ITEM
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Un regard sur l’actualité
politique et religieuse
Au 18 avril 2006
N°87
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Les conditions
de la
pleine communion
avec
l’épiscopat français
On sait que nos évêques se
sont réunis à Lourdes, en assemblée plénière de « printemps », dans
les premiers jours d’avril. Ils se sont
penchés paternellement sur le difficile problème, pour eux, de « l’accueil des groupes
« traditionalistes » au sein de leurs diocèses. Le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et
Président de la conférence épiscopale de France, en a présenté les positions, dans un texte appelé « Conclusions »
Dans le « Regard sur le monde » du 11 avril, j’ai essayé d’analyser, aussi
fidèlement que possible, l’ensemble du
document épiscopal.
Je vous en ai montré les bons côtés, la « nouveauté ».
Là, ils expriment leur désir
« sincère » d’organiser, enfin, l’accueil des traditionalistes dans
les diocèses. Ils disent vouloir leur faire bonne place dans la structure
diocésaine en respectant enfin la légitimité de la liturgie romaine, latine et
grégorienne de la messe selon le rite dit de saint Pie V. et de faire bon
accueil aussi de leur mode « évangélique ». C’est ce qu’ils appellent
« l’accueil de la diversité ».Ceci a fait « rager » de
colère les journalistes de « Gollias ». Je ne sais si c’est une
« sainte « colère. Peu importe ! On connaît leur goût de
l’hérésie. Leur « réaction » a circulé sur tous les sites. Il faut en
prendre acte. Il donne aussi une interprétation du texte. On ne peut l’ignorer.
Dans la « Paroisse saint Michel » de la même semaine,
j’ai poursuivi mes réflexions et essayer de voir les
« intention » de l’épiscopat, vis-à-vis de Rome. S’étant montré
depuis des décades très hostiles à un telle mouvement et l’ayant combattu vraiment…
mais constatant les volontés nouvelles de Rome de régler enfin le problème de
la « communion », et ne voulant pas se voir imposer une solution
romaine, les voilà tous monter au créneau déclarant vouloir enfin régler le
problème…le problème d’une « communion » à la française…Ce qui
retarde jusqu’en novembre tout règlement de l’affaire…A moins que Rome…Mais je
ne pense pas…J’aimerais vraiment être déjugé…
Je voudrais poursuivre cette
étude sur le problème de cette « communion avec
l’épiscopat français »….
Les conditions d’une communion.
Ils en donnent les
conditions. Elles valent certainement pour tout le mouvement
traditionaliste : et pour les communautés « Ecclesia Dei » et pour
Ils les précisent à la fin du
document. Voici le passage :
« Cette communion doit être recherchée dans la
charité et la vérité. La charité implique qu’on cherche à se connaître, à se
comprendre, à faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns
des autres. Elle
implique également l’abandon de toute polémique systématique et de toute
volonté de confrontation sur le terrain »
Ce sont les conditions « psychologiques »
et « pastorales ». Se mieux connaître, se mieux comprendre, faire disparaître les images fausses que l’on
peut entretenir de part et d’autres…Voici les conditions que j’appelle plus
psychologiques.
Il faut cesser « toute
polémique systématique » et toute « volonté de confrontation sur le
terrain »…Je pense que nos évêques font allusion aux combats passés, ceux
de M l’abbé Coache, souvent « musclés », ceux du Chamblac, de Lisieux…Ceux de
« Paix liturgique 92 » dans le diocèse de Nanterre…
Tout cela me paraît très
légitime et normal.
« La vérité implique, poursuivent nos évêques, qu’on soit au clair sur nos points de
dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur
celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile
Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La communion
peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou
d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique
de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a
décrétée ».
Ce sont les conditions, que
j’appellerais plus « théologiques ».
Elles portent sur les problèmes de
vérité, sur « nos points de dissensions »…Ils les énumèrent. Ils portent sur Concile, son interprétation, sur le problème
de la réforme liturgique… son acceptation, et ultimement sur le problème du
magistère.
Voilà les « points de
dissensions ». Ils doivent être pris en compte dans la réalisation de
cette « communion ». Et là, les évêques font savoir clairement
jusqu’où ils pourront aller, ce qu’ils ne pourront pas accepter…ce qui serait
même, pour eux, inacceptable. N’oublions
pas que pour les évêques de France « tout n’est pas négociable ». Ils
l’ont dit déjà du temps du cardinal Eyt, cardinal de Bordeaux…qui s’était
exprimé juste au moment de la reprise du dialogue avec
Ce qui ne serait certainement
pas acceptable ce serait : le
« refus systématique du Concile, une
critique de son enseignement ». Ce serait le « dénigrement
de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ». Toute
communion ne peut se faire sur le dos de la « réforme conciliaire »
ni sur le dos de « la réforme
liturgique ».
Ils le disent
expressément
Retenons cette phrase :
« La communion peut s’accompagner de questions, de
demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique
du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme
liturgique que le Concile a décrétée ».
Ils donnent les conditions sine qua non pour l’instauration de toute
communion. Elles sont à accepter…Point c’est tout ! « On ne
saurait tolérer un refus systématique… »
C’est cela que je voudrais aujourd’hui analyser. Et même
me concentrer essentiellement sur « le problème de la réforme
liturgique ». C’est ce que je vous disais à la fin de mon précédent
« Regard »
Oui regardons de près la
chose « liturgique ».
Pour avoir la moindre chance d’une
vraie « communion », il ne faudrait pas dénigrer la réforme
liturgique que le Concile a décrétée. Le « dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée » serait,
certainement, intolérable.
« Dénigrement ». C’est le terme épiscopal. Le dénigrement, c’est
l’action de « dénigrer ». « Dénigrer »
vient du verbe latin : « denigrare »
qui veut dire « noircir ». Alors on ne sera pas étonner de son sens
en français. « Dénigrer » se traduit par « diminuer ».
Diminuer l’estime que l’on accorde à une personne à une œuvre. On parlera en ce
sens de « discréditer »,
« décrier ». Il exprime la perte de crédit d’une chose. On parlera en
ce sens d’une chose dépréciée.
Voilà le sens que nous donne
le petit Robert de ce verbe « dénigrer ».
Ceci dit, voilà la question
que je pose à l’épiscopat français.
Considérez-vous que l’analyse
du «Bref examen critique » que les
cardinaux Ottaviani et Bacci ont présenté en 1969 au pape Paul VI relève du
dénigrement » ? Cette analyse est-elle : « un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a
décrétée » ? Si oui, ces deux cardinaux, s’ils vivaient encore, ne seraient pas admis dans votre future
« communion » ? Moi non
plus alors…parce que je partage toujours leur analyse…Je le suis pourtant…de
facto…puisque je suis incardiné au diocèse de Clermont…Où est alors le problème ?
Mais ce même « Bref
examen critique » vient d’être de nouveau très heureusement publié avec cette fois, une préface du
cardinal Stickler, toujours en vie. Serait-il lui aussi exclu de votre
« communion » ? Mais le cardinal pourtant se félicite de cette
analyse…du Bref examen critique. Il est en pleine communion avec Benoît XVI.
Alors !
Mais d’une façon plus précise
encore, la conférence qu’il prononça en
1997 en Autriche et qui a été connu en France , en 2000, grâce au C.I.E.L qui en a donnée la
traduction française serait-elle considérée, par vous, comme le « dénigrement de la réforme
liturgique que le concile a décrétée » ?
Si elle n’est pas à vos yeux
un « dénigrement » inacceptable de la réforme liturgique que le
Concile a décrété…alors j’ai toute mes chances d’être en votre communion…ce
dont je me réjouis très sincèrement…
Mais quelle est donc cette
conférence à laquelle je semble donner tant d’importance ?
Je crois qu’il faut de
nouveau en cette circonstance nouvelle de « communion », la redonner. J’en faisais une analyse dans
« Nouvelles de Chrétienté » de décembre 2001. C’était le numéro 70 du
bulletin du « prieuré » saint
Jean Eudes…à l’époque…
Voici cette présentation.
J’en retiens les éléments essentiels…
Le cardinal Stickler et la
réforme liturgique du Concile Vatican II
Le cardinal Stickler,
enfin, s’exprime sur la réforme liturgique issue du Concile Vatican II et
entre, à son tour, dans cette bataille gigantesque.
Son
témoignage est tardif, certes.
Il
a du poids cependant.
Pensez !
En
poste à Rome depuis 1937, le Cardinal est canoniste, canoniste reconnu. Il fut
professeur d’université puis recteur. Préfet de
On
ne peut avoir meilleur témoin de la pensée conciliaire surtout en matière
liturgique.
C’est
lui, le premier, qui révéla l’existence de cette fameuse commission de neuf
cardinaux nommés par le pape en 1986, pour savoir si la messe traditionnelle
avait été « abrogée par
Or
ce même cardinal donna une conférence que le C.I.E.L porta à la connaissance
des français dans une petite plaquette intitulé : « Souvenirs et
expériences d’un expert de
La
conférence est assez longue.
Elle
va de la page 31 à 66 du livret que n’en fait que 99. Elle fut donnée en 1997 à
l’ « Internationalen Théolojischen Sommerakademie des Linger
Priesterkreises ». Elle fut publiée, d’abord, en allemand par Franz Breid
– Die heilige liturgie – Ennsthaler.
Ah
quel brûlot ! Quel brûlot ! Mes amis ! Il faut faire connaître
cela, me disais-je.
A- Présentation du cardinal
par lui-même
Tout
d’abord, le Cardinal, se présente. Ce n’est pas le dernier personnage de
l’Eglise.. Lisez :
« J'ai été professeur de droit canonique et d'histoire
du droit ecclésiastique à l'université salésienne, fondée en 1940, puis pendant
8 ans, de 1958 à 1966, recteur de cette université. En cette qualité, j'ai
bientôt été nommé consulteur de
« Peu
avant le concile, le cardinal Laraona, dont j'avais été l'élève pendant mes
études de droit canon et de droit ecclésiastique au Latran et qui avait été
nommé président de
Ce
personnage est important !
Puis
il donne un témoignage personnel – fort intéressant – sur la réforme
liturgique : son jugement sur « l’édition définitive » du nouveau
missel romain :
« Mais
vous pourrez également comprendre ma stupéfaction lorsque, prenant connaissance
de l'édition définitive du nouveau Missel Romain, je fus bien obligé de
constater que, sur bien des points, son contenu ne correspondait pas aux textes
conciliaires qui m'étaient si familiers, que beaucoup de choses avait été
changées ou élargies, ou allaient même directement au rebours des instructions
données par le concile ».
Voilà
un témoignage incontournable ! Irrécusable ! Il doit être pris en compte
si l’on veut juger l’œuvre liturgique conciliaire…
Il
ne peut être oublié dans la « bataille de la messe ».
N’y tenant plus – il doit avoir du caractère –
il demande une audience au cardinal Gut, alors Préfet de
« Comme
j'avais précisément vécu tout le déroulement du concile, les discussions
souvent très vives et longues et toute l'évolution des modifications jusqu'aux
votes répétés qui eurent lieu jusqu'à leur adoption définitive, et que je
connaissais aussi très bien les textes contenant les prescriptions détaillées
pour la réalisation de la réforme souhaitée, vous pouvez vous imaginer mon
étonnement, mon malaise croissant et même ma fureur devant certaines
contradictions particulières, surtout considérant les conséquences
nécessairement graves que l'on pouvait en attendre. C'est ainsi que je décidai
d'aller voir le cardinal Gut qui, le 8 mai 1968, était devenu préfet de
Je
lui demandai une audience dans son logement au monastère bénédictin de
l'Aventin, audience qu'il m'accorda le 19 novembre 1969. Je ferai remarquer en
passant que, dans ses Mémoires parus en 1983, Mgr Bugnini fait erreur sur la
date de la mort de Mgr Gut, l'avançant d'un an : Mgr Gut est mort le 8 décembre
1970 et non 1969.
Mgr
Gut me reçut très aimablement, bien qu'il fût déjà visiblement malade et, comme
l'on dit, j'ai pu déverser tout ce que j'avais sur le cœur. Il me laissa parler
une demi‑heure sans m'interrompre, puis il me dit qu'il partageait
entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta‑t‑il, la faute n'en
incombait pas à
B- Jugement sur Mgr Bunigni.
Au
passage, il donne son jugement sur Mgr Bugnini. Il faut le dire, ce n’est pas
sans intérêt :
« À
ce sujet, une précision s'impose : le P. Bugnini avait été Secrétaire de
Ces
deux nominations ‑ celles du cardinal Lercaro et celle du P. Bugnini ‑
aux postes clefs du Consilium offrirent la possibilité de se faire entendre,
pour l'exécution de la réforme, à des gens qui jugeaient ne l'avoir pas
suffisamment été pendant le concile, et aussi d'en faire taire d'autres : en
effet, les travaux du Consilium se déroulaient dans des zones de travail non
accessibles aux non‑membres.
Et
pourtant : bien qu'ils se soient consacrés corps et âme aux travaux énormes et
délicats réalisés par le Consilium, notamment sur le cœur même de la réforme, à
savoir le nouvel Ordo Missae Romanum qui fut réalisé dans les délais les plus
brefs, seul l'avenir nous expliquera pourquoi les deux principaux acteurs sont
visiblement tombés en disgrâce : le cardinal dut renoncer à son siège
épiscopal, et le P. Bugnini, nommé archevêque dès 1968 et nouveau Secrétaire de
C- Le thème de sa
conférence.
Ce
préambule étant fait, le Cardinal donne le thème de sa conférence : il
veut juger « de la concordance ou de la contradiction entre les
dispositions conciliaires et la réforme effectivement appliquée » (p.
35).
Nous
sommes en plein dans le sujet…dans la préoccupation exprimé par nos évêques.
Ils disent bien : La « communion doit être recherché dans la charité
et la vérité… La vérité implique qu’on soit clair sur nos points de
dissension. Ceux-ci portent…sur les questions de liturgie… ». Oui c’est bien cela !
Jusqu’ici
– pour beaucoup – les critiques adressées à la réforme liturgique émanaient, la
plupart du temps, de nos milieux….
J’étais
content de trouver d’autres critiques… Enfin, une « critique » qui ne
venait pas de « chez nous ». Une critique du « sérail ».
D- Les rappels liturgiques
du Concile Vatican II.
1- L’article 2.
Tout
au début, le Cardinal rappelle quelques grands principes liturgiques
heureusement soulignés par
Il
nos rappelle l’article 2 qui affirme que dans la liturgie « tout ce qui
est humain doit être subordonné et soumis au divin, le visible à l’invisible,
l’action à la contemplation, le présent à la cité divine future que nous
recherchons ». C’est à la page 35 du livret.
Qui
ne serait d’accord avec ce principe…fut-il conciliaire !
Et
vous savez le jugement du Cardinal sur ce point. Tout simplement, les
réformateurs ont échoués en cette affaire.
Il
écrit vers la fin : « Ma conférence, mes souvenirs et expériences,
je pense, ont permis d’évaluer dans quelle mesure la réforme avait satisfait
aux exigences d’ordre théologique et ecclésiastique énoncées par le Concile, en
d’autres termes, de voir si, dans la liturgie – et surtout dans ce qui en
constitue le centre :
Paroles
du cardinal Stickler.
De
sorte que, lui aussi, avec le cardinal Ratzinger, forme des vœux pour lancer la
réforme de la réforme. La première aurait donc échoué ?
« C’est
précisément parce que l’on se rend toujours plus clairement compte de la
situation actuelle (NDLR - ie.de la déconfiture de la réforme liturgique et
son infidélité à la pensée conciliaire…mais à qui la faute…) que se renforce
l’espoir d’une éventuelle restauration que le cardinal Ratzinger voit dans un
nouveau mouvement liturgique qui éveillera à une vie nouvelle le véritable
héritage du Concile Vatican II ».
Et
de citer le livre du Cardinal Ma vie, op cit. p. 135.
2- D’autres articles
conciliaires en matière liturgique.
Le
Cardinal survole et résume quelques articles fondamentaux du Concile. Des
rappels tout à fait évidents et traditionnels.
L’article
21, l’article 23 qui affirme qu’il ne faut rien changer – en matière liturgique
– « avant que ne soit élaborée une soigneuse étude théologique,
historique, pastorale, en s’assurant d’un développement organique harmonieux ».
Qui
ne serait d’accord !
L’article
33 qui rappelle la finalité de la liturgie : « La liturgie est
principalement le culte de la majesté de Dieu » A la bonheur !
3- L’article 34, l’article 54
sur la langue latine.
Témoignage du cardinal sur le latin.
Là,
le Cardinal donne son témoignage. C’est fort instructif !
« Au
bout de quelques jours de débat au cours duquel tous les arguments pour et
contre furent vivement discutés, on en est arrivé à la conclusion bien claire –
tout à fait en accord ave le Concile de Trente – qu’il fallait conserver le
latin comme langue cultuelle du rite latin mais que des exceptions étaient
possibles et même souhaitables » (p. 38-39)
4- L’article 116 sur le chant
grégorien.
Sur
le chant grégorien, sur les orgues, le Cardinal rappelle l’article 116 de
5- L’article 108.
Il
rappelle l’article 108 qui souligne spécialement l’importance des fêtes du
Seigneur et surtout celles du propre du temps, lequel doit avoir la priorité
sur les fêtes des saints pour ne pas affaiblir la pleine efficacité de la
célébration des mystères du salut (p. 39).
Mais
c’était l’enseignement qu’à Ecône, Dom Guillou, professeur de liturgie,
dispensait aux séminaristes avec énergie et conviction. J’en fus marqué –
personnellement – pour toujours.
E- Les critiques du
cardinal.
Ces
principes liturgiques – et d’autres encore – rappelés, le Cardinal passe à la
critique de la réforme liturgique – l’œuvre conciliaire par excellence – c’est
la deuxième partie de la conférence.
1- L’axiome « Lex credendi Lex
orendi, ».
Sans
vouloir être exhaustif en cette affaire, le Cardinal aborde cette critique avec
énergie et fraîcheur. Sous sa plume, je retrouvais l’enseignement de mes
maîtres. J’étais heureux.
J’avais
appris chez Dom Guillou, chez Monsieur l’abbé Dulac que la liturgie devait
exprimer la foi catholique. Que de fois, en effet, avais-je entendu de la
bouche de Mgr Lefebvre, cet axiome : legem credendi, lex statuit
supplicandi ou plus simplement dit : lex orandi, lex credendi
Je
retrouvais dans ces pages que je lisais même doctrine, la doctrine de toujours.
Le
cardinal écrivait : « La liturgie contient et exprime la foi de
façon juste et compréhensible » (p. 40). De sorte que « la pérennité
de la liturgie participe de la pérennité de la foi, elle contribue même à la
préserver ». Et comme la foi est immuable, la liturgie qui l’exprime,
l’est aussi. « C’est pourquoi il n’y a jamais eu de rupture, de
re-création radicale dans aucun des rites chrétiens, catholiques, y compris
dans le rite romain latin » (p.
40-41). L’évolution liturgique – dès lors – est lente, nécessairement
organique.
J
e me régalais en lisant ces rappels. « Dans tous les rites, la liturgie
est quelque chose qui s’est développée et continue de croître lentement ;
partie du Christ et reprise par les Apôtres, elle a été organiquement
développée par leurs successeurs, en particulier par les figures les plus
marquantes tels les Pères de l’Eglise, tout cela en préservant consciencieusement
la substance, i.e. le corpus de la liturgie en tant que tel »
Mais
Dom Guillou nous enseignait la même chose ! Il écrivait en 1975, en la
fête de
L’Esprit-Saint
est Un et Véridique. Ce qu’il inspire ne peut-être que un et véridique, le même
à travers les temps.
J’aime
cette expression du cardinal. C’est clair, c’est net : « C’est
pourquoi, il n’y a jamais eu de rupture, de re-création radicale… dans le rite
latin romain ».
Il
poursuivais : « Il n’y a jamais eu de rupture dans le rite romain
latin à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle, en application de
la réforme…bien que le Concile…ait toujours réaffirmé que cette réforme devait
préserver absolument la tradition » (p. 40-41).
Jamais
de rupture…à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle. Mais c’est
l’enseignement du cardinal Ottaviani, me disais-je. Je courais prendre la
lettre du cardinal Ottaviani à Paul VI et lisais :
« Le
nouvel Ordo Missae, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles
d’appréciation fort diverses qui y paraissent sous-entendues ou impliquées, s’éloigne
de façon impressionnante dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie
catholique de
C’est
donc bien à une rupture que l’on assiste avec le nouvel Ordo Missae. Cet
éloignement est une véritable rupture avec
Le
cardinal Stickler a la même analyse. Avec le nouvel Ordo Missae, on assiste à
une véritable rupture avec
Et
ceci est une véritable nouveauté, la nouveauté par excellence… « Alors
que toutes les réformes antérieures adoptées par les papes et tout
particulièrement celles entreprises sous l’impulsion du Concile de Trente et
mise en œuvre par le pape Pie V et jusqu’à celles de Pie X, de Pie XII et de
Jean XXIII, ne furent pas des révolutions mais uniquement des corrections qui
ne touchaient pas à l’essentiel, des ajustements et des enrichissements »
(p. 41).
C’est
ce que demandait – du reste – le Concile en son article 23 : « Le
Concile a expressément dit, à propos de la restauration souhaitée par les
Pères, qu’aucune innovation ne devait être faite qui ne fut vraiment et
certainement exigée par l’utilité de l’Eglise ».
Je
me souvenais de notre savant abbé Dulac qui, dans l’analyse qu’il faisait de
Non !
nous n’avons rien de tel avec Paul VI. Nous avons un Novus Ordo Missae. Rien de comparable.
Mais
certains autres de la hiérarchie catholique parlent, eux, pourtant, de continuité
dans le rite romain, d’un Ordo à l’autre.
Le
cardinal Castrillon Hoyos – en particulier – ne disait-il pas, un jour dans la
cathédrale de Chartres, qu’il ne fallait
pas « contra poser les deux rites. Ils seraient, substantiellement,
identiques… »
Le
Pape - lui-même – alors qu’il recevait les communautés relevant du Motu Proprio
Ecclesia Dei, le 26 Octobre 1998 – venues à Rome en action de grâces,
leur tenait même langage : « Les derniers Conciles œcuméniques –
Trente, Vatican I, Vatican II – se sont particulièrement attachés à éclairer le
mystère de
Que
les choses sont bizarres !
Même
au plus haut niveau du gouvernement ecclésiale… les jugements des autorités
divergent fondamentalement sur le même objet : la réforme liturgique.
Pour
les uns, nous aurions « une nouveauté radicale ».
Pour
les autres, « une continuité parfaite ».
Le
magistère est vraiment divisé. C’est un des éléments de la crise de l’Eglise.
Il
faut le prendre en compte à l’heure où l’on nous appelle à la soumission au
magistère…
Soit !
Mais quel est son enseignement ?
Poursuivons
la pensée de notre Cardinal autrichien.
2- Analyses des
« nouveautés » dans la réforme liturgique.
Il nous dit :
« Nous
allons maintenant présenter quelques exemples marquants (sans vouloir être
exhaustif) de ce qui a été créé dans la réforme post-conciliaire et en
particulier dans son cœur : l’Ordo Missae radicalement nouveau »
(p. 41).
Alors
le Cardinal passe en revue le nouvel Ordo. Il feuillette le nouvel Ordo. Il
n’insiste pas sur l’introduction de la messe. Elle est « nouvelle »
dit-il page 42 et surtout comporte de « multiples variantes »
(id) ce qui souvent aboutît à une diversité presque illimitée.
a- De l’offertoire.
Il
en vient, tout de suite, à l’Offertoire. Là, il parle à ce sujet de révolution.
« L’Offertoire,
dans sa forme et sur le fond, constitue une révolution : il n’est, en
effet, plus prévu d’offrande préalable des dons mais simplement d’une préparation
des oblats avec une teneur nettement humanisée mais qui, en fin de compte,
donne tout de suite, une impression de dépassé »
(p. 42). Il parle même de symbolisme « malheureux »…
L’industrialisation a envahi l’agriculture et la culture des céréales…
b- Génuflexions et signes de
croix.
Il
poursuit : « Quant aux signes hautement loués par le Concile de
Trente et exigés par le Concile de Vatican II tels que les nombreux signes de
croix qui renvoient à
c- L’essentiel de la
messe : le sacrifice.
Il
parle ensuite du sacrifice qui est l’essence de
« Le
centre essentiel de la messe qui était précisément l’action sacrificielle
elle-même, a été déplacé au profit de la communion dans la mesure où, tout le
sacrifice de la messe a été transformé en un repas eucharistique. Ce faisant,
si l’on considère les termes utilisés, la communion est devenue, dans la
conscience des fidèles, la seule partie de la messe ayant une effet intégrateur
en lieu et place de la partie essentielle qui est l’action sacrificielle de
transsubstantiation »… « Il est faux de faire de
l’Eucharistie un repas, ce qui se produit presque toujours dans la nouvelle
liturgie » (p. 43).
On
a envie de dire au Cardinal : alors quoi ! Cette nouvelle messe
est-elle sacrifice ou repas. L’un est-il l’autre ou y a-t-il une différence
essentielle entre l’un et l’autre ? Le sacrifice n’est pas un repas, ni un
repas, un sacrifice. Mais on nous dit qu’il ne faut pas « contra
poser » les deux rites…
Je
me souvenais du Bref examen critique, de la critique du fameux article 7
qui, dans cette affaire liturgique, est capital.
Je
relisais :
« La définition de la messe est réduite à celle de
« Tout cela n’implique ni la présence réelle, ni la
réalité du Sacrifice, ni le caractère sacramentel du prêtre qui consacre, ni la
valeur intrinsèque du sacrifice eucharistique indépendamment de la présence de
l’Assemblée ».
« En un mot, cette nouvelle définition ne contient
aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à
J’avais
encore en mémoire toutes ces phrases quand j’arrivais au § 2 de la page 43, je
tombais sur ces paroles fulgurantes :
« Ainsi,
sont posés les fondements d’un autre détournement de fonction : à la place
du sacrifice présenté à Dieu par le prêtre ordonné en tant
qu’ « alter Christus », s’instaure la communauté de repas des
fidèles assemblés sous le présidence du prêtre » (p. 43).
Mais attention, le
Cardinal poursuit :
« La
définition de
J’étais
estomaqué !
Avouez,
sous la plume d’un Cardinal, c’était cinglant, court, bref. Les mots choisis
particulièrement exemplaires.
On
comprend que le cardinal Stickler puisse – lui aussi – parler « de
bouleversement du cœur même, du sacrifice de la messe ».
Il insiste. Il veut enfoncer
le clou.
« Ce
bouleversement du cœur même du sacrifice de la messe fut confirmé et accentué
par la célébration, « versus populum », pratique autrefois interdite
et renversement de toute la tradition de la célébration vers l’orient et
dans laquelle le prêtre n’était pas l’interlocuteur du peuple mais se tenait à sa
tête pour le guider ver s le Christ avec le symbole du soleil levant à l’est ».
(p. 43)
Je
retrouvais tout l’enseignement d’Ecône, celui que nous avait donné Dom Guillou
dans des pages célèbres qui ne le sont pas assez même dans nos milieux :
en voici un exemple à faire exalter de joie :
«
Toute l’histoire de l’Eglise elle-même, est une montée de lumière dans
l’accroissement du nombre des élus et dans l’épanouissement du développement de
ses dogmes et de son mystère propre, jusqu’à son achèvement dans les
éblouissantes splendeurs de
Faut-il
redire ici, après ce bref aperçu, le dommage causé à l’esprit et à la manière
liturgique par l’abandon de la règle de l’orientation des églises et de la
messe et de la prière orientée, règle qui se relie à un immense contexte
éminemment humain, biblique et chrétien. Les Anciens voulaient que le
sanctuaire de leurs églises soit comme un Orient spirituel que la lumière
matinale inonde à cette première heure de l’office de Laudes qui se termine,
chaque jour par le chant du « benedictus » de Zacharie, célébrant
l’Orient « ex alto », illuminant ceux qui sont assis à l’ombre
de la mort… Comme elle est significative ensuite, dans la joyeuse clarté de
l’aurore, cette prière du prêtre au bas des degrés lorsqu’il s’apprête à monter
dans le nuée lumineuse de l’autel : « Emitte lucem tuam et
veritatem tuam : ipsa me deduxerunt et adduxerunt in montem sanctum tuum …
et introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam »
(Ps. 42). Sera-t-il dit que tout ce poème des choses, que toutes des
correspondances merveilleuses échapperont à la myopie réformiste ?
Pourtant, même au strict point de vue pastorale, quelle plus belle illustration
de cette vérité : notre vie toute entière est comme une messe qui nous
conduit à l’union au Christ, à la céleste illumination où tout sera renouvelé
dans une jeunesse éternelle, par les mérites de
d- De la formule de la
consécration du pain et du vin. Le « mysterium fidei ».
Puis
le Cardinal en arrive à la formule de la consécration du pain et du vin.
Là,
sur ce sujet, il est également très sévère. Jugez vous même !
Il
parle de la très grave atteinte à la formule de consécration du vin en le sang
du Christ en raison de la suppression des mots « Mysterium fidei ».
« Les
mots « Mysterium fidei » en ont été supprimés pour être ajoutés à
l’appel du peuple à la prière, après la consécration, ce qui fut présenté comme
un gain majeur du point de vue de la « participatio actuosa » »
(p. 44).
Là,
le Cardinal part en guerre. C’est le cardinal, recteur d’université,
archiviste, qui parle. Il enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que
« Mysterium fidei » - ces deux mots – sont d’origine apostolique. Il
ne fallait en rien y toucher.
Saint
Basile l’enseigne. Saint Augustin aussi. Le « Sacramentarium
Gelasianum » également. « Le « Sacramentarium
Gelasianum » qui est le livre de messe le plus ancien de l’Eglise romaine,
dans le Codex Vaticanus, Reg. Lat.
Il
poursuit – on sent le Cardinal en colère, sainte colère – il cite la
lettre de Jean de Lyon, en 1202, au pape Innocent III et donne la réponse du
Pape avec les références. C’est argumenté :
« En
décembre de la même année, dans une longue lettre, le Pape répondait que ces
paroles et d’autres encore du Canon que l’on ne trouvaient pas dans les
Evangiles, devaient être crues en tant que paroles transmises par le Christ aux
Apôtres et par ceux-ci, à leurs successeurs » (p. 45).
Il
donne les références historiques. C’est le professeur qui enseigne. Son
affirmation est incontournable. Elle est scientifique. Vous la trouverez là,
dit-il : X, III, 41, 6 ; Friedberg III, p. 636, sq.
C’est
net.
Il continue :
« Le
fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d’Innocent
III dans le grand recueil du liber X, établi par Raymond de Pegnafort à la
demande de Grégoire IX, n’ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le
cas de bien d’autres mais ait continué à être transmise par
Nul
doute que l’on ne pouvait toucher à ces deux mots dans la forme de la
consécration du vin, les supprimer, les déplacer en en changeant le sens. On ne
le pouvait pas sans être infidèle à la tradition catholique et de toute
évidence, en rupture avec elle.
C’est la pensée du Cardinal.
Il
invoque aussi l’autorité de saint Thomas d’Aquin. Vraiment, le Cardinal
veut enfoncer le clou…veut régler l’affaire définitivement. Il veut prouver –
vraiment – que cette réforme liturgique est en rupture non seulement avec les
prescriptions demandées par le Concile Vatican II mais même avec
«
Saint Thomas s’exprime clairement sur cette question dans sa « Somme
théologique » (III, 78, 3 ad nonum) : à propos des paroles de
consécration du vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de l’Eglise
ancienne dont parle aussi Denis l’Aéropagyte, il écrit : « les
paroles ajoutées « éternelle » et « mystère de foi »
viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l’Eglise par
l’intermédiaire des Apôtres » ; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23
et 1 Tim, 3, 4. En note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se
référant à DD Gousset dans l’édition Marietti de 1939 (V. p. 155), ajoute
« sanebbe un grandissimo errore sustituire un’altra forma eucharistiea a
quella del Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella
mysterium fidei che abbiamo della tardizione » (p.46).
Et
puis, il invoque l’autorité du Concile de Florence – le XVIIème
Concile œcuménique - :
« Dans
la bulle d’union avec les Coptes, le Concile œcuménique de Florence complète
expressément les formules de consécration de
Ayant
le document, je suis allé vérifier. C’est bien exact. Le concile de Florence,
dans le décret pour les Grecs – qui suit celui d’avec les Arméniens – cite bien
expressément le mystérium fidei dans la formule de consécration. Il y
est dit : « mais parce que dans
le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n’a pas été expliqué la formule
qu’a toujours en coutume d’employer, dans la consécration du Corps et du Sang
du Seigneur, la sacro-sainte Eglise romaine, affermie par la doctrine et
l’autorité des apôtres Pierre et Paul, nous pensons qu’il faut
l’introduire dans les présentes ».
En
latin, nous avons – « illam praesentibus duximus inserendam ».
« Duximus », c’est le parfait du verbe « ducere ». Il
vaudrait mieux traduire : nous estimons, nous commandons. « Nous
pensons » me paraît un peu faible. « Ducere », c’est le
commandement, c’est le chef qui affirme. Peu importe…
Mais
ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s’en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa
démonstration de théologie positive. Là, pour le coup, il est exhaustif.
Il
invoque, cette fois, le catéchisme – le catéchisme « de référence »,
dit-il, - ce sont ses mots. Je m’attendais à voir citer le nouveau catéchisme
de l’Eglise catholique. Mais pas du tout ! Il cite le catéchisme du Concile
de Trente. A la bonheur ! Il donne toutes les références.
Manifestement, quand il préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher,
dans sa bibliothèque, ce catéchisme. Il vous dit qu’au chapitre 9, au n° 21,
à propos de l’Eucharistie…le catéchisme enseigne que « les mots
« mysterium fidei » et « aeterna » viennent de
Je
regrette que le Cardinal n’ait pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il
aurait aussi rappeler qu’en changeant de place cette expression très
traditionnelle, les auteurs de la réforme liturgique en changeait le sens.
Alors que le « mysterium
fidei » placé dans la formule de la consécration porte sur la présence
réelle qui vient d’être réalisée par l’énonciation de la formule consécratoire,
le « mysterium fidei » mis après la consécration – comme acclamation
populaire – dirige l’attention du peuple, non plus sur le mystère de
Voyez
l’enseignement du catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itinéraires.
F- « Légèreté souveraine
du cardinal Lescaro et de Mgr Bunigni.
Fort
de cet exposé très savant, le Cardinal qui ne mâche pas ses mots et ses critiques
contre les réformateurs, parle de
« légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de leurs
collaborateurs.
« On
peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont on fait preuve, ici, les
collaborateurs du cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur
accord » (p. 46). « Ils ont purement et simplement
« ignorés », non seulement ignorés mais aussi « méprisés »
l’obligation de procéder à une recherche historique et théologique exacte »
(p. 46).
C’est
ce que réclamait expressément le Concile du Vatican II dans son article 23 de
Mais
rien de tel n’a été fait et le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion
sur l’ensemble de l’œuvre réformée :
« Si
cela s’est produit dans ce cas qu’en aura-t-il été de cette importante
obligation pour les autres modifications » (p. 46).
C’est
terriblement grave !
Nous
nous trouvons devant une réforme infidèle à
Mais
que vont dire nos évêques et archevêques de France devant une telle critique?
Cette critique du cardinal Stickler est-elle inacceptable ! Est-elle un dénigrement de la réforme
liturgique ?
Mais
attention à votre conclusion, messeigneurs !
Enfin,
laissant la théologie positive, le Cardinal s’élève à une considération
doctrinale et pastorale, tout à la fois,
que je pourrais résumer ainsi : cet
oubli du « mysterium fidei »
de la forme eucharistique, loin de favoriser et de développer le sens de la
piété et de la vie théologale chez le peuple fidèle, favorise, au contraire, la
« démystification » constatée aujourd’hui ainsi que l’
« anthropomorphisation ». Rien ne vaut. Rien n’est vrai que ce qui
est rationnel. L’Eucharistie n’est pas à la portée de la raison. Elle est
peut-être un simple symbole.
« Mais
c’est aussi la raison pour laquelle l’exclusion du « mysterium
fidei » de la formule eucharistique devient – elle aussi – le symbole de
la démystification et donc de l’anthropomorphisation de ce qui constitue le
centre du culte divin :
Ce
retrait du « mysterium fidei »
est pour le moins malheureux.
G- De la « participatio
activa » des fidèles.
Le
cardinal en arrive enfin aux décisions des réformateurs quant à « la
participation vivante et active des
fidèles à la célébration de la messe » (p. 47).
On
sait qu’on se plaignait beaucoup, avant le Concile, du manque de participation
des fidèles à la messe. Aussi le Concile Vatican II a-t-il abordé le
sujet dans deux articles importants : l’article 30 et l’article 48. Il en
a donné les principes : « Le Concile a insisté particulièrement –
dit le Cardinal - sur la participation
intérieure qui seule permet de rendre fructueux le culte » (p.
38).
Le
Cardinal donne alors son jugement sur cette fameuse participation active telle
qu’aménagée par nos réformateurs.
Il
est terrible.
Il
s’exprime avec une pointe d’humour sarcastique et légèrement méprisante… Le
pauvre Bugnini n’a vraiment pas fait une œuvre excellente… On comprend pourquoi
il est resté sur le carreau… Au témoignage du Cardinal : « Le Père
Bugnini avait été secrétaire de
Lisez,
vous dis-je. Je ne peux me résoudre à résumer. Il faut tout citer :
«
Nous en arrivons ainsi au mandat donné aux réformateurs de promouvoir la
participation vivante et active des fidèles à la célébration de la
messe, un mandat qui, trop souvent, a été mal interprété et adapté à la
mentalité actuelle. Comme toute la liturgie, ainsi que le dit expressément le
Concile, le but principal de la messe est le culte de la divine majesté. Aussi
le cœur et l'âme des participants doivent‑ils en premier lieu être élevés
et s'élever vers Dieu. Cela n'exclut pas que la participation se manifeste
concrètement à l'intérieur de la communauté et vis-à-vis d'elle. Et c'est la
raison pour laquelle, pour pallier l'absence de participation des fidèles dont
on se plaignait si souvent avant le Concile, ce dernier a instamment demandé
cette « actuosa participatio ». Mais si celle-ci dégénère en un
enchaînement ininterrompu de paroles et d'actions, avec une distribution des
rôles aussi large que possible afin que tous aient leur part à l'action,
lorsque l'on en arrive à un activisme qui relève plutôt d'un rassemblement
humain purement externe et qui, pire encore, juste avant le moment le plus
sacré pour les participants : dans la rencontre individuelle de chaque fidèle
avec le Dieu‑homme eucharistique, est plus bavarde et distrayante que
jamais, la mystique contemplative de la rencontre avec Dieu, le culte qui lui
est rendu avec la crainte respectueuse, la révérence qui doit l'accompagner
toujours ‑ tout cela ne peut que mourir : alors l'humain tue le divin et
emplit le cœur de vide et de désolation. Ce moment appartient au silence, qui
est expressément prévu, et qui n'a gardé ‑ difficilement ‑ sa place
qu'après l'action que constitue la distribution de la communion, comme une
petite feuille de vigne sur un grand corps nu. C'est ainsi que, reflétant la
tendance actuelle de la conscience du monde à se limiter aux apparences, on
voit se développer dans l'Église un agir cultuel de conception humaine et
projeté vers l'extérieur ».
Voilà
donc un jugement général du cardinal sur la réforme liturgique bugninienne.
H- L’usage du latin dans la
pensée conciliaire.
Mais
après ce jugement général qui est une vraie condamnation de la réforme, le
Cardinal aborde des points plus particuliers : le latin, le grégorien,
l’orgue…
Sur le latin :
Le
Cardinal exprime sur ce sujet – du latin comme langue liturgique – son
étonnement. Il ne comprend pas comment, après ce que demandèrent les Pères
conciliaires sur ce point, on en soit arrivé à la suppression générale et au
triomphe des langues vernaculaires.
Ce
passage de la conférence est fort intéressant. Il faut le citer dans son
intégralité. Il donne un témoignage historique, puis l’enseignement
magistériel, enfin les arguments théologiques. Notre Cardinal fut vraiment –
durant le Concile – au cœur du problème.
1- Et tout d’abord, son témoignage
personnel :
« A
ce stade, il convient de mentionner une disposition du concile qui a été non
seulement mal comprise mais, plus encore, complètement répudiée : la langue
cultuelle. Je me permettrai ici, une fois encore, d'étayer mon argument par un
souvenir personnel. En qualité d'expert de
Lorsque,
plusieurs jours durant, la question de la langue du culte fut discutée dans
l'aida conciliaire, je suivis avec beaucoup d'attention tout ce débat, ainsi
d'ailleurs que la discussion, jusqu'au vote final, des différentes formulations
incluses dans
A
l'encontre de cela, je puis témoigner que les formulations de la constitution
conciliaire sur ce point, tant dans sa partie générale (Art. 36) que dans les
dispositions particulières relatives au sacrifice de la messe (Art. 54) ont été
approuvées quasiment à l'unanimité dans les discussions des Pères conciliaires
et surtout lors du vote final : 2 152 oui et 4 non ».
Cette
critique sera-t-elle comprise comme « un dénigrement de la réforme
liturgique que le Concile a décrétée »…Cela ma paraîtrait vraiment
difficile…
2-Ensuite l’enseignement
magistériel sur le latin :
« Au
cours des recherches que j’ai effectuées pour préparer le rapport sur la
tradition sur lequel devait s'appuyer ce décret conciliaire sur la langue
latine, j'ai constaté que toute la tradition était absolument unanime sur ce
point, jusqu'au pape Jean XXIII : elle s'est toujours prononcée clairement
contre toutes les tentatives antérieures visant à renverser cet ordre des
choses. Je pense ici en particulier à la décision du concile de Trente, sanctionnée
d'un anathème, contre Luther et le protestantisme, à Pie VI contre l'évêque
Ricci et le Synode de Pistoïé, et à Pie XI qui, à propos de la langue cultuelle
de l'Église, a prononcé un clair « non vulgaris » ».
Là,
le Cardinal ne fait que citer mais ses citations sont parfaitement fondées.
Jugez en effet.
Le
Concile de Trente enseigne bien dans son canon 9 dans sa 22ème
session : « Si quelqu’un dit…que la messe ne doit n’être célébrée
qu’en langue vernaculaire…qu’il soit anathème ». Et dans son chapitre
doctrinal – au chapitre 8 de la même session – on lit : « Bien que
la messe contienne un riche enseignement pour le peuple fidèle, il n’a
cependant pas paru bon aux Pères qu’elle soit célébrée indistinctement en
langue vulgaire ». Toutefois, ordre était donné aux pasteurs d’âmes de
donner régulièrement des instructions pour expliquer le sens des belles pièces
du missel romain.
Quant
au pape Pie VI invoqué par le Cardinal, on peut, de fait, citer entre autres,
la proposition 66 :
« La
proposition qui affirme qu’il est contraire à la pratique apostolique et aux
conseils de Dieu, de ne pas préparer au peuple des voies plus faciles pour
joindre sa voix à la voix de toute l’Eglise, si elle est entendue en ce sens
qu’il faut introduire l’usage de la langue vulgaire dans les prières
liturgiques, est fausse, téméraire, perturbe l’ordre présent pour la
célébration des mystères, produit facilement de nombreux maux ».
Voici
qui est bien dit. Voilà la vraie tradition catholique que Mgr Bugnini et son
personnel devaient défendre et respecter et qu’ils n’ont ni défendu, ni
respecté.
Vraiment,
le Cardinal prouve bien son jugement : « L’ordo missae – celui
de Mgr Bunigni, celui de Paul VI – est radicalement nouveau ».
Il ne respecte pas la tradition catholique, qui fut rappelée par le Concile Vatican II. Mais dire cela, est-ce
« dénigrer » la réforme liturgique ? Est-ce dénigrer le Concile
Vatican II…Est-ce lui être infidèle. Est-ce refuser « systématiquement le
concile Vatican II ». N’est-ce pas, plutôt, refuser un certain esprit, le « fameux
esprit du concile » que Benoît XVI a dénoncé le 22 décembre 2005 ?
Attention nosseigneurs !
3- Il donne, enfin, les
raisons justifiant le nécessaire maintient du latin dans la liturgie et
dans l’Eglise :
« Il
faut bien voir que la raison n'en est pas uniquement d'ordre cultuel, même si
cet aspect est toujours mis en avant. C'est aussi une question de révérence, de
crainte respectueuse : comme le voile recouvre les vases sacrés, le latin sert
de protection contre la profanation ‑ à la manière de l'iconostase des
Églises orientales derrière laquelle s'accomplit l'anaphore ‑ et aussi
contre le danger de vulgariser, en utilisant la langue vernaculaire, toute
l'action liée au mystère, ce qui se produit effectivement souvent de nos jours.
Mais cela tient aussi à la précision du latin, qui sert comme nulle autre
langue la doctrine dogmatiquement claire ; au danger d'obscurcir ou de fausser
la vérité dans les traductions, ce qui d'ailleurs pourrait aussi porter
gravement préjudice à l'élément pastoral, si important ; et aussi à limité qui
est ainsi manifestée et renforcée dans toute l'Église ».
« Toujours du point
de vue pastoral, l'abandon du latin comme langue liturgique, à l'encontre de la
volonté expresse du concile, engendre une deuxième source d'erreurs, plus grave
encore: je veux parler de la fonction de langue universelle qu'assume le latin,
qui unit toute l'Église, justement, dans le culte public, sans déprécier aucune
langue vernaculaire vivante. Et précisément à notre époque où le concept
d'Église qu'on voit se développer met l'accent sur l'ensemble du peuple de
Dieu considéré comme Corps mystique un du Christ, aspect d'ailleurs toujours
souligné dans la réforme, il se fait que, par l'introduction de l'usage
exclusif des langues vernaculaires, et même de dialectes, l'unité de l'Église
universelle est remplacée par une diversité d'innombrables chapelles
populaires, jusqu'au niveau des communautés villageoises et églises
paroissiales, qui sont séparées les unes des autres par une véritable
différence de tension naturelle qui, entre elles, est et ne peut qu'être
insurmontable. D'un point de vue pastoral, comment alors un catholique peut‑il
retrouver sa messe dans le monde entier, et comment peut‑on abolir les
différences entre races et peuples dans un culte commun, grâce à une langue
liturgique sacrée commune, ainsi que l'a expressément souhaité le concile,
alors qu'il y a tant d'occasions, dans un monde devenu si petit, de prier
ensemble ? Dans quelle mesure alors chaque prêtre a‑t‑il la
possibilité pastorale d'exercer le sacerdoce suprême de la sainte messe
n'importe où, surtout dans ce monde où les prêtres sont devenus si rares ? »
I- La critique de « l’introduction
d’un cycle liturgique de 3 ans »
Enfin,
le cardinal critique « l’introduction d’un cycle liturgique de 3 ans.
C’est là un péché contre nature » dit le Cardinal. « Il ne
fallait pas abolir le déroulement d’un cycle annuel naturel » (p. 53).
Toutes ces modifications, ces changements « ont condamné les
remarquables mélodies grégoriennes variables à une mort lente ». Ce
qu’il déplore : « Au mandat donné par le Concile de préserver et
promouvoir le chant liturgique romain typique, très ancien, a répondu une
épidémie pratiquement mortelle » (p. 53). Comme il déplore la
disparition de l’orgue : « remplacé par une multitude
d’instruments (qui) ont favorisé l’introduction dans la musique
religieuse d’éléments reconnus comme diaboliques » (p. 55).
Comme
il déplore enfin les nombreuses « variantes autorisées » -
vrai principe constitutif de la réforme liturgique – qui « risquent de
mener à l’anarchie qu’avait toujours si bien maîtriser l’ancien ordo latin »
(p. 56).
« C’est
ainsi que le nouveau garant de l’ordre – le Cardinal veut dire : le nouvel
Ordo missae – devient, de soi, facteur de désordre. « Aussi ne faut-il
pas s’étonner que chaque paroisse, pour ne pas dire chaque église, semble avoir
adopté un ordo différent. C’est là une constatation que l’on peut faire
partout ». (p. 55) Et qui entraîne l’irrévérence actuelle, la perte du
sens du sacré et la superficialité. Tout cela étant grandement dommageable à la
dignité du nouveau rite.
J- De la validité du « nouvel ordo missae ».
Quoiqu’il
en soit de toutes ses critiques, le Cardinal ne va pas jusqu’à affirmer
l’invalidité du nouveau rite. Ce que nul d’entre nous n’a jamais affirmé.
« Pour
éviter tout malentendu à propos de cette présentation de la réforme…je voudrais
préciser expressément que je n’ai jamais mis en doute que ce soit
dogmatiquement ou juridiquement la validité de cet Ordo : sans doute, d’un
point de vue juridique, ai-je ressenti des doutes sérieux qui tiennent à
ce que j’ai intensivement étudié les canonistes médiévaux, lesquels sont
unanimes à dire que les papes peuvent tout changer à l’exception de ce que
prescrit
Et
ses doutes venaient – viennent-ils encore, je ne sais, il n’en dit rien – de ce
que l’on « peut penser » que la liturgie relève du « status
ecclesiae ». Elle serait alors, sous ce rapport, immuable dans sa
substance, immuable par essence.
K- Position pratique du
cardinal
Mais
le Cardinal n’insiste pas. Il dit la chose. Il passe et en profite même pour
dire immédiatement après, sa position pratique :
« Je
m’empresse de préciser que lorsque la nouvelle liturgie est célébrée avec révérence
– ce qui est toujours le cas, par exemple,
à Rome et par le Pape lui-même – les abus regrettables qui relèvent
essentiellement de la divergence entre
Peut-on
ici discuter, « poser des questions, des demandes de précision ou
d’approfondissement ?
Je
me le permets.
Que
le nouvel « ordo missae » soit valide, nul ne le contestera mais que
parce qu’il est célébré avec révérence, cela fasse tomber tous les abus
regrettables et qu’ils n’aient même plus lieu…là, je ne comprends pas.
La langue vernaculaire reste
la langue vernaculaire qu’elle soit utilisée avec révérence ou non.
L’Offertoire nouveau reste
l’offertoire nouveau – le cardinal l’a décrit comme une vraie révolution dans
l’Eglise – qu’il soit dit avec révérence ou non.
La prédominance du repas sur
le sacrifice demeure quelque soit la révérence du célébrant, fut-ce le Pape.
La modification de la formule de consécration du vin reste ce qu’elle est : une véritable infidélité
à toute
Et
pensez-vous que l’abolition du grégorien et du chant
polyphonique, de l’orgue, du silence, de la contemplation intérieure,
pensez-vous vraiment que tout cela favorise, nourrisse la révérence du
peuple ?
Pensez-vous
que l’abolition des signes de croix, des baisers de
l’autel, des génuflexions – ce que
Tout
cela me paraît contradictoire et peut-être même pusillanime.
Je
préfère la mâle autorité du cardinal Ottaviani demandant à Paul VI – après
l’exposé fait dans le Bref examen critique – l’abrogation du nouvel
« Ordo missae » ou tout au moins « la possibilité de
continuer à recourir à l’intègre et fécond missel romain de saint Pie V ».
Je
trouve cela plus cohérent.
Et
je constate – là encore – une diversité pratique, concrète, du magistère actuel
dans l’application de la réforme, même parmi les meilleurs.
Certains
demandant purement et simplement son abrogation,
Alors
que d’autres se contentent de demander – malgré les insuffisances doctrinales
graves – qu’il soit célébré, du moins, « avec révérence ».
Le cardinal Stickler nous
démontre que cette réforme liturgique n’est pas
fidèle à
- qu’elle s’en éloigne,
- qu’elle est, sur bien des points, une vraie révolution,
- qu’elle est « nouvelle »
- que l’aspect sacrificiel de la messe est presque éliminé…
Et
comme attitude pratique : il se contente de dire – ici – que si elle est
célébrée avec « révérence », il n’y a plus de problème. Tout rentre
dans l’ordre !
Cela
me paraît très léger, voire insignifiant.
L- Le jugement pratique de
l’abbé Dulac.
Et
je préfère le jugement pratique – o combien pastoral – d’un abbé Dulac qui se
plaignait, lui aussi, de l’aspect équivoque de cette réforme.
Il
écrivait en 1975 :
« Nous
avons été les premiers à dénoncer le défaut radical, inguérissable du nouvel
« ordo missae ». C’était le 25 juin 1969, quelques jours après
l’apparition, en France, de « l’édition typique » de cette messe
réformée.
« Nous
y sommes revenus bien des fois depuis cette date.
« Nos
critiques étaient assez graves pour que nous ayons pu, dès le début, y trouver
le motif d’un refus.
« Mais
jamais, nous n’avons dit que la nouvelle messe était hérétique.
« Hélas !
Elle est, pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque. Elle est
flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté individuelle qui
devient ainsi la règle et la mesure des choix ».
Ne
serait-ce pas la « révérence » dont nous parle le cardinal
Stickler ?
M- Les raisons d’un refus. Les
vraies !
L’hérésie formelle et claire
agit à la manière d’un coup de poignard.
L’équivoque agit à la
manière d’un poison lent.
L’hérésie attaque un article
précis du dogme.
L’équivoque, en lésant l’
« habitus » lui-même de la foi, blesse ainsi tous les dogmes.
On ne devient formellement
hérétique qu’en le voulant.
L’équivoque peut ruiner la
foi d’un homme à son insu.
L’hérésie affirme ce que nie
le dogme ou nie ce qu’il affirme.
L’équivoque détruit la foi
aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer et de nier : en faisant de la
certitude révélée, une opinion libre.
L’hérésie est ordinairement
un jugement contradictoire à l’article de la foi.
L’équivoque est dans l’ordre
de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à côté
de la foi. A côté même de la raison, de la logique.
Eh
bien, nous osons le dire : il y a pire encore peut-être que l’équivoque.
Il
y a le substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané sentimental.
Ce
que le cardinal Stickler appelle – peut-être – la « révérence » dans
la célébration du rite.
Et
le plus détestable de ces succédanés, c’est celui qui dissimulerait l’artifice sous le vernis mystique, celui qui,
dans le cas de la messe, marquerait l’indigence
théologique ou sa carence formelle sous le sucre d’un mystère
frelaté.
Comme
si, ce que notre Cardinal appelle – peut-être – « révérence », -
piété, « expérience », « action »- pouvait suppléer aux omissions et aux
équivoques de la foi intellectuelle.
« La
sagesse mystique goûtant dans l’amour cela même que la foi atteint comme caché,
nous fait jugés et estimés de façon merveilleuse ce que nous connaissons par la
foi mais ne nous découvre aucun objet
de connaissance que la foi n’atteindrait pas. Elle perfectionne la foi quant au
mode de connaître, non quant à l’objet connu ».
C’est
Jacques Maritain qui écrivait ces excellentes choses en 1932. Le Maritain, non
point de l’ « Humanisme intégral » mais celui des « Degrés du
savoir » (3ème ed., p. 524)
Et
il ajoutait : « C’est une désastreuse
illusion de chercher l’expérience mystique – ce que le Cardinal
appelle peut-être « révérence » - en
dehors de la foi, d’imaginer une expérience mystique affranchie de la foi
théologale ».
Mais
dire cela, demander des précisions…L’épiscopat français semble le tolérer…Alors
je me suis permis…Je me suis risqué…je vais même plus loin…Je leur dis
franchement : faites de votre réforme ce que bon vous voulez, maintenez
la, réformez la…où tout autre chose
encore…mais redonnez-nous le trésor de la tradition…
Conclusion du cardinal
Stickler…
Le
Cardinal conclut enfin son exposé en parlant des « réalités officielles négatives, quoi que dans
une mesure limitée, à la réforme de la messe telle que publiée » (p. 57).
Certains
ont pu reprocher « la hâte incompréhensible » dans laquelle
cette réforme a été « expédiée et rendue obligatoire ». Il cite le témoignage
du cardinal Dopfner, archevêque de Munich (p. 57).
Mais
cela est-ce « dénigrement – intolérable -
de la réforme liturgique que le Concile a décrétée » ?
Il
invoque l’autorité du cardinal Ratzinger et tout spécialement ses jugements
exprimés dans son dernier livre : Ma vie (Fayard, 1998) et Le Sel de
Ces
livres nous les avons analysés ailleurs.
Sont-ils autant de dénigrement
intolérable?
Il
invoque également l’épiscopat allemand et surtout « le responsable des
questions liturgiques auprès de
Est-ce dénigrement insupportable ?
Il
invoque le cardinal Danneels.
En
Italie, il invoque aussi l’auteur de
Et
aussi la réaction des laïcs d’ « Una voce ». Des laïcs canadiens. Il
cite une revue canadienne « Preciois Blood Banner » : on y
lit : « Il apparaît toujours plus
clairement que l’extrémisme des réformateurs post-conciliaires a consisté, non
pas à réformer la liturgie catholique depuis ses racines mais à la déraciner de
son sol traditionnel ; selon cet article, ils n’ont pas restauré le rite
romain, ce que leur demandait le Concile Vatican II, ils l’ont déraciné » (p. 61).
Ces
paroles sont citées par le cardinal. Est-ce dénigrement ?
Il
invoque le témoignage de Max Thurian « ancien prieur calviniste de Taizé,
passé au catholicisme et ordonné prêtre » (p. 61). Celui-là même qui, au
temps de la réforme, avait déclaré que les Protestants pourraient bien célébrer
Il
invoque le témoignage de Mgr Gamber. Vous en connaissez beaucoup de lui.
Puis,
il termine évoquant l’attitude pratique du Pape Jean-Paul II en cette affaire
liturgique. : « (Tout) nous permet de
penser avec une confiance justifiée que, dans ses efforts pour rétablir l’unité
de la paix, le Pape ne reviendra pas sur ce qu’il a déjà fait mais qu’au
contraire, il ira plus loin encore dans la voie amorcée, en particulier aux
paragraphes 5 et 6 du Motu proprio de 1988 pour instaurer une juste
réconciliation entre la tradition inaliénable et un développement justifié par
le temps » (p. 66).
Je
pense que Benoît XVI veut aller plus loin…en matière liturgique…
Mais
il veut le faire dans un consensus ecclésial…
Les
évêques de France viennent de dire leurs « mots »…
Comment Benoît XVI le reçoit-il ? L’a-t-il reçu ?
Mais
qu’en est-il maintenant du problème du Magistère ? L’épiscopat a bien
écrit : « La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de
dissension. Ceux-ci portent moins
d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du
magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de
ces dernières décennies ».
Nous verrons cela dans le
prochain « Regard ».