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Un regard sur le monde  politique et religieux

Au 22 aôut 2005

 

N°54

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Le président Jacques Chirac. 

Le Cardinal Lustiger. Bernard Billaud.

 

Bernard Billaud fut  élève de l’ENA, auditeur de la Cour des Comptes. Il  fut aussi un collaborateur de Jacques Chirac pendant 9 ans, de 1976 à 1984, d’abord à l’Hotel Matignon, lorsque Jacques Chirac fut premier ministre, puis à l’Hotel de Ville, lorsque ce dernier fut élu  maire de Paris. Là, il fut son chef de cabinet. Il lui fut un collaborateur efficace, présent, zélé.

Il connaît ainsi particulièrement bien le Président.  

Il vient de publier, aux éditions de Fallois, il y a quelques mois seulement un livre sur son importante collaboration. Il  intitule son témoignage : « D’un Chirac à l’autre ». La presse amie en a dit beaucoup de bien. Je fus ainsi encouragé à en faire ma lecture de vacances.

L’ouvrage est de fait passionnant. 550 pages au cours  desquelles l’auteur raconte son travail auprès de Jacques Chirac, ses relations, ses conseils, son influence, en tous domaines dans sa vie politique, dans ses responsabilités sociales, nationales, internationales. Il nous fait pénétrer au cœur du personnage qu’il sert merveilleusement et avec quelle compétence ; il nous introduit, au fil des pages, au cœur de sa personnalité, de ses convictions intimes,   de son intense vie politique. Quel travail ! Quelle richesse de contacts...Il nous fait vivre les instants particulièrement riches qu’il eut avec de nombreux personnages… avec un Saleron, un professeur Lejeune… Il le fait réagir en différents événements tant politiques que religieux. Dans l’affaire de Mgr Lefebvre, il nous donne la correspondance que Chirac crut devoir envoyer à Mgr Lefebvre, une lettre particulièrement fervente et sympathique. C’est à cette occasion que je  rencontrais Bernard Billaud,  à la maison saint Pie X, à Suresnes, alors que j’étais supérieur de District.  Je garde de lui un souvenir d’une personnalité vive, et attachante…

C’est un livre à lire !

Le chapitre 8 a retenu mon attention. Il est consacré aux relations que Jacques Chirac a entretenues avec le « monde juif » tant comme premier ministre que comme maire de Paris.  Il l’a intitulé : « Nos pères ont mangé les raisins verts », s’inspirant du texte de l’Ecriture Sainte (Jerem. 31 29 ou Exech 18 2). Il parle des premiers contacts avec la communauté juive, du premier repas à Matignon avec «  les grands rabbins de France, Jacob Kaplan, et de Paris, Meyer Jaïs ainsi que du baron Alain de Rothschild, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF, en tout une vingtaine de personnes. (p221)Il nous apprend que « l’échange fut franc et direct tout en restant dans les limites de la grande courtoisie », (p. 221) que « les retombées du déjeuner de Matignon furent impressionnantes. La rencontre fut en effet l’occasion de sortir des tiroirs où ils sommeillaient, plusieurs dossiers restés pendants depuis des années. La bonne volonté de Chirac en vue d’aider à leur solution était absolue et il ne ménagea pas ses promesses de sorte qu’au déficit relationnel antérieur à la rencontre s’était, grâce à l’atmosphère euphorique du déjeuner, substituée une attente qu’il était capital de ne pas décevoir » (p. 223). Raymond Barre, qui lui succéda comme premier ministre,  sut poursuivre, ces bonnes relations. Il nous raconte les péripéties qui entourèrent l’invitation et la réception à l’Hotel de Ville du maire de Jérusalem, Teddy Kollek, son bon déroulement.  Elle eut lieu les 6 et 8 juin 1978. Bernard Billaud, de cette réception écrit : « La visite du maire de Jérusalem a joué un rôle décisif : c’est à partir de ce moment-là que la communauté juive a commencé à surmonter les réserves qu’elle nourrissait à l’égard du président du RPR en sa qualité d’héritier du général de Gaulle à qui elle n’avait pas pardonné l’affirmation sur « le peuple d’élite sûr de lui-même et dominateur » » (p. 235)

Mais ce qui a retenu mon attention en ce chapitre c’est surtout le jugement que Bernard Billaud et Jacques Chirac exprimèrent lors de la nomination de Mgr Lustiger, comme archevêque de Paris, le 2 février 1981 et surtout leurs commentaires qu’ils tinrent, l’un et l’autre, au sujet des propos du futur cardinal, dans son interview accordée au quotidien israélien « Yediot Hararonot » en mai 1982. Dans cette interview de 28 pages, Mgr Lustiger expose ses idées sur les rapports du Judaïsme et du Christianisme.  
 

Je voudrais y revenir car leurs commentaires méritent précisions et  compléments…C’est une question de vérité.

Voici le texte de Bernard Billaud. Ce passage se trouve à la page 240, 241, 242.

« Pour tout juif qu’il soit religieux ou non  - a fortiori évidemment s’il l’est- la conversion d’un juif au christianisme pose un problème insurmontable. On l’a bien vu au moment de la nomination de Mgr Lustiger sur le siège de Paris. Celui-ci fit alors des déclarations par lesquelles il expliquait que certes il ne cesserait jamais d’être juif puisque sa conversion était l’accomplissement des promesses faites par Dieu à nos Pères dans la foi. Adam Loss me fit visite à l’Hôtel de Ville pour me prévenir qu’à moins d’une rétractation de l’archevêque de Paris, celui-ci se verrait opposer une réplique cinglante de Meyer Jaïs, ancien grand rabbin de Paris, qui parut effectivement dans le Monde…L’événement ne passa certes pas inaperçu et même Jacques Chirac y fut attentif. J’en ai d’ailleurs retrouvé une trace significative dans mes dossiers. Le maire de Paris me fit en effet parvenir, avec la mention manuscrite suivante : « Monsieur Billaud : cet article de Lustiger est intéressant. Signé J. Chirac », le texte de l’intervention que l’archevêque de Paris avait donnée au quotidien israélien Yediot Haharonot. Dans cet entretien Mgr Lustiger, aborda avec une absolue franchise et une bouleversante sincérité le problème des rapports du judaïsme et du christianisme. Chirac avait lu et souligné ce passage dans lequel Mgr Lustiger, répondant à une question des journalistes israéliens qui l’interrogeaient, affirmait avec une impressionnante solennité son appartenance au peuple élu : « Vous comprendrez que je ne puisse pas, sans perdre ma propre dignité et la dignité que je dois à mes parents et celle que je dois à tous ceux dont je suis irrévocablement solidaire, ne pas revendiquer ma condition de juif….Ce que je puis dire, c’est qu’en devenant chrétien, je n’ai pas voulu fuir la condition de juif. Je la tiens d’une façon inaliénable de mes parents. Je la tiens donc d’une façon inaliénable de Dieu lui-même ».

Ce passage de Billaud, pour sympathique qu’il soit, mérite au minimum des compléments, des précisions. On ne peut pas simplement dire de la pensée du futur cardinal, telle qu’exprimée dans cette interview,  qu’elle est  d’ « une absolue franchise » et d’ «une bouleversante sincérité », ni qu’elle est  simplement « intéressante ». Il faut dire qu’en bien des points elle n’est pas juste et exprime une idée qui lui est personnelle, mais qui n’est pas l’enseignement de l’Eglise.

 

Voilà l’analyse de cette interview. Je m’inspire de la présentation qu’en avait fait M Le Caron de Choqueuse dans son livre que j’avais fait publié, à l’époque, en 1987,  aux Editions Fideliter, sous le titre fracassant : « Dieu est-il antisémite ? »

 

Après avoir donné des renseignements sur son enfance et sur ses parents, l’Archevêque nous apprend qu’ayant lu en cachette, à l’âge de I0 ans, une Bible protestante, il lui apparut évident que Jésus était un « Messie juif ». C’est pourquoi, à l’âge de 14 ans, il sollicita le baptême. Dans son esprit, il ne s’agissait pas d’une conversion, mais d’une « cristallisation » qui ne devait provoquer aucune rupture véritable avec le peuple juif demeuré dans le Judaïsme.

A ses parents qui n’acceptaient pas ses nouvelles convictions religieuses, il a dit : « Je ne vous quitte pas. Je ne passe pas dans le camp de l’ennemi. Je deviens ce que je suis. Je ne cesse pas d’être juif, bien au contraire. Je découvre une manière de l’être ».

 

Analyse de la pensée du cardinal.

 

Cette « cristallisation » qui n’impliquait pas le reniement du Judaïsme devait permettre au futur cardinal d’apaiser les troubles de sa conscience qu’il aurait pu ressentir en abandonnant la religion de ses ancêtres. Il ne s’agissait pas pour lui d’un reniement : « Je n’ai jamais prétendu, expose-t-il, que j’allais être simultanément un bon Juif selon la définition des rabbins, et un bon Chrétien selon la définition de l’Eglise. Mais vous comprendrez que je ne puisse pas, sans perdre ma propre dignité et la dignité que je dois à mes parents et celle que je dois à tous ceux dont je suis irrévocablement solidaire, ne pas revendiquer ma condition de Juif… »

« Je ne suis évidemment pas « juif religieux » au sens où l’entendent ceux qui définissent l’orthodoxie juive. Mais ce que je puis dire, c’est qu’en devenant Chrétien, je n’ai pas voulu cesser d’être le juif que j’étais alors. Je n’ai pas voulu fuir la condition de Juif. Je la tiens donc d’une façon inaliénable de mes parents. Je la tiens d’une façon inaliénable de Dieu lui-même ».

 

C’est sympathique et franc mais surtout bien équivoque.

 

On ne demande pas, bien entendu à Mgr Lustiger de renier sa condition de Juif selon la chair. Saint Paul, après sa conversion, ne dissimulait pas son appartenance au peuple juif. Il écrivait : « Moi-même, en tant qu’apôtre des Gentils, je m’efforce de rendre mon ministère glorieux, afin, s’il est possible, d’exciter la jalousie de ceux de mon sang et d’en sauver quelques-uns » (Rm 11 13-14) Mais sa théologie, en ce qui concernait la Synagogue et les Juifs qui n’avaient pas voulu reconnaître la divinité de Jésus, était nette et précise…pas seulement « intéressante »…Pour lui, il s’agissait de branches mortes qui avaient été retranchées, même si plus tard des rejets devaient repousser sur la racine.

 

Pour Mgr Lustiger, au contraire, et c’est là qu’est la contradiction, ces branches judaïques ne sont pas mortes et non jamais été retranchées. Elles ne sont qu’en sommeil et elles s’éveilleront à l’appel de Dieu quand le moment sera venu. Les gentils (les peuples des Nations) sont des oliviers sauvages qui ont été entés, non pas à leur place, mais à côté, sur la même racine.

 

Il le dit nettement dans cette interview, ainsi que dans bien d’ autres déclarations : « Après tout, le Judaïsme, en restant lui-même fidèle à l’appel de Dieu, pourra-t-il un jour admettre que les nations devenues chrétiennes sont aussi des enfants inattendus qui ont été donnés au peuple juif. Ce don serait celui d’une descendance inattendue et non encore reconnue. Si les Chrétiens n’ont pas reconnu les Juifs comme leurs frères aînés et la racine sur laquelle ils ont été greffés, il faudrait peut-être que les Juifs eux-mêmes reconnaissent les nations païennes, devenues chrétiennes comme leurs frères cadets. Mais pour cela il faudrait que le pardon intervienne car il y a eu persécution, guerre fratricide…On veut toujours tuer le frère pour avoir l’héritage. La raison de la persécution d’Israël, ce fut la jalousie, (NB Comment nous autres chrétiens, pourrions-nous être jaloux de branches mortes qui ont été retranchées par Dieu lui-même.), au sens spirituel du mot. Elle peut être changée en émulation et source de bénédiction. ».

 

La pensée de Saint Paul

 

Il suffit de comparer ce texte avec celui de saint Paul pour constater combien il s’écarte de l’enseignement du grand Apôtre des nations : « Mais si quelques-unes des branches ont été retranchées, écrit saint Paul, et si toi qui n’étais qu’un olivier sauvage,  tu as été enté à leur place et rendu participant de la racine et de la sève de l’olivier, ne te glorifie pas à l’encontre des branches…Tu diras donc : ces branches ont été retranchées afin que moi je fusse enté. Cela est vrai. Ils ont été retranchés à cause de leur incrédulité et toi tu subsistes par la foi…Eux aussi (les Juifs), s’ils ne persévèrent pas dans leur incrédulité, ils seront entés ; car Dieu est puissant pour les enter de nouveau. Si toi, tu as été coupé sur un olivier de nature sauvage et enté contrairement à ta nature, sur l’olivier franc, à plus forte raison les branches naturelles seront-elles entés sur leur propre olivier » (Rm 11 17-24)

 

Il suffit de relire ces deux textes pour constater les différences fondamentales qui les opposent.

 

La théologie du cardinal Archevêque.

 

La Synagogue et le peuple juif n’ont pas péché en refusant jusqu’à ce jour de reconnaître Jésus comme Messie et Fils de Dieu.

 

Voilà le fondement de la théologie du cardinal. S’il y avait là péché de leur part, il faudrait admettre qu’il y a eu rupture de l’Alliance et que la Synagogue est une branche morte que Dieu a retranchée. Or cette vérité qui est celle de l’Eglise catholique, le cardinal ne l’admet pas.

L’énorme difficulté est, bien entendu, de nous expliquer quelles sont les raisons pour lesquelles la Synagogue et les Juifs demeurés fidèles au Judaïsme n’ont commis aucun péché.

 

Il y va prudemment.

 

« Ce que je dis surprendra sans doute les gens qui s’en tiennent aux idées reçues, aux préjugés… »

Puis la réponse est donnée en réponse à la question suivante des journalistes israéliens : -

 

Question des journalistes : « Mais vous devriez tout de même nous dire : « Ecoutez, si vous voulez être de bons Juifs, si vous voulez vraiment le salut, vous devriez devenir chrétiens, vous ne le dites pas et je ne vous incite pas à le dire. Mais enfin, je crois que ce serait logique ! ».

 

Réponse du cardinal : « Pas nécessairement et pour la raison suivante : Il n’appartient pas à l’homme de décider ce qu’il doit être, mais d’abord à Dieu. C’est à Dieu de décider qui je dois être et ce que je dois faire. A Dieu d’abord et à moi ensuite ».

 

Autrement dit, la Synagogue et le peuple juif n’ont pas péché en demeurant dans l’aveuglement « parce que qu’il n’appartient pas à l’homme de décider ce qu’il doit être ». C’est donc Dieu qui est le grand responsable de leur aveuglement parce que c’est Lui qui en a décidé ainsi.

 

C’est absurde.

 

Un tel argument élimine toute responsabilité de la personne humaine. Il écarte le libre arbitre. A ce compte-là, si l’on adoptait un tel argument, on pourrait tout admettre, les plus grands crimes de l’histoire…

On voit à quelles absurdités on aboutit.

 

Dans de telles conditions, il ne serait peut-être pas inutile de rappeler que d’après la théologie catholique les démons et ceux qui les servent, même s’ils coopèrent involontairement au plan de Dieu –qui seul peut tirer du mal un plus grand bien – n’en ont pas moins une responsabilité personnelle. Le Seigneur a dit : « Il faut que cela s’accomplisse, mais malheur à ceux par qui cela s’accomplit »

 

Selon le cardinal, Dieu n’a jamais cherché à châtier le peuple juif parce qu’il n’a pas reconnu le Messie.

 

Dans sa fausse opinion,  cette proposition est parfaitement logique. Elle découle de la précédente. Pourquoi Dieu aurait-il châtié un peuple qui n’a pas péché ?

 

A la question, du reste, du journaliste : « Est-ce que vous aviez l’idée de la persécution d’Israël comme châtiment ?

 

Le cardinal répond : « non ».

 

Le journaliste précise : « L’idée que Dieu ait puni le peuple juif parce qu’il n’avait pas reconnu Jésus » ?

 

Réponse du cardinal : « Non. Jamais une telle idée ne m’est venue. Je n’y ai jamais adhéré. Cela ne fait pas partie de la foi catholique. En vous disant que je n’admets pas  cette opinion, je ne suis donc pas suspect de professer une opinion déviante… ».

 

C’est un peu fort… Il faudrait savoir ce que le cardinal entend par vérité de la foi catholique. (Est-ce uniquement les vérités proclamées ex cathédra ?) Mais il y a aussi la Tradition et d’abord les Evangiles qui perdraient toute signification si l’on admettait, sur ce point, la « théologie »du cardinal.

 

Notre Seigneur, par exemple, a-t-il pleuré sans raison sur Jérusalem ? Et quand Il fut proche de Jérusalem, voyant la ville, Il pleura sur elle disant : « Si en ce jour tu avais connu, toi aussi, ce qui était pour ta paix ! Mais maintenant cela demeure caché à tes yeux. Car vont venir sur toi des jours où tes ennemis établiront contre toi un retranchement, t’investiront et te serreront de toute part. (C’est le siège de Jérusalem qui est ici annoncé). Ils t’abattront à terre ainsi que tes enfants chez toi et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre (c’est la destruction de Jérusalem par Titus) parce que tu n’as pas connu le moment où tu as été visitée ». (Lc 19 41-44)

 

Un peu plus loin dans le  même Evangile de saint Luc, Notre Seigneur précise de nouveau : « Il y a grande détresse sur la terre et colère contre ce peuple ! Ils tomberont au fil de l’épée et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils jusqu’à ce que les temps des Gentils soient accomplis » (Lc 21 23-24)

 

Pour ne pas reconnaître qu’il s’agit là de châtiments et qu’il existe une relation directe de cause  à effet entre les châtiments et le fait que « les Juifs n’ont pas connu le moment où Notre Seigneur les a visités », il faut être tombé, sur ce point,  dans un aveuglement complet ou être d’une entière mauvaise foi. La grande Diaspora n’est quand même pas pour les Juifs un voyage touristique qui dure depuis près de deux mille ans.

 

Rappelons encore ces dernières paroles du cardinal. Elles sont étonnantes.

 

« Israël, précise-t-il, comme tel, et tant que les temps ne sont pas accomplis, doit demeurer dans la fidélité, aimé de Dieu en raison de l’élection, à cause des Pères. Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables. C’est évidemment une question très difficile. Pour le Judaïsme, le Christianisme est une anticipation, une hâte. Et c’est vrai. Le Judaïsme garde ainsi un droit de regard sur le Christianisme ».

 

Question du journaliste : « Selon vous alors, le Christianisme est un judaïsme ouvert qui a été ouvert au monde, aux païens. Le Christianisme c’est de faire participer les païens au Judaïsme, cela a donné le Christianisme. »

 

Réponse du cardinal : « Oui si vous voulez ; mais d’une façon déconcertante pour Israël comme pour les païens ».

 

Si cette opinion était vraie, il faudrait expurger les Evangiles de tout ce qui l’infirme.

 

Comment pourrait-on laisser subsister la réponse de Dieu au frère aîné (la Synagogue) qui, d’après le cardinal, garde un droit de regard sur le cadet( l’Eglise).

 

« Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? C’est que vous ne pouvez entendre ma parole… Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Et voici pourquoi vous ne l’écoutez pas parce que vous n’êtes pas de Dieu » (Jn 8 37-47)

 

Un autre texte qu’il faudra aussi supprimer de toute urgence est celui où Jésus affirme devant Caïphe qu’Il était le Fils de Dieu. A-t-il oui ou non blasphémé ?

Le cardinal serait sans doute très embarrassé s’il devait répondre à cette question. Il est probable qu’il l’éluderait.

On ne peut, même pour imposer une thèse,  et je suis gentil…  falsifier les faits,  surtout lorsqu’il s’agit de la parole de Dieu.

 

La théorie du Cardinal est rassurante pour lui, converti de fraîche date.

Elle lui permet de ne porter aucune accusation contre le peuple d’Israël. Celui-ci na pas péché plus gravement que les autres peuples et l’Alliance que Dieu fit avec lui n’a jamais été rompue. Les châtiments extraordinaires qu’a subis ce peuple (annoncés par NSJC alors qu’i montait à Jérusalem pour y subir sa passion) et dont le cardinal ne parle pas sont sans doute une manière de le faire participer à la Rédemption; Israël demeure le fils aîné, le peuple saint, même s’il met plus de temps que certaines nations, autrefois païennes, pour parvenir à la vérité complète, c’est-à-dire aux lumières apportées par le Christ et par le Saint Esprit. Mais le temps n’est-il pas une notion humaine ? Dieu est hors du temps. L’essentiel est (c’est là l’accomplissement eschatologique ultime de toutes choses) de tous nous rejoindre, Juifs et Chrétiens, dans l’amour de notre Seigneur.

Tel est sans doute l’optique lénitive du cardinal qu’il voudrait nous faire adopter.

 

La vie du père Hermann Cohen

 

Cette conception du cardinal est toute à l’opposé de la pensée et de la vie du Père Hermann Cohen. Ce jeune juif, pianiste de grand talent, élevé dans le judaïsme qui fut l’enfant chéri de Georges Sand a été terrassé par la grâce après avoir mené une jeunesse libertine. Il devînt un apôtre extraordinaire de l’Eucharistie. Or ce qui frappe dans ses écrits, après sa conversion, c’est son horreur pour le judaïsme dont il était issu et les prières ardentes, les pénitences sévères qu’il fit pour convertir à la foi chrétienne les membres de sa famille qui étaient demeurés tellement chers à son cœur.

Il écrivait le 29 juillet 1853 aux frères Lemann orphelins de père et de mère qui aspiraient au baptême et se heurtaient à l’opposition de toute leur famille : « mes bien aimés frères en Jésus-Christ…oh qu’il me tarde  de  vous voir enfin parfaits chrétiens…oui il me semble déjà vous voir vous élancer dans la carrière et comme de vaillants soldats de Jésus-Christ, combattre pour les âmes qui lui ont coûté si cher, qui lui ont coûté son sang ! Oh puissions-nous avoir la consolation de ramener beaucoup de nos frères d’Israël à la vraie foi…. »

 

Le père Hermannn serait resté ébahi si on lui avait dit que les juifs n’avaient pas besoin d’être convertis.

Ainsi, le cardinal a, lui, échafaudé toute une théologie qui n’est ni conforme à la vérité historique, ni à l’enseignement traditionnel de l’Eglise, même s’il s’exprime avec « franchise » et « sympathie », même si sa « théorie »  est « intéressante ».

 

D’ailleurs, Jésus lui-même a répondu au cardinal, au cours de l’entretien qu’il eut avec les juifs qui refusaient de le reconnaître comme Fils de Dieu et comme Messie. Il leur dit : « Je sais que vous êtes la postérité d’Abraham, mais vous chercherez à me faire mourir parce que ma parole ne pénètre pas en vous. Je dis ce que j’ai vu auprès de mon  Père ; Vous aussi, vous faites ce que vous avez appris auprès de votre père » (Jésus parle du Diable qu’ils ont pour père)

Ils lui répondirent : « Notre père c’est Abraham ».

Jésus leur dit : « Si vous étiez enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Or maintenant, vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous dit la vérité que j’ai apprise de Dieu. Cela, Abraham ne l’eut pas fait ».
Ils lui dirent : « Nous ne sommes pas nés de l’adultère, nous avons qu’un seul père qui est Dieu ».

Jésus leur répondit : « Si Dieu était votre Père vous m’aimeriez car c’est de Dieu que je suis sorti et que je suis venu. Non je ne suis pas venu de moi-même, mais c’est Lui qui m’a envoyé. Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? C’est parce que vous ne pouvez entendre ma parole. Vous avez pour père le Diable et vous voulez réaliser les désirs de votre père. Celui-ci était homicide dès le commencement et ne se tenait pas dans la vérité,  parce qu’il n’y a pas de vérité en lui…Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Et voici pourquoi vous ne m’écoutez pas : parce que vous n’êtes pas de Dieu ».

Que vaut la « franchise », la « sincérité », l’ « intérêt » si tout cela se dresse contre la vérité ?