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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 20 juin 2008
N° 175
Par Monsieur l’abbé Paul
Aulagnier
« Par
fidélité à Mgr Lefebvre,
II
Deuxième partie
Nous avons publié, dans le « Regard sur le
monde » du 18 juin dernier, la première partie d’une intéressante étude de
M l’abbé Celier, membre de
Cette « normalisation » ou mieux encore cette
« réintégration », pour utiliser les termes mêmes de Mgr Lefebvre
dans sa lettre au cardinal Gagnon du 21 novembre 1987 suppose, bien évidemment,
d’entretenir des relations avec Rome
pour arriver à bonne fin. D’aucuns, les « sedevacantistes », vont
jusqu’à critiquer le maintien de ces relations romaines. Maintenir ces
relations seraient aller contre la pensée de Mgr Lefebvre. Ils ne font pas dans
les nuances ! M l’abbé Celier aborde cet aspect de la question dans la première partie de sa « sage »
étude. Des « sedevacantistes » et de leurs arguments, il n’en fait
qu’une « boucher » !
Dans la deuxième partie, que nous publions aujourd’hui, il réfute une
autre tendance, celle qui voudrait voir Mgr Fellay, supérieur de
Nous publierons la semaine prochaine, quelques
observations.
Voici la deuxième et dernière partie de son texte.
Précisions préalables
Une discussion sur les relations actuelles avec
Rome
Délimitons tout d’abord le sujet que nous entendons aborder ici, afin d’éviter toute ambiguïté et toute incompréhension.
Un livre récent (Olivier Pichon et abbé Grégoire Celier, Benoît XVI et les traditionalistes,
Entrelacs, 2007, p. 123) rappelle : «
Nous n’entendons pas analyser ici la pertinence et le bien-fondé du traditionalisme en général.
Nous prenons au contraire ce dernier pour un fait acquis. De
fait Mgr Lefebvre, de fait
On peut, bien sûr, c’est intéressant et c’est utile, examiner les raisons apportées par les
traditionalistes pour justifier leur attitude ; on peut essayer de contester leurs arguments et leurs preuves. Mais tel n’est pas notre propos en ce texte.
Nous supposons ici au contraire que les critiques exprimées
par Mgr Lefebvre, par
En revanche, nous
entendons examiner les objections de ceux qui affirment que, même étant admises
ces critiques justifiées, même étant reconnu cet « état de nécessité », les
circonstances présentes, l’évolution récente de la situation, les propositions
faites par Rome, la personnalité de Benoît XVI, etc. changent radicalement la
donne et rendent obligatoire pour Mgr Fellay et pour
La présente réflexion
porte donc sur ce qu’il convient de faire dans la situation immédiatement
actuelle, et non pas sur le traditionalisme en général, son bien ou son mal
fondé, la pertinence de ses analyses sur le Concile et l’après Concile, la
réalité passée d’un « état de nécessité », etc.
A propos du mot « accord »
Nous venons de prononcer le mot « accord ». Ce mot (au singulier ou au pluriel, selon les
personnes) est passé dans le langage usuel pour désigner la
fin des rapports conflictuels entre
Ce terme « accord » est en soi malheureux et inexact : une simple partie de l’Église, comme la
Fraternité Saint-Pie X, n’a ni droit ni titre à imposer quoi
que ce soit au successeur de Pierre, à dicter ses conditions au Saint-Père.
Elle peut proposer, suggérer, mais en aucune manière ordonner la moindre chose
: le pape reste le pape ! A ce titre,
Il est vain, cependant, de vouloir s’affranchir d’un usage du langage : même inadéquat, même
imparfait, cet usage s’impose à nous. Nous utiliserons donc ici le mot « accord », mais en sousentendant constamment la réserve préalable que nous venons d’exprimer.
Au sens précis, technique, des termes, le mot « accord »
désigne un document juridique par lequel le Siège apostolique restituerait à
Ce document juridique du Saint-Siège s’accompagnerait d’une sanatio
in radice (« remise en ordre canonique », pourrait-on traduire) de divers
actes juridiques posées dans le cadre de
En un sens plus large, on peut aussi appeler « accord » (ou élément d’un accord) tout échange,
toute rencontre, toute correspondance, tout acte concerté
entre le Siège apostolique et
En ce sens large, on pourrait parler d’un « accord » (au moins partiel) si, par exemple, les excommunication, suspenses et autres sanctions fulminées par Rome (quoique non
reconnues par
Les réflexions que nous proposons ci-après sont valables, à nos yeux, aussi bien pour un accord partiel, intermédiaire, imparfait, que pour un accord total, définitif, parfait.
Sur la notion de « bref délai »
Nous allons donc examiner les arguments de ceux qui considèrent que, dans les circonstances
présentes, Mgr Fellay a l’obligation de signer (ou réaliser) un accord avec Rome, dans les plus brefs délais.
Précisons bien ce qu’implique cette expression de « bref
délai ».
Il ne s’agit en aucune manière de notre position
personnelle. Comme il a déjà été dit clairement, nous n’avons aucune lumière
spéciale sur ce qu’il convient de faire vis-à-vis de Rome actuellement. Nous ne
prétendons pas savoir, encore moins dire, si
Il ne s’agit pas non plus de la position de Mgr Fellay. Le
Supérieur général de
Ce sont donc les opposants, les objectants, et eux seuls, qui parlent de « bref délai ». Nous
examinons leurs arguments, et nous entendons montrer que ces arguments ne sont pas décisifs pour obliger le Supérieur général à conclure un accord dans les plus brefs délais. Il n’en ressort absolument pas que Mgr Fellay devrait signer ledit accord dans un moins bref délai, dans un délai un peu plus long, dans un délai d’une année ou de deux… En fait, il n’en ressort strictement rien concernant le délai. En bonne logique, la contradictoire de « dans les plus brefs délais » n’est pas « dans un délai un peu plus long », il est purement et simplement l’absence de tout délai.
Le Supérieur général (après la convocation d’un Chapitre général extraordinaire), et c’est le but même de la démonstration, garde donc toute sa liberté concernant l’accord aussi bien que son délai : court, moyen ou long.
En voyant revenir comme un leitmotiv l’expression « dans les plus brefs délais », il convient donc de se souvenir qu’il s’agit uniquement d’une expression des objectants, que l’on écarte précisément pour préserver la pleine liberté de Mgr Fellay, y compris sur le délai.
Les objections contre tout
contact avec Rome diffèrent des objections pour un accord
Les objections que nous avons étudiées précédemment, et qui
prétendaient empêcher le Supérieur général d’avoir des contacts avec
Les objections que nous allons examiner maintenant se situent sur un plan différent. Elles
prétendent qu’en soi, et pour toutes sortes de raisons diverses, le Supérieur a désormais l’obligation de signer un accord avec Rome dans les plus brefs délais. Dans ce contexte, Mgr Lefebvre n’est plus invoqué que comme un argument parmi d’autres, sur le mode : « Si Mgr Lefebvre vivait encore, il signerait sûrement un tel accord ».
Ces nouvelles objections méritent un traitement spécifique, qui ne peut plus être purement et
simplement le recours à des citations de Mgr Lefebvre. Et
c’est bien normal. Mgr Lefebvre, selon sa prudence de chef, a posé en son temps
des actes dans un certain contexte (de
Si l’on posait de façon absolue que Mgr Fellay ne peut faire et ne doit faire que ce que Mgr
Lefebvre a fait matériellement en son temps, on devrait en déduire que, Mgr Lefebvre n’ayant pas signé d’accord avec Rome, Mgr Fellay ne devrait jamais en signer, même si Rome redevenait intégralement et absolument catholique : ce qui serait évidemment absurde, et certainement contraire aux principes et à l’esprit de Mgr Lefebvre.
Donc Mgr Fellay agit
dans l’esprit de Mgr Lefebvre, mais en posant parfois des actes
matériellement
différents de ceux du Fondateur de
Le Supérieur général de
C’est pourquoi, à ces nouvelles objections qui prétendent que Mgr Fellay a l’obligation de signer un accord dans les plus brefs délais, sera apportée une réponse directe, argumentée, démonstrative, différente en ce sens de l’accumulation de citations qui a caractérisé notre première partie. Quelques citations de Mgr Fellay seront toutefois ajoutées en note, pour manifester le fondement documentaire de l’argumentation.
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(11) Par exemple : « Cette
expression, “[lire le Concile] à la lumière de
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Une attitude dilatoire coupable ?
De nombreuses critiques sont faites, en effet, concernant la
façon d’agir de Mgr Fellay vis-à-vis de Rome, notamment en ce qui concerne les
perspectives d’accord que
En ne se dirigeant pas vers la
signature d’un accord aujourd’hui, alors que les conditions désirées par son
Fondateur sont réunies,
Il a été cité précédemment un certain nombre de textes qui
montrent que Mgr Lefebvre a gardé le contact avec Rome, a constamment recherché
les perspectives d’accord et d’apaisement, a toujours désiré que
A l’inverse, toutefois, il est vrai de souligner que, même
au moment où il poursuivait des contacts avec
De facto, Mgr Lefebvre n’a jamais signé un accord final, même ayant signé un Protocole
préparatoire (le 5 mai 1988). Pourtant, beaucoup ont dit que cet accord prévu en 1988 représentait tout ce que Mgr Lefebvre demandait, qu’il offrait toutes les garanties nécessaires. Or, cela n’a pas été l’avis de Mgr Lefebvre, qui a estimé au contraire que l’accord prévu, dans son contexte, ne comportait pas les assurances indispensables pour l’avenir, comme le manifestait par exemple le refus du cardinal Ratzinger de préciser une date pour la consécration épiscopale envisagée.
Par ailleurs, Mgr Lefebvre n’a jamais dressé une liste des
conditions nécessaires et suffisantes pour un accord. Il a évalué les
circonstances, jaugé les hommes, sondé les intentions exprimées, ce qui l’a poussé
dans un premier temps à un réel travail pour aboutir à un accord, dans un
deuxième temps à un retrait provisoire, estimant que « le moment d’une
collaboration franche et efficace [avec
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12 Sa déclaration de 1975, «
Si un évêque rompt avec Rome, ce ne sera pas moi », est constamment restée sa
boussole.
13 « Et si le pape vous
appelait ? S’il m’appelle, je vais. Tout de suite. Ou plutôt, je cours. C’est
certain. Par obéissance. Par obéissance filiale à l’égard du chef de l’Église »
(Mgr Bernard Fellay, Trente Jours, septembre 2000, p. 8).
14 « Nous continuons tout
simplement, sereinement ce chemin si bien indiqué par notre fondaterur, Mgr
Lefebvre, et c’est tout. Nous savons que l’Église a les promesses de l’indéfectibilité,
les portes de l’Enfer ne prévaudront jamais sur elle. Elle dépassera un jour
cette crise. A nous de mettre toute notre énergie, à notre place évidemment,
pour travailler à ce dépassement de la crise, et donc forcément nous aurons des
relations avec Rome. C’est une erreur de prétendre qu’il ne faut pas discuter
avec eux. On attend d’eux qu’un jour ils soient catholiques, et on voudrait ne
pas discuter avec eux ? Saint Paul, parlant des païens, disait : “Comment se
convertiront-ils s’ils n’entendent pas la foi, si personne ne leur rappelle les
principes ?” Est-ce qu’on veut inventer, ou est-ce qu’on veut réclamer un
miracle continuel de Notre-Seigneur ? Cela peut arriver, mais le chemin
habituel du bon Dieu c’est d’utiliser les causes secondes pour toucher les
âmes. Encore une fois, sans vouloir nous donner de rôle spectaculaire ou
extraordinaire, nous sommes dans les circonstances de l’histoire où le bon Dieu
nous a placés, où il nous faut accomplir notre devoir d’état de prêtre,
d’évêque, chacun à sa place, en essayant d’obtenir le maximum de bien de ces
autorités qui sont encore enténébrées » (Mgr Bernard Fellay, sermon au
séminaire de Flavigny, 2 février 2006).
15 « Je me demande souvent
comment Mgr Lefebvre se comporterait aujourd’hui. Il suivait deux voies :
dialoguer avec Rome et en même temps en condamner les erreurs. Et nous sommes
en train de faire la même chose. Ce sont toujours les questions doctrinales qui
ont créé le problème. Et ces
questions n’ont pas encore été résolues » (Mgr Bernard Fellay, Trente Jours,
septembre 2000, p. 8).
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Personne, donc, ne peut affirmer sérieusement que Mgr Fellay a aujourd’hui l’obligation de signer dans un bref délai un accord avec Rome, en prétextant que « Mgr Lefebvre, dans les circonstances actuelles, l’aurait sûrement fait ». En maintenant les contacts avec Rome (16), en évaluant les hommes et les circonstances, en cherchant à faire progresser la situation, Mgr Fellay reste au contraire fidèle à l’esprit et à la pratique de Mgr Lefebvre (17).
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16 « Humainement, je pourrais
[être pessimiste sur les chances d’un accord]. Mais l’Église est surnaturelle,
gardée par Dieu. N’en restons pas à nos vues humaines, même si des déclarations
épiscopales en France ferment plus de portes qu’elles n’en ouvrent. Quelles que
soient les difficultés du chemin, je ne perds pas l’espérance : un jour, Rome
et Écône se retrouveront » (Mgr Bernard Fellay, Le Figaro, 24 mars
2001).
17 « Il s’est agi d’une
rencontre [le 29 août 2005] qui s’est insérée, j’oserais dire normalement, dans
le cadre d’un dialogue entre nous et Rome qui a commencé en 2000 et qui a connu
un développement peut-être lent, mais bien orienté vers ce que nous désirons et
ce que désire le Saint-Siège : une relation normale de Rome avec sa Tradition
et par conséquent de
2005, p. 34).
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En n’obéissant jamais au pape et
aux évêques, en critiquant systématiquement ce qui vient du Siège de Pierre,
Il existe tout d’abord, contre une telle objection, un fait
massif et aisément constatable. Dans sa doctrine comme dans sa pratique,
Mais, dans la réalité, les prêtres de
Par ailleurs, si un risque de durcissement existe
(éventuellement), il appartient au Supérieur général d’y veiller, de guider
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18 « Nous avons souhaité
rencontrer le Saint-Père parce que nous sommes catholiques et que, comme tout
catholique, nous sommes attachés à Rome. En demandant cette audience [du 29
août 2005] nous voulions montrer que nous sommes catholiques. Tout simplement.
Notre reconnaissance du pape ne se limite pas seulement à la mention de son nom
au Canon de la messe par tous les prêtres de
19 « Risquez-vous de devenir une
petite Église ? J’espère que non. Il est évident que notre position est
délicate, du fait que nous sommes rejetés par les autorités officielles de
l’Église et que, par conséquent, nous devons bien nous débrouiller par
nous-mêmes. Conscients du danger, nous prenons les mesures pour nous en
protéger. Nous ne sommes ni rigides ni arriérés, mais refusons que les
adaptations présentes, voire nécessaires, touchent aux principes d’hier » (Mgr
Bernard Fellay, Le Figaro, 3 juin 1998).
20 « La messe traditionnelle
n’a jamais été abrogée. Quelle joie, chers fidèles, a rempli nos cœurs à
l’annonce du Motu Proprio de Benoît XVI, le 7 juillet ! Nous y voyons une
réponse du Ciel à notre croisade de rosaires. Non pas simplement par le fait de
la publication du Motu Proprio, mais surtout en raison de l’étendue de
l’ouverture vers la liturgie traditionnelle que nous y trouvons » (Mgr Bernard
Fellay, Lettre aux amis et bienfaiteurs 71, DICI 165, 17 novembre 2007,
p. 10).
« Nous avons demandé l’année
passée une croisade du rosaire pour obtenir du bon Dieu qu’il donne
suffisamment de forces au pape et qu’il libère enfin la messe traditionnelle.
Le résultat est stupéfiant. Jamais, jamais nous nous ne nous attendions à ce
que, dans les circonstances où nous nous trouvons, le pape donne autant que ce
qu’il a donné. (…) Ce que nous avons eu, c’est une semence, un gland. Il faut
que ce gland pousse, et l’on aura un chêne. La forêt viendra après. Mais il est
certain que si ce gland n’avait pas été planté, il n’y aurait pas de chêne par
la suite, ni de forêt. C’est un premier pas, mais un pas décisif dans la bonne
direction » (Mgr Bernard Fellay, Nouvelles de Chrétienté 108, novembre
2007, p. 8-9).
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de l’état de l’Église, pour que celle-ci retrouve sa
splendeur missionnaire. Et il s’agit bien de l’Église réelle et du pape réel (21).
Depuis plus de trente-cinq ans que
21 « Cette Rome catholique
n’est pas une abstraction, faisons très attention ! Cela n’est pas une
abstraction, c’est une réalité. Lorsque Monseigneur Lefebvre dit : “Nous
adhérons à
22 « Le siège de Pierre
est-il ou non vacant ? Il est parfaitement occupé. Le Saint-Père, vicaire du
Christ, a été légitimement élu, il est doué de tous les pouvoirs du souverain
pontife. (…) Certains chez vous n’affirment-ils pas que le siège de Pierre est
vacant ? Ils ne sont pas chez nous, ou alors en marge. Nous n’acceptons pas
leur affirmation. Ils prétendent résoudre un problème, mais ils en créent un
plus grave. (…) Voilà une position facile qui, en réalité, dissout la
visibilité de l’Église. Nous ne pouvons l’accepter » (Mgr Bernard Fellay, Le
Figaro, 3 juin 1998).
En vivant en pleine autarcie,
avec vos évêques, vos prêtres, vos chapelles, vos pèlerinages, vos revues, et
même vos propres tribunaux ecclésiastiques qui se permettent de « dissoudre »
des mariages, vous êtes tout simplement en train de constituer une petite
Église. Seul un accord très rapide, vous réintégrant dans la structure
canonique de l’Église catholique, vous permettrait d’éviter ce danger grave.
Cet objection peut être prise de deux façons : d’une part en
soi ; d’autre part en rapport avec un projet d’accord. Démontrer qu’en soi
Reste à répondre à la deuxième interprétation : dans la
période immédiatement actuelle (disons : sous Benoît XVI), ne pas signer
d’accords conduirait
Mais si, par hasard, il existe pour
Église », ce danger est lent, progressif. Il ne crée donc pas une urgence soudaine, et ne peut démontrer de façon pertinente que Mgr Fellay soit de ce seul fait dans l’obligation de signer à très brève échéance un accord avec Rome.
En réalité, le fond de cette objection est triple. Pour
certains, c’est le refus, par principe, de toute « dissidence » par rapport à
Pour d’autres, il existe un danger progressif de durcissement : cette hypothèse a été prise en compte dans l’objection précédant celle-ci.
Enfin, pour quelques-uns, par l’élection de Josef Ratzinger comme pape sous le nom de
Benoît XVI, la situation a changé du tout au tout : cette affirmation va maintenant faire l’objet d’une réponse spécifique.
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23 Citons simplement sur ce
point une réponse de Mgr Fellay : « Il y a des contacts avec des prêtres et des
évêques orthodoxes. Il arrive parfois qu’ils s’adressent à nous avec sympathie,
parce qu’ils nous considèrent comme des schismatiques anti-romains, ce qui ne
nous plaît pas du tout. Nous ne sommes pas schi smatiques et nous tenons
énormément aux liens avec Rome. Il est aussi arrivé que des évêques orthodoxes
aient demandé à adhérer à l’Église catholique à travers une adhésion à notre
Fraternité. Je leur ai toujours répondu qu’ils doivent s’adresser à l’évêque de
Rome, au pape. Nous ne sommes pas, et nous ne voulons pas être une Église
parallèle, et je ne suis pas un anti-pape » (Mgr Bernard Fellay, Trente
Jours, septembre 2005, p. 36).
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Depuis le 19 avril 2005, la
situation dans l’Église a substantiellement changé par l’élection comme
Souverain Pontife de Josef Ratzinger sous le nom de Benoît XVI. Mgr Fellay ne
peut plus parler et agir comme si nous étions encore sous Paul VI, voire sous
Jean-Paul II. Benoît XVI a marqué, par ses interventions comme cardinal, par
ses discours spectaculaires depuis son élection et par ses actions (notamment
le Motu Proprio du 7 juillet 2007), sa volonté de rompre avec les errances de
l’après-Concile et de restaurer l’Église et la foi dans leur authenticité et
leur continuité historique.
Cette situation nouvelle suffit-elle, non pas pour faire réfléchir Mgr Fellay à l’éventualité d’un accord, mais pour l’obliger positivement à signer un accord dans les plus brefs délais ?
Il ne le semble pas.
De façon sommaire, on résume souvent la critique traditionaliste à deux points : le concile
Vatican II et la réforme liturgique. Pour ne pas s’éloigner de la vérité, il serait plus juste de la résumer à quatre points. Concernant Vatican II, il faut parler d’une part de « l’esprit du Concile », ce concept fantomatique qui a été le prétexte commode de maintes et maintes folies des quarante dernières années. Il faut parler, d’autre part, de la lettre même du Concile, de ce qu’il dit effectivement, et notamment sur les points de la collégialité, de l’œcuménisme et de la liberté religieuse. Concernant la réforme liturgique, il faut parler d’une part de la liberté de célébrer la liturgie traditionnelle, d’autre part des problèmes doctrinaux que pose le texte même de la nouvelle liturgie en sa version latine originale.
Or si, sur deux de ces points, le pape Benoît XVI est intervenu de façon positive et encourageante, il n’en est pas de même sur les deux autres.
Benoît XVI, en effet, notamment par son discours du 22 décembre 2005, s’est élevé contre un
prétendu « esprit du Concile » qui se dresserait à côté, voire contre la lettre du Concile : mais c’était pour mieux s’attacher à cette lettre, selon « l’herméneutique de continuité ». De la même façon, par le Motu Proprio Summorum Pontificum, Benoît XVI a voulu réellement assurer la liberté de célébration du Missel traditionnel, dont il a rappelé à deux reprises qu’il n’avait « jamais été juridiquement abrogé » et que « par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé ». Mais en même temps, le Souverain Pontife a réaffirmé que le nouveau Missel est « l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Église catholique de rite latin » et qu’on ne pouvait, à ses yeux, « par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres », car une telle attitude ne serait pas « cohérente avec la reconnaissance de la
valeur et de la sainteté » de la nouvelle liturgie.
Donc, sur la question de l’esprit du Concile et sur celle de la liberté de la messe traditionnelle, on peut dire, en quelque sorte, que la démarche de Benoît XVI tend à rejoindre les critiques
traditionalistes. En revanche, sur la lettre du Concile comme sur les problèmes doctrinaux que pose la réforme liturgique, le fossé est encore profond. Le verre est donc, selon qu’on le considère, à moitié plein ou à moitié vide. Or, entre deux parties, un état de choses susceptible d’appréciations divergentes voire contradictoires ne peut évidemment, par lui-même, rendre obligatoire un accord à bref échéance.
Il est évident qu’humainement, au
moins, Benoît XVI est l’homme rêvé pour un accord. Rien ne dit que son
successeur aura le même profil, la même disponibilité, la même patience, la
même ouverture. C’est même le contraire qui risque d’être vrai : le successeur
va avoir la tentation (et peut-être le désir) de tourner la page, de clore le
dossier, de passer l’éponge et d’oublier carrément même l’existence de
Il est clair que ce triumvirat a été élu à la présidence de
L’objection affirme que le futur risque d’être beaucoup moins favorable que le présent. C’est
possible. Comme le contraire est également possible. Le successeur de Benoît XVI, formé dans son esprit, sera peut-être au contraire encore plus favorable que lui. C’est du moins à espérer.
L’expérience passée montre que parier sur l’avenir, parier sur l’évolution positive au cours du
temps, n’est pas un si mauvais choix que cela. Durant les
trente ans écoulés, combien d’augures ont poussé
Si
moins obtenu que ce qu’elle peut raisonnablement espérer
aujourd’hui, ce qui aurait été une perte pour elle, ainsi que pour ceux qui,
grâce à son obstination, ont bénéficié d’importantes avancées, notamment
lorsqu’ils ont eux-mêmes signé un accord. Si
En ce sens, ce que certains appellent l’obstination de
Cela ne veut pas dire que la personnalité de Benoît XVI soit
sans importance : elle constitue au contraire un élément d’appréciation que Mgr
Fellay considère avec grand soin dans son analyse de la situation et dans
l’élaboration de sa stratégie. Mais cela signifie que cette personnalité de
Benoît XVI ne constitue pas un élément déterminant à lui seul pour contraindre
le Supérieur général de
Le problème, c’est que vos
demandes, vos exigences, vos revendications sont inacceptables en l’état, et
vous le savez très bien. Rome ne peut pas se renier, ne peut pas annuler
quarante ans d’enseignement, biffer d’un trait de plume un concile œcuménique
reçu par toute l’Église, interdire une liturgie utilisée par l’écrasante
majorité des prêtres et des fidèles. Benoît XVI ne peut pas, demain, apparaître
à sa loggia, face à la place Saint-Pierre, et annoncer tout à trac : « Mes
frères, à la demande de
Une telle présentation des choses ne correspond absolument
pas à la démarche de
Saint-Pie X. Dans un intéressant entretien accordé au
quotidien Présent du 24 novembre 2007, Mgr Fellay a éclairé les
relations entre Rome et
« Figueras : N’y a-t-il pas un paradoxe à affirmer, avec le ton d’une connivence affectueuse pour le pape, que ce Motu Proprio constitue un indéniable pas en avant, et que vous attendez beaucoup dans la suite, et de dire, dans le même temps, que ce sera long – sans doute sur plusieurs générations ?
Mgr Fellay : Non ! parce que dans toute médaille, il y a deux faces. D’une part, la possibilité de remèdes pratiques immédiats ; de l’autre, la paix de l’Église par la résolution de la crise qui est doctrinale. La situation présente est très contrastée. Pour que ce soit complet, il faut envisager les deux faces. »
« Figueras : Mais vous avez affirmé, devant certains journalistes, attendre “beaucoup plus” du
mouvement donné par le pape depuis le Motu Proprio.
Mgr Fellay : Lorsque je dis cela, j’envisage la possibilité, relativement prochaine, de trouver des remèdes pratiques. Mais quand je dis aux fidèles qu’il y faudra sans doute plusieurs générations, je veux parler de la paix retrouvée dans l’Église par la solution de la crise doctrinale. Si on veut combiner les deux points, les deux faces de la médaille, cela signifie que les remèdes pratiques arriveront bien avant la fin de la crise. Mais, même pour ce premier
point, il faudra que les conditions nécessaires soient réunies. Il y a, bien sûr, la messe, telle que nous venons de la retrouver dans le Motu Proprio. Le retrait du décret d’excommunication, qui ne semble guère poser de problème. Mais, tout d’abord, que l’on arrête de nous faire avaler du poison, en ce qui concerne la foi, le dogme. C’est toujours la première, la principale condition. »
Dans son entretien donné à DICI du 17 septembre 2005, juste après sa rencontre avec le pape
Benoît XVI, Mgr Fellay remarquait déjà : « Bien sûr, nous irons pas à pas. Il faut apporter sur le Concile un éclairage différent de celui qui est donné par Rome. Tout en dénonçant les erreurs, il est indispensable de montrer leur suite logique, leur incidence sur la situation désastreuse de l’Église aujourd’hui, sans toutefois provoquer une exaspération qui entraînerait une rupture de la discussion. Cela nous oblige donc à procéder par étapes. »
Dans une lettre remise au cardinal Castrillon Hoyos le 22 janvier 2003 (Cor Unum 74, février
2003, p. 4), Mgr Fellay écrivait : « Le Supérieur général de
Mgr Fellay suggère donc une sorte de déclaration unilatérale
du Saint-Siège.
Jamais, en vérité,
Jamais non plus
« Figueras : On ne peut pas faire comme si le Concile n’avait pas existé. On ne peut pas se retrouver en 1958…
Mgr Fellay : Non. On se retrouvera en 2006, 2007, 2008… On se retrouvera aujourd’hui. L’Église doit se relever de l’état pitoyable dans lequel elle se retrouve, à l’époque qui est la nôtre.
Figueras : Et les bonnes choses, les développements heureux qui ont pu être faits dans ce cadre général que vous n’acceptez pas…
Mgr Fellay : Eh bien ! les développements heureux seront conservés. L’Église est suffisamment sage, elle est guidée par l’Esprit-Saint, elle saura garder les bonnes choses. »
Il y a en réalité un troisième terme (et même de nombreux
termes intermédiaires) entre une grande déclaration romaine d’annulation de
tout le dernier demi-siècle, et la signature par
C’est pourquoi, le fait de signer immédiatement un accord n’est pas une obligation pour Mgr Fellay.
Étant donné la réelle bonne
volonté montrée par Rome, qui acceptera sans aucun doute
toutes les demandes raisonnables
et fondées de
Contrairement à ce qui vient d’être dit, il y a évidemment encore des obstacles à un accord, puisque précisément Mgr Fellay, qui estime publiquement que la situation s’améliore, n’a même pas entamé les négociations canoniques.
Et c’est bien normal, si l’on reprend le cadre qu’il a fixé
pour les rapports avec
Celui-ci se compose de trois étapes. La première étape
comprend les deux préalables : d’abord la liberté de la messe traditionnelle,
dont on peut dire qu’elle a été accordée en substance par le Motu Proprio du 7
juillet 2007 ; ensuite le retrait du décret d’excommunication des évêques
auxiliaires de
Après ces deux préalables, viennent les fameuses « discussions doctrinales ». Et c’est seulement après ces « discussions doctrinales » que viennent les discussions canoniques pour un accord.
Dans ce processus, il a été reconnu publiquement par Mgr Fellay, à plusieurs reprises,
qu’effectivement Rome semblait prête, sur le plan canonique,
à de larges concessions (24).
Donc, la première demande des préalables a été satisfaite,
et la dernière étape du processus, c’est-àdire l’accord canonique lui-même, est
déjà virtuellement prête. En revanche, la seconde demande des préalables, à
savoir la levée de l’excommunication des évêques auxiliaires de
Quant aux « discussions doctrinales », elles n’ont même pas commencé. Dans les faits,
donc, la première des trois étapes du processus a été
parcourue pour moitié. Pour
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24 « Le Vatican s’est
approché de nous à la fin de l’année passée en la personne du cardinal
Castrillon Hoyos et nous a fait une proposition d’accord. (…) Rome ferait un
décret par lequel serait érigé une sorte de quasi-diocèse personnel qui
regrouperait autour de
25 « Je pense qu’à côté de la
méfiance, normale vu les circonstances, il faut aussi être suffisamment réaliste
pour réussir à apprécier les choses au plus juste, précisément dans leur vérité
objective. Nous sommes sûrs (c’est la foi qui nous le dit) qu’une crise de
l’Église ne peut pas durer indéfiniment. Y a-t-il aujourd’hui déjà un début de
réveil, un signe avant-coureur ? C’est difficile à dire. Car il faut faire attention
à ne pas prendre ses désirs pour la réalité.
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C’est au contraire le fait de signer immédiatement, dans la hâte et sans réflexion, qui créerait une situation très dangereuse, avec le risque évident, dans les mois ou les années qui suivraient, d’une nouvelle cassure désormais irréparable. Pour cette raison, Mgr Fellay n’a certainement pas l’obligation de signer un accord dans les plus brefs délais.
Il existe aujourd’hui des
conditions objectives nettement favorables à la signature d’un
accord, conditions objectives que
Mgr Lefebvre ne connaissait pas lorsque pourtant, en mai 1988, il a signé un
Protocole destiné à devenir très rapidement un accord. Ces conditions objectives
favorables sont, par exemple, le Motu Proprio Summorum Pontificum qui
reconnaît (déclaration inespérée) que le Missel traditionnel n’a jamais été
interdit, qui en conclut en toutes lettres que pour célébrer au moins en mode
privé selon ce Missel, « le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du
Siège apostolique ni de son Ordinaire », qui grave dans le marbre la
possibilité d’user des rites traditionnels pour le bréviaire, le baptême, le
mariage, la pénitence, le sacrement des malades et la confirmation (sans parler
des rites traditionnels d’ordination, permis implicitement). On peut mettre
également, dans ces conditions objectives favorables, le discours du 22
décembre 2005 sur l’interprétation de Vatican II, la nomination de Mgr Ranjith
comme secrétaire à
Mgr Lefebvre a, certes, signé le Protocole d’accord le 5 mai 1988. Mais précisément, il n’a pas contresigné l’accord lui-même, car il a estimé qu’en réalité, « le moment d’une collaboration franche et efficace n’était pas encore arrivé ». Revenant sur sa rupture des négociations, il a expliqué en partie ses motifs de ne pas poursuivre. Mais, parmi ceux-ci, il n’a jamais affirmé que, si Rome accordait la liberté du Missel traditionnel, cela suffirait à débloquer la situation. Encore moins a-t-il envisagé de signer simplement en raison d’un discours sur l’interprétation du Concile ou à cause de la nomination
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« Dans la situation présente,
plusieurs points sont à considérer. Tout d’abord, si ouverture ou proposition
était faite, elle proviendrait d’une pure initiative de Rome, sans que nous
l’ayons sollicitée. Il me semble que cette seule circonstance nous oblige à
examiner avec attention la situation, pour discerner si ce n’est pas
« Ensuite, si le souci de
notre unité, le désir de notre préservation est essentiel, il ne doit pas nous
faire oublier notre obligation de servir l’Église, selon nos moyens et nos
possibilités. S’il y a une chance, une seule, que des contacts avec Rome
puissent faire revenir un peu plus de Tradition dans l’Église, je pense que
nous devons saisir l’occasion.
« Je ne suis pas sûr qu’une
ouverture de Rome, aujourd’hui, puisse mener à un accord complet : trop de
points graves nous divisent encore, et nous n’avons aucune intention de
modifier nos principes et notre ligne de conduite. Mais je pense qu’il est
possible de faire
avancer les choses sur
plusieurs de ces points. Je suis persuadé qu’un mouvement est lancé, un mouvement
qui, peu à peu, va finir par obliger Rome, à long terme, à réviser Vatican II,
à abandonner les erreurs que peut receler ce concile, pour revenir à quelque
chose de
plus solide. Maintenant,
combien de temps cela prendra-t-il ? Probablement des décennies, sauf
intervention extraordinaire du bon Dieu. Mais chaque étape possède son
importance, et aujourd’hui semble se dessiner une de ces étapes.
« Je suis donc encore dans
l’expectative, j’essaie de voir, d’apprécier les choses comme elles arrivent
pour savoir s’il faut partir ou ne pas partir, se lancer ou ne pas se lancer.
Tout va dépendre de la manière dont Rome va agir ou réagir » (Mgr Bernard
Fellay, Fideliter
140, mars 2001, p. 7).
« 1) Le refus de notre part
d’aller plus avant vers un accord pratique, sans qu’il faille nécessairement
parler de “rupture”, repose sur un principe posé au départ : avant de
s’engager, nous avons besoin que Rome donne la preuve par les faits qu’elle
veut positivement et soutient le mouvement traditionnel dans l’Église.
2) Jusqu’ici, les diverses
tentatives de rapprochement se sont toujours heurtés à des obstacles doctrinaux
que nous ne pouvons absolument pas ignorer. Le concile Vatican II et la
nouvelle messe restent des pierres d’achoppement : Rome nous demande toujours,
et ceci est encore valable en 2003, l’acceptation de Vatican II et de la
nouvelle messe comme condition d’accord. Nous n’accepterons pas de formules
ambiguës sur ces sujets, à cause des conséquences énormes : objections pour la
foi et la vie des fidèles catholiques.
3) Cette obstination
doctrinale de fond aura pour conséquence nécessaire, tôt ou tard, au
niveau pratique, que
4) C’est pour changer ce climat
doctrinal que nous réclamons le droit à la messe traditionnelle pour tous. Car,
il faut le souligner, cette messe est antiœcuménique, anti-moderne, pleine de
grâces, de sacré ; elle nourrit de la vraie foi catholique ceux qui y
assistent, elle rayonne la grâce de la fidélité, elle éclaire.
5) Contrairement à ce que
certains disent ou pensent, notre effort dans ce sens n’est pas vain et l’idée
de cette libération fait des progrès, même au Vatican ; ce n’est pas le moment
de lâcher.
6) De l’autre côté, on
constate les premières pressions vaticanes sur l’Administration apostolique de
Campos (…).
7) Dans le même sens, le
Vatican fait pression pour que des groupes traditionnels invitent Mgr Rifan ;
on veut probablement en faire le champion de la cause Ecclesia Dei. Combien
d’illusion alors à vouloir croire que le refus de la proposition romaine serait
injustifié de notre part ! » (Cor Unum 74, février 2003, pp. 1-3).
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d’un préfet aux Cérémonies pontificales plus ou moins traditionnel. Il n’est pas convenable
d’instrumentaliser sa personne, ses actions et ses déclarations dans un sens ou dans un autre. Il faut plutôt regarder les faits d’aujourd’hui, tels qu’ils sont, en s’efforçant de rester fidèles à son esprit.
Il est clair que, plus de quinze ans après la mort de Mgr Lefebvre, les choses ont évolué, se sont clarifiées. Des possibilités se sont réalisées. Mgr Lefebvre n’a pas connu certaines avancées, comme le Motu Proprio ou le discours du 22 décembre 2005, qui réalisent certaines espérances qu’il caressait.
Il faut reconnaître, et Mgr Fellay a reconnu plusieurs fois publiquement, que ces avancées sont nettement positives, encourageantes, qu’elles ouvrent une voie pour la résolution de la crise.
Toutefois, en examinant ces avancées, absolument incontestables et incontestées par Mgr Fellay, dans leur réalité objective (forcément complexe, et en lien avec la situation complexe de l’Église), il faut admettre que ces mêmes avancées détruisent en même temps certaines espérances que Mgr Lefebvre pouvait avoir, et qui faisaient partie de son évaluation de la situation.
Le Motu Proprio a rappelé que le Missel traditionnel n’a jamais été interdit et ne pouvait pas l’être, que tout prêtre peut librement en user, etc. Mais Mgr Lefebvre, lorsqu’il demandait un tel document, pouvait espérer que celui-ci ne parlerait pas du nouveau rite. C’est par exemple ce qu’il écrivait le 2 mars 1983 au cardinal Ratzinger : « Si le Saint-Siège souhaite la paix et la fin de la division, il serait, à mon sens, préférable de ne faire aucune allusion au Novus Ordo missæ, et ainsi d’éviter de faire des procès d’intention » (« Lettre de Mgr Lefebvre au cardinal Ratzinger » du 2 mars 1983, Fideliter 35, septembre 1983, pp. 53-54). Or cette espérance, elle, a été déçue : le Motu Proprio parle du nouveau rite, et équipare les deux rites ou, pour reprendre son vocabulaire, la forme ordinaire et la forme extraordinaire.
Le discours du 22 décembre
(« Quinze ans après Vatican II, les raisons de la continuité de notre combat », conférence à Angers du 23 novembre 1980, p. 24). Or cette espérance, elle, a été déçue : le discours du 22 décembre 2005 fait, au contraire, une apologie en règle de la liberté religieuse telle qu’elle est enseignée par Vatican II.
Donc, s’il y a sans aucun doute des conditions objectives plus favorables pour un accord qu’au temps de Mgr Lefebvre, il y a en même temps, et pour les mêmes raisons, et dans les mêmes documents, des conditions objectives moins favorables. Mgr Fellay doit considérer ces conditions plus favorables, et il le fait. Il ne peut toutefois oublier ou omettre les conditions parallèles moins favorables. Ce mélange du favorable et du défavorable explique que, même aujourd’hui, Mgr Fellay ne soit pas dans l’obligation de signer un accord dans les plus brefs délais.
Les sanctions canoniques, même si
N’est-ce pas manquer de zèle pour
le royaume de Dieu et pour le salut des âmes que de refuser encore une telle
signature ?
La description de ce qui se passerait si
Mais il est vrai que, si
Si donc, au regard du royaume de Dieu et du salut des âmes,
il n’y avait entre
La diabolisation la plus efficace de
Si
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26 « En ce qui concerne les
excommunications, nous n’en souffrons aucunement. Mais cependant le Vatican les
agite comme un épouvantail pour effrayer les bonnes gens qui, sans cela,
s’approcheraient de nous. Cette censure a été l’une des mesures les plus efficaces
de Rome pour nous marginaliser. Il est donc de bonne guerre de demander à cette
même Rome qui propose des accords d’ôter cet obstacle. Encore une fois, il ne
s’agit pas de nous, ou d’une préoccupation qui nous concernerait directement,
mais du bien des fidèles. Il est difficile d’évaluer l’amplitude du bien qui
pourrait être obtenu par de telles mesures, mais il me semble que nous
pourrions le sous-estimer » (Cor Unum 68, février 2001, pp. 6-7).
« Nous demandons le retrait
d’un décret d’excommunication auquel nous n’avons jamais accordé de valeur
canonique, sans quoi bien évidemment nous n’aurions exercé aucun ministère : ni
ordination, ni confirmation... Mais nous sommes bien conscients de la portée pratique
de ce décret : la diabolisation efficace de
« Au sujet de
l’excommunication : celle-ci est utilisée abondamment et presque exclusivement
comme argument non tant contre les évêques mais contre tout ce qui est
traditionnel. Vu que c’est le “lefebvrisme” qui a été excommunié et que le lien
entre Mgr Lefebvre et “traditionnel” est devenu un automatisme, il suffit aux
modernes de qualifier de “lefebvrisme” quoi que ce soit de conservateur pour qu’immédiatement
l’étiquette “excommunié” vienne à l’esprit. Demander qu’on enlève l’étiquette
néfaste revient à faire restituer à
27 « De notre côté, nous
insistons sur tout autre chose : devant le problème énorme de la crise de
l’Église engendrée par le Concile et les réformes subséquentes, le problème
“canonique” de
telle aujourd’hui qu’elle
rend en elle-même une convivialité impossible. Pour survivre, nous devons garder l’autonomie dans laquelle nous nous
trouvons. Ce n’est que le jour où le principe fondamental de
28 « Franchement, s’il ne
s’agissait que de dissiper la “perplexité” des évêques et de reconnaître la
légitimité de la “sensibilité” traditionaliste, je crois que la crise aurait
été résolue depuis longtemps. Mais ce qui est en jeu est d’une nature qui
dépasse largement et la perplexité et la sensibilité » (Mgr Bernard Fellay, Nouvelles
de Chrétienté 87, mai 2004, p. 6).
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frapper les évêques auxiliaires de
Dans sa première réaction après
la création de l’Institut du Bon Pasteur, l’abbé Paul
Aulagnier, qui est un des
fondateurs de ce nouvel Institut, mais qui fut en 1970 un des
fondateurs de la Fraternité
Saint-Pie X, a écrit à propos de la forme juridique du nouvel
Institut : « La création d’une
Administration apostolique, indispensable pour l’Europe, eût été bien mieux.
Car la grande faiblesse de notre fondation se trouve au niveau missionnaire, apostolique.
Mgr Fellay assume une responsabilité formidable dans cette faiblesse par son
refus opiniâtre… L’histoire lui reprochera cet entêtement. » L’abbé Aulagnier
estime donc que
Une fois encore, il ne faut pas exagérer la portée pratique
de ce qui se passerait si
Saint-Pie X signait un accord. En rassemblant tous les prêtres attachés actuellement à la messe
traditionnelle (Fraternité Saint-Pie X, Ecclesia Dei et
autres), on doit arriver à un total d’environ 2 000 prêtres : ce chiffre
est à mettre en rapport avec les 400 000 prêtres de l’Église catholique. Le
combat de
canonique, une telle structure est vue d’un bon œil par Mgr Fellay.
Mais
On ne peut sous-estimer la puissance formidable de l’appareil ecclésiastique, sa capacité à attirer, à imprégner, à orienter, à marquer les âmes. C’est l’une des forces principales de l’Église, nous ne devons pas nous en étonner. Le problème, c’est que cet appareil ecclésiastique roule aujourd’hui pour Vatican II. C’est donc vers Vatican II qu’il attire ceux qui, jusqu’ci, ont signé des accords. Il serait
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29 « On parle
d’administration apostolique, de prélature personnelle, d’ordinariat…, cela
semble prématuré. En souhaitant un accord canonique tout de suite et à tout
prix, nous nous exposerions à voir immédiatement resurgir tous les problèmes
doctrinaux qui nous opposent à Rome, et cet accord serait aussitôt caduc. Cette
régularisation de notre statut canonique devra intervenir en dernier lieu, comme
pour sceller un accord déjà réalisé au moins pour l’essentiel au niveau des
principes, grâce aux faits constatés par Rome » (Mgr Bernard Fellay, DICI 132,
25 mars 2006, p. 3).
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téméraire pour
Pour Mgr Fellay, et à juste titre, tant que l’appareil ecclésiastique sera fermement attaché à
Vatican II, les normes juridiques les plus favorables
risquent de n’être qu’un frêle papier à cigarettes pour protéger
Cependant, comme nous l’avons déjà souligné, ce coup de barre ne consiste pas à demander que le concile Vatican II soit purement et simplement annulé. Il ne consiste pas à exiger de Rome un document solennel de repentance sur le dernier demi-siècle. Il ne consiste pas à revenir matériellement à 1958, à l’état de l’Église lors de la mort de Pie XII. Il peut, de plus, se réaliser de diverses façons, par diverses étapes, et en prenant tous les ménagements légitimement nécessaires.
Par exemple, ce coup
de barre vers la tradition pourrait se concrétiser, dans un premier temps, par le
fait que le Siège apostolique autorise statutairement
Cette proposition est
simple, claire, pragmatique, et permettrait, si elle était acceptée, de
garantir de façon efficace et sérieuse la pérennité de
Mais en attendant la
mise en œuvre d’une telle proposition (ou d’une autre analogue), Mgr Fellay doit
considérer, d’une part le grand bien de la signature d’un accord, qui verrait
la « Tradition » réunie dans un cadre juridique favorable pour rayonner dans
toute l’Église, d’autre part le poids énorme d’une Église qui,
institutionnellement, roule pour Vatican II et les réformes conciliaires, et
donc qui met en danger cette même Tradition.
Et c’est pourquoi,
tout en désirant le grand bienfait d’une réunification de
30 « Il est nécessaire de
s’assurer, avant tout, de la solidité des piliers qui porteront le pont entre
Rome et nous. Ces piliers sont doctrinaux, on ne peut passer sous silence cette
réalité, sous peine de voir (à plus ou moins court terme) tous les efforts de
rapprochement voués à l’échec. La solution du cardinal [Castrillon Hoyos] est
de proposer un accord pratique, en minimisant le plus possible les divergences
de fond. Est-ce possible ? Peut-on conjurer la dureté de la crise qui secoue
l’Église avec des expressions adoucies ? Je ne le pense pas » (Mgr Bernard
Fellay, Nouvelles de Chrétienté 87, mai 2004, p. 6).
Le problème de fond, c’est
l’Église. L’Église a droit à votre soumission et a besoin de votre dynamisme
pour retrouver la plénitude de sa tradition. En refusant de signer un accord,
vous vous soustrayez (malgré vos dénégations) à votre obligation de reconnaître
concrètement, canoniquement, votre soumission à la hiérarchie divinement
instituée du pape et des évêques, à qui pourtant
Il est évident, pour un catholique, qu’être uni à l’Église,
soumis à elle et zélé pour la servir, est une obligation ecclésiologique
majeure, qui touche à son union au Christ et, finalement, à son salut éternel.
Ordinairement, cela suppose et entraîne un lien canonique parfait
avec l’Ordinaire du lieu et avec le Souverain Pontife. Toutefois, ce lien
canonique parfait étant une réalité humaine, reste soumis, comme toute réalité
humaine, à certains aléas. Il n’a pas manqué, au cours de l’histoire, de saints
qui, pour des raisons diverses, durant un certain temps, ne se sont pas trouvés
en lien canonique parfait avec leur Ordinaire, voire avec le Souverain Pontife.
On peut citer, par exemple, saint Athanase, condamné par plusieurs conciles ;
saint Pierre Célestin, mort dans une prison ecclésiastique ; saint Vincent
Ferrier, confesseur du faux pape d’Avignon durant le Grand Schisme (Pedro de
Luna, « Benoît XIII ») ; sainte Jeanne d’Arc, condamnée par l’Inquisition ;
saint Jean de
Comme avant elle Philippe Benizi, comme après elle Joseph Calasanz et Alphonse de Liguori, elle connut l’épreuve de se voir condamnée, rejetée, elle, et ses filles, et ses fils, au nom et par l’autorité du Vicaire de l’Époux. C’était un de ces jours, prédits dès longtemps, où il est donné à la bête de faire la guerre aux saints et de les vaincre. L’espace nous manque pour raconter ces incidents douloureux. »
les points contestables du concile Vatican II, les réformes postconciliaires qui en sont logiquement déduites, et le nouvel esprit qui est cause et conséquence de ces points contestables.
En conséquence, si
Une proposition d’accord fragile et aléatoire, qui ne
garantit pas suffisamment le but recherché et souhaité, ne peut être suffisante
pour obliger le Supérieur général de
prématurée, donc dangereuse et
aléatoire.
donc,
Il est clair qu’il ne convient pas de s’appuyer, avec la «
prudence de la chair », sur ses seules forces humaines, mais qu’il faut, avec
la vraie prudence chrétienne (vertu surnaturelle enrichie par les dons du
Saint-Esprit), compter sur le secours de Dieu et de sa Providence, qui ne
manquera jamais.
La question réelle
est donc le discernement de la volonté de Dieu. A trois reprises, l’objection
fait comme si la volonté de Dieu était que
Toutes nos réflexions précédentes manifestent qu’il serait
osé de prétendre discerner ainsi, avec facilité, la volonté de Dieu en des
circonstances aussi complexes. Si la volonté de Dieu était réellement que
Comme nous l’avons
montré longuement, et sous divers aspects, et avec de nombreuses nuances, Mgr
Fellay étudie avec la plus vive attention la situation actuelle, avec toutes
ses subtilités humaines ; il prie et médite sur son devoir ; il pose les actes
qui lui semblent sages, prudents (d’une prudence surnaturelle), conformes à la
volonté de Dieu ; il s’efforce de faire avancer les choses vers un accord fondé,
réaliste, durable, et surtout catholique, conforme à la foi.
Or, aucun des arguments précédents n’a réussi à montrer de façon convaincante que la volonté de Dieu se manifestait de façon évidente et claire en faveur d’un accord immédiat, même si beaucoup de ces arguments sont intéressants, ce qui explique qu’ils soient attentivement et régulièrement scrutés par le Supérieur général et ses conseillers pour prendre au jour le jour les décisions les mieux adaptées à la situation réelle.
Puisque les partisans de l’accord rapide n’ont pas réussi à démontrer de façon réellement
déterminante que la volonté de Dieu imposait un accord immédiat,
il s’ensuit que le Supérieur général de
Pour conclure
Redisons pour finir ce qui a été l’objet de notre travail, afin que ne subsiste aucun doute ni aucune ambiguité.
Simple membre de
Le choix de signer éventuellement un accord avec Rome, ou de
ne pas le signer, revient en effet exclusivement au Supérieur général de
Notre but a consisté à montrer qu’en l’état actuel des
choses, aucun argument probant ne contraint le Supérieur général d’agir
d’une façon plutôt que d’une autre, et que sa prudente liberté de chef demeure
entière.
Sans donc vouloir obliger le Supérieur général à avoir
des relations avec
Sans vouloir interdire au Supérieur général de signer un
accord avec
Notre travail n’avait donc que ce modeste objet : mettre en
lumière que Mgr Bernard Fellay, actuel Supérieur général de
Par la même occasion, nous avons pu souligner implicitement
que Mgr Fellay n’est ni obligé
d’avoir telles ou telles relations avec Rome, ni empêché de signer un accord avec elle, si les conditions en sont remplies. Et tout cela dans la parfaite fidélité à l’héritage de Mgr Marcel Lefebvre.