Un regard sur le monde
politique et religieux
au 19 juin 2009
N° 221
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Mgr Lefebvre
et
la liberté religieuse.
IV
Les conversations théologiques des autorités romaines avec
On lit toutes ces bonnes nouvelles dans une « nouvelle » du Salon Beige du 16 juin 2009
Là, on apprend en effet que « Mgr Bernard Fellay a révélé à
Zenit que la congrégation pour la doctrine de foi l'avait
informé de la publication imminente, d'ici le 20 juin, d'une déclaration
de Benoît XVI sous forme de motu proprio sur la nouvelle structure de
Ecclesia Dei. L'évêque a confirmé avoir rencontré, le 5 juin dernier, le
cardinal William Levada, préfet de
La publication de ce Motu Proprio
interviendrait ainsi avant les ordinations au sein de
Vraiment tout cela me réjouit. Et va dans le
bon sens.
On sait que c’est le problème de la liberté religieuse d’après Vatican II,
ainsi que la réforme liturgique, la
réforme de
Nous avons déjà abordé le problème de la
Nouvelle Messe. Voyez le « Regard sur le monde » du 20 mars 2009, n° 208, intitulé « Mgr
Lefebvre et la Nouvelle Messe.
Nous avons abordé dans trois numéros, déjà, le problème de la liberté
religieuse.
Voyez les numéros 217, 218, 219.
Il nous faut poursuivre pour avoir toute la
pensée de Mgr Lefebvre. C’est celle que nos confrères doivent défendre devant
les autorités romaines.
Il faut tout d’abord nous rappeler la lettre
du cardinal Seper du 28 janvier 1978
Voici les critiques que le cardinal Seper adresse à la
pensée de Mgr Lefebvre sur ce sujet. Mgr Lefebvre y répondra point par point.
1- La liberté religieuse selon le Concile Vatican II.
« Bien
des fois, Monseigneur, vous vous êtes exprimé à son sujet, par exemple dans le
texte suivant : « Jamais ce terme là (celui de la liberté religieuse)
n’a été compris dans le sens admis par le Concile. Tous les documents
précédents de l’Eglise qui parlent de la liberté religieuse entendent parler de
la liberté de la religion (la vraie) et jamais de la liberté des religions. Toujours
lorsque l’Eglise a parlé de cette liberté-là, elle a parlé de la liberté de la
religion ( vraie) et de la tolérance vis-à-vis des autres religions. On tolère
l’erreur. Lui donner la liberté, c’est lui donner un droit : or elle n’en
a pas. La vérité seule a des droits. Admettre la liberté religieuse des
religions, c’est donner le même droit à la vérité qu’à l’erreur. Cela est impossible. Jamais l’Eglise ne peut dire
une chose pareille. A mon avis, oser dire cela est blasphémer…Si nous avons la
foi, nous n’avons pas le droit d’admettre cela ; c’est l’erreur du droit commun
qui a été condamné par Pie IX et touts les Papes » (Mgr Lefebvre. Un
évêque parle. 1976. p. 196-197)
Cette déclaration appelle les
remarques suivantes :
1° La Déclaration sur la liberté religieuse doit être lue dans le contexte des autres
documents conciliaires, en particulier la Constitution dogmatique Lumen Gentium. (LG). Elle dit clairement que « l’unique et
vraie religion…. Subsiste dans l’Eglise catholique et apostolique à qui le
Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les
hommes » Dignitatis humanae, (DH) (1)
2° Le Concile n’enseigne nullement cet indifférentisme religieux condamné
par les Papes. Il affirme au contraire que les hommes ont l’obligation morale
de chercher la vérité, de la connaître et de régler toute leur vie selon ses
exigences (Dignitatis Humanae, (2) Il rappelle aux fidèles le devoir de
l’apostolat missionnaire et celui de former la conscience par la doctrine
« sainte et certaine » de l’Eglise catholique « maîtresse de
vérité de par la volonté du Christ » (cf D.H., 14)
3° Le Concile reconnaît à la personne humaine
le droit de la liberté religieuse, c’est-à-dire le droit d’être à l’égard
de tout pouvoir humain, exempte de contrainte (coercitio) en matière de recherche, de choix, de profession même publique d’une religion (D.H.
2). Il fonde ce droit non pas sur un
prétendu « droit » égal de ou à la vérité et à l’erreur, mais sur la transcendance de la personne et
de ses droits ultimes à l’égard de la société civile, sur le plan
connaturel à l’homme de tendre à la vérité et de la reconnaître selon le
jugement de sa conscience et sur la liberté de l’acte de foi. (D.H. 2,3 10)
4° L’affirmation de ce droit à la liberté religieuse
est dans la ligne des documents pontificaux antérieurs (cf. D.H. 2, note 2)
qui, face aux excès de l’étatisme et aux totalitarismes modernes ont affirmé
les droits de la personne humaine.
Par la Déclaration conciliaire, ce point de doctrine entre clairement dans l’enseignement
du Magistère et, bien qu’il ne soit pas l’objet d’une définition, il réclame
docilité et assentiment (cf. Const. Dogm. Lumen
Gentium, 25)
Il n’est donc pas licité aux
fidèles catholiques de le rejeter comme erroné, mais ils doivent l’accepter selon
le sens et la portée exacte que lui a donné le Concile, compte tenu de la
doctrine catholique traditionnelle sur le devoir morale de l’homme et des
sociétés envers la vraie religion et l’unique Eglise du Christ » (cF D.H.
1)
----------------------------------------------
Nous avons déjà donné les
réponses de Mgr Lefebvre aux affirmations 1 et 2 essentiellement centrées
sur l’article 14 de Dignitatis humanae.
Il nous faut maintenant
donner la réponse aux deux dernières objections de
Voici tout d’abord le
texte conciliaire de l’article 3
3. Liberté religieuse et
relation de l'homme à Dieu
Tout ceci est plus clairement manifeste encore à qui prend en considération que
la norme suprême de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle,
objective et universelle par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et
d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier et dispose les voies de la
communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l'homme participant
de telle sorte que par une heureuse disposition de la providence divine,
celui-ci puisse toujours davantage accéder à l'immuable vérité *. C'est pourquoi
chacun a le devoir, et par conséquent le droit, de chercher la vérité en
matière religieuse afin de se former prudemment, un jugement de conscience
droit et vrai, en employant les moyens appropriés.
Mais la vérité doit être cherchée selon la manière propre à la dignité de la
personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, avec
l'aide du magistère, c'est-à-dire de l'enseignement, de l'échange et du
dialogue par lesquels les uns exposent aux autres la vérité qu'ils ont trouvée
ou pensent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la quête de la
vérité; la vérité une fois connue, c'est par un assentiment personnel qu'il
faut y adhérer fermement.
Mais c'est par la médiation de sa conscience que l'homme perçoit les
injonctions de la loi divine; c'est elle qu'il est tenu de suivre fidèlement en
toutes ses activités pour parvenir à sa fin qui est Dieu.
Il ne doit donc pas être
contraint d'agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non
plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. De par son
caractère même, en effet, l'exercice de la religion consiste avant tout en des
actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne
directement à Dieu: de tels actes ne peuvent être ni imposés, ni interdits par
aucun pouvoir purement humain (3). Mais la nature sociale de l'homme requiert
elle-même qu'il exprime extérieurement ces actes internes de religion, qu'en
matière religieuse il ait des échanges avec d'autres, qu'il professe sa
religion sous une forme communautaire.
C'est donc faire injure à la personne humaine et à l'ordre même établi par Dieu
pour tes êtres humains que de refuser à l'homme le libre exercice de la
religion sur le plan de la société dès lors que l'ordre public juste est sauvegardé.
En outre, par nature, les actes religieux par lesquels, en privé ou
publiquement, l'homme s'ordonne à Dieu en vertu d'une décision personnelle,
transcendent l'ordre terrestre et temporel des choses. Le pouvoir civil, dont
la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel, doit donc, certes,
reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens, mais il faut dire
qu'il dépasse ses limites s'il s'arroge le droit de diriger ou d'empêcher les
actes religieux.
* Cf. S. Thomas, Summa theologica, I- III, q.
Voici maintenant les critiques de Mgr Lefebvre.
Analyse
de l'Article III. Troisième raison
:
Le document D.H. a omis toutes les distinctions
nécessaires pour qu'il soit admissible :
Qu'entend-on par la liberté religieuse
lorsque l'on dit que la personne
humaine a le droit à la liberté religieuse. Déjà telle quelle, cette phrase est
ambiguë, on ne peut avoir de droit moral que pour la vérité et non pour
l'erreur. A supposer qu'il s'agisse d'un droit civil, il ne peut être que
l'expression d'une tolérance et non d'un droit strict. C'est ce que dit le Pape
Léon XIII dans son Encyclique « Libertas ».
Les raisons données pour ce droit de la personne humaine
confondent la liberté naturelle ou psychologique et la liberté morale. Les débuts de l'Encyclique « Libertas » sont très clairs
à ce sujet. La liberté naturelle est la
liberté considérée dans son essence sans la considération de la fin qu'elle
doit poursuivre. Dès lors qu'elle entre en exercice, elle accomplit des actes
humains qui tombent sous la loi et ont
un aspect moral qui place la liberté sous une autorité, qui n'est autre que
celle de Dieu à laquelle participent toutes les autorités humaines, chacune
dans ses limites.
L'exercice de cette liberté s'étend à des actes divers,
que le document D.H. passe sous silence. On
doit distinguer les actes internes et les actes externes, les actes externes
privés et les actes externes publics.
Tous
ces actes tombent sous l'autorité de Dieu. Pour les catholiques, l'Église a un pouvoir soit au for interne soit
au for externe selon ce qu'exprime le Droit Canon. La famille a un droit sur
les actes externes privés et publics des enfants avant leur majorité. L'État a
un devoir et un droit sur les actes externes publics, dans leur rapport avec le
bien commun, qui ne peut se concevoir sans relation avec la seule vraie
religion.
De
nombreux documents du Saint-Siège expriment ces devoirs et ces droits, la
pratique de l'Église le confirme par les concordats, par le rappel constant des
devoirs des Chefs d'État vis-à-vis de la seule et unique vraie religion.
Ce paragraphe 3 implique la neutralité de
l'État, si celui-ci doit admettre « la profession même publique d'une religion
». Cette affirmation est inconcevable car cela signifie la profession
publique de l'erreur. Le document D.H. est très explicite en effet sur ce
sujet. Le paragraphe 4 de D.H. est absolument scandaleux et contredit tout
l'enseignement de l'Église. « La
liberté religieuse demande en outre que les groupes religieux ne soient
pas empêchés de manifester librement l'efficacité singulière de leur doctrine
pour organiser la société et vivifier toute l'activité humaine. » (D.H.
4.)
Aucun catholique, digne de ce nom, ne peut souscrire une
pareille infamie.
Citation de Grégoire XVI « Inter praecipuas » - 8 mai
1844 :
« Il nous est prouvé par des messages
et des documents reçus il y a peu de temps que des hommes de sectes diverses se
sont réunis l'an dernier à New-York « en Amérique et à la veille des ides de
juin, ont formé une nouvelle Association dite de l' « Alliance Chrétienne »,
destinée à recevoir dans son sein des membres de tous pays et de toute nation
et à se fortifier par l'adjonction ou l'affiliation d'autres Sociétés établies
pour lui venir en aide, dans le but commun d'inoculer aux Romains et aux autres peuples de
l'Italie, sous le nom de Liberté Religieuse, l'amour insensé de l'indifférence
en matière de Religion...
·
Résolus donc de gratifier tous les
peuples de la liberté de conscience ou plutôt de la liberté de l'erreur,... ils
croient ne rien pouvoir, si d'abord ils n'avancent leur œuvre auprès des
citoyens Italiens et Romains, dont l'autorité et l'action sur les autres
peuples leur serait
·
un secours tout puissant. »
Qu'entend-on
par « coercitio » ?
Il y a la contrainte physique et la contrainte morale.
Ces contraintes sont toujours employées dans toute société
pour ceux qui s'opposent à l'application des lois. Si les lois sont justes et
conformes au droit divin naturel et positif, il est juste que le législateur fasse
observer la loi par la contrainte morale d'abord, la crainte des châtiments et
ensuite par la contrainte physique, ceci à l'image de Dieu lui-même.
Si les gouvernements catholiques
accomplissent leur devoir, comme l'ont demandé tous les Papes, ils ont le
devoir de favoriser la religion catholique et donc de la protéger, dans toute
la mesure du possible, contre les fausses religions, contre l'immoralité, le
scandale des mœurs de ces religions dépravées, et cela non seulement dans
l'intérêt de la religion catholique, mais de leur propre unité et subsistance.
C'est ce que l'Église et les
gouvernants catholiques ont toujours compris et professé. Il serait injurieux
pour l'Église et les gouvernants qui ont mis ces principes en pratique de faire
croire qu'ils ont ignoré la « transcendance de la personne, le mode connaturel
de tendre à la vérité et la liberté de l'acte de foi ». Le document D.H.
appelle cela la dignité humaine.
-
Jugement au sujet de cet article III.
1- L'article III est contraire aux documents du Magistère
de l'Église.
Ces conclusions sont celles qui sont
constamment affirmées dans les Documents Pontificaux. Nous donnons quelques
références, ci-après :
Articles 77 et 78 du « Syllabus ».
77 - Il n'est plus utile, à notre époque, que la religion catholique
soit considérée comme l'unique religion de l'État, à l'exclusion de tous les
autres cultes.
78 - Aussi c'est avec raison que dans quelques pays
catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent
de l'exercice public de leurs cultes particuliers.
Les Propositions IV et V du Synode de Pistoie condamnées
par Pie IX dans
On trouve une références nombreuses à ce sujet dans le
Recueil des Documents Pontificaux de Solesmes : «
2 - L'article III
est contraire à la pratique constante de l'Église.
D'autre part si le paragraphe 3 est
vrai, il condamne le Saint-Office « Sanctum Officium Inquisitionis » qui a été
fondé pour la défense de la foi catholique et qui n'a jamais hésité à faire
appel au bras séculier contre les hérétiques notoires et scandaleux.
L'affirmation de ce No. 3 qui résume
en effet le document D.H. est donc contraire non seulement à toute pratique
séculaire du Saint-Office dont le Pape a toujours été personnellement le
Préfet, et à tout le Droit public de l'Église, théorique et pratique.
2-
L'article III est contraire au Droit public de l'Église.
Le
Droit public de l'Église fondé sur les principes les plus élémentaires de
Demander
aux gouvernants de laisser la liberté de l'erreur, la liberté des cultes, c'est
leur imposer la neutralité, le laïcisme, le pluralisme qui finit toujours par
profiter à l'erreur. Les Documents Pontificaux sont formels à ce sujet.
Conséquences désastreuses de l'abandon de la doctrine
traditionnelle de l'Église concernant les devoirs de la cité par rapport à
l'Église.
-1-Interventions du Saint-Siège pour la liberté des fausses
religions, par la suppression dans les Constitutions des États catholiques du
premier article exprimant que seule
Exemples de
-2-
Intervention du Saint-Père lui-même dans le discours après le Concile et à
l'occasion de la réception officielle au Vatican du Roi d'Espagne s'appuyant
sur le document de
« Que vous demande l'Église aujourd'hui ? Elle vous l'a
dit dans un des textes majeurs du Concile : elle ne vous demande que la liberté.
»
On ne peut s'empêcher d'y voir un
écho aux affirmations de Lamennais lors de la fondation de son journal «
L'Avenir » (Dictionnaire de Théologie Catholique, L. 9 - 1ère colon. 526-527) :
« Beaucoup de catholiques en France aiment la liberté. Que
les libéraux s'entendent donc avec eux pour réclamer la liberté entière,
absolue d'opinion, de doctrine, de conscience, de culte, de toutes les libertés
civiles sans privilège, sans restriction. D'un autre côté que les catholiques
le comprennent aussi
Il
suffit de lire le livre de Marcel Prélot « Le Libéralisme catholique » édité en
1969 pour voir le parti qu'ont tiré les libéraux de ces affirmations.
La
condamnation de Lamennais par le Pape Grégoire XVI dans son Encyclique « Mirari
vos » manifeste l'opposition entre les prédécesseurs de Paul VI et Paul VI
lui-même.
A ces déclarations font écho les
paroles du Cardinal Colombo de Milan. « Lo Stato non puo essere altro che
laïco. » Je n'ai pas entendu dire que
-3- La logique
de cet abandon entraîne les États même catholiques à adopter des lois
contraires au Décalogue, sous la pression des fausses religions, sous le
prétexte de ne pas les brimer dans leur morale.
Conclusion.
Ce point est d'une importance
majeure. S'il s'agissait simplement de constater l'obligation imposée par les
faits d'une tolérance religieuse, on pourrait encore l'admettre.
Mais admettre que
cette liberté religieuse est basée sur un droit naturel, cela est absolument
contraire à la nécessité du salut éternel fondé sur la foi catholique, sur
Enlever au législateur le moyen d'appliquer sa loi,
surtout lorsqu'il s'agit de ce qui importe le plus au salut des âmes, c'est
rendre la foi inefficace. Admettre qu'on puisse impunément braver la loi du
salut des âmes, la mettre en échec, c'est l'anéantir, c'est rendre impuissants
les gouvernements catholiques dans l'accomplissement primordial de leur tâche.
« Allez trouver
le Roi (Louis XVIII), dit le Pape Pie VII à Monseigneur de Boulogne, Évêque de
Troyes, dans sa Lettre Apostolique « Post tain diuturnas », faites-lui savoir
la profonde affliction... dont notre âme se trouve assaillie et accablée par
des motifs mentionnés. Représentez-lui quel coup funeste pour la religion
catholique, quel péril pour les âmes, quelle ruine pour la foi serait le
résultat de son consentement aux articles de la dite Constitution (22e, 23e
art. Liberté des cultes et de presse)... Dieu lui-même aux mains de qui sont
les droits de tous les royaumes et qui vient de lui rendre le pouvoir... exige
certainement de lui qu'il c fasse servir principalement cette puissance au
soutien et à la splendeur de son Église. »
Ce n'est malheureusement pas ce
langage que le Pape Paul VI a tenu au Roi d'Espagne.
C'est donc en définitive parce que nous croyons à
l'infaillibilité des Papes lorsqu'ils proclament des vérités maintes fois
affirmées par leurs Prédécesseurs que nous ne pouvons pas admettre le
paragraphe No. 3 de la Liberté Religieuse tel qu'il est rédigé dans l'Annexe.
Analyse de l'Article IV : Quatrième raison
Voici le texte de l’article 4 de Dignitatis humanae :
4. Liberté des groupes
religieux
La liberté ou immunité de
toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi
leur être reconnue lorsqu'ils agissent ensemble. Des groupes religieux, en
effet, sont requis par la nature sociale tant de l'homme que de la religion
elle-même. Dès lors, donc, que les justes exigences de l'ordre public ne sont
pas violées, ces groupes sont en droit de jouir de cette immunité afin de
pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d'un culte public
Les groupes religieux ont également le droit de ne pas être empêchés, par les
moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de
choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les
transférer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses
résidant dans d'autres parties du monde, d'édifier des édifices religieux,
ainsi que d'acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.
Aux groupes religieux appartient, de même, le droit de ne pas être empêchés
d'enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit.
Mais dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses
on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de
coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s'il
s'agit des gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d'agir doit
être regardée comme un abus de son propre droit et une entorse au droit des
autres.
La liberté religieuse demande, en outre, que les groupes religieux ne soient
pas empêchés de manifester librement l'efficacité singulière de leur doctrine
pour organiser la société et vivifier toute l'activité humaine. Dans la nature
sociale de l'homme, enfin, ainsi que dans le caractère même de la religion se
trouve le fondement du droit qu'ont les hommes, mus par leur sentiment religieux,
de tenir librement des réunions ou de constituer des associations éducatives,
culturelles, caritatives et sociales »
« L'affirmation de ce droit à la liberté religieuse est dans la ligne des documents pontificaux antérieurs (Cf. D.H. 2, note 2) qui, face aux excès de l'étatisme et au totalitarisme, ont affirmé le droit de la personne humaine" (ou « droits fondamentaux »).
RÉPONSE.
Il suffit de se reporter aux textes
cités dans la note en question et à l'intéressante thèse du P. André-Vincent
(Op. cit.) qui est en substance la « quatrième raison » apportée pour défendre
l'orthodoxie de D.H. Nous prendrons les textes dans l'ordre chronologique.
1. Léon XIII, Encyclique « Libertas »,
du 20.VI.1888.
Effectivement, Léon XIII proclame
certains droits de la personne humaine, encore qu'implicitement :
a) Droit de la personne à exiger de
l'État une protection efficace contre la propagation de l'erreur, notamment en
matière religieuse.
Léon XIII expose la doctrine
catholique, qui, on le verra, est tout à fait opposée à la liberté de
propagation de l'erreur proclamée par Vatican II (1).
NB (1) < Dans les limites d'un ordre public juste
>, ce qui ne limite rien Car selon D.H. : 1) l'ordre public ne regarde pas
les devoirs de l'État envers la vérité, en particulier religieuse, 2) c'est
l'arbitraire de l'État qui va décider de ce qu'il faut ou non tolérer, et non
l'Église, à qui pourtant ce droit de jugement appartient en propre
Laissons le P. André-Vincent exposer les choses comme il
les voit.
« C'est pour la nécessaire protection
des personnes que Léon XIII revendique pour l'Église la sauvegarde de l'État :
par égard à la faiblesse humaine. Et quand il affirmait le devoir de l'État de
réprimer les excès des " libertés nouvelles ", c'était à une époque
on la masse des fidèles apparaît comme un peuple d'enfants : les êtres humains
ont besoin (- pourquoi ne pas dire même : ont droit ?-) de protection contre
l'erreur : le contrôle des idées subversives n'est pas moins nécessaire que
celui des stupéfiants.
« Les écarts d'un esprit licencieux
qui, pour la multitude ignorante, deviennent facilement une véritable
oppression doivent justement être punis par l'autorité des lois, non moins que
les attentats de la violence commis contre les faibles. » (Libertas, n. 39,
P.I.N. 207.)
La liberté des forts était l'oppression des faibles. Léon
XIII reprenait l'idée de Lacordaire :" entre le fort et le faible, c'est
la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ". L'intervention de
l'État était donc la nécessaire protection des personnes. Le mot " droit
des personnes " n'est pas prononcé par Léon XIII, mais il suffit de
presser un peu sa notion du bien commun (- incluant les devoirs de l'État
envers
Tout
cela est vrai, mais pourquoi le relativiser en parlant à l'imparfait historique
? « La masse des fidèles... peuple d'enfants » est toujours la grande réalité :
nos contemporains sont plus que jamais abandonnés sans défense â l'agression
perpétuelle des mass media qui propagent avec une efficacité incroyable la
corruption des esprits et des mœurs voulue par
Léon XIII définit donc dans
« Libertas » un premier vrai droit de la personne humaine, dont les
composantes sont les suivantes :
1)
C'est un droit naturel, car fondé (au
moins implicitement ici) sur la dignité humaine qui doit éviter sa déchéance
par adhésion à l'erreur (Cf. Immortale Dei, P.I.N. 149) (1).
NB (1) c La liberté, cet élément de perfection pour l'homme, doit
s'appliquer à ce qui est vrai et à ce qui est bon... Si l'intelligence adhère à
des idées fausses, si la volonté choisit le mal et s'y attache, ni l'une ni
l'autre n'atteint sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité naturelle
et se corrompent : sed exciderunt dignitate naturali et in corruptelam ambae
dilabuntur. »
2) Un droit non seulement naturel, mais civil : qui doit
être sanctionné par « l'autorité des lois ».
3) Un droit individuel (au moins
implicitement : ce n'est pas, dans le contexte immédiat, un droit de la société
qu'est l'Église, mais un droit de la personne humaine en tant que telle).
4) Un droit « positif » : droit d'être protégé (c'est
quelque chose de positif) contre la séduction de l'erreur. b) Droit de la
personne, dans l'État, à accomplir les préceptes de Dieu sans que rien ne
puisse l'en empêcher :
« ... mais on peut l'entendre aussi
[- la liberté de conscience et de culte -] en ce sens que l'homme a dans l'État
le droit de suivre, d'après la conscience de son devoir, la volonté de Dieu, et
d'accomplir ses préceptes sans que rien ne puisse l'en empêcher : (Libertas, n.
19, P.I.N. 215).
Il
s'agit donc ici du droit à la liberté de conscience et de religion, mais
précisons bien ses quatre composantes, dont la première est fondamentale, nous
avons affaire à :
1) La
liberté de
2) Un
droit non seulement naturel (fondé sur la nature humaine et sa perfection
opérative), mais aussi un droit « devant l'État » donc un droit civil.
3) Un droit individuel : c'est,
encore, un droit de l'homme ou de la personne humaine, et non un droit de la
société religieuse qu'est l'Église.
4) Un droit « négatif » cette fois.
C'est un droit « de ne pas être empêché » dans l'exercice du vrai culte ;
droit qu'il faut bien distinguer d'un autre : le droit à ne pas être contraint
à pratiquer le vrai culte (ou tout autre culte) ; ce dernier droit, Léon XIII
ne l'envisage pas car ce n'est pas sa perspective, mais Vatican II en parlera
(sans le distinguer suffisamment du premier, et sans le nuancer comme il
faudrait, car certaines contraintes sociales peuvent être admises, comme
stimulants à embrasser la vraie religion).
Une difficulté se présente : l'incise
« d'après la conscience de son
devoir ».
Donnons pour la résoudre le texte
latin :
« Sed potest etiam in bac sententiam
accipi, ut homini EX CONSCIENTIA OFFICII Dei voluntatem sequi et jussa facere nulla re impediente,
in civitate liceat. »
Nous
voyons alors que l'incise « ex
conscientia officii » a un sens explicatif et non pas restrictif. Le sens
restrictif serait le suivant : « L'homme a le droit de suivre, selon ce
qu'en perçoit sa conscience, la volonté de Dieu. » Dans ce cas, même une
conscience erronée sur la nature de la vraie religion aurait ce droit civil ;
ce serait alors accepter qu'il y ait un droit (d'abord naturel, puis civil) à
l'erreur, ce qui n'est manifestement pas l'avis de Léon XIII qui disait plus
haut dans la même Encyclique :
« Le droit est une faculté morale, et, comme nous l'avons
dit, et comme on ne saurait trop le redire, il serait absurde de croire qu'elle
appartient naturellement et sans distinction à la vérité et au mensonge, au
bien et au mal. » (N. 39, P.I.N. 207, AAS 20, 605.)
C'est
donc le sens explicatif qui est le vrai : « l'homme a le droit de suivre, étant donné la conscience de son devoir,
la volonté de Dieu ».
La
difficulté est donc écartée ; voyons
comment Léon XIII va maintenant rapprocher cette liberté de conscience ou
liberté religieuse, droit naturel et civil, individuel, négatif, relatif â la
seule vraie religion, de la notion de dignité humaine, que Vatican II n'a pas
découverte, mais a plutôt pervertie (en disant qu'elle appartient aussi
bien à celui qui est dans la vérité qu'à celui qui est dans l'erreur). Voici
les paroles du Pontife :
« Cette liberté, la vraie liberté digne des enfants
de Dieu, qui protège si glorieusement
Voilà donc définis par Léon XIII deux
droits de la personne humaine :
1) le droit d'exiger de l'Etat une
protection contre l'erreur (religieuse en particulier) ;
2) le
droit, dans l'État, d'accomplir les préceptes de Dieu (en particulier celui de
l'honorer du culte de la vraie religion), sans que rien ne puisse l'en
empêcher.
Que
trouve-t-on en parallèle dans D.H. ? On trouve également deux droits, mais fort
différents des premiers :
1°) Le droit, garanti par l'État, de propager l'erreur : « Aux groupes
religieux appartient, de même, le droit de ne pas être empêchés d'enseigner et
de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. » (D.H., n. 4.)
2°) Le droit de « ne pas être empêché d'agir
selon sa conscience en matière religieuse, en privé comme en public ».
(D.H., n. 2.) (Toujours « dans de justes limites » qui ne le sont pas !) - Et
ceci, même s'il s'agit d'une religion autre que la vraie religion !
CONCLUSION
Loin
de découvrir la « continuité » qu'on espérait y voir, on doit constater au
contraire une évidente contradiction entre « Libertas » et D.H.
2. Pie XI, Encyclique « Mit
brennender Sorge », du 14.111.1937.
« ... L'homme,
en tant que personne, possède des droits qu'il tient de Dieu et qui doivent
demeurer vis-à-vis de la communauté hors de toute atteinte qui tendrait à les
nier, à les abolir ou à les négliger. » (P.I.N. 677.)
« ... Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi
et à la revivre comme elle veut être vécue. Des lois qui étouffent ou rendent
difficiles la profession et la pratique de cette foi sont en contradiction avec
le droit naturel... » (D.C. n. 837-838 du 10-17.IV.1937, col. 915 ; cité
par André-Vincent, op. cit. p. 252.)
De
quel croyant et de quelle foi s'agit-il ?
La
réponse est donnée
1) par le sens obvie des mots « croyant »
et « foi » qui désignent le fidèle et la foi catholiques,
2) par le contexte : cette lettre est adressée aux évêques d'Allemagne, donc
destinée à défendre les droits des catholiques allemands, et, en tant
qu'encyclique, les droits de tous les catholiques qui se trouveraient dans une
situation analogue (devant un régime totalitaire opposé à la religion
catholique), et qui verraient leur droit même simplement « naturel », comme dit
Pie XI, menacé ou bafoué.
Vatican II, lui, utilise le mot « foi
» pour désigner indifféremment la foi catholique et les superstitions des
autres religions ! (Cf. D.H. n. 4, déjà cité.) Et D.H. accorde ce droit
inaliénable aux « croyants » de toutes les religions !
Où se trouve la continuité de doctrine qu'on prétend voir
entre Pie XI et Vatican II ?
2 bis. Encore Pie XI, Encyclique «
Non abbiamo bisogno », du 29.VI.1931.
(Texte non cité par D.H., mais souvent présenté à l'appui
de la thèse de la continuité.)
... Les droits sacrés et inviolables des âmes et de
l'Église. Il s'agit du droit qu'ont les âmes de se procurer le plus grand bien
spirituel sous le magistère et œuvre éducatrice de l'Église, divinement
constituée unique mandataire de ce magistère et de cette âme, en cet ordre
surnaturel fondé dans le sang du Dieu Rédempteur, nécessaire et obligatoire
pour tous, afin de participer à la divine Rédemption. Il s'agit du droit des
âmes ainsi formées, à communiquer les trésors de
C'est en considération de ce double droit des âmes que
Nous Nous disions récemment heureux et fier de combattre le bon combat pour la
liberté des consciences, non pas (comme certains, par inadvertance peut-être,
Nous l'ont fait dire) pour la liberté de conscience, manière de parler
équivoque et trop souvent utilisée pour signifier l'absolue indépendance de la
conscience, chose absurde en une âme créée et rachetée par Dieu..." (D.C.
n. 574 du 18.VII.1931, col. 82, cité par André-Vincent, op. cit., p. 251-252.)
Pie
XI prend bien garde : il ne proclame pas la liberté de conscience, « chose
absurde », mais la liberté des consciences des âmes chrétiennes : cette
« liberté des enfants de Dieu » dont nous parle St. Paul et que Léon
XIII définissait si bien :
« La liberté consiste en ce que, par le
secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les
prescriptions de la loi éternelle. » (Libertas, n. 17, P.I.N. 185.)
Et Léon XIII la défendait en ces termes :
« Cette liberté, la vraie liberté digne
des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la dignité de la personne
humaine, est au-dessus de toute violence et de toute oppression. » (Ibid., n.
49, P.I.N. 215.)
Pie
XI proclame donc cette liberté de conscience des âmes chrétiennes, et non pas, comme
Vatican II, « le droit à ne pas être empêché d'agir... selon sa conscience
» en matière religieuse, sans distinction d'une conscience vraie ou d'une
conscience erronée !
Pie XI définit de plus deux droits :
1) « Droit des âmes de se procurer le
plus grand bien spirituel, sous le magistère et l'œuvre éducatrice de l'Église.
»
On
est loin de la « libre recherche » proclamée par Vatican Il et qui existe,
selon le Concile, aussi bien dans « l'enseignement et l'éducation » que
dans « l'échange et le dialogue »... (D.H., n. 3). Au contraire, on se
sent en pleine continuité avec l'enseignement de Léon XIII sur le droit de la
personne à la protection de l'État contre la diffusion de l'erreur.
2) « Droit des
âmes catholiques à communiquer le trésor de
On est loin du droit accordé par Vatican II « aux groupes
religieux [- sans distinction -] de ne pas être empêchés d'enseigner et de
manifester leur foi publiquement de vive voix et par écrit » ! Vatican II mêle
à plaisir le trésor de la Rédemption et les superstitions étrangères à la vraie
foi !
Où se trouve la continuité qu'on prétend voir entre Pie XI
et Vatican II ?
3. Pie
XII : Radiomessage de Noël : 24.XIL1942.
Le Pontife, « en plein enfer de la
guerre, ose jeter les bases de la paix... Après avoir marqué le lien entre les
deux phénomènes de la prolétarisation et du totalitarisme d'État, Pie XII
indique la direction de l'effort à poursuivre pour renverser le processus de
dissolution » (André-Vincent, op. cit., p. 114-115) :
« Promouvoir le respect et
l'exercice pratique des droits fondamentaux de la personne, à savoir : le droit
à entretenir et à développer la vie corporelle, intellectuelle et morale, en
particulier le droit à une formation et à une éducation religieuse ; le droit
au culte de Dieu privé et public, y compris l'action charitable religieuse... »
Pie XII revendique ici les « droits
fondamentaux » de la personne humaine, c'est-à-dire des « droits naturels » qui
doivent devenir des droits civils. La difficulté est l'interprétation de
l'expression « droit au culte de Dieu,
privé ou public ».
Est-ce demander, comme Vatican II, le
« droit d'honorer d'un culte public la divinité suprême » (D.H. n. 4) ? Nous
devons répondre, non!
- L'expression
« culte de Dieu » est simplement, dans la bouche de Pie XII, une ABSTRACTION DE
Car
il s'agit, selon nous, de défendre « in
directo » les droits des âmes catholiques (Cf. Pie XI), et aussi « in obliquo » de réprouver les exactions
des régimes totalitaires (athées notamment), qui atteignent aussi injustement
catholiques et acatholiques.
- Le
texte de D.H. au contraire, parle d'emblée explicitement de « liberté des
groupes religieux » : l'expression « honorer la divinité suprême » doit donc
être comprise, dans ce contexte, comme une ABSTRACTION
DE TOUTES LES RELIGIONS, qui inclut toutes celles-ci
implicitement au même degré. Elle ne respecte pas, par conséquent, le caractère
de la seule vraie religion, de la religion catholique.
Il y a donc un abîme entre le
Radiomessage de Noël 1942 et D.H. ; les expressions le font pressentir, le
contexte de chaque document est là pour l'expliciter.
4.
Jean XXIII. Encyclique « Pacem in terris » du 11.7V.1963.
Citons le texte dans sa traduction courante :
« Chacun a le droit d'honorer Dieu
suivant la juste règle de la conscience et de professer sa religion dans la vie
privée et publique. »
Suivent une citation de Lactance, et
une de Léon XIII :« Libertas », (N. 39, P.I.N. 215), texte que nous avons cité
ci-dessus à propos de « Non abbiamo bisogno ».
Dans cette version française, Jean
XXIII semble revendiquer pour la personne humaine le droit de professer sa
religion quelle qu'elle soit (indifférentisme de l'État, donc !). Or il n'en
est rien ; la traduction est défectueuse
; le texte latin contient ceci :
« In hominis juribus hoc quoque numerandum est, ut et
deum, ad rectam conscientiae suae normam, venerari possit, et religionem
privatim publice profiteri... »
« Il faut inscrire aussi au nombre
des droits de l'homme, celui de pouvoir vénérer Dieu, selon la droite norme de
sa conscience, et de professer la religion en privé comme en public... "
(A.A.S. 259, 55, 1963.)
On peut donc interpréter ce texte
dans le sens des « droits fondamentaux ' de Pie XII par une « abstraction de la
vraie religion » qui donne le « droit de professer la religion »; l'incise « selon la droite norme de sa
conscience »
peut aussi être interprétée en un
sens traditionnel : « selon la conscience de chacun, rectifiée par la vertu de
prudence, et adhérant au vrai ». (On peut aussi interpréter en ce sens la même
expression dans Gaudium et Spes, n. 16.)
Dans
cette hypothèse « Pacem in terris » manifeste le même hiatus que les textes
antérieurs, avec Vatican II.
Mais un auteur autorisé, qui
participa à la rédaction de l'Encyclique), Mgr Pietro Pavan fait un aveu
révélateur, que nous expose René Laurentin, qui parlant de D.H., écrit :
« Ce « droit de la personne » n'est pas une acquisition
conciliaire. Le décret (D.H.) l'a repris de « Pacem in terris » et les formules
de cette encyclique, qui avait d'abord été assumée telle qu'elle, n'a pu être
maintenue qu'au prix d'atténuations. Pourtant, la déclaration (D.H.) prise dans
son ensemble n'est pas un retrait, et lève même certaines ambiguïtés qui
avaient été volontairement maintenues dans « Pacem in terris ». (R. Laurentin, Bilan du Concile, Paris, Seuil, 1966,
pp. 329-330.)
En quoi pouvait donc consister l'ambiguïté
volontaire ? Sinon en ce que les rédacteurs se sont arrangés à conserver la
possibilité de l'interprétation traditionnelle par des expressions « atténuées «
professer la religion », « selon la droite norme de sa conscience » qui
néanmoins préparaient, en ne l'excluant pas, la conception nouvelle de D.H.
En tout cas, dans l'hypothèse de
cette ambiguïté calculée, « Pacem in terris » ne mérite, au moins en la
matière, aucunement l'assentiment dû aux documents du Magistère ordinaire de
l'Eglise, et sa citation, à l'appui de D.H., est sans valeur, ni force aucune.
Après cette démonstration très
précise, Mgr Lefebvre concluait :
Nous croyons avoir ainsi suffisamment montré
que D.H. ne s'inscrit pas comme on le prétend dans la ligne des documents
pontificaux antérieurs que l'on peut alléguer en la matière.