l’avortement touche le principe même de la vie dans son commencement. Il nie l’origine : « L’avortement est ce qui détruit le plus la paix du monde aujourd’hui » (Mère Teresa).

Mais
la Charité s’accomplit toujours dans la Miséricorde. C’est là son deuxième volet. Comme l’enseigne le Christ, tout légalisme enferme dans la peur. Tout au long de Son ministère public Jésus a fait grâce à ceux qui s’écartaient des commandements de Dieu ou qui étaient des blessés de la vie. Une vérité qui oublie la miséricorde est une vérité sans cœur.

Dans cette très-douloureuse affaire de cette petite fille brésilienne nous avons pu recevoir de multiples témoignages de cette Miséricorde vécue par les communautés chrétiennes qui l’ont entourée et accompagnée face à la pression de certains lobbies qui s’exerçait sur elle et sur sa mère. Le Père Rodrigues, curé de leur paroisse, s’est dépensé sans compter pour cette famille en mobilisant toutes ses ressources pour la soutenir dans l’épreuve. Il dénonce « la manipulation de conscience et le manque de respect pour la vie humaine » dont toute la famille a été l’objet (cf. le texte ci-dessous).

Cette tragédie nous place sur la ligne de crête de la Charité. Celle-ci doit rappeler à temps et à contretemps le respect dû à la vie, et d’autre part manifester notre compassion vis-à-vis des plus faibles et des plus fragiles comme cette petite fille victime des pulsions criminelles de son beau-père violeur.

Après les premières déclarations de l’archevêque de Recife, la conférence des évêques du Brésil a précisé que la petite fille et sa mère n’ont fait l’objet d’aucune excommunication. Au-delà des réactions médiatiques qui surfent sur l’émotionnel, le drame qu’ont vécu cette petite fille et toute sa famille invite la communauté internationale qui s’est saisie de cette affaire, mais aussi chacun d’entre nous, à gravir ensemble les deux versants de la Charité.
« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent », chante le psalmiste. Aimer c’est rappeler la vérité de ce qu’est la vie, et œuvrer de toutes ses forces pour la rendre possible.


Toulon, le 15 mars 2009
+ Dominique Rey
Evêque de Fréjus-Toulon

 

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Voici maintenant le témoignage particulièrement intéressant du Père Rodrigues, curé de Alagoinha

« Ce que la presse ne dit pas »

10 mars 2009

Notre ville a été secouée par une nouvelle tragique : une enfant de neuf ans victime des abus sexuels de son beau père était enceinte de jumeaux. Sa sœur aînée, âgée de 13 ans, avait subi les mêmes sévices. Cette horrible histoire durait depuis près de trois ans.

Quand le conseil de Alagoinha a découvert les faits, il a tenté de tout mettre en œuvre pour aider les enfants et les parents. Le 27 février, la justice a confié les enfants à l’institut médical légal de Caruaru, dans l’Etat de Pernambuco. D’autres examens complémentaires ont été réalisés (avec des sexologues, des psychologues) ensuite à l’institut médical de l’enfance de Recife. C’est à cet endroit que la victime a rencontré une assistante sociale du nom de Karolina Rodrigues et son assistante Marie-José Gomes. Cette dernière a refusé l’hypothèse de l’avortement au nom de sa conscience chrétienne. Karolina Rodrigues a décidé de porter ce cas devant le conseil de Alagoinha. Les cinq conseillers de la ville ont refusé pour les mêmes motifs. Ils ont transmis leur avis à l’institut médical de Caruaru. Une copie a été donnée à Karolina Rodrigues en ma présence et celle du père de la victime, monsieur Erivaldo.

Le 28 février, je suis invité à participer au conseil de l’institut médical de l’enfance de Recife en compagnie de Marie-José Gomes et de deux membres de notre paroisse. Nous en profitons pour aller visiter la victime et sa mère. Elles se trouvent au quatrième étage de l’établissement, dans un appartement isolé. L’accès est très strict. Je suis obligé de rester dans le couloir mais j’arrive à parler avec la mère de la petite. Elle m’avoue ‘avoir signé des papiers’. Je m’inquiète car cette femme est analphabète. Comme elle est incapable d’apposer sa signature, on a pris ses empreintes digitales. Je lui demande ce qu’elle pense à propos de l’avortement. Elle montre des sentiments très maternels et surtout une préoccupation extrême pour sa fille. Elle répond : ‘je ne veux pas que ma fille avorte… » La maman me parle de son état de santé : ‘ça va bien, elle joue avec des poupées qu’on vient de lui donner.’ Nous repartons avec la ferme conviction que la mère est totalement défavorable à l’avortement de ses petits fils. ‘Personne n’a le droit de tuer personne’ ajoute-t-elle. ‘Seul Dieu peut disposer de la vie…’

Le 2 mars, nous retournons à l’institut de Recife. Nous sommes autorisés à monter au 4e étage pour visiter la victime. Mais, arrivés au premier étage, un fonctionnaire de l’institut nous interdit de monter plus haut. Il nous demande de voir l’assistante sociale dans un autre bâtiment. Nous tombons nez à nez avec Karolina Rodrigues. Je suis en compagnie de Marie José Gomes et de monsieur Erivaldo qui s’oppose à ‘l’avortement de ses petits fils’. Quand l’assistante découvre mon identité, elle dit devant tout le monde : ‘il s’agit d’une affaire médicale même si le prêtre qui est là estime qu’il s’agit d’une question de morale.’ Nous interrogeons Karolina Rodrigues sur l’état de santé de l’enfant. Elle affirme que tout est déjà résolu avec l’accord de la maman. La procédure médicale va suivre son cours. Elle insiste sur son état critique sans fournir aucun élément de la part d’un médecin. Elle se retranche aussi derrière la loi : ‘dans ce cas, le mieux est de sauver la vie de l’enfant’. Nous répondons : ‘il n’y a pas une seule vie à sauver mais trois !’ Elle ne veut rien entendre. Karolina Rodrigues demande à Monsieur Erivaldo de lui parler seul à seul. Pendant près de 25 minutes. En sortant, ce dernier me révèle qu’il vient de changer d’avis à propos de l’avortement : ‘l’assistante m’a prévenu que ma fille était menacée de mort... Si elle est en danger, il faut la sauver… Quitte à lui retirer les fœtus’ a-t-il murmuré.

Tout paraissait alors terminé. C’est alors que l’archevêque de Recife, dom José Cardoso, et l’évêque de Pesqueira, dom Franceso Biasin, se sont impliqués dans la procédure. Mgr Cardoso a convoqué un groupe de médecins, d’avocats, de psychologues, de juristes pour étudier la légalité de cette affaire. Lors de cette réunion, le 3 mars, à la résidence de l’archevêque, il y avait le directeur de l’institut médical de l’enfance de Recife, Antonio Figueiras. Il a reconnu en public les pressions exercées par Katerina Rodrigues. Il a contacté l’hôpital pour suspendre l’avortement.

Un peu plus tard, l’archevêque de Recife reçoit un appel de monsieur Figueiras l’informant qu’un groupe féministe – Curumin – aurait convaincu la maman d’accepter un transfert de sa fille vers un autre hôpital. Nous retournons sur place avec Maria Gomes. On l’a fait attendre en prétextant la rotation des équipes (l’enfant était déjà transférée). Personne n’ose lui dire quelque chose. Comment une personne en péril de mort peut-elle obtenir un bon de sortie ? Comment l’état de la victime a-t-il pu changer si rapidement ? Qu’est-ce que le Curumin a pu dire à la mère ?

Le 4 mars, nous apprenons que l’enfant est internée à l’hôpital de CISAM (centre intégral de santé Amaury de Medeiros spécialisé dans les grossesses à risques). Cela se trouve au nord de Recife. Notre espoir de voir deux enfants vivants disparaît brutalement. Tout cela à cause d’une manipulation de conscience et d’un manque de respect pour la vie humaine. J’ai raconté tout cela pour que les gens sachent la vérité. »

Silence de Rome


"L'Osservatore Romano" n’a rien publié de cette réponse de l'archevêché brésilien, ni d’autres réactions du même type.

Plusieurs semaines plus tard, dans une interview accordée à Jeanne Smits du journal "Présent", l'archevêque d’Olinda et Recife, José Cardoso Sobrinho, a redemandé en vain à faire jouer son droit de réponse:

"J’estime que L'Osservatore Romano a le devoir de publier ma réponse. C’est ce que nous cherchons à obtenir depuis le début. Nous avons envoyé à Rome la réponse de l'archevêché à l'article de Mgr Fisichella. Pouvoir répondre si quelqu’un publie des informations fausses est un droit naturel: les lecteurs de L'Osservatore devraient avoir la possibilité de connaître aussi l'autre point de vue".

Dans la même interview, Mgr Cardoso rappelle qu’il a reçu des manifestations de solidarité d’un grand nombre d’évêques du Brésil et du monde entier. Il répète que la fillette n’était pas du tout en danger de mort et qu’en tout cas la doctrine de l’Eglise n’a jamais admis l’avortement, même dans des cas semblables. Il souligne que les médecins qui ont fait avorter la fillette ne s’étaient pas du tout montrés tourmentés par des scrupules: c’étaient des partisans militants de l’avortement et, par la suite, ils se sont déclarés "fiers" de ce qu’ils avaient fait.

 

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Voici l’interview de l’archevêque de Récife dans Présent, traduit par Jeanne Smits.

L’affaire de la petite fille brésilienne

Avortement, excommunication, bien commun de l’Eglise

Le 28 mai 2009 Mgr Cardoso Sobrinho répond aux questions de “Présent”

Propos recueillis par Jeanne Smits

 

 

— Après l’affaire de la petite fille violée d’Alagoinha, et le désaveu par L’Osservatore Romano de vos déclarations sur l’excommunication automatique de ceux qui ont décidé ou pratiqué son avortement, une tendance se dessine dans les médias pour dire que la doctrine de l’Eglise a changé sur la question de savoir si l’avortement en cas de danger de mort ou d’autres circonstances particulières est un mal, est un péché. D’un autre côté, les mensonges médiatiques qui ont entouré cette affaire ont été particulièrement nombreux et graves, même si beaucoup de personnes vous ont exprimé leur admiration. Voudriez-vous nous expliquer ce qui s’est réellement passé ?

— Je tiens avant tout à remercier, et dire ma profonde gratitude, à ceux qui m’ont soutenu. J’ai reçu des messages, des centaines de messages de solidarité, du monde entier : de prêtres, d’évêques, de laïcs, qui approuvent mon choix d’avoir parlé clair sur la loi actuelle de l’Eglise. J’ai reçu un prix de Human Life International, et tout récemment encore un autre prix de l’association Pro Vida de São Paolo. Grâce à Dieu, donc, beaucoup de personnes approuvent ma démarche.

 

Cependant il y a quelques personnes, en France, au Canada, y compris des évêques, qui ont écrit des articles pour dire leur désaccord. Dans un esprit de dialogue, je voudrais d’abord dire qu’il n’est pas vrai de dire que nous – c’est-à-dire moi-même, mais aussi le curé de la petite fille – n’avons pas fait preuve d’une particulière attention à son égard. Nous avons donné toute notre attention et tous nos soins à la fillette enceinte. Ce qui a été malheureusement publié n’est tout simplement pas vrai : nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour l’aider.

 

Certains, lorsqu’ils parlent de la publicité donnée à cette affaire, affirment qu’il n’était pas « opportun » de parler d’excommunication. Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. On me dit presque qu’il aurait fallu oublier ce que dit le Droit canon à propos de l’excommunication. Mon opinion est différente. Je dis que cette loi existe pour le bien de l’Eglise. Et ce n’est pas moi qui ai excommunié quiconque, comme je l’ai répété maintes fois. Ceux qui m’accusent affirment que c’est moi qui ai « excommunié », et c’est totalement faux : j’ai simplement attiré l’attention sur une loi qui existe dans l’Eglise, le canon 1398. Et je me demande : convient-il de faire silence, comme beaucoup le prétendent ? Aurait-il mieux valu que je ne parle pas du tout d’excommunication ? Eh bien, je réponds que je ne suis pas d’accord. C’est une loi de l’Eglise, pour le bien de l’Eglise. Elle existe depuis plusieurs siècles. Le nouveau Code de droit canonique, promulgué en 1983 par le serviteur de Dieu Jean-Paul II, réitère cette loi, tout comme le Catéchisme de l’Eglise catholique, publié par le même pape en 1992, répète cette loi et la commente. Vaudrait-il donc mieux se taire ? Eh bien, à mon avis, il est de la plus haute importance d’attirer l’attention de tous et surtout des fidèles catholiques sur la gravité du crime de l’avortement. C’est pour cela que la loi existe. Nous autres, dans notre diocèse, avons reçu tant de messages de tant de personnes qui me disent : « Aujourd’hui, je comprends mieux la gravité de l’avortement, et je vais changer ma conscience. » A mon avis, le fait d’attirer l’attention sur l’existence de cette excommunication produit un bien spirituel chez les fidèles catholiques, mais aussi chez les autres qui réalisent en apparence tranquillement des avortements et qui vont désormais, je le crois, peser dans leur conscience la gravité de ce qu’ils font. Et telle est la finalité de cette loi de l’Eglise, de cette pénalité d’excommunication : elle est médicinale. C’est un remède en vue de la conversion de tous. Et pour la personne qui l’encourt, un moyen de lui faire comprendre qu’elle va devoir répondre de son acte devant Dieu. Avec l’Eglise, nous désirons que tous, même ceux qui suivent aujourd’hui un chemin d’erreur, se remettent à vivre en accord avec la loi de Dieu. Nous ne voulons la condamnation éternelle de personne. A mon avis, le silence – ne pas parler d’excommunication – causerait un grave tort à l’Eglise.

 

Plus encore, j’ai l’impression que certains parmi ceux qui s’expriment contre moi sont quasiment en train d’insinuer qu’il vaudrait mieux abroger le canon de l’excommunication. Mais l’Eglise ne pense pas cela. L’Eglise maintient cette loi, parce que pour le bien commun de l’Eglise, il est nécessaire, quand il s’agit de délits gravissimes, qu’il y ait une loi claire, et que cette pénalité soit appliquée. Ce sont des principes d’une très grande importance. Pour moi, le silence équivaudrait à de la complicité. Nous savons – les journaux du monde entier l’affirment – qu’il se pratique chaque année dans le monde quelque 50 millions d’avortements. Ici au Brésil, on parle d’environ un million d’avortements tous les ans. J’ai dans ma conscience la conviction qu’il faut parler, réveiller la conscience de tous, parce que le silence peut être interprété comme une approbation.

 

 

— Dans une conversation avec le professeur Joseph Seifert, qui s’est exprimé dans les médias pour prendre votre défense, celui-ci a décrit l’excommunication comme une « charité » à l’égard de celui qu’elle vise, pour lui faire prendre conscience du tort qu’il subit dans sa vie spirituelle. Emploieriez-vous cette expression ?

 

— C’est un remède spirituel. L’Eglise est investie d’une mission, qui est de mener tous les hommes au salut éternel, et de les faire vivre dans la grâce de Dieu. De fait, il est des personnes qui font « tranquillement » des avortements, et qui disent tout aussi tranquillement qu’elles vont continuer. Nous autres, en tant que catholiques, et surtout les pasteurs de l’Eglise, ne pouvons rester silencieux, comme si tout cela était très bien. C’est pourquoi je répète que ne pas parler, ne pas attirer l’attention sur la gravité, sur le sérieux de ce problème, et surtout sur le fait que l’Eglise, pour le bien commun, applique cette pénalité, serait de la complicité. Cela reviendrait quasiment à accepter cette situation si grave.

 

Ici au Brésil, on est en train de préparer une loi de légalisation de l’avortement. Nous, les catholiques, devons parler en premier lieu de la responsabilité morale. Il y a évidemment des catholiques dans notre Parlement qui défendent la loi de Dieu, mais il y en a d’autres qui soutiennent ce projet, à commencer par le président de la République. Nous ne pouvons pas rester silencieux !

 

— Lorsque vous avez parlé d’excommunication automatique de la mère de la fillette et des médecins participant à l’avortement, l’avez-vous fait avant ou après le moment où celui-ci fut accompli ?

 

— J’en ai parlé avant et après, comme cela a été clairement exprimé dans la note publiée par l’archidiocèse de Recife en réponse à l’article de Mgr Fisichella : dès le 3 mars, veille du jour où l’avortement fut accompli, j’évoquai devant des journalistes la « peine médicinale » du canon 1398. Malheureusement, l’article de Mgr Fisichella affirme que la première fois où je m’exprimai devant la presse sur cette affaire, je n’ai parlé que d’excommunication. Cela est totalement faux. J’ai parlé plusieurs fois parce que cette affaire d’une fillette de neuf ans enceinte avait attiré l’attention de toute la presse. Et surtout, nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour sauver trois vies : pas seulement celle de la petite fille, mais les trois vies. Lorsque pour finir l’avortement a eu lieu, j’ai rappelé simplement une nouvelle fois quelle est la loi de l’Eglise. Toute personne qui – en pleine conscience évidemment – commet des avortements est excommuniée : voilà le sens de ma déclaration.

 

— Est-il vrai que la petite fille était rachitique, ou dénutrie ?

 

— Pas du tout ! Cette petite fille enceinte, même lorsqu’elle fut hospitalisée, vivait avec d’autres enfants et jouait avec eux ; elle vivait une vie normale d’enfant.

 

— Savait-elle qu’elle attendait deux enfants ?

 

— Oui, évidemment ! Non seulement elle le savait, mais elle disait qu’un de ses enfants serait pour un membre de sa famille, et l’autre pour elle pour qu’ils puissent jouer ensemble. On a su par la suite qu’il s’agissait de deux petites filles…

 

— On dit que le père légitime de la petite fille, qui était opposé à l’avortement, est un chrétien évangélique. Est-ce vrai ?

 

— Oui, c’est vrai, il n’est pas catholique. Cela dit, il était totalement avec nous. Je l’ai reçu ici dans ma maison toute une journée ; il n’acceptait pas l’avortement.

 

— Il y a eu beaucoup d’émotion…

 

— Oui. Il est venu de sa petite ville d’Alagoinha qui est à 230 km d’ici. Il est resté avec nous : avec moi, avec le P. Edson Rodrigues qui est le curé de sa paroisse, avec mon avocat, avec le président des tribunaux d’ici pour voir s’il était possible d’intervenir avant l’avortement, pour voir si nous pouvions l’empêcher par des moyens légaux. Mais comme vous le savez l’avortement a été accompli après que la fillette eut été emmenée à notre insu vers un « centre de santé » habituée à pratiquer cette intervention.

 

— Y a-t-il eu des manifestations contre l’avortement à proximité de la clinique où se trouvait initialement la fillette ?

 

— Non, dans les rues pas du tout. En revanche, dans les journaux et à la télévision il y eut beaucoup de pressions pour l’avortement, et des associations « féministes », comme vous le savez, sont intervenues pour promouvoir l’avortement de la fillette.

 

— La fillette a-t-elle été à aucun moment en danger de mort ?

 

— Non, jamais. Les médecins me l’ont affirmé explicitement.

 

— Mais si elle avait été en danger de mort, l’avortement n’aurait pas été justifié pour autant…

 

— Cette éventualité a été clairement envisagée par les médecins. Ils espéraient qu’à six mois de grossesse, il serait possible de pratiquer une césarienne. Mais comme ce groupe de « féministes » voulait l’avortement, ils sont venus à l’IMIP (Institut maternel et infantile de Pernambuco) où la fillette était hospitalisée pour l’emmener vers l’autre « centre de santé » et l’avortement a été pratiqué dans les heures suivant son arrivée. Ils l’ont embarquée le soir et dès le lendemain, l’intervention s’est achevée vers 10 heures du matin. C’est une clinique dont on sait très bien par ici qu’elle pratique habituellement des avortements.

 

Il m’importe beaucoup de rappeler que les médecins qui ont réalisé l’avortement ont déclaré qu’ils pratiquent des avortements depuis longtemps, et avec « fierté ». Et ils affirment qu’ils continueront. Nous ne pouvons rester silencieux face à cela. Et nous pouvons encore moins affirmer qu’il y avait un « doute », comme l’a malheureusement écrit Mgr Fisichella. Il affirmait que nul ne sait si au moment d’agir le médecin n’avait pas eu des doutes sur ce qu’il devait faire ou ne pas faire : nous savons au contraire que ces médecins ont déclaré publiquement qu’ils vivent en pratiquant des avortements et qu’ils n’ont aucun « doute » à ce sujet. Ils veulent continuer à le faire.

 

Il y a évidemment ici d’autres médecins catholiques qui affirment à l’inverse qu’ils ne pratiquent pas l’avortement parce qu’ils croient en Dieu et respectent sa loi.

 

— Monseigneur, auriez-vous réagi autrement si la petite fille avait véritablement été en péril de mort ?

 

— Non, pas du tout. Nous savons que même en cas de danger de mort, l’avortement n’est jamais licite. C’est la loi de Dieu telle que l’Eglise la proclame. Même en cas de danger de mort, il fallait attendre l’évolution naturelle des choses, et tenter de sauver les trois vies. C’est un principe fondamental de la loi de Dieu et aussi de la loi naturelle : la fin ne justifie pas les moyens. Je peux avoir un objectif excellent : sauver la vie de la petite fille enceinte ; mais le moyen pour parvenir à cette fin ne peut en aucun cas être la suppression de deux vies innocentes. C’est un principe naturel que la logique humaine peut comprendre. Pour évoquer un exemple que je donne ici au Brésil pour me faire comprendre : si je veux trouver de la nourriture pour la donner aux pauvres, et nous en avons tant ici, je n’ai pas le droit pour cela de braquer une banque, de prendre l’argent des autres pour faire une œuvre bonne.

 

Et comme l’a dit mon équipe d’assesseurs – le vicaire général, mon avocat catholique et les autres signataires de la note que j’évoquais plus haut – il ne nous appartient pas de changer la loi de Dieu, même si l’opinion publique suit un autre chemin. Notre mission, si importante, est de la proclamer pour tous, même dans les cas comme celui-ci où cela n’est pas facile.

 

Il faut bien le comprendre : dès les tout premiers siècles, il y a eu des lois d’excommunication dans l’Eglise. Elles visent à protéger le bien commun de la société ecclésiale : c’est pour cela qu’il faut un droit canonique, l’aspect juridique de l’Eglise en tant que société humaine est indispensable. Nous ne pouvons espérer simplement que chacun suive sa conscience. L’Eglise doit évidemment d’abord prendre soin de la vie spirituelle de chacun, mais le bien commun, au sens technique, est très important aussi : il s’agit d’un environnement adéquat où chacun puisse vivre tranquillement. Les pénalités prévues par le Code de droit canonique ont aussi cette finalité.

 

— Avez-vous eu connaissance de ce qui se dit à propos de Mgr Fisichella : qu’il a écrit cette note « trompé et forcé » ?

 

— Cette information m’est arrivée indirectement. Certaines personnes au Brésil, y compris des évêques, ont appelé Mgr Fisichella, et elles me disent qu’il leur a répondu cela : qu’il aurait suivi les indications de supérieurs hiérarchiques.

 

— Le fait est qu’aujourd’hui la presse internationale en arrive à dire que l’Eglise est d’accord avec les avortements thérapeutiques. Cela me paraît très grave : comment peut-on lutter contre cette impression ?

 

— C’est notre mission que de proclamer toujours la loi de Dieu. Vous savez qu’en Afrique Benoît XVI a parlé clairement sur des questions morales et que la presse, notamment en France, ne l’a pas accepté. C’est pourtant la mission de l’Eglise : nous ne pouvons pas nous taire pour des raisons de convenance sociale. Dans la liberté démocratique, qui est une bonne chose, il y a abus à vouloir légitimer, même dans le cadre de la loi, des usages ou des actes qui vont contre la loi de Dieu. Notre mission, celle de l’Eglise, est de proclamer la loi de Dieu et l’Evangile de Jésus-Christ, même si ce n’est pas facile.

 

 

 

— Et vos relations avec les autres évêques du Brésil ?

 

— Elles sont très bonnes. Il y a deux semaines nous étions réunis en Assemblée nationale des évêques à São Paolo : tous les évêques avec qui j’ai parlé m’approuvent ; aucun n’est contre moi. En revanche, j’ai lu ce qu’ont écrit certains évêques français. Il me semble qu’ils ne connaissaient pas toutes les circonstances. Ils ont lu l’article de Mgr Fisichella et ils ont pensé que c’était la vérité.

 

— Ils sont peut-être aujourd’hui en mesure de constater qu’ils ont réagi sur des informations fausses… Mais comment réparer ?

 

— Il me semblerait important que L’Osservatore Romano publie mes réponses. C’est ce que nous essayons d’obtenir, et c’est ce que nous avons fait depuis le début. Nous avons envoyé à Rome la réponse de l’archidiocèse à l’article de Mgr Fisichella. C’est un droit naturel que de répondre si quelqu’un publie des choses fausses, pour on ne sait quels motifs : il faut que les lecteurs du journal romain puissent connaître aussi l’autre point de vue.

 

J’ai quant à moi la conscience tranquille. Je n’attendais pas et je ne souhaitais pas ces répercussions qui ont atteint des dimensions internationales. Je répète que le bien commun de l’Eglise a besoin de ces lois latae sententiae, qui servent d’alerte permanente et qu’elle n’abrogera jamais. Elle a toujours condamné l’avortement et elle a toujours expliqué pourquoi : parce qu’il ne fait pas seulement du tort à la personne mais aussi à toute la société. Aujourd’hui, je le répète, nous en sommes à 1 million d’avortements tous les ans au Brésil, 50 millions dans le monde, et notre silence serait connivence.

 

Je tiens à vous remercier de m’avoir permis d’exposer ces choses qui me paraissent importantes pour le bien spirituel des âmes. Et je vous prie de dire aux lecteurs de Présent que je les bénis très volontiers.

 

Propos recueillis par Jeanne Smits

 


LES PROTESTATIONS ABONDENT, MAIS LE VATICAN FAIT BARRAGE

Il en est résulté une vive controverse publique. De nombreuses protestations et demandes confidentielles ont été adressées aux autorités vaticanes.
Parmi celles-ci, la démarche de 27 des 46 membres de l’Académie pontificale pour la vie.

Le 4 avril, ils ont écrit à Mgr Fisichella, leur président, une lettre collective le priant de corriger les prises de position "erronées" qu’il avait exprimées dans l’article publié dans l’O.R..
Le 21 avril, Mgr Fisichella leur a répondu par écrit, en rejetant leur demande.
Le 1er mai, 21 des signataires de la lettre précédente se sont alors adressés au cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pour demander à la Congrégation une déclaration qui clarifie la doctrine de l’Eglise en matière d’avortement.
La lettre, remise le 4 mai, n’a pas reçu de réponse. Ses auteurs ont su par un responsable de la Congrégation que la lettre avait été transmise au Secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, "parce que l’article de Mgr Fisichella avait été écrit à sa demande".

Deux membres de l’Académie pontificale pour la vie ont alors adressé directement au pape un dossier sur l’affaire.

 

Ainsi beaucoup de protestations et de demandes de corrections sont arrivées au Vatican en plus de celle de l'archevêque d’Olinda et Recife. Il faut citer, encore,  l’intervention du professeur Joseph Seifert, fondateur et recteur de l'Académie internationale de philosophie du Liechtenstein, membre de l’Académie pontificale pour la vie, celle-là même dont Mgr Fisichella est le président:

"J’estime qu’il est de mon devoir d’exprimer l'ardent espoir que les plus hautes autorités de l’Eglise en matière de magistère définissent prochainement et clairement l'authentique enseignement de l’Eglise sur le mal intrinsèque qu’est tout avortement et qu’elles corrigent publiquement et sans ambiguïté les prises de position citées".

D’autres ont cité un passage sans équivoque du célèbre discours adressé par Pie XII aux sages-femmes en 1951: "sauver la vie de la mère est une très noble fin, mais le meurtre direct de l’enfant, pris comme moyen d’atteindre une telle fin, n’est pas permis".

Mais aucune de  ces « protestations » ne sont parues dans "L'Osservatore Romano". Le journal du Saint-Siège n’est revenu sur le sujet qu’une seule fois, le 4 avril, rapidement, dans le compte-rendu d’une rencontre organisée à Rome par l'union catholique de la presse italienne, sur le thème: "La conscience en première page".

Mgr Fisichella et une journaliste laïque connue, Lucia Annunziata, ancienne présidente de la télévision d’Etat italienne  participaient à cette rencontre. A un moment donné – selon le chroniqueur du journal du Vatican – Lucia Annunziata a reconnu à l’Eglise "une transparence encore jamais vue", prouvée, selon elle, de la façon suivante:

"Je me réfère à la lettre du pape aux évêques du monde entier (ndlr : celle qui concerne la levée des excommunications des quatre évêques de la FSSPX) et, par exemple, à l'intervention de Mgr Fisichella lui-même sur l’affaire de la fillette brésilienne publiée dans L'Osservatore Romano".

Après quoi, au Vatican, le silence est retombé sur « l’affaire ». A Rome, le seul à s’être exprimé en faveur de l'archevêque d’Olinda et Recife - mais avant la publication de l’article contesté – est celle du cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques.

Même la Congrégation pour la doctrine de la foi n’a pas été invitée à donner son avis sur l’article de Mgr Fisichella, ni avant ni après sa publication, alors que, sur des sujets aussi délicats, c’est l’habitude. La décision de le publier, ainsi que celle de garder le silence quant aux réactions, a relevé exclusivement de la Secrétairerie d’Etat.

LE PROFESSEUR SCHOOYANS INTERVIENT

Mais maintenant il y a une prise de position publique contre l'article de Mgr Fisichella qu’il sera difficile d’éluder. Elle émane de Mgr Michel Schooyans, belge, professeur émérite de l'Université Catholique de Louvain, spécialiste réputé en anthropologie, philosophie politique, et bioéthique. Il est membre de trois académies pontificales: celle des sciences sociales, celle de saint Thomas d'Aquin et – justement – celle pour la vie. Son dernier ouvrage publié en Italie, en 2008, aux éditions Cantagalli, sous le titre "La prophétie de Paul VI" est une vigoureuse défense de l’encyclique "Humanæ Vitæ". Le 1er mai, Schooyans a prononcé le discours d’introduction à l’assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences sociales. Le pape, qui le connaît et l’estime, avait préfacé en 1997, en tant que cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, son ouvrage "L'Évangile face au désordre mondial".

Schooyans, en profond désaccord avec l’article de Mgr Fisichella dans "L'Osservatore Romano" et convaincu que l’affaire en question ne doit pas être passée sous silence, a rédigé un réquisitoire sévère, qui se termine sur la demande d’une "déclaration forte" du pape en personne. Et il a décidé de le faire circuler.

On en trouvera ci-dessous de larges extraits.

 

"Si le pape se tait, il se passera ce qui s’est produit pour 'Humanae vitae'..."

par Michel Schooyans


L’exposé de Mgr Rino Fisichella dans "L’Osservatore Romano" du 15 mars 2009 mérite différents commentaires car il comporte plusieurs erreurs. Nous allons en examiner quelques-unes.

- Mgr  Fisichella part de l'assertion, répétée par les journalistes, selon laquelle "Carmen" allait mourir si on ne la faisait pas avorter des jumeaux qu'elle portait. L'avortement des jumeaux est une conséquence de la décision d'intervenir pour sauver la vie de la fillette. La fin justifie les moyens. [...] Dans cette logique, qui rappelle celle que l’on trouve dans des documents de l’IPPF, le double avortement n'est pas voulu pour lui-même, mais pour sauver la mère. Par conséquent - raisonne Mgr Fisichella - ni la mère, Carmen, ni les auteurs de l'avortement ne tombent sous le coup de l'excommunication. L'archevêque d'Olinda et Recife, insiste-t-on, n'avait pas à faire des déclarations bruyantes; il devait plutôt aller consoler la fillette.

Malheureusement pour lui et pour ses lecteurs, on peut se demander si Mgr Fisichella a pris la peine de s'informer convenablement. [...] Il a pris pour argent comptant l'assertion, non prouvée, selon laquelle, sans avortement, la fillette allait mourir. Tout le raisonnement de Mgr Fisichella est basé sur cette pétition de principe. On suppose acquis ce qu'il y aurait lieu de prouver, à savoir que l'avortement était le seul moyen de sauver la mère, réputée être en danger de mort. Pour faire bonne mesure, on ajoute que Dom Cardoso a manqué de tendresse et qu’il a excommunié. Au fait, Mgr Fisichella a-t-il seulement téléphoné à l’archevêque d’Olinda et Recife ?

- "Sa vie, écrit Mgr Fisichella, était sérieusement en danger". A l'évidence, Mgr Fisichella ne s'est pas enquis du dossier médical de la fillette. D'après le Dr Sérgio Cabral, médecin directeur de l'Instituto Materno Perinatal de Pernambuco, [État du Brésil dont la capitale est Recife], la vie de Carmen n’était pas en danger. On ne pouvait invoquer un quelconque état de nécessité. On pouvait raisonnablement espérer sauver la mère et les deux enfants. Cette déclaration a été confirmée par d'autres médecins brésiliens qui connaissent le dossier, parmi lesquels le Dr Bernardo Graz, médecin et prêtre, et le Dr Elisabeth Kipman, médecin gynécologue.

- "Carmen portait en elle d’autres vies, innocentes comme la sienne", écrit encore Mgr Fisichella, qui ajoute: "Dans son cas, la vie et la mort se sont affrontées". Affirmations théâtrales mais inexactes. Carmen portait deux vies innocentes et ces deux vies - eût-il fallu écrire noir sur blanc - ont été supprimées. La mort a été donnée volontairement et inéluctablement, sans justification aucune, à deux petits êtres totalement innocents. En raison de la détermination à avorter, à aucun moment, la vie n'a eu la moindre chance de l'emporter. D'ailleurs, les exécutants de l'avortement se seraient même vantés, non sans un certain cynisme, d'être habitués à faire des avortements et d'être fiers de les faire. L'un d'eux, le Dr Rivaldo Mendes de Albuquerque, aurait même déclaré ironiquement qu'il aurait déjà été excommunié à plusieurs reprises.

Précisons ici que, contrairement à ce qu'insinue l'article de Mgr Fisichella, il n'a jamais été question d'excommunication pour la fillette.

- Une nouvelle erreur vient d'être manifestée: il n'y avait danger de mort ni pour Carmen ni pour les jumeaux. Mgr Fisichella insiste pourtant: "Un choix comme celui de devoir sauver une vie, sachant qu'il [le médecin] met sérieusement en danger une deuxième vie, n'est jamais vécu avec facilité". Appliquée à notre cas, cette considération est aberrante puisqu'il n'y avait aucune vie en danger, ni celle de la mère, ni celle des deux enfants qu'elle portait. Le danger vient des médecins qui choisissent le double avortement, ainsi que des idéologues du free choice qui incitent les praticiens à commettre un double attentat à la vie humaine et confèrent à ses auteurs une pseudo-licéité morale.

Ce qui vient d'être expliqué anéantit la pertinence de l'amalgame entre le cas de Carmen et celui des patients en réanimation. Il résulte de cet amalgame que, non content d’apporter sa caution à l'avortement, Mgr  Fisichella l’apporte aussi à l'euthanasie si des médecins choisissent d’y procéder. A l'évidence, Mgr Fisichella désire flatter les médecins, dont il déclare respecter le professionnalisme. Il leur reconnaît "la liberté de choix", sans rappeler ni se rappeler que, dans leurs décisions, les médecins sont aussi tenus de respecter des règles morales. Mgr Fisichella sème par là le trouble dans la conscience de tous les médecins du monde au sujet du respect de la vie, en son début et à son terme, c'est-à-dire au sujet de l'avortement et de l'euthanasie.

- Mgr Fisichella nous réserve encore une surprise lorsqu'il s'aventure dans des considérations relatives à la morale fondamentale. Voici ce qu'il écrit: "Faire d’un cas une généralité serait non seulement incorrect, mais injuste. […] Chaque cas particulier et concret mérite d’être analysé sans généralisation". Comme au point précédent, Mgr  Fisichella révèle ici son adhésion à la morale de situation, à la morale de l'option fondamentale, à la morale proportionnaliste, toutes pourtant clairement critiquées par Jean-Paul II dans l’encyclique "Veritatis splendor" (1993 ; voir par exemple n° 65-83; 95-102).

- Mgr Fisichella enchaîne: "La morale catholique a des principes qu’elle ne peut pas ignorer même si elle le voulait. La défense de la vie humaine dès sa conception appartient à l’un d’eux." Deux motifs d'étonnement: Mgr Fisichella affirme ici l’existence de principes moraux alors que, comme signalé ci-dessus, il laisse les médecins choisir librement et qu'il vient de dire qu’il fallait analyser les cas dans leur particularité ! En outre, Mgr Fisichella oublie que la défense de la vie humaine est d'abord un principe de morale naturelle. Les chrétiens n’ont pas le monopole du respect de la vie humaine. La condamnation de l’avortement remonte bien au-delà de ce que Mgr Fisichella appelle "l’aube de l’Église".

- Il n’est pas exact que Vatican II et plus précisément "Gaudium et spes" (nº 27 et 51) utilisent "de manière inattendue des paroles sans équivoque et très dures contre l’avortement direct". Ces paroles ne sont ni inattendues, ni très dures ; elles ne font que réaffirmer la tradition morale, naturelle et chrétienne, qui veut protéger les individus humains les plus fragiles et dissuader les autres d’attenter à leur vie. Ce qui est curieux, c'est que Fisichella rappelle lui-même la doctrine de l’Église sur l’avortement provoqué ! Il ne semble pas percevoir que la doctrine qu’il cite le met en contradiction avec ses positions, telles qu’il les expose dans l’article que nous commentons. En d’autres termes, pour lui, il faut conserver les principes pour autant que soit respectée avant tout la liberté de choix face aux situations concrètes. Voilà comment on ruine la morale, tant naturelle que chrétienne…

DES DIVISIONS DANS L'EGLISE

- Selon Mgr Fisichella, l'attitude de l'archevêque Cardoso fait du tort à la crédibilité de l'Église. Mais l'Église et ses pasteurs ne méritent d'être crédibles que s’ils proclament la vérité. L'Évangile ne recommande pas de plaire aux hommes mais nous appelle à être fidèles au message que nous avons pour mission d'annoncer. En ce qui concerne l'avortement, la doctrine de l'Église est exposée en toute clarté dans des documents majeurs tels que "Gaudium et spes" (1965), n° 51 § 3 ; cf. n° 27 § 3 ; Code de Droit Canonique (1983), n° 1398 ; 1314; 1323 s. ; "Donum vitae" (1987), n° 3 ; "Evangelium vitae" (1995), n° 62 ; Catéchisme de l'Église catholique (1997), n° 2271, 2322.

L'article de Mgr Fisichella a été publié le 17 mars dans l'édition française de "L’Osservatore Romano". Il est étonnant qu'il ne fasse pas écho aux déclarations de Son Éminence le cardinal Re, préfet de la Sacrée Congrégation pour les Évêques, publiées dans "La Stampa" du 7 mars. Mgr Fisichella pouvait-il ignorer cette déclaration au moment de signer son article ? Dans cette déclaration, le cardinal Re déclare, à propos du double avortement réalisé à Recife: "C'est un crime aux yeux de Dieu. L'excommunication de ceux qui ont provoqué l'avortement est juste". Le 14 mars, Dom Cardoso. archevêque d’Olinda et Recife, recevait une lettre d’éloge du même cardinal. [...]

- "L’Osservatore Romano" est l’organe officieux du Vatican. Il publie des textes pontificaux et des articles à la demande de certains dicastères. Il publie également des textes proposés par des auteurs censés connaître et respecter la doctrine de l’Église. Cette publication prestigieuse est particulièrement nécessaire à une époque où les médias se prononcent avec aplomb sur n’importe quel sujet. [...] Dans le cas que nous examinons, les responsables de "L’Osservatore Romano" ont laissé passer un texte émaillé d’inexactitudes graves, d’omissions, partial dans tous les sens du mot. [...] L’organe du Vatican coopère ainsi sérieusement à la confusion des esprits dans la mesure où il ne respecte pas son mandat de porte-parole fidèle et fournit à ses lecteurs des produits doctrinalement frelatés.

- De graves motifs de préoccupation apparaissent dans les milieux proches de l’Académie pontificale pour la vie et du Conseil pontifical pour la famille:

a. Incompréhension et tristesse d’un nombre considérable de chrétiens engagés depuis des années dans de multiples programmes pro-vie encouragés par l’Église. Sentiment souvent fondé d’avoir été "lâchés" par leur pasteur.

b. Perplexité et honte de beaucoup de membres de l’Académie pontificale pour la vie, qui se demandent comment un tel faux pas a pu se produire et quelle suite lui sera réservée.

c. Discrédit frappant le président de l’Académie pontificale pour la vie qui a sapé sa propre autorité morale, théologique et scientifique. Perte de confiance dans le président et désenchantement. Beaucoup de membres de l’Académie pontificale pour la vie craignent que les déclarations de Mgr Fisichella ne les compromettent auprès de leurs bases. Celles-ci reverront à la baisse les aides de toute sorte destinées aux activités de l’Académie pontificale pour la vie.

d. Crainte d'une désactivation de l’Académie pontificale pour la vie: les membres seront moins motivés et se diviseront entre eux. Il est déjà question de ne convoquer les membres de l’Académie que tous les deux ans. Mais d’où vient cette décision, si elle se confirme ? Prélude-t-elle, comme certains le chuchotent, à un enterrement de l’Académie pontificale pour la vie alors que les attaques contre la vie ne cessent de se multiplier? [...]

IMPACT SUR LA VIE POLITIQUE

- Selon les mouvements pro-choice et autres mouvements semblables, on est, à Recife, en présence du cas typique de la femme dont on assure qu'il faut l'avorter pour lui sauver la vie. [...] "L'avortement - assure-t-on - permet de sauver des vies humaines. Il diminue la mortalité maternelle". [...]

Mgr Fisichella apporte de l'eau au moulin de tous les pro-choice du Brésil, du monde et de l’Église. Il affaiblit les mouvements pro-vie qui sont en train de se battre, au Brésil et ailleurs, contre les projets de légalisation de l'avortement. [...]

- En raison de son influence sur les milieux politiques et de l'audience que lui accordent les médias, il convient de relever les réactions du mouvement Catholics for Free Choice aux propos de Mgr Fisichella. Voici ce qu'écrivait, le 23 mars, Frances Kissling, leur présidente d’honneur, à propos de l’affaire de Recife:

"Par un stupéfiant changement de cap dans la stratégie du Vatican, qui consiste à ne pas s'écarter de la position selon laquelle l'avortement ne devrait jamais être permis, même pour sauver la vie d'une femme, le plus haut responsable du Vatican en matière de bioéthique, l'archevêque Rino Fisichella [...] a déverrouillé une porte par laquelle peuvent se glisser des femmes, des médecins, des décideurs politiques. Je suis reconnaissante pour les petits cadeaux".

- Mgr Fisichella a donné un fameux coup de main à ceux qui, au Brésil, en Amérique Latine, en Afrique et ailleurs, veulent libéraliser l'avortement comme moyen de contrôle de la population
. [...] Il affaiblit l'Église du Brésil au moment où, dans la Campagne de la Fraternité, les chrétiens donnent la priorité à la défense de la vie. En désavouant Dom Cardoso, Mgr Fisichella rejoint le désaveu du président Lula visant l’archevêque d’Olinda et Recife. [...]

- L’article de Mgr Fisichella tombe à un moment où le président Obama multiplie les initiatives visant à intensifier, en Amérique Latine et ailleurs, les campagnes financées par le gouvernement des Etats-Unis, en faveur de la santé reproductive et la maternité sans risques. Son action en ce sens est relayée et élargie par les interventions d’Hillary Clinton et par celles d’organisations comme l'International Planned Parenthood Federation, des agences de l’ONU, l’Union Européenne.

Cette campagne basée aux USA est encore intensifiée par l’action de Tony Blair [...] et de son épouse Cherie Blair, qui ne lésine pas sur ses déclarations féministes radicales. Comme tant d’autres, ce couple n’hésite pas à se proclamer catholique mais ne se prive pas de se démarquer publiquement de l’enseignement de l’Église concernant la vie et la famille. Les Blair sont catholiques "free choice".

Sous l’influence de ces deux nations leaders et de l’ONU où leur poids est prépondérant, il faut s’attendre à ce que l’Amérique Latine soit bientôt pressée d’adopter de "nouveaux droits" de l’homme, parmi lesquels le "droit" à l’avortement. A terme, les personnels médicaux seront privés de leur droit à l’objection de conscience. Le président Lula a déjà manifesté clairement sa sympathie spontanée pour une telle réforme. Par ailleurs, il faut s’attendre à ce que les réseaux éducatifs latino-américains servent prochainement de canaux à l’expansion de l’éducation sexuelle des jeunes. Depuis des années, une campagne est déjà entreprise dans ce but.

A un moment où les présidents Obama et Lula intensifient leurs projets de collaboration en matière de contrôle de la population, les propos de Mgr Fisichella ne peuvent que desservir la cause des populations et des nations latino-américaines. »

 

Mais après la publication de ces prises de positions favorables à l’archevêque de Récife, la controverse entre Mgr Fisichella et l'archevêché d’Olinda et Recife s’est enrichie d’un nouveau chapitre.

MAINTENANT IL Y A AUSSI LA MENACE D’UNE PLAINTE CANONIQUE

Au cours de la première moitié de juin, l'archevêché brésilien a fait parvenir aux plus hautes autorités vaticanes – et en copie à une centaine de dirigeants de la curie – un mémorandum officiel en italien, signé à chacune de ses six pages par Márcio Miranda, l'avocat de l’archevêché.

Le mémorandum décrit avec précision ce que l’Eglise locale a fait et continue à faire pour aider la fillette et pour protéger sa vie, comme elle avait protégé jusqu’au dernier moment la vie des deux enfants dont elle était enceinte.

La conclusion du document est la suivante:

"Compte tenu des faits décrits dans ce document, il convient que tous ceux qui ont critiqué l'archevêque réfléchissent et reconnaissent que leurs jugements hâtifs étaient sans fondement et qu’ils doivent réparer le mal commis, en rendant justice à l'archevêque Cardoso Sobrinho".

Par ce mémorandum, l'archevêché d’Olinda et Recife demande aux autorités vaticanes une "solution amiable" de la controverse, faute de quoi il porterait une plainte canonique contre l'archevêque Mgr Fisichella.

DES QUESTIONS QUI APPELLENT DES RÉPONSES CLAIRES

A l’issue de l’analyse de ce dossier, différentes questions se posent. En voici quelques-unes.

- Selon l’usage dans les dicastères, les documents "délicats" doivent être soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Le texte de Mgr Fisichella a-t-il reçu l’approbation préalable de cette Congrégation ? Cet épisode lamentable ne révèle-t-il pas combien il est urgent de rétablir la préséance de la Congrégation pour la doctrine de la foi au sein de la curie, ce qui était le cas avant la réforme de Paul VI ? La première Congrégation était le « Saint Office ».

- Le texte de Mgr Fisichella a-t-il été publié avec l’appui d’autres autorités vaticanes ? Lesquelles ? Qui a commandité, organisé et couvert ce montage ? Dans une lettre datée du 14 mai (PAV, Prot. N. 4235/09), Mgr Fisichella écrit "L’article a été écrit sur demande". A la demande de qui ? Certains vont jusqu’à insinuer qu’une demande aurait été faite à Mgr Fisichella [...] au niveau de la Secrétairerie d’Etat… Voilà la question cruciale sur laquelle la lumière doit être faite.

- Qu’est-ce qui est envisagé pour procéder aux indispensables rectifications doctrinales, pastorales et canoniques qu’appelle le texte de Mgr Fisichella ? Il est temps que la Congrégation pour l’éducation catholique étudie l’opportunité d’une visite des universités catholiques, y compris romaines.


CONCLUSIONS

- Tout le monde est d’accord pour dire et répéter que ce qu’a vécu la fillette est particulièrement horrible: viols répétés suivis d’une grossesse gémellaire. On insiste moins sur le fait qu’un réseau efficace s’était constitué pour venir en aide à la fillette et à son entourage. L’action de ces "bons samaritains" n’est pas évoquée dans l’article. Ils ont pourtant fait œuvre de tendresse et de compassion pour la jeune maman. Avec d’autres péripéties du même genre, l’épisode de Recife a mis en lumière de profondes dysfonctions dans le système romain d’information et de communication. [...]

- L’article de Mgr Fisichella reflète des thèses qui l’apparentent aux catholiques pro-choice. Il compromet l’effort gigantesque qui a été réalisé sous l’impulsion des papes du siècle dernier en faveur de la vie et de la famille. Dans le texte que nous avons analysé, on ne trouve pas le moindre écho des travaux patronnés par le cardinal López Trujillo au Conseil pontifical pour la famille, comme par exemple le célèbre Lexicon. On ne trouve pas davantage la moindre référence à la prestigieuse école de bioéthique personnaliste fondée par Mgr Sgreccia et qui a largement modelé l’Académie pontificale pour la vie.

- Il serait désastreux que l’on étouffe cette affaire ou qu’on la fasse traîner car le trouble est grand parmi les fidèles et les mouvements "laïques" sont évidemment prêts à exploiter la moindre nouvelle faille dans l’unité de l’Église. Un silence anormal donnerait à entendre que le Saint-Siège confirme le désaveu de l’archevêque Cardoso prononcé implicitement par Mgr Fisichella.

- Il est indispensable de mesurer les réactions qui ont déjà surgi dans la presse internationale et dans les mouvements pro-vie, ainsi que dans le clergé et parmi les laïcs, face à ce que beaucoup qualifient, non sans raison, de scandale. Sur trois points essentiels, il y a eu dérapage grave: dérapage en morale du respect de la vie ; dérapage en morale fondamentale, morale de situation ; dérapage en ecclésiologie, car la doctrine la plus solidement établie ne saurait être balayée d’un trait de plume ou abolie par un coup de force. En outre, au niveau disciplinaire, il n'est pas sûr que Mgr Fisichella ait un mandat particulier pour désavouer un Ordinaire, archevêque comme lui. Des mesures doivent donc être prises d’urgence pour que la situation soit débloquée. L’Académie pontificale pour la vie a besoin d’un pilote. Il faut rétablir la vérité et restaurer, avec la confiance, l’unité gravement ébranlée.

- Alors qu’il a critiqué récemment la politique du président Obama en matière d’avortement, Mgr Fisichella a méconnu l’impact politique de son propre article, à un moment où le Brésil, l’Amérique latine et l'Afrique font l’objet d’un siège en règle par les propagandistes de la culture de la mort.

- Le dissentiment est exposé au grand jour. Forts du précédent venu d’un chef de dicastère de la curie romaine, d'autres évêques et théologiens ne manqueront pas de prendre à leur tour quelques libertés avec la doctrine et de revendiquer le droit au dissentiment, voire à la transgression. En outre, ce que Mgr Fisichella a dit au sujet de l’avortement pourrait être transposé à propos de la contraception, du "mariage" entre personnes de même sexe, etc.

- L’affaire de Recife met en lumière que l’unité de l’Église ne peut être ramenée à une question de convenances politiques. [...] A la vérité, fondement de l’unité, on préfère de plus en plus l’unité de façade, pour plaire au monde. On s’accommode d’une vérité dans l’ambiguïté. Mais cette ambiguïté débouche inévitablement sur un relativisme doctrinal généralisé. Faut-il alimenter cette dérive ?

- En résumé, face aux turbulences provoquées par l'article de Mgr Fisichella, il n'y a, semble-t-il, qu'une seule solution vraie: une déclaration forte du Saint-Père. L'article de Mgr Fisichella a créé un doute général à propos de la "licéité" de l'avortement. Il n'est cependant pas sûr qu’à Rome la gravité de la situation créée soit perçue à sa juste mesure. Or le doute est répercuté dans l'Église universelle, renforcé par deux facteurs: la fonction confiée à l'auteur de l'article et le caractère officieux du journal qui le publie. Si le Pape ne dit rien, le doute persistera et on aura une répétition de ce qui se passe jusqu'aujourd'hui pour "Humanae vitae" (1968).

Enfin l’article de « l’Osservatore Romano »

 

Le 8 juin, Benoît XVI a discuté de l’affaire avec le cardinal Bertone et a ordonné que soit publiée une déclaration qui confirme comme inchangée la doctrine de l’Eglise en matière d’avortement.

Ces précisions ont été  publiées dans "L'Osservatore Romano" du 11 juillet 2009. Elles viennent de la « Congrégation pour la doctrine de la foi ».
Voici l’article, intégralement.

 

Son titre: « Sur l’avortement provoqué »

Eclaircissement de la Congrégation pour la doctrine de la foi

 »Le Saint-Siège a récemment reçu plusieurs lettres, dont certaines provenaient de hautes personnalités de la vie politique et ecclésiale, l’informant de la confusion créée dans différents pays, surtout en Amérique Latine, par la manipulation et l’instrumentalisation d’un article de Son Excellence Mgr Rino Fisichella, président de l’Académie pontificale pour la vie, à propos de la triste affaire de la "fillette brésilienne".

Cet article, paru dans "L'Osservatore Romano" du 15 mars 2009, présentait la doctrine de l’Eglise, tout en tenant compte de la situation dramatique de la fillette, qui - comme on pouvait le constater ensuite - avait été accompagnée avec toute la délicatesse pastorale possible, en particulier par celui qui était alors archevêque d’Olinda et Recife, Son Excellence Mgr José Cardoso Sobrinho.

A ce sujet, la Congrégation pour la doctrine de la foi confirme que la doctrine de l’Eglise sur l’avortement provoqué n’a pas changé et ne peut changer.

Cette doctrine a été exposée aux numéros 2270-2273 du Catéchisme de l’Eglise Catholique en ces termes :

"La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception. Dès le premier moment de son existence, l’être humain doit se voir reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le droit inviolable de tout être innocent à la vie" (cf. CDF, instr. "
Donum Vitae" 1, 1). "Avant d’être façonné dans le ventre maternel, je te connaissais. Avant ta sortie du sein, je t’ai consacré" (Jr 1, 5 ; cf. Jb 10, 8-12 ; Ps 22, 10-11). "Mes os n’étaient point cachés devant toi quand je fus fait dans le secret, brodé dans les profondeurs de la terre" (Ps 139, 15).

«Depuis le premier siècle, l’Église a affirmé la malice morale de tout avortement provoqué. Cet enseignement n’a pas changé. Il demeure invariable. L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est gravement contraire à la loi morale : "Tu ne tueras pas l’embryon par l’avortement et tu ne feras pas périr le nouveau-né" (Didaché 2, 2 ; cf. Barnabé, ép. 19, 5 ; Epître à Diognète 5, 5 ; Tertullien, apol. 9). "Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de la vie et l’homme doit s’en acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc être sauvegardée avec soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables" (GS 51, § 3).

«La coopération formelle à un avortement constitue une faute grave. L’Église sanctionne d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie humaine. "Qui procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt l’excommunication latæ sententiæ" (CIC, can. 1398) "par le fait même de la commission du délit" (CIC, can. 1314) et aux conditions prévues par le Droit (cf. CIC, can. 1323-1324). L’Église n’entend pas ainsi restreindre le champ de la miséricorde. Elle manifeste la gravité du crime commis, le dommage irréparable causé à l’innocent mis à mort, à ses parents et à toute la société.

« Le droit inaliénable à la vie de tout individu humain innocent constitue un élément constitutif de la société civile et de sa législation : "Les droits inaliénables de la personne devront être reconnus et respectés par la société civile et l’autorité politique. Les droits de l’homme ne dépendent ni des individus, ni des parents, et ne représentent pas même une concession de la société et de l’Etat ; ils appartiennent à la nature humaine et sont inhérents à la personne en raison de l’acte créateur dont elle tire son origine. Parmi ces droits fondamentaux, il faut nommer le droit à la vie et à l’intégrité physique de tout être humain depuis la conception jusqu’à la mort" (CDF, instr. "
Donum Vitae" 3). "Dans le moment où une loi positive prive une catégorie d’êtres humains de la protection que la législation civile doit leur accorder, l’Etat en vient à nier l’égalité de tous devant la loi. Quand l’Etat ne met pas sa force au service des droits de tous les citoyens, et en particulier des plus faibles, les fondements même d’un état de droit se trouvent menacés... Comme conséquence du respect et de la protection qui doivent être assurés à l’enfant dès le moment de sa conception, la loi devra prévoir des sanctions pénales appropriées pour toute violation délibérée de ses droits" (CDF, instr. "Donum Vitae" 3)».

Dans l'encyclique "
Evangelium Vitae" le pape Jean-Paul II a réaffirmé cette doctrine avec son autorité de Pasteur Suprême de l’Eglise :

« Avec l'autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses successeurs, en communion avec les Evêques - qui ont condamné l'avortement à différentes reprises et qui, en réponse à la consultation précédemment mentionnée, même dispersés dans le monde, ont exprimé unanimement leur accord avec cette doctrine - je déclare que l'avortement direct, c'est-à-dire voulu comme fin ou comme moyen, constitue toujours un désordre moral grave, en tant que meurtre délibéré d'un être humain innocent. Cette doctrine est fondée sur la loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite ; elle est transmise par la Tradition de l'Eglise et enseignée par le Magistère ordinaire et universel » (n° 62).

En ce qui concerne l'avortement provoqué dans certaines situations difficiles et complexes, l'enseignement clair et précis du pape Jean-Paul II est valable :

«I l est vrai que, de nombreuses fois, le choix de l'avortement revêt pour la mère un caractère dramatique et douloureux, lorsque la décision de se défaire du fruit de la conception n'est pas prise pour des raisons purement égoïstes et de facilité, mais parce que l'on voudrait sauvegarder des biens importants, comme la santé ou un niveau de vie décent pour les autres membres de la famille. Parfois, on craint pour l'enfant à naître des conditions de vie qui font penser qu'il serait mieux pour lui de ne pas naître. Cependant, ces raisons et d'autres semblables, pour graves et dramatiques qu'elles soient, ne peuvent jamais justifier la suppression délibérée d'un être humain innocent » (Encyclique "
Evangelium Vitae", n° 58).

Quant au problème de traitements médicaux déterminés visant à préserver la santé de la mère, il faut bien distinguer deux cas d’espèce différents : d’une part une intervention qui provoque directement la mort du fœtus, parfois appelée, de manière inappropriée, avortement "thérapeutique", qui ne peut jamais être licite dans la mesure où elle est le meurtre direct d’un être humain innocent ; d’autre part une intervention non abortive en soi, qui peut avoir comme conséquence collatérale la mort de l’enfant :

« Si, par exemple, pour sauver la vie de la future mère, indépendamment de son état de grossesse, il faut accomplir d’urgence un acte chirurgical, ou une autre application thérapeutique, ayant comme conséquence accessoire, en aucune façon voulue ou attendue mais inévitable, la mort du fœtus, un tel acte ne peut plus être qualifié d’attentat direct contre la vie innocente. Dans ces conditions, l'opération peut être considérée comme licite, comme d’autres interventions médicales similaires, à condition qu’il s’agisse toujours d’un bien de grande valeur, comme la vie, et qu’il ne soit pas possible de la reporter après la naissance de l’enfant ou de recourir à un autre traitement efficace » (Pie XII, Discours au Front de la famille et à l'Association des familles nombreuses, 27 novembre 1951).

Quant à la responsabilité du personnel médical, il faut rappeler ce qu’a dit le pape Jean-Paul II :

« Leurs professions en font des gardiens et des serviteurs de la vie humaine. Dans le contexte culturel et social actuel, où la science et l'art médical risquent de faire oublier leur dimension éthique naturelle, ils peuvent être parfois fortement tentés de se transformer en agents de manipulation de la vie ou même en artisans de mort. Face à cette tentation, leur responsabilité est aujourd'hui considérablement accrue ; elle puise son inspiration la plus profonde et trouve son soutien le plus puissant justement dans la dimension éthique des professions de santé, dimension qui leur est intrinsèque et qu'on ne peut négliger, comme le reconnaissait déjà l'antique serment d'Hippocrate, toujours actuel, qui demande à tout médecin de s'engager à respecter absolument la vie humaine et son caractère sacré » (Encyclique "
Evangelium Vitae", n° 89). »

 

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Rome, par cet article de l’O.R. approuve la décision que  l’archevêque  de Récife avait du prendre dans cette très pénible affaire de cet enfant de 9 ans  enceinte de deux jumeaux des œuvres de son beau-père.

L’affaire est conclue. La vérité a triomphé.

Deo Gratias !

(articles publiés sur le site « Chiesa »)