ITEM

 

Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 19 juin 2009

 

N° 221

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

 

Mgr Lefebvre

la FSSPX

et

la liberté religieuse.

IV

Les conversations  théologiques des autorités romaines avec la FSSPX vont enfin bientôt commencer. Il fallait le faire depuis longtemps… Mais mieux vaut tard que jamais. Quoi qu’il en soit, je m’en réjouis profondément…L’œuvre de Mgr Lefebvre me tient à cœur. Vous l’imaginez. On  apprend même que Mgr Fellay serait près d’accepter une « situation pratique » - un compromis provisoire - avant même qu’un accord doctrinal puisse être conclu.  Il y a longtemps que je le suggérais. Ce serait une heureuse chose car, pour moi, les conversations doctrinales risques d’être longues… Principalement sur le problème de la liberté religieuse - on le comprendra bien encore en lisant la démonstration qui suit de Mgr Lefebvre…à moins que l’on adopte la solution de M l’abbé Celier (voir mon livre « Plaidoyer pour l’unité : chapitre 8 : Vers un accord).   M l’abbé Celier suggère que l’on s’inspire de l’accord  de Brest-Litovsk qui a permis le rapprochement entre l’Eglise ruthène (Ukrainienne) et l’Eglise catholique romaine.

 

On lit toutes ces bonnes nouvelles dans  une « nouvelle » du Salon Beige du  16 juin 2009

 

Là, on apprend en effet que « Mgr Bernard Fellay a révélé à Zenit que la congrégation pour la doctrine de foi l'avait informé de la publication imminente, d'ici le 20 juin, d'une déclaration de Benoît XVI sous forme de motu proprio sur la nouvelle structure de Ecclesia Dei. L'évêque a confirmé avoir rencontré, le 5 juin dernier, le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

La Commission pontificale Ecclesia Dei continuera à être une entité distincte au sein du dicastère de l'Eglise pour les questions doctrinales. Il est probable que le responsable exécutif d'Ecclesia Dei soit un membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

La publication de ce Motu Proprio interviendrait ainsi avant les ordinations au sein de la Fraternité Saint-Pie X, ordinations qui provoquent quelques remous dans certains diocèses, notamment en Allemagne, où des évêques insistent sur le vide juridique concernant la situation canonique de la Fraternité. Mgr Fellay préfère régler ces questions doctrinales avant d'accepter le statut canonique dans l'Eglise, mais il insiste néanmoins sur son ouverture à un compromis provisoire : « Si Rome nous donne des garanties suffisantes de survie, en quelque sorte, je pense que nous prendrons certainement en considération la question » .

Vraiment tout cela me réjouit. Et va dans le bon sens.

 

On sait que c’est le problème de  la liberté religieuse d’après Vatican II, ainsi que  la réforme liturgique, la réforme de la Sainte Messe, qui sont au cœur, depuis « l’origine », des difficultés avec Rome, Mgr Lefebvre et la FSSPX.

Nous avons déjà abordé le problème de la Nouvelle Messe. Voyez le « Regard sur le monde »  du 20 mars 2009, n° 208, intitulé « Mgr Lefebvre et la Nouvelle Messe.

 

Nous avons abordé dans trois  numéros, déjà, le problème de la liberté religieuse.

Voyez les numéros  217, 218, 219.

Il nous faut poursuivre pour avoir toute la pensée de Mgr Lefebvre. C’est celle que nos confrères doivent défendre devant les autorités romaines.

 

Il faut tout d’abord nous rappeler la lettre du cardinal Seper du 28 janvier 1978

 

Voici les critiques que le cardinal Seper adresse à la pensée de Mgr Lefebvre sur ce sujet. Mgr Lefebvre y répondra point par point.

 

1-       La liberté religieuse selon le Concile Vatican II.

 

« Bien des fois, Monseigneur, vous vous êtes exprimé à son sujet, par exemple dans le texte suivant : « Jamais ce terme là (celui de la liberté religieuse) n’a été compris dans le sens admis par le Concile. Tous les documents précédents de l’Eglise qui parlent de la liberté religieuse entendent parler de la liberté de la religion (la vraie) et jamais de la liberté des religions. Toujours lorsque l’Eglise a parlé de cette liberté-là, elle a parlé de la liberté de la religion ( vraie) et de la tolérance vis-à-vis des autres religions. On tolère l’erreur. Lui donner la liberté, c’est lui donner un droit : or elle n’en a pas. La vérité seule a des droits. Admettre la liberté religieuse des religions, c’est donner le même droit à la vérité qu’à l’erreur. Cela est impossible. Jamais l’Eglise ne peut dire une chose pareille. A mon avis, oser dire cela est blasphémer…Si nous avons la foi, nous n’avons pas le droit d’admettre cela ; c’est l’erreur du droit commun qui a été condamné par Pie IX et touts les Papes » (Mgr Lefebvre. Un évêque parle. 1976. p. 196-197)


Cette déclaration appelle les remarques suivantes :

 

  La Déclaration sur la liberté religieuse doit être lue dans le contexte des autres documents conciliaires, en particulier la Constitution dogmatique Lumen Gentium. (LG).  Elle dit clairement que « l’unique et vraie religion…. Subsiste dans l’Eglise catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes »  Dignitatis humanae, (DH) (1)

 

  Le Concile n’enseigne nullement cet indifférentisme religieux condamné par les Papes. Il affirme au contraire que les hommes ont l’obligation morale de chercher la vérité, de la connaître et de régler toute leur vie selon ses exigences (Dignitatis Humanae, (2) Il rappelle aux fidèles le devoir de l’apostolat missionnaire et celui de former la conscience par la doctrine « sainte et certaine » de l’Eglise catholique « maîtresse de vérité de par la volonté du Christ » (cf D.H., 14)

 

Le Concile reconnaît à la personne humaine le droit de la liberté religieuse, c’est-à-dire le droit d’être à l’égard de tout pouvoir humain, exempte de contrainte (coercitio) en matière de recherche, de choix, de  profession même publique d’une religion (D.H. 2). Il fonde ce droit non pas sur un prétendu « droit » égal de ou à la vérité et à l’erreur, mais sur la transcendance de la personne et de ses droits ultimes à l’égard de la société civile, sur le plan connaturel à l’homme de tendre à la vérité et de la reconnaître selon le jugement de sa conscience et sur la liberté de l’acte de foi. (D.H. 2,3 10)

 

4° L’affirmation de ce droit à la liberté religieuse est dans la ligne des documents pontificaux antérieurs (cf. D.H. 2, note 2) qui, face aux excès de l’étatisme et aux totalitarismes modernes ont affirmé les droits de la personne humaine. Par la Déclaration conciliaire, ce point de doctrine entre clairement dans l’enseignement du Magistère et, bien qu’il ne soit pas l’objet d’une définition, il réclame docilité et assentiment (cf. Const. Dogm. Lumen Gentium, 25)

Il n’est donc pas licité aux fidèles catholiques de le rejeter comme erroné, mais ils doivent l’accepter selon le sens et la portée exacte que lui a donné le Concile, compte tenu de la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir morale de l’homme et des sociétés envers la vraie religion et l’unique Eglise du Christ » (cF D.H. 1)

 

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Nous avons déjà donné les réponses de Mgr Lefebvre aux affirmations 1 et 2 essentiellement centrées sur l’article 14 de Dignitatis humanae.

Il nous faut maintenant donner la réponse aux deux dernières objections de la Lettre du cardinal Seper: les objections 3 et 4 qui concernent les articles 3 et 4 de la déclaration Dignitatis  Humanae (D.H.).

 

Voici tout d’abord le texte conciliaire de l’article 3

 

3. Liberté religieuse et relation de l'homme à Dieu
 
Tout ceci est plus clairement manifeste encore à qui prend en considération que la norme suprême de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle, objective et universelle par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier et dispose les voies de la communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l'homme participant de telle sorte que par une heureuse disposition de la providence divine, celui-ci puisse toujours davantage accéder à l'immuable vérité *. C'est pourquoi chacun a le devoir, et par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse afin de se former prudemment, un jugement de conscience droit et vrai, en employant les moyens appropriés.
Mais la vérité doit être cherchée selon la manière propre à la dignité de la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, avec l'aide du magistère, c'est-à-dire de l'enseignement, de l'échange et du dialogue par lesquels les uns exposent aux autres la vérité qu'ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la quête de la vérité; la vérité une fois connue, c'est par un assentiment personnel qu'il faut y adhérer fermement.
Mais c'est par la médiation de sa conscience que l'homme perçoit les injonctions de la loi divine; c'est elle qu'il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités pour parvenir à sa fin qui est Dieu.

Il ne doit donc pas être contraint d'agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. De par son caractère même, en effet, l'exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne directement à Dieu: de tels actes ne peuvent être ni imposés, ni interdits par aucun pouvoir purement humain (3). Mais la nature sociale de l'homme requiert elle-même qu'il exprime extérieurement ces actes internes de religion, qu'en matière religieuse il ait des échanges avec d'autres, qu'il professe sa religion sous une forme communautaire.
C'est donc faire injure à la personne humaine et à l'ordre même établi par Dieu pour tes êtres humains que de refuser à l'homme le libre exercice de la religion sur le plan de la société dès lors que l'ordre public juste est sauvegardé.
En outre, par nature, les actes religieux par lesquels, en privé ou publiquement, l'homme s'ordonne à Dieu en vertu d'une décision personnelle, transcendent l'ordre terrestre et temporel des choses. Le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel, doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens, mais il faut dire qu'il dépasse ses limites s'il s'arroge le droit de diriger ou d'empêcher les actes religieux.

* Cf. S. Thomas, Summa theologica, I- III, q. 91, a. 1; q. 93, a. 1-2.

 

Voici maintenant les critiques de Mgr Lefebvre.

 

Analyse de l'Article III. Troisième raison :

 

 

Le document D.H. a omis toutes les distinctions nécessaires pour qu'il soit admissible :

 

Qu'entend-on par la liberté religieuse lorsque l'on dit que la personne humaine a le droit à la liberté religieuse. Déjà telle quelle, cette phrase est ambiguë, on ne peut avoir de droit moral que pour la vérité et non pour l'erreur. A supposer qu'il s'agisse d'un droit civil, il ne peut être que l'expression d'une tolérance et non d'un droit strict. C'est ce que dit le Pape Léon XIII dans son Encyclique « Libertas ».

 

Les raisons données pour ce droit de la personne humaine confondent la liberté naturelle ou psychologique et la liberté morale. Les débuts de l'Encyclique « Libertas » sont très clairs à ce sujet. La liberté naturelle est la liberté considérée dans son essence sans la considération de la fin qu'elle doit poursuivre. Dès lors qu'elle entre en exercice, elle accomplit des actes humains qui tombent sous la loi et ont un aspect moral qui place la liberté sous une autorité, qui n'est autre que celle de Dieu à laquelle participent toutes les autorités humaines, chacune dans ses limites.

L'exercice de cette liberté s'étend à des actes divers, que le document D.H. passe sous silence. On doit distinguer les actes internes et les actes externes, les actes externes privés et les actes externes publics.

Tous ces actes tombent sous l'autorité de Dieu. Pour les catholiques,  l'Église a un pouvoir soit au for interne soit au for externe selon ce qu'exprime le Droit Canon. La famille a un droit sur les actes externes privés et publics des enfants avant leur majorité. L'État a un devoir et un droit sur les actes externes publics, dans leur rapport avec le bien commun, qui ne peut se concevoir sans relation avec la seule vraie religion.

De nombreux documents du Saint-Siège expriment ces devoirs et ces droits, la pratique de l'Église le confirme par les concordats, par le rappel constant des devoirs des Chefs d'État vis-à-vis de la seule et unique vraie religion.

Ce paragraphe 3 implique la neutralité de l'État, si celui-ci doit admettre «  la profession même publique d'une religion ». Cette affirmation est inconcevable car cela signifie la profession publique de l'erreur. Le document D.H. est très explicite en effet sur ce sujet. Le paragraphe 4 de D.H. est absolument scandaleux et contredit tout l'enseignement de l'Église. «  La liberté religieuse demande en outre que les groupes religieux ne soient pas empêchés de manifester librement l'efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l'activité humaine. » (D.H. 4.)

Aucun catholique, digne de ce nom, ne peut souscrire une pareille infamie.

 

Citation de Grégoire XVI « Inter praecipuas » - 8 mai 1844 :

 

« Il nous est prouvé par des messages et des documents reçus il y a peu de temps que des hommes de sectes diverses se sont réunis l'an dernier à New-York « en Amérique et à la veille des ides de juin, ont formé une nouvelle Association dite de l' « Alliance Chrétienne », destinée à recevoir dans son sein des membres de tous pays et de toute nation et à se fortifier par l'adjonction ou l'affiliation d'autres Sociétés établies pour lui venir en aide, dans le but commun d'inoculer aux Romains et aux autres peuples de l'Italie, sous le nom de Liberté Religieuse, l'amour insensé de l'indifférence en matière de Religion...

·   Résolus donc de gratifier tous les peuples de la liberté de conscience ou plutôt de la liberté de l'erreur,... ils croient ne rien pouvoir, si d'abord ils n'avancent leur œuvre auprès des citoyens Italiens et Romains, dont l'autorité et l'action sur les autres peuples leur serait

·     un secours tout puissant. »

Qu'entend-on par « coercitio » ?

Il y a la contrainte physique et la contrainte morale.

 

Ces contraintes sont toujours employées dans toute société pour ceux qui s'opposent à l'application des lois. Si les lois sont justes et conformes au droit divin naturel et positif, il est juste que le législateur fasse observer la loi par la contrainte morale d'abord, la crainte des châtiments et ensuite par la contrainte physique, ceci à l'image de Dieu lui-même.

Si les gouvernements catholiques accomplissent leur devoir, comme l'ont demandé tous les Papes, ils ont le devoir de favoriser la religion catholique et donc de la protéger, dans toute la mesure du possible, contre les fausses religions, contre l'immoralité, le scandale des mœurs de ces religions dépravées, et cela non seulement dans l'intérêt de la religion catholique, mais de leur propre unité et subsistance.

C'est ce que l'Église et les gouvernants catholiques ont toujours compris et professé. Il serait injurieux pour l'Église et les gouvernants qui ont mis ces principes en pratique de faire croire qu'ils ont ignoré la « transcendance de la personne, le mode connaturel de tendre à la vérité et la liberté de l'acte de foi ». Le document D.H. appelle cela la dignité humaine.

- Jugement au sujet de cet article III.

1- L'article III est contraire aux documents du Magistère de l'Église.

 

Ces conclusions sont celles qui sont constamment affirmées dans les Documents Pontificaux. Nous donnons quelques références, ci-après :

Articles 77 et 78 du « Syllabus ».

77 - Il n'est plus utile, à notre époque, que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'État, à l'exclusion de tous les autres cultes.

78 - Aussi c'est avec raison que dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers.

Les Propositions IV et V du Synode de Pistoie condamnées par Pie IX dans la Bulle « Auctorem Fidei »

 

On trouve une références nombreuses à ce sujet dans le Recueil des Documents Pontificaux de Solesmes : « La Paix intérieure des Nations », en particulier à la table logique :« Le Libéralisme Politique » et « La Cité chrétienne ».

2 - L'article III est contraire à la pratique constante de l'Église.

 

 

D'autre part si le paragraphe 3 est vrai, il condamne le Saint-Office « Sanctum Officium Inquisitionis » qui a été fondé pour la défense de la foi catholique et qui n'a jamais hésité à faire appel au bras séculier contre les hérétiques notoires et scandaleux.

L'affirmation de ce No. 3 qui résume en effet le document D.H. est donc contraire non seulement à toute pratique séculaire du Saint-Office dont le Pape a toujours été personnellement le Préfet, et à tout le Droit public de l'Église, théorique et pratique.

 

2-      L'article III est contraire au Droit public de l'Église.

 

    Le Droit public de l'Église fondé sur les principes les plus élémentaires de la Révélation et de la théologie, exige des États païens qu'ils admettent la Mission de l'Église et la liberté de son enseignement, et des États catholiques qu'ils aident l'Église dans son devoir de sanctifier et gouverner les fidèles et de protéger leur foi contre les scandales des erreurs de l'hérésie et de l'immoralité.

 

Demander aux gouvernants de laisser la liberté de l'erreur, la liberté des cultes, c'est leur imposer la neutralité, le laïcisme, le pluralisme qui finit toujours par profiter à l'erreur. Les Documents Pontificaux sont formels à ce sujet.

 

Conséquences désastreuses de l'abandon de la doctrine traditionnelle de l'Église concernant les devoirs de la cité par rapport à l'Église.

-1-Interventions du Saint-Siège pour la liberté des fausses religions, par la suppression dans les Constitutions des États catholiques du premier article exprimant que seule la Religion catholique est officiellement reconnue comme religion de l'État.

Exemples de la Colombie, de l'Espagne, de l'Italie, des États suisses du Valais et du Tessin, où les Nonciatures ont encouragé ces États à supprimer cet article de leurs Constitutions.

-2- Intervention du Saint-Père lui-même dans le discours après le Concile et à l'occasion de la réception officielle au Vatican du Roi d'Espagne s'appuyant sur le document de la Liberté Religieuse :

« Que vous demande l'Église aujourd'hui ? Elle vous l'a dit dans un des textes majeurs du Concile : elle ne vous demande que la liberté. »

 

On ne peut s'empêcher d'y voir un écho aux affirmations de Lamennais lors de la fondation de son journal « L'Avenir » (Dictionnaire de Théologie Catholique, L. 9 - 1ère colon. 526-527) :

« Beaucoup de catholiques en France aiment la liberté. Que les libéraux s'entendent donc avec eux pour réclamer la liberté entière, absolue d'opinion, de doctrine, de conscience, de culte, de toutes les libertés civiles sans privilège, sans restriction. D'un autre côté que les catholiques le comprennent aussi la Religion n'a besoin que d'une chose : la Liberté. »

Il suffit de lire le livre de Marcel Prélot « Le Libéralisme catholique » édité en 1969 pour voir le parti qu'ont tiré les libéraux de ces affirmations.

La condamnation de Lamennais par le Pape Grégoire XVI dans son Encyclique « Mirari vos » manifeste l'opposition entre les prédécesseurs de Paul VI et Paul VI lui-même.

A ces déclarations font écho les paroles du Cardinal Colombo de Milan. « Lo Stato non puo essere altro che laïco. » Je n'ai pas entendu dire que la Congrégation pour la foi l'ait réprimandé.

     -3- La logique de cet abandon entraîne les États même catholiques à adopter des lois contraires au Décalogue, sous la pression des fausses religions, sous le prétexte de ne pas les brimer dans leur morale.

Conclusion.

Ce point est d'une importance majeure. S'il s'agissait simplement de constater l'obligation imposée par les faits d'une tolérance religieuse, on pourrait encore l'admettre.

Mais admettre que cette liberté religieuse est basée sur un droit naturel, cela est absolument contraire à la nécessité du salut éternel fondé sur la foi catholique, sur la Vérité.

Enlever au législateur le moyen d'appliquer sa loi, surtout lorsqu'il s'agit de ce qui importe le plus au salut des âmes, c'est rendre la foi inefficace. Admettre qu'on puisse impunément braver la loi du salut des âmes, la mettre en échec, c'est l'anéantir, c'est rendre impuissants les gouvernements catholiques dans l'accomplissement primordial de leur tâche.

« Allez trouver le Roi (Louis XVIII), dit le Pape Pie VII à Monseigneur de Boulogne, Évêque de Troyes, dans sa Lettre Apostolique « Post tain diuturnas », faites-lui savoir la profonde affliction... dont notre âme se trouve assaillie et accablée par des motifs mentionnés. Représentez-lui quel coup funeste pour la religion catholique, quel péril pour les âmes, quelle ruine pour la foi serait le résultat de son consentement aux articles de la dite Constitution (22e, 23e art. Liberté des cultes et de presse)... Dieu lui-même aux mains de qui sont les droits de tous les royaumes et qui vient de lui rendre le pouvoir... exige certainement de lui qu'il c fasse servir principalement cette puissance au soutien et à la splendeur de son Église. »

Ce n'est malheureusement pas ce langage que le Pape Paul VI a tenu au Roi d'Espagne.

C'est donc en définitive parce que nous croyons à l'infaillibilité des Papes lorsqu'ils proclament des vérités maintes fois affirmées par leurs Prédécesseurs que nous ne pouvons pas admettre le paragraphe No. 3 de la Liberté Religieuse tel qu'il est rédigé dans l'Annexe.

           Analyse de l'Article IV : Quatrième raison

 

Voici le texte de l’article 4 de Dignitatis humanae :

 

4. Liberté des groupes religieux

La liberté ou immunité de toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi leur être reconnue lorsqu'ils agissent ensemble. Des groupes religieux, en effet, sont requis par la nature sociale tant de l'homme que de la religion elle-même. Dès lors, donc, que les justes exigences de l'ordre public ne sont pas violées, ces groupes sont en droit de jouir de cette immunité afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d'un culte public la Divinité suprême, aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes religieux.
Les groupes religieux ont également le droit de ne pas être empêchés, par les moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les transférer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses résidant dans d'autres parties du monde, d'édifier des édifices religieux, ainsi que d'acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.
Aux groupes religieux appartient, de même, le droit de ne pas être empêchés d'enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. Mais dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s'il s'agit des gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d'agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une entorse au droit des autres.
La liberté religieuse demande, en outre, que les groupes religieux ne soient pas empêchés de manifester librement l'efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l'activité humaine. Dans la nature sociale de l'homme, enfin, ainsi que dans le caractère même de la religion se trouve le fondement du droit qu'ont les hommes, mus par leur sentiment religieux, de tenir librement des réunions ou de constituer des associations éducatives, culturelles, caritatives et sociales »

 

 

« L'affirmation de ce droit à la liberté religieuse est dans la ligne des documents pontificaux antérieurs (Cf. D.H. 2, note 2) qui, face aux excès de l'étatisme et au totalitarisme, ont affirmé le droit de la personne humaine" (ou « droits fondamentaux »).

 

RÉPONSE.

 

Il suffit de se reporter aux textes cités dans la note en question et à l'intéressante thèse du P. André-Vincent (Op. cit.) qui est en substance la « quatrième raison » apportée pour défendre l'orthodoxie de D.H. Nous prendrons les textes dans l'ordre chronologique.

1. Léon XIII, Encyclique « Libertas », du 20.VI.1888.

Effectivement, Léon XIII proclame certains droits de la personne humaine, encore qu'implicitement :

 

a) Droit de la personne à exiger de l'État une protection efficace contre la propagation de l'erreur, notamment en matière religieuse.

Léon XIII expose la doctrine catholique, qui, on le verra, est tout à fait opposée à la liberté de propagation de l'erreur proclamée par Vatican II (1).

NB (1) < Dans les limites d'un ordre public juste >, ce qui ne limite rien Car selon D.H. : 1) l'ordre public ne regarde pas les devoirs de l'État envers la vérité, en particulier religieuse, 2) c'est l'arbitraire de l'État qui va décider de ce qu'il faut ou non tolérer, et non l'Église, à qui pourtant ce droit de jugement appartient en propre

 

Laissons le P. André-Vincent exposer les choses comme il les voit.

 

« C'est pour la nécessaire protection des personnes que Léon XIII revendique pour l'Église la sauvegarde de l'État : par égard à la faiblesse humaine. Et quand il affirmait le devoir de l'État de réprimer les excès des " libertés nouvelles ", c'était à une époque on la masse des fidèles apparaît comme un peuple d'enfants : les êtres humains ont besoin (- pourquoi ne pas dire même : ont droit ?-) de protection contre l'erreur : le contrôle des idées subversives n'est pas moins nécessaire que celui des stupéfiants.

« Les écarts d'un esprit licencieux qui, pour la multitude ignorante, deviennent facilement une véritable oppression doivent justement être punis par l'autorité des lois, non moins que les attentats de la violence commis contre les faibles. » (Libertas, n. 39, P.I.N. 207.)

La liberté des forts était l'oppression des faibles. Léon XIII reprenait l'idée de Lacordaire :" entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ". L'intervention de l'État était donc la nécessaire protection des personnes. Le mot " droit des personnes " n'est pas prononcé par Léon XIII, mais il suffit de presser un peu sa notion du bien commun (- incluant les devoirs de l'État envers la Religion, et par conséquent les droits de la Religion et des fidèles à l'aide de l'État -) pour l'en faire sortir. »

Tout cela est vrai, mais pourquoi le relativiser en parlant à l'imparfait historique ? « La masse des fidèles... peuple d'enfants » est toujours la grande réalité : nos contemporains sont plus que jamais abandonnés sans défense â l'agression perpétuelle des mass media qui propagent avec une efficacité incroyable la corruption des esprits et des mœurs voulue par la Contre-Église.

Léon XIII définit donc dans « Libertas » un premier vrai droit de la personne humaine, dont les composantes sont les suivantes :

1)             C'est un droit naturel, car fondé (au moins implicitement ici) sur la dignité humaine qui doit éviter sa déchéance par adhésion à l'erreur (Cf. Immortale Dei, P.I.N. 149) (1). 

NB (1) c La liberté, cet élément de perfection pour l'homme, doit s'appliquer à ce qui est vrai et à ce qui est bon... Si l'intelligence adhère à des idées fausses, si la volonté choisit le mal et s'y attache, ni l'une ni l'autre n'atteint sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité naturelle et se corrompent : sed exciderunt dignitate naturali et in corruptelam ambae dilabuntur. »

 

 

2) Un droit non seulement naturel, mais civil : qui doit être sanctionné par « l'autorité des lois ».

 

3) Un droit individuel (au moins implicitement : ce n'est pas, dans le contexte immédiat, un droit de la société qu'est l'Église, mais un droit de la personne humaine en tant que telle).

 

4) Un droit « positif » : droit d'être protégé (c'est quelque chose de positif) contre la séduction de l'erreur. b) Droit de la personne, dans l'État, à accomplir les préceptes de Dieu sans que rien ne puisse l'en empêcher :

« ... mais on peut l'entendre aussi [- la liberté de conscience et de culte -] en ce sens que l'homme a dans l'État le droit de suivre, d'après la conscience de son devoir, la volonté de Dieu, et d'accomplir ses préceptes sans que rien ne puisse l'en empêcher : (Libertas, n. 19, P.I.N. 215).

Il s'agit donc ici du droit à la liberté de conscience et de religion, mais précisons bien ses quatre composantes, dont la première est fondamentale, nous avons affaire à :

1) La liberté de LA VRAIE RELIGION : car les préceptes de Dieu dont il est fait mention ne sont accomplis que dans la religion que Dieu lui-même a instituée en se faisant homme et en inaugurant à la Cène et à la Croix le Sacrifice sacramentel de la Nouvelle et Eternelle Alliance.

2) Un droit non seulement naturel (fondé sur la nature humaine et sa perfection opérative), mais aussi un droit « devant l'État » donc un droit civil.

3) Un droit individuel : c'est, encore, un droit de l'homme ou de la personne humaine, et non un droit de la société religieuse qu'est l'Église.

4) Un droit « négatif » cette fois. C'est un droit « de ne pas être empêché » dans l'exercice du vrai culte ; droit qu'il faut bien distinguer d'un autre : le droit à ne pas être contraint à pratiquer le vrai culte (ou tout autre culte) ; ce dernier droit, Léon XIII ne l'envisage pas car ce n'est pas sa perspective, mais Vatican II en parlera (sans le distinguer suffisamment du premier, et sans le nuancer comme il faudrait, car certaines contraintes sociales peuvent être admises, comme stimulants à embrasser la vraie religion).

 

Une difficulté se présente : l'incise « d'après la conscience de son devoir ».

Donnons pour la résoudre le texte latin :

« Sed potest etiam in bac sententiam accipi, ut homini EX CONSCIENTIA OFFICII Dei voluntatem sequi et jussa facere nulla re impediente, in civitate liceat. »

Nous voyons alors que l'incise « ex conscientia officii » a un sens explicatif et non pas restrictif. Le sens restrictif serait le suivant : « L'homme a le droit de suivre, selon ce qu'en perçoit sa conscience, la volonté de Dieu. » Dans ce cas, même une conscience erronée sur la nature de la vraie religion aurait ce droit civil ; ce serait alors accepter qu'il y ait un droit (d'abord naturel, puis civil) à l'erreur, ce qui n'est manifestement pas l'avis de Léon XIII qui disait plus haut dans la même Encyclique :

« Le droit est une faculté morale, et, comme nous l'avons dit, et comme on ne saurait trop le redire, il serait absurde de croire qu'elle appartient naturellement et sans distinction à la vérité et au mensonge, au bien et au mal. » (N. 39, P.I.N. 207, AAS 20, 605.)

 

 

C'est donc le sens explicatif qui est le vrai : « l'homme a le droit de suivre, étant donné la conscience de son devoir, la volonté de Dieu ».

La difficulté est donc écartée ; voyons comment Léon XIII va maintenant rapprocher cette liberté de conscience ou liberté religieuse, droit naturel et civil, individuel, négatif, relatif â la seule vraie religion, de la notion de dignité humaine, que Vatican II n'a pas découverte, mais a plutôt pervertie (en disant qu'elle appartient aussi bien à celui qui est dans la vérité qu'à celui qui est dans l'erreur). Voici les paroles du Pontife :

« Cette liberté, la vraie liberté digne des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE, est au-dessus de toute violence et de toute oppression. » (N. 49, P.I.N. 215.)

Voilà donc définis par Léon XIII deux droits de la personne humaine :

1) le droit d'exiger de l'Etat une protection contre l'erreur (religieuse en particulier) ;

2) le droit, dans l'État, d'accomplir les préceptes de Dieu (en particulier celui de l'honorer du culte de la vraie religion), sans que rien ne puisse l'en empêcher.

 

Que trouve-t-on en parallèle dans D.H. ? On trouve également deux droits, mais fort différents des premiers :

1°) Le droit, garanti par l'État, de propager l'erreur : « Aux groupes religieux appartient, de même, le droit de ne pas être empêchés d'enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. » (D.H., n. 4.)

2°) Le droit de « ne pas être empêché d'agir selon sa conscience en matière religieuse, en privé comme en public ». (D.H., n. 2.) (Toujours « dans de justes limites » qui ne le sont pas !) - Et ceci, même s'il s'agit d'une religion autre que la vraie religion !

 

CONCLUSION Loin de découvrir la « continuité » qu'on espérait y voir, on doit constater au contraire une évidente contradiction entre « Libertas » et D.H.

2. Pie XI, Encyclique « Mit brennender Sorge », du 14.111.1937.

 

 

«  ... L'homme, en tant que personne, possède des droits qu'il tient de Dieu et qui doivent demeurer vis-à-vis de la communauté hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les abolir ou à les négliger. » (P.I.N. 677.)

« ... Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la revivre comme elle veut être vécue. Des lois qui étouffent ou rendent difficiles la profession et la pratique de cette foi sont en contradiction avec le droit naturel... » (D.C. n. 837-838 du 10-17.IV.1937, col. 915 ; cité par André-Vincent, op. cit. p. 252.)

 

 

De quel croyant et de quelle foi s'agit-il ?

La réponse est donnée    

1) par le sens obvie des mots « croyant » et « foi » qui désignent le fidèle et la foi catholiques,

2) par le contexte : cette lettre est adressée aux évêques d'Allemagne, donc destinée à défendre les droits des catholiques allemands, et, en tant qu'encyclique, les droits de tous les catholiques qui se trouveraient dans une situation analogue (devant un régime totalitaire opposé à la religion catholique), et qui verraient leur droit même simplement « naturel », comme dit Pie XI, menacé ou bafoué.

Vatican II, lui, utilise le mot « foi » pour désigner indifféremment la foi catholique et les superstitions des autres religions ! (Cf. D.H. n. 4, déjà cité.) Et D.H. accorde ce droit inaliénable aux « croyants » de toutes les religions !

Où se trouve la continuité de doctrine qu'on prétend voir entre Pie XI et Vatican II ?

 

2 bis. Encore Pie XI, Encyclique « Non abbiamo bisogno », du 29.VI.1931.

 

 

(Texte non cité par D.H., mais souvent présenté à l'appui de la thèse de la continuité.)

... Les droits sacrés et inviolables des âmes et de l'Église. Il s'agit du droit qu'ont les âmes de se procurer le plus grand bien spirituel sous le magistère et œuvre éducatrice de l'Église, divinement constituée unique mandataire de ce magistère et de cette âme, en cet ordre surnaturel fondé dans le sang du Dieu Rédempteur, nécessaire et obligatoire pour tous, afin de participer à la divine Rédemption. Il s'agit du droit des âmes ainsi formées, à communiquer les trésors de la Rédemption à d'autres âmes, en collaborant à l'activité de l'apostolat hiérarchique. (Pie XI a en vue l'Action Catholique.)

C'est en considération de ce double droit des âmes que Nous Nous disions récemment heureux et fier de combattre le bon combat pour la liberté des consciences, non pas (comme certains, par inadvertance peut-être, Nous l'ont fait dire) pour la liberté de conscience, manière de parler équivoque et trop souvent utilisée pour signifier l'absolue indépendance de la conscience, chose absurde en une âme créée et rachetée par Dieu..." (D.C. n. 574 du 18.VII.1931, col. 82, cité par André-Vincent, op. cit., p. 251-252.)

 

Pie XI prend bien garde : il ne proclame pas la liberté de conscience, « chose absurde », mais la liberté des consciences des âmes chrétiennes : cette « liberté des enfants de Dieu » dont nous parle St. Paul et que Léon XIII définissait si bien :

« La liberté consiste en ce que, par le secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi éternelle. » (Libertas, n. 17, P.I.N. 185.)

Et Léon XIII la défendait en ces termes :

« Cette liberté, la vraie liberté digne des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la dignité de la personne humaine, est au-dessus de toute violence et de toute oppression. » (Ibid., n. 49, P.I.N. 215.)

Pie XI proclame donc cette liberté de conscience des âmes chrétiennes, et non pas, comme Vatican II, « le droit à ne pas être empêché d'agir... selon sa conscience » en matière religieuse, sans distinction d'une conscience vraie ou d'une conscience erronée !

Pie XI définit de plus deux droits :

1) « Droit des âmes de se procurer le plus grand bien spirituel, sous le magistère et l'œuvre éducatrice de l'Église. »

On est loin de la « libre recherche » proclamée par Vatican Il et qui existe, selon le Concile, aussi bien dans « l'enseignement et l'éducation » que dans « l'échange et le dialogue »... (D.H., n. 3). Au contraire, on se sent en pleine continuité avec l'enseignement de Léon XIII sur le droit de la personne à la protection de l'État contre la diffusion de l'erreur.

2) « Droit des âmes catholiques à communiquer le trésor de la Rédemption à d'autres âmes » sous la direction de la hiérarchie.

On est loin du droit accordé par Vatican II « aux groupes religieux [- sans distinction -] de ne pas être empêchés d'enseigner et de manifester leur foi publiquement de vive voix et par écrit » ! Vatican II mêle à plaisir le trésor de la Rédemption et les superstitions étrangères à la vraie foi !

Où se trouve la continuité qu'on prétend voir entre Pie XI et Vatican II ?

3. Pie XII : Radiomessage de Noël : 24.XIL1942.

 

 

Le Pontife, « en plein enfer de la guerre, ose jeter les bases de la paix... Après avoir marqué le lien entre les deux phénomènes de la prolétarisation et du totalitarisme d'État, Pie XII indique la direction de l'effort à poursuivre pour renverser le processus de dissolution » (André-Vincent, op. cit., p. 114-115) :

« Promouvoir le respect et l'exercice pratique des droits fondamentaux de la personne, à savoir : le droit à entretenir et à développer la vie corporelle, intellectuelle et morale, en particulier le droit à une formation et à une éducation religieuse ; le droit au culte de Dieu privé et public, y compris l'action charitable religieuse... »

 

 

Pie XII revendique ici les « droits fondamentaux » de la personne humaine, c'est-à-dire des « droits naturels » qui doivent devenir des droits civils. La difficulté est l'interprétation de l'expression « droit au culte de Dieu, privé ou public ».

 

Est-ce demander, comme Vatican II, le « droit d'honorer d'un culte public la divinité suprême » (D.H. n. 4) ? Nous devons répondre, non!

 

- L'expression « culte de Dieu » est simplement, dans la bouche de Pie XII, une ABSTRACTION DE LA VRAIE RELIGION, qui inclut implicitement la vraie religion et exclut, toujours implicitement, sans le faire explicitement, les autres religions, en tant qu'elles seraient directement opposées aux actes de la simple religion naturelle, base sous-jacente de toutes les religions positives.

 

Car il s'agit, selon nous, de défendre « in directo » les droits des âmes catholiques (Cf. Pie XI), et aussi « in obliquo » de réprouver les exactions des régimes totalitaires (athées notamment), qui atteignent aussi injustement catholiques et acatholiques.

- Le texte de D.H. au contraire, parle d'emblée explicitement de «  liberté des groupes religieux » : l'expression « honorer la divinité suprême » doit donc être comprise, dans ce contexte, comme une ABSTRACTION DE TOUTES LES RELIGIONS, qui inclut toutes celles-ci implicitement au même degré. Elle ne respecte pas, par conséquent, le caractère de la seule vraie religion, de la religion catholique.

 

Il y a donc un abîme entre le Radiomessage de Noël 1942 et D.H. ; les expressions le font pressentir, le contexte de chaque document est là pour l'expliciter.

4. Jean XXIII. Encyclique « Pacem in terris » du 11.7V.1963.

 

 

Citons le texte dans sa traduction courante :

« Chacun a le droit d'honorer Dieu suivant la juste règle de la conscience et de professer sa religion dans la vie privée et publique. »

Suivent une citation de Lactance, et une de Léon XIII :« Libertas », (N. 39, P.I.N. 215), texte que nous avons cité ci-dessus à propos de « Non abbiamo bisogno ».

Dans cette version française, Jean XXIII semble revendiquer pour la personne humaine le droit de professer sa religion quelle qu'elle soit (indifférentisme de l'État, donc !). Or il n'en est rien ; la traduction est défectueuse ; le texte latin contient ceci :

« In hominis juribus hoc quoque numerandum est, ut et deum, ad rectam conscientiae suae normam, venerari possit, et religionem privatim publice profiteri... »

« Il faut inscrire aussi au nombre des droits de l'homme, celui de pouvoir vénérer Dieu, selon la droite norme de sa conscience, et de professer la religion en privé comme en public... " (A.A.S. 259, 55, 1963.)

 

On peut donc interpréter ce texte dans le sens des « droits fondamentaux ' de Pie XII par une « abstraction de la vraie religion » qui donne le « droit de professer la religion »; l'incise « selon la droite norme de sa conscience » peut aussi être interprétée en un sens traditionnel : « selon la conscience de chacun, rectifiée par la vertu de prudence, et adhérant au vrai ». (On peut aussi interpréter en ce sens la même expression dans Gaudium et Spes, n. 16.)

 

Dans cette hypothèse « Pacem in terris » manifeste le même hiatus que les textes antérieurs, avec Vatican II.

 

Mais un auteur autorisé, qui participa à la rédaction de l'Encyclique), Mgr Pietro Pavan fait un aveu révélateur, que nous expose René Laurentin, qui parlant de D.H., écrit :

« Ce « droit de la personne » n'est pas une acquisition conciliaire. Le décret (D.H.) l'a repris de « Pacem in terris » et les formules de cette encyclique, qui avait d'abord été assumée telle qu'elle, n'a pu être maintenue qu'au prix d'atténuations. Pourtant, la déclaration (D.H.) prise dans son ensemble n'est pas un retrait, et lève même certaines ambiguïtés qui avaient été volontairement maintenues dans « Pacem in terris ». (R. Laurentin, Bilan du Concile, Paris, Seuil, 1966, pp. 329-330.)

 

 

En quoi pouvait donc consister l'ambiguïté volontaire ? Sinon en ce que les rédacteurs se sont arrangés à conserver la possibilité de l'interprétation traditionnelle par des expressions « atténuées « professer la religion », « selon la droite norme de sa conscience » qui néanmoins préparaient, en ne l'excluant pas, la conception nouvelle de D.H.

En tout cas, dans l'hypothèse de cette ambiguïté calculée, « Pacem in terris » ne mérite, au moins en la matière, aucunement l'assentiment dû aux documents du Magistère ordinaire de l'Eglise, et sa citation, à l'appui de D.H., est sans valeur, ni force aucune.

 

Après cette démonstration très précise, Mgr Lefebvre concluait :

 

 Nous croyons avoir ainsi suffisamment montré que D.H. ne s'inscrit pas comme on le prétend dans la ligne des documents pontificaux antérieurs que l'on peut alléguer en la matière.