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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 23 mai 2008
N° 171
Par Monsieur l’abbé Paul
Aulagnier
« La
question de la messe nouvelle »
(IV)
Depuis les trois derniers numéros de « Regard
sur le monde », je cherche à démontrer, parce que je crois la chose
capitale, que la « mouvance traditionnelle »,
toutes tendances confondues, s’est
toujours dressée contre « la nouvelle messe » et surtout la soi-disant
« nécessité de l’accepter telle quelle », comme si, avec elle,
il n’y avait plus de problème. C’est, du
moins, ce que certains voudraient nous faire croire aujourd’hui.
J’ai invoqué les arguments de nos anciens, nos
maîtres, celles de M l’abbé Dulac, celle de Jean Madiran.
Pour conforter cette position des
« tradi », et favoriser une « disputatio » liturgique, j’ai
aussi évoqué les critiques que certaines autorités vaticanes se permettent de faire aujourd’hui, surtout depuis 1988. J’ai
invoqué l’autorité du cardinal Ratzinger, celle du cardinal Stickler. Car,
figurez-vous, ils parlent, eux-aussi, de
la nécessité de procéder, dans les prochaines années, ou décennies, à la
« réforme de
Aujourd’hui, dans ce nouveau numéro, je voudrais
montrer que les « communautés relevant de la commission Ecclesia Dei se sont, elles aussi,
dressées contre la réforme liturgique alors même qu’elles étaient pourtant « agressées » par la « législation Medina » ( sa lettre
du 3 juillet 1999) les contraignant à accepter le principe du bi ritualisme. On
peut dire qu’elles l’ont accepté à contre-cœur. Elles ont courbé l’échine.
Elles ont faibli, mais sans rompre totalement. Elles ont manifesté une certaine
faiblesse, mais elles ont su se reprendre, (voir
mon livre « L’enjeu de l’Eglise la messe », Livre
Les
communautés Ecclesia Dei
et
la
critique de
Ils
critiquent
Oui,
Ils ont, en effet, publié un numéro de leur revue Tu es Petrus consacré à la liturgie à
l’occasion du cinquantième anniversaire
de la publication de Mediator Dei,
une encyclique du Pape Pie XII.
Je
l’ai lu avec intérêt.
Ce
numéro est de Janvier/avril 1998. Il a donc été publié bien avant leur réception solennelle à Rome, les 24 et 26
octobre 1998. Ce numéro, très bien fait, est une œuvre collective. Ils y
participent tous, des pères de Fontgombault aux religieuses de Pontcallec en
passant par les prêtres de
Ils
y mettent quelques formes – j’en conviens – ils édulcorent quelques formules
conclusives – c’est un parti pris délibéré qu’exige leur nouvelle position –
mais les critiques sont réelles et bien fondées, et fortes.
Ils
ne craignent pas de citer même le Bref Examen Critique et
le livre de MgrGamber.
Alors
qu’ils parlent « des signes de la liturgie
tridentine supprimés par la réforme du Nouveau Missel »,
ils écrivent : « Il existe bien des études
sérieuses sur (cette) question auxquelles on peut
se référer ». Et de citer, en note (p. 37), le Bref Examen
Critique du Nouvel Ordo Missae des Cardinaux
Ottaviani et Bacci ; ils en donnent la référence (in Itinéraires, n° 141, mars 1970) ainsi que
l’ouvrage de Klaus Gamber,
Elles
contestent, pour le moins, l’« orthodoxie »
de la réforme liturgique de
On
retrouve, de fait, dans ce numéro sur la liturgie, toutes les critiques qui
furent présentées, dès 1970, au Souverain Pontife par le Cardinal Ottaviani et
Mgr Gamber.
Ils
reprennent non seulement les idées mais les mots mêmes. Ils parlent de « rupture », « d ‘appauvrissement », de « désolation liturgique », de « préjudice ». Ils regrettent la suppression
– dans le nouveau rite – des prières au bas de l’autel, la suppression
des
prières de l’Offertoire, « à l’exception de l’Orate
fratres » que cependant – disent-ils – « la traduction française s’est empressée de mutiler »
(p. 37). C’est juste.
Ils
regrettent la multiplication des Canons : « Une nouveauté sans précédent dans la liturgie romaine ».
Ils admirent le respect de l’Église pendant
des siècles, « à la règle de l’action
sacrée – le Canon – demeuré invariable » (p. 38). Ils s’inspirent, dans
cette critique, de
Mgr. Gamber qui écrit – dans son livre La réforme liturgique en
question : « Les trois nouveaux Canons
constituent eux, une rupture complète avec
Ils
ne craignent pas de parler d’incohérences de cette réforme liturgique… (p. 38).
Par
exemple quant à la suppression de l’« Oremus » de la prière universelle. Ils parlent
même de « précipitation dans la réalisation de cette
réforme » (p. 38). Ils regrettent la suppression ou la
diminution des génuflexions, des signes de croix (p. 43). Ils regrettent
l’appauvrissement de certains signes sacrés « comme
le baiser de paix » qui, de l’autel figurant de Christ-Seigneur,
descendait jusqu’au peuple par le ministère sacerdotal, manifestant ainsi « la communion hiérarchique autour du Christ » (p. 38) et
transformé par « un geste profane » – la congratulation – « qui perd cette symbolique et qui se trouve être souvent la foire d’empoigne »
(p. 38).
C’est
très bien vu.
Ils
déplorent la suppression du silence principalement lors du Canon « le silence de la grande prière du Canon »
et « lors de la communion des fidèles » – silence « exigé par la présence de Dieu dans notre âme » (p. 38).
Quant
au calendrier liturgique : « On ne peut que déplorer –
disent-ils – le caractère systématique des changements ».
Ils
reconnaissent la validité, en soi, de la réforme – nul prêtre sérieux ne l’a
jamais mise en doute encore qu’il y ait de plus en plus de messes dont la
célébration soit invalide (par manque d’intention droite) – mais ils se
désolent que cette nouvelle liturgie « ne soit pas ou ne soit
plus celle qui a mûri pendant des siècles et qui (s’est) développée au cours de l’histoire d’une manière homogène ». « Elle est une création – disent-ils – en soi légitime parce que
l’autorité a le pouvoir de le faire mais
qui a perdu de grandes richesses du passé »
(p. 39).
Mais surtout, ils regrettent cette nouvelle
liturgie car « elle apparaît comme une rupture avec une liturgie dont l’ordonnance remontait pour l’essentiel à saint Grégoire le Grand »
(p. 40).
Voyez,
ils reprennent les termes de Mgr Gamber, du Cardinal Ratzinger lui-même. Ils
déplorent tout comme eux, cette rupture. Nous aussi. Oh ! Combien. Ils
critiquent tout comme nous, le document doctrinal qui préside à l’organisation
du nouveau
rite
de
«
l’Institutio ». Leurs critiques
sont tout à fait pertinentes. Ils affirment que l’aspect sacrificiel de la messe
est « oblitéré » ainsi que la présence réelle, ainsi qu’« exagérée la place octroyée à l’assemblée des fidèles » (p. 40). Ils le font remarquer
dans l’analyse qu’ils font du fameux n° 7, du n° 48. Ils déplorent le nouvel
Offertoire : « le nouvel Offertoire s’est
appauvri. Il n’est pas exempt d’ambiguïté »
– ça veut dire qu’il est équivoque – et la réalité sacrificielle y est moins
bien exprimée « que dans le
rite tridentin » (p. 40). Ils écrivent même que
ces prières « nouvelles » sont déconcertantes (p. 40). Ils regrettent la
suppression de la prière qui clôturait la messe et qui insistait sur le
caractère propitiatoire du Sacrifice de
Quant
à la présence réelle du Christ Seigneur, ils regrettent « l’abandon des gestes de respect dû à la présence réelle ».
Le Cardinal Ottaviani – il vous en souvient – ne s’exprimait pas autrement. « Il est regrettable surtout qu’on ait abandonné tous
les petits gestes de respect qui signifiaient notre foi et notre adoration
du Christ présent sous les saintes Espèces ». (p. 43).
Le
Cardinal Ottaviani disait : « Il est impossible de ne
pas remarquer l’abolition ou l’altération des gestes par lesquels s’exprime
spontanément la foi en la présence réelle ». C’est bien la même pensée. Ainsi se lamentent-ils de la
suppression
des
génuflexions. C’est ce que regrettait aussi le Cardinal. Ils vont même dans le
détail : « Elles sont passées de onze dans l’ancien rituel, à trois ». (p. 43). Tout comme le Bref Examen Critique, ils déplorent la suppression « des petits signes qui
montraient le respect du prêtre à l’égard des saintes Espèces »
: suppression de la purification des doigts, la suppression de la dorure du
calice, etc. (p. 44).
Pour
conclure : « Bien entendu, ces suppressions prises
individuellement sont des petites choses mais toutes réunies, elles favorisent
une certaine indifférence à l’égard des saintes Espèces qui peut vite devenir
irrespect ». La
conclusion – sur ce point – du Bref Examen Critique est plus catégorique. Je la préfère, mais elle exprimait
la même idée : la perte du respect et de
la foi en
Ils
ajoutent également leur déception devant la suppression des positions à genoux,
la modification de la manière de communier, la suppression de la répétition par
trois fois de la prière du centurion « Seigneur, je ne suis pas
digne… ». Ils remarquent
très
justement : « Outre que cette répétition relève d’une sage
pédagogie, elle explicite aussi la présence du Dieu- Trinité »
(p. 44). C’est vrai.
Quant
au rôle du prêtre dans la liturgie, ils parlent – là aussi – tout comme nous :
l’Institutio Generalis –
disent-ils – « utilise un terme ambigu pour exprimer le rôle sacerdotal, celui de
présidence » et de citer l’article 7 de l’Institutio Gneneralis. Ce
terme
de « présidence exprime le rôle pastoral de l’Évêque
ou du prêtre : la charge de conduire le troupeau »
mais nullement « le rôle du prêtre dans l’Eucharistie »
(p. 45) car « ce qui est premier dans la théologie catholique
de
du prêtre agissant « in persona Christi » et c’est de cette
identification sacramentelle que découle son rôle de chef –
de président – parce que le Christ est le chef du Corps mystique » (p. 45). Cette subordination des fonctions est bien
vue. « À
l’autel, le prêtre n’est pas d’abord président, député par le
peuple. Il n’est pas seulement le représentant pastoral du Christ. Il est le
Ministre de sa médiation, qu’il accomplit dans le Christ à l’autel. C’est aussi
en cela que son sacerdoce ministériel diffère essentiellement de celui des
fidèles » (p. 46). Or
quand les rubriques parlent de prières présidentielles – définissant ainsi le Canon de
Ils
descendent même dans les détails : « Cette ambiguïté se retrouve
aussi dans les réformes liturgiques de l’Ordo où l’on a gommé certains signes
qui manifestaient le rôle du prêtre » :
•
la suppression du double Confiteor: celui du prêtre puis celui des fidèles,
•
la suppression de la double communion du prêtre et des fidèles,
•
la mutilation, dans la traduction française, de l’Orate fratres qui
faisait
dire au prêtre: « mon sacrifice qui est
aussi le vôtre »,
•
« l’orientation de l’autel et la place du prêtre »
(p. 46).
Tout
cela augmente l’ambiguïté du nouveau rite et en fait un rite « mi-luthérien, mi-catholique ».
Quant
à la place de l’assemblée des fidèles, ils font encore d’excellentes remarques.
« L’Institutio Generalis insiste trop exclusivement sur l’aspect communautaire qui se réalise et s’achève dans l’assemblée présente autour du prêtre »
(p. 47).
Ils
concluent très heureusement leur exposé en disant que : « Le lien entre l’Eucharistie et l’unité réalisée n’est pas très
clair. On a même l’impression, ici, que l’unité ou communion des fidèles réalisée,
précède l’Eucharistie proprement dite au lieu d’en être le fruit »
(p. 48).
Et
c’est ainsi que l’Institutio met
d’abord l’accent sur « la participation extérieure
des fidèles » (p. 46) ce qui aggrave le risque d’une autocélébration, d’une communauté qui se
replie sur elle-même et – comme le dit
le Cardinal Ratzinger – se célèbre
elle-même.
Tout
cela se réalise, de fait, au détriment de la fin théocentrique du culte eucharistique.
« Le caractère théocentrique de l’Eucharistie – i.e. le culte dû à Dieu – a été ainsi édulcoré par la réforme » (p. 48).
Ce
qui est accentué encore :
•
par l’orientation de l’autel – c’est vrai,
•
par la suppression des prières trinitaires : le « suscipe sancta Trinitas » – le « placeat tibi sancta Trinitas ».
En
conclusion, ils reparlent de « rupture dans l’évolution et
la maturation de la liturgie » d’avec le rite tridentin (p.
48) et affirment que le respect du
mystère de Dieu que doit exprimer la
liturgie, est bien compromis : « C’est sans doute ce qui a manqué
à la dernière réforme (révolution ?) (sic) qui a tout bouleversé en très peu de temps, au pas de course »
(p. 49). Ils n’osent pas parler franchement de
révolution. Ils utilisent le mot, y
ajoutent un point d’interrogation. C’est de la crainte – de la
pusillanimité
– mais soyons justes : parler d’un événement, d’un
acte
qui « a tout bouleversé en très peu de temps et au
pas de
course », qu’est-ce, sinon une révolution.
Ils
concluent leur étude par cette phrase : « Il
apparaît que le Nouveau Missel constitue un très net appauvrissement
théologique » (p. 42). Nous avons essayé de le montrer brièvement, disent-ils. Oui – et je leur donne vraiment un
compliment, un
«
satisfecit ».
Mais
dire toutes ces critiques vraiment pertinentes, n’est-ce pas un peu douter de
l’« orthodoxie » de
Ils
ont pris quelques distances à l’égard de Mgr Lefebvre mais ils soutiennent
toujours
les thèses du Bref Examen Critique,
les mêmes. Ils doutent de la messe nouvelle : elle n’est pas la juste et la
parfaite expression de la foi catholique. Ils en demandent eux aussi une juste réforme.