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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 25avril 2008
N° 167
Par Monsieur l’abbé Paul
Aulagnier
Dom Gérard et la messe
quelques nuances et
précisions
Dans Présent du jeudi 17 avril 2008, Jean Madiran,
dans un article intitulé « Dom Gérard et la
messe », prend la « défense » de Dom Gérard quant à sa
position sur la messe tridentine. Il refuse de voir quelques faiblesses de cet
illustre père abbé en cette « affaire » liturgique. La « fermeté
de Dom Gérard face à la nouvelle messe » est, dit-il évidente. Les
fondations de Bedouin puis du Barroux en sont la preuve. Les constitutions « approuvées
et confirmées », le 16 mars 1989 par le Saint Siège sont claires. On peut
y lire : « Plus de vingt ans après l’ouverture du Concile, au milieu
de tant d’incertitudes et d’angoisses qui troublent même les catholiques
fidèles, les moines du Monastère Sainte Madeleine veulent joindre, à la fidélité
à (leur) héritage monastique, la fidélité à la tradition liturgique de la
sainte Eglise, notamment au Missel romain promulgué en 1570 par saint Pie V,
sur l’ordre du concile de Trente(….)
« Vie monastique,
selon
Ces paroles sont citées dans « le Livre Blanc »
du Barroux à la page 19. : « Livre Blanc reconnaissance canonique du
Monastère. 1970-1990 »
Jean Madiran cite seulement
le dernier paragraphe.
Voilà ce qu’a voulu
dès le début et pour toujours Dom Gérard.
Honneur à Dom Gérard.
Jean Madiran cite également dans cet article des passages d’une lettre que
Dom Gérard a cru devoir écrire à ses moines quelques temps avant que le Bon
Dieu le rappelle à Lui. Presque un an avant. On est content d’en connaître
quelques extraits. Il n’en donne pas la date. Cette
lettre est du 9 mars 2006.
Les raisons de cette
lettre laissent supposer une situation « tendue » au monastère. Les quelques concélébrations dans le rite
nouveau que Dom Gérard avaient du concéder à l’extérieur du monastère, sous la
pression des événements, auraient, semble-t-il, occasionné quelques confusions
parmi les moines, certains en prenant occasion pour désirer introduire le
nouveau rite dans les célébrations conventuelles, en en réclamant même le
« droit ».
Dom Gérard réagit avec
vigueur. Jean Madiran en site, vous
dis-je, quelques passages: « Je regrette
infiniment, écrivait Dom Gérard, que les deux concélébrations que j’ai
consenties pour le bien de notre fondation d’Agen puissent créer un précédent
dont on s’autoriserait à tort, non seulement pour en poursuivre et multiplier
la pratique, mais aussi et surtout pour le reconnaître comme l’exercice d’un
droit. »
C’est une belle
protestation. Elle nous réjouit profondément.
Gravement, il
ajoutait, à ce sujet, nous dit encore Jean Madiran : « Il me revient
le droit d’interdire formellement que l’on s’autorise de moi pour faire le
contraire de ce que j’ai enseigné et pour quoi j’ai milité contre vents et
marées ».
Aussi suppliait-il le
4 mars 2006, je peux l’ajouter, « à
deux genoux, pour l’unité de la communauté de tabler fermement sur notre droit
propre. En 1997, il y a 9 ans, en réunion de prêtres, c’était la ligne définie
par le Père Abbé pour la communauté. Merci mon cher Père Abbé de bien vouloir continuer ».
Ce mot est souligné dans le texte. Il s’adressait au RP Louis Maris, son
successeur à la tête du monastère.
Voici qui est clair.
Voici ce qu’il faut retenir. Voici quel est, en quelque sorte, son testament. Ceci connu, ce que je
souhaitais, fera l’unité du monastère.
J’en suis convaincu.
Toutefois, il faut reconnaître, me semble-t-il, que Dom Gérard eut parfois quelques attitudes
« équivoques » et très « politiques » dans ce
« combat » pour la messe dite de saint Pie V.
Je lui reproche d’avoir signé le protocole entre
En voici le
texte :
« En vue du vote
d’admission de l’abbaye du Barroux comme membre de la conférence monastique de
France, il a paru nécessaire aux membres du bureau de cette Conférence, réunis
le 14 octobre 1998, d’inviter un représentant de ce monastère afin de préparer
avec lui un protocole pouvant servir de base à ce vote. Le Père abbé du Barroux
a délégué pour cela le P. Basile Valuet, préfet des études.
Il parait d’abord
utile de prendre en compte l’histoire de ce monastère, son cheminement aussi
bien avant qu’après sa réconciliation avec l’Eglise en 1988, le contexte
familial de nombreux moines issus des milieux proches d’Ecône, et donc les ruptures
avec leurs familles, leurs amis et même au sein de la communauté, souvent
occasionnées par cette réconciliation.
Il convient d’ajouter
que l’abbé et la communauté du Barroux n’ont jamais mis en doute la validité de
la messe célébrée selon le rite de Paul VI, et que par ailleurs, suite à une
étude approfondie du Concile Vatican II (notamment sur la liberté religieuse),
ils adhèrent désormais unanimement à sa doctrine. Ceci permet d’augurer une
évolution des moines de cette communauté, qu’il faut laisser se poursuivre à
son rythme ( par exemple dans le domaine de la concélébration).
Ceci étant, le Père Abbé accepte :
-de concélébrer ou d’envoyer son représentant
concélébrer avec l’évêque diocésain à la messe chrismale, partout où son
monastère est ou sera implanté
-que les moines
prêtres de son monastère puissent, s’ils le désirent,
concélébrer à la messe conventuelle dans les communautés où ils seront en
visite.
Enfin, il faut noter
que les prêtres en visite à l’abbaye du Barroux peuvent, s’ils le souhaitent,
célébrer, voire concélébrer, la messe selon le
rite de Paul VI »
Au bas du document,
vous trouvez la signature du Président du CMF, le RP Etienne Ricaud et le RP
abbé Dom Gérard, OSB.
Dom Gérard n’aurait pas du signer un tel document.
Il acceptait ainsi le bi ritualimse pour ses moines, même dans son propre
monastère. Il ne dressait plus une totale
barrière face au nouveau rite, d’une « fabrication artificielle »,
comme le dit Benoît XVI, « pernicieuse
par son caractère évolutif et œcuménique ».
Mais honneur à Dom
Gérard qui, dans sa lettre du 9 mars 2006, à ses moines,
écrit : « je le regrette maintenant puisque certains d’entre
vous le considèrent comme un précédent, chose que je ne voulais absolument
pas ».
Certes ! Mais quel précédent !
Fallait-il pour avoir
une reconnaissance dans un diocèse aller jusque là…J’ai toujours préféré la
mâle attitude de Mgr Lefebvre…que j’ai cherché à appliquer, dans
De plus, il me paraît
fragile de s’appuyer sur son « droit propre », fut-il reconnu par Rome…On
sait ce qu’il en a coûté aux autres communautés « Ecclesia Dei
Adflicta ». Elles ont bien failli être « englouties » malgré le
droit propre inhérent à leurs Constitutions. (cf Mon livre : l’enjeu de
l’Eglise : la messe, Livre IV l’affaire de
Je dois dire aussi que je regrette qu’il ait accepté de « recevoir »
le « Motu proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988. Il
est vrai que l’Eglise s’engageait, dans ce texte, à « respecter le désir spirituel de tous
ceux qui se sent(ai)ent liés à la tradition liturgique latine en faisant une
application large et généreuses des directives données en leur temps par le
Siège Apostolique pour l’usage du missel romain selon l’édition typique de 1962 ». C’était très tentant !
Mais quelles étaient
donc les directives romaines en cette affaire liturgique, à cette époque, sinon celles précisées par la lettre du 3
octobre 1984, la lettre « Quattuor
abhinc annos ». La note 9 y renvoyait, du reste, expressément. Il
aurait du le voir.
Or cette lettre
oblige, pour bénéficier de l’usage de la liturgie de 1962, de reconnaître la « légitimité et la
rectitude doctrinale du missel romain promulgué en 1970 par le Pontife romain
Paul VI ». C’est le
« a » de la lettre du 3 octobre 1984.
Or cela, Dom Gérard ne
pouvait pas l’accepter. Que la nouvelle messe soit valide, nul ne l’a jamais nié ni contesté. Surtout pas le Père
Calmel, l’abbé Dulac, Mgr Lefebvre, M Salleron…mais tous ont contesté la rectitude doctrinale de cette réforme
liturgique. Ce fut la raison même de leur résistance. C’était la conclusion de
la lettre de présentation signée par le cardina Ottaviani, le Cardinal Bacci au Pape Paul VI. C’est l’objet du Bref Examen Critique. M l’abbé Dulac, Mgr Lefebvre contestaient même
la « légitimité canonique »
du Novus Ordo Missae en ce sens
qu’ils constataient les irrégularités canoniques dans sa publication.
Et voilà pourquoi j’ai tant reproché à Dom Gérard – ce que me reproche gentiment Jean
Madiran dans son article - d’avoir
prononcé en 1998, le 24 octobre 1998, le mot « orthodoxie »
devant le cardinal Ratzinger pour justifier sa concélébration avec le Pape
Jean-Paul II. J’ai toujours compris ce mot dans le sens de « rectitude doctrinale ».
C’est en ce sens, du
moins, que je l’interprétais et qu’il fallait, je crois, l’interpréter.
Le cardinal Ratzinger lui-même
venait de parler, le premier, en ce 24 octobre 1998, « d’orthodoxie ».
Il en donnait la définition. Il disait : « Il est bon de rappeler ici
ce qu’a constaté le Cardinal Newman qui disait que l’Eglise, dans toute son
histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes,
ce qui serait tout à fait étranger à l’Esprit de l’Eglise. Une liturgie
orthodoxe, c’est-à-dire qui exprime la vraie foi, n’est jamais la
compilation faites selon des critères pragmatiques de diverses cérémonies dont
on pourrait disposer de manières positivistes et arbitraires – aujourd’hui comme
ça et demain autrement …».
Tout de suite après, Dom
Gérard prenait la parole et disait : « Le scandale de la division
doit cesser, pour être remplacé par la concorde, la concertation et l’unité.
C’est dans cet esprit de paix et de concorde que le 27 avril 1995, j’ai accepté de concélébrer avec le saint Père, désirant
montrer par là que nous tous qui militons pour le maintien de l’ancien missel,
nous croyons à la validité et à l’orthodoxie
du nouveau rite ».
Mais précisément cette nouvelle messe
exprime-t-elle la vraie foi ? Est-elle conforme en tous points, comme je le
dis dans mon livre l’enjeu de l’Eglise : la messe, à la
doctrine catholique ? Ne
s’éloigne-t-elle pas peu ou prou de la foi catholique ? Mais enfin tout de même, le cardinal
Ottaviani a dit que cette nouvelle messe s’éloignait de la doctrine catholique
telle que définie pour toujours par le concile de Trente en sa session 22è ?
Et voilà pourquoi j’ai trouvé légitime et je trouve encore
légitime de protester contre cette affirmation de Dom Gérard.
J’ai, dans trois
chapitres de ce livre, parlé de cette affaire, pour moi, importante mais
toujours en des termes respectueux. Je me permets de vous donner un de ces
chapitres, le chapitre I du livre III intitulé : « JE REVIENS DE ROME »
« Informé par le tract de Dom Gérard, de la
visite à Rome des communautés « Ecclesia Dei », les 24 et 26 octobre
1998, pour aller dire au Pape leur action de grâces et tout autant leurs
inquiétudes, j’ai pensé utile de participer à ce voyage en tant qu’« auditeur
libre ». Il y a des événements qu’il est bon de voir par soi-même. Celui-ci
en était un, me semble-t-il. J’écris à Dom Gérard et lui demande de m’inviter.
Je lui adresse, en plus, mon commentaire sur le livre de Christophe Geffroy, le
numéro de septembre du Bulletin Saint-Jean-Eudes. Il connaîtra ainsi ma
pensée. Il me répond, le 29 septembre 1998, favorablement, ne doutant pas de « mon
esprit fraternel ». J’en informe
Le vendredi 23 octobre
.
J’arrive à Rome-Fumicino. Un confrère d’Albano
m’attend, un « petit-suisse »… Il me conduit au prieuré.
Le 24 octobre à Rome
Les congressistes sont attendus par le Cardinal
Ratzinger à 11h 30. Je prends le bus vers 9 heures, à Albano. Il m’amène
jusqu’au métro. La ligne « A » traverse tout Rome jusqu’à son
terme: « Ottaviano San Petro ». Je vois le dôme
de Saint-Pierre. J’arrive à Saint-Pierre. Je rencontre les premiers pèlerins
français. Ils attendent ou recherchent Monsieur l’abbé Lourdelais, sont un peu
perdus. Je leur donne les indications : via Aurélia, n° 619, au grand palace «
Ergife ». Ils ont un fils prêtre à
La via Aurélia n’en finit pas… Impossible de faire le
chemin à pied. Je prends le bus, derrière Saint-Pierre. J’arrive vers 11h 20,
rencontre quelques fidèles, heureux de voir, ici, l’abbé Aulagnier. Ils me
parlent des divisions dans les familles. Terrible situation. J’approche du
grand hôtel. Mon pas ralentit… Je tombe sur Monsieur l’abbé Denis Le Pivain, ne
le reconnais pas immédiatement. Il est froid, pâle, distant… Je vois plusieurs
moines du Barroux… Quelques frères s’approchent. On annonce que le Cardinal va
commencer sa conférence. Je descends vite dans la salle, une grande salle. Elle
est pleine. Je m’approche de l’estrade. Je salue Dom Gérard. Je les retrouve
tous… Le Père de Blignière, Mgr Wach, son sympathique acolyte, Monsieur l’abbé
Pozzetto, très digne, petit sourire, Mgr Wladimir. Monsieur l’abbé Bisig arrive
un peu en retard. Il connaissait déjà le texte du Cardinal en allemand, très
bel allemand, m’a-t-il dit, traduit en français par Mgr Perl. Quelques ténors
du Barroux… le père Basile, je crois. Ils ont la mine un peu fermée, pâllote.
La presse est là : Elie Maréchal du Figaro, Olivier Mirande de Présent
et d’autres encore. Sur l’estrade, au centre, le Cardinal Ratzinger, à sa
gauche, Mgr Perl, Dom Gérard, un professeur allemand, Professeur, nous dit-on,
de philosophie… Je n’ai pas retenu son nom. À la droite du Cardinal, Michaël
Davies, un prêtre anglais, un prêtre américain, en habit de prélat. (NB : il
s’agissait de fait, d’un Évêque américain).
Le cardinal commence sa conférence. Il parle en
français, d’une voix élégante et douce, son visage est beau, ses yeux
pétillants, sa coiffure blanche. Il n’est pas très grand. Il est distingué.
Il parle peut-être quarante minutes. Son discours est
surtout centré sur l’attitude incompréhensible des Évêques face à la messe de
toujours. Deux raisons semblent expliquer leur attitude rigide, fermée à
l’égard de l’ancienne messe : l’unité à maintenir dans leur diocèse,
l’obéissance au Concile Vatican II. Il argumente, réfute, suggère même aux
traditionalistes de montrer aux évêques que le rite de saint Pie V est
parfaitement conforme à l’esprit de
Dom Gérard prend la parole, remercie le Cardinal, dit
son action de grâces. Son discours est mou, sa voix un peu chantante… Il
accroche quelquefois sur certains mots, se plaint de
l’attitude hostile des Évêques, les dit en
contradiction avec le Motu Proprio « Ecclesia Dei ».
Il en arrive à la concélébration qu’il fit voilà
quelque temps, avec le Souverain Pontife, dans sa chapelle privée et dans le
rite conciliaire. Pour voir le Pape, il fallait nécessairement concélébrer… La
fin, pense-t-il justifie les moyens… Mais, ici, ce jour, sur l’estrade, son
explication est différente. J’ai voulu, par cette concélébration, montrer que
respecte le rite avec l’intention de faire ce que veut
faire l’Église : la célébration renouvelée du Sacrifice de
Il se perd ensuite en considérations canoniques,
soufflées peut-être par d’autres. Dom Gérard est un mystique, en rien un
canoniste. Il souhaite un renforcement des pouvoirs de
Tout en l’écoutant, je repense à une conversation
téléphonique que j’ai eue avec lui, sur la messe. Nous avons des amis communs à
Caen. Ils me veulent quelque bien… souffrent de
nos divisions… De quoi bien disposer Dom Gérard. Il me
téléphone. Nous abordons rapidement le problème de la messe. Il s’en fait
l’avocat : « Monsieur l’abbé, me dit-il,
Notre échange téléphonique s’arrêta là.
Ainsi, validité… orthodoxie… légitime possession :
tels sont les trois mots qui résument aujourd’hui la pensée de Dom Gérard. Un
est juste, les deux autres… au moins discutables…
Et dire qu’il partageait, du vivant de Mgr Lefebvre,
la pensée, les conclusions du « Bref Examen Critique », la pensée du Cardinal
Ottaviani. Et dire qu’il demandait, en ce temps-là, et l’abrogation du nouveau rite,
et le droit de continuer à recourir à l’intègre Missel Romain de saint Pie V.
Et dire que Dom Gérard a diffusé, en France, La critique du Nouvel Ordo de
Mgr Gamber qui parle, lui aussi, à ce sujet, de rupture avec
dire qu’il louangeait, un temps, la pensée du Révérend
Père Calmel, sa prise de position, son « non possumus ». Comme il a
évolué ! Comme il a changé, pensais-je, tout en l’écoutant… Il en fait trop en
faveur de
réforme liturgique, instable, modulable, évolutive…
Alors pourquoi ne pas dire
Je remarquais l’absence des pères abbés des monastères
de Fontgombault, de Randol, de Triors… Ni Dom Forgeot, ni Dom de Lesquen, ni
Dom Courau n’étaient là. Ne partagent-ils pas, aujourd’hui, sa position sur la
messe ? Dom de Lesquin ne nous demandait-il pas lui aussi « de reconnaître
le caractère orthodoxe du Missel latin proposé, aujourd’hui, par le
Saint-Siège » (p. 131, Enquête sur la messe traditionnelle).
N’a-t-il pas, lui aussi, accepté le bi-ritualisme, ce bi-ritualisme là. « Depuis
ce jour, le 22 février 1989, l’un et l’autre rites sont utilisés avec
préférence habituelle donnée au rite immémorial » (p. 128, Enquête
sur la messe traditionnelle). Dom Forgeot, lui-même, n’affirme-t-il pas,
dans ce même livre, un trésor : « il faut souhaiter la coexistence
pacifique des deux missels » (p. 125). Il a fait bien du chemin notre Dom
Gérard, murmurais-je, même s’il chante joliment l’ancien rite, même s’il s’en
fait toujours le beau défenseur, avec poésie… Il ne critique plus la réforme
liturgique qui détruit l’Église parce qu’« équivoque », « hybride ». Il s’en
fait même, à l’occasion, le défenseur : elle est « valide », « orthodoxe », «
bien légitime » de l’Église. Alors, Rome peut lui manifester maintenant
publiquement son attachement, son approbation. Un Cardinal, rien moins que le
Cardinal Ratzinger, peut l’honorer, être présent à son chant d’action de
grâces. Le Cardinal, lui aussi, a parlé en faveur de l’ancienne messe. Il a
même reproché aux évêques
leur dureté de cœur, leur absence d’ouverture. Il a
même montré la fragilité de leurs arguments contre l’autorisation facile de l’ancienne
messe… mais il n’a rien dit, pas un mot, pas une seule critique du Nouvel
Ordo Missae, de ce nouveau rite qui est si dommageable à l’unité de
l’Église, à sa sainteté, à son apostolicité. C’est vrai que l’on ne peut tout
dire… Mais « quand même » !
Il faudra revenir sur ce voyage romain très important,
sur les paroles prononcées, y réfléchir, y bien réfléchir. Peut-on se taire sur
cette réforme liturgique pour plaire aux modernistes en
place et « avoir pignon sur rue » ? Doctrinalement,
jamais. Prudentiellement, peut-être, selon les circonstances… Nous vivons de la
foi catholique, de son dogme, de sa liturgie. Nous
ne passons pas notre temps, de fait, à critiquer ?
Nous voulons toutefois garder ces trésors. Doctrinalement, nous avons raison, prudentiellement
aussi.
Son discours se termine. Les applaudissements sont
assez discrets. C’est le tour de Michaël Davies, puis du professeur allemand.
Le Cardinal, enfin, reprend la parole. Il parle cette
fois sans papier, « ex abundantia cordis ». Son français reste correct.
Il s’adresse à Dom Gérard, ne lui donne pas une totale approbation.
Il ne partage pas tout à fait ses considérations
canoniques, non qu’elles ne soient pas dignes d’intérêt mais, pour le Cardinal,
elles ne sont ni primordiales, ni essentielles. Elles resteront lettres mortes,
croyez-moi. Ce n’est pas de cette façon, dit-il, qu’on améliorera la situation
en faveur de l’ancienne messe. Notre effort doit s’appliquer ailleurs. Il faut changer
les cœurs, les intelligences. C’est cela qui est urgent. Il affirme même: « Nous
devons faire notre possible pour former une nouvelle génération de
prélats ».
Mon attention est renouvelée par ces mots. C’est
inouï, dans la bouche du Cardinal. J’applaudis le premier. Tous les
congressistes suivent. Un applaudissement long, intense. Le Cardinal a touché
juste… vraiment. Tous souffrent de l’ostracisme mal fondé des épiscopes. Le
Cardinal peut le mesurer… au baromètre des applaudissements… Le Cardinal semble
un peu surpris, il est un peu ébranlé… Les applaudissements se poursuivent. Ils
s’arrêtent enfin. Le Cardinal se reprend comme s’il avait été trop loin… Enfin,
dit-il, les évêques « ce ne sont pas des personnes de mauvaise
volonté ». Ils manquent peut-être de formation… J’aimerais bien être à
Lourdes. Nos évêques sont en Assemblée. Les commentaires doivent aller bon
train… Je vous l’assure. Quoi qu’il en soit, j’attends de voir la suite. Les
évêques vont-ils
s’ouvrir à la « dialectique romaine » ? Notre
tâche serait plus difficile… Je n’en suis pas sûr. S’ils s’en tiennent au
discours du Cardinal, ils le devraient. Mais, s’ils s’attachent aux propos du Pape,
du lundi 26 octobre, alors qu’il recevait tout son monde, en audience, au
Vatican, je ne le pense pas. Ils risquent d’être toujours aussi fermés,
hermétiques à l’ancienne messe comme des huîtres de Cancale. C’est leur désir.
Ils sont sur le terrain, le Cardinal dans son bureau. Il est facile de parler
d’unité…
Voilà quelques précisions ou nuances sur
l’article de Jean Madiran dans Présent du 17 avril 2008 au sujet de « Dom
Gérard et la messe ». Ces précisions ou nuances ne sont pas rien. Toutefois, l’essentiel, c’est qu’au monastère
du Barroux les moines gardent la messe tridentine. Ils le feront plus
facilement grâce à ces lettres du 4 et 9 mars 2006 adressées à Dom Louis Marie
et à tous ses moines. Et sous ce rapport, il est bon que Jean Madiran, son ami,
les ait révélées, du moins en partie, aussi au grand public. Elles nous tranquillisent.