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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 22 février 2008

 

N° 160

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Le sacrifice de la Messe

et

la sainteté de l’Eglise

 

 

 

Il n’est pas rare d’entendre de la bouche de  prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ou de lire dans leurs articles,  des paroles ou des phrases de ce genre : « la défense de la foi catholique ne peut se limiter, sous peine d’échec à plus ou moins loin terme, à la seule défense de la messe traditionnelle ». Ces propos, un brin sentencieux et prophétique, étaient ceux que l’on pouvait  lire dans le dernier numéro du « Chardonnet », le bulletin de l’église saint Nicolas, dans  le numéro 235,  de février 2008, à la page 13.

 

Je pense que ces prêtres veulent dire qu’à côté de la messe ou en plus de la messe, il y a d’autres problèmes qu’il faut que l’autorité de l’Eglise règle, comme, par exemple, celui de la liberté religieuse, celui de l’œcuménisme, celui du Droit public de l’Eglise….Ce sont là, il est v rai, de réels problèmes au sujet desquels l’Eglise doit « restaurer » la vérité.

 

Mais je confesse que la « libéralisation » de la sainte Messe, dite de saint Pie V,  dans l’Eglise  est le début de la restauration de la vérité de ces problèmes qui sont, il est vrai, les composants de la crise de l’Eglise. Dès lors,  penser et écrire que la défense de la foi catholique ne peut se limiter à la seule défense de la messe traditionnelle, c’est minimiser l’importance de la sainte messe et l’importance de sa restauration dans l’Eglise. En effet la messe tridentine  - sa liturgie, son rite  – est comme la Tradition dans sa plus haute expression. J’aurais envie de rappeler aux prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, à celui qui a écrit l’article, non seulement les paroles de Mgr Lefebvre au Bourget, dans le Hall 6, lors de son jubilé sacerdotale, - elles sont encore dans toutes les mémoires, -  mais aussi les  belles paroles de Dom Guéranger, tout à fait pertinentes pour mon sujet et ma position. Il a écrit : « Si le sacrifice de la messe s'éteignait, nous ne tarderions pas à retomber dans l'état dépravé où se trouvaient les peuples souillés par le paganisme, et telle sera l'oeuvre de l'Antéchrist ; Il prendra tous les moyens d'empêcher la célébration de la sainte messe, afin que ce grand contre‑poids soit abattu, et que Dieu mette fin alors à toute chose, n'ayant plus de raison de les faire subsister. Nous pouvons facilement le comprendre, car depuis le protestantisme, nous voyons beaucoup moins de force au sein des sociétés. Des guerres civiles se sont élevées, portant avec elles la désolation, et cela uniquement parce que l'intensité du sacrifice de la messe est diminuée. C'est le commencement de ce qui arrivera lorsque le diable et ses suppôts seront déchaînés par toute la terre, y mettant le trouble et la désolation, ainsi que Daniel nous en avertit. » Ces paroles sont citées par  Dom Guillon, à la fin de son commentaire sur le Canon de la Messe tridentine que je publiais dans la collection « Fideliter ».

A la lumière de cet enseignement,  nous pouvons dire  que le rite tridentin est comme un rempart contre toutes les hérésies, comme « le contre poids » face aux influences démoniaques, face au « Non Serviam » de Satan, dont la philosophie domine aujourd’hui nos cités. Cette messe tridentine est comme la synthèse de toute la foi catholique. Ainsi  peut-on dire que de sa restauration naîtra dans l’Eglise l’amour du dogme catholique en toutes ses expressions, dans toutes ses dimensions. La « crise » ne sera pas loin d’être oubliée !

 

La messe est le cœur de notre Credo.

 

C’est ce que je voudrais dire à ces jeunes prêtres qui, très noblement, veulent « ne pas se laisser dissoudre par le chant des sirènes ou la poudre aux yeux des révolutionnaires de l’Eglise » (art. du Chardonnet n° 235, février 2008).  Qu’ils craignent un peu pour eux, avant que de craindre pour d’autres, plus anciens, « les  combattants de la première heure » !

 

En redonnant à l’Eglise la libre célébration de la messe catholique selon le rite traditionnel latin, grégorien, messe improprement dite de saint Pie V, rite  consacré par tant de siècles d’usage, vous lui redonnerez  - à l’Eglise – toute sa beauté, sa force, son élan missionnaire, toute sa vie sainte.
C’est la conviction profonde de toute la tradition catholique. C’est la Tradition. C’est la foi catholique.
En effet, la messe catholique  - vraiment catholique – est le tout de l’Eglise comme le sacrifice rédempteur fut le tout de Notre Seigneur Jésus-Christ, la raison de sa venue, son œuvre, l’œuvre de la divine Providence,  son « heure », comme il est le tout de l’Ancien Testament en tant que le préfigurant et  l’annonçant.

 

Le sacrifice rédempteur du Christ Seigneur accomplit celui qui fut annoncé, symbolisé, préparé par tous les sacrifices de l’Ancien Testament. Tout l’Ancien Testament est orienté vers la venue du Messie. Tout l’Ancien Testament n’a de sens que dans sa relation au Messie Sauveur et à l’acte théandrique qu’Il devait  - un jour – poser au sommet du Calvaire. Il est déjà annoncé  - sa finalité est déjà expliquée  - dans le « Protévangile » : « Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête et tu la meurtrira au talon ». (Gen 3 15). La messe, c’est cela et rien d’autre : l’œuvre du Christ et de sa Mère, la co-rédemptrice, écrasant l’ « Ennemi », le « Rebel ».

 

En cet acte sacrificiel, appelé « théandrique » parce que divin et humain, le Christ Jésus rendait à Dieu son Père « tout honneur et toute gloire », reconnaissait son domaine souverain et plénier sur toutes choses, confessait sa parfaite soumission et accomplissait « toute justice ». Il réparait ainsi  - de cette façon – dans son oblation libre et volontaire, dans le sacrifice de sa chair sacrée, l’insubordination et la volonté d’indépendance manifestées par Adam et Eve dans la manducation de la pomme : « Tu ne mangeras pas du fruit de cet arbre ». La messe est « le contre poids » de cette insubordination qui caractérise le monde moderne. La messe restaure toute justice, toute sainteté !

 

En cet acte sacrificiel, le Souverain Seigneur accomplissait et réalisait le plan salvifique de Dieu, prévu de toute éternité  - et déjà contenu mais non explicité dans l’Ancien Testament.

 

C’est là l’essentiel de la Foi. C’est le formel de notre Credo : le « mystère de notre Foi » que Saint Paul explique aux Ephésiens, dans un langage merveilleux, dans un style enflammé…et pour cause.

 

« Béni soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ…C’est en Lui qu’Il nous a choisis dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant Lui, …C’est en Lui que nous avons la rédemption acquise par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce, que Dieu a répandue abondamment sur nous, en toute sagesse et intelligence, en nous faisant connaître le mystère de sa volonté selon le libre dessein que s’était proposé sa bonté pour la réaliser lorsque la plénitude des temps serait accomplie, à savoir, de réunir toutes choses en Jésus-Christ…»(Eph 1 4-7)

 

C’est sublime ! C’est divin !

 

Oui ! Supprimez le Messie, le Christ, l’Emmanuel, vous enlevez toute raison d’être à l’Ancien Testament. Il n’a plus de sens. Vous ne pouvez en  comprendre la moindre ligne. Il devient hermétique, une série d’histoires, de narrations, de prières sans raison, inexplicable sinon dans  sa matérialité, dans son historicité. Mais remettez le Christ au cœur de l’Ancien Testament, tout devient lumineux, tout devient sublime. Vous comprenez alors le sens des phrases, le sens de ces histoires, de ces sacrifices. Tout annonce le Christ et son Sacrifice. Le cours du temps devient  limpide. La « Sagesse de Dieu » devient explicite, admirable, adorable. Elle se comprend. Elle exprime, en Lui et en son Sacrifice,  tout à la fois, sa justice et sa miséricorde, en tout cas sa bienveillance bienfaisante. Le sacrifice de la  messe est bien le « contre-poids » face à la violence et à  la dureté où s’enferme le  monde moderne : un vrai « paganisme ».

 

Il en est de même pour la messe catholique.

 

Enlevez à l’Eglise ce trésor, faites de la messe catholique un « simple mémorial » du sacrifice, une simple « narratio intitutionis eucharistiae » comme on ose l’écrire dans la constitution « Missale Romanum » pour expliquer la Nouvelle Messe donnée à l’Eglise, un certain 3 avril 1969,  une « simple histoire remémorant le passé »  - un jour – vous détruisez toute l’Eglise, sa raison d’être, sa finalité, son intelligibilité, son  institution, l’institution elle-même, sa hiérarchie, son souverain pontificat. Luther l’avait bien compris, lui, qui disait étonnement : « détruisez la messe, vous détruirait la papauté ». Serez-vous alors étonné que Mgr Lefebvre ait pu écrire dans sa déclaration du 21 novembre 1974 : « C'est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l'étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Église catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures » ? La messe tridentine est le « contre poids » du luthérianisme et du libéralisme.

 

Par contre, redonnez à l’Eglise ce Sacrifice « expiatoire », vous lui redonnez vie. Vous lui redonnez la source de la vie, de la vie divine, la grâce qui est un pur don divin. Enlevez le sang du corps, vous avez en peu de temps un être pâle, exsangue, inerte. Redonnez-lui le sang, il reprend vie. De livide, de froid qu’il était, le revoilà chaud et vif.

 

S’il en est ainsi de la messe  -  et il en est ainsi  -  vous comprenez alors l’ attachement  de ces simples fidèles de la Tradition, de certains pasteurs, théologiens , évêques, cardinaux, à ce sacrement, à la Sainte Messe et leur désir d’en  comprendre toujours mieux le mystère pour en vivre. Je le souhaite vivement de tous mes confrères de la FSSPX. Quand on a plus rien en main que ce saint Sacrifice,  on le comprend peut-être mieux !

 

Comme l’enseignez Mgr Lefebvre : « La messe est essentielle à l’Eglise ».

 

Dès lors, redonnez la Messe à l’Eglise et non une simple « Cène », un simple « repas eucharistique », vous lui redonnez son âme et sa vie.

 

Redonnez à l’Eglise la Messe, qui n’est point une simple « assemblée de prière », vous lui redonnez sa doctrine. Vous verrez alors de nouveau « s’étendre le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ en ce monde » (Lettre de Mgr Lefebvre à Paul VI, le 7 juillet  1976).  La messe est bien en ce domaine, - qui tenait si cher au cœur de Mgr Lefebvre - , un « contre-poids ». Le jeune abbé de l’article en question ne connaît peut-être pas cette phrase… ? Il ne devait pas encore être de ce monde …

Redonnez la Messe à l’Eglise, ce sera aussi la restauration du Droit public de l’Eglise. Le Christ étant Roi. Il le déclara d’une façon solennelle en sa Passion. Il est venu pour rendre témoignage à la Vérité, à cette vérité : « Tu l’as dit. Je suis Roi ». Mais le Modernisme n’en veut pas. Il est contre. Voyez tous les pays catholiques qui ont dû « laïciser » leur constitution en  application du Concile Vatican II….La messe en est le « contre-poids ».

 

Redonnez la Messe à l’Eglise et vous verrez refleurir les certitudes de la Foi. Les affirmations claires de nos dogmes catholiques sonneront, de nouveau, dans les poitrines des fidèles catholiques. « Tu Solus Sanctus, Tu Solus Dominus, Tu Solus Altissimus Jesu-Christe ». Mais de cette Eglise des « certitudes », ils n’en veulent pas non plus, s’en moquent même ! Peu importe ! La Messe tridentine le confesse solennellement. Elle forme les esprits et les cœurs. Je crois à l’aspect pédagogique de la liturgie catholique.

 

Redonnez la vraie Messe à l’Eglise, et non point une « messe équivoque », « plus protestante que catholique » et en ce sens  « bâtarde » et ce sera la fin de cet œcuménisme- là, celui pratiqué depuis Vatican II et qui est la raison de toutes les réformes de l’Eglise touchant son dogme, sa structure et particulièrement sa liturgie. Comme le reconnaissait Henri Fesquet dans son « Journal du Concile » : « La portée œcuménique de la réforme liturgique est évidente » (Cité par l’abbé Celier dans : « Dimensions œcuméniques de la réforme liturgique ».

 

Redonnez la Messe à l’Eglise  qui n’est pas, comme on l’entend sans cesse aujourd’hui, une simple assemblée « présidée par le prêtre »…O Horreur ! Et vous verrez le sacerdoce catholique restauré et renaître de ses cendres, et les jeunes hommes nombreux monteront, dans cette liberté retrouvée et affirmée, à l’autel célébrer l’acte sublime du sacrifice du Christ. N’est-ce pas déjà ce que l’on constate, peu ou prou ! Mais c’est ce que ne veut pas le Modernisme qui pousse au « sacerdoce universel » des fidèles, de tout baptisé. Et à cette « mascarade », la nouvelle liturgie y conduit, du moins, elle donne des « gages ». La messe tridentine en est le « contre-poids » par tout ce qu’elle est.

 

Redonnez vie à la Messe catholique, et vous réapprendrez au peuple l’adoration due à Dieu, adoration qui est la véritable acclamation du cœur et de l’intelligence. Il suffit pour s’en rendre compte de voir le cœur de l’église de Rolleboise, le premier dimanche de Carême de l’an 2008. Tous les enfants de chœur étaient à genou adorant leur Dieu et Maître. La messe tridentine est vraiment le « contre poids » face à  cette irrévérence à l’égard de Dieu qu’enseigne tout laïcisme.

 

Redonnez la liberté à la Messe catholique et vous rendrez  - ipso facto  - leurs justes conceptions aux idées falsifiées devenues les idoles de l’homme moderne : la liberté, l’égalité, la fraternité, la démocratie. Parce que la Messe est « hiérarchique », elle est le mode sublime de l’adoration que tout cœur humain doit à Dieu. Dom Guillou l’exprimait merveilleusement dans son introduction de son  « Livre de la Messe » : « La crise  actuelle de la Messe, conséquence et cause, à la fois, de la crise générale, est l’occasion de rétablir les bases de l’authentique civilisation catholique, de remettre de l’ordre dans les esprits et par la même, dans la société toute entière ». Nous touchons ici à l’essentiel. La restauration de la civilisation passe par la messe. Elle nous le permet. Elle en est non seulement l’occasion, mais la cause. Et c’est pourquoi le Motu Proprio de Benoît XVI restaurant la légitimité de la célébration  de la messe tridentine est un don de Dieu - même si l’on peut regretter bien des points.  Sa portée est plus importante qu’une simple restauration du rite tridentine. Sa portée est universelle. Avec elle, le paganisme va reculer de nouveau dans notre société, comme il recula en Afrique. Souvenez-vous du sermon de Mgr Lefebvre à la porte de Versailles  en 1978 !

 

Oui, la Messe catholique est « l’âme de l’Eglise ». C’est l’Eglise elle-même, par la bouche de ses pasteurs suprêmes, qui nous le dit.  C’est Léon XIII qui le dit dans « Mirae cantatis ». C’est  Pie XI qui l’affirme dans « Dum Christum Dominum ». Oui ! La messe est « le point culminant, le centre, la raison d’être souveraine du culte divin », le « dû que nous devons à Dieu » (Pie XI, Allocution au Consistoire du 23 mai 1923). Et « elle est aussi la source et l’aliment de toute vie surnaturelle » (Pie XII, Mediator Dei ». Oui ! Elle est « le grand acte du culte divin » (Pie XII, Discours du 31 mais 1953). Elle contient « tout le trésor spirituel de l’Eglise ». Elle est enfin « la source pour l’Eglise et le gage de la gloire céleste ».C’est ce que nous redit, aujourd’hui encore,  Benoît XVI : « L’Eucharistie est la source  et le sommet de la vie et de la mission de l’Eglise ».

 

S’il en est ainsi, vous comprenez pourquoi les « fidèles de la Tradition » sont attachés à cette Messe, pourquoi ils veulent  vivre de cette Messe et cherchent toujours à la mieux comprendre.

Vous comprendrez pourquoi ils  n’ont  pas voulu s’en laisser « dépouiller » au milieu de la « subversion liturgique» que l’Eglise connût et connaît encore,  depuis plus de trente ans.

 

Alors vous pouvez comprendre aussi combien ils se réjouissent  de voir certains prélats romains, et tout particulièrement, hier,  le cardinal Stickler, le cardinal Medina, le Cardinal Arrinze, le cardinal Ratzinger, et aujourd’hui Benoît XVI, multiplier les efforts, les conférences, les études  pour que la « pureté », la « simplicité » et la « vérité »  soient redonnées à la liturgie romaine de l’Eglise, pour que le « droit » de la « messe de Rome » soit affirmé et qu’elle revienne à l’honneur sur les autels de la Chrétienté.

 

C’est aussi une question de respect de l’ « être historique » de l’Eglise, de son patrimoine. Y être fidèle, c’est, à l’esprit révolutionnaire, opposer le nécessaire « contre-poids ». La messe tridentine nous le permet.

 

Conclusion :

 

Ainsi la messe tridentine est-elle un bel enseignement de la foi dans toute son amplitude. Elle est vraiment un « contre poids » au monde moderne et à ses erreurs. Et le fait qu’elle soit  aujourd’hui, de nouveau,  librement célébrée accroît cette défense de la foi catholique, même si cette défense de la foi peut exiger de plus amples développements. C’est évident. C’est le rôle des Universités. Mais que le « théologien » ne néglige pas le domaine de la liturgie. Elle est aussi un enseignement et des plus importants parce que populaire. Elle est un « lieu théologique ».