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Un
regard sur l’actualité politique et religieuse
au
22 août 2004
N°5
par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Numéro spécial sur l’oecuménisme
Monseigneur
Lefebvre, l’œcuménisme et l’encyclique
« Ecclesia de Eucharistia »
Le « Chardonnet », bulletin
de l’Eglise Saint Nicolas du Chardonnet, à Paris, vient de fêter ses 20 ans
d’existence avec son numéro 200. Au fil du temps, trois confrères s’y sont
dévoués. Mr l’abbé Philippe Laguérie, Mr l’Abbé Bouchacourt et aujourd’hui, Mr l’abbé Beauvais. Tous les
trois avec leurs propres caractères et talents. Toutes nos félicitations pour
cette fidélité dans la parution.
Pour fêter ces vingt ans de parution,
le n° 200 nous donne, entre autres choses, une belle homélie de Mgr Lefebvre,
la première que le Prélat prononça à l’occasion du sacrement de confirmation,
qu’il vint donner aux enfants, le 22 mai 1977.
C’est avec joie que j’en ai fait la
lecture. C’est toujours avec profit qu’on lit ou relit les textes d’un
fondateur.
Je fus particulièrement attiré par les propos
qu’il tint, voilà maintenant 27 ans, sur l’œcuménisme.
J’avais également en mémoire les
récentes déclarations du Pape dans son Encyclique « Ecclesia de
Eucharistia » et particulièrement les numéros 35, 37, 44,
45, ainsi que le commentaire que le RP Ansgar Santigrossi, bénédictin
des USA, venait de donner
dans le dernier numéro de Catholica, le n° 84.
Je voudrais vous transcrire tout cela
et vous montrer que les choses évoluent un peu
sur ce difficile problème : l’œcuménisme. Rien n’est statique ni définitif en ce monde,
ni dans le bien ni dans le mal. Entre l’enseignement du Concile Vatican II, le
Nouveau Droit Canon et l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia », il y
a bien des nuances importantes qu’il
faut prendre en compte si l’on veut réfléchir justement.
Il ne faut jamais arrêter le temps, ni faire du
« fixisme », ni faire du « lefebvrisme ». Ce serait pour
nous la pire des choses.
C’est une de mes
« marottes ». C’est un e idée qui me paraît évidente et qui semble,
pourtant, mal comprise .. .encore. Patience !
Je vous donnerai les paroles de Mgr
Lefebvre sur l’œcuménisme. Il prend à partie, justement, l’enseignement de
Vatican II. (A 1)
Je vous donnerai ensuite les
réflexions du RP Ansgar Santigrossi publiées dans Catholica.(A2)
Et je terminerai en vous donnant les
quelques réflexions de Monsieur l’abbé Barthe sur l’œcuménisme qu’il avait
adressées à ITEM pour commenter le texte critique de
Voilà pour vous une bonne lecture.
Vous avez du pain sur la planche. Mais ce sujet de l’œcuménisme est un sujet
important dans nos « questions » posées à Rome et si vous en faites
une lecture attentive, vous ne perdrez pas votre temps.
A 1 – La pensée de Mgr Lefebvre sur l’œcuménisme dans son homélie du 27 mai 1977
« …Nous n’acceptons pas la
nouvelle religion, parce que la nouvelle religion, qui est faite d’un faux
œcuménisme, nous conduit vers des sauveurs qui ne sont pas Notre Seigneur
Jésus-Christ. (Cette nouvelle religion ) nous fait croire que l’on peut se
sauver en dehors de Notre Seigneur Jésus-Christ, que l’Eglise catholique n’est
pas la seule vraie religion. Ce faux œcuménisme agit comme un dissolvant sur
toute notre sainte religion catholique (…) C’est ce faux œcuménisme qui nous
a changé toute notre sainte religion. Et d’abord en changeant le saint
sacrifice de la messe pour en faire une espèce d’assemblée œcuménique dans
laquelle, pour finir tout le monde pourra communier : les pécheurs
publics, les infidèles, les hérétiques, les schismatiques. Tout le monde
pourra communier à cette assemblée qui est une fausse Eucharistie. Et parce
que l’on a voulu changer notre sacrifice de la messe et en faire une espèce d’inter
communion (…) on a tué le sacerdoce, car le prêtre est fait pour le
sacrifice de la messe et non pas pour une eucharistie œcuménique. Alors
il devient simplement un président d’assemblée et de cela nous n’en voulons
pas ! Nous voulons que nos prêtres soient des sacrificateurs, soient des
hommes qui participent au sacerdoce de NSJC par la grâce du sacrement de
l’Ordre. (…) Ce sacrifice, qui par le sang de NSJC, répandu sur l’autel (…)
rachète nos péchés, nous délivre de nos péchés car nous sommes pécheurs et de
cela on ne veut plus non plus parler et c’est cela qui change la doctrine aussi
de l’Eglise car s’il faut accepter à notre communion les hérétiques, les
pécheurs, les infidèles, les pécheurs publics, à ce moment nous n’avons plus de
distinction entre ceux qui sont pécheurs et ceux qui ne le sont pas, ceux qui
croient et ceux qui ne croient pas. Et cela, c’est contraire à la doctrine
de l’Eglise, à notre Credo, à notre catéchisme(…).
A 2 - Les réflexions du RP Ansgar Santogrossi sur l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia ».
Les milieux français de
Il vient de donner de très intéressantes réflexions sur
l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia », particulièrement
sur les articles 35 37 44 45. Là, il aborde le sujet de la
communion eucharistique avec les chrétiens séparés, ainsi qu’avec les divorcés « remariés »,
(pécheurs publics).
Il compare l’enseignement de cette encyclique sur ce sujet
important avec l’enseignement pré-conciliaire, conciliaire et post conciliaire,
le Code de Droit canonique de 1983.
Or il existe une réelle différence sur ce sujet entre l’enseignement et la pratique avant le Concile Vatican II. et la période
conciliaire et post-conciliaire.
Voyez.
Dans le Droit Canon de 1917, par exemple, il était clairement
enseigné que « les sacrements ne pouvaient pas être administrés aux
hérétiques et aux schismatiques même s’ils étaient de bonne foi ».
Avec le Concile et le
Code de Droit canonique de 1983, il est permis d’administrer les
sacrements à des chrétiens séparées s’ils le demandent spontanément et s’ils
sont convenablement disposés.
La différence est totale.
L’évolution évidente.
C’est celle que Mgr Lefebvre dénonçait dans son homélie du 27
mai 1977 que nous venons de vous donner :
« C’est ce faux œcuménisme qui nous a changé toute notre
sainte religion. Et d’abord en changeant le saint sacrifice de la messe pour en
faire une espèce d’assemblée œcuménique dans laquelle, pour finir tout le
monde pourra communier : les pécheurs publics, les infidèles, les
hérétiques, les schismatiques. Tout le monde pourra communier à cette
assemblée qui est une fausse Eucharistie. Et parce que l’on a voulu changer
notre sacrifice de la messe et en faire une espèce d’inter communion (…).
Or, pour le père Ansgar Santogropssi, les choses semblent
évoluer dans le bon sens avec la dernière encyclique « Ecclesia de
Eucharistaia ».
Voyons son étude.
Le titre en énonce bien l’objet :
« Chrétiens séparés, divorcés « remariés » et communion
eucharistique ».
Son propos est clair, immédiatement affirmé : « Le propos
de la présente étude est de comparer les recommandations de la dernière
encyclique du Pape Jean-Paul II avec les directives précédentes pré et
post-conciliaires ».
Son avis est net: il pense
qu’une évolution vers la sagesse est manifeste. C’est pour le démontrer qu’il
rédige cette étude.
« L’étude qui suit compare et souligne les différences
entre les décisions pratiques et la justification théologique des textes
mentionnés, car il nous apparaît que certains passages de l’encyclique de 2003
(Ecclesia de Eucharistia) représentent un retour partiel à
l’esprit de la discipline d’avant Vatican II de ne pas administrer les
sacrements aux « hérétiques et schismatiques même s’ils sont de bonne
foi ». C’est à la lumière de cette présomption que ces divers documents
sont analysés. »
Si la démonstration est probante - à vous de voir – elle m’a paru
personnellement convaincante - elle montre qu’il y a, en ce domaine de
l’œcuménisme, une « petite » évolution. Si cette évolution
« est », il faut y être attentifs et
savoir la prendre en compte.
Le lecteurs qui serait pressé et qui n’aurait pas le temps
de lire ce relativement long exposé
intéressant, pourrait aller directement à la conclusion.
Voici l’article.
« Le propos de la
présente étude est de comparer les recommandations de la dernière encyclique du
Pape Jean-Paul II avec les directives précédentes pré et post-conciliaires.
Le second concile du
Vatican, par son décret sur les Eglises orientales catholiques (Orientalium
Ecclesiarum, 21 novembre 1964), a grandement libéralisé la discipline
antérieure concernant l’administration des sacrements aux chrétiens orientaux
séparés (nn.24-29). Cette pratique moins sévère fut ensuite codifiée par les
directoires œcuméniques post-conciliaire et par le Code de Droit canonique de
1983. Cependant l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia » du pape
Jean-Paul II (17 avril 2003) se montre restrictive sur l’administration
des sacrements aux personnes non catholiques et réaffirme le refus des
sacrements aux divorcés « remariés ». Une déclaration du Conseil
pontifical pour l’interprétation des textes législatifs avait déjà insisté sur
l’exclusion des divorcés « remariés » de la communion.
« L’étude qui suit compare et souligne les différences
entre les décisions pratiques et la justification théologique des textes
mentionnés, car il nous apparaît que certains passages de l’encyclique de
2003 représentent un retour partiel à l’esprit de la discipline d’avant Vatican
II de ne pas administrer les sacrements aux « hérétiques et schismatiques
même s’ils sont de bonne foi ». C’est à la lumière de cette
présomption que ces divers documents sont analysés ».
« L’auteur de cette étude ne voit pas la possibilité
théologique de la libéralisation introduite par Vatican II concernant
l’administration des sacrements aux chrétiens séparés. Cependant, malgré leur
forme affirmative, la présente étude n’a pas l’intention de présenter comme des
affirmations (des thèses) tous les jugements portés. L’auteur soumet son
opinion à l’autorité du magistère. Son intention est de soulever des
difficultés afin que des clarifications autorisées émanent du magistère.
L’article se présente sous la forme d’un commentaire de passages choisis de
l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia ».
(NDLD : il serait bien heureux et nécessaire que les
critiques émanant des théologiens de
1- Article 35 de « Ecclesia de
Eucharistia » :
« Le sacrement exprime ce lien de communion(…) d’autre part dans sa
dimension visible, qui implique la communion dans la doctrine des Apôtres, dans
les sacrements et dans l’ordre hiérarchique. (…) C’est seulement dans ce
contexte qu’il y a célébration légitime de l’eucharistie et la véritable
participation à ce sacrement ».
Commentaire et questions :
Cette affirmation de l’encyclique coexiste avec le
Code de Droit canonique de 1983 qui permet d’administrer des sacrements à des
chrétiens séparés s’ils le demandent spontanément et s’ils sont convenablement
disposés. Mais si ce n’est que dans le contexte des trois liens de communion
qu’une « célébration légitime de l’eucharistie avec une véritable
participation » est possible, comment est-il possible d’administrer des
sacrements à des personnes qui sont, de fait, en dehors de ces liens de
communion par leur schisme objectif et leur éloignement de la foi
catholique ? L’artricle 35 de la présente encyclique paraît en très bonne
harmonie avec le Code de Droit canonique de 1917, qui déclare simplement que
les sacrements ne peuvent pas être administrés aux hérétiques et aux
schismatiques, même s’ils sont de bonne foi. L’affirmation de l’article 35
disant que la célébration légitime de l’eucharistie ne peut prendre place que
dans le conteste des trois liens de communion soulève aussi des questions en ce
qui concerne la théologie œcuménique, lorsqu’on se souvient de l’enseignement
de la lettre « Communionis notio » de 1992, selon laquelle la
communion avec le pape est intrinsèque ou objectivement requise pour toute
célébration de l’eucharistie (n° 14). Les théologiens et oecuménistes
catholiques d’aujourd’hui reconnaissent la « légitime autorité » des
évêques orthodoxes, mais si la célébration légitime de l’eucharistie exige les
trois liens de communion et si la communion hiérarchique inclut la communion
avec la pape, alors comment peut-on considérer les célébrations eucharistiques
orthodoxes comme légitimes ? On ne soulève ici encore aucun doute sur
la validité de l’eucharistie des Eglises orthodoxes, mais l’on demande comment
les célébrations dans les Eglises orthodoxes peuvent être considérées comme
canoniquement licites aussi longtemps que les évêques et les prêtres qui la
célèbrent refusent toute soumission au pontife romain. C’est parce que le
clergé orthodoxe est objectivement en état de schisme que l’Eglise catholique
insista pour que les chrétiens orientaux qui reconnaissaient l’autorité du
pontife romain et de ses définitions dogmatiques soient obligés d’éviter
d’entrer en communion sacramentelle avec les orthodoxes et établit en
conséquence des juridictions orthodoxes « uniates »..
2- L’articles 37 de
Ecclesia de Eucharistia ne permet pas d’admettre que les sacrements puissent être
administrés sur la seule base de la conviction subjective de la dignité du
récipiendaire. Au contraire, un péché objectivement grave, manifeste et
durable, exclut quelqu’un des sacrements : « Evidemment, le
jugement sur l’état de grâce appartient au seul intéressé, puisqu’il s’agit
d’un jugement de conscience. Toutefois, en cas de comportement extérieur
gravement, manifestement et durablement contraire à la norme morale, l’Eglise
dans son souci pastoral du bon ordre communautaire et par respect pour le
sacrement, ne peut pas ne pas se sentir concernée. Cette situation de
contradiction morale manifeste est traitée par la norme du Code de Droit
canonique sur la non-admission à la communion eucharistique de ceux qui
‘persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste’ ».
Commentaire et questions :
La contre-indication morale la plus commune, grave et externe
à la réception des sacrements est le mariage « attenté »
invalide ; les divorcés « remariés » vivant ensemble more
uxorio ne peuvent recevoir la communion. Le Conseil pour
l’interprétation des textes législatifs le réaffirme le 24 juin 2000, comme
interprétation officielle. Le contexte de cette déclaration, c’est l’erreur
répandue par certains auteurs modernes qui soutiennent qu’avant de refuser la
communion à quiconque, les conditions subjectives pour qu’il y ait péché mortel
(grave) doivent être présentes, et il faut que la personne en question ait
refusé un avertissement du pasteur (persiste obstinément »). Si
l’existence de ces conditions ne peut être établie, ces auteurs modernes disent
qu’alors la communion peut être donnée aux divorcés « remariés ».La
réponse du Conseil, c’est le rappel du Code de Droit canonique :
ceux « qui persistent obstinément en un péché grave et manifeste ne
doivent pas être admis à
Pourquoi les mêmes principes ne s’appliqueraient-ils pas
également aux chrétiens séparés qui professent des doctrines hérétiques et refusent
de se soumettre au Pontife romain ? L’hérésie et le schisme sont
objectivement des matières graves, indépendamment de la culpabilité subjective
de ceux qui y adhèrent, car s’opposant à l’unité de l’Eglise que signifie
l’eucharistie. Si l’hérésie et le schisme sont des péchés graves, il en résulte
qu’une personne qui adhère habituellement aux traditions objectivement
hérétiques et schismatiques d’une communauté séparée, paraît se trouver dans « une
situation objective de péché durable dans le temps tant qu’il n’y met pas
fin » ; si une telle situation de « persistance obstinée »
en matière grave exclut les divorcés « remariés » de la communion,
pourquoi n’exclurait-elle aussi les chrétiens séparés ?
Puisque l’encyclique enseigne
que la communion ne peut être donnée à ceux qui demeurent dans le péché
grave, extérieur et obstiné, et puisque la « persistance obstinée »
exclut les divorcés « remariés » de la communion, on se demande pourquoi
l’adhésion obstinée à l’hérésie et au schisme objectif n’exclut pas les
chrétiens séparés de la communion.
3) Article 44 de Ecclesia
de Eucharistia :
« Précisément parce que l’unité de l’Eglise, que l’eucharistie réalise
par le sacrifice du Christ, et par la communion au corps et au sang du
Seigneur, comporte l’exigence, à laquelle on ne saurait déroger, de la
communion totale dans les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique, il n’est
pas possible de concélébrer la même liturgie eucharistique jusqu’à ce que soit
rétablie l’intégrité de ces liens ».
Commentaire et question :
L’article
4 L’article 45 paraît
offrir une réponse à la question que l’on vient de poser : les circonstances
spéciales en raison desquelles la communion pourrait être donnée à un
chrétien oriental non catholique, et ces circonstances sont très limitées.
« Dans ce cas en effet, l’objectif est de pourvoir à un sérieux besoin
spirituel pour le salut éternel de ces personnes, et non de réaliser une inter
communion impossible tant que ne sont pas pleinement établis les liens visibles
de la communauté ecclésiale. C’est en ce sens que s’est exprimé le Concile
Vatican II quand il a déterminé la conduite à tenir avec les Orientaux qui se
trouvent en toute bonne foi séparés de l’Eglise catholique, demandant
spontanément à recevoir l’eucharistie d’un ministre catholique et qui ont des
dispositions requises » (cf. Orientalium Ecclesiarum, n.27).
Commentaire et questions :
L’Encyclique distingue ainsi la célébration
de l’eucharistie et son administration et énumère les circonstances
spéciales grâce auxquelles les personnes séparées de l’Eglise catholique peuvent
recevoir l’eucharistie ; lorsqu’elle sont séparées de bonne foi et
éprouvent un besoin spirituel grave pour leur salut éternel. On nous
permettra de comparer à l’encyclique d’autres documents autorisés
1. Le Code de Droit canonique de 1917
n’admet en aucune manière les chrétiens séparés au sacrement. Il déclare que
même si les hérétiques et les schismatiques sont de bonne foi, les sacrements
ne peuvent leur être administrés à moins qu’ils ne soient réconciliés avec
l’Eglise (can 731-2)
2. Le canon qui vient d’être cité fut
interprété en accord avec certaines décisions du Saint-Office. En 1898,
le Saint-Office affirma deux principes :
a) L’absolution ne peut être donnée à un
hérétique ou un schismatique, même de bonne foi, car le scandale ne pourrait
être évité, excepté s’il y a danger de mort, et si tout scandale a été
efficacement écarté (on ne précise pas comment)
b) Un prêtre ne doit manifester aucune
approbation à une participation à la liturgie d’une église schismatique.
Les réponses de 1898 furent
approuvées par le pape Léon XIII (Codicis Juris Canonici Fontes, ed. Pierto
Gasparri, vol ? IV,
1921, pp. 503-504). Une réponse de 1916 permettait une absolution
conditionnelle à un hérétique ou un schismatique inconscient car proche de la
mort, pourvu que tout scandale soit efficacement prévenu; le scandale est
efficacement prévenu en déclarant aux assistants que l’Eglise admet que la
personne inconsciente a fait retour à l’Eglise au dernier moment. La même
réponse de 1916 exigeait que si le schismatique matériel mourant était
conscient, alors on ne pouvait lui donner l’absolution que si, d’une manière ou
d’une autre, il renonçait à ses erreurs et prononçait une profession de foi
(cité in Tractatus Canonico-Maralis De Sacramentis, Felix Capello, vol. II,
Rome, 1948, pp . 164-165)
.
3. Le décret du second concile du
Vatican sur les Eglises orientales par son article 27 tempère la discipline du
Code de 1917: « On peut conférer aux Orientaux qui en toute bonne foi sont
séparés de l’Eglise catholique, les sacrements de pénitence, d’eucharistie et
de l’onction des maladies, s’ils les demandent eux-mêmes et sont
convenablement disposés »(souligné par nous). Cependant l’encyclique Ecclesia
de Eucharistia par son article 37, semble identifier contradiction
morale manifeste avec comportement extérieur gravement, manifestement et
habituellement contraire à la norme morale : « Toutefois, en cas de
comportement extérieur gravement, manifestement et durablement contraire à la
norme morale, l’Eglise dans son souci pastoral du bon ordre communautaire et
par respect pour le sacrement, ne peut pas ne pas se sentir concernée ».
Cette situation de contradiction morale manifeste est traitée par la norme du
Code de Droit canonique sur la non-admission à la communion eucharistique de
ceux qui « persistent avec obstination dans un péché grave et
manifeste ». Lorsque l’on compare le décret conciliaire et l’encyclique de
2003, on peut se demander à juste titre comment un chrétien séparé qui
manifestement adhère au schisme et à l’hérésie peut être considéré comme
« convenablement disposé » à la réception de l’eucharistie.
Afin de justifier le
changement de discipline, les articles 26 et 27 du décret conciliaire ajoutent
ce qui suit : « Cependant en ce qui concerne les frères orientaux, la
pratique pastorale montre qu’on peut et qu’on doit prendre en considération les
différentes circonstances individuelles des personnes lorsque ni l’unité de
l’Eglise n’est lésée, ni n’existent des dangers à éviter, mais où la nécessité
du salut et le bien spirituel des âmes constituent un besoin sérieux .
C’est pourquoi l’Eglise catholique en raison des circonstances de temps, de
lieu et de personnes, a souvent adopté et adopte une façon d’agir moins
rigoureuse, offrant à tous les moyens de salut et le témoignage de la charité
entre chrétiens, par la participation aux sacrements et autres célébrations et
choses sacrées. En considération de cela, « pour que par une sentence trop
sévère, nous ne soyons pas un obstacle pour ceux qui reçoivent le salut »
(St Basile le Grand, Epist. Canonica ad Amphilochium, PG 32, 669 B) et
afin de promouvoir de plus en plus l’union avec les Eglises orientales déparés
de nous…. » Le décret poursuit à partir de là pour permettre
l’administration des sacrements aux chrétiens orientaux séparés de bonne foi et
en dispositions convenables. Cependant, la seule référence historique invoquée,
un passage de Saint Basile le Grand, n’a rien à voir avec l’administration des
sacrements aux séparés. Le passage ne concerne que la validité du baptême des
personnes entrant dans l’Eglise catholique à partir de la secte des
Encratiques. Où trouver une précision historique pour administrer les
sacrements à des schismatiques et hérétiques de bonne foi, convenablement
disposés ?
4. Finalement l’encyclique doit être comparée
avec le Directoire œcuménique de 1967, le Code de Droit canonique de 1983 et le
Directoire œcuménique de 1993. L’encyclique paraît plus stricte que chacun de
ces documents qui la précèdent, concernant les conditions requises pour
administrer les sacrements aux chrétiens séparés de bonne foi. Alors que l’Encyclique parle de sérieux
besoin spirituel et du salut éternel des âmes, le Directoire de 1967 déclarait
que les sacrements pouvaient être administrés non pas seulement en cas de
nécessité (praeter casus necessitatis), mais aussi dans le cas
d’impossibilité matérielle et morale de recevoir les sacrements dans l’Eglise
séparée pendant une longue durée, de manière à ce que de telles personnes ne
soient pas démunies des fruits spirituels des sacrements (AAS 97, 1967, p.
568). A la différence de l’encyclique de 2003, le Code de Droit canonique 1983
et le Directoire œcuménique de 1993 ne faisaient pas référence à la nécessité
de sérieux besoin spirituel comme condition nécessaire pour que des chrétiens orientaux
séparés reçoivent un sacrement. Il était seulement déclarés que les séparés
devaient spontanément demander les sacrements et être « dûment
disposés ».
5. Pour conclure, voici ce qui peut-être une
synthèse des principes pour comprendre le Code de 1917 et les réponses citées
du Saint-Office : il serait scandaleux qu’une personne reçoive un
sacrement et ensuite retourne à une habituelle communicatio in sacris
dans une communauté schismatique, même si cette personne agit de bonne foi.
Ainsi donc les sacrements ne doivent être donnés qu’à un schismatique matériel
et mourant puisqu’il ne lui est pas possible de retourner ensuite à sa communauté schismatique, et alors
seulement si le prêtre intervient pour écarter le scandale potentiel, par
exemple déclarant que l’Eglise admet que le schismatique matériel désire
retourner à l’unité.
Conclusion : Le décret de Vatican II,
les Directoires œcuméniques subséquents et le Code de 1983 sont manifestement très
différents de la discipline pré-concilaire, une discipline, il faut le
souligner, qui est semblable à celles des Eglises orthodoxes, car les
orthodoxes considèrent leur Eglise comme l’unique Eglise du Christ.
Mais l’encyclique de
2003 affirme des conditions (sérieux besoin, salut éternel) pour
l’administration des sacrements que ni le Code de 1983, ni le Directoire
œcuménique de 1993 n’affirment explicitement. Et ces articles de l’encyclique
qui soulignent des contre-indications, objectivement sérieuses, externes et
manifestes pour la réception des sacrements, paraissent impliquer que la
tradition anté-conciliare est la seule discipline acceptable en ce qui concerne
les chrétiens séparés puisque le schisme ou l’hérésie des séparés est
objectivement sérieux et qu’il est manifeste, quelle que soit la bonne foi.
Nous relevons une fois de plus la
forte similitude entre l’encyclique de 2003 et l’interprétation du Conseil
pontifical pour les textes législatifs de 2000 concernant la signification de
fautes graves et manifestes, et nous demandons pourquoi les principes qui
excluent les divorcés « remariés » des sacrements n’excluent pas
aussi les personnes qui manifestement adhèrent à l’hérésie ou au schisme de
leurs communautés chrétiennes séparés ». (Ansgar Santogrossi, O.S.B.)
A 3 : le texte
de Monsieur l’abbé Barthe.
« Vatican II comporte une part
d’innovation doctrinale, qui a soulevé et qui soulève de gros problème de
réception. Une difficulté théorique centrale se trouve assurément dans la
doctrine de l’œcuménisme. Il convient, avant tout de bien la circonscrire.
Nul n’ignore qu’il s’agit d’un sujet
crucial. L’œcuménisme est
particulièrement préjudiciable pour l’ecclésiologie, non seulement ad extra,
mais aussi ad intra : le thème de la « diversité
réconciliée » tend à effacer les frontières de l’orthodoxie et donc les
frontières de l’Eglise.
L’œcuménisme est cependant au centre
de ce que l’on nomme « esprit du Concile ». Celui-ci est structuré par une
espèce de colonne vertébrale faite de trois documents fondamentaux,
œcuméniques au sens large : le décret sur l’œcuménisme ; la
déclaration sur la liberté religieuse ; la déclaration sur les religions
non chrétiennes. Ces trois textes avaient été mis au point par le
Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, dans une visée primordialement
œcuménique. De sorte que, au cœur de ce système nouveau assez indéfinissable
qu’a promu le dernier concile, se trouve le décret Unitatis redintegratio.
La difficulté fondamentale paraît résider
dans le raisonnement contenu dans son n.
3 , qui s’organise ainsi :
a) Le n. 3 d’Unitatis redintegratio note que,
entre autres biens, dans les Eglises et communautés séparées « s’accomplissent
beaucoup d’actions sacrées de la religion chrétienne [baptême, ordre, par
exemple]… qui peuvent certainement produire effectivement la grâce [on
suppose que Unitatis redintegratio veut dire : dans la mesure des
bonnes dispositions de récipiendaires de bonne foi] ».
En soi, ces « éléments »,
« biens », « actions sacrées » appartiennent à
l’Eglise catholique : la grâce dont les personnes bénéficient malgré leur appartenance à une
fraction schismatique est donnée par l’Eglise catholique. Le baptême des donatistes, expliquait saint
Augustin, était en réalité un baptême catholique, qui pouvait
« revivre », si le donatiste retournait à l’Eglise.
Unitatis redintegratio devrait donc poursuivre en cohérence
avec cette doctrine en expliquant que, tout en étant apparemment hors de
l’Eglise, certains sujets de bonne foi peuvent recevoir la sanctification par
le moyen de sacrements et biens catholiques reçus de facto dans des
Eglises et communautés séparées.
b) Mais Unitatis redintegratio
accorde ce rôle aux Eglises et communautés séparées comme telles, en tant que
branches séparées du cep, au titre de moyens seconds et dérivés si l’on peut
dire :
« En conséquence, ces Eglises et communautés séparées, bien que nous les
croyions souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de
signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en
effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont
la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à
l’Eglise catholique ».
On voit le saut patent du
raisonnement du n. 3 d’Unitatis redintegratio : du fait, par exemple, que
le baptême conféré dans le cadre de l’Eglise luthérienne peut procurer la
grâce, Unitatis redintegratio infère que l’Eglise luthérienne est un
canal de grâce.
Or on ne voit pas comment les Eglises
et communautés séparées pourraient avoir comme telles un statut surnaturel, et
comment l’Esprit Saint pourrait se servir d’elles, sous ce rapport, comme un
moyen de salut.
Tout ceci est en relation avec le
principe posé dans Gaudium et Spes n.8 (le « subsistit in »)
et sur sa conséquence : les chrétiens séparés jouiraient d’une
« communion imparfaite ». Etrange concept : en fait, la
communion avec le Christ et son Eglise est ou n’est pas . (L’abbé Claude
Barthe) (Catholica n° 84)
Voilà le problème bien posé !
Mgr Lefebvre, dans son langage
pastoral, le faisait remarquer lors son homélie de 1977 à Saint Nicolas du
Chardonnet :
« …Nous n’acceptons pas la
nouvelle religion, parce que la nouvelle religion, qui est faite d’un faux
œcuménisme, nous conduit vers des sauveurs qui ne sont pas Notre Seigneur
Jésus-Christ. (Cette nouvelle religion) nous fait croire que l’on peut se
sauver en dehors de Notre Seigneur Jésus-Christ, que l’Eglise catholique n’est
pas la seule vraie religion ».
A cette difficulté exposée, à ce jour
encore, toujours nulle réponse du
magistère de l’Eglise !
Ce « Regard sur… »
l’œcuménisme me paraît bien utile pour ceux qui s’interrogent sur le bien fondé
de la position de