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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 20 mars 2009
N° 208
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Mgr Lefebvre
et
Pour aborder convenablement ces colloques, les autorités de
C’est ce que j’ai fait, personnellement, cette semaine en reprenant la lecture d’un
numéro d’Itinéraires, le numéro 233, de mai 1979 intitulé : « Mgr
Lefevbvre et le saint Office ».
1978-1979. C’était l’époque où le dossier « Lefebvre »
était confié, par le pape Paul VI, puis par le pape Jean Paul II, au cardinal
Seper. .Le cardinal avait envoyé à Mgr Lefebvre, dans une lettre du 28 janvier
1978, un volumineux questionnaire où Mgr Lefebvre devait répondre de certains de ses écrits et discours
ainsi que de ses actes. Il devait le faire d’abord par écrit, puis au cours de colloques.
Il lui disait : « Sa sainteté le Pape Paul VI a chargé
Mgr Lefebvre devait répondre à tout cela rapidement, dans le mois.
Enfin notons que la finalité de tout cela était parfaitement exprimée par
le cardinal Seper : « Ces réponses seront étudiées avec un intérêt
bienveillant ; car
1978. 2009. Nous voilà dans la même situation matériellement parlant.
Mgr Lefebvre comprenait, bien sûr, en 1978, la valeur historique de tout cela.
Il présentait son dossier dans Itinéraires par ces mots : « Je ne
puis m’empêcher de penser en toute sincérité que ces colloques ont une valeur
historique parce qu’ils sont l’écho d’une opposition profonde et qui remonte à tout
le moins au Concile de Trente, entre la doctrine catholique et le libéralisme
protestant, entre la foi catholique et le naturalisme rationaliste maçonnique,
dont l’histoire des quatre derniers siècles est une illustration dramatique ».
L’importance historique aujourd’hui est la même. Elle n’a pas changé.
Mais Rome est-elle dans la même situation ? Beaucoup ont démontré
que la situation à Rome a changé, du moins quant à l’autorité suprême, le pape
Benoît XVI !
Dans ce numéro de
Regard sur le monde je donnerai la
réponse que fit Mgr Lefebvre sur la question particulière de l’Ordo Missae. Je réserverai pour les
numéros prochains le problème de la liberté religieuse. Le développement en est
plus long.
A- L’ordo Missae publié par le pape Paul VI
Cette question est, dans la lettre du cardinal Seper, le deuxième point particulier.
Voici les critiques que
le cardinal Seper adresse à la pensée de Mgr Lefebvre sur ce point particulier
de
« Votre critique de l’Ordo
Missae promulgué par Paul VI va loin au-delà d’une préférence liturgique,
elle a un caractère essentiellement doctrinal. Vous dites avec raison qu’il y a
trois réalités essentielles au sacrifice de
Un fidèles ne peut en effet mettre en doute la conformité avec la
doctrine de la foi d’un rite sacramentel promulgué par le Pasteur suprême,
surtout s’il s’agit du rite de
Certes, il faut maintenir le lien entre le prêtre et l’accomplissement du
sacrifice de la messe dans la consécration (et la transsubstantiation). L’Ordo Missae de Paul VI le fait, en réservant
au prêtre seul les paroles de la consécration et l’ensemble du canon, tout
comme dans le rite antérieur.
La nouvelle liturgie eucharistique ne porte pas atteinte à la foi en la
présence réelle et substantielle du Christ sous les apparences du pain et du
vin. Si le nombre de génuflexions est restreint, celles-ci sont maintenues
pourtant comme signe d’adoration aux moments culminants de la messe : la consécration
et la communion. La foi traditionnelle en la présence réelle demeure
parfaitement signifiée par l’élévation et la prière finale du canon ; elle
est mise en relief dans la distribution de la communion, et affirmée clairement
dans beaucoup d’oraisons après la
communion..
Enfin le caractère sacrificiel et propitiatoire de la messe, absolument réaffirmée
conformément au Concile de Trente dans le Praemium
n°2 de l’Institution Generalis du nouveau Missel romain est signifié clairement
et expressément non seulement dans beaucoup de prières après l’offrande des
oblats mais également dans les Canons.
Du reste vous-même admettez bien la validité du nouvel Ordo Missae,
suspectant seulement la valeur de l’intention chez beaucoup de ceux qui
l’appliquent. Pourtant vos déclarations à son sujet et votre opposition à son
usage répandent parmi les fidèles la défiance, le désarroi, voire la rébellion.
Vous avez souvent voulu justifier votre opposition par la nécessité de
combattre les abus et le désordre qui accompagnent en bon nombre de pays la mise
en œuvre de la réforme liturgique. Ce n’est cependant pas en jetant la
suspicion sur l’orthodoxie d’un Ordo
Missae promulgué par l’Autorité suprême de l’Eglise que vous parviendrez à
un résultat positif ».
B- Voilà la réponse de Mgr Lefebvre.
« La nouvelle conception du monde et des relations de l’Eglise avec
ce monde devait nécessairement atteindre les moyens par lesquels l’Eglise
exprime sa foi et la vit : la liturgie, école de la foi, sera donc elle
aussi transformée sous l’effet de cet esprit œcuménique libérale qui voit dans
le protestants des frères séparés et non plus des hérétiques imbus de principes
radicalement contraires à la doctrine de l’Eglise.
On ne cherche plus à
convertir mais à unir, d’où l’effort de synthèse de la liturgie catholique et
du culte protestant.
La présence de six pasteurs
protestants à la commission de
Le Pape lui-même (allocution du 13 janvier 1965) parlera de «
rénovation liturgique » comme « d’une nouvelle pédagogie
religieuse » qui va prendre « la place de moteur central dans le
grand mouvement inscrit dans les principes constitutionnels de l’Eglise »,
principes rénovés du Concile.
Mgr Dwyer, membre du Concilium
liturgique, archevêque de Birmingham, reconnaît l’importance de cette Réforme
(Conférence de presse, 23.10.67 :
C’est la liturgie qui forme le caractère, la mentalité des hommes
affrontés aux problèmes.
On insistera sur l’esprit communautaire, la participation active des
fidèles, on ne peut s’empêcher de penser à l’esprit qui anima Luther et ses
premiers disciples (voir le livre de Cristiani « Du Luthérianisme au
Protestantisme) (voir « les institutions Liturgiques » de Dom Guéranger,
extraits édités par
De plus si l’on étudie
tous les détails de la nouvelle Réforme de la messe en particulier, on est
stupéfait d’y retrouver les Réformes que
Luther, les Jansénistes et le Concile de Pistoie préconisaient.
Comment concilier cette Réforme de
Nous ne jugeons pas des intentions ; mais les faits ( et les
conséquences de ces faits, semblables d’ailleurs à celles qui se sont produites
dans les siècles passés, là où ces Réformes on été introduites) nous obligent à
reconnaître avec les Cardinaux Ottaviani et Bacci (Bref Examen critique remis
au Saint Père le 3 septembre 1969) « que le Nouvel Ordo s’éloigne d’une
manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détails, de la théologie
catholique de la sainte Messe, définie à jamais par el Concile de Trente ».
D’ailleurs la « messe normative » présentée par le Père
Bunigni en 1967 au Synode des Evêques à Rome a été très contestée par les
évêques. A la conférence qu’il fit aux Supérieurs généraux en octobre 1967, à
laquelle j’assistais, nous avons été stupéfaits de la manière dont le passé
liturgique de l’Eglise était traité. J’étais personnellement indigné des
réponses faites aux objecteurs. Les cardinaux Cicognani et Gut m’ont fait part de leur immense douleur devant cette
incompréhensible réforme. Un autre cardinal encore de ce monde me disait que
l’article 7 de l’Institution, première rédaction, était hérétique..
Les explications, au dire de Mgr Bunigni lui-même, n’ont rien changé à la
doctrine exprimée auparavant. En tout cas,
Si
En conclusion, il est certain, au dire même de ceux qui célèbrent selon
le Nouvel Ordo Missae, que la
nouvelle Messe représente une dévalorisation très sensible du Mystère sacré
aussi bien dans l’expression de la foi catholique dans les réalités divines de
ce mystère : expression des paroles, des gestes, des actes, de tout ce qui
donne un caractère de sublimité à cette réalité qui est le cœur de l’Eglise.
Bien plus, de nombreuses
suppressions et attitudes nouvelles finissent par engendrer le doute dans
l’esprit de fidèles et les amènent à adopter une mentalité protestante, sans
s’en rendre compte.
L’œcuménisme libéral produit ses effets peu à peu et diminue la foi des
fidèles. Beaucoup abandonnent l’Eglise, surtout les jeunes.
Comment le Saint Siège
a-t-il pu engager une telle Réforme sans se soucier des actes du magistère, et
en reprenant à son compte les errements des protestants, des jansénistes, du
Concile de Pistoie ?
C’est le motif de notre
attachement à
C’est ce qui me fait dire que je ne vois pas comment on peut former des
clercs avec la nouvelle Messe ; le prêtre et le sacrifice ont une relation
quasi transcendantale ; rendre le sacrifie douteux c’est rendre le
sacerdoce douteux.
C- La position de Julien Green.
Mgr Lefebvre ajoutait un confirmatur :
le témoignage de Julien Green de l’Académie Française, en joignant à sa réponse
un extrait de son livre : « Ce
qu’il faut d’amour à l’homme ». On sait que Julien Green s’est converti de
l’Anglicanisme en 1916
« La première fois que j’entendis la messe en français, j’eus peine
à croire qu’il s’agissait d’une messe catholique et ne m’y retrouvai plus.
Seule me rassura la consécration, bien qu’elle fut mot pour mot pareille à la consécration
anglicane. (p135)
« Un jour que j’étais à la campagne avec ma sœur Anne nous
assistâmes à une messe télévisée….Ce que je reconnus, comme Anne de son côté,
était une imitation assez grossière du service anglican qui nous était familier
dans notre enfance. Le vieux protestant qui sommeille en moi dans sa foi catholique
se réveilla tout à coup devant l’évidence et absurde imposture que nous offrait
l’écran, et cette étrange cérémonie, ayant pris fin, je demandai simplement à
ma sœur : « pourquoi nous sommes nous convertis ? » (p 138)
« Je compris d’un
coup avec quelle habileté on menait l’Eglise d’une façon de croire à une autre.
Ce n’était pas une manipulation de la foi, mais quelque chose de plus subtil. A
ceux qui m’eussent objecté que le sacrifice était mentionné au moins trois fois
dans la nouvelle messe, je pourrais répondre qu’entre mentionné une vérité et la mettre en lumière la différence
ne laissait pas d’être forte. Que la messe fut le mémorial de
Les vieux prêtres qui
l’ont, si je peux dire, dans le sang, ne sont pas près de l’oublier et disent
par conséquent des messes conformes aux intentions de l’Eglise, mais que dire
des jeunes prêtres ? Que croient-ils ? Que croient-ils encore et qui
osera dire ce que vaut leur messe ? « (p. 143)
« Les encycliques des papes ne changeront rien au fait que le monde rationaliste
moderne refuse le miracle. On ne peut faire admettre la messe que si l’on en
supprime l’élément miraculeux. Retaillée aux dimensions protestantes, elle
aura quelques chances de survivre dans la chrétienté d’aujourd’hui, mais ce ne
sera plus la messe. » (p. 144)
« Dans une Eglise en désordre
s’élevèrent des remous quand Mgr Lefebvre prit position contre la messe de Paul
VI et le Concile. L’histoire de son interminable controverse avec le Vatican
est trop connue pour que je la raconte ici. Des millions de catholiques se
sentirent touchés et je fus de ceux-là. La question que je posai à des prêtres
conciliaires était simple : « Que reproche-t-on à l’ancienne
messe ? Réponse : « Elle est surannée. » Par ailleurs, on
nous disait que la nouvelle messe s’inspirait des sources plus anciennes et se
rapprochait d’autant plus des premières messes que l’Eglise avait dites. Il
fallait des spécialistes pour voir clair dans ces problèmes obscurs. De
véhémentes discussions eurent lieu au sujet de l’effacement du sacrifice de
D- Conclusion
Voilà la réponse qu’adressa Mgr Lefebvre au Cardinal Seper
La réponse est claire, nette. De cette messe nouvelle, il n’en veut pas.
Il ne la célébrera pas, ni ne la prendra dans ses séminaires, non point qu’il
n’en reconnaisse pas la validité, mais parce qu’elle n’exprime pas clairement
les trois grandes vérités de la doctrine de la foi sur la messe, Il la refuse en
raison de son aspect équivoque.
Ce refus de la messe tridentine fut considéré par la hiérarchie romaine
comme une rébellion, qu’il fallait condamner. Sa fidélité à la messe
tridentine fut, en effet, la raison de toutes les sanctions. Mgr Lefebvre, à
juste titre, les considéra toujours comme nulles de plein droit.
Le pape Benoît XVI a finalement reconnu, honneur à lui, dans le Motu
Proprio du 7 juillet 2007 que la messe tridentine ne fut jamais interdite dans
l’Eglise, faisant ainsi droit à la justice et à la vérité. Il accepta suite à
Jean-Paul II qu’un prêtre, une institution sacerdotale puissent être
« mono ritualiste ». C’est le cas de l’Administration Apostolique
saint Jean Marie Vianney, sous Jean-Paul II. C’est le cas de l’Institut de Bon
Pasteur, avec Benoît XVI. Ce sera vraisemblance aussi le cas pour la nouvelle forme canonique qui sera donné à
Affaire à suivre.
Dans la réponse de Mgr Lefebvre, on
a vu l’importance qu’il attribuait à
E- L’hérésie
antiliturgique.
Ce texte se trouve dans le Tome I, Chap. IV des INSTITUTIONS LITURGIQUES. De l'hérésie antiliturgiste, et de la réforme protestante du XVIe siècle considérée dans ses rapports avec la liturgie : pp. 396 à 407 de la deuxième édition, parue en 1878 (1ère édition du T.I : 1840).
…Pour donner une idée des ravages de la secte antiliturgiste, il nous a semblé nécessaire de résumer la marche des prétendus réformateurs du christianisme depuis trois siècles, et de présenter l'ensemble de leurs actes et de leur doctrine sur l'épuration du culte divin. Il n'est pas de spectacle plus instructif et plus propre à faire comprendre les causes de la propagation rapide du protestantisme. On y verra l'œuvre d'une sagesse diabolique agissant à coup sûr, et devant infailliblement amener de vastes résultats.
1° Le premier caractère de l'hérésie antiliturgiste est la haine de
" Nous approuvons et nous conservons les introït des dimanches
et des fêtes de Jésus-Christ, savoir de Pâques, de
2° C'est en effet, le second principe de la secte antiliturgiste, de
remplacer les formules de style ecclésiastique par des lectures de l'Ecriture
sainte. Elle y trouve deux avantages : d'abord, celui de faire taire la voix de
3° Le troisième principe des hérétiques sur la réforme de
4° On ne doit pas s'étonner de la contradiction que l'hérésie présente ainsi
dans ses œuvres, quand on saura que le quatrième principe, ou, si l'on veut, la
quatrième nécessité imposée aux sectaires par la nature même de leur état de
révolte, est une habituelle contradiction avec leurs propres principes. Il en
doit être ainsi pour leur confusion dans ce grand jour, qui vient tôt ou tard,
où Dieu révèle leur nudité à la vue des peuples qu'ils ont séduits, et aussi
parce qu'il ne tient pas à l'homme d'être conséquent; la vérité seule peut
l'être. Ainsi, tous les sectaires, sans exception, commencent par revendiquer les
droits de l'antiquité; ils veulent dégager le christianisme de tout ce que
l'erreur et les passions des hommes y ont mêlé de faux et d'indigne de Dieu ;
ils ne veulent rien que de primitif, et prétendent reprendre au berceau
l'institution chrétienne. A cet effet, ils élaguent, ils effacent, ils
retranchent; tout tombe sous leurs coups, et lorsqu'on s'attend à voir
reparaître dans sa première pureté le culte divin, il se trouve qu'on est
encombré de formules nouvelles qui ne datent que de la veille, qui sont
incontestablement humaines, puisque celui qui les a rédigées vit encore. Toute
secte subit cette nécessité ; nous l'avons vu chez les monophysites, chez les
nestoriens; nous retrouvons la même chose dans toutes les branches des
protestants. Leur affectation à prêcher l'antiquité n'a abouti qu'à les mettre
en mesure de battre en brèche tout le passé, et puis ils se sont posés en face
des peuples séduits, et leur ont juré que tout était bien, que les
superfétations papistes avaient disparu, que le culte divin était remonté à sa
sainteté primitive. Remarquons encore une chose caractéristique dans le
changement de
5° La réforme de
6° La suppression des choses mystérieuses dans
7° Traitant noblement avec Dieu,
8° La réforme liturgique ayant pour une de ses fins principales l'abolition
des actes et des formules mystiques, il s'ensuit nécessairement que ses auteurs
devaient revendiquer l'usage de la langue vulgaire dans le service divin.
Aussi est-ce là un des points les plus importants aux yeux des sectaires. Le
culte n'est pas une chose secrète, disent-ils ; il faut que le peuple entende
ce qu'il chante. La haine de la langue latine est innée au cœur de tous
les ennemis de Rome ; ils voient en elle le lien des catholiques dans
l'univers, l'arsenal de l'orthodoxie contre toutes les subtilités de l'esprit
de secte, l'arme la plus puissante de la papauté. L'esprit de révolte qui les
pousse à confier à l'idiome de chaque peuple, de chaque province, de chaque
siècle, la prière universelle, a, du reste, produit ses fruits, et les réformés
sont à même tous les jours de s'apercevoir que les peuples catholiques, en
dépit de leurs prières latines, goûtent mieux et accomplissent avec plus de
zèle les devoirs du culte que les peuples protestants. A chaque heure du jour,
le service divin a lieu dans les églises catholiques ; le fidèle qui y assiste
laisse sa langue maternelle sur le seuil ; hors les heures de la prédication,
il n'entend que des accents mystérieux qui même cessent de retentir dans le
moment le plus solennel, au canon de la messe ; et cependant ce mystère le
charme tellement qu'il n'envie pas le sort du protestant, quoique l'oreille de
celui-ci n'entende jamais que des sons dont elle perçoit la signification.
Tandis que le temple réformé réunit, à grand-peine, une fois la semaine, les
chrétiens puristes, l'Eglise papiste voit sans cesse, ses nombreux autels
assiégés par ses religieux enfants ; chaque jour, ils s'arrachent à leurs
travaux pour venir entendre ces paroles mystérieuses qui doivent être de Dieu,
car elles nourrissent la foi et charment les douleurs. Avouons-le, c'est un
coup de maître du protestantisme d'avoir déclaré la guerre à la langue sainte ;
s'il pouvait réussir à la détruire, son triomphe serait bien avancé. Offerte
aux regards profanes, comme une vierge déshonorée,
9° En ôtant de
10° Comme il fallait au protestantisme une règle pour discerner parmi les institutions papistes celles qui pouvaient être les plus hostiles à son principe, il lui a fallu fouiller dans les fondements de l'édifice catholique, et trouver la pierre fondamentale qui porte tout. Son instinct lui a fait découvrir tout d'abord ce dogme inconciliable avec toute innovation : la puissance papale. Lorsque Luther écrivit sur sa bannière : Haine à Rome et à ses lois, il ne faisait que promulguer une fois de plus le grand principe de toutes les branches de la secte antiliturgiste. Dès lors, il a fallu abroger en masse le culte et les cérémonies, comme l'idolâtrie de Rome ; la langue latine, l'office divin, le calendrier, le bréviaire, toutes abominations de la grande prostituée de Babylone. Le Pontife romain pèse sur la raison par ses dogmes, sur les sens par ses pratiques rituelles il faut donc proclamer que ses dogmes ne sont que blasphème et erreur, et ses observances liturgiques qu'un moyen d'asseoir plus fortement une domination usurpée et tyrannique. C'est pourquoi, dans ses litanies émancipées, l'Eglise luthérienne continue de chanter naïvement: De l'homicide fureur, calomnie, rage et férocité du Turc et du Pape, délivrez-nous, Seigneur. C'est ici le lieu de rappeler les admirables considérations de Joseph de Maistre, dans son livre Du Pape, où il montre, avec tant de sagacité et de profondeur, qu'en dépit des dissonances qui devraient isoler les unes des autres les diverses sectes séparées, il est une qualité dans laquelle elles se réunissent toutes, celle de non romaines. Imaginez une innovation quelconque, soit en matière de dogme, soit en matière de discipline, et voyez s'il est possible de l'entreprendre sans encourir, bon gré, mal gré, la note de non romain, ou si vous voulez de moins romain, si on manque d'audace. Reste à savoir quel genre de repos pourrait trouver un catholique dans la première, ou même dans la seconde de ces deux situations.
11° L'hérésie antiliturgiste, pour établir à jamais son règne, avait besoin de détruire en fait et en principe tout sacerdoce dans le christianisme ; car elle sentait que là où il y a un pontife, il y a un autel, et que là ou il y a un autel, il y a un sacrifice, et partant un cérémonial mystérieux. Après donc avoir aboli la qualité du Pontife suprême, il fallait anéantir le caractère de l'évêque, duquel émane la mystique imposition des mains qui perpétue la hiérarchie sacrée. De là un vaste presbytérianisme, qui n'est que la conséquence immédiate de la suppression du Pontificat souverain. Dès lors, il n'y a plus de prêtre proprement dit ; comment la simple élection, sans consécration, ferait-elle un homme sacré ? La réforme de Luther et de Calvin ne connaîtra donc plus que des ministres de Dieu, ou des hommes, comme on voudra. Mais il est impossible d'en rester là. Choisi, installé par des laïques, portant dans le temple la robe d'une certaine magistrature bâtarde, le ministre n'est qu'un laïque revêtu de fonctions accidentelles ; il n'y a donc plus que des laïques dans le protestantisme ; et cela devait être, puisqu'il n'y a plus de Liturgie; comme il n'y a plus de Liturgie, puisqu'il n'y a plus que des laïques.
12° Enfin, et c'est là le dernier degré de l'abrutissement, le sacerdoce
n'existant plus, puisque la hiérarchie est morte, le prince, seule autorité
possible entre laïques, se proclamera chef de
Telles sont les principales maximes de la secte antiliturgiste. Nous n'avons certes, rien exagéré ; nous n'avons fait que relever la doctrine cent fois professée dans les écrits de Luther, de Calvin, des Centuriateurs de Magdebourg, de Hospinien, de Kemnitz, etc. Ces livres sont faciles à consulter, ou plutôt l'œuvre qui en est sortie est sous les yeux de tout le monde. Nous avons cru qu'il était utile d'en mettre en lumière les principaux traits. Il y a toujours du profit à connaître, l'erreur; l'enseignement direct est quelquefois moins avantageux et moins facile. C'est maintenant au logicien catholique de tirer la contradictoire.
Dom GUÉRANGER.