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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 25 janvier 2008
N° 156
Benoît XVI
et
le nouveau « Pape noir » :
le R.P. Adolfo Nicolas S.J.
Un acte de gouvernement !
Le samedi 19 janvier, en fin
de matinée, la 35e Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus
réunie à Rome au lendemain de l’Epiphanie, a élu un successeur au R.P.
Kolvenbach, Préposé Général, démissionnaire
pour raison de santé. L’élu de cette 35e Congrégation est le R.P. Adolfo Nicolas, un espagnol.
Mais la Congrégation qui est composée de 216 délégués, dont une
grande majorité est non européenne, (1) n’a pas achevé pour autant ses travaux. Elle va durer jusqu’au 21 février,
date à laquelle le Pape recevra et le nouveau Préposé Général et les 216
délégués des Jésuites
L’élection faite, la Congrégation doit
en effet parler des problèmes internes à la Compagnie de Jésus. Et
ces problèmes semblent nombreux si l’on
en croit les deux interventions solennelles – elles y font de claires allusions
- qui se sont exprimées auprès de cette Congrégation : celle du cardinal
Franc Rodé, qui n’est pas jésuite mais qui est intervenu au nom du Souverain
Pontife et surtout celle de la lettre
personnelle du pape Benoît XVI au Père
Général démissionnaire, le Peter Hans Kolvenbach.
Ces deux interventions sont de véritables actes de gouvernement.
Commençons par étudier celle du cardinal.
L’exhortation du cardinal Franc Rodé : il invite les
jésuites à accentuer leur fidélité au pape et à l'Eglise
La 35e Congrégation Générale
s’est ouverte, en effet, le 7 janvier 2008, « dans un climat
d’interrogation sur l’identité et la mission des Jésuites dans le monde »
(Yves Chiron Aléthéia n° 119). Elle a débutée par une Concélébration présidée
par le cardinal Franc Rodé, en sa qualité de préfet de la Congrégation pour
les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.
Le cardinal Franc Rodé a
prononcé l’homélie dans laquelle il a exprimé deux fois sa
« tristesse » et son «
inquiétude ».
Sa tristesse et son
inquiétude, tout d’abord, face à l’« éloignement croissant ( de la Compagnie de Jésus) de la Hiérarchie »: « Avec tristesse et
inquiétude je vois un éloignement croissant de la Hiérarchie. La spiritualité ignatienne du service
apostolique "sous le Souverain Pontife" n’accepte pas cet éloignement.
Dans les Constitutions qu’il vous a laissées comme norme de vie, Ignace veut
véritablement modeler votre esprit et dans le livre des Exercices (n° 353) il
écrit : "Renoncer à tout jugement propre et se tenir prêt à obéir
promptement à la véritable Epouse de Jésus Christ, notre Seigneur, c’est à dire
à la sainte Eglise hiérarchique, notre Mère".
Sur cette ligne, toujours suivie par la Compagnie au long de son histoire
pluri-centenaire, la XXXVème Congrégation Générale doit se placer
aussi au moment où elle s’ouvre par cette liturgie célébrée près des restes de
votre Fondateur montrant votre volonté et votre engagement d’être fidèles au
charisme qu’il vous a laissé en héritage et de l’actualiser pour répondre au
mieux aux nécessités de l’Eglise de notre temps. ».
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(1) Comme le fait remarquer Yves Chiron dans
Aléthéia, n° 119 : « l’origine de ces 225 délégués montre bien que le centre
de gravité de la Compagnie
de Jésus a basculé hors d’Europe : 18 délégués viennent d’Afrique, 40
d’Amérique Latine, 64 d’Asie et d’Australie, 69 d’Europe et 34 des Etats-Unis.
Les Européens ne représentent plus qu’environ un quart des 22.000 Jésuites que
compte la Compagnie
(elle comptait 35.000 membres au début des années 1960). « La Province de France, dirigée par le P. Dumortier,
rassemble 27 petites communautés en France métropolitaine et 7 communautés
extérieures (une au Maroc, trois en Algérie, une en Grèce, une sur l’île
Maurice et une à La Réunion) rattachées à la Province de France. On est loin de
l’époque où les Jésuites de France étaient répartis en six Provinces. Le
noviciat de l’unique Province française, désormais situé à
Saint-Didier-du-Mont-d’Or, près de Lyon, compte six novices (dont une fille,
car le noviciat est mixte).
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Il ne mâche pas ses mots.
Aussi leur demande-t-il de rester fidèle à leur
fondateur, Saint Ignace et à son fameux « sentire cum ecclesia » : « Je vois avec tristesse
et inquiétude que même chez plusieurs membres … le sentire cum Ecclesia,
dont parle fréquemment votre Fondateur, diminue. L’Eglise attend de vous un
effort pour restaurer le sensus Ecclesiae. Les Exercices Spirituels de
Saint Ignace sont votre spécialité. Les règles du sentire cum Ecclesia forment
une partie intégrante et essentielle de ce chef-d’œuvre de la spiritualité
catholique. » Soyez y donc fidèles !
Le cardinal Rodé demande
ainsi une fidélité plus grande des jésuites à la hiérarchie catholique. C’est
en ce sens qu’il faut que vous portiez un réel effort !
Il leur demande aussi « de présenter aux fidèles et au monde l’authentique vérité révélée dans
l’Ecriture et la tradition ». Cela laisse supposer bien des choses…
Car une attitude
d’infidélité au Magistère « désoriente,
leur dit-il, les fidèles et les conduit vers un relativisme sans
horizon. La vérité est une, même si elle peut être connue plus profondément. Le
garant de la vérité révélée est le "Magistère vivant de l’Eglise dont
l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ" (DV 10). Les exégètes et les
experts en théologie doivent s’appliquer à collaborer pour approfondir et
expliquer, "sous la vigilance du Magistère", - cette soumission au Magistère est
répétée ainsi deux fois - les
richesses que cette vérité révélée contient (cf. DV 23). Vous, par votre longue
et solide formation, vos centres de recherche, par l’enseignement dans les
domaines philosophique, théologique et bibliques, vous vous trouvez dans une
situation privilégiée pour la réalisation de cette difficile mission.
Réalisez-la par l’étude et l’approfondissement, réalisez-la avec humilité,
réalisez-la avec foi dans l’Eglise, réalisez-la avec l’amour pour l’Eglise. »
On ne peut être plus clair !
Dans cette ligne, il
souhaite que les censeurs jésuites aient
plus de vigilance: « Ceux qui, selon
votre législation, doivent veiller sur la doctrine de vos revues, de vos publications,
qu’ils le fassent à la lumière et selon les ”règles du sentire cum Ecclesia”
avec amour et respect. ».
Comment ne pas voir ici une claire
allusion aux théologiens jésuites qui ont fait ces deniers temps, l’objet de notifications de la Congrégation
pour la doctrine de la Foi
pour leurs écrits erronés en matière de christologie : le P. Jacques
Dupuis en 2001, le P. Roger Haight en 2004, le P. Jon Sobrino en 2006 et un
quatrième, le P. Peter C. Phan, qui a
reçu, en 2006, de la part de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et, en 2007, de la part
de la Commission
doctrinale de la
Conférence épiscopale américaine, des exhortations à
s’expliquer sur plusieurs points litigieux de ses écrits.
On voit que, sans que leurs
noms soient cités, la tendance hétérodoxe qu’ils représentent suscite de l’inquiétude
à Rome et auprès du Pape qui fait un juste et nécessaire rappel. On peut dire
que le pape veut que « les pendules soient mises à l’heure ». C’est
l’objet du discours du cardinal.
Cette fidélité au Magistère
de l’Eglise peut aller jusqu’à sacrifier ses propres pensées, affirme encore le
cardinal - ce qui est certainement crucifiant.
Mais n’est-ce pas la sagesse que vous a laissée Saint Ignace. Le cardinal le
dit en une très belle phrase : « Servir dans la Compagnie signifie
servir “sous l’étendard de la
Croix”. Tout service fait avec amour implique nécessairement
de se vider de soi-même, une kénose. Mais cesser d’accomplir ce qu’on désire
accomplir pour faire ce que désire la personne aimée transforme cette kénose à
l’image du Christ qui apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance (cf. He 5,8).
C’est pour cela que Saint Ignace avec réalisme ajoute que le Jésuite sert
l’Eglise "sous l’étendard de la
Croix" ».
Faites de même !
On
devine aisément que le cardinal Rodé exprime, dans son homélie, la pensée et les attentes de Benoît XVI. Et ce
qui préoccupe aussi le chef de l’Eglise,
c’est l'influence des jésuites sur les orientations d’autres ordres religieux
et sur la formation de prêtres et d’étudiants en théologie dans les nombreuses
écoles et universités que la
Compagnie dirige dans le monde entier, à commencer par
l’Université Pontificale Grégorienne de Rome, creuset de tant de futurs
évêques. « Ils sont nombreux les Instituts de vie consacrée qui,
participant à la spiritualité ignatienne, regardent avec attention vos choix ;
ils sont nombreux les futurs prêtres qui, dans vos universités et facultés, se
préparent à exercer un ministère; elles sont nombreuses les personnes qui, dans
ou hors de l’Eglise, fréquentent vos centres d’enseignement avec le désir de
trouver une réponse aux défis que la science, la technique, la mondialisation,
l’inculturation, le consumérisme et la misère, posent à l’humanité, à l’Eglise
et à la foi, avec l’espérance de recevoir une formation qui les rendent
capables de construire un monde de vérité et de liberté, de justice et de paix. »
Voyons maintenant la lettre
du Pape.
La lettre du Pape au R.P.
Kolvenbach : « Réaffirmez votre
totale adhésion à la Doctrine
et au magistère de l’Eglise»
Trois jours après l’homélie
du cardinal Rodé, Benoît XVI adresse, le 10 janvier, une lettre au R.P. Kolvenbach, pour lui
exprimer, certes, l’assurance de son «
affection » : « A l'occasion de la 35ème Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus, je
souhaite vivement vous adresser, à vous-même et à tous ceux qui prendront part
à cette Congrégation, mes cordiales salutations, jointes à l'assurance de mon
affection et de ma constante proximité spirituelle ».
Mais il veut surtout faire « quelques
considérations » pour « encourager »
et « stimuler » les Jésuites « à réaliser toujours mieux l’idéal de la Compagnie » :
« Vous avez là une occasion providentielle d'imprimer à la Compagnie de Jésus la
nouvelle impulsion ascétique et apostolique que tous souhaitent, pour que les
Jésuites puissent accomplir pleinement leur mission et affronter les défis du
monde moderne avec cette fidélité au Christ et à l'Eglise qui a caractérisé
l'action prophétique de Saint Ignace de Loyola et de ses premiers compagnons »
Il demande à la Compagnie de rester
fidèle au « vœu d’obéissance directe au
successeur de Pierre, perinde ac cadaver » : « Je
saisis …l'occasion de cette Congrégation Générale » pour
vous encourager et vous stimuler « à réaliser toujours mieux l'idéal de
la Compagnie,
tel qu'il est décrit dans ces paroles qui vous sont familières : « combattre pour Dieu sous l'étendard de la Croix et servir le Seigneur
seul et l'Eglise son Epouse sous le Pontife Romain, vicaire du Christ sur la
terre » (Exposcit debitum, 21 juillet 1550). Il s'agit d'une fidélité «
particulière », sanctionnée pour beaucoup parmi vous par un vœu d'obéissance
directe au Successeur de Pierre, « perinde ac cadaver ». De cette
fidélité, qui constitue le signe distinctif de votre Ordre, l'Eglise a encore
plus besoin aujourd'hui, à une époque où se ressent l'urgence de transmettre de
manière intégrale à nos contemporains, distraits par tant de voix discordantes,
le message unique et inchangé de salut qu'est l'Evangile, « non comme une
parole d'homme mais comme ce qu'il est réellement, la parole de Dieu », qui
opère en ceux qui croient.
Il rappelle qu’ « il est indispensable […] que la vie des membres de la Compagnie de Jésus,
ainsi que leur recherche doctrinale, soient toujours animées par un vrai esprit
de foi et de communion en harmonie avec les indications du Magistère ».
Il souhaite aussi « vivement » que « tous les Jésuites » soient « encouragés
à promouvoir la vraie et saine doctrine catholique. »
Si ces exhortations ne sont
pas nouvelles – Benoît XVI reprend, en
effet, certaines recommandations faites
par Jean-Paul II et Paul VI lors des précédentes Congrégations Générales – la
demande qui suit est plus inattendue. En effet, quittant les directives
générales, Benoît XVI demande à la
Congrégation Générale de faire une profession de foi sur
différents points et doctrines qui ont conduit notamment aux mises en garde et
condamnations citées ci-dessus. « Il
pourrait être fort utile, a dit le Pape, que la Congrégation Générale réaffirme, dans l’esprit de
saint Ignace, son adhésion totale à la doctrine catholique, en particulier sur
des points névralgiques fortement attaqués aujourd’hui dans la culture
séculière, comme par exemple le rapport entre le Christ et les religions,
certains aspects de la théologie de la libération, et divers points de la
morale sexuelle, surtout pour ce qui regarde l’indissolubilité du mariage et la
pastorale des personnes homosexuelles. »
Depuis longtemps on n’avait
pas entendu un Pape se montrer aussi directif envers les Jésuites.
C’est là encore un vrai acte
de gouvernement, cette fois, direct et
personnel. Une preuve de plus qu’il est légitime de dire que « les
choses changent à Rome »… « Un coup de barre est donné à Rome en
faveur de la Tradition ».
Ne pas le reconnaître, c’est risquer de s’entêter. Alors attention !!!
Mais il est bon de lire
intégralement cette lettre pour s’en convaincre.
« Au Révérend Père
PETER-HANS KOLVENBACH, SJ
Préposé Général de la Compagnie de Jésus
A l'occasion de la 35ème
Congrégation Générale de la
Compagnie de Jésus, je souhaite vivement vous adresser, à
vous-même et à tous ceux qui prendront part à cette Congrégation, mes cordiales
salutations, jointes à l'assurance de mon affection et de ma constante proximité
spirituelle. Je sais quelle importance revêt pour la vie de la Compagnie l'événement
que vous célébrez, et je sais aussi que, pour cette raison, il a été préparé
avec grand soin. Vous avez là une occasion providentielle d'imprimer à la Compagnie de Jésus la
nouvelle impulsion ascétique et apostolique que tous souhaitent, pour que les
Jésuites puissent accomplir pleinement leur mission et affronter les défis du
monde moderne avec cette fidélité au Christ et à l'Eglise qui a caractérisé
l'action prophétique de Saint Ignace de Loyola et de ses premiers compagnons.
Aux fidèles de
Thessalonique, l'Apôtre écrit qu'il leur a annoncé l'évangile de Dieu, « vous
encourageant et vous adjurant -précise-t-il- de vous comporter d'une manière
digne de Dieu qui vous appelle à son royaume et à sa gloire » (1 Th 2,12). Et
il ajoute : « Voici pourquoi, de notre côté, nous rendons sans cesse grâce à
Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre,
vous l'avez accueillie, non comme une parole d'homme, mais comme ce qu'elle est
réellement, la parole de Dieu, qui est aussi à l'œuvre en vous, les croyants »
(1 Th 2,13). La parole de Dieu est donc d'abord « reçue », c'est-à-dire
écoutée, puis, pénétrant jusqu'au cœur, elle est « accueillie », et qui la
reçoit reconnaît que Dieu parle à travers son envoyé : ainsi la parole agit
dans les croyants. Comme au temps de Paul, aujourd'hui encore l'évangélisation
exige une adhésion totale et fidèle à la parole de Dieu : adhésion avant tout
au Christ, et écoute attentive de son Esprit qui guide l'Eglise, obéissance
docile aux Pasteurs que Dieu a placés comme guides de son peuple, et dialogue
prudent et franc avec les requêtes sociales, culturelles et religieuses de
notre temps. Tout cela suppose, nous le savons bien, une communion intime avec
Celui qui nous appelle à être ses amis et ses disciples, une unité de vie et
d'action qui se nourrit de l'écoute de sa parole, de contemplation et de
prière, de détachement de la mentalité du monde, et d'une conversion incessante
à son amour, pour que ce soit Lui, le Christ, qui vive et agisse en chacun de
nous. Là est le secret de l'engagement apostolique et missionnaire de tout
chrétien, et plus encore de ceux qui sont appelés à un service plus direct de
l'Evangile.
Ceux qui prendront part à la
Congrégation Générale sont bien conscients de tout cela, et
je tiens à rendre hommage à l'important travail déjà accompli par la commission
préparatoire qui, pendant l'année 2007, a examiné les postulats reçus des
Provinces et indiqué les questions à aborder. Je voudrais adresser mes pensées
de gratitude en premier lieu à Vous, cher et vénéré Père Préposé Général, qui
guidez la Compagnie
de Jésus depuis 1983 de façon éclairée, sage et prudente, cherchant toujours à
la maintenir sur la voie du charisme originel. Vous avez demandé plusieurs
fois, pour des raisons objectives, à être relevé d'une charge aussi lourde,
assumée avec un grand sens de votre responsabilité à un moment nullement facile
de l'histoire de votre Ordre. Je vous exprime mes vifs remerciements pour le
service rendu à la Compagnie
de Jésus, et plus généralement à l'Eglise. Mes sentiments de reconnaissance
s'étendent à vos collaborateurs plus directs, aux participants à la
Congrégation Générale, et à tous les Jésuites présents dans
les différentes parties de la planète. Que parvienne à tous et à chacun, le
salut du Successeur de Pierre, qui suit avec affection et estime les travaux
apostoliques multiples et appréciés des Jésuites, et les encourage tous à
continuer sur le chemin ouvert par leur saint Fondateur et parcouru par
d'innombrables frères, dévoués à la cause du Christ, et dont beaucoup ont été
inscrits par l'Eglise sur le livre des saints et des bienheureux. Que du ciel,
ceux-ci protègent et soutiennent la Compagnie de Jésus dans la mission qu'elle
remplit en notre époque, marquée par tant de défis complexes, sociaux,
culturels et religieux.
A ce propos, comment ne pas
reconnaître la contribution de valeur que la Compagnie apporte à
l'action de l'Eglise en divers domaines et de différentes manières ?
Contribution réellement importante et digne de louange, que seul le Seigneur
pourra récompenser comme il se doit. Comme mes vénérés prédécesseurs, les
serviteurs de Dieu Paul VI et Jean Paul II, je saisis moi aussi volontiers
l'occasion de cette Congrégation Générale pour mettre en lumière tout cet
apport, et pour offrir en même temps à votre réflexion quelques considérations
qui vous encouragent et vous stimulent à réaliser toujours mieux l'idéal de la Compagnie, tel qu'il est
décrit dans ces paroles qui vous sont familières : « combattre pour Dieu sous
l'étendard de la Croix
et servir le Seigneur seul et l'Eglise son Epouse sous le Pontife Romain,
vicaire du Christ sur la terre » (Exposcit debitum, 21 juillet 1550). Il
s'agit d'une fidélité « particulière », sanctionnée pour beaucoup parmi vous
par un vœu d'obéissance directe au Successeur de Pierre, « perinde ac
cadaver ». De cette fidélité, qui constitue le signe distinctif de votre
Ordre, l'Eglise a encore plus besoin aujourd'hui, à une époque où se ressent
l'urgence de transmettre de manière intégrale à nos contemporains, distraits
par tant de voix discordantes, le message unique et inchangé de salut qu'est
l'Evangile, « non comme une parole d'homme mais comme ce qu'il est réellement,
la parole de Dieu », qui opère en ceux qui croient.
Pour cela, il est
indispensable, comme le rappelait déjà notre bien-aimé Jean Paul II aux
participants à la 34ème Congrégation Générale, que la vie des membres de la Compagnie de Jésus,
ainsi que leur recherche doctrinale, soient toujours animées par un vrai esprit
de foi et de communion « en harmonie avec les indications du Magistère »
(Discours de Jean-Paul II, 5 janvier 1995, n.5). Je souhaite vivement que la
présente Congrégation réaffirme clairement le charisme authentique de votre
Fondateur, pour encourager tous les Jésuites à promouvoir la vraie et saine
doctrine catholique. Comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai pu apprécier la
précieuse collaboration de consulteurs et d'experts jésuites, qui en pleine
fidélité à leur charisme, ont considérablement contribué à la promotion et la
réception fidèle du Magistère. Ce n'est certes pas un engagement simple,
spécialement quand on est appelé à annoncer l'Evangile dans des contextes
sociaux et culturels très divers et qu'il faut affronter des mentalités
différentes. J'apprécie donc sincèrement toute la peine prise ainsi au service
du Christ, une peine qui est fructueuse pour le bien même des âmes, dans la
mesure où l'on se laisse guider par l'Esprit Saint et demeure docile aux
enseignements du Magistère, se référant aux principes de base de la vocation
ecclésiale du théologien présentés dans l'Instruction Donum veritatis.
L'œuvre évangélisatrice de
l'Eglise compte donc beaucoup sur la responsabilité formatrice qu'a la Compagnie dans les
domaines de la théologie, de la spiritualité et de la mission. Pour offrir à
l'entière Compagnie de Jésus une orientation claire qui soit un soutien pour un
dévouement apostolique généreux et fidèle, il pourrait donc être fort utile que
la Congrégation Générale réaffirme, dans l'esprit de
saint Ignace, son adhésion totale à la doctrine catholique, en particulier sur
des points névralgiques fortement attaqués aujourd'hui dans la culture séculière,
comme par exemple le rapport entre le Christ et les religions, certains aspects
de la théologie de la libération, et divers points de la morale sexuelle,
surtout pour ce qui regarde l'indissolubilité du mariage et la pastorale des
personnes homosexuelles.
Révérend et cher Père, je
suis persuadé que la
Compagnie perçoit l'importance historique de cette
Congrégation Générale et que, guidée par l'Esprit Saint, elle voudra encore une
fois, comme le disait le bien-aimé Jean-Paul II en janvier 1995, « réaffirmer
sans équivoque et sans hésitation, son chemin vers Dieu si spécifique, que
saint Ignace a tracé dans la Formula Instituti : la fidélité
aimante à votre charisme sera la source assurée d'une fécondité renouvelée »
(op.cit., n.3). Les paroles que mon vénéré prédécesseur Paul VI vous a
adressées dans une autre circonstance analogue, sont elles aussi
particulièrement actuelles : « nous devons tous veiller afin que l'adaptation
nécessaire ne soit pas faite au détriment de l'identité fondamentale, de
l'essence de la figure du Jésuite, telle qu'elle est décrite dans la Formula Instituti,
telle que l'histoire et la spiritualité propre de l'Ordre la proposent, et
telle que l'interprétation authentique des besoins mêmes des temps semble
encore la réclamer aujourd'hui. Cette image ne doit pas être altérée, elle ne
doit pas être défigurée » (Discours de Paul VI, 3 décembre 1974, II).
Les enseignements des
successeurs de Pierre manifestent de façon continue leur grande attention
envers les Jésuites, leur estime pour vous et leur désir de pouvoir compter
toujours sur le précieux apport de la Compagnie à la vie de l'Eglise et à
l'évangélisation du monde. Je confie la
Congrégation Générale et l'entière Compagnie de Jésus à
l'intercession de votre saint Fondateur et des saints de votre Ordre et à la
protection maternelle de Marie, pour que chaque fils spirituel de saint Ignace
puisse tenir le regard fixé « d'abord sur Dieu, ensuite sur la nature de son
Institut » (Formula Instituti,1).
Vous assurant de ma prière,
je vous accorde de grand cœur, à vous-même, Révérend Père, aux membres de la
Congrégation Générale et à toute la Compagnie de Jésus, une
bénédiction apostolique spéciale.
Au Vatican, 10 janvier 2008
Benedictus XVI
[© Copyright du texte
original en italien : Libreria Editrice Vaticana - Traduction distribuée par le
Bureau de presse des Jésuites]
Mais qui est
Père Adolfo Nicolás, nouveau Supérieur
Général de la Compagnie
de Jésus ?
Le jésuite espagnol Adolfo Nicolas, doyen de théologie à la Sophia University
de Tokio, est le nouveau « pape noir » et, donc, le 29e successeur du fondateur
Saint Ignace de Loyola. C’est lui qui a été élu par la
Congrégation Générale des Jésuites réunie cette semaine à
Rome pour élire le successeur de Peter Hans Kolvenbach. Le religieux espagnol a
été délégué pour l'Asie Orientale et l'Océanie. Le Père Adolfo Nicolas, vécut
pendant bien des années au Japon et a été élu au second scrutin; il a 71 ans,
est né à Palencia, en Espagne, le 29 avril 1936.
Depuis son jeune âge, il a vécu en Asie, en particulier au Japon. Avant
l'élection comme « pape noir, il était modérateur de la Conférence Jésuite
de l'Asie Orientale et d'Océanie. Le 15 septembre 1953, il est entré au
noviciat d'Aranjuez de la
Province Toletana (Espagne). Entre 1958 et 1960, il a étudié la Philosophie à Madrid,
en obtenant sa licence, et entre 1964 et 1968 la Théologie à
Tokyo. Il a été ordonné prêtre dans la capitale nippone le 17 Mars 1967. Entre
1968 et 1971 il a fréquenté l’Université Pontificale Grégorienne, à Rome, en obtenant
un Master en Théologie sacrée. Depuis 1971, il a été professeur de Théologie
Systématique à la
Sophia University de Tokyo. De 1978 à 1984, il a été
directeur de l'Institut Pastoral de Manille (Philippines), de 1993 à 1999,
provincial de la Province
des Jésuites du Japon.
En 83, lorsque fut élu le père hollandais Kolvenbach, un des candidats parmi
les plus cotés, provenait aussi de la Sophia University
de Tokio : le père Giuseppe Pittau, l'homme choisi par le pape Jean Paul II
comme vice-délégué pour seconder le père Paolo Dezza dans le remplacement
difficile du père Pedro Arrupe, le « pape noir » qui avait été terrassé par une
thrombose cérébrale.
Le nouveau préposé général jouit d’une vaste estime au sein
même de l’ordre et au Vatican pour avoir été le secrétaire de la dernière
Congrégation Générale, avec lequel le père Kolvenbach a ramené les jésuites à
des positions plus modérées.
Il est l’auteur d’une étude sur les directives spirituelles de saint Ignace
dans sa correspondance (1960), d’un essai sur la Théologie
du Progrès (1972) et de réflexions sur la vie religieuse, intitulée L’horizon
de l’espérance (1978).
C'est donc le 21 février prochain, que le pape Benoît XVI recevra au Vatican
les membres de la 35e Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus et
leur nouveau Supérieur Général Le Père Adolfo Nicolás.