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Un regard sur l’actualité politique et religieuse

au 22 août 2004

N°5

par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

 Numéro spécial sur l’oecuménisme

 

Monseigneur Lefebvre, l’œcuménisme et  l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia »

 

 

 

Le « Chardonnet », bulletin de l’Eglise Saint Nicolas du Chardonnet, à Paris, vient de fêter ses 20 ans d’existence avec son numéro 200. Au fil du temps, trois confrères s’y sont dévoués. Mr l’abbé Philippe Laguérie, Mr l’Abbé Bouchacourt et  aujourd’hui, Mr l’abbé Beauvais. Tous les trois avec leurs propres caractères et talents. Toutes nos félicitations pour cette fidélité dans la parution.

 

Pour fêter ces vingt ans de parution, le n° 200 nous donne, entre autres choses, une belle homélie de Mgr Lefebvre, la première que le Prélat prononça à l’occasion du sacrement de confirmation, qu’il vint donner aux enfants, le 22 mai 1977.

 

C’est avec joie que j’en ai fait la lecture. C’est toujours avec profit qu’on lit ou relit les textes d’un fondateur.

 Je fus particulièrement attiré par les propos qu’il tint, voilà maintenant 27 ans, sur l’œcuménisme.

J’avais également en mémoire les récentes déclarations du Pape dans son Encyclique « Ecclesia de Eucharistia » et particulièrement les numéros  35, 37, 44,  45, ainsi que le commentaire que le RP Ansgar Santigrossi, bénédictin des USA,  venait  de donner  dans le dernier numéro de Catholica, le n° 84.

 

Je voudrais vous transcrire tout cela et vous montrer que les choses évoluent un peu  sur ce difficile problème : l’œcuménisme.  Rien n’est statique ni définitif en ce monde, ni dans le bien ni dans le mal. Entre l’enseignement du Concile Vatican II, le Nouveau Droit Canon et l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia », il y a bien des nuances   importantes qu’il faut prendre en compte si l’on veut réfléchir justement.

Il ne faut jamais  arrêter le temps, ni faire du  « fixisme », ni faire du « lefebvrisme ». Ce serait pour nous la pire des choses.

C’est une de mes « marottes ». C’est un e idée qui me paraît évidente et qui semble, pourtant, mal comprise .. .encore. Patience !

 

Je vous donnerai les paroles de Mgr Lefebvre sur l’œcuménisme. Il prend à partie, justement, l’enseignement de Vatican II. (A 1)

Je vous donnerai ensuite les réflexions du RP Ansgar Santigrossi publiées dans Catholica.(A2)

Et je terminerai en vous donnant les quelques réflexions de Monsieur l’abbé Barthe sur l’œcuménisme qu’il avait adressées à ITEM pour commenter le texte critique de la FSSPX (Voir ITEM : actualités religieuses) et qu’il vient de reprendre dans ce même numéro de Catholica. Ce petit texte à l’avantage de mettre le doigt sur le point  qui fait difficulté dans l’enseignement du Concile Vatican II  tel qu’exprimé dans  son  décret « Unitatis redintegratio ». C’est un tel document qu’il faudrait corriger…Ce qui n’est pas encore fait… Notre « supplique » est toujours d’actualité. 

 

Voilà pour vous une bonne lecture. Vous avez du pain sur la planche. Mais ce sujet de l’œcuménisme est un sujet important dans nos « questions » posées à Rome et si vous en faites une lecture attentive, vous ne perdrez pas votre temps.

 

A 1 – La pensée de Mgr Lefebvre sur l’œcuménisme dans son homélie du 27 mai 1977

 

« …Nous n’acceptons pas la nouvelle religion, parce que la nouvelle religion, qui est faite d’un faux œcuménisme, nous conduit vers des sauveurs qui ne sont pas Notre Seigneur Jésus-Christ. (Cette nouvelle religion ) nous fait croire que l’on peut se sauver en dehors de Notre Seigneur Jésus-Christ, que l’Eglise catholique n’est pas la seule vraie religion. Ce faux œcuménisme agit comme un dissolvant sur toute notre sainte religion catholique (…) C’est ce faux œcuménisme qui nous a changé toute notre sainte religion. Et d’abord en changeant le saint sacrifice de la messe pour en faire une espèce d’assemblée œcuménique dans laquelle, pour finir tout le monde pourra communier : les pécheurs publics, les infidèles, les hérétiques, les schismatiques. Tout le monde pourra communier à cette assemblée qui est une fausse Eucharistie. Et parce que l’on a voulu changer notre sacrifice de la messe et en faire une espèce d’inter communion (…) on a tué le sacerdoce, car le prêtre est fait pour le sacrifice de la messe et non pas pour une eucharistie œcuménique. Alors il devient simplement un président d’assemblée et de cela nous n’en voulons pas ! Nous voulons que nos prêtres soient des sacrificateurs, soient des hommes qui participent au sacerdoce de NSJC par la grâce du sacrement de l’Ordre. (…) Ce sacrifice, qui par le sang de NSJC, répandu sur l’autel (…) rachète nos péchés, nous délivre de nos péchés car nous sommes pécheurs et de cela on ne veut plus non plus parler et c’est cela qui change la doctrine aussi de l’Eglise car s’il faut accepter à notre communion les hérétiques, les pécheurs, les infidèles, les pécheurs publics, à ce moment nous n’avons plus de distinction entre ceux qui sont pécheurs et ceux qui ne le sont pas, ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Et cela, c’est contraire à la doctrine de l’Eglise, à notre Credo, à notre catéchisme(…).

 

 

A 2 -  Les réflexions du RP Ansgar Santogrossi sur l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia ».

 

 

 

Les milieux français de la Tradition connaissent ce père bénédictin. C’est lui qui a publié aux éditions Clovis le beau petit livre sur le judaïsme : « L’Evangile prêché à Israël » (Clovis. BP 88, 91152 Etampes Cedex Tel O1 69 78 30 23). Je vous le recommande.

Il vient de donner de très intéressantes réflexions sur l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia », particulièrement sur  les articles  35 37 44 45. Là, il aborde le sujet de la communion eucharistique avec les chrétiens séparés, ainsi qu’avec  les divorcés « remariés », (pécheurs publics).

Il compare l’enseignement de cette encyclique sur ce sujet important avec l’enseignement pré-conciliaire, conciliaire et post conciliaire, le  Code de Droit canonique de 1983.

 

Or il existe une réelle différence sur ce sujet  entre l’enseignement et la pratique  avant le Concile Vatican II. et la période conciliaire et post-conciliaire.

 

Voyez. 

 

Dans le Droit Canon de 1917, par exemple, il était clairement enseigné que « les sacrements ne pouvaient pas être administrés aux hérétiques et aux schismatiques même s’ils étaient de bonne foi ».

 

Avec le Concile et le  Code de Droit canonique de 1983, il est permis d’administrer les sacrements à des chrétiens séparées s’ils le demandent spontanément et s’ils sont convenablement disposés.

 

La différence est totale.

L’évolution évidente.

 

C’est celle que Mgr Lefebvre dénonçait dans son homélie du 27 mai 1977 que nous venons de vous donner :  

« C’est ce faux œcuménisme qui nous a changé toute notre sainte religion. Et d’abord en changeant le saint sacrifice de la messe pour en faire une espèce d’assemblée œcuménique dans laquelle, pour finir tout le monde pourra communier : les pécheurs publics, les infidèles, les hérétiques, les schismatiques. Tout le monde pourra communier à cette assemblée qui est une fausse Eucharistie. Et parce que l’on a voulu changer notre sacrifice de la messe et en faire une espèce d’inter communion (…).

 

Or, pour le père Ansgar Santogropssi, les choses semblent évoluer dans le bon sens avec la dernière encyclique « Ecclesia de Eucharistaia ».

 

Voyons son étude.

 

Le  titre en énonce bien l’objet : « Chrétiens séparés, divorcés « remariés » et communion eucharistique ».

 

Son propos est clair, immédiatement affirmé : « Le propos de la présente étude est de comparer les recommandations de la dernière encyclique du Pape Jean-Paul II avec les directives précédentes pré et post-conciliaires ». 

 

Son avis est net: il pense qu’une évolution vers la sagesse est manifeste. C’est pour le démontrer qu’il rédige cette étude.

« L’étude qui suit compare et souligne les différences entre les décisions pratiques et la justification théologique des textes mentionnés, car il nous apparaît que certains passages de l’encyclique de 2003 (Ecclesia de Eucharistia) représentent un retour partiel à l’esprit de la discipline d’avant Vatican II de ne pas administrer les sacrements aux « hérétiques et schismatiques même s’ils sont de bonne foi ». C’est à la lumière de cette présomption que ces divers documents sont analysés. »  

 

Si la démonstration est probante  - à vous de voir – elle m’a paru personnellement convaincante - elle montre qu’il y a, en ce domaine de l’œcuménisme, une « petite » évolution. Si cette évolution « est », il faut y être attentifs et  savoir la prendre en compte.

 

Le lecteurs qui serait pressé et qui n’aurait pas le temps de  lire ce relativement long exposé intéressant, pourrait aller directement à la conclusion.

Voici l’article.

 

 « Le propos de la présente étude est de comparer les recommandations de la dernière encyclique du Pape Jean-Paul II avec les directives précédentes pré et post-conciliaires.

Le  second concile du Vatican, par son décret sur les Eglises orientales catholiques (Orientalium Ecclesiarum, 21 novembre 1964), a grandement libéralisé la discipline antérieure concernant l’administration des sacrements aux chrétiens orientaux séparés (nn.24-29). Cette pratique moins sévère fut ensuite codifiée par les directoires œcuméniques post-conciliaire et par le Code de Droit canonique de 1983. Cependant l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia » du pape Jean-Paul II (17 avril 2003) se montre restrictive sur l’administration des sacrements aux personnes non catholiques et réaffirme le refus des sacrements aux divorcés « remariés ». Une déclaration du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs avait déjà insisté sur l’exclusion des divorcés « remariés » de la communion.

 

« L’étude qui suit compare et souligne les différences entre les décisions pratiques et la justification théologique des textes mentionnés, car il nous apparaît que certains passages de l’encyclique de 2003 représentent un retour partiel à l’esprit de la discipline d’avant Vatican II de ne pas administrer les sacrements aux « hérétiques et schismatiques même s’ils sont de bonne foi ». C’est à la lumière de cette présomption que ces divers documents sont analysés ».

 

« L’auteur de cette étude ne voit pas la possibilité théologique de la libéralisation introduite par Vatican II concernant l’administration des sacrements aux chrétiens séparés. Cependant, malgré leur forme affirmative, la présente étude n’a pas l’intention de présenter comme des affirmations (des thèses) tous les jugements portés. L’auteur soumet son opinion à l’autorité du magistère. Son intention est de soulever des difficultés afin que des clarifications autorisées émanent du magistère. L’article se présente sous la forme d’un commentaire de passages choisis de l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia ».

 

(NDLD : il serait bien heureux et nécessaire que les critiques émanant des théologiens de la FSSPX retrouvent cet état d’esprit, cette déférence à l’autorité qu’elles n’auraient jamais du perdre. C’est ce que j’ explique en disant : qu’il faut garder sauve la Tradition,  ses valeurs,  sans vouloir pour autant en remontrer sans cesse à son « curé ». Il en faut peu pour dérailler).

 

1- Article 35 de « Ecclesia de Eucharistia » : « Le sacrement exprime ce lien de communion(…) d’autre part dans sa dimension visible, qui implique la communion dans la doctrine des Apôtres, dans les sacrements et dans l’ordre hiérarchique. (…) C’est seulement dans ce contexte qu’il y a célébration légitime de l’eucharistie et la véritable participation à ce sacrement ».

 

Commentaire et questions :

 

Cette affirmation de l’encyclique coexiste avec le Code de Droit canonique de 1983 qui permet d’administrer des sacrements à des chrétiens séparés s’ils le demandent spontanément et s’ils sont convenablement disposés. Mais si ce n’est que dans le contexte des trois liens de communion qu’une « célébration légitime de l’eucharistie avec une véritable participation » est possible, comment est-il possible d’administrer des sacrements à des personnes qui sont, de fait, en dehors de ces liens de communion par leur schisme objectif et leur éloignement de la foi catholique ? L’artricle 35 de la présente encyclique paraît en très bonne harmonie avec le Code de Droit canonique de 1917, qui déclare simplement que les sacrements ne peuvent pas être administrés aux hérétiques et aux schismatiques, même s’ils sont de bonne foi. L’affirmation de l’article 35 disant que la célébration légitime de l’eucharistie ne peut prendre place que dans le conteste des trois liens de communion soulève aussi des questions en ce qui concerne la théologie œcuménique, lorsqu’on se souvient de l’enseignement de la lettre « Communionis notio » de 1992, selon laquelle la communion avec le pape est intrinsèque ou objectivement requise pour toute célébration de l’eucharistie (n° 14). Les théologiens et oecuménistes catholiques d’aujourd’hui reconnaissent la « légitime autorité » des évêques orthodoxes, mais si la célébration légitime de l’eucharistie exige les trois liens de communion et si la communion hiérarchique inclut la communion avec la pape, alors comment peut-on considérer les célébrations eucharistiques orthodoxes comme légitimes ? On ne soulève ici encore aucun doute sur la validité de l’eucharistie des Eglises orthodoxes, mais l’on demande comment les célébrations dans les Eglises orthodoxes peuvent être considérées comme canoniquement licites aussi longtemps que les évêques et les prêtres qui la célèbrent refusent toute soumission au pontife romain. C’est parce que le clergé orthodoxe est objectivement en état de schisme que l’Eglise catholique insista pour que les chrétiens orientaux qui reconnaissaient l’autorité du pontife romain et de ses définitions dogmatiques soient obligés d’éviter d’entrer en communion sacramentelle avec les orthodoxes et établit en conséquence des juridictions orthodoxes « uniates »..

 

2- L’articles 37 de  Ecclesia de Eucharistia ne permet pas d’admettre que les sacrements puissent être administrés sur la seule base de la conviction subjective de la dignité du récipiendaire. Au contraire, un péché objectivement grave, manifeste et durable, exclut quelqu’un des sacrements : « Evidemment, le jugement sur l’état de grâce appartient au seul intéressé, puisqu’il s’agit d’un jugement de conscience. Toutefois, en cas de comportement extérieur gravement, manifestement et durablement contraire à la norme morale, l’Eglise dans son souci pastoral du bon ordre communautaire et par respect pour le sacrement, ne peut pas ne pas se sentir concernée. Cette situation de contradiction morale manifeste est traitée par la norme du Code de Droit canonique sur la non-admission à la communion eucharistique de ceux qui ‘persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste’ ».

 

Commentaire et questions :

 

La contre-indication morale la plus commune, grave et externe à la réception des sacrements est le mariage « attenté » invalide ; les divorcés « remariés » vivant ensemble more uxorio ne peuvent recevoir la communion. Le Conseil pour l’interprétation des textes législatifs le réaffirme le 24 juin 2000, comme interprétation officielle. Le contexte de cette déclaration, c’est l’erreur répandue par certains auteurs modernes qui soutiennent qu’avant de refuser la communion à quiconque, les conditions subjectives pour qu’il y ait péché mortel (grave) doivent être présentes, et il faut que la personne en question ait refusé un avertissement du pasteur (persiste obstinément »). Si l’existence de ces conditions ne peut être établie, ces auteurs modernes disent qu’alors la communion peut être donnée aux divorcés « remariés ».La réponse du Conseil, c’est le rappel du Code de Droit canonique : ceux « qui persistent obstinément en un péché grave et manifeste ne doivent pas être admis à la Sainte Communion » (can 915). Après avoir rappelé la base de ce canon dans la loi divine elle-même, le Conseil déclare que « le péché grave doit être compris objectivement (souligné par nous), parce que de l’imputabilité subjective, le ministre de la communion ne peut en juger » et que « la persistance obstinée » signifie simplement « qu’il existe une situation objective de péché, qui perdure au cours du temps, et à laquelle la volonté des fidèles ne met pas fin, tandis que  d’autres conditions ne sont pas requises (attitude de défi, monition préalable, etc.) pour que la situation soit fondamentalement grave du point de vue de l’Eglise »(souligné par nous). Se référant au « contenu substantiel du canon 915, déclaré sans interruption par le magistère et pas la discipline de l’Eglise au cours des siècles », le Conseil justifie son interprétation : « Recevoir le corps de Christ en étant publiquement indigne constitue un dommage objectif pour la communion ecclésiale ; c’est un comportement qui attente aux droits de l’Eglise et de tous les fidèles à vivre en cohérence avec les exigences de cette communion. Dans le cas concret de l’admission à la communion des fidèles divorcés « remariés », le scandale, entendue comme une action qui pousse les autres vers le mal, concerne à la fois le sacrement de l’eucharistie et l’indissolubilité du mariage. Ce scandale subsiste même si, malheureusement, un tel comportement n’étonne plus : au contraire c’est précisément face à la déformation des consciences qu’il est davantage nécessaire que les pasteurs aient une action patiente autant que ferme, pour protéger la sainteté des sacrements, pour défendre la moralité chrétienne et pour former droitement les fidèles ».

 

Pourquoi les mêmes principes ne s’appliqueraient-ils pas également aux chrétiens séparés qui professent des doctrines hérétiques et refusent de se soumettre au Pontife romain ? L’hérésie et le schisme sont objectivement des matières graves, indépendamment de la culpabilité subjective de ceux qui y adhèrent, car s’opposant à l’unité de l’Eglise que signifie l’eucharistie. Si l’hérésie et le schisme sont des péchés graves, il en résulte qu’une personne qui adhère habituellement aux traditions objectivement hérétiques et schismatiques d’une communauté séparée, paraît se trouver dans « une situation objective de péché durable dans le temps tant qu’il n’y met pas fin » ; si une telle situation de « persistance obstinée » en matière grave exclut les divorcés « remariés » de la communion, pourquoi n’exclurait-elle aussi les chrétiens séparés ?

Puisque l’encyclique enseigne que la communion ne peut être donnée à ceux qui demeurent dans le péché grave, extérieur et obstiné, et puisque la « persistance obstinée » exclut les divorcés « remariés » de la communion, on se demande pourquoi l’adhésion obstinée à l’hérésie et au schisme objectif n’exclut pas les chrétiens séparés de la communion.

 

3) Article 44 de Ecclesia de Eucharistia : « Précisément parce que l’unité de l’Eglise, que l’eucharistie réalise par le sacrifice du Christ, et par la communion au corps et au sang du Seigneur, comporte l’exigence, à laquelle on ne saurait déroger, de la communion totale dans les liens de la profession de foi, des sacrements  et du gouvernement ecclésiastique, il n’est pas possible de concélébrer la même liturgie eucharistique jusqu’à ce que soit rétablie l’intégrité de ces liens ». 

 

Commentaire et question :

 

L’article 35 a affirmé qu’une « célébration légitime et une véritable participation » à l’eucharistie n’existent que dans le conteste de la communion hiérarchique. Donc pourquoi seule la concélébration de l’eucharistie conduirait-elle à une diminution des vérités de la foi ? Pourquoi la réception de l’eucharistie par des laïcs chrétiens séparés ne conduirait-elle pas elle aussi à une diminution de la foi parmi les catholiques ? En bref, pourquoi donner l’eucharistie aux séparés ne serait pas aussi interdit par la même norme morale proclamée par Vatican II : « La communicatio in sacris, qui porte atteinte à l’unité de l’Eglise ou bien inclut une adhésion formelle à l’erreur, un danger d’égarement pour la foi, de scandale ou d’indifférentisme, est interdite par la loi divine ». (décret Orientalium Ecclesiarum, 26)

 

4 L’article 45 paraît offrir une réponse à la question que l’on vient de poser : les circonstances spéciales en raison desquelles la communion pourrait être donnée à un chrétien oriental non catholique, et ces circonstances sont très limitées. « Dans ce cas en effet, l’objectif est de pourvoir à un sérieux besoin spirituel pour le salut éternel de ces personnes, et non de réaliser une inter communion impossible tant que ne sont pas pleinement établis les liens visibles de la communauté ecclésiale. C’est en ce sens que s’est exprimé le Concile Vatican II quand il a déterminé la conduite à tenir avec les Orientaux qui se trouvent en toute bonne foi séparés de l’Eglise catholique, demandant spontanément à recevoir l’eucharistie d’un ministre catholique et qui ont des dispositions requises » (cf. Orientalium Ecclesiarum, n.27).

 

Commentaire et questions :

 

L’Encyclique distingue ainsi la célébration de l’eucharistie et son administration et énumère les circonstances spéciales grâce auxquelles les personnes séparées de l’Eglise catholique peuvent recevoir l’eucharistie ; lorsqu’elle sont séparées de bonne foi et éprouvent un besoin spirituel grave pour leur salut éternel. On nous permettra de comparer à l’encyclique d’autres documents autorisés

1.     Le Code de Droit canonique de 1917 n’admet en aucune manière les chrétiens séparés au sacrement. Il déclare que même si les hérétiques et les schismatiques sont de bonne foi, les sacrements ne peuvent leur être administrés à moins qu’ils ne soient réconciliés avec l’Eglise (can 731-2)

2.     Le canon qui vient d’être cité fut interprété en accord avec certaines décisions du Saint-Office. En 1898, le Saint-Office affirma deux principes :

a)     L’absolution ne peut être donnée à un hérétique ou un schismatique, même de bonne foi, car le scandale ne pourrait être évité, excepté s’il y a danger de mort, et si tout scandale a été efficacement écarté (on ne précise pas comment)

b)    Un prêtre ne doit manifester aucune approbation à une participation à la liturgie d’une église schismatique.

 

Les réponses de 1898 furent approuvées par le pape Léon XIII (Codicis Juris Canonici Fontes, ed. Pierto Gasparri, vol ? IV, 1921, pp. 503-504). Une réponse de 1916 permettait une absolution conditionnelle à un hérétique ou un schismatique inconscient car proche de la mort, pourvu que tout scandale soit efficacement prévenu; le scandale est efficacement prévenu en déclarant aux assistants que l’Eglise admet que la personne inconsciente a fait retour à l’Eglise au dernier moment. La même réponse de 1916 exigeait que si le schismatique matériel mourant était conscient, alors on ne pouvait lui donner l’absolution que si, d’une manière ou d’une autre, il renonçait à ses erreurs et prononçait une profession de foi (cité in Tractatus Canonico-Maralis De Sacramentis, Felix Capello, vol. II, Rome, 1948, pp . 164-165)

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3.     Le décret du second concile du Vatican sur les Eglises orientales par son article 27 tempère la discipline du Code de 1917: « On peut conférer aux Orientaux qui en toute bonne foi sont séparés de l’Eglise catholique, les sacrements de pénitence, d’eucharistie et de l’onction des maladies, s’ils les demandent eux-mêmes et sont convenablement disposés »(souligné par nous). Cependant l’encyclique Ecclesia de Eucharistia par son article 37, semble identifier contradiction morale manifeste avec comportement extérieur gravement, manifestement et habituellement contraire à la norme morale : « Toutefois, en cas de comportement extérieur gravement, manifestement et durablement contraire à la norme morale, l’Eglise dans son souci pastoral du bon ordre communautaire et par respect pour le sacrement, ne peut pas ne pas se sentir concernée ». Cette situation de contradiction morale manifeste est traitée par la norme du Code de Droit canonique sur la non-admission à la communion eucharistique de ceux qui « persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste ». Lorsque l’on compare le décret conciliaire et l’encyclique de 2003, on peut se demander à juste titre comment un chrétien séparé qui manifestement adhère au schisme et à l’hérésie peut être considéré comme « convenablement disposé » à la réception de l’eucharistie.

 

Afin de justifier le changement de discipline, les articles 26 et 27 du décret conciliaire ajoutent ce qui suit : « Cependant en ce qui concerne les frères orientaux, la pratique pastorale montre qu’on peut et qu’on doit prendre en considération les différentes circonstances individuelles des personnes lorsque ni l’unité de l’Eglise n’est lésée, ni n’existent des dangers à éviter, mais où la nécessité du salut et le bien spirituel des âmes constituent un besoin sérieux . C’est pourquoi l’Eglise catholique en raison des circonstances de temps, de lieu et de personnes, a souvent adopté et adopte une façon d’agir moins rigoureuse, offrant à tous les moyens de salut et le témoignage de la charité entre chrétiens, par la participation aux sacrements et autres célébrations et choses sacrées. En considération de cela, « pour que par une sentence trop sévère, nous ne soyons pas un obstacle pour ceux qui reçoivent le salut » (St Basile le Grand, Epist. Canonica ad Amphilochium, PG 32, 669 B) et afin de promouvoir de plus en plus l’union avec les Eglises orientales déparés de nous…. » Le décret poursuit à partir de là pour permettre l’administration des sacrements aux chrétiens orientaux séparés de bonne foi et en dispositions convenables. Cependant, la seule référence historique invoquée, un passage de Saint Basile le Grand, n’a rien à voir avec l’administration des sacrements aux séparés. Le passage ne concerne que la validité du baptême des personnes entrant dans l’Eglise catholique à partir de la secte des Encratiques. Où trouver une précision historique pour administrer les sacrements à des schismatiques et hérétiques de bonne foi, convenablement disposés ?

 

4.     Finalement l’encyclique doit être comparée avec le Directoire œcuménique de 1967, le Code de Droit canonique de 1983 et le Directoire œcuménique de 1993. L’encyclique paraît plus stricte que chacun de ces documents qui la précèdent, concernant les conditions requises pour administrer les sacrements aux chrétiens séparés de bonne foi.  Alors que l’Encyclique parle de sérieux besoin spirituel et du salut éternel des âmes, le Directoire de 1967 déclarait que les sacrements pouvaient être administrés non pas seulement en cas de nécessité (praeter casus necessitatis), mais aussi dans le cas d’impossibilité matérielle et morale de recevoir les sacrements dans l’Eglise séparée pendant une longue durée, de manière à ce que de telles personnes ne soient pas démunies des fruits spirituels des sacrements (AAS 97, 1967, p. 568). A la différence de l’encyclique de 2003, le Code de Droit canonique 1983 et le Directoire œcuménique de 1993 ne faisaient pas référence à la nécessité de sérieux besoin spirituel comme condition nécessaire pour que des chrétiens orientaux séparés reçoivent un sacrement. Il était seulement déclarés que les séparés devaient spontanément demander les sacrements et être « dûment disposés ».

 

5.      Pour conclure, voici ce qui peut-être une synthèse des principes pour comprendre le Code de 1917 et les réponses citées du Saint-Office : il serait scandaleux qu’une personne reçoive un sacrement et ensuite retourne à une habituelle communicatio in sacris dans une communauté schismatique, même si cette personne agit de bonne foi. Ainsi donc les sacrements ne doivent être donnés qu’à un schismatique matériel et mourant puisqu’il ne lui est pas possible de retourner ensuite  à sa communauté schismatique, et alors seulement si le prêtre intervient pour écarter le scandale potentiel, par exemple déclarant que l’Eglise admet que le schismatique matériel désire retourner à l’unité.

 

 

Conclusion : Le décret de Vatican II, les Directoires œcuméniques subséquents et le Code de 1983 sont manifestement très différents de la discipline pré-concilaire, une discipline, il faut le souligner, qui est semblable à celles des Eglises orthodoxes, car les orthodoxes considèrent leur Eglise comme l’unique Eglise du Christ.

 

Mais l’encyclique de 2003 affirme des conditions (sérieux besoin, salut éternel) pour l’administration des sacrements que ni le Code de 1983, ni le Directoire œcuménique de 1993 n’affirment explicitement. Et ces articles de l’encyclique qui soulignent des contre-indications, objectivement sérieuses, externes et manifestes pour la réception des sacrements, paraissent impliquer que la tradition anté-conciliare est la seule discipline acceptable en ce qui concerne les chrétiens séparés puisque le schisme ou l’hérésie des séparés est objectivement sérieux et qu’il est manifeste, quelle que soit la bonne foi.

 

Nous relevons une fois de plus la forte similitude entre l’encyclique de 2003 et l’interprétation du Conseil pontifical pour les textes législatifs de 2000 concernant la signification de fautes graves et manifestes, et nous demandons pourquoi les principes qui excluent les divorcés « remariés » des sacrements n’excluent pas aussi les personnes qui manifestement adhèrent à l’hérésie ou au schisme de leurs communautés chrétiennes séparés ». (Ansgar Santogrossi, O.S.B.)

 

 

 

A 3 : le texte de Monsieur l’abbé Barthe.

 

 

« Vatican II comporte une part d’innovation doctrinale, qui a soulevé et qui soulève de gros problème de réception. Une difficulté théorique centrale se trouve assurément dans la doctrine de l’œcuménisme. Il convient, avant tout de bien la circonscrire.

 

Nul n’ignore qu’il s’agit d’un sujet crucial.  L’œcuménisme est particulièrement préjudiciable pour l’ecclésiologie, non seulement ad extra, mais aussi ad intra : le thème de la « diversité réconciliée » tend à effacer les frontières de l’orthodoxie et donc les frontières de l’Eglise.

 

L’œcuménisme est cependant au centre de ce que l’on nomme « esprit du Concile ». Celui-ci est structuré par une espèce de colonne vertébrale faite de trois documents fondamentaux, œcuméniques au sens large : le décret sur l’œcuménisme ; la déclaration sur la liberté religieuse ; la déclaration sur les religions non chrétiennes. Ces trois textes avaient été mis au point par le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, dans une visée primordialement œcuménique. De sorte que, au cœur de ce système nouveau assez indéfinissable qu’a promu le dernier concile, se trouve le décret Unitatis redintegratio.

 

La difficulté fondamentale paraît résider dans le raisonnement contenu dans son  n. 3 , qui s’organise ainsi :

 

a) Le n. 3 d’Unitatis redintegratio note que, entre autres biens, dans les Eglises et communautés séparées « s’accomplissent beaucoup d’actions sacrées de la religion chrétienne [baptême, ordre, par exemple]… qui peuvent certainement produire effectivement la grâce [on suppose que Unitatis redintegratio veut dire : dans la mesure des bonnes dispositions de récipiendaires de bonne foi] ».

En soi, ces « éléments », « biens », « actions sacrées » appartiennent à l’Eglise catholique : la grâce dont les personnes bénéficient malgré leur appartenance à une fraction schismatique est donnée par l’Eglise catholique.  Le baptême des donatistes, expliquait saint Augustin, était en réalité un baptême catholique, qui pouvait « revivre », si le donatiste retournait à l’Eglise.

 

Unitatis redintegratio devrait donc poursuivre en cohérence avec cette doctrine en expliquant que, tout en étant apparemment hors de l’Eglise, certains sujets de bonne foi peuvent recevoir la sanctification par le moyen de sacrements et biens catholiques reçus de facto dans des Eglises et communautés séparées.

 

b) Mais Unitatis redintegratio accorde ce rôle aux Eglises et communautés séparées comme telles, en tant que branches séparées du cep, au titre de moyens seconds et dérivés si l’on peut dire : « En conséquence, ces Eglises et communautés séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Eglise catholique ».

 

On voit le saut patent du raisonnement du n. 3 d’Unitatis redintegratio : du fait, par exemple, que le baptême conféré dans le cadre de l’Eglise luthérienne peut procurer la grâce, Unitatis redintegratio infère que l’Eglise luthérienne est un canal de grâce.

 

Or on ne voit pas comment les Eglises et communautés séparées pourraient avoir comme telles un statut surnaturel, et comment l’Esprit Saint pourrait se servir d’elles, sous ce rapport, comme un moyen de salut.

 

Tout ceci est en relation avec le principe posé dans Gaudium et Spes n.8 (le « subsistit in ») et sur sa conséquence : les chrétiens séparés jouiraient d’une « communion imparfaite ». Etrange concept : en fait, la communion avec le Christ et son Eglise est ou n’est pas . (L’abbé Claude Barthe) (Catholica n° 84)

 

 

Voilà le problème bien posé !

Mgr Lefebvre, dans son langage pastoral,  le faisait  remarquer lors  son homélie de 1977 à Saint Nicolas du Chardonnet :

« …Nous n’acceptons pas la nouvelle religion, parce que la nouvelle religion, qui est faite d’un faux œcuménisme, nous conduit vers des sauveurs qui ne sont pas Notre Seigneur Jésus-Christ. (Cette nouvelle religion) nous fait croire que l’on peut se sauver en dehors de Notre Seigneur Jésus-Christ, que l’Eglise catholique n’est pas la seule vraie religion ».

 

A cette difficulté exposée, à ce jour encore, toujours nulle  réponse du magistère de l’Eglise !

 

Ce « Regard sur… » l’œcuménisme me paraît bien utile pour ceux qui s’interrogent sur le bien fondé de la position de la FSSPX, son  « non possumus ».