ITEM
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de
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Un
regard sur le monde politique et
religieux
Au 26 mai 2005
N°44
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Monseigneur !
Et vous dites fidélité ?
Nous
publions ce texte de Monsieur l’abbé Philippe Laguérie sur
le « malaise » qui touche
Ce
texte fera date dans l’histoire de
Il
ne peut laisser indifférent les
autorités de « notre » société
sacerdotale.
C’est
un texte majeur. Il est clairvoyant. Il met le doigt sur les dérives
graves qui mettent en danger, à terme, rien moins que l’existence même de
L’existence même
de
Oui ! Et comment !
Le premier point attire
l’attention sur le problème de la juridiction dans
Si,
par malheur, cette « opinion » n’était pas
corrigée vigoureusement par le Supérieur Général,
Les
« évêques » sacrés par lui en 1988,
s’ils ne réagissaient pas devant cette
« opinion » ; si par faiblesse et
pusillanimité, ils se taisaient, ils trahiraient la pensée de Mgr
Lefebvre, ils trahiraient son œuvre.
A Dieu ne plaise !
Le deuxième point
est aussi capital. Il met en jeu, lui aussi tout également, à
terme, l’existence de
Si
le « tir » n’est pas corrigé, Mgr Lefebvre,
là aussi, risque d’être trahi.
Le troisième point
est, lui, gravissime. Mgr Fellay justifie son mode de gouvernement en invoquant,
lui-même, le « pouvoir dominatif » qui serait le
sien et qu’il exercerait sur les sujets de
Oui,
le texte de M. l’abbé Philippe Laguérie est un texte
majeur, historique. Il ne peut laisser indifférent
« nos » évêques, ni les membres de
Un
jour, il sera dit que ceux que l’on a montrés du doigt comme
désobéissants, et qualifiés de
« mutins », par leur saine réaction et
intelligente patience, étaient bien les vrais fils de Mgr Lefebvre,
qu’ils en avaient su garder l’esprit : à savoir le
véritable esprit sacerdotal.
Comme
le dit très hardiment M l’abbé Philippe Laguérie
à nos autorités : « corrigez donc ces trois
points, parlez nettement sur ces trois points,
et vous referez l’unité de tous, tous heureux de se retrouver dans
la même maison : celle de notre vénéré et
aimé fondateur ».
« Si l’œuvre de Monseigneur Lefebvre, institut de
clercs séculiers de vie commune, sans vœu, reste ce pourquoi nous
l’avons tant aimée et servie de toutes nos forces, demeure selon
sa fondation, alors la réconciliation se fera tôt ou tard dans la
joie ».
Je remercie vivement M.
l’Abbé Philippe Laguérie de ce texte clairvoyant et
courageux.
MASCARET
MAI 2005
EDITO
– Abbé Philippe Laguérie
Objections, votre
honneur !
En
situation de malaise et de crise, il nous faut revenir aux principes et mettre en
lumière les enjeux doctrinaux qui l’éclairent et
l’expliquent. Or, trois éléments sont apparus
récemment dans les communications officielles de
1-
Le supérieur général de
On
apprend dans la lettre de Monsieur l’abbé de
Nous
avons toujours reconnu d’ailleurs le légitime pouvoir des
supérieurs de
2-
Les signes de la vocation sont-ils « organiques » ?
La
conférence de Monsieur l’abbé de Jorna donnée
à St-Nicolas du Chardonnet le 28 avril 2005 devant les prêtres du
District est, elle aussi, des plus éclairantes. Invité par le
district à exposer les raisons qui justifieraient le peu de vocation et
leur faible persévérance (on le reconnaît enfin !), le
supérieur d’Ecône s’est livré à une
série d’explications philosophiques des plus surprenantes.
Quoiqu’il se défende globalement de l’accusation de
déterminisme, l’inaptitude de tous ces jeunes à la vertu
nécessaire au sacerdoce viendrait d’après lui de leurs
« dispositions organiques », dispositions
« stables, déterminées, liées à la
matière », dispositions
« déterminantes » reçues « par
transmission des organes par les parents ». Cette
« inertie qui vient de la matière » est encore
augmentée par un certain milieu, l’hérédité
(toujours ces fichus parents !), le milieu de vie, la
« consuétude » de la famille. C’est un
« état de l’homme et non son activité,
caractérisé par l’inertie, constituant l’individu
dans sa manière d’être habituelle, habitudes stables,
enracinées dans l’individu, non rationnelles :
l’individu sera dominé », etc. On croirait presque
entendre du d’Holbach, Helvétius ou encore Schopenhauer !
Et
quand le directeur d’Ecône se demande, in fine, si tout cela est une incapacité à la vertu,
croyez-vous qu’il va enfin aborder la grâce sanctifiante, la gratia sanans (qui guérit), la gratia elevans (qui
élève), la puissance de Jésus-Christ (en laquelle
l’Apôtre se vantait de pouvoir tout), l’Evangile, la
prière, les sacrements, les dons du Saint Esprit,
J’ignore
tout à fait quelles étaient les dispositions organiques de
Zebédée, de Marie de Salomé, de Cléophas… et
je crois bien que le Seigneur aussi s’en moquait. Leurs enfants ont
converti le monde parce qu’ils ont croisé un jour Jésus de
Nazareth, le Fils de Dieu, qui les a choisis « pour qu’ils
portent du fruit et que leurs fruits demeurent ». On a
prétendu que j’avais attaqué le directeur d’Ecône
(trop facile !), que j’avais reconnu mes torts sur la question du traitement
des vocations au séminaire (où ça et quand ?), que ce
n’était qu’un prétexte (alors pourquoi mon
exclusion ?), qu’il n’y avait aucune difficulté
à Ecône alors qu’on tente aujourd’hui de les expliquer
par les mauvaises « dispositions organiques » des
candidats. aujourd’hui… J’ai toujours apprécié
l’abbé de Jorna (10 ans de ministère en commun à
Paris), pour sa générosité, sa gaieté et même
sa grande indulgence pour les fidèles, eh oui. Je lui garde tout mon
respect et mon estime. Lui-même reconnaît dans sa conférence
la nécessité qu’un stage réaliste de terrain, en
paroisse ou en mission, sera nécessaire pour former les futurs
prêtres… Il est grand temps qu’il retrouve lui-même le
contact des fidèles dans un ministère paroissial et donc
réaliste. Car après cette conférence j’ai bien envie
de dire comme Boileau au grand Corneille :
« J’ai vu
l’Agésilas, hélas,
Mais après l’Attila,
holà ».
3-
Quel est ce « pouvoir dominatif » ?
Enfin,
la dernière nouveauté, plus grave à mon sens. Il se peut
qu’elle explique le malaise que tous ressentent plus ou moins depuis
plusieurs années et qu’elle préside à d’autres
écarts : c’est l’introduction subreptice du
« pouvoir dominatif » dans
C’est
avec beaucoup de respect, mais autant de force que je m’interroge sur
cette affirmation. Depuis des années, je pressentais cette doctrine
comme celle-là même qui présidait au mode de gouvernement
d’un bon nombre de supérieurs. Mais enfin, je pouvais me tromper
et chercher faussement une cause rationnelle là où il n’y
en avait pas. A présent que cela est écrit, et en justification
de toutes les décisions de cette année que chacun peut juger
à leurs fruits, je comprends parfaitement le malentendu persistant qui a
engendré toute cette crise. Cela devait arriver, parce que les causes
produisent leurs effets, tout simplement.
Je
rassure les fidèles qui croient d’emblée à une
querelle byzantine et absconse sur le sexe des anges. Pas du tout. Je les crois
très à même, surtout les parents, et pour cause, de la
comprendre mieux que nous. Je vais donc essayer d’être clair,
tirant ces doctrines de nos cours du séminaire tels que le très
regretté chanoine Berthod (directeur à l’époque)
nous les enseignait.
a-
L’autorité en général est ordonnée au bien
commun.
Le
pouvoir général de gouverner une société
échoit à son chef (peu importe ici son mode de désignation) en raison du Bien
commun qu’il est chargé de promouvoir. L’autorité
qu’il détient est le pouvoir, toujours par Dieu donné, de
juger du bien commun de cette société, de le réaliser
(l’autorité est la cause efficiente de la société).
St Thomas est formel : un ordre, une loi même qui s’opposerait
au bien commun n’a aucune force ni légitimité (Sum. IIa IIae q104 a5). Toutes les sociétés, sans exception,
fonctionnent ainsi. Comme le note très justement Monseigneur Fellay, la
juridiction dans l’Eglise n’échappe pas à la
règle : elle est pour le bien commun de l’Eglise, avant
même de concerner chaque âme en particulier.
L’autorité de Monseigneur Lefebvre, comme celle de ses successeurs
légitimes, la possibilité pour eux de gouverner les leurs avec
l’autorité de Dieu, comme d’ailleurs celle de contester les
déviances conciliaires (comme contraires au bien commun de
l’Eglise), tout cela est admis par nous tous et respecté.
b-
Le pouvoir dominatif est ordonné au bien
privé du sujet
Mais
le « pouvoir dominatif » est tout autre,
réellement distinct, même s’il peut coexister avec
l’autre. Comme son nom l’indique, il est, dans le droit romain, le
pouvoir du Dominus (maître,
seigneur) sur ses inférieurs (enfants, esclaves et… femmes). Notre
vieux professeur était formel, il n’en existe que deux exemples
actuels : celui des parents sur leurs enfants, et celui des
supérieurs religieux sur leurs sujets (uniquement dans le cadre d’une
règle définie, disait le chanoine Berthod, sous peine de
complète immoralité !).
Donnons
précisément ses caractéristiques :
-
son objet formel
n’est pas le bien commun de la société, mais le bien
privé du sujet
-
lequel sujet
n’a évidemment pas, dès lors, à considérer le
bien fondé de l’ordre qu’on lui donne puisqu’il le
trouve dans l’obéissance même qui le perfectionne.
Autrement
dit, dans le pouvoir dominatif, c’est
l’intelligence même du supérieur qui tient lieu de
l’intelligence de l’inférieur, qui est sa règle. Ce
que vont parfaitement illustrer ces deux exemples connus :
·
Les enfants
Parce
que les enfants n’ont pas encore l’intelligence et la prudence de
l’adulte, ils sont soumis de droit naturel au pouvoir dominatif de leurs
parents. C’est la formidable autorité des papas et des mamans, la
plus proche de celle de Dieu qui, soit dit en passant, a ce pouvoir sur tous.
Notons tout de suite que ce pouvoir, total à la naissance,
décroît lentement et sûrement jusqu’à la
majorité. Il décroît au fur et à mesure que
l’intelligence de l’enfant prend le relais de celle de ses parents.
Il finit par disparaître avec la totale maturité. Mais à un
petit qui ne peut comprendre on impose les choses, fortement au besoin.
S’il joue (à deux ans) avec les lames de rasoir de son
père, ou le couteau effilé de cuisine de maman, les prises de
courant pour y mettre les doigts, le revolver chargé de son père
gendarme… ; s’il ne veut rien manger, s’il ne veut pas
se laver, s’il est grossier, insolent, paresseux, impie, on ne lui donne
pas les raisons de toutes ces exigences, on les lui impose vite et
vigoureusement. Il comprendra plus tard. On lui choisit son école, ses
amis, sa paroisse… et c’est parfaitement légitime, à
raison du bien privé de ce petit, pour qu’il devienne grand.
·
Le cas des
religieux (et des seuls religieux)
Pour sa seule sanctification personnelle, un adulte
peut faire l’offrande à Dieu de sa volonté en
émettant le vœu d’obéissance. C’est parfaitement
moral (et d’ailleurs héroïque !) parce que c’est
lui qui le décide librement, (en cela son intelligence, qui engage toute
la suite reste la règle de ses actions sans quoi ce serait immoral) et
parce que c’est dans le cadre stricte d’une règle en dehors
de laquelle le supérieur n’a aucun pouvoir dominatif. Les religieux
qui ont cru obéir aux divagations conciliaires, évidemment hors
règle, n’avaient rien compris. Merveilleuse invention de
l’Evangile et de l’Eglise pour gagner plus sûrement le
paradis, ce « pouvoir dominatif » là devient
totalement immoral, on le comprend vite, en dehors de ces cas précis.
Qu’un supérieur puisse, un beau matin, le revendiquer sur des
clercs séculiers (ou toute autre personne d’ailleurs, à l’exception de ceux dont il aurait la charge
et qui en auraient émis le vœu) est simplement stupéfiant.
Ce doit être, je pense, une erreur, je ne vois que cette solution.
Malheureusement, tout se passe depuis des années comme si ce n’en
était pas une, hélas.
Il
est légitime de s’inquiéter. Mais on comprend les
difficultés internes à
Conclusion
Que
l’on cesse de nous dire que la partie pénale du droit canon qui
régit
Or,
si la finalité du gouvernement n’est plus le bien commun conforme
à l’article 2 des statuts, c’est-à-dire
l’apostolat sacerdotal et la bonne organisation de la mission en vue du
salut des âmes, mais devient le bien privé des membres, si elle
continue sa réduction à l’état religieux… Dieu
y pourvoit, certes, mais alors la société tout entière
souffre nécessairement, jusqu’à connaître un malaise
généralisé.
Attendons
et prions. Si l’œuvre de Monseigneur Lefebvre, institut de clercs
séculiers de vie commune, sans vœu, reste ce pourquoi nous
l’avons tant aimée et servie de toutes nos forces, demeure selon
sa fondation, alors la réconciliation se fera tôt ou tard dans la
joie.