ITEM
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Un regard sur le
monde politique et religieux
Au 24 novembre
2006
N°
108
Par Monsieur l’abbé
Aulagnier
Le 17 octobre 2006
Une circulaire du cardinal Arinze,
Préfet de
sur la forme du sacrement eucharistique
Une circulaire émanant de
En effet cette circulaire a
pour objet la forme sacramentelle de la consécration du vin et plus
particulièrement l’expression importante
du « pro multis ». Je vous
la rappelle en latin, : « Hic
est enim Calix sanguinis mei, novi et aeterni testamenti : mysterium
fidei : qui pro vobis et pro multis
effundetur in remissionem peccatorum ». Le « pro multis » est
absolument traditionnel, conforme à
Certaines conférences
épiscopales, comme la conférence épiscopale d’Angleterre, d’Allemagne et
d’Italie, avaient accepté des
traductions différentes. Le « pro multis » latin fut traduit par « pour tous », « for
all » en anglais, « per tutti » en italien. Elles
gardent encore aujourd’hui ces traductions.
La circulaire affirme qu’une
telle traduction du « pro multis » par « pour
tous » sans toucher la validité du sacrement, exige cependant des précisions. Elle parle de catéchèse, qu’il ne faudrait pas tarder de donner aux fidèles.
En tout état de cause, il faut revenir à une traduction « plus
précise ». Il faut traduire la « formule traditionnelle du
« pro multis » par « pour la multitude » ou par « pour
le plus grand nombre ».
Certes, Notre Seigneur est mort « pour
tous ». Le salut, du côté du Christ, est universel : « pour
tous ». C’est ce qu’explique justement le chapitre 2 de la
circulaire du cardinal : « Il
n´y a aucun doute concernant la validité de la célébration de
Mais du côté des hommes, «
quoad nos », il n’en est pas de
même. « Tous » ne bénéficieront pas du salut acquis par le Christ
sur le bois de
Pour ce motif et en raison de
l’importance de la chose, il est demandé aux conférences épiscopales concernées
de procéder sans retard, dans les deux ans ( !), à une modification des
traductions de la forme eucharistique en accompagnant ce retour à
Voici le texte de la
circulaire :
Prot. N. 467/05/L
Cité du Vatican, le 17
octobre 2006
Eminence / Excellence,
En juillet 2005, cette Congrégation
pour le Culte Divin et
Les réponses en provenance
des Conférences des Evêques ont été étudiées par les deux Dicastères
susmentionnés, et un rapport sur cette question a été présenté au Saint-Père.
Selon ses instructions reçues, cette Congrégation s´adresse à Votre Eminence /
Excellence dans les termes suivants :
1. Un texte correspondant aux
mots : pro multis, transmis par
l´Eglise, constitue la formule en usage dans le Rite Romain en langue
latine depuis les premiers siècles.
Au cours de ces dernières trente années, certains textes approuvés dans des
langues vernaculaires ont adopté la traduction
interprétative « for all », « per tutti », ou d´autres semblables.
2. Il n´y a aucun doute
concernant la validité de la célébration de
3. Toutefois, il y a de
nombreux arguments en faveur d´une manière
plus précise de traduire la formule
traditionnelle « pro multis ».
a) Les Evangiles Synoptiques
(Mt 26, 28 ; Mc 14,24) font référence explicitement à la « multitude » pour
laquelle le Seigneur offre le Sacrifice, et cette expression a été mise en
évidence par certains biblistes en relation avec les paroles du prophète Isaïe
(53, 11-12). Il aurait été possible d´avoir l´expression « pour tous » dans la
rédaction des textes des Evangiles (cf. par exemple Lc 12, 41) ; en revanche,
la formule choisie pour le récit de l´institution est « pour la multitude », et
les paroles ont été fidèlement traduites de cette manière dans la plus grande
partie des versions modernes de
b) Le Rite Romain en langue
latine a toujours dit pro multis et jamais pro
omnibus pour la consécration du calice.
c) Les anaphores des
différents Rites Orientaux, en grec, en syriaque, en arménien, dans les langues
slaves, etc, contiennent la formule équivalente du latin pro multis dans leurs
langues respectives.
d) « Pour la multitude » est
une traduction fidèle de pro multis, tandis que « pour tous » est plutôt une explication qui
appartient au domaine proprement dit de la catéchèse.
e) L´expression « pour la
multitude », tout en demeurant ouverte à l´inclusion de chaque personne humaine
singulière, reflète aussi le fait que ce salut n´est pas accompli en quelque
sorte d´une manière mécanique, sans la propre volonté ou la participation de la
personne ; en revanche, le croyant est invité à accepter dans la foi le don qui
lui est offert et à recevoir la vie surnaturelle qui est donnée à ceux qui
participent à ce mystère, en vivant en conformité avec celui-ci, pour être
assimilé à la « multitude » à laquelle le texte se réfère.
f) Conformément à
l´Instruction Liturgiam authenticam, on
devrait s´efforcer de demeurer plus fidèles aux textes latins des éditions
typiques.
4. Les Conférences des
Evêques des pays où la formule « pour tous » ou ses équivalents est
actuellement en usage, sont donc priées d´entreprendre, durant les prochaines
une ou deux années, la catéchèse des
fidèles nécessaire pour les préparer à l´introduction d´une traduction précise
en langue vernaculaire de la formule pro multis (par exemple : « for many
», « per molti », etc) dans la prochaine traduction du Missel Romain que les
Evêques et le Saint-Siège approuveront pour l´usage dans leurs propres nations.
En vous remerciant pour votre
attention, je profite bien volontiers de cette circonstance pour vous assurer,
Eminence / Excellence, de ma haute considération dans le Seigneur.
Francis Card. Arinze)
Préfet
Vous aurez remarqué la
demande du cardinal de préparer l’intelligence et la foi des fidèles à ce
retour à
Nous allons donner cette
« catéchèse » ici, dans ces
colonnes en vous proposant la lecture de l’enseignement du Catéchisme du Concile de Trente sur ce point des plus importants.
Le voici. Il se trouve dans
le Chapitre 18, en son § 3 du catéchisme. Il a pour titre : « La
forme de l’Eucharistie »:
Après avoir rappelée et
expliquée la forme de la consécration du pain eucharistique, le catéchisme
donne les explications pour la forme de la consécration du vin.
Voici le texte :
« Quant à
De ces paroles plusieurs sont
tirées de l’Ecriture, et l’Eglise à reçu les autres d’une tradition
apostolique. On trouve dans Saint Luc et dans l’Apôtre: Ceci est le Calice ; et dans Saint Luc
ainsi que dans Saint Matthieu: de
mon sang, ou mon Sang de la nouvelle
Alliance, qui sera versé pour vous et
pour plusieurs, pour la rémission des péchés. Quant à ces autres
expressions, éternelle, et, mystère de
Personne ne pourra douter que
ces paroles ne soient la forme de
Ces paroles expriment en
outre quelques effets admirables du Sang de Jésus-Christ répandu dans sa
Passion, et qui appartiennent d’une manière spéciale à ce Sacrement.
Le premier de ces effets
c’est l’accès à l’héritage éternel, auquel nous donne droit l’Alliance nouvelle
et éternelle.
Le second, c’est l’accès à la
justice par le mystère de
Le troisième effet est la
rémission des péchés.
Mais comme ces paroles de
Quand on dit: « Ceci est le calice de mon Sang », ces
mots signifient ceci est mon Sang qui est contenu dans ce calice. Et c’est avec
beaucoup de sagesse et de raison que l’on fait mention du calice, en consacrant
le Sang qui doit être le breuvage des Fidèles. Le Sang par lui-même
n’exprimerait pas assez nettement qu’il doit être bu, s’il ne nous était
présenté dans une coupe.
Ensuite on ajoute: « de la nouvelle Alliance », pour nous
faire comprendre que le Sang de Jésus-Christ ne nous est pas seulement donné en
figure, comme dans l’ancienne Alliance dont Saint Paul a dit: «
qu’elle ne fut point confirmée sans effusion de Sang », mais en vérité et
réellement. Ce qui ne convient qu’à l’Alliance nouvelle.
Voilà pourquoi Saint Paul a écrit: Jésus-Christ est le Médiateur du
nouveau testament, afin que, par sa mort ; ceux qui noter appelés reçoivent
l’héritage éternel qui leur a été promis:
Quant au mot éternel, il se rapporte précisément à
cet héritage éternel qui nous est échu par le droit que nous confère la mort de
Jésus-Christ notre testateur éternel.
Les mots qui suivent, à
savoir: « Le Mystère de
Les autres mots: « pour
vous et pour plusieurs », sont empruntés les uns à saint
Matthieu, et les autres à saint Luc . Et c’est l’Eglise qui,
inspirée par l’esprit de Dieu, les a réunis. Ils servent à exprimer les fruits
et les avantages de
Il y a encore beaucoup
d’autres Mystères renfermés dans ces paroles de
Il faut remarquer que le
cardinal Stickler avait déjà en donné en
août 1997, lors d’une conférence donnée à l’ « Internationalem
Theologischen Sommerakademie », son
avis sur cette question . Il écrivait au sujet de ce « pro
multis » tarduit en allemand par « pour tous » :
son sentiment. « Je n’ai malheureusement jamais trouvé personne pour se
référer à un argument théologique décisif et de la plus haute importance pastorale,
provenant de la plus haute autorité, en l’occurrence le Catéchisme du Concile
de Trente. Celui-ci établit clairement la distinction théologique : le
« pro omnibus » vaut pour la force qu’a
Il est bien dommage que cette
circulaire romaine n’en ait pas profité pour demander aux différents
épiscopats, la restauration totale de la forme de
Le catéchisme du Concile de
Trente en explique le sens. La raison
est déterminante…Malheureusement il n’en est rien.
Pourtant le même cardinal
Stickler, dans la même conférence citée
plus haut, revient sure cette question et y insiste très heureusement…Il faut
espérer que ce ne sera pas en vain…Voici ses parole :
« Il y a lieu de
mentionner ici une très grave atteinte à la formule de consécration du vin en
le Corps du Christ : le « mysterium fidei » en ont été supprimés
pour être ajoutés à l’appel du peuple à la prière, après la consécration, ce qui
fut présenté comme un gain majeur du point de vue de la participation actuosa »
Que nous révèlent à ce sujet
les recherches historiques prescrites par le concile avant toute
modification ? Ces deux mots remontent au début de la tradition que nous
connaissons de l’Eglise romaine, à qui elle aurait été donnée par saint Pierre.
A propos des formes de tous les sacrements, Saint Basile, que ses études à
Athènes avaient grandement familiarisé avec la tradition occidentale, dit que
les Apôtres et leurs successeurs et disciples ne les avaient pas mises par
écrit dans les Saintes Ecritures connues
en raison de la discipline secrète qui régnait alors, selon laquelle les
mystères les plus sacrés de l’Eglise ne devaient pas être révélés aux païens.
Comme tous les témoins de l’Eglise primitive, qui font état de la même
conviction, il dit expressément à ce sujet que, outre les doctrines transmises
par écrit, nous avons des doctrine qui « in mysterio tradita sunt » et qui ont leur origine dans la
tradition des Apôtres, que les deux ont la même valeur et que nul n’a le droit
de les récuser. A tire d’exemple, il mentionne expressément les mots par lesquels
sont réalisés le pain eucharistique et le breuvage salvifique : quel est
donc le saint qui nous les aurait transmis par écrit ? Selon lui, nous avons
aussi reçu de la tradition non écrite la forme des autres sacrements, les
Apôtres et les Pères ayant prescrit les rites de l’Eglise tout en voulant
conserver aux mystères leur dignité dans le secret et l’occulte (St
Basile : De Spiritu Santo a. 375, 27,66). Le Décret de Gratien attribue aussi à Saint Augustin le même texte que
celui repris par saint Basile.
Toutes les périodes suivantes
confirment expressément cet héritage historique dans la formule de consécration
eucharistique : le Sacramentarium
Gelasianum, qui est le livre de messe le plus ancien de l’Eglise romaine
dans le Codex Vaticanus Reg.lat. 316, au folio 181 v dans le texte original
inclut clairement le mysterium fidei.
Par la suite, on s’est
toujours interrogé sur l’origine de ces mots. C’est ainsi que, en 1202, Jean de
Lyon, archevêque émérite, écrivait au Pape Innocent III, dont les connaissances
en matière de liturgie étaient bien connues, pour lui demander, à propos des
paroles du Canon qui n’avaient pas été écrites par les évangélistes, si l’on
devait croire qu’elles avaient été transmises par le Christ et les Apôtres à
leurs successeurs. En décembre de la même année, dans une longue lettre, le
pape répondait que ces paroles et d’autres encore du Canon que l’on ne trouvait
pas dans les évangiles devaient être crues en tant que paroles transmises par
le Christ aux Apôtres et par ceux-ci à leurs successeurs (X,III,41, 6 ;
Freidberg III, p.636). Le fait que cette décrétale – qui fait partie du recueil
des décrétales d’Innocent III, dans le
grand recueil du Liber X établi par Raymond de Pennafort à la demande de Grégoire
IX – n’ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le cas de bien
d’autres, mais ait continué à être transmise par la tradition prouve qu’une
valeur durable était attribuée à cette déclaration de ce grand pape… »
Puis le cardinal site
l’enseignement de Saint Thomas d’Aquin, qui affirme, dans
Enfin le cardinal renvoie au catéchisme
du Concile de Trente, qu’il présente comme le catéchisme de « référence »
pour conclure avec ce saint Concile « que les paroles « mysterium fidei » viennent de la
sainte Tradition qui est l’interprète et la gardienne de la vérité catholique ».
Et il conclut :
« on peut à juste titre s’interroger sur la légèreté souveraine dont on
fait preuve ici les collaborateurs du cardinal Lercaro et du P. Bugnini, avec
nécessairement leur accord, en constatant comment ils ont pu ignorer et
mépriser l’obligation de procéder à une recherche historique et théologique
exacte pour une modification aussi importante. Si cela s’est produit dans ce
cas, qu’en aura-t-il été, se pose la question le cardinal Stickler, de cette
importante obligation pour les autres modifications ! »
On voit combien il est
difficile lorsqu’on a pris un mauvais chemin avec légèreté de revenir en
arrière…et de retrouver la sainte Tradition…