ITEM
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Un regard sur l’actualité
politique et religieuse
Au 23 mai 2006
N°90
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Lettre ouverte à Mgr Hippolyte
Simon.
Archevêque de Clermont.
Vous avez dit
« Privatim » Monseigneur !
Vous me le confirmiez, du
reste, dans votre bureau de l’archevêché
de Clermont lorsque vous me transmettiez l’acceptation de ma profession de foi
par le cardinal Castrillon Hoyos.
C’est ce que vous attestez
officiellement, de nouveau, par ce le
celebret ou « lettres de recommandation ».
Ces « lettres de
recommandations » sont vraiment importantes pour un prêtre car, sans
elles, il peut ne pas être autorisé, par le recteur ou le curé d’une église, à y
célébrer la sainte messe. C’est ce
qu’affirme le Can. 903 du Code de Droit
canon : « Un prêtre, même inconnu du recteur de l’église, sera
par lui (admis) à célébrer pourvu qu’il
lui présente les lettres de recommandation de son Ordinaire ou de son
Supérieur, délivrées au moins dans l’année, ou que le recteur puisse juger
prudemment que rien ne l’empêche de célébrer ». S’il ne les a pas, il peut
lui refuser la célébration des saints mystères. . C’est un peu comme la carte
d’identité. Sans elle, vous ne passez pas les frontières.
Vous comprenez, Monseigneur,
combien ce document m’est précieux, moi qui ai vécu toute ma vie sacerdotale
comme « traqué ». Oui « traqué ». Je vous assure que ce n’est pas agréable…J’ai du
souvent rusé dans les sacristies, faire
comme si j’allais dire la « nouvelle » messe, partir avec le nouveau
missel et mettre sous mon bras le petit missel romain, celui que j’aime, que l’Eglise m’a aussi transmis et
que Mgr Lefebvre m’a appris à aimer. Cela n’a rien d’agréable.
Mais vous ajoutez de votre
main sur ce celebret après le « ad
missam celebrandam » un petit astérisque qui me renvoie en marge, à un
mot écrit en lettres capitales : « privatim ».
Je ne serais
donc autorisé à dire la sainte messe dite de saint Pie V qu’en privé. Vous me l’avez dit oralement, il est vrai, puis
confirmé par lettre privée. Je n’étais
habilité qu’à célébrer la messe « tridentine » que dans ma paroisse
d’Ambert pour quelques membres de ma
famille et amis ou dans les oratoires privés du monastère de Randol.
Vous m’avez même interdit la
célébration d’une messe de mariage au beau sanctuaire de Saint Saturnin. Je ne
faisais que rendre service à un confrère, à la famille pour laquelle j’avais
obtenu, grâce à mes relations romaines, une belle bénédiction du Souverain Pontife. Le
curé responsable, que la famille avait informé, avait donné son accord. Rien ne fut caché. Ni
le nom du prêtre, donné expressément : l’abbé Paul Aulagnier. Ni le rite utilisé : le rite saint Pie
V. Vous avez appris la chose. Et vous
avez mis toute votre autorité en jeu pour l’empêcher in extremis. C’était en votre pouvoir. Mais cette interdiction
m’était faite non pas en raison de mes irrégularités canoniques ou peines
canoniques, puisque vous aviez reconnu et que vous confessiez publiquement
qu’ils n’y en avaient pas, mais simplement parce que je disais et
célébrais la messe saint Pie V…et qu’elle était célébrée par moi-même…C’était
le fait du « prince ». La famille dut s’adresser à un autre
prêtre qui, lui, a reçu les consentements des jeunes fiancés
dans le rites saint Pie V et a célébré la sainte messe dans le rite de saint
Pie V…avec le consentement du curé et le votre. Vous ne vous y êtes pas
opposés…Allez voir pourquoi ? Allez comprendre ?
J’ai accepté sans rien dire cet
ordre humiliant et pas très raisonnable …Vous êtes tout puissant sur vos
prêtres. Cet ordre, toutefois, restait privé…Je me suis tenu tranquille dans
le diocèse…pensant que des jours meilleurs viendraient…Je n’avais pas le
choix !
Mais là, dans la délivrance de ce
« célébret », dans ce document public, officiel, vous notifiez, cette fois publiquement, que je ne peux célébrer la sainte messe que
« privatim », sans public, qu’en privé. La chose est dès lors différente.
Elle devient publique. Elle ne touche pas seulement ma personne. Elle touche
aussi l’Eglise, son bien, son patrimoine, son être historique. La messe dite de
saint Pie V.
Cette messe traditionnelle, latine et grégorienne dite de saint Pie V est
le bien de l’Eglise. Elle ne peut être mise au rancard, dans un placard. Elle
peut être célébrée par tout prêtre. C’est ce que je voudrais faire valoir à
votre autorité.
Vous me permettrez,
Monseigneur, respectueusement, cette argumentation..
Le
rite que je célèbre, depuis mon ordination, le 17 octobre 1971, est un rite " canonisé " par
Il est plus que centenaire puisqu'il remonte au 13
juillet 1570, date de publication de cette Bulle par Saint Pie V. Mais, Saint
Pie V n'a fait que « réviser » le rite de la messe comme le dit
Monseigneur K GAMBER dans son livre « La réforme liturgique en
question » aux Editions Sainte Madeleine 1992 -page 16, préfacé par les
Cardinaux RATZINGER et STICKLER :
« La liturgie romaine est restée à travers les
siècles presque inchangée dans sa forme initiale, faite de simplicité et même
d'austérité. Elle représente en tout cas
le rite le plus ancien. Au cours des temps, plusieurs papes y ont apporté
des modifications rédactionnelles, comme le fit dès le début le pape saint
Damase (366-384) et, plus tard surtout saint Grégoire le grand (590-604)
... »
« La
liturgie damaso - grégorienne est restée en vigueur dans l'Eglise catholique
romaine jusqu'à la réforme liturgique actuelle ».
« C'est pourquoi il est contraire aux faits de
dire, comme il arrive souvent aujourd'hui, qu'on a aboli le « missel de
saint Pie V ». Les modifications apportées au missel romain durant près de
1400 ans n'ont en rien touché au rite proprement dit, contrairement à ce que
nous vivons aujourd'hui dans des proportions effrayantes; il s'est seulement
agi d'enrichissements en fêtes nouvelles, en formulaires de messe et en
certaines prières ..." (p 16).
" Le canon de la messe, à quelques
modifications près effectuées sous saint Grégoire 1er (590- 604), avait atteint
dès Gélase 1er (492-496) la forme qu'il a gardée jusqu'ici ".
Elle rentre
dans « ces coutumes centenaires ou
immémoriales » au sujet desquels le canon 28 du nouveau code reprenant
le canon 30 du code de Benoît XV dit : « la coutume…est révoquée par le
moyen d'une loi contraire mais s'il
n'est pas fait expressément mention, les lois (contraires) ne révoquent pas les
coutumes centenaires ou immémoriales ".
Il y a une
hiérarchie dans les lois.
S’il en est ainsi, il était donc nécessaire de faire
figurer, dans
La formule générique utilisée par Paul VI: « Non
obstantibus (...) Constitutionibus et Ordinationibus Apostolicis a
praedecessoribus Nostris editis » (« nonobstant les
constitutions et ordonnances apostoliques données par nos prédécesseurs
« ) peut tout au plus autoriser une discussion sur l'abrogation éventuelle
de
Certes, on sait que Paul VI
engagea « son autorité pontificale elle-même » dans cette affaire de
réforme liturgique. Il le fit expressément dans son allocution au Consistoire
du 24 mai 1974. Il demanda bien, devant tous les cardinaux réunis,
publiquement, solennellement obéissance à la réforme liturgique. Elle « engage le Concile ». Elle engage
surtout « l’autorité pontificale
elle-même ». Il le dit formellement : « « C’est au nom de
« C’est donc avec une profonde
amertume, mais aussi avec une paternelle espérance que nous nous adressons une
fois de plus à ce confrère (Mgr
Lefebvre), à ses collaborateurs et à ceux qui se sont laissés entraîner par
eux… Nous comprenons leur attachement
sentimental à des formes de culte et de discipline auxquelles ils
étaient habitués, qui pendant longtemps ont été pour eux un soutien spirituel
et dans lesquelles ils avaient trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous
avons le ferme espoir qu’ils sauront réfléchir avec sérénité sans parti pris,
et qu’ils voudront admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la
nourriture auxquels ils aspirent dans les formes renouvelées que le Concile
Vatican II et nous-même avons décrétées comme nécessaires pour le bien
de l’Eglise, pour son progrès dans le monde contemporain, pour son unité »
Pour le pape Paul VI, la
messe nouvelle est obligatoire. La messe traditionnelle, elle, est interdite.
Le Vatican - le pape, son entourage - veut
l’instauration dans l’Eglise de la nouvelle messe, celle de Paul VI, à
l’exclusion de toute autre. Le Pape le dit clairement.
« Rome » rejette de son sein la coutume immémoriale de
la messe de Saint Pie V. Elle n’en veut plus. Elle n’est plus agréée.
Chose étonnante. Chose
stupéfiante. Sans doute. C’est une des raisons de la crise de l’Eglise.
Mais les formes canoniques
n’ont pas été respectées. C’est la thèse brillante d’un abbé Dulac. Toutefois, et
voilà le drame… les « intentions
pontificales » ne peuvent pas être exprimées d’une manière plus
claire. La messe traditionnelle a vécu. Elle n’est plus.
Mais
qu’est-ce que cela ? Qu’est-ce qu’un discours par rapport à une coutume immémoriale de l’Eglise ?
Alors dire, ou laisser dire que, par cette seule Constitution « Missale
romanum » du 3 avril 1969 ou par ce seul discours du 24 mai 1974,
la coutume immémoriale qu’est la
messe dite de saint Pie V, ait été supprimée, c’est excessif.
Il
y a là manifestement un abus de droit
Il
y a manifestement un abus de pouvoir.
Il y a, en effet, dans l’Eglise, comme dans toute société, une
hiérarchie des lois. Un simple décret ne peut abolir une loi constitutionnelle…
comme un simple discours, une coutume immémoriale. Autrement c’est établir l’arbitraire.
Je
vous ferai de plus remarquer, , Monseigneur, que ni les allocutions successives de Paul
VI, ni les diverses instructions et notifications de
-
soit parce que les documents « se présentent comme de simples actes
interprétatifs et exécutifs de
-
soit parce que étant approuvés simplement en forme commune, ils n'ont pas les
pouvoirs de déroger, abroger, ou abroger quoique ce soit par leur propre
autorité (Prof. Neri Capponi).
La commission cardinalice de 1986.
Il faut enfin remarquer, Monseigneur, qu'une commission de 9 cardinaux nommée par le
Pape Jean-Paul II en 1986 affirma, pour sa part, à 8 cardinaux sur 9, que
C'est
le témoignage donné par le Cardinal STICKLER en juillet 1995, dans une
interview exprimée à Latin Mass Society, aux USA.
La conclusion à tirer, Monseigneur,
est la suivante, Jean Madiran le dit bien dans Présent du Samedi 20 mai 2006:
« Le missel romain de
saint Pie V est un rite officiel de l’Eglise, hors d’atteinte de toute
abolition » ou de toute limitation. « Les promulgations pontificales
de 1969 et 1970 ont bien existé, elles ont simplement pu installer un second
rite romain officiel, (NB : j’ajouterai toutefois, quant à moi : en ce domaine tout ne fut pas clair ) coexistant
avec le précédent, elles ne pouvaient faire valablement davantage et la
situation, plus clairement aperçue désormais, est celle de la légalité canonique simultanée du rite traditionnel et
du rite de Paul VI »
Si
la volonté de Paul VI avait été celle d'abroger les formes liturgiques
précédentes, il aurait dû le dire explicitement, l’exprimer dans les formes
requises puisqu'il s'agissait pour le rite traditionnel d'une coutume
immémoriale.
Puisqu'il
ne l'a pas dit ni fait dans les formes, le rite romain traditionnel, appelé
improprement de Saint Pie V, est toujours en vigueur, au moins « vi consuetudinis », « par la
force de la coutume ». Il n’a pas à être limité par votre propre autorité,
Monseigneur. Il n’a pas à être octroyé ni à être ôté. Il n’a pas à être déclaré
être célébré en privé ou en public. Il est simplement à être reconnu et à être
respecté dans les dispositions réglant son emploi à côtés des rites ou du rite
réformé.
Si donc il est toujours en
vigueur, il est légitime de le célébrer. Il est un droit" propre à tout
fidèle ".
J'invoque donc, à ce sujet, Monseigneur, le canon 96
contre votre « privatim », contre votre « astérisque » mise
indûment dans mon « celebret ». Ce canon, en effet, est ainsi
libellé: « par le baptême, un être humain est incorporé à l'église du
Christ et y est constitué comme personne avec les obligations et les droits qui
sont propres aux chrétiens ». Or « le rite dit de Saint Pie V est un rite
catholique, et donc un droit catholique pour tout baptisé. N’oubliez pas, Monseigneur
que le rite improprement appelé « tridentin » est d’un usage
universel et multiséculaire, d’usage constant et libre, bien avant
Je fonde également ma réclamation sur le canon 214 qui
dit: « Les fidèles ont le droit de rendre le culte à Dieu selon les
dispositions de leur rite propre approuvé par les pasteurs légitimes de
l'église ». J'ai donc le droit de rendre le culte à Dieu, par la
célébration de
Et si je n’obtiens pas satisfaction, à savoir :
l’envoi d’un autre « celebret » sans cette mention : « Privatim », je ferais recours au canon 221 -§ 1 : «
Il appartient aux fidèles de revendiquer légitimement les droits dont ils
jouissent dans l'Eglise et de les défendre devant le for ecclésiastique
compétent, selon le droit ».
De plus, ne pensez-vous pas que ce « privatim » en matière liturgique est, dans la
situation actuelle du corps épiscopal, assez mal venu?
Nous voilà arrivés à une époque où l’épiscopat
français prenant enfin compte du fait « traditionaliste » dans les
diocèses, semble vouloir ouvrir le
« dialogue » et donner, avec prudence, gain de cause aux légitimes
réclamations des traditionalistes en matière liturgique.
Ce sont les conclusions de
votre assemblée générale de printemps à Lourdes, les 5,6,7 avril dernier. Vous semblez vouloir
« bien articuler l’accueil de la diversité ». Vous désirez « reconnaître
la place dans l’Eglise d’une diversité de sensibilités liturgiques et
d’animations ecclésiales… », croyiez-vous y réussir en limitant le zèle de
ces prêtres à la célébration de la messe tridentine d’une manière « privatim » ?
Le pensez, ne serait pas raisonnable !
Et si vous vous ordonnez à la
création de paroisses personnelles dans vos diocèses sous votre autorité, il
est vrai que vous, vous ne les voulez pas…vous ne pourrez tout de même pas les
obliger à une « messe privatim ». Votre « privatim »
Monseigneur est anachronique. Il ne correspond pas aux intentions épiscopales…Seriez-vous au
sein de l’épiscopat dans l’isolement, dans la division ?
Vous savez bien également que
le pape Benoît XVI désire régler ce problème liturgique au plus vite en
reconnaissant la légitime existence du rite tridentin. Il n’a jamais lui non
plus parlé de limiter l’usage de ce droit en une célébration « privatim ». Bien mieux, il disait important « de
cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à
l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie ou qui la
pratique, est traité comme un lépreux : c’est la fin de toute tolérance.
Elle est telle qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Eglise. On
méprise par là tout le passé de
l’Eglise…J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes
confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance qui s’oppose aux réconciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison
valable ». (Voici quel est notre Dieu. p. 291).
Enfin le cardinal Barbarin,
Primat des Gaules vient de donner « l’imprimatur »
à un "Paroissial" intitulé Jubilate Deo. Il l’a donnée, en date du 22 février 2006.
- Vous le voyez c’est tout récent – Or ce livre d'église, ce « Paroissial » est au service des prêtres et des fidèles vivant
de la liturgie traditionnelle ». Il n’ y a là encore aucune
restriction dans le droit de la célébration de cette liturgie…comme vous
voulez m’y obliger. C'est, tout simplement, une nouvelle reconnaissance du
"droit de cité" dans l'Eglise de
cette liturgie ancestrale que célébrait devant une immense foule le cardinal Castrillon Hoyos
et à Campos lors de la messe des sacres de Mgr Rifan, le 15 août 2002 et à
Sainte Marie Majeur, à Rome.
Je
suis, de votre Excellence, l’humble
serviteur en NSJC.
Abbé Paul Aulagnier