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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 19 juillet 2007
N° 138
Benoît XVI
et
Mgr Gamber
le Motu proprio
« Summorum pontificum »
Tous nos amis ont parlé, avec
éloge, du nouveau Motu Proprio
« Summorum pontificum » de Benoît XVI, publié le 7 juillet 2007,
redonnant, enfin, à l’Eglise catholique, latine, le libre usage de la messe
« traditionnelle ». Tous s’en sont réjouis, ont même chanté le
« Te Deum ». Je me joins à leur action de grâces. Voilà tant d’années
que nous attendions cette heure. Que le droit soit dit avec vigueur et force,
ne peut que nous satisfaire ! C’est chose faite par ce Motu Proprio :
Le missel de saint Pie V « n’ a jamais été juridiquement abrogé » et
« par conséquent, il est toujours resté autorisé ». Cette affirmation
est très heureuse ! L’appel de Jean
Madiran au Souverain Pontife, un appel
historique, est enfin exhaussé. « Très Saint Père, Redonnez nous la messe ». C’est
fait ! Au bout de plus de 3 ans !
Je voudrais, quant à moi, souligner l’influence de Mgr Gamber, en cette
affaire. Elle est immense. Elle est première. Elle permet de comprendre le véritable esprit de
ce Motu Proprio, de comprendre l’œuvre aujourd’hui entreprise. Le pape Benoît
XVI n’en restera pas là. Ce n’est qu’un premier pas…Il ne rappellera pas
seulement le droit de l’ « antique » messe : « Il est
bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et
dans la prière de l’Eglise et de leur donner leur juste place ». Il ne cherchera pas à seulement instaurer
dans l’Eglise une simple coexistence pacifique des rites. Il corrigera tôt ou
tard, la nouvelle messe. C’est là une grande idée d’un de ses maîtres en
liturgie, Mgr Gamber qui écrivait déjà en 1974 : « Il faut qu’à
l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise
catholique romain…De toute façon il faudrait que le nouveau rite soit amélioré
par rapport à celui qui se pratique de nos jours » (La réforme liturgique
en question. p. 96)
Mais nous ferons tout d’abord remarquer que l’Eglise, en ce début de pontificat de Benoît
XVI, - deux ans, ce n’est pas beaucoup -
retrouve sa Tradition liturgique. Un « coup de barre franc » est
donné par le Pape en direction de la liturgie traditionnelle. Nous ferons
également remarquer que c’est au même instant, on ne l’a pas assez souligné,
que des précisions très importantes sont
données par Rome sur
« l’Ecclésiologie » et sur le fameux « substitit in » du texte conciliaire
« Lumen Gentium » qui a fait couler tant d’encre... Ce document est
daté du 10 juillet, trois jours après le Motu Proprio. Nous y reviendrons prochainement.
Mais pour l’instant, voyons la pensée de Mgr Gamber en matière liturgique
et son influence sur la pensée de Benoît XVI.
Mgr Gamber dans la pensée de Benoît XVI.
Le cardinal Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, exprimait clairement sa pensée sur Mgr Klaus Gamber
dans la préface du livre publié par Dom
Gérard aux éditions Sainte Madeleine –
un recueil de textes anciens publiés par
l’auteur dans les années 1974, 1978 dans la revue Una Voce-Korrespondenz - et
intitulé : « La réforme
liturgique en question ». Il voit en lui un vrai liturgiste, un vrai
historien de la liturgie qui pourrait être le « père » d’un nouvel
élan liturgique qui doit nécessairement être mené à l’intérieur de l’Eglise,
« le « père » d’ « un nouveau départ » liturgique (p.
7) : « Ce nouveau départ
a besoin de « pères » qui soient des modèles, et qui ne se contentent
pas d’indiquer la voie à suivre ». « Qui cherche aujourd’hui de tels
« pères » rencontrera immanquablement la personne de Mgr Gamber, qui
nous a malheureusement été enlevé trop tôt ».
On peut difficilement être plus élogieux. L’estime qu’il porte à ce
prélat allemand, spécialiste de liturgie, peut être difficilement plus grande!
Mais lisons sa
préface. Elle n’est pas longue :
« Klaus Gamber
« L’intrépidité
d’un vrai témoin ».
Un jeune prêtre me
disait récemment : « Il nous
faudrait aujourd’hui un nouveau mouvement liturgique ». C’était là
l’expression d’un souci que, de nos jours, seuls des esprits volontairement
superficielles pourraient écarter. Ce qui importait à ce prêtre, ce n’était pas
de conquérir de nouvelles et audacieuses libertés : quelle liberté ne
s’est-on pas déjà arrogée ? Il sentait que nous avions besoin d’un nouveau
commencement issu de l’intime de la liturgie lorsqu’il était à l’apogée de sa
véritable nature, lorsqu’il ne s’agissait pas de fabriquer des textes,
d’inventer des actions et des formes, mais de redécouvrir le centre vivant, de
pénétrer dans le tissu proprement dit de la liturgie, pour que
l’accomplissement de celle-ci soit issu de sa substance même. La réforme
liturgique, dans sa réalisation concrète, s’est éloignée toujours davantage de
cette origine. Le résultat n’a pas été une réanimation mais une dévastation.
D’un côté, on a une
liturgie dégénérée en « show »,
où l’on essaye de rendre la religion intéressante à l’aide de bêtises à la mode
et de maximes morales aguichantes, avec des succès momentanés dans le groupe
des fabricants liturgiques, et une attitude de recul d’autant plus
prononcée chez ceux qui cherchent dans
la liturgie non pas le « shomaster »
spirituel, mais la rencontre avec le Dieu vivant devant qui tout
« faire » devient insignifiant, seule cette rencontre étant capable
de nous faire accéder aux vraies richesses de l’être.
De l’autre côté, il
y a conservation des formes rituelles
dont la grandeur émeut toujours, mais qui, poussée à l’extrême, manifeste un
isolement opiniâtre et ne laisse finalement que tristesse.
Certes, il reste
entre les deux tous les prêtres et leurs paroissiens qui célèbrent la nouvelle
liturgie avec respect et solennité, mais ils sont remis en question par la
contradiction entre les deux extrêmes, et le manque d’unité interne dans
l’Eglise fait finalement paraître leur fidélité, à tort pour beaucoup d’entre
eux, comme une simple variété personnelle de néo conservatisme.
Parce qu’il en est ainsi, une nouvelle impulsion
spirituelle est nécessaire pour que la liturgie soit à nouveau pour nous une
activité communautaire de l’Eglise et qu’elle soit arrachée à l’arbitraire des
curés et de leurs équipes liturgiques »
On ne peut pas
« fabriquer » un mouvement liturgique de cette sorte ( de cette
manière) - pas plus qu’on ne peut « fabriquer » quelque chose de
vivant -, mais on peut contribuer à son développement en s’efforçant
d’assimiler à nouveau l’esprit de la liturgie et en défendant publiquement ce
qu’on a ainsi reçu.
Ce nouveau départ a besoin de « pères » qui
soient des modèles, et qui ne se contentent pas d’indiquer la voie à suivre.
Qui cherche aujourd’hui de tels « pères » rencontrera immanquablement
la personne de Mgr Klaus Gamber, qui nous a malheureusement été enlevé trop
tôt, mais qui peut-être, précisément en
nous quittant, nous est devenu véritablement présent dans toute la force des
perspectives qu’il nous a ouvertes.
Justement parce qu’en nous quittant il échappe à la
querelle des partis, il pourrait, en cette heure de détresse, devenir la
« père » d’un niveau départ. Gamber a porté de tout son cœur l’espoir de l’ancien mouvement
liturgique. Sans doute, parce qu’il venait d’une école étrangère, est-il resté
un « outsider » sur la
scène allemande, où l’on ne voulait pas vraiment l’admettre ; encore
récemment une thèse a rencontré des difficultés importantes parce que le jeune chercheur avait osé citer Gamber
trop abondamment et avec trop de bienveillance. Mais peut-être que cette mise à
l’écart a été providentielle, parce qu’il a forcé Gamber à suivre sa propre
voie et qu’elle lui a évité le poids du conformisme.
Il est difficile
d’exprimer en peu de mots ce qui, dans la querelles des liturgistes, est
vraiment essentiel et ce qui ne l’est pas. Peut-être que l’indication suivante
pourrait être utile. J.A. Jungmann, l’un
des vraiment grands liturgistes de notre siècle, avait défini en son
temps la liturgie, telle qu’on l’entendait en Occident en se la représentant
surtout à travers la recherche historique, comme une « liturgie fruit d’un développement » ;
probablement aussi par contraste avec la notion orientale qui ne voit pas dans
la liturgie le devenir et la croissance historiques, mais seulement le reflet de la liturgie éternelle, dont la
lumière, à travers le déroulement sacré, éclaire notre temps changeant de sa
beauté et de sa grandeur immuables. Les deux conceptions sont légitimes
et ne sont en définitive pas inconciliables.
Ce qui s’est passé après le Concile signifie toute autre
chose : a la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a
mis une liturgie fabriquée. On
est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la
fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques
du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la
production technique – par une fabrication organique du vivant – par une
fabrication, produit banal de l’instant.
Gamber, avec la
vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin, s’est
opposé à cette falsification et nous a enseigné inlassablement la vivante
plénitude d’une liturgie véritable, grâce à sa connaissance incroyablement
riche des sources. En homme qui connaissait et aimait l’histoire, il nous a
montré les formes multiples du devenir et du chemin de la liturgie ; en
homme qui voyait l’histoire de l’intérieur, il a vu dans le développement et le
fruit de ce développement le reflet intangible de la liturgie éternelle,
laquelle n’est pas l’objet de notre faire, mais qui peut continuer merveilleusement
à mûrir et à s’épanouir, si nous nous unissons intimement à son mystère. La
mort de cet homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre
pourrait nous aider à prendre un nouvel élan » (p6-8)
Il est difficile, oui ! d’exprimer en si peu de mots pareil éloge. C’est ce prêtre, cet historien, ce savant, ce liturgiste, ce vrai témoin et amoureux de l’histoire, cet « authentique voyant » que Benoît XVI a étudié, qu’il prend pour maître en liturgique . Il va s’en inspirer, bien normalement, pour entreprendre la restauration liturgique dans l’Eglise.
Je pense pouvoir dire que ce Motu Proprio est le premier moment d’une grande réforme.
Les évêques qui
semblent vouloir s’attacher, « s’arque bouter » à
La pensée de
Mgr Klaus Gamber : les deux formes, - l’ancien et le nouveau rites - doivent subsister paisiblement côte à côte.
Mgr Klaus Gamber
exprime sa pensée sur la question de la coexistence des deux formes du rituel
de la messe, qui fait l’objet du Motu
Proprio « Summorum pontificum »,
dans le chapitre 7 du livre «
Face au problème
liturgique dans l’Eglise, voici la solution
qu’il suggère
« Le ritus
romanus et le ritus modernus devraient être tous deux considérés comme
légitimes ».
Cette affirmation a
été écrite par Mgr Gamber entre 1974 et 1978.
Il revient sur cette
idée à la fin du livre au chapitre intitulé : « En guise de Conclusion. Il s’exprime là d’une manière
particulièrement forte : « Nous ne pouvons que prier et espérer
que l’Eglise romaine reviendra à la tradition et autorisera à nouveau partout
la liturgie de la messe vieille de bien plus de mille ans. Pourquoi deux
formes, l’ancien et le nouveau rites, ne
pourraient-elles pas subsister paisiblement côte à ôte. Comme en Orient où il y
a plusieurs rites ou liturgies ; et même en Occident, aujourd’hui encore,
où il y a des rites particuliers comme à Milan. Sans parler du fait
qu’actuellement presque chaque curé modèle la messe à sa guise. Mais de
toute façon il faudra que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui
se pratique de nos jours…Il faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire
de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine, pas seulement pour
les prêtres et les laïcs âgés, incapables de s’adapter, mais comme forme
primaire de la célébration de la messe. Il faut qu’il redevienne la
norme de la foi et le signe de l’unité des catholiques dans le monde entier, un
pôle fixe pour un temps déboussolé et en perpétuel changement » (p.
95-96)
Voilà ce que notre
auteur écrivait en 1974, 1978.
1974-
1978 : le règne de la « tyrannie »
C’était pourtant
l’époque où régnait une véritable « tyrannie » dans l’Eglise contre
les prêtres et les laïcs qui voulaient rester fidèles à la messe
« tridentine ».
Il fallait une
particulière force d’âme, fondée sur la vérité,
pour demander que la messe tridentine puisse être encore célébrée dans l’Eglise
et dire qu’elle n’avait nullement été abrogée dans les formes canoniques et
qu’elle ne pouvait pas l’être en raison de son aspect immémorial
Le pape Paul VI, le
24 mai 1976, avait engagé toute son « autorité pontificale » pour que
soit uniquement célébrée, dans l’Eglise et toutes les communautés,
C’est donc avec une profonde amertume, mais aussi avec une paternelle
espérance, que nous nous adressons une fois de plus à ce confrère, à ses
collaborateurs et à ceux qui se sont laissé entraîner par eux. Oh ! certes,
nous croyons que beaucoup de ces fidèles, au moins dans un premier temps,
étaient de bonne foi : nous comprenons aussi leur attachement sentimental à des
formes de culte et de discipline auxquelles ils étaient habitués, qui pendant
longtemps ont été pour eux un soutien spirituel et dans lesquelles ils avaient
trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous avons le ferme espoir qu’ils
sauront réfléchir avec sérénité, sans parti pris, et qu’ils voudront bien
admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la nourriture
auxquels ils aspirent dans les formes renouvelées que le concile Vatican II et
Nous-mêmes avons décrétées comme nécessaires pour le bien de l’Église, pour son
progrès dans le monde contemporain, pour son unité. Nous exhortons donc, encore
une fois, tous ces frères et fils, nous les supplions de prendre conscience des
profondes blessures que, autrement, ils causent à l’Église. De nouveau, nous
les invitons à penser aux graves avertissements du Christ sur l’unité de
l’Église (cf. Jn 17, 21 sq) et sur l’obéissance due au pasteur légitime qu’il a
mis à la tête du troupeau universel, comme signe de l’obéissance due au Père et
au Fils (cf. Le 10, 16). Nous les attendons le cœur grand ouvert, les bras
prêts à les étreindre : puissent-ils retrouver, dans l’humilité et
d’édification, pour la joie du peuple de Dieu, la voie de l’unité et de l’amour
! »
Malgré cela, Mgr Gamber affirme qu’il « faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine…comme rite primaire de la célébration de la messe ».
« Rite millénaire dans l’Eglise catholique…Rite primaire de la célébration de la messe »…J’aurais aimé trouver ces expressions dans le Motu Proprio de Benoît XVI en son article I §1. Mais peu importe, l’idée s’y trouve et c’est l’essentiel.
Elle s’y trouvait déjà dans le livre du cardinal Ratzinger: « le
sel de la terre », livre d’entretien sur la liturgie avec Peter
Seewald.
La pensée du
cardinal Ratzinger.
Le
« sel de la terre ».
Ce
dernier lui pose la question de la reviviscence de l’ancien rite : « Est-il possible, pour lutter contre
cette manie de tout niveler et de ce désenchantement de remettre en vigueur
l’ancien rite ? »
Le
Cardinal lui répond :
« Je suis certes d’avis que l’on devrait
accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de
conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de
dangereux ou d’inacceptable. Une
communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors
pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on
présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en
question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain
ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?…. Malheureusement, la tolérance envers
des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est
pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi sur
le mauvais chemin. » (p. 172-173).
« Voici
quel est notre Dieu »
On
retrouvera la même idée dans l’un de ses
derniers livres: « Voici quel
est notre Dieu ». A la page 291, il écrit : Pour la formation de la
conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir
la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure
actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique est
traité comme un lépreux ; c’est la fin de toute tolérance. Elle est telle
qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Eglise. On méprise par là tout le passé de
l’Eglise… J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes
confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance, qui s’oppose aux
r »conciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison valable » (p
291).
Benoît
XVI : le Motu Proprio « « Summorum pontificum »
Et
c’est ainsi que le pape Benoît XVI reprend, quelques années plus tard, deux ans
après son accession au trône pontifical, tout naturellement, cette idée de la légitime célébration de
l’ancienne messe dans l’Eglise.
Ce
sont les 5 premiers articles du Motu
Proprio. Il affirme tout d’abord la
libre célébration des deux rites, un qu’il appelle rite
« extraordinaire », celui de Jean XXIII, l’autre qu’il appelle le
rite « ordinaire », celui de Paul VI. - Mgr Gamber lui parlait, nous l’avons dit, du
« ritus romanus » pour la messe de Jean XXIII et du « ritus
modernus » pour celui de Paul VI -
J’aurais préféré, vous dis-je,
retrouver ces expressions de Mgr Gamber.
« Article
1 §2 : « Il est donc permis de célébrer la sacrifice de la messe
suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme
extraordinaire de la liturgie de l’Eglise ».
C’est
un droit purement et simplement affirmé. Ce n’est pas une
« concession ». C’est un droit. Il n’est plus nécessaire de recourir
préalablement à une quelconque autorité, celle du Saint Siège ou de
l’ordinaire, comme le demandait les derniers documents en la matière :
« Quattuor abhinc annos » »
ou « Ecclesia Dei addflica ».
A ce titre, ces textes sont purement et simplement abolis. C’est l’article 1 §
2 qui l’affirme : «Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de
C’est
clairement repris dans l’article 2 : « Pour célébrer ainsi selon l’un
ou l’autre missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège
apostolique ni de son ordinaire »
Ce
droit vaut pour tout prêtre diocésain, pour tout prêtre religieux, pour tous
instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit
pontifical. C’est l’article 3 : « Si des communautés d’Instituts de
vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical ou de droit
diocésain désirent, pour la célébration conventuelle ou « communautaire »,
célébrer dans leurs oratoires propres
L’article 5 va préciser ce droit et son exercice pour les paroisses. Voici sa formulation :
Art.
5, § 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de
fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera
volontiers leur demande de célébrer
§ 2. La célébration selon le Missel du bienheureux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordinaires mais les dimanches et les jours fêtes, une Messe sous cette forme peut aussi être célébrée.
§ 3. Le curé peut aussi autoriser aux fidèles ou au prêtre qui demandent, la célébration sous cette forme extraordinaire dans des cas particuliers comme des mariages, des obsèques ou des célébrations occasionnelles, par exemple des pèlerinages.
§ 4. Les prêtres utilisant le Missel du bienheureux Jean XXIII doivent être idoines et non empêchés par le droit.
§ 5. Dans les églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles, appartient au Recteur de l’église d’autoriser ce qui est indiqué ci-dessus ».
Distinction
des deux rites
Dans le chapitre 7,
du livre «
Cette idée importante est clairement reprise d’une manière implicite par le Motu Proprio, « Summorum pontificum ». Le pape prend bien soin, en effet, de les distinguer. L’un n’est pas l’autre, même s’ils expriment, dit-il, la même « lex credendi » de l’Eglise. A voir ! C’est tout l’objet du § 1 de l’article 1 : « Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Eglise et en raison de son usage vénérable et antique doit jouir de l’honneur qui lui est dû. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Eglise n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Eglise ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Cette stricte distinction des deux formes rituelles avait été également suggérée à Jean-Paul II par une commission de neuf cardinaux en 1986. Ils avaient suggéré en effet au Pape un certain nombre de propositions - que l’on retrouve tout à fait dans le Motu Proprio de Benoît XVI - insistant beaucoup aussi sur cette distinction des deux rites. M de Saventhem, président honoraire d’Una Voce Internationale, les avait ainsi résumées :
« Les normes de 1986 : en été 1986, une commission de
huit cardinaux de Curie fut constituée ad
hoc pour contrôler si l’indult de 1984 était susceptible de fonctionner.
Elle trouva qu’en pratique, il s’était montré « peu secourable »
et présenta des recommandations détaillées
pour une nouvelle réglementation pour toute l’Eglise. La teneur de ces
recommandations peut se résumer de la façon suivante :
1- Dans les offices du rite romain, l’honneur
qui lui est dû (debita honor) doit être accordé à la langue latine. Les évêques
doivent donc prendre soin que les dimanches et jours fériés soit célébrée au moins une messe en langue
latine dans chaque localité importante de leur diocèse. Cependant les lectures
pourront être dites en vernaculaire.
2- Pour leurs messes privées tous les prêtres peuvent,
en tout temps, employer la langue latine
3-
Pour chaque messe célébrée en langue latine,
avec ou sans fidèles présents, le célébrant a le droit de choisir librement
entre le missel de Paul VI(1970) et celui de Jean XXIII(1962)
4-
Si le célébrant choisit le missel de Paul
VI, il doit s’en tenir aux rubriques du dit missel.
5- Si le
célébrant choisit le missel de Jean XXIII, il est tenu d’employer les rubriques
du dit missel, mais il
peut : -employer soit la langue latine, soit la langue vulgaire pour les
lectures et – puiser dans les Préfaces et les prières du Propre de la messe
supplémentaires, contenues dans le missel de Paul VI et introduire des
« preces universales »(intercessions)
6- Le calendrier liturgique pour les fêtes sera
celui du missel choisi par le célébrant ».
Mgr Gamber insiste lui aussi beaucoup sur cette stricte distinction à maintenir entre les deux rites. Pour quelle raison ? La « continuité des formes de la messe » en est la raison première et fondamentale. Il écrit: « Il est sans intérêt de faire subir au ritus romanus traditionnel comme on l’a malheureusement fait jusqu’ici, les expériences actuelles (et il faut considérer que la plupart des innovations en sont). Sinon on perdrait un élément important, cette continuité des formes de la messe dont nous avons plusieurs fois parlé dans les exposés qui précèdent. Tandis que si l’on laisse inchangé l’ancien rite et si l’on continue à l’utiliser à côté du nouveau – mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte » (p. 76)
Toutefois Mgr Gamber
ne se serait pas exprimé sur ce sujet de la distinction des rites, ce me
semble, de la même manière que Benoît XVI. Mgr Gamber, en effet, écrit :
« La forme de la messe actuellement en vigueur ne pourrait plus passer
pour le rite romain au sens strict mais pour un rite particulier ad experimentum. Seul l’avenir montrera
si ce nouveau rite pourra un jour s’imposer de façon générale et pour une
longue période. On peut supposer que les nouveaux livres liturgiques ne
resteront pas bien longtemps en usage, car les éléments progressistes de l’Eglise auront entre temps
certainement développé de nouvelles conceptions concernant
l’ « organisation » de la célébration de la messe, s’ils ne
l’ont déjà fait…La célébration versus
populum, injustifiable du point de vue tant historique que théologique et
sociologique, devrait être peu à peu à nouveau éliminée » (p 76)
Je pense que les
«discussions », lors de la mise au point du Motu Proprio, ont été fortes sur ce sujet et qu’elles sont
pour une part la raison du retard dans la publication de ce texte. La pape a du
concéder beaucoup, lui, le disciple de
Mgr Gamber…C’est un simple avis personnel…
Les lectures en
langue vernaculaire
L’article 6 du Motu Proprio parle des
lectures pouvant être faites, dans le rite de Jean XXIII en langue
vernaculaire, alors qu’il est célébré avec le peuple. Il est dit : « Dans les Messes selon le Missel du
B. Jean XXIII célébrées avec le peuple, les lectures peuvent aussi être
proclamées en langue vernaculaire, utilisant des éditions reconnues par le
Siège apostolique ».
Mgr
Gamber est sur sujet également très clair. Il va tout à fait en ce sens : « Quant au ritus romanus, on
songera à un enrichissement de la messe selon l’esprit du Concile Vatican II,
par l’adoption d’un plus grand nombre de préfaces propres empruntées au trésor
des anciens sacramentaires romains. Cependant l’adoption de ces suppléments
devra rester provisoirement ad libitum,
c’est-à-dire soumise à la libre décision du prêtre célébrant. Afin de mettre
plus en relief les temps liturgiques, toutes les petites fêtes des saints
pourraient être célébrées que sous forme de mémoire. Mais on doit considérer comme
allant de soi de nos jours que les lectures, y compris celles du ritus romanus,
soient en général proclamées dans la langue du pays ». (p 76)
Les
raisons de cette coexistence des « rites »
Et si vous cherchez pourquoi Mgr Gamber souhaite le maintien du rite « antique », vous trouverez trois raisons qui seront explicitement reprises par Benoît XVI dans sa lettre de présentation du Motu Proprio aux évêques. Voici ces trois raisons exposées dans son chapitre 7.
a- La première raison : le maintien du rite romain, dans sa forme ancestrale et solennelle assurera plus facilement, demain, l’unité du culte et de l’Eglise. Nous retrouvons le texte précédemment cité. Cette idée est très importante et dans la pensée de Mgr Gamber et dans la pensée de BenoîtXVI
Mgr Gamber écrit : « Il est sans intérêt de faire subir au ritus romanus traditionnel, comme on l’a malheureusement fait jusqu’ici, les expériences actuelles (et il faut considérer que la plupart des innovations en sont). Sinon on perdrait un élément important, cette continuité des formes de la messe…- C’est une idée qui est également essentielle dans la pensée de Benoît XVI - Tandis que, si on laisse inchangé l’ancien rite et si on continue à l’utiliser à côté du nouveau - mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte ». (76)
Cette continuité des
formes de la messe…comme le dit Mgr Gamber est une idée très chère, vous
dis-je, à Benoît XVI. Il l’exprima très
clairement dans la préface du livre que nous analysons. Il écrit, -
reprenons cette idée tant elle importante pour l’avenir de la liturgie - « Ce qui s’est passé après le
Concile signifie toute autre chose : à la place de la liturgie fruit d’un
développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de
croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu
continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les
siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par
une fabrication organique du vivant – par une fabrication, produit banal de
l’instant.
Gamber, avec la vigilance d’un authentique
voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin, s’est opposé à cette
falsification et nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une
liturgie véritable, grâce à sa connaissance incroyablement riche des sources.
En homme qui connaissait et aimait l’histoire, il nous a montré les formes
multiples du devenir et du chemin de la liturgie ; en homme qui voyait
l’histoire de l’intérieur, il a vu dans le développement et le fruit de ce
développement le reflet intangible de la liturgie éternelle, laquelle n’est pas
l’objet de notre faire, mais qui peut continuer merveilleusement à mûrir et à
s’épanouir, si nous nous unissons intimement à son mystère. La mort de cet
homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous
aider à prendre un nouvel élan »
Il faut bien retenir cette idée et sa formulation :
b- La deuxième raison : éviter le risque d’un schisme.
« Bien des problèmes pourraient être résolus, nous dit encore Mgr Gamber, dans l’Eglise par la stricte séparation entre le rite romain et la nouvelle liturgie en langue vulgaire du ritus modernus et par la possibilité ainsi offerte aux fidèles d’utiliser les deux formes de messe. Mais surtout cela diminuerait le risque d’un schisme important, les légitimes réclamations d’innombrables catholiques - près de la moitié de ceux qui pratiquent encore – en faveur de la célébration traditionnelle de la liturgie étant satisfaites, sans que soit pour autant négligé le désir des autres d’avoir une messe « actuelle » (p. 77)
Cette idée est amplement développée dans la lettre explicative du pape Benoît XVI aux évêques. Il la présente même comme « la raison positive » de sa décision. Il leur écrit en effet : « J’en arrive à la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988. Il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider. Ce regard vers le passe nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau »
Et le pape de citer en conclusion de cette idée la nécessité d’ouvrir largement son cœur à tous. Plus de sectarisme ! C’est l’enseignement de saint Paul aux Corinthiens. Il le fait sien. Il veut que les évêques le fassent leur. Et ainsi en donnant à ceux qui le veulent la possibilité de recourir à l’usage ancien, on assurera plus facilement l’unité de tous.
c- La troisième raison : diversité des
cultes et unité de l’Eglise.
Mgr Gamber expose une troisième idée qui sera largement reprise et développée par Benoît XVI : la diversité des cultes ne nuit pas à l’unité de l’Eglise. Bien au contraire !
« On pourrait objecter que la solution proposée ici de deux rites utilisés parallèlement pourrait troubler l’unité ecclésiale dans les paroisses. On répondra à cela, que dans l’ensemble de l’Eglise et surtout en Orient, il y a eu de tout temps plusieurs rites reconnus par Rome. Cela ne saurait donc être vraiment grave si, dans l’Eglise romaine également, deux formes de messe cœxistaient côte à côte – au moins pour un certain temps. Mais si seulement il n’y en avait actuellement que deux ! Pour l’instant il y a comme on sait, d’innombrables rites, nombres de prêtres « arrangeant » la messe entièrement à leur guise. Il ne peut donc être vraiment question d’unité de rite » (p 78)
La conférence à Rome de 1998
Le cardinal Ra tzinger reprenait en tous points cette idée dans la conférence qu’il adressait en 1998 aux membres des communautés « Ecclesia Dei » venus à Rome pour fêter les dix ans du Motu Proprio du même nom. Il leur disait : « Il faut encore examiner l'autre argument, qui prétend que l'existence de deux rites peut briser l'unité. Là, il faut faire une distinction entre le côté théologique et le côté pratique de la question. Pour ce qui est du côté théorique et fondamental, il faut constater que plusieurs formes du rite latin ont toujours existé, et qu'ils se sont retirés seulement lentement suite à l'unification de l'espace de vie en Europe. Jusqu’au concile existaient, à côté du rite romain, le rite ambrosien, le rite mozarabe de Tolède, le rite de Braga, le rite des Chartreux et des Carmes, et le plus connu : le rite des dominicains, - et peut-être d'autres rites encore que je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé, que les dominicains, souvent présents dans nos paroisses, ne célébraient pas comme les curés, mais avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun doute, que leur rite fût catholique autant que le rite romain, et nous étions fiers de cette richesse d'avoir plusieurs traditions diverses. En outre, il faut dire ceci : l'espace libre, que le nouvel Ordo Missae donne à la créativité, est souvent élargi excessivement, la différence entre la liturgie selon les livres nouveaux, comme elle est pratiquée en fait, célébrée en des endroits divers, est souvent plus grande que celle entre une liturgie ancienne et une liturgie nouvelle, célébrées toutes les deux selon les livres liturgiques prescrits. Un chrétien moyen sans formation liturgique spéciale a du mal à distinguer une messe chantée en latin selon l'ancien Missel d'une messe chantée en latin selon le nouveau Missel ; par contre, la différence entre une liturgie célébrée fidèlement selon le Missel de Paul VI et les formes et les célébrations concrètes en langue vulgaire avec toutes les libertés et créativités possibles, - cette différence peut être énorme ! »
La lettre de Benoît XVI aux évêques.
Benoit XVI reprend de nouveau l’argument dans sa lettre aux évêques, tout en donnant un autre motif. Il leur dit :
« En second lieu, au cours des discussions sur ce Motu Proprio attendu, a été exprimée la crainte qu’une plus large possibilité d’utiliser le Missel de 1962 puisse porter à des désordres, voire à des fractures dans les communautés paroissiales. Cette crainte ne me parait pas non plus réellement fondée. L’usage de l’ancien Missel présuppose un : minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. De ces éléments préalables concrets découle clairement la fait que le nouveau Missel restera certainement la forme ordinaire du Rite Romain, non seulement en raison de normes juridiques, mais aussi à cause de la situation réelle dans lesquelles se trouvent les communautés des fidèles ».
Cette petite étude montre réellement la parenté de pensée entre Benoît XVI et Mgr Klaus Gamber en matière liturgique. Il suivra celui qu’il nous propose comme « maître » en liturgie.
Et
l’autre messe ?
Une chose, toutefois, me laisse perplexe, c’est la doctrine exposée en l’article I § 1 du Motu Proprio. Le pape écrit : « Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Eglise et en raison de son usage vénérable et antique doit jouir de l’honneur qui lui est dû. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Eglise n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Eglise ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».
Et il
poursuit dans sa lettre d’accompagnement aux évêques : « Il n'y a aucune contradiction entre l'une et l'autre édition du Missale
Romanum. L'histoire de la liturgie est faite de croissance et de
progrès, jamais de rupture. …Evidemment, pour vivre la pleine communion, les
prêtres des communautés qui adhèrent à l'usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration
selon les nouveaux livres. L'exclusion
totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa
valeur et de sa sainteté ».
Il faut ici certainement préciser comme le fait, du reste, Jean Madiran, dans son troisième article dans Présent sur le Motu Proprio, qu’ « il y a deux manières licites
de s’en tenir à la messe traditionnelle en excluant l’autre messe, sans que ce soit une exclusion « par principe ».
Premièrement, on peut exclure l’autre messe en vertu de la règle propre d’une communauté ou d’un institut.
Secondement, il faut bien comprendre qu’exclure l’autre messe par principe, ce serait l’exclure comme hérétique, schismatique ou blasphématoire. Or les opposants à l’autre messe les plus représentatifs (que j’ai cités hier, le Père Clamel, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer, l’abbé Dulac, Louis Salleron….ndlr) n’ont point contesté, ils ont même explicitement reconnu sa licéité (avec un doute cependant pour certains… ndlr) et sa validité quand elle est célébrée conformément à son texte officiel. Même dans ce cas, on peut la refuser si ce n’est point par principe mais par exemple pour des raisons pastorales ».
Ainsi nous pouvons en rester à la messe traditionnelle.
Mais doit-on reconnaître « la valeur et la sainteté » de la nouvelle messe » comme nous le demande Benoît XVI ?
En lisant Mgr Gamber on peut en douter.
Ses critiques sont nombreuses. J’en recueille quelques unes.
« Nos messes sont-elles devenues plus attirantes pour les fidèles depuis le Concile ? La liturgie renouvelée a-t-elle contribué à augmenter le sens de la foi et de la piété ? A peine semble-t-il. Le peu de temps écoulé depuis l’introduction en 1969 du nouveau ordo missae a suffi à révéler que nos églises se vidaient de plus en plus, que le nombre de nos prêtres et de nos religieux diminuait de plus en plus et ce dans des proportions effrayantes. Certes les causes en sont multiples. Néanmoins la réforme liturgique n’a pas été capable de stopper cette évolution négative ; il est probable qu’elle n’a pas peu contribué à l’entretenir »(p 44)
Alors peut-on parler de « valeur » et de « sainteté » de la nouvelle messe ?
Ou encore : « Les rites d’ouvertures dotés, surtout dans la version allemande du missel, de nombreuses « prescriptions de choix possibles » ouvrent une porte toute grande à l’arbitraire du prêtre célébrant. Quel bavardage les fidèles ne doivent-ils pas subir par endroits dès le début de la messe ! Tout comme c’est plus d’une fois le cas aujourd’hui dans les communautés protestantes » (p. 45-46).
Peut--on parler alors de sainteté et de valeur de la nouvelle messe ?
Ou encore : « Les trois nouveaux canons constituent eux, une rupture complète avec la tradition. Ils ont été nouvellement composés d’après des modèles orientaux et gallicans et représentent, au moins de par leur style, un corps étranger dans le rite romain » (p 49)
Mais ou est donc la « valeur » et la « sainteté »t » de la nouvelle messe ?
Ou encore : « La modification, ordonnée par Paul VI, des paroles de la consécration et de la phrase qui suit, utilisées dans la liturgie romaine depuis plus de 1500 ans, n’avait pas été prévue par le Concile et n’était d’aucune utilité pour la pastorale. La traduction de « pro multis » par « pour tous » qu’on ne trouve dans aucun texte liturgique ancien, est douteuse et a même scandalisé » (p. 50)
Et vous voulez parler de « valeur » et de « sainteté » ?
Ou encore, « Du point de vue du rite, on est frappé de voir qu’on ait pu retirer sans raison les mots mysterium fidéi insérés dans les paroles de la consécration depuis environ VI siècle, pour leur conférer une utilisation nouvelle : ils deviennent un appel du prêtre après la consécration. Une appel de cette sorte : Mysterium fidei ! n’a certainement jamais été en usage à l’acclamation de l’assemblée : « Nous proclamons ta mort… » ne se trouve que dans quelques anaphores égyptiennes. Elle est en revanche étrangère aux autres rites orientaux et à toutes les prières eucharistiques occidentales, et ne cadre pas non plus avec le style du canon romain. En outre elle représente une rupture abrupte dans le discours : alors qu’on s’adresse à Dieu le Père, voici qu’on s’adresse brusquement au Fils » (p 50)
Ou donc est « la valeur » et la sainteté » d’un tel rite ?
Ou encore : « Les réformateurs voulaient visiblement une liturgie nouvelle, se différenciant de l’ancienne tant pas son esprit que par ses formes extérieures, et non plus un culte répondant davantage aux besoins de la pastorale moderne, comme le Concile l’avait souhaité. Liturgie et foi vont de pair. C’est pourquoi on a créé un nouveau rite correspondant largement aux tendances de la nouvelle théologie (moderniste). Comme jusqu’ici la liturgie respirait en tout l’esprit des vérités de foi traditionnelles et celui de l’ancienne piété, elle ne pouvait pas subsister sous la forme qui était la sienne. On supprima donc beaucoup de choses et on introduisit de nouveaux rites, de nouvelles prières et de nouveaux chants, ainsi que des lectures bibliques qu’il n’est pas rare de voir amputées intentionnellement des passages ne convenant pas à la théologie moderne, comme ceux qui rapportent les paroles d’un Dieu juge et qui châtie » (p 84)
Et vous voulez parler de « valeur » et de « sainteté ».
Ou encore : « La liturgie reste une patrie, même quand elle continue à se développer. Et elle n’a cessé de se développer au cours de l’histoire presque bi-millénaire de l’Eglise. Mais ce qui est capital, c’est que jamais il n’y eut cette rupture avec la tradition que nous vivons maintenant d’une manière si effrayante, et cela au moment où, en outre, on remet presque tout en question dans l’Eglise »(p. 92-93)
Ou donc est la sainteté ?
Alors on comprend que pour Mgr Gamber « il faudrait que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours » (p 96) C’est ce que devrait faire Benoît XVI, dans une prochaine étape
En attendant, quant à moi, comme le RP Calmel, « je m’en tiens à la messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l'Ordo Missae de Paul VI.
Pourquoi
? Parce que, en réalité, cet Ordo Missae n'existe pas. Ce qui existe c'est une
Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue
par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d'heure, le masque de l'Ordo
Missae du 3 avril
Si
nous acceptons ce rite nouveau, qui favorise la confusion entre
Vous
me demanderez : en maintenant, envers et contre tout,
Je
reconnais sans hésiter l'autorité du Saint Père. J'affirme cependant que tout
Pape, dans l'exercice de son autorité, peut commettre des abus d'autorité. Je
soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d'autorité d'une gravité
exceptionnelle lorsqu'il bâtit un rite nouveau de
La
simple honnêteté donc, mais infiniment plus l'honneur sacerdotal, me demandent
de ne pas avoir l'impudence de trafiquer
TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.
Conclusion :
On
se souviendra, aussi, avec bonheur de
ces belles réflexions du Père Calmel : “Si vous mettez la main dans certains
engrenages, le corps entier sera broyé. Le Novus Ordo Missae peut se comparer à
un engrenage implacable, exactement calculé pour broyer la messe, et, avec la
messe, le prêtre. Banni le latin. Repoussé le canon ou règle invariable de la consécration. Encouragées les prières
eucharistiques peu consistantes, notamment le canon express. Fini le rite odorant et fixe pour recevoir la
communion. En somme la messe démantelée de part en part, dans toutes les
prières, dans toutes les attitudes ; aussi bien du côté du prêtre que du
côté des fidèles ; la messe abandonnée, dans la pratique, à l’arbitraire de
chacun. Et vous voudrez, avec cela, que la consécration, qui certes est
conservée, continue d’être faite dans un contexte approprié à son
mystère ! Vous voudriez que la messe demeure stable, infailliblement
valide ; vous voudriez qu’elle ne devienne pas n’importe quoi !
Autant vouloir l’impossible. Autant
dire : pendant l’orage, ne vous abritez d’aucune manière, mais quand même
ne soyez pas mouillés ! Il est vrai que les novateurs s’imaginent qu’après
Vatican II il fera toujours beau dans la sainte Eglise, que les orages ne
viendront plus nous éprouver. Vue intéressante sans doute, dont la seule
faiblesse est de manquer de réalisme ». (Publiés dans Le sel de