Un regard sur le monde
politique et religieux
au 17 juillet 2009
N° 225
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Du nouveau sur l’avortement de la petite
fille brésilienne
Un article de l’Osservatore Romano daté du 11 juillet 2009.
Le Dossier.
"Du côté de la fillette
brésilienne":
C’est le titre, dans "L'Osservatore
Romano" du 15 mars 2009, d’une note en première page sur l’affaire de
la « petite fille brésilienne » signée par l'archevêque, Mgr Rino Fisichella, président de l’Académie
Pontificale pour la vie et Recteur de l’Université Pontificale du Latran.
L'autorité du signataire, l’emplacement du texte et plus encore son contenu
font que l’article est sûrement l’un de ceux que
L’article parlait du cas d’une fillette brésilienne déjà fertile à 9 ans qui a
été violée à plusieurs reprises par son jeune beau-père, s’est trouvée enceinte
de jumeaux et que l’on a fait avorter au quatrième mois de grossesse.
Ce cas, a écrit Mgr Fisichella, "n’a
été rendu public dans les journaux que parce que l’archevêque d’Olinda et
Recife s’est empressé d’annoncer l’excommunication des médecins qui ont aidé à
interrompre la grossesse". Mais "avant de penser à l’excommunication", il fallait "avant tout défendre, embrasser, caresser"
la fillette avec cette "humanité
dont nous, hommes d’Eglise, devrions être des annonciateurs experts et des
maîtres". Mais "il n’en a
pas été ainsi".
L'attaque contre l'archevêque d’Olinda et Recife ne pouvait pas être plus dure.
En effet les déclarations de
l'archevêque sur l’excommunication des auteurs du double avortement ont aggravé
le conflit déjà en cours depuis longtemps au Brésil entre l’Eglise et le
gouvernement, la première engagée dans une grande campagne de défense de la vie
naissante, le second orienté vers une libéralisation encore plus large de
l’avortement.
Le cardinal Giovanni
Battista Re, la conférence des évêques brésiliens soutinrent le prélat brésilien.
A Rome, le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de
Au Brésil, la conférence des évêques a fait de même par une note diffusée le 13
mars et par des déclarations de son président, l'archevêque Geraldo Lyrio
Rocha, et de son secrétaire, Dimas Lara.
Le nouvel archevêque de Rio de Janeiro, Orani João Tempesta, s’est aussi
exprimé dans ce sens, notant entre autres que la mère de la fillette avait dit
que "le seul endroit où elle s’était
sentie non pas maltraitée mais respectée avait été le bureau de Caritas".
Soutien également de Mgr
Dominique Rey, évêque de Toulon.
Un soutien autorisé à ce qu’a fait l’Eglise brésilienne est même venu de
France. L’évêque de Toulon, Dominique Rey, de retour du Brésil, a déclaré avoir
vu de ses yeux "les nombreux
témoignages de miséricorde vécue par les communautés chrétiennes qui ont
entouré et accompagné la fillette et sa mère".
Mais la réaction de Rome est
différente.
Mais le Saint-Siège a réagi autrement. En publiant l'article de Mgr
Fisichella dans "L'Osservatore
Romano", il a montré que l’objectif d’aplanir le différend avec
l’opinion laïque, le président Luiz Inácio Lula da Silva et son gouvernement
passait avant la défense de l’Eglise brésilienne et de sa campagne "pro
vie". L’accusation est grave !
Ce qui a eu pour résultat de transporter totalement le conflit à l’intérieur de
la hiérarchie et, qui plus est, en ouvrant une controverse sur le jugement à
porter sur l’avortement dans des cas semblables. On a pu s’en apercevoir même à
l’intérieur de la « mouvance de
L'article de Mgr Fisichella, en effet, continuait ainsi:
"Du fait de son très jeune âge et de
son état de santé précaire, la vie [de la fillette] était sérieusement mise en
danger par la grossesse en cours. Que faire en pareil cas? Décision difficile
pour le médecin et pour la loi morale elle-même. Des choix comme celui-là se
présentent chaque jour [...] et la conscience du médecin se retrouve seule avec
elle-même face à l’obligation de décider ce qu’il y a de mieux à faire".
En fin d’article, Mgr Fisichella applaudissait ceux qui "ont permis à la fillette de vivre".
Il est vrai que, dans un autre passage, le président de l’Académie Pontificale
pour la vie rappelait que "l'avortement
provoqué a toujours été condamné par la loi morale comme un acte
intrinsèquement mauvais et cet enseignement reste inchangé de nos jours".
Mais les doutes exprimés précédemment restaient et donnaient sa tonalité à tout
l’article. Des doutes visiblement en opposition avec la solidité granitique de
ce passage du paragraphe 62 de l'encyclique "Evangelium vitae" de
Jean-Paul II:
"Aucune circonstance, aucune
finalité, aucune loi au monde ne pourra jamais rendre licite un acte qui est
intrinsèquement illicite, parce que contraire à
Voici l’article, paru dans "L'Osservatore Romano" du 15 mars 2009, qui a donné lieu à la
déclaration du diocèse d’Olinda et Recife. Il a été publié sous le titre :
Du côté de la fillette brésilienne et signé par Mgr
Rino Fisichella :
« Le débat sur certaines questions est souvent serré et
les points de vue différents ne permettent pas toujours de mesurer à quel point
l’enjeu est vraiment important. C'est alors qu'il faut s’en tenir à l'essentiel
et laisser de côté un moment ce qui ne concerne pas directement le problème.
Cette affaire, tout en étant dramatique, est simple. Il y a une fillette
innocente que nous devons regarder droit dans les yeux, sans détourner le
regard un seul instant, pour lui faire comprendre à quel point on l'aime. Nous
l'appellerons Carmen. Ces derniers mois, à Recife, au Brésil, elle a été violée
à plusieurs reprises, à l'âge de neuf ans, par son jeune beau-père, et s’est
retrouvée enceinte de jumeaux ; sa vie ne sera plus facile. La blessure
est profonde car cette violence totalement gratuite l'a détruite intérieurement
et lui laissera peu de possibilités, à l'avenir, de regarder les autres avec
amour.
Carmen représente une histoire de violence quotidienne; elle n'est apparue dans
les pages des journaux que parce que l'archevêque
de Recife s'est empressé d'annoncer l'excommunication des médecins qui ont aidé
à interrompre sa grossesse. Une histoire de violence qui, hélas, serait
passée inaperçue - tellement nous sommes habitués à supporter chaque jour des
faits d'une gravité sans égale - sans le
tapage et les réactions suscitées par l'intervention de l'évêque. La
violence sur une femme, déjà grave en soi, devient encore plus condamnable
lorsque celle qui la subit est une petite fille sans défense, avec la
circonstance aggravante de la pauvreté et de la misère sociale dans lesquelles
elle vit. Il n’y a pas de langage approprié pour condamner de tels faits :
ils inspirent souvent un mélange de colère et de rancœur, sentiments qui ne
s'apaisent que lorsque la justice est réellement rendue et quand on est sûr que
le criminel en question purgera sa peine.
Carmen devait avant tout être défendue,
embrassée, caressée avec douceur, pour qu’elle sente que nous étions tous avec
elle; tous, sans aucune distinction. Avant
de penser à l'excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder sa vie
innocente et de la ramener à un niveau d'humanité dont nous, hommes d'Eglise,
devrions être des annonciateurs experts et des maîtres. Il n'en a pas été ainsi et la crédibilité
de notre enseignement s'en ressent, hélas: beaucoup de gens le trouvent insensible,
incompréhensible et dépourvu de miséricorde. Il est vrai que Carmen portait
en elle d’autres vies, innocentes comme la sienne bien qu'elles aient été le
fruit de la violence, qui ont été détruites; mais cela ne suffit pas pour rendre un jugement qui pèse comme un
couperet.
Dans son cas, la vie et la mort se sont affrontées. Du fait de son très jeune
âge et de son état de santé précaire, sa vie était sérieusement mise en danger
par la grossesse en cours. Que faire
en pareil cas? Décision difficile pour le médecin et pour la loi morale
elle-même. Des choix comme celui-là, même si les cas sont différents, se
présentent chaque jour dans les salles de réanimation et la conscience du
médecin se retrouve seule avec elle-même face à l’obligation de décider ce
qu’il y a de mieux à faire. En tout cas, personne n'arrive à une décision de ce
genre avec désinvolture; le seul fait de le penser est injuste et blessant.
Le respect dû au professionnalisme du médecin est une règle qui doit
s’appliquer à tous et qui ne peut pas permettre de parvenir à un jugement
négatif sans avoir préalablement réfléchi au conflit qui s'est créé en lui. Le
médecin porte avec lui son histoire et son expérience. Devoir sauver une vie en
sachant que l’on en met une autre en grand danger n’est jamais un choix facile
à vivre. Bien sûr, certains s'habituent à ces situations au point de ne plus
éprouver la moindre émotion; mais alors le choix d'être médecin se réduit à
n'être qu'un métier vécu sans enthousiasme et subi passivement. Mais il serait non seulement incorrect mais
injuste de faire d'un seul cas une généralité.
L’histoire de Carmen a posé, une nouvelle fois, un problème moral des plus
délicats; le traiter de manière expéditive ne rendrait justice ni à sa personne
fragile ni à ceux qui sont impliqués à divers titres dans cette histoire. Comme
chaque problème particulier et concret, il mérite cependant qu’on l’analyse
dans sa spécificité, sans généralisations. La morale catholique a des principes
dont elle ne pourrait pas faire abstraction même si elle le voulait: la défense
de la vie humaine dès sa conception en est un. Elle se justifie par le
caractère sacré de la vie; en effet, dès le premier instant, chaque être humain
porte l'image du Créateur imprimée en lui; c'est pourquoi nous sommes
convaincus qu’on doit lui reconnaître la dignité et les droits de tout être
humain, le premier d'entre eux étant son intangibilité et son inviolabilité.
L'avortement provoqué a toujours été condamné par la loi morale comme un acte
intrinsèquement mauvais et cet enseignement reste inchangé de nos jours, depuis
l'aube de l'Eglise. Dans "Gaudium et spes" - document qui manifeste
beaucoup d’ouverture et de perspicacité envers le monde contemporain - le
concile Vatican II utilise de manière inattendue des mots très clairs et très
durs contre l'avortement direct. La collaboration formelle elle-même constitue
une faute grave qui, lorsqu'elle est commise, conduit directement hors de la
communauté chrétienne. Techniquement, le code de droit canonique utilise l'expression
"latae sententiae" pour
indiquer que l'excommunication a lieu au moment même où le fait se produit.
A notre avis, il n'était pas nécessaire
d’annoncer aussi vite et avec autant de publicité un fait qui se produit de
manière automatique. Ce qui paraît
le plus nécessaire en ce moment, c’est un geste témoignant que l’on est proche
de ceux qui souffrent. Un acte de miséricorde qui, tout en maintenant
fermement le principe, soit capable de regarder au-delà de l’aspect juridique
pour parvenir à ce que le droit lui-même prévoit comme but de son existence: le
bien et le salut de ceux qui croient à l'amour du Père et de ceux qui
accueillent l'Evangile du Christ comme les enfants que Jésus appelait à ses
côtés et serrait dans ses bras en disant que le royaume des cieux appartient à
ceux qui sont comme eux.
Carmen, nous sommes de ton côté. Nous partageons avec toi la souffrance que tu
as éprouvée, nous voudrions tout faire pour te rendre la dignité dont tu as été
privée et l'amour dont tu auras encore plus besoin; ce sont d'autres personnes qui méritent l'excommunication et notre
pardon, non pas ceux qui t'ont permis de vivre et qui t'aideront à retrouver
l'espérance et la confiance, malgré la présence du mal et la méchanceté de
beaucoup de personnes. »
Réaction de l’archevêque
de Récife.
Le 16 mars, le diocèse d’Olinda et Recife a répliqué à l'article de Mgr Fisichella
paru dans "L'Osservatore Romano"
par des "Eclaircissements"
officiels, annoncés très visiblement sur la page de son site web.
Rome n’en a pas accusé réception. Pas même quand, le 21 mars, le directeur de
la salle de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, est revenu sur
l’affaire.
Le père Lombardi était ce jour-là à Luanda, à l’occasion du voyage de Benoît
XVI au Cameroun et en Angola.
La veille, parlant au corps diplomatique et se référant à l'article 14 du
Protocole de Maputo sur la "santé maternelle et reproductive", le
pape s’était exclamé sur un ton solennel:
"Combien est amère l’ironie de ceux
qui promeuvent l’avortement au rang des soins de la santé des mamans! Combien
est déconcertante la thèse de ceux qui prétendent que la suppression de la vie
serait une question de santé reproductive!".
Rencontrant les journalistes, le père Lombardi a exclu tout lien entre les
propos du pape et l’affaire de la fillette brésilienne. Et il a continué ainsi:
"A ce sujet, ce qui compte, ce sont
les propos de Mgr Rino Fisichella qui, dans 'L'Osservatore Romano' a déploré
l’excommunication annoncée trop rapidement par l'archevêque de Recife. Aucun
cas-limite ne doit masquer le vrai sens du discours du Saint-Père, qui se
référait à quelque chose de très différent. [...] Le pape n’a absolument pas
parlé de l’avortement thérapeutique et n’a pas dit qu’il doit toujours être
refusé".
Il est frappant que, près d’une semaine après la diffusion des "Eclaircissements" du diocèse
brésilien, le porte-parole officiel du Saint-Siège ait fait comme s’il les
ignorait totalement, que ce soit en ce qui concerne la reconstruction des faits
opposée ou les objections à caractère doctrinal et moral.
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Voici le texte intégral du document du diocèse brésilien intitulé
« Eclaircissements ». :
Eclaircissements du diocèse d’Olinda et Recife
« A propos de l’article intitulé "Dalla parte della bambina
brasiliana", publié dans "L’Osservatore
Romano" du 15 mars, les soussignés déclarent:
1. Les faits de viol n’ont pas eu lieu à Recife comme il est écrit dans
l’article, mais dans la ville d’Alagoinha, diocèse de Pesqueira. C’est
l'avortement qui a été pratiqué à Recife.
2. Tous – à commencer par le curé d’Alagoinha, soussigné – nous avons traité la
fillette enceinte et sa famille avec toute la charité et la tendresse
possibles. Dès qu’il a été au courant des événements survenus sur le territoire
de sa paroisse, le curé, par sollicitude pastorale, s’est rendu immédiatement
au domicile de la famille. Il y a rencontré la fillette et l’a assurée de son
soutien et de sa présence face à la situation grave et difficile où elle était.
Cette attitude s’est poursuivie chaque jour, d’Alagoinha jusqu’à Recife où a eu
lieu le triste événement de l’avortement des deux bébés innocents. Il est donc
évident et indubitable que personne n’a pensé en premier lieu à une
“excommunication”. Nous avons utilisé tous les moyens à notre disposition pour
éviter l’avortement afin de sauver les trois existences. Le curé de la paroisse
s’est personnellement associé à tous les efforts du Conseil des Enfants local
en vue du bien-être de la fillette et de ses deux enfants. À l’hôpital, lors de
ses visites quotidiennes, il a eu une attitude, faite d’attention et de
sollicitude, qui a clairement manifesté à l’enfant et à sa mère qu’elles
n’étaient pas seules mais que l’Église, représentée par le curé de leur paroisse,
leur garantissait toute l’aide nécessaire et la certitude que tout serait fait
pour le bien-être de la fillette et pour sauver ses deux enfants.
3. Une fois la fillette transférée dans un hôpital de Recife, nous avons tenté
d’utiliser tous les moyens légaux pour éviter l’avortement. L’Église n’a à
aucun moment failli dans cet hôpital. Le curé de la paroisse de l’enfant lui a
rendu visite chaque jour à l’hôpital, venant d’une ville située à
4. Nous ne sommes pas d’accord avec l’affirmation que "la décision est difficile... pour la loi
morale elle-même".
5. L’affirmation que le fait n’a été rendu public dans les journaux que parce
que l’archevêque d’Olinda et Recife s’est empressé d’annoncer
l’excommunication, est fausse. Il suffit de constater que l’affaire a été
rendue publique à Alagoinha le mercredi 25 février, que l’archevêque a fait sa
déclaration à la presse le 3 mars et que l’avortement a été pratiqué le 4 mars.
Il serait absurde d’imaginer que, devant un fait aussi grave, la presse
brésilienne aurait pu rester silencieuse pendant six jours. Donc, les
informations sur la fillette enceinte – "Carmen" – ont été rendues
publiques dans les journaux avant que l’avortement n’ait été pratiqué. Ce n’est
qu’ensuite que l’archevêque, interrogé par les journalistes le 3 mars, a évoqué
le canon 1398 [du code de droit canonique]. Nous sommes convaincus que la
révélation de cette peine thérapeutique, l’excommunication, fera du bien à
beaucoup de catholiques en les incitant à éviter ce péché grave. Le silence de
l’Église aurait été préjudiciable, surtout quand on pense que, chaque année, 50
millions d’avortements sont pratiqués dans le monde et que, rien qu’au Brésil,
un million de vies innocentes sont supprimées. Le silence peut être interprété
comme une connivence ou une complicité. Si un médecin éprouve une
"perplexité de conscience" avant de pratiquer un avortement (ce qui
nous semble très improbable), il devrait, s’il est catholique et entend suivre
la loi de Dieu, consulter un conseiller spirituel.
6. Autrement dit, cet article constitue
une attaque directe contre la défense de la vie de ces trois enfants assurée
avec ardeur par l’archevêque José Cardoso Sobrinho. Il montre combien son
auteur manquait des bases et des informations nécessaires pour s’exprimer sur
ce sujet, en raison de sa totale
ignorance des faits. L’hôpital où a été pratiqué l’avortement de cette
petite fille est, dans notre Etat, l’un de ceux où cette opération est
constamment pratiquée sous couvert de la "légalité". Les médecins qui
ont pratiqué l'avortement de ces jumeaux ont déclaré et continuent à déclarer
dans les médias qu’ils ont fait ce qu’ils ont l’habitude de faire "avec
une grande fierté". L’un d’entre eux a même déclaré: "Et alors, j’ai
déjà été excommunié de nombreuses fois".
7. L’auteur a cru pouvoir parler de ce
qu’il ne connaissait pas et, plus grave encore, il n’a pas même pris la peine
d’en parler préalablement avec son frère dans l’épiscopat. À cause de cette
attitude imprudente, il a provoqué un grand désarroi chez les fidèles
catholiques du Brésil. Plutôt que de solliciter son frère dans l’épiscopat, il a choisi de croire à notre presse,
souvent anticléricale.
Recife, le 16 mars 2009.
Edvaldo Bezerra da Silva
Vicaire général de l'archidiocèse d’Olinda et Recife
Cicero Ferreira de Paula
Chancelier de l'archidiocèse d’Olinda et Recife
Moisés Ferreira de Lima
Recteur du séminaire archidiocésain
Marcio Miranda
Avocat de l’archidiocèse d’Olinda et Recife
Edson Rodrigues
Curé de la paroisse d’Alagoinha, diocèse de Pesqueira
__________
Voici maintenant le communiqué de l’évêque de Fréjus-Toulon,
Dominique Rey. On le trouve dans son blogue, sous le titre : À propos de l’affaire de la petite
fille brésilienne
« De
retour du Brésil où j’accompagnais une délégation d’évêques et de prêtres, j’ai
été tenu directement au courant de l’affaire de la petite fille brésilienne de
9 ans qui a été violée, puis a subi un avortement. Elle attendait deux jumeaux.
La presse internationale s’est emparée de cette affaire dans un contexte
politique particulièrement polémique. En effet, actuellement, au Brésil sont
débattues des dispositions législatives tendant à élargir le droit à
l’avortement. Certains lobbies se sont saisis d’une tragédie particulière pour
justifier l’extension des conditions légales de l’interruption volontaire de
grossesse. La manière dont cette affaire a été souvent rapportée et traitée
travestit l’objectivité des faits, et instrumentalise un drame particulier.
L’impératif de
Mais
Dans cette très-douloureuse affaire de cette petite fille brésilienne nous
avons pu recevoir de multiples témoignages de cette Miséricorde vécue par les
communautés chrétiennes qui l’ont entourée et accompagnée face à la pression de
certains lobbies qui s’exerçait sur elle et sur sa mère. Le Père Rodrigues,
curé de leur paroisse, s’est dépensé sans compter pour cette famille en
mobilisant toutes ses ressources pour la soutenir dans l’épreuve. Il dénonce
« la manipulation de conscience et le manque de respect pour la vie
humaine » dont toute la famille a été l’objet (cf. le texte ci-dessous).
Cette tragédie nous place sur la ligne de crête de
Après les premières déclarations de l’archevêque de Recife, la conférence des
évêques du Brésil a précisé que la petite fille et sa mère n’ont fait l’objet
d’aucune excommunication. Au-delà des réactions médiatiques qui surfent sur
l’émotionnel, le drame qu’ont vécu cette petite fille et toute sa famille
invite la communauté internationale qui s’est saisie de cette affaire, mais
aussi chacun d’entre nous, à gravir ensemble les deux versants de
« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent »,
chante le psalmiste. Aimer c’est rappeler la vérité de ce qu’est la vie, et
œuvrer de toutes ses forces pour la rendre possible.
Toulon, le 15 mars 2009
+ Dominique Rey
Evêque de Fréjus-Toulon
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10 mars 2009
Notre ville a été secouée par une nouvelle tragique :
une enfant de neuf ans victime des abus sexuels de son beau père était enceinte
de jumeaux. Sa sœur aînée, âgée de 13 ans, avait subi les mêmes sévices. Cette
horrible histoire durait depuis près de trois ans.
Quand le conseil de Alagoinha a découvert les faits, il a
tenté de tout mettre en œuvre pour aider les enfants et les parents. Le 27
février, la justice a confié les enfants à l’institut médical légal de Caruaru,
dans l’Etat de Pernambuco. D’autres examens complémentaires ont été réalisés
(avec des sexologues, des psychologues) ensuite à l’institut médical de
l’enfance de Recife. C’est à cet endroit que la victime a rencontré une
assistante sociale du nom de Karolina Rodrigues et son assistante Marie-José
Gomes. Cette dernière a refusé l’hypothèse de l’avortement au nom de sa
conscience chrétienne. Karolina Rodrigues a décidé de porter ce cas devant le
conseil de Alagoinha. Les cinq conseillers de la ville ont refusé pour les
mêmes motifs. Ils ont transmis leur avis à l’institut médical de Caruaru. Une
copie a été donnée à Karolina Rodrigues en ma présence et celle du père de la
victime, monsieur Erivaldo.
Le 28 février, je suis invité à participer au conseil de
l’institut médical de l’enfance de Recife en compagnie de Marie-José Gomes et
de deux membres de notre paroisse. Nous en profitons pour aller visiter la
victime et sa mère. Elles se trouvent au quatrième étage de l’établissement,
dans un appartement isolé. L’accès est très strict. Je suis obligé de rester
dans le couloir mais j’arrive à parler avec la mère de la petite. Elle m’avoue
‘avoir signé des papiers’. Je m’inquiète car cette femme est analphabète. Comme
elle est incapable d’apposer sa signature, on a pris ses empreintes digitales.
Je lui demande ce qu’elle pense à propos de l’avortement. Elle montre des
sentiments très maternels et surtout une préoccupation extrême pour sa fille.
Elle répond : ‘je ne veux pas que ma fille avorte… » La maman me
parle de son état de santé : ‘ça va bien, elle joue avec des poupées qu’on
vient de lui donner.’ Nous repartons avec la ferme conviction que la mère est
totalement défavorable à l’avortement de ses petits fils. ‘Personne n’a le
droit de tuer personne’ ajoute-t-elle. ‘Seul Dieu peut disposer de la vie…’
Le 2 mars, nous retournons à l’institut de Recife. Nous
sommes autorisés à monter au 4e étage pour visiter la victime. Mais, arrivés au
premier étage, un fonctionnaire de l’institut nous interdit de monter plus
haut. Il nous demande de voir l’assistante sociale dans un autre bâtiment. Nous
tombons nez à nez avec Karolina Rodrigues. Je suis en compagnie de Marie José
Gomes et de monsieur Erivaldo qui s’oppose à ‘l’avortement de ses petits fils’.
Quand l’assistante découvre mon identité, elle dit devant tout le monde :
‘il s’agit d’une affaire médicale même si le prêtre qui est là estime qu’il
s’agit d’une question de morale.’ Nous interrogeons Karolina Rodrigues sur
l’état de santé de l’enfant. Elle affirme que tout est déjà résolu avec l’accord
de la maman. La procédure médicale va suivre son cours. Elle insiste sur son
état critique sans fournir aucun élément de la part d’un médecin. Elle se
retranche aussi derrière la loi : ‘dans ce cas, le mieux est de sauver la
vie de l’enfant’. Nous répondons : ‘il n’y a pas une seule vie à sauver
mais trois !’ Elle ne veut rien entendre. Karolina Rodrigues demande à
Monsieur Erivaldo de lui parler seul à seul. Pendant près de 25 minutes. En
sortant, ce dernier me révèle qu’il vient de changer d’avis à propos de l’avortement :
‘l’assistante m’a prévenu que ma fille était menacée de mort... Si elle est en
danger, il faut la sauver… Quitte à lui retirer les fœtus’ a-t-il murmuré.
Tout paraissait alors terminé. C’est alors que l’archevêque
de Recife, dom José Cardoso, et l’évêque de Pesqueira, dom Franceso Biasin, se
sont impliqués dans la procédure. Mgr Cardoso a convoqué un groupe de médecins,
d’avocats, de psychologues, de juristes pour étudier la légalité de cette
affaire. Lors de cette réunion, le 3 mars, à la résidence de l’archevêque, il y
avait le directeur de l’institut médical de l’enfance de Recife, Antonio
Figueiras. Il a reconnu en public les pressions exercées par Katerina
Rodrigues. Il a contacté l’hôpital pour suspendre l’avortement.
Un peu plus tard, l’archevêque de Recife reçoit un appel de
monsieur Figueiras l’informant qu’un groupe féministe – Curumin – aurait
convaincu la maman d’accepter un transfert de sa fille vers un autre hôpital.
Nous retournons sur place avec Maria Gomes. On l’a fait attendre en prétextant
la rotation des équipes (l’enfant était déjà transférée). Personne n’ose lui
dire quelque chose. Comment une personne en péril de mort peut-elle obtenir un
bon de sortie ? Comment l’état de la victime a-t-il pu changer si
rapidement ? Qu’est-ce que le Curumin a pu dire à la mère ?
Le 4 mars, nous apprenons que l’enfant est internée à
l’hôpital de CISAM (centre intégral de santé Amaury de Medeiros spécialisé dans
les grossesses à risques). Cela se trouve au nord de Recife. Notre espoir de
voir deux enfants vivants disparaît brutalement. Tout cela à cause d’une
manipulation de conscience et d’un manque de respect pour la vie humaine. J’ai
raconté tout cela pour que les gens sachent la vérité. »
Silence de Rome
"L'Osservatore
Romano" n’a rien publié de cette réponse de l'archevêché brésilien, ni
d’autres réactions du même type.
Plusieurs semaines plus tard, dans une interview accordée à Jeanne Smits du
journal "Présent", l'archevêque d’Olinda et Recife, José Cardoso
Sobrinho, a redemandé en vain à faire jouer son droit de réponse:
"J’estime que L'Osservatore Romano a
le devoir de publier ma réponse. C’est ce que nous cherchons à obtenir depuis
le début. Nous avons envoyé à Rome la réponse de l'archevêché à l'article de
Mgr Fisichella. Pouvoir répondre si quelqu’un publie des informations fausses
est un droit naturel: les lecteurs de L'Osservatore devraient avoir la
possibilité de connaître aussi l'autre point de vue".
Dans la même interview, Mgr Cardoso rappelle qu’il a reçu des manifestations de
solidarité d’un grand nombre d’évêques du Brésil et du monde entier. Il
répète que la fillette n’était pas du tout en danger de mort et qu’en tout cas
la doctrine de l’Eglise n’a jamais admis l’avortement, même dans des cas
semblables. Il souligne que les médecins qui ont fait avorter la fillette
ne s’étaient pas du tout montrés tourmentés par des scrupules: c’étaient des
partisans militants de l’avortement et, par la suite, ils se sont déclarés
"fiers" de ce qu’ils avaient fait.
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Voici l’interview de l’archevêque de Récife dans
Présent, traduit par Jeanne Smits.
L’affaire
de la petite fille brésilienne
Avortement, excommunication, bien commun de l’Eglise
Le 28 mai 2009 Mgr Cardoso Sobrinho répond aux questions de “Présent”
Propos recueillis par Jeanne Smits
— Après l’affaire de la petite fille violée d’Alagoinha, et le désaveu
par L’Osservatore Romano de vos déclarations sur l’excommunication automatique
de ceux qui ont décidé ou pratiqué son avortement, une tendance se dessine dans
les médias pour dire que la doctrine de l’Eglise a changé sur la question de
savoir si l’avortement en cas de danger de mort ou d’autres circonstances
particulières est un mal, est un péché. D’un autre côté, les mensonges médiatiques
qui ont entouré cette affaire ont été particulièrement nombreux et graves, même
si beaucoup de personnes vous ont exprimé leur admiration. Voudriez-vous nous
expliquer ce qui s’est réellement passé ?
— Je tiens avant tout à remercier, et dire ma profonde
gratitude, à ceux qui m’ont soutenu. J’ai reçu des messages, des centaines de
messages de solidarité, du monde entier : de prêtres, d’évêques, de laïcs, qui
approuvent mon choix d’avoir parlé clair sur la loi actuelle de l’Eglise. J’ai
reçu un prix de Human Life International, et tout récemment encore un autre
prix de l’association Pro Vida de São Paolo. Grâce à Dieu, donc, beaucoup de
personnes approuvent ma démarche.
Cependant il y a quelques personnes, en France, au
Canada, y compris des évêques, qui ont écrit des articles pour dire leur
désaccord. Dans un esprit de dialogue, je voudrais d’abord dire qu’il n’est pas
vrai de dire que nous – c’est-à-dire moi-même, mais aussi le curé de la petite
fille – n’avons pas fait preuve d’une particulière attention à son égard. Nous
avons donné toute notre attention et tous nos soins à la fillette enceinte. Ce
qui a été malheureusement publié n’est tout simplement pas vrai : nous avons
fait tout ce qui dépendait de nous pour l’aider.
Certains, lorsqu’ils parlent de la publicité donnée
à cette affaire, affirment qu’il n’était pas « opportun » de parler
d’excommunication. Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. On me dit
presque qu’il aurait fallu oublier ce que dit le Droit canon à propos de
l’excommunication. Mon opinion est différente. Je dis que cette loi existe pour
le bien de l’Eglise. Et ce n’est pas moi qui ai excommunié quiconque, comme je
l’ai répété maintes fois. Ceux qui m’accusent affirment que c’est moi qui ai «
excommunié », et c’est totalement faux : j’ai simplement attiré l’attention sur
une loi qui existe dans l’Eglise, le canon 1398. Et je me demande : convient-il
de faire silence, comme beaucoup le prétendent ? Aurait-il mieux valu que je ne
parle pas du tout d’excommunication ? Eh bien, je réponds que je ne suis pas
d’accord. C’est une loi de l’Eglise, pour le bien de l’Eglise. Elle existe
depuis plusieurs siècles. Le nouveau Code de droit canonique, promulgué en 1983
par le serviteur de Dieu Jean-Paul II, réitère cette loi, tout comme le Catéchisme
de l’Eglise catholique, publié par le même pape en 1992, répète cette loi et la
commente. Vaudrait-il donc mieux se taire ? Eh bien, à mon avis, il est de la
plus haute importance d’attirer l’attention de tous et surtout des fidèles
catholiques sur la gravité du crime de l’avortement. C’est pour cela que la loi
existe. Nous autres, dans notre diocèse, avons reçu tant de messages de tant de
personnes qui me disent : « Aujourd’hui, je comprends mieux la gravité de
l’avortement, et je vais changer ma conscience. » A mon avis, le fait d’attirer
l’attention sur l’existence de cette excommunication produit un bien spirituel
chez les fidèles catholiques, mais aussi chez les autres qui réalisent en
apparence tranquillement des avortements et qui vont désormais, je le crois,
peser dans leur conscience la gravité de ce qu’ils font. Et telle est la
finalité de cette loi de l’Eglise, de cette pénalité d’excommunication : elle
est médicinale. C’est un remède en vue de la conversion de tous. Et pour
la personne qui l’encourt, un moyen de lui faire comprendre qu’elle va devoir
répondre de son acte devant Dieu. Avec l’Eglise, nous désirons que tous, même
ceux qui suivent aujourd’hui un chemin d’erreur, se remettent à vivre en accord
avec la loi de Dieu. Nous ne voulons la condamnation éternelle de personne. A
mon avis, le silence – ne pas parler d’excommunication – causerait un grave
tort à l’Eglise.
Plus encore, j’ai l’impression que certains parmi
ceux qui s’expriment contre moi sont quasiment en train d’insinuer qu’il
vaudrait mieux abroger le canon de l’excommunication. Mais l’Eglise ne pense
pas cela. L’Eglise maintient cette loi, parce que pour le bien commun de
l’Eglise, il est nécessaire, quand il s’agit de délits gravissimes, qu’il y ait
une loi claire, et que cette pénalité soit appliquée. Ce sont des principes
d’une très grande importance. Pour moi, le silence équivaudrait à de la
complicité. Nous savons – les journaux du monde entier l’affirment – qu’il se
pratique chaque année dans le monde quelque 50 millions d’avortements. Ici au
Brésil, on parle d’environ un million d’avortements tous les ans. J’ai dans ma
conscience la conviction qu’il faut parler, réveiller la conscience de tous,
parce que le silence peut être interprété comme une approbation.
— Dans une conversation avec le professeur Joseph Seifert, qui s’est
exprimé dans les médias pour prendre votre défense, celui-ci a décrit
l’excommunication comme une « charité » à l’égard de celui qu’elle vise, pour
lui faire prendre conscience du tort qu’il subit dans sa vie spirituelle.
Emploieriez-vous cette expression ?
— C’est un remède spirituel. L’Eglise est investie
d’une mission, qui est de mener tous les hommes au salut éternel, et de les
faire vivre dans la grâce de Dieu. De fait, il est des personnes qui font «
tranquillement » des avortements, et qui disent tout aussi tranquillement
qu’elles vont continuer. Nous autres, en tant que catholiques, et surtout les
pasteurs de l’Eglise, ne pouvons rester silencieux, comme si tout cela était
très bien. C’est pourquoi je répète que ne pas parler, ne pas attirer
l’attention sur la gravité, sur le sérieux de ce problème, et surtout sur le
fait que l’Eglise, pour le bien commun, applique cette pénalité, serait de la
complicité. Cela reviendrait quasiment à accepter cette situation si grave.
Ici au Brésil, on est en train de préparer une loi
de légalisation de l’avortement. Nous, les catholiques, devons parler en
premier lieu de la responsabilité morale. Il y a évidemment des catholiques
dans notre Parlement qui défendent la loi de Dieu, mais il y en a d’autres qui
soutiennent ce projet, à commencer par le président de la République. Nous ne
pouvons pas rester silencieux !
— Lorsque vous avez parlé d’excommunication automatique de la mère de la
fillette et des médecins participant à l’avortement, l’avez-vous fait avant ou
après le moment où celui-ci fut accompli ?
— J’en ai parlé avant et après, comme cela a été
clairement exprimé dans la note publiée par l’archidiocèse de Recife en réponse
à l’article de Mgr Fisichella : dès le 3 mars, veille du jour où l’avortement
fut accompli, j’évoquai devant des journalistes la « peine médicinale » du
canon 1398. Malheureusement, l’article de Mgr Fisichella affirme que la
première fois où je m’exprimai devant la presse sur cette affaire, je n’ai
parlé que d’excommunication. Cela est totalement faux. J’ai parlé plusieurs
fois parce que cette affaire d’une fillette de neuf ans enceinte avait attiré
l’attention de toute la presse. Et surtout, nous avons fait tout ce qui dépendait
de nous pour sauver trois vies : pas seulement celle de la petite fille, mais
les trois vies. Lorsque pour finir l’avortement a eu lieu, j’ai rappelé
simplement une nouvelle fois quelle est la loi de l’Eglise. Toute personne qui
– en pleine conscience évidemment – commet des avortements est excommuniée :
voilà le sens de ma déclaration.
— Est-il vrai que la petite fille était rachitique, ou dénutrie ?
— Pas du tout ! Cette petite fille enceinte, même
lorsqu’elle fut hospitalisée, vivait avec d’autres enfants et jouait avec eux ;
elle vivait une vie normale d’enfant.
— Savait-elle qu’elle attendait deux enfants ?
— Oui, évidemment ! Non seulement elle le savait,
mais elle disait qu’un de ses enfants serait pour un membre de sa famille, et
l’autre pour elle pour qu’ils puissent jouer ensemble. On a su par la suite
qu’il s’agissait de deux petites filles…
— On dit que le père légitime de la petite fille, qui était opposé à
l’avortement, est un chrétien évangélique. Est-ce vrai ?
— Oui, c’est vrai, il n’est pas catholique. Cela
dit, il était totalement avec nous. Je l’ai reçu ici dans ma maison toute une
journée ; il n’acceptait pas l’avortement.
— Il y a eu beaucoup d’émotion…
— Oui. Il est venu de sa petite ville d’Alagoinha
qui est à
— Y a-t-il eu des manifestations contre l’avortement à proximité de la
clinique où se trouvait initialement la fillette ?
— Non, dans les rues pas du tout. En revanche, dans
les journaux et à la télévision il y eut beaucoup de pressions pour
l’avortement, et des associations « féministes », comme vous le savez, sont
intervenues pour promouvoir l’avortement de la fillette.
— La fillette a-t-elle été à aucun moment en danger de mort ?
— Non, jamais. Les médecins me l’ont affirmé
explicitement.
— Mais si elle avait été en danger de mort, l’avortement n’aurait pas
été justifié pour autant…
— Cette éventualité a été clairement envisagée par
les médecins. Ils espéraient qu’à six mois de grossesse, il serait possible de
pratiquer une césarienne. Mais comme ce groupe de « féministes » voulait
l’avortement, ils sont venus à l’IMIP (Institut maternel et infantile de
Pernambuco) où la fillette était hospitalisée pour l’emmener vers l’autre «
centre de santé » et l’avortement a été pratiqué dans les heures suivant son
arrivée. Ils l’ont embarquée le soir et dès le lendemain, l’intervention s’est
achevée vers 10 heures du matin. C’est une clinique dont on sait très bien par
ici qu’elle pratique habituellement des avortements.
Il m’importe beaucoup de rappeler que les médecins
qui ont réalisé l’avortement ont déclaré qu’ils pratiquent des avortements
depuis longtemps, et avec « fierté ». Et ils affirment qu’ils continueront.
Nous ne pouvons rester silencieux face à cela. Et nous pouvons encore moins
affirmer qu’il y avait un « doute », comme l’a malheureusement écrit Mgr
Fisichella. Il affirmait que nul ne sait si au moment d’agir le médecin n’avait
pas eu des doutes sur ce qu’il devait faire ou ne pas faire : nous savons au
contraire que ces médecins ont déclaré publiquement qu’ils vivent en pratiquant
des avortements et qu’ils n’ont aucun « doute » à ce sujet. Ils veulent
continuer à le faire.
Il y a évidemment ici d’autres médecins catholiques
qui affirment à l’inverse qu’ils ne pratiquent pas l’avortement parce qu’ils
croient en Dieu et respectent sa loi.
— Monseigneur, auriez-vous réagi autrement si la petite fille avait
véritablement été en péril de mort ?
— Non, pas du tout. Nous savons que même en cas de
danger de mort, l’avortement n’est jamais licite. C’est la loi de Dieu telle
que l’Eglise la proclame. Même en cas de danger de mort, il fallait attendre
l’évolution naturelle des choses, et tenter de sauver les trois vies. C’est un
principe fondamental de la loi de Dieu et aussi de la loi naturelle : la fin ne
justifie pas les moyens. Je peux avoir un objectif excellent : sauver la vie de
la petite fille enceinte ; mais le moyen pour parvenir à cette fin ne peut en
aucun cas être la suppression de deux vies innocentes. C’est un principe
naturel que la logique humaine peut comprendre. Pour évoquer un exemple que je
donne ici au Brésil pour me faire comprendre : si je veux trouver de la
nourriture pour la donner aux pauvres, et nous en avons tant ici, je n’ai pas
le droit pour cela de braquer une banque, de prendre l’argent des autres pour
faire une œuvre bonne.
Et comme l’a dit mon équipe d’assesseurs – le
vicaire général, mon avocat catholique et les autres signataires de la note que
j’évoquais plus haut – il ne nous appartient pas de changer la loi de Dieu,
même si l’opinion publique suit un autre chemin. Notre mission, si importante,
est de la proclamer pour tous, même dans les cas comme celui-ci où cela n’est
pas facile.
Il faut bien le comprendre : dès les tout premiers
siècles, il y a eu des lois d’excommunication dans l’Eglise. Elles visent à
protéger le bien commun de la société ecclésiale : c’est pour cela qu’il faut
un droit canonique, l’aspect juridique de l’Eglise en tant que société humaine
est indispensable. Nous ne pouvons espérer simplement que chacun suive sa
conscience. L’Eglise doit évidemment d’abord prendre soin de la vie spirituelle
de chacun, mais le bien commun, au sens technique, est très important aussi :
il s’agit d’un environnement adéquat où chacun puisse vivre tranquillement. Les
pénalités prévues par le Code de droit canonique ont aussi cette finalité.
— Avez-vous eu connaissance de ce qui se dit à propos de Mgr Fisichella
: qu’il a écrit cette note « trompé et forcé » ?
— Cette information m’est arrivée indirectement.
Certaines personnes au Brésil, y compris des évêques, ont appelé Mgr
Fisichella, et elles me disent qu’il leur a répondu cela : qu’il aurait suivi
les indications de supérieurs hiérarchiques.
— Le fait est qu’aujourd’hui la presse internationale en arrive à dire
que l’Eglise est d’accord avec les avortements thérapeutiques. Cela me paraît
très grave : comment peut-on lutter contre cette impression ?
— C’est notre mission que de proclamer toujours la
loi de Dieu. Vous savez qu’en Afrique Benoît XVI a parlé clairement sur des
questions morales et que la presse, notamment en France, ne l’a pas accepté.
C’est pourtant la mission de l’Eglise : nous ne pouvons pas nous taire pour des
raisons de convenance sociale. Dans la liberté démocratique, qui est une bonne
chose, il y a abus à vouloir légitimer, même dans le cadre de la loi, des
usages ou des actes qui vont contre la loi de Dieu. Notre mission, celle de
l’Eglise, est de proclamer la loi de Dieu et l’Evangile de Jésus-Christ, même
si ce n’est pas facile.
— Et vos relations avec les autres évêques du Brésil ?
— Elles sont très bonnes. Il y a deux semaines nous
étions réunis en Assemblée nationale des évêques à São Paolo : tous les évêques
avec qui j’ai parlé m’approuvent ; aucun n’est contre moi. En revanche, j’ai lu
ce qu’ont écrit certains évêques français. Il me semble qu’ils ne connaissaient
pas toutes les circonstances. Ils ont lu l’article de Mgr Fisichella et ils ont
pensé que c’était la vérité.
— Ils sont peut-être aujourd’hui en mesure de constater qu’ils ont réagi
sur des informations fausses… Mais comment réparer ?
— Il me semblerait important que L’Osservatore
Romano publie mes réponses. C’est ce que nous essayons d’obtenir, et c’est ce
que nous avons fait depuis le début. Nous avons envoyé à Rome la réponse de
l’archidiocèse à l’article de Mgr Fisichella. C’est un droit naturel que de
répondre si quelqu’un publie des choses fausses, pour on ne sait quels motifs :
il faut que les lecteurs du journal romain puissent connaître aussi l’autre
point de vue.
J’ai quant à moi la conscience tranquille. Je
n’attendais pas et je ne souhaitais pas ces répercussions qui ont atteint des
dimensions internationales. Je répète que le bien commun de l’Eglise a besoin
de ces lois latae sententiae, qui servent d’alerte permanente et qu’elle
n’abrogera jamais. Elle a toujours condamné l’avortement et elle a toujours
expliqué pourquoi : parce qu’il ne fait pas seulement du tort à la personne
mais aussi à toute la société. Aujourd’hui, je le répète, nous en sommes à 1
million d’avortements tous les ans au Brésil, 50 millions dans le monde, et
notre silence serait connivence.
Je tiens à vous remercier de m’avoir permis
d’exposer ces choses qui me paraissent importantes pour le bien spirituel des
âmes. Et je vous prie de dire aux lecteurs de Présent que je les bénis très
volontiers.
Propos recueillis par Jeanne Smits
LES PROTESTATIONS ABONDENT, MAIS LE VATICAN FAIT BARRAGE
Il en est résulté une vive controverse publique. De
nombreuses protestations et demandes confidentielles ont été adressées aux
autorités vaticanes.
Parmi celles-ci, la démarche de 27 des 46 membres de l’Académie pontificale
pour la vie.
Le 4 avril, ils ont écrit à Mgr Fisichella, leur
président, une lettre collective le priant de corriger les prises de position
"erronées" qu’il avait exprimées dans l’article publié dans l’O.R..
Le 21 avril, Mgr Fisichella leur a répondu par écrit, en rejetant leur
demande.
Le 1er mai, 21 des signataires de la lettre précédente se sont alors
adressés au cardinal William Levada, préfet de
La lettre, remise le 4 mai, n’a pas reçu de réponse. Ses auteurs ont su par
un responsable de
Deux membres de l’Académie pontificale pour la vie ont alors adressé
directement au pape un dossier sur l’affaire.
Ainsi beaucoup de protestations et de demandes de
corrections sont arrivées au Vatican en plus de celle de l'archevêque d’Olinda
et Recife. Il faut citer, encore, l’intervention du professeur Joseph Seifert,
fondateur et recteur de l'Académie internationale de philosophie du
Liechtenstein, membre de l’Académie pontificale pour la vie, celle-là même dont
Mgr Fisichella est le président:
"J’estime qu’il est de mon devoir
d’exprimer l'ardent espoir que les plus hautes autorités de l’Eglise en matière
de magistère définissent prochainement et clairement l'authentique enseignement
de l’Eglise sur le mal intrinsèque qu’est tout avortement et qu’elles corrigent
publiquement et sans ambiguïté les prises de position citées".
D’autres ont cité un passage sans équivoque du célèbre discours adressé par Pie
XII aux sages-femmes en 1951: "sauver
la vie de la mère est une très noble fin, mais le meurtre direct de l’enfant,
pris comme moyen d’atteindre une telle fin, n’est pas permis".
Mais aucune de ces « protestations »
ne sont parues dans "L'Osservatore
Romano". Le journal du Saint-Siège n’est revenu sur le sujet
qu’une seule fois, le 4 avril, rapidement, dans le compte-rendu d’une rencontre
organisée à Rome par l'union catholique de la presse italienne, sur le thème:
"La conscience en première page".
Mgr Fisichella et une journaliste laïque connue, Lucia Annunziata, ancienne
présidente de la télévision d’Etat italienne participaient à cette
rencontre. A un moment donné – selon le chroniqueur du journal du Vatican –
Lucia Annunziata a reconnu à l’Eglise "une transparence encore jamais
vue", prouvée, selon elle, de la façon suivante:
"Je me réfère à la lettre du pape aux évêques du monde entier (ndlr :
celle qui concerne la levée des excommunications des quatre évêques de
Après quoi, au Vatican, le silence est retombé sur « l’affaire ». A
Rome, le seul à s’être exprimé en faveur de l'archevêque d’Olinda et Recife -
mais avant la publication de l’article contesté – est celle du cardinal
Giovanni Battista Re, préfet de
Même
LE PROFESSEUR SCHOOYANS INTERVIENT
Mais maintenant il y a une prise de position
publique contre l'article de Mgr Fisichella qu’il sera difficile d’éluder. Elle
émane de Mgr Michel Schooyans, belge, professeur émérite de l'Université
Catholique de Louvain, spécialiste réputé en anthropologie, philosophie
politique, et bioéthique. Il est membre de trois académies pontificales: celle
des sciences sociales, celle de saint Thomas d'Aquin et – justement – celle
pour la vie. Son dernier ouvrage publié en Italie, en 2008, aux éditions
Cantagalli, sous le titre "La
prophétie de Paul VI" est une vigoureuse défense de l’encyclique
"Humanæ Vitæ". Le 1er mai,
Schooyans a prononcé le discours d’introduction à l’assemblée plénière de
l’Académie pontificale des sciences sociales. Le pape, qui le connaît et
l’estime, avait préfacé en 1997, en tant que cardinal préfet de
Schooyans, en profond désaccord avec l’article de Mgr Fisichella dans "L'Osservatore Romano" et convaincu
que l’affaire en question ne doit pas être passée sous silence, a rédigé un
réquisitoire sévère, qui se termine sur la demande d’une "déclaration
forte" du pape en personne. Et il a décidé de le faire circuler.
On en trouvera ci-dessous de larges extraits.
"Si le pape se tait, il
se passera ce qui s’est produit pour 'Humanae vitae'..."
par Michel Schooyans
L’exposé de Mgr Rino Fisichella dans "L’Osservatore
Romano" du 15 mars 2009 mérite différents commentaires car il comporte
plusieurs erreurs. Nous allons en examiner quelques-unes.
- Mgr Fisichella part de l'assertion,
répétée par les journalistes, selon laquelle "Carmen" allait mourir
si on ne la faisait pas avorter des jumeaux qu'elle portait. L'avortement des
jumeaux est une conséquence de la décision d'intervenir pour sauver la vie de
la fillette. La fin justifie les moyens. [...] Dans cette logique, qui rappelle
celle que l’on trouve dans des documents de l’IPPF, le double avortement n'est
pas voulu pour lui-même, mais pour sauver la mère. Par conséquent - raisonne
Mgr Fisichella - ni la mère, Carmen, ni les auteurs de l'avortement ne tombent
sous le coup de l'excommunication. L'archevêque d'Olinda et Recife,
insiste-t-on, n'avait pas à faire des déclarations bruyantes; il devait plutôt
aller consoler la fillette.
Malheureusement pour lui et pour ses lecteurs, on peut se demander si Mgr
Fisichella a pris la peine de s'informer convenablement. [...] Il a pris pour
argent comptant l'assertion, non prouvée, selon laquelle, sans avortement, la
fillette allait mourir. Tout le raisonnement de Mgr Fisichella est basé sur
cette pétition de principe. On suppose acquis ce qu'il y aurait lieu de
prouver, à savoir que l'avortement était le seul moyen de sauver la mère,
réputée être en danger de mort. Pour faire bonne mesure, on ajoute que Dom
Cardoso a manqué de tendresse et qu’il a excommunié. Au fait, Mgr Fisichella
a-t-il seulement téléphoné à l’archevêque d’Olinda et Recife ?
- "Sa vie, écrit Mgr Fisichella, était sérieusement en danger". A
l'évidence, Mgr Fisichella ne s'est pas enquis du dossier médical de la
fillette. D'après le Dr Sérgio Cabral, médecin directeur de l'Instituto Materno
Perinatal de Pernambuco, [État du Brésil dont la capitale est Recife], la vie
de Carmen n’était pas en danger. On ne pouvait invoquer un quelconque état de
nécessité. On pouvait raisonnablement espérer sauver la mère et les deux
enfants. Cette déclaration a été confirmée par d'autres médecins brésiliens qui
connaissent le dossier, parmi lesquels le Dr Bernardo Graz, médecin et prêtre,
et le Dr Elisabeth Kipman, médecin gynécologue.
- "Carmen portait en elle d’autres vies, innocentes comme la sienne",
écrit encore Mgr Fisichella, qui ajoute: "Dans son cas, la vie et la mort
se sont affrontées". Affirmations théâtrales mais inexactes. Carmen
portait deux vies innocentes et ces deux vies - eût-il fallu écrire noir sur
blanc - ont été supprimées. La mort a été donnée volontairement et
inéluctablement, sans justification aucune, à deux petits êtres totalement
innocents. En raison de la détermination à avorter, à aucun moment, la vie n'a
eu la moindre chance de l'emporter. D'ailleurs, les exécutants de l'avortement
se seraient même vantés, non sans un certain cynisme, d'être habitués à faire
des avortements et d'être fiers de les faire. L'un d'eux, le Dr Rivaldo Mendes
de Albuquerque, aurait même déclaré ironiquement qu'il aurait déjà été
excommunié à plusieurs reprises.
Précisons ici que, contrairement à ce qu'insinue l'article de Mgr Fisichella, il
n'a jamais été question d'excommunication pour la fillette.
- Une nouvelle erreur vient d'être manifestée: il n'y avait danger de mort ni
pour Carmen ni pour les jumeaux. Mgr Fisichella insiste pourtant: "Un
choix comme celui de devoir sauver une vie, sachant qu'il [le médecin] met
sérieusement en danger une deuxième vie, n'est jamais vécu avec facilité".
Appliquée à notre cas, cette considération est aberrante puisqu'il n'y avait
aucune vie en danger, ni celle de la mère, ni celle des deux enfants qu'elle
portait. Le danger vient des médecins qui choisissent le double avortement,
ainsi que des idéologues du free choice
qui incitent les praticiens à commettre un double attentat à la vie humaine et
confèrent à ses auteurs une pseudo-licéité morale.
Ce qui vient d'être expliqué anéantit la pertinence de l'amalgame entre le cas
de Carmen et celui des patients en réanimation. Il résulte de cet amalgame que,
non content d’apporter sa caution à l'avortement, Mgr Fisichella l’apporte aussi à l'euthanasie si
des médecins choisissent d’y procéder. A l'évidence, Mgr Fisichella désire
flatter les médecins, dont il déclare respecter le professionnalisme. Il leur
reconnaît "la liberté de choix", sans rappeler ni se rappeler que,
dans leurs décisions, les médecins sont aussi tenus de respecter des règles
morales. Mgr Fisichella sème par là le trouble dans la conscience de tous les
médecins du monde au sujet du respect de la vie, en son début et à son terme,
c'est-à-dire au sujet de l'avortement et de l'euthanasie.
- Mgr Fisichella nous réserve encore une surprise lorsqu'il s'aventure dans des
considérations relatives à la morale fondamentale. Voici ce qu'il écrit:
"Faire d’un cas une généralité serait non seulement incorrect, mais
injuste. […] Chaque cas particulier et concret mérite d’être analysé sans
généralisation". Comme au point précédent, Mgr Fisichella révèle ici son adhésion à la morale
de situation, à la morale de l'option fondamentale, à la morale
proportionnaliste, toutes pourtant clairement critiquées par Jean-Paul II dans
l’encyclique "Veritatis splendor"
(1993 ; voir par exemple n° 65-83; 95-102).
- Mgr Fisichella enchaîne: "La morale catholique a des principes qu’elle
ne peut pas ignorer même si elle le voulait. La défense de la vie humaine dès
sa conception appartient à l’un d’eux." Deux motifs d'étonnement: Mgr Fisichella
affirme ici l’existence de principes moraux alors que, comme signalé ci-dessus,
il laisse les médecins choisir librement et qu'il vient de dire qu’il fallait
analyser les cas dans leur particularité ! En outre, Mgr Fisichella oublie que
la défense de la vie humaine est d'abord un principe de morale naturelle. Les
chrétiens n’ont pas le monopole du respect de la vie humaine. La condamnation
de l’avortement remonte bien au-delà de ce que Mgr Fisichella appelle
"l’aube de l’Église".
- Il n’est pas exact que Vatican II et plus précisément "Gaudium et spes" (nº 27 et 51)
utilisent "de manière inattendue des
paroles sans équivoque et très dures contre l’avortement direct". Ces
paroles ne sont ni inattendues, ni très dures ; elles ne font que réaffirmer la
tradition morale, naturelle et chrétienne, qui veut protéger les individus
humains les plus fragiles et dissuader les autres d’attenter à leur vie. Ce qui
est curieux, c'est que Fisichella rappelle lui-même la doctrine de l’Église sur
l’avortement provoqué ! Il ne semble pas percevoir que la doctrine qu’il cite
le met en contradiction avec ses positions, telles qu’il les expose dans
l’article que nous commentons. En d’autres termes, pour lui, il faut conserver
les principes pour autant que soit respectée avant tout la liberté de choix
face aux situations concrètes. Voilà comment on ruine la morale, tant naturelle
que chrétienne…
DES DIVISIONS DANS L'EGLISE
- Selon Mgr Fisichella, l'attitude de l'archevêque Cardoso fait du tort à la
crédibilité de l'Église. Mais l'Église et ses pasteurs ne méritent d'être
crédibles que s’ils proclament la vérité. L'Évangile ne recommande pas de
plaire aux hommes mais nous appelle à être fidèles au message que nous avons
pour mission d'annoncer. En ce qui concerne l'avortement, la doctrine de
l'Église est exposée en toute clarté dans des documents majeurs tels que "Gaudium et spes" (1965), n° 51 § 3
; cf. n° 27 § 3 ; Code de Droit Canonique (1983), n° 1398 ; 1314; 1323 s. ;
"Donum vitae" (1987), n° 3
; "Evangelium vitae"
(1995), n° 62 ; Catéchisme de l'Église catholique (1997), n° 2271, 2322.
L'article de Mgr Fisichella a été publié le 17 mars dans l'édition française de
"L’Osservatore Romano". Il
est étonnant qu'il ne fasse pas écho aux déclarations de Son Éminence le
cardinal Re, préfet de
- "L’Osservatore Romano"
est l’organe officieux du Vatican. Il publie des textes pontificaux et des
articles à la demande de certains dicastères. Il publie également des textes
proposés par des auteurs censés connaître et respecter la doctrine de l’Église.
Cette publication prestigieuse est particulièrement nécessaire à une époque où
les médias se prononcent avec aplomb sur n’importe quel sujet. [...] Dans le
cas que nous examinons, les responsables de "L’Osservatore Romano" ont laissé passer un texte émaillé
d’inexactitudes graves, d’omissions, partial dans tous les sens du mot. [...] L’organe
du Vatican coopère ainsi sérieusement à la confusion des esprits dans la mesure
où il ne respecte pas son mandat de porte-parole fidèle et fournit à ses
lecteurs des produits doctrinalement frelatés.
- De graves motifs de préoccupation apparaissent dans les milieux proches de
l’Académie pontificale pour la vie et du Conseil pontifical pour la famille:
a. Incompréhension et tristesse d’un nombre considérable de chrétiens engagés
depuis des années dans de multiples programmes pro-vie encouragés par l’Église.
Sentiment souvent fondé d’avoir été "lâchés" par leur pasteur.
b. Perplexité et honte de beaucoup de membres de l’Académie pontificale pour la
vie, qui se demandent comment un tel faux pas a pu se produire et quelle
suite lui sera réservée.
c. Discrédit frappant le président de l’Académie pontificale pour la vie qui a
sapé sa propre autorité morale, théologique et scientifique. Perte de confiance
dans le président et désenchantement. Beaucoup de membres de l’Académie
pontificale pour la vie craignent que les déclarations de Mgr Fisichella ne les
compromettent auprès de leurs bases. Celles-ci reverront à la baisse les aides
de toute sorte destinées aux activités de l’Académie pontificale pour la vie.
d. Crainte d'une désactivation de l’Académie pontificale pour la vie: les
membres seront moins motivés et se diviseront entre eux. Il est déjà question
de ne convoquer les membres de l’Académie que tous les deux ans. Mais d’où
vient cette décision, si elle se confirme ? Prélude-t-elle, comme certains le
chuchotent, à un enterrement de l’Académie pontificale pour la vie alors que
les attaques contre la vie ne cessent de se multiplier? [...]
IMPACT SUR LA VIE POLITIQUE
- Selon les mouvements pro-choice et
autres mouvements semblables, on est, à Recife, en présence du cas typique de
la femme dont on assure qu'il faut l'avorter pour lui sauver la vie. [...] "L'avortement - assure-t-on - permet de
sauver des vies humaines. Il diminue la mortalité maternelle". [...]
Mgr Fisichella apporte de l'eau au moulin de tous les pro-choice du Brésil, du monde et de l’Église. Il affaiblit les
mouvements pro-vie qui sont en train
de se battre, au Brésil et ailleurs, contre les projets de légalisation de
l'avortement. [...]
- En raison de son influence sur les milieux politiques et de l'audience que
lui accordent les médias, il convient de relever les réactions du mouvement
Catholics for Free Choice aux propos de Mgr Fisichella. Voici ce qu'écrivait,
le 23 mars, Frances Kissling, leur présidente d’honneur, à propos de l’affaire
de Recife:
"Par un stupéfiant changement de
cap dans la stratégie du Vatican, qui consiste à ne pas s'écarter de la position
selon laquelle l'avortement ne devrait jamais être permis, même pour sauver la
vie d'une femme, le plus haut responsable du Vatican en matière de bioéthique,
l'archevêque Rino Fisichella [...] a déverrouillé une porte par laquelle
peuvent se glisser des femmes, des médecins, des décideurs politiques. Je suis
reconnaissante pour les petits cadeaux".
- Mgr Fisichella a donné un fameux coup de main à ceux qui, au Brésil, en
Amérique Latine, en Afrique et ailleurs, veulent libéraliser l'avortement comme
moyen de contrôle de la population. [...] Il affaiblit l'Église du Brésil
au moment où, dans
- L’article de Mgr Fisichella tombe à un moment où le président Obama multiplie
les initiatives visant à intensifier, en Amérique Latine et ailleurs, les
campagnes financées par le gouvernement des Etats-Unis, en faveur de la santé
reproductive et la maternité sans risques. Son action en ce sens est relayée et
élargie par les interventions d’Hillary Clinton et par celles d’organisations
comme l'International Planned Parenthood Federation, des agences de l’ONU, l’Union
Européenne.
Cette campagne basée aux USA est encore intensifiée par l’action de Tony
Blair [...] et de son épouse Cherie Blair, qui ne lésine pas sur ses
déclarations féministes radicales. Comme tant d’autres, ce couple
n’hésite pas à se proclamer catholique mais ne se prive pas de se démarquer
publiquement de l’enseignement de l’Église concernant la vie et la famille. Les
Blair sont catholiques "free choice".
Sous l’influence de ces deux nations leaders et de l’ONU où leur poids est
prépondérant, il faut s’attendre à ce que l’Amérique Latine soit bientôt
pressée d’adopter de "nouveaux droits" de l’homme, parmi lesquels le
"droit" à l’avortement. A terme, les personnels médicaux seront
privés de leur droit à l’objection de conscience. Le président Lula a déjà
manifesté clairement sa sympathie spontanée pour une telle réforme. Par
ailleurs, il faut s’attendre à ce que les réseaux éducatifs latino-américains
servent prochainement de canaux à l’expansion de l’éducation sexuelle des
jeunes. Depuis des années, une campagne est déjà entreprise dans ce but.
A un moment où les présidents Obama et Lula intensifient leurs projets de
collaboration en matière de contrôle de la population, les propos de Mgr Fisichella
ne peuvent que desservir la cause des populations et des nations
latino-américaines. »
Mais après la publication de ces prises de positions
favorables à l’archevêque de Récife, la controverse entre Mgr Fisichella et
l'archevêché d’Olinda et Recife s’est enrichie d’un nouveau chapitre.
MAINTENANT IL Y A AUSSI
Au cours de la première moitié de juin, l'archevêché
brésilien a fait parvenir aux plus hautes autorités vaticanes – et en copie à
une centaine de dirigeants de la curie – un mémorandum officiel en italien, signé
à chacune de ses six pages par Márcio Miranda, l'avocat de l’archevêché.
Le mémorandum décrit avec précision ce que l’Eglise locale a fait et continue à
faire pour aider la fillette et pour protéger sa vie, comme elle avait protégé
jusqu’au dernier moment la vie des deux enfants dont elle était enceinte.
La conclusion du document est la suivante:
"Compte tenu des faits décrits dans
ce document, il convient que tous ceux qui ont critiqué l'archevêque
réfléchissent et reconnaissent que leurs jugements hâtifs étaient sans
fondement et qu’ils doivent réparer le mal commis, en rendant justice à
l'archevêque Cardoso Sobrinho".
Par ce mémorandum, l'archevêché d’Olinda et Recife demande aux autorités
vaticanes une "solution amiable"
de la controverse, faute de quoi il porterait une plainte canonique contre
l'archevêque Mgr Fisichella.
DES QUESTIONS QUI APPELLENT DES RÉPONSES CLAIRES
A l’issue de l’analyse de ce dossier, différentes
questions se posent. En voici quelques-unes.
- Selon l’usage dans les dicastères, les documents "délicats" doivent
être soumis à
- Le texte de Mgr Fisichella a-t-il été publié avec l’appui d’autres autorités
vaticanes ? Lesquelles ? Qui a commandité, organisé et couvert ce montage ?
Dans une lettre datée du 14 mai (PAV, Prot. N. 4235/09), Mgr Fisichella écrit
"L’article a été écrit sur demande".
A la demande de qui ? Certains vont jusqu’à insinuer qu’une demande aurait été
faite à Mgr Fisichella [...] au niveau de
- Qu’est-ce qui est envisagé pour procéder aux indispensables rectifications
doctrinales, pastorales et canoniques qu’appelle le texte de Mgr Fisichella ?
Il est temps que
CONCLUSIONS
- Tout le monde est d’accord pour dire et répéter
que ce qu’a vécu la fillette est particulièrement horrible: viols répétés
suivis d’une grossesse gémellaire. On insiste moins sur le fait qu’un réseau
efficace s’était constitué pour venir en aide à la fillette et à son entourage.
L’action de ces "bons samaritains" n’est pas évoquée dans l’article.
Ils ont pourtant fait œuvre de tendresse et de compassion pour la jeune maman.
Avec d’autres péripéties du même genre, l’épisode de Recife a mis en lumière de
profondes dysfonctions dans le système romain d’information et de
communication. [...]
- L’article de Mgr Fisichella reflète des thèses qui l’apparentent aux
catholiques pro-choice. Il compromet
l’effort gigantesque qui a été réalisé sous l’impulsion des papes du siècle
dernier en faveur de la vie et de la famille. Dans le texte que nous avons
analysé, on ne trouve pas le moindre écho des travaux patronnés par le cardinal
López Trujillo au Conseil pontifical pour la famille, comme par exemple le
célèbre Lexicon. On ne trouve pas
davantage la moindre référence à la prestigieuse école de bioéthique
personnaliste fondée par Mgr Sgreccia et qui a largement modelé l’Académie
pontificale pour la vie.
- Il serait désastreux que l’on étouffe cette affaire ou qu’on la fasse traîner
car le trouble est grand parmi les fidèles et les mouvements
"laïques" sont évidemment prêts à exploiter la moindre nouvelle
faille dans l’unité de l’Église. Un silence anormal donnerait à entendre que le
Saint-Siège confirme le désaveu de l’archevêque Cardoso prononcé implicitement
par Mgr Fisichella.
- Il est indispensable de mesurer les réactions qui ont déjà surgi dans la
presse internationale et dans les mouvements pro-vie, ainsi que dans le clergé et parmi les laïcs, face à ce que
beaucoup qualifient, non sans raison, de scandale. Sur trois points essentiels,
il y a eu dérapage grave: dérapage en morale du respect de la vie ; dérapage en
morale fondamentale, morale de situation ; dérapage en ecclésiologie, car la
doctrine la plus solidement établie ne saurait être balayée d’un trait de plume
ou abolie par un coup de force. En outre, au niveau disciplinaire, il n'est pas
sûr que Mgr Fisichella ait un mandat particulier pour désavouer un Ordinaire,
archevêque comme lui. Des mesures doivent donc être prises d’urgence pour que
la situation soit débloquée. L’Académie pontificale pour la vie a besoin d’un
pilote. Il faut rétablir la vérité et restaurer, avec la confiance, l’unité
gravement ébranlée.
- Alors qu’il a critiqué récemment la politique du président Obama en matière d’avortement,
Mgr Fisichella a méconnu l’impact politique de son propre article, à un moment
où le Brésil, l’Amérique latine et l'Afrique font l’objet d’un siège en règle
par les propagandistes de la culture de la mort.
- Le dissentiment est exposé au grand jour. Forts du précédent venu d’un chef
de dicastère de la curie romaine, d'autres évêques et théologiens ne manqueront
pas de prendre à leur tour quelques libertés avec la doctrine et de revendiquer
le droit au dissentiment, voire à la transgression. En outre, ce que Mgr Fisichella
a dit au sujet de l’avortement pourrait être transposé à propos de la
contraception, du "mariage" entre personnes de même sexe, etc.
- L’affaire de Recife met en lumière que l’unité de l’Église ne peut être
ramenée à une question de convenances politiques. [...] A la vérité, fondement
de l’unité, on préfère de plus en plus l’unité de façade, pour plaire au monde.
On s’accommode d’une vérité dans l’ambiguïté. Mais cette ambiguïté débouche
inévitablement sur un relativisme doctrinal généralisé. Faut-il alimenter
cette dérive ?
- En résumé, face aux turbulences provoquées par l'article de Mgr Fisichella,
il n'y a, semble-t-il, qu'une seule solution vraie: une déclaration forte du
Saint-Père. L'article de Mgr Fisichella a créé un doute général à propos
de la "licéité" de l'avortement. Il n'est cependant pas sûr qu’à Rome
la gravité de la situation créée soit perçue à sa juste mesure. Or le doute est
répercuté dans l'Église universelle, renforcé par deux facteurs: la fonction
confiée à l'auteur de l'article et le caractère officieux du journal qui le
publie. Si le Pape ne dit rien, le doute persistera et on aura une répétition
de ce qui se passe jusqu'aujourd'hui pour "Humanae vitae" (1968).
Enfin
l’article de « l’Osservatore Romano »
Le 8 juin, Benoît XVI a discuté de l’affaire avec le cardinal Bertone
et a ordonné que soit publiée une déclaration qui confirme comme inchangée la
doctrine de l’Eglise en matière d’avortement.
Ces précisions ont été publiées dans
"L'Osservatore Romano" du 11 juillet 2009. Elles viennent de
la « Congrégation pour la doctrine de la foi ».
Voici l’article, intégralement.
Son titre: « Sur l’avortement
provoqué »
Eclaircissement de
»Le Saint-Siège a récemment reçu plusieurs lettres, dont certaines
provenaient de hautes personnalités de la vie politique et ecclésiale,
l’informant de la confusion créée dans différents pays, surtout en Amérique
Latine, par la manipulation et l’instrumentalisation d’un article de Son
Excellence Mgr Rino Fisichella, président de l’Académie pontificale pour la
vie, à propos de la triste affaire de la "fillette brésilienne".
Cet article, paru dans "L'Osservatore Romano" du 15 mars 2009,
présentait la doctrine de l’Eglise, tout en tenant compte de la situation
dramatique de la fillette, qui - comme on pouvait le constater ensuite - avait
été accompagnée avec toute la délicatesse pastorale possible, en particulier
par celui qui était alors archevêque d’Olinda et Recife, Son Excellence Mgr
José Cardoso Sobrinho.
A ce sujet,
Cette doctrine a été exposée aux numéros 2270-2273 du Catéchisme de l’Eglise
Catholique en ces termes :
"La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue
depuis le moment de la conception. Dès le premier moment de son existence,
l’être humain doit se voir reconnaître les droits de la personne, parmi
lesquels le droit inviolable de tout être innocent à la vie" (cf. CDF,
instr. "Donum Vitae" 1, 1). "Avant d’être façonné dans le ventre maternel, je
te connaissais. Avant ta sortie du sein, je t’ai consacré" (Jr 1, 5 ;
cf. Jb 10, 8-12 ; Ps 22, 10-11). "Mes os n’étaient point cachés devant
toi quand je fus fait dans le secret, brodé dans les profondeurs de la terre"
(Ps 139, 15).
«Depuis le premier siècle, l’Église a affirmé la malice morale de tout
avortement provoqué. Cet enseignement n’a pas changé. Il demeure invariable.
L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est
gravement contraire à la loi morale : "Tu ne tueras pas l’embryon par
l’avortement et tu ne feras pas périr le nouveau-né" (Didaché 2, 2 ;
cf. Barnabé, ép. 19, 5 ; Epître à Diognète 5, 5 ; Tertullien, apol. 9). "Dieu,
maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de la vie et l’homme
doit s’en acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc être
sauvegardée avec soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide
sont des crimes abominables" (GS 51, § 3).
«La coopération formelle à un avortement constitue une faute grave. L’Église
sanctionne d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie
humaine. "Qui procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt
l’excommunication latæ sententiæ" (CIC, can. 1398) "par le fait même
de la commission du délit" (CIC, can. 1314) et aux conditions prévues par
le Droit (cf. CIC, can. 1323-1324). L’Église n’entend pas ainsi restreindre le
champ de la miséricorde. Elle manifeste la gravité du crime commis, le dommage
irréparable causé à l’innocent mis à mort, à ses parents et à toute la société.
« Le droit inaliénable à la vie de tout individu humain innocent constitue
un élément constitutif de la société civile et de sa législation : "Les
droits inaliénables de la personne devront être reconnus et respectés par la
société civile et l’autorité politique. Les droits de l’homme ne dépendent ni
des individus, ni des parents, et ne représentent pas même une concession de la
société et de l’Etat ; ils appartiennent à la nature humaine et sont inhérents
à la personne en raison de l’acte créateur dont elle tire son origine. Parmi
ces droits fondamentaux, il faut nommer le droit à la vie et à l’intégrité
physique de tout être humain depuis la conception jusqu’à la mort" (CDF,
instr. "Donum Vitae" 3). "Dans le moment où une loi positive prive une
catégorie d’êtres humains de la protection que la législation civile doit leur
accorder, l’Etat en vient à nier l’égalité de tous devant la loi. Quand l’Etat
ne met pas sa force au service des droits de tous les citoyens, et en
particulier des plus faibles, les fondements même d’un état de droit se
trouvent menacés... Comme conséquence du respect et de la protection qui
doivent être assurés à l’enfant dès le moment de sa conception, la loi devra
prévoir des sanctions pénales appropriées pour toute violation délibérée de ses
droits" (CDF, instr. "Donum Vitae" 3)».
Dans l'encyclique "Evangelium
Vitae" le pape Jean-Paul II a réaffirmé cette
doctrine avec son autorité de Pasteur Suprême de l’Eglise :
« Avec l'autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses successeurs, en
communion avec les Evêques - qui ont condamné l'avortement à différentes
reprises et qui, en réponse à la consultation précédemment mentionnée, même
dispersés dans le monde, ont exprimé unanimement leur accord avec cette
doctrine - je déclare que l'avortement direct, c'est-à-dire voulu comme fin ou
comme moyen, constitue toujours un désordre moral grave, en tant que meurtre
délibéré d'un être humain innocent. Cette doctrine est fondée sur la loi
naturelle et sur
En ce qui concerne l'avortement provoqué dans certaines situations difficiles
et complexes, l'enseignement clair et précis du pape Jean-Paul II est valable :
«I l est vrai que, de nombreuses fois, le choix de l'avortement revêt pour
la mère un caractère dramatique et douloureux, lorsque la décision de se
défaire du fruit de la conception n'est pas prise pour des raisons purement
égoïstes et de facilité, mais parce que l'on voudrait sauvegarder des biens
importants, comme la santé ou un niveau de vie décent pour les autres membres
de la famille. Parfois, on craint pour l'enfant à naître des conditions de vie
qui font penser qu'il serait mieux pour lui de ne pas naître. Cependant, ces
raisons et d'autres semblables, pour graves et dramatiques qu'elles soient, ne
peuvent jamais justifier la suppression délibérée d'un être humain innocent »
(Encyclique "Evangelium
Vitae", n° 58).
Quant au problème de traitements médicaux déterminés visant à préserver la
santé de la mère, il faut bien distinguer deux cas d’espèce différents : d’une
part une intervention qui provoque directement la mort du fœtus, parfois
appelée, de manière inappropriée, avortement "thérapeutique", qui ne
peut jamais être licite dans la mesure où elle est le meurtre direct d’un être
humain innocent ; d’autre part une intervention non abortive en soi, qui peut
avoir comme conséquence collatérale la mort de l’enfant :
« Si, par exemple, pour sauver la vie de la future mère, indépendamment de
son état de grossesse, il faut accomplir d’urgence un acte chirurgical, ou une
autre application thérapeutique, ayant comme conséquence accessoire, en aucune
façon voulue ou attendue mais inévitable, la mort du fœtus, un tel acte ne peut
plus être qualifié d’attentat direct contre la vie innocente. Dans ces
conditions, l'opération peut être considérée comme licite, comme d’autres
interventions médicales similaires, à condition qu’il s’agisse toujours d’un
bien de grande valeur, comme la vie, et qu’il ne soit pas possible de la
reporter après la naissance de l’enfant ou de recourir à un autre traitement
efficace » (Pie XII, Discours au Front de la famille et à l'Association des
familles nombreuses, 27 novembre 1951).
Quant à la responsabilité du personnel médical, il faut rappeler ce qu’a dit le
pape Jean-Paul II :
« Leurs professions en font des gardiens et des serviteurs de la vie
humaine. Dans le contexte culturel et social actuel, où la science et l'art
médical risquent de faire oublier leur dimension éthique naturelle, ils peuvent
être parfois fortement tentés de se transformer en agents de manipulation de la
vie ou même en artisans de mort. Face à cette tentation, leur responsabilité
est aujourd'hui considérablement accrue ; elle puise son inspiration la plus
profonde et trouve son soutien le plus puissant justement dans la dimension
éthique des professions de santé, dimension qui leur est intrinsèque et qu'on
ne peut négliger, comme le reconnaissait déjà l'antique serment d'Hippocrate,
toujours actuel, qui demande à tout médecin de s'engager à respecter absolument
la vie humaine et son caractère sacré » (Encyclique "Evangelium
Vitae", n° 89). »
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Rome, par cet article de l’O.R. approuve la décision que l’archevêque
de Récife avait du prendre dans cette très pénible affaire de cet enfant
de 9 ans enceinte de deux jumeaux des
œuvres de son beau-père.
L’affaire est conclue. La vérité a triomphé.
Deo Gratias !
(articles publiés sur
le site « Chiesa »)