politique et religieux
au 26 septembre 2008
N° 184
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Le voyage du Pape en
France.
B- Lourdes.
Dans le numéro précédent du « Regard sur le
monde », le numéro 183, nous avons donné tous les discours que le Pape
Benoît XVI prononça à Paris, lors de son récent voyage en France. Dans ce
numéro, nous donnons tous lers discours et homélies qu’il prononça à Lourdes.
1- Samedi 13 septembre
2008
Discours de Benoît XVI à
la fin de la procession aux flambeaux, à Lourdes
Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours
que le pape Benoît XVI a prononcé le samedi soir, au terme de la procession aux
flambeaux, sur l'esplanade du Rosaire, à Lourdes.
Cher Monseigneur Perrier, Évêque de Tarbes et Lourdes,
Chers Frères dans l'Épiscopat et le Sacerdoce,
Chers Pèlerins, Chers Frères et Soeurs,
Il y a cent cinquante ans, le 11 février 1858, en ce
lieu-dit La grotte de Massabielle, à l'écart de la ville, une simple
jeune fille de Lourdes, Bernadette Soubirous, a vu une lumière et, dans cette
lumière, une jeune dame « belle, belle plus que tout ». Cette dame s'est
adressée à elle avec bonté et douceur, avec respect et confiance : « Elle me
disait vous (raconte Bernadette)... Voulez-vous me faire la grâce de
venir ici pendant quinze jours ? (lui demande-t-elle)... Elle me
regardait comme une personne qui parle à une autre personne ». C'est dans
cette conversation, dans ce dialogue tout empreint de délicatesse, que
Regardons à notre tour cette « Femme ayant le soleil pour
manteau » que nous montre l'Écriture (Ap 12,1).
De nombreuses personnes en ont témoigné : la rencontre avec
le visage lumineux de Bernadette bouleversait les coeurs et les regards. Que ce
soit pendant les apparitions elles-mêmes ou lorsqu' elle les racontait : son
visage était alors tout rayonnant. Bernadette était désormais habitée par la
lumière de Massabielle. La vie quotidienne de la famille Soubirous était
pourtant faite de misère et de tristesse, de maladie et d'incompréhension, de
rejet et de pauvreté. Même s'il ne manquait pas d'amour et de chaleur dans les
relations familiales, il était difficile de vivre au cachot. Cependant, les
ombres de la terre n'ont pas empêché la lumière du ciel de briller. « La
lumière brille dans les ténèbres ... » (Jn 1, 5).
Lourdes est l'un de ces lieux que Dieu a choisi pour y
faire refléter un éclat particulier de sa beauté, d'où l'importance ici du
symbole de la lumière. Dès la quatrième apparition, Bernadette, en arrivant à
la grotte, allumait chaque matin un cierge bénit et le tenait dans sa main
gauche, tant que
En venant en pèlerinage, ici, à Lourdes, nous voulons
entrer, à la suite de Bernadette, dans cette extraordinaire proximité entre le
ciel et la terre qui ne s'est jamais démentie et qui ne cesse de se consolider.
Au cours des apparitions, il est à remarquer que Bernadette prie le chapelet
sous les yeux de Marie qui se joint à elle pour la doxologie. Ce fait confirme
le caractère profondément théocentrique de la prière du chapelet. Alors que
nous prions le chapelet, Marie nous offre son coeur et son regard pour
contempler la vie de son Fils, le Christ-Jésus. Mon vénéré prédécesseur
Jean-Paul II est venu à deux reprises, ici, à Lourdes. Dans sa vie et dans son
ministère, nous savons combien sa prière s'appuyait sur l'intercession de
Par la bouche de Bernadette, nous entendons
Marie nous apprend à prier, à faire de notre prière un
acte d'amour pour Dieu et de charité fraternelle. En priant avec Marie, notre
coeur accueille ceux qui souffrent. Comment notre vie ne peut-elle pas ensuite
en être transformée ? Pourquoi notre être et notre vie tout entière ne
deviendraient-ils pas des lieux d'hospitalité pour nos prochains ? Lourdes est
un lieu de lumière parce que c'est un lieu de communion, d'espérance et de
conversion.
À la tombée de cette nuit, Jésus nous dit : « Gardez
vos lampes allumées » (Lc 12, 35) ; lampe de la foi, lampe de la
prière, lampe de l'espérance et de l'amour ! Cet acte de marcher dans la nuit,
en portant la lumière, parle fort au plus intime de nous-mêmes, touche notre
coeur et dit bien plus que tout autre parole prononcée ou entendue. Ce geste
résume à lui seul notre condition de chrétiens en chemin : à la fois, nous
avons besoin de lumière et nous sommes appelés à devenir lumière. Le péché nous
rend aveugles, il nous empêche de nous proposer comme guides pour nos frères,
et il nous amène à nous méfier d'eux pour nous laisser conduire. Nous avons
besoin d'être éclairés et nous répétons la supplication de l'aveugle Bartimée :
« Maître, fais que je voie ! » (Mc 10, 51). Fais que je voie mon
péché qui m'entrave, mais surtout, Seigneur, fais que je voie ta gloire ! Nous
le savons : notre prière a déjà été exaucée et nous rendons grâce car, comme le
dit saint Paul dans sa Lettre aux Éphésiens : « le Christ t'illuminera »
(Ep 5, 14), et saint Pierre ajoute : « il vous a appelés des ténèbres
à son admirable lumière » (1 P 2, 9).
À nous qui ne sommes pas la lumière, le Christ peut
désormais dire : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 14), nous
confiant le soin de faire resplendir la lumière de la charité. Comme l'écrit
l'Apôtre saint Jean : « Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et
il n'y a en lui aucune occasion de chute » (1 Jn 2, 10). Vivre
l'amour chrétien, c'est tout à la fois faire entrer la lumière de Dieu dans le
monde et en indiquer la véritable source. Saint Léon le Grand l'écrit : « Quiconque,
en effet, vit pieusement et chastement dans l'Église, qui songe aux choses d'en
haut, non à celles de la terre (cf. Co 3, 2), est d'une certaine
façon semblable à la lumière céleste ; tant qu'il observe lui-même l'éclat
d'une sainte vie, il montre à beaucoup, comme une étoile, la voie qui mène à
Dieu » (Sermon III, 5).
En ce sanctuaire de Lourdes vers lequel les chrétiens du
monde entier ont les yeux tournés depuis que
Demain, la célébration de l'exaltation de
Annoncée dans les Chants du Serviteur de Dieu, la mort de
Jésus est une mort qui devient lumière pour les peuples ; c'est une mort qui,
en lien avec la liturgie d'expiation, apporte la réconciliation, mort qui
marque la fin de la mort. Dès lors,
Les apparitions étaient entourées de lumière et Dieu a
voulu allumer dans le regard de Bernadette une flamme qui a converti
d'innombrables coeurs. Combien de personnes viennent ici pour voir, espérant
peut-être secrètement bénéficier de quelque miracle ; puis, sur la route du
retour, ayant fait une expérience spirituelle d'une vie en Église, elles
changent leur regard sur Dieu, sur les autres et sur elles-mêmes. Une petite
flamme nommée espérance, compassion, tendresse les habite. La rencontre
discrète avec Bernadette et
Amen !
2- Dimanche 14 septembre
2008
Mgr Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes, accueille
Benoît XVI. Voici son allocution prononcée au début de la messe de dimanche,
sur la prairie, à l'occasion du 150e anniversaire des apparitions de
Très Saint Père,
Le 15 août dernier, à l'Angelus, vous déclariez : « En ce
moment, je pense spécialement à cette singulière citadelle mondiale de la vie
et de l'espérance qu'est Lourdes. » La ville de Lourdes, depuis mille ans et
plus, est dominée par une citadelle de pierre.
Mais la vraie citadelle de Lourdes, c'est une source
toujours pure, toujours fraîche, toujours lumineuse. Elle coule depuis 150 ans
dans la grotte de Massabielle et elle n'est pas près de tarir. Elle est signe
de vie et d'espérance, selon vos propres paroles. En cette année jubilaire, 10
millions de pèlerins, venus de tous les pays du monde, ont pensé comme vous.
Ils sont passés par Lourdes pour chercher des raisons de vivre et d'espérer.
Ils sont venus à la source d'eau vive.
Le 15 août, après avoir déclaré Lourdes citadelle
mondiale de la vie et de l'espérance, vous poursuiviez : « ...Lourdes où, s'il
plaît à Dieu, je me rendrai dans un mois. » Heureusement, il a plu à Dieu que
vous soyez là et vous êtes là. Soyez le bienvenu !
« Bienvenu » : tous les pèlerins, tous ceux qui passent
par Lourdes sont les bienvenus. Votre présence mérite plus qu'un souhait de
bienvenue. Elle est une bénédiction qu'il nous faut accueillir.
Une fois dans ma vie, j'ai reçu un don de prédiction.
C'était le 19 avril 2005. Les radios venaient d'annoncer qu'un pape était élu.
J'ai ouvert la télévision pour savoir qui aurait la tâche redoutable de
succéder au très aimé pape Jean-Paul II. Tout en attendant, je me surpris à
dire à quelqu'un qui se trouvait près de moi : « J'espère qu'il prendra le nom
de Benoît. »
Je ne pensais pas alors à saint Benoît. Je ne pensais pas
non plus à Benoît XV, calomnié quand il voulut être artisan de paix durant la
première guerre mondiale. En disant « j'espère qu'il prendra le nom de Benoît
», je pensais à notre monde. Il arrive à notre monde de se croire maudit, car
il s'aperçoit que ses merveilleuses découvertes peuvent se retourner contre
lui. Plus souvent encore, il se croit oublié, errant sans but sous un ciel vide
et muet. Dans ce monde en dépression de sens, la mission de l'Eglise est de
dire au monde qu'il est aimé et que, malgré ses blessures, il est béni. Le
signe suprême de cette bénédiction, c'est
Elle surmonte notre assemblée parce qu'elle est le signe
commun à tous les chrétiens. Elle est présente sur l'autel pour l'Eucharistie
qui fait mémoire de l'amour infini du Christ. Elle est là, au pied de cette
estrade, en pleine assemblée, la croix des Journées Mondiales de
Par le nom que vous avez choisi, Très Saint-Père, vous
démentez les prophètes de malheur. Ce monde n'est pas perdu. Il est sauvé.
Soyez béni, Saint-Père, dans votre ministère ! Que vos années au service de
l'Eglise, comme témoin de l'Evangile, soient pour le monde, de la part de Dieu,
un signe de bénédiction ! Ici à Lourdes, nous confierons sans relâche cette
intention à Marie, la nouvelle Eve, l'Immaculée Conception, celle qui est bénie
entre toutes les femmes.
+ Jacques PERRIER
Homélie de Benoît XVI à
Lourdes, le dimanche 14 septembre 2008
Voici l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au
cours de la messe qu'il a célébrée ce dimanche matin, 14 septembre 2008, à Lourdes, sur la prairie.
Messieurs les Cardinaux, Cher Monseigneur Perrier,
Chers Frères dans l'Épiscopat et le Sacerdoce,
Chers pèlerins, frères et soeurs,
« Allez dire aux prêtres qu'on vienne ici en
procession et qu'on y bâtisse une chapelle ».
C'est le message qu'en ces lieux Bernadette a reçu de la
« belle Dame » qui lui apparut le 2 mars 1858. Depuis 150 ans, les
pèlerins n'ont jamais cessé de venir à la grotte de Massabielle pour entendre
le message de conversion et d'espérance qui leur est adressé. Et nous aussi,
nous voici ce matin aux pieds de Marie,
Je remercie particulièrement Mgr Jacques Perrier, Évêque
de Tarbes et Lourdes, pour l'accueil chaleureux qu'il m'a réservé et pour les
paroles aimables qu'il m'a adressées. Je salue les Cardinaux, les Évêques, les
prêtres, les diacres, les religieux et les religieuses, ainsi que vous tous,
chers pèlerins de Lourdes, en particulier les malades. Vous êtes venus en grand
nombre accomplir ce pèlerinage jubilaire avec moi et confier vos familles, vos
proches et vos amis, et toutes vos intentions à Notre Dame. Ma gratitude va
aussi aux Autorités civiles et militaires qui ont voulu être présentes à cette
célébration eucharistique.
« Quelle grande chose que de posséder
C'est ce grand mystère que Marie nous confie aussi ce
matin en nous invitant à nous tourner vers son Fils. En effet, il est
significatif que, lors de la première apparition à Bernadette, c'est par le
signe de
L'Église a reçu la mission de montrer à tous ce visage
aimant de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Saurons-nous comprendre que dans le
Crucifié du Golgotha c'est notre dignité d'enfants de Dieu, ternie par le
péché, qui nous est rendue ? Tournons nos regards vers le Christ. C'est Lui qui
nous rendra libres pour aimer comme il nous aime et pour construire un monde
réconcilié. Car, sur cette Croix, Jésus a pris sur lui le poids de toutes les
souffrances et des injustices de notre humanité. Il a porté les humiliations et
les discriminations, les tortures subies en de nombreuses régions du monde par
tant de nos frères et de nos soeurs par amour du Christ. Nous les confions à
Marie, mère de Jésus et notre mère, présente au pied de
Pour accueillir dans nos vies cette Croix glorieuse, la
célébration du jubilé des apparitions de Notre-Dame à Lourdes nous fait entrer
dans une démarche de foi et de conversion. Aujourd'hui, Marie vient à notre
rencontre pour nous indiquer les voies d'un renouveau de la vie de nos
communautés et de chacun de nous. En accueillant son Fils, qu'elle nous
présente, nous sommes plongés dans une source vive où la foi peut retrouver une
vigueur nouvelle, où l'Église peut se fortifier pour proclamer avec toujours
plus d'audace le mystère du Christ. Jésus, né de Marie, est le Fils de Dieu,
l'unique Sauveur de tous les hommes, vivant et agissant dans son Église et dans
le monde. L'Église est envoyée partout dans le monde pour proclamer cet unique
message et inviter les hommes à l'accueillir par une authentique conversion du
coeur. Cette mission, qui a été confiée par Jésus à ses disciples, reçoit ici,
à l'occasion de ce jubilé, un souffle nouveau. Qu'à la suite des grands
évangélisateurs de votre pays, l'esprit missionnaire qui a animé tant d'hommes
et de femmes de France, au cours des siècles, soit encore votre fierté et votre
engagement !
En suivant le parcours jubilaire sur les pas de
Bernadette, l'essentiel du message de Lourdes nous est rappelé. Bernadette est
l'aînée d'une famille très pauvre, qui ne possède ni savoir ni pouvoir, faible
de santé. Marie l'a choisie pour transmettre son message de conversion, de
prière et de pénitence, conformément à la parole de Jésus : « Ce que tu as
caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits » (Mt 11,
25). Dans leur cheminement spirituel, les chrétiens sont appelés eux aussi à
faire fructifier la grâce de leur Baptême, à se nourrir de l'Eucharistie, à
puiser dans la prière la force pour témoigner et être solidaires avec tous
leurs frères en humanité (cf. Hommage à
En poursuivant sa catéchèse, la « belle Dame »
révèle son nom à Bernadette : « Je suis l'Immaculée Conception ». Marie
lui dévoile ainsi la grâce extraordinaire qu'elle a reçue de Dieu, celle
d'avoir été conçue sans péché, car « il s'est penché sur son humble servante
» (cf. Lc 1, 48). Marie est cette femme de notre terre qui s'est
remise entièrement à Dieu et qui a reçu le privilège de donner la vie humaine à
son Fils éternel. « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe en moi
selon ta parole » (Lc 1, 38). Elle est la beauté transfigurée,
l'image de l'humanité nouvelle. En se présentant ainsi dans une totale
dépendance de Dieu, Marie exprime en réalité une attitude de pleine liberté,
fondée sur l'entière reconnaissance de sa véritable dignité. Ce privilège nous
concerne nous aussi, car il nous dévoile notre propre dignité d'hommes et de
femmes, marqués certes par le péché, mais sauvés dans l'espérance, une
espérance qui nous permet d'affronter notre vie quotidienne. C'est la route que
Marie ouvre aussi à l'homme. S'en remettre pleinement à Dieu, c'est trouver le
chemin de la liberté véritable. Car, en se tournant vers Dieu, l'homme devient
lui-même. Il retrouve sa vocation originelle de personne créée à son image et à
sa ressemblance.
Chers Frères et Soeurs, la vocation première du
sanctuaire de Lourdes est d'être un lieu de rencontre avec Dieu dans la prière,
et un lieu de service des frères, notamment par l'accueil des malades, des
pauvres et de toutes les personnes qui souffrent. En ce lieu, Marie vient à
nous comme la mère, toujours disponible aux besoins de ses enfants. À travers
la lumière qui émane de son visage, c'est la miséricorde de Dieu qui
transparaît. Laissons-nous toucher par son regard qui nous dit que nous sommes
tous aimés de Dieu et jamais abandonnés par Lui ! Marie vient nous rappeler ici
que la prière, intense et humble, confiante et persévérante, doit avoir une
place centrale dans notre vie chrétienne. La prière est indispensable pour
accueillir la force du Christ. « Celui qui prie ne perd pas son temps, même
si la situation apparaît réellement urgente et semble pousser uniquement à
l'action » (Deus caritas est, n. 36). Se laisser absorber par
les activités risque de faire perdre à la prière sa spécificité chrétienne et
sa véritable efficacité. La prière du Rosaire, si chère à Bernadette et aux
pèlerins de Lourdes, concentre en elle la profondeur du message évangélique.
Elle nous introduit à la contemplation du visage du Christ. Dans cette prière
des humbles, nous pouvons puiser d'abondantes grâces.
La présence des jeunes à Lourdes est aussi une réalité
importante. Chers amis, ici présents ce matin, réunis autour de la croix de
Le message de Marie est un message d'espérance pour tous
les hommes et pour toutes les femmes de notre temps, de quelque pays qu'ils
soient. J'aime à invoquer Marie comme étoile de l'espérance (Spe
salvi, n. 50). Sur les chemins de nos vies, si souvent sombres, elle est
une lumière d'espérance qui nous éclaire et nous oriente dans notre marche. Par
son oui, par le don généreux d'elle-même, elle a ouvert à Dieu les portes de
notre monde et de notre histoire. Et elle nous invite à vivre comme elle dans
une espérance invincible, refusant d'entendre ceux qui prétendent que nous
sommes enfermés dans la fatalité. Elle nous accompagne de sa présence
maternelle au milieu des événements de la vie des personnes, des familles et
des nations. Heureux les hommes et les femmes qui mettent leur confiance en
Celui qui, au moment d'offrir sa vie pour notre salut, nous a donné sa Mère
pour qu'elle soit notre Mère !
Chers Frères et Soeurs, sur cette terre de France,
Angélus du dimanche 14
septembre (depuis Lourdes)
Voici le texte intégral de la méditation que le pape
Benoît XVI a prononcée ce dimanche, avant la prière de l'Angélus, à l'issue de
la messe qu'il a célébrée sur la prairie des sanctuaires, à Lourdes, en
présence d'environ 190.000 pèlerins.
Chers Pèlerins, Chers
frères et soeurs !
Chaque jour, la
prière de l'Angelus nous offre la possibilité de méditer quelques
instants, au plein milieu de nos activités, sur le mystère de l'Incarnation du
Fils de Dieu. A midi, alors que les premières heures du jour commencent déjà à
faire peser sur nous leur poids de fatigue, notre disponibilité et notre
générosité sont renouvelées par la contemplation du ‘oui' de Marie. Ce ‘oui'
limpide et sans réserve s'enracine dans le mystère de la liberté de Marie,
liberté pleine et entière devant Dieu, dégagée de toute complicité avec le
péché, grâce au privilège de son Immaculée Conception.
Ce privilège concédé
à Marie, qui la distingue de notre condition commune, ne l'éloigne pas, mais au
contraire la rapproche de nous. Alors que le péché divise, nous éloigne les uns
des autres, la pureté de Marie la rend infiniment proche de nos coeurs,
attentive à chacun de nous et désireuse de notre vrai bien. Vous le voyez ici à
Lourdes, comme dans tous les sanctuaires mariaux, des foules immenses accourent
aux pieds de Marie pour lui confier ce que chacun a de plus intime, ce qui lui
tient particulièrement à coeur. Ce que, par gêne ou par pudeur, beaucoup
n'osent parfois pas confier même à leurs proches, ils le confient à Celle qui
est la toute pure, à son Coeur immaculé : avec simplicité, sans fard, en
vérité. Devant Marie, en vertu même de sa pureté, l'homme n'hésite pas à se
montrer dans sa faiblesse, à livrer ses questions et ses doutes, à formuler ses
espérances et ses désirs les plus secrets. L'amour maternel de
Marie nous montre
ainsi la juste manière d'avancer vers le Seigneur. Elle nous apprend à nous
approcher de lui dans la vérité et la simplicité. Grâce à elle, nous découvrons
que la foi chrétienne n'est pas un poids, mais elle est comme une aile qui nous
permet de voler plus haut pour nous réfugier entre les bras de Dieu.
La vie et la foi du
peuple des croyants manifestent que la grâce de l'Immaculée Conception faite à
Marie n'est pas seulement une grâce personnelle, mais elle est pour tous. Elle
est une grâce faite au peuple de Dieu tout entier. En Marie, l'Église peut déjà
contempler ce qu'elle est appelée à devenir. Chaque croyant peut dès à présent
contempler l'accomplissement parfait de sa propre vocation. Puisse chacun de
nous demeurer toujours dans l'action de grâce pour ce que le Seigneur a voulu
révéler de son plan de salut à travers le mystère de Marie. Mystère dans lequel
nous sommes impliqués de la plus belle des manières, puisque du haut de
Ici, tout près de la
grotte, et en communion particulière avec tous les pèlerins présents dans les
sanctuaires mariaux et avec tous les malades de corps et d'âme qui cherchent
réconfort, nous bénissons le Seigneur pour la présence de Marie au milieu de
son peuple et nous adressons avec foi notre prière : « Sainte Marie, toi qui
t'es montrée ici, il y a cent cinquante ans, à la jeune Bernadette, tu `es
la vraie fontaine d'espérance' (Dante, Le Paradis, XXXIII,12).
Pèlerins confiants,
nous venons, de tous les horizons, encore une fois puiser la foi et le
réconfort, la joie et l'amour, la sécurité et la paix, à la source de ton Coeur
immaculé. ‘Monstra Te esse Matrem'. Montre-toi comme une Mère pour tous,
e du monde ! Amen ».
Puis le pape a
salué les pèlerins en différentes langues. Voici ce qu'il a dit en
français :
Je salue enfin tous
les pèlerins francophones présents ce matin. Je vous remercie d'accompagner le
successeur de Pierre dans son pèlerinage sur les pas de Bernadette. Que le
Seigneur creuse toujours en chacun le désir profond de le chercher et d'aller à
sa rencontre. Que Dieu bénisse tous ceux que vous aimez
Méditation de Benoît XVI à
la fin de la procession eucharistique
Nous publions ci-dessous la méditation que le pape Benoît
XVI a prononcée le dimanche 14 septembre, en fin d'après-midi, au terme de la
procession eucharistique, à Lourdes.
Seigneur Jésus, tu es là !
Et vous, mes frères, mes soeurs, mes amis,
Vous êtes là, avec moi, devant Lui !
Seigneur, voici deux mille ans, tu as accepté de monter
sur une Croix d'infamie pour ensuite ressusciter et demeurer à jamais avec nous
(...) tes frères, tes soeurs !
Et vous, mes frères, mes soeurs, mes amis,
Vous acceptez de vous laisser saisir par Lui.
Nous Le contemplons.
Nous L'adorons.
Nous L'aimons. Nous cherchons à L'aimer davantage.
Nous contemplons Celui qui, au cours de son repas pascal,
a donné son Corps et son Sang à ses disciples, pour être avec eux « tous les
jours, jusqu'à la fin du monde » (Mt 28, 20).
Nous adorons Celui qui est au principe et au terme de
notre foi, Celui sans qui nous ne serions pas là ce soir, Celui sans qui nous
ne serions pas du tout, Celui sans qui rien ne serait, rien, absolument rien !
Lui, par qui « tout a été fait » (Jn 1, 3), Lui en qui
nous avons été créés, pour l'éternité, Lui qui nous a donné son propre Corps et
son propre Sang, Il est là, ce soir, devant nous, offert à nos regards.
Nous aimons - et nous cherchons à aimer davantage - Celui
qui est là, devant nous, offert à nos regards, à nos questions peut-être, à
notre amour.
Que nous marchions - ou que nous soyons cloués sur un lit
de souffrance, que nous marchions dans la joie - ou que nous soyons dans le
désert de l'âme (cf. Nb 21, 5), Seigneur, prends-nous tous dans ton
Amour : dans l'Amour infini, qui est éternellement Celui du Père pour le Fils
et du Fils pour le Père, celui du Père et du Fils pour l'Esprit, et de l'Esprit
pour le Père et pour le Fils.
L'Hostie Sainte exposée à nos yeux dit cette Puissance
infinie de l'Amour manifestée sur
Mes frères, mes soeurs, mes amis,
Acceptons, acceptez de vous offrir à Celui qui nous a
tout donné, qui est venu non pour juger le monde, mais pour le sauver (cf. Jn
3, 17), acceptez de reconnaître la présence agissante en vos vies de Celui
qui est ici présent, exposé à nos regards. Acceptez de Lui offrir vos propres
vies!
Marie,
Marie,
Vierge sainte, aidez-nous à contempler, aidez-nous à
adorer, aidez-nous à aimer, à aimer davantage Celui qui nous a tant aimés, pour
vivre éternellement avec Lui.
Une foule immense de témoins est invisiblement présente à
nos côtés, tout près de cette grotte bénie et devant cette église voulue par
Ce soir, nous ne les voyons pas, mais nous les entendons
qui nous disent, à chacun et à chacune d'entre nous : « Viens, laisse-toi
appeler par le Maître ! Il est là ! Il t'appelle (cf. Jn 11, 28) ! Il
veut prendre ta vie et l'unir à la sienne. Laisse-toi saisir par Lui. Ne
regarde plus tes blessures, regarde les siennes. Ne regarde pas ce qui te
sépare encore de Lui et des autres ; regarde l'infinie distance qu'Il a abolie
en prenant ta chair, en montant sur
t'y cache (...), ne te refuse pas à son Amour ! ».
La foule immense de témoins qui s'est laissée saisir par
son Amour, c'est la foule des saints du ciel qui ne cessent d'intercéder pour
nous. Ils étaient pécheurs et le savaient, mais ils ont accepté de ne pas
regarder leurs blessures et de ne plus regarder que les blessures de leur
Seigneur, pour y découvrir la gloire de
Jésus-Christ passé, dans la vérité historique de la
soirée au cénacle, où nous ramène toute célébration de la sainte Messe.
Jésus-Christ présent, parce qu'il nous dit : « Prenez
et mangez-en tous, ceci est mon corps, ceci est mon sang ». « Ceci EST »,
au présent, ici et maintenant, comme dans tous les ici et maintenant de
l'histoire des hommes. Présence réelle, présence qui dépasse nos pauvres
lèvres, nos pauvres coeurs, nos pauvres pensées. Présence offerte à nos regards
comme ici, ce soir, près de cette grotte où Marie s'est révélée comme l'Immaculée
Conception.
L'Eucharistie est aussi Jésus-Christ futur, Jésus-Christ
à venir. Lorsque nous contemplons l'Hostie Sainte, son Corps de gloire
transfiguré et ressuscité, nous contemplons ce que nous contemplerons dans
l'éternité, en y découvrant le monde entier porté par son Créateur à chaque
seconde de son histoire. Chaque fois que nous Le mangeons, mais aussi chaque
fois que nous Le contemplons, nous L'annonçons, jusqu'à ce qu'Il revienne, « donec
veniat ». C'est pourquoi nous Le recevons avec un infini respect.
Certains parmi nous ne peuvent pas ou ne peuvent pas
encore Le recevoir dans le Sacrement, mais ils peuvent Le contempler avec foi
et amour, et exprimer le désir de pouvoir s'unir à Lui. C'est un désir qui a
une grande valeur aux yeux de Dieu. Ceux-ci attendent son retour avec plus
d'ardeur ; Ils attendent Jésus-Christ à venir.
Lorsqu'une amie de Bernadette lui posa la question le
lendemain de sa première communion : « De quoi as-tu été la plus heureuse :
de la première communion ou des apparitions ? », Et Bernadette répondit : «
Ce sont deux choses qui vont ensemble, mais ne peuvent être comparées - J'ai
été heureuse dans les deux » (Emmanuélite Estrade, 4 juin 1858). Et
son curé témoignait à l'Évêque de Tarbes au sujet de sa première communion : « Bernadette
fut d'un grand recueillement, d'une
attention qui ne laissait rien à désirer ... Elle
apparaissait bien pénétrée de l'action sainte qu'elle faisait. Tout se
développe en elle d'une façon étonnante ».
Avec Pierre-Julien Eymard et avec Bernadette, nous
invoquons le témoignage de tant et tant de saints et de saintes qui ont eu pour
la sainte Eucharistie le plus grand amour. Nicolas Cabasilas s'écrie et nous
dit ce soir : « Si le Christ demeure en nous, de quoi avons-nous besoin ?
Que nous manque-t-il ? Si nous demeurons en Christ, que pouvons-nous désirer de
plus ? Il est notre hôte et notre demeure. Heureux sommes-nous d'être Sa maison
! Quelle joie d'être nous-mêmes la demeure d'un
tel habitant ! » (La vie en Jésus-Christ, IV, 6).
Le bienheureux Charles de Foucauld est né en
« `Mon Père, je remets mon esprit entre Vos mains'.
C'est la dernière prière de notre Maître, de notre
Bien-Aimé... Puisse-t-elle être la nôtre, et qu'elle soit non seulement celle
de notre dernier instant, mais celle de tous nos instants :
Mon Père, je me remets entre vos mains ; mon Père, je
me confie à vous ; mon Père, je m'abandonne à Vous ; mon Père, faites de moi ce
qu'il Vous plaira ; quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie ; merci de
tout ; je suis prêt à tout, j'accepte tout ; je Vous remercie de tout. Pourvu
que Votre volonté se fasse en moi, mon Dieu, pourvu que Votre volonté se fasse
en toutes Vos créatures, en tous Vos enfants, en tous ceux que Votre coeur
aime, je ne désire rien d'autre, mon Dieu ; je remets mon âme entre Vos mains ;
je Vous la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon coeur, parce que je Vous
aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre entre Vos
mains, sans mesure, avec une infinie confiance, car Vous êtes mon Père » (Méditation
sur les Saints Évangiles).
Frères et soeurs bien-aimés, pèlerins d'un jour et
habitants de ces vallées, frères évêques, prêtres, diacres, religieux,
religieuses, vous tous qui voyez devant vous l'infini abaissement du Fils de
Dieu et la gloire infinie de
Discours de Benoît XVI aux
évêques de France réunis à Lourdes
Nous publions
ci-dessous le texte intégral du discours que le pape Benoît XVI a adressé le
dimanche, 14 septembre, en fin d'après-midi, aux évêques de France réunis dans
l'hémicycle Sainte-Bernadette, à Lourdes.
Messieurs les
Cardinaux,
Très chers Frères
dans l'Épiscopat !
C'est la première
fois depuis le début de mon Pontificat que j'ai la joie de vous rencontrer tous
ensemble. Je salue cordialement votre Président, le Cardinal André Vingt-Trois,
et je le remercie des paroles profondes qu'il m'a adressées en votre nom. Je
salue aussi avec plaisir les Vice-Présidents ainsi que le Secrétaire Général et
ses collaborateurs. Je salue chaleureusement chacun de vous, mes Frères dans
l'Épiscopat, qui êtes venus des quatre coins de France et d'Outre-mer. J'inclus
également Mgr François Garnier, Archevêque de Cambrai, qui célèbre aujourd'hui
à Valenciennes le Millénaire de Notre-Dame du Saint-Cordon.
Je me réjouis d'être
parmi vous ce soir dans cet hémicycle « Sainte Bernadette », qui est le lieu
ordinaire de vos prières et de vos rencontres, lieu où vous exposez vos soucis
et vos espérances, et lieu de vos discussions et de vos réflexions. Cette salle
est située à un endroit privilégié près de la grotte et des basiliques
mariales. Certes, les visites ad limina vous font rencontrer
régulièrement le Successeur de Pierre à Rome, mais ce moment, que nous vivons,
nous est donné comme une grâce pour réaffirmer les liens étroits qui nous
unissent dans le partage du même sacerdoce directement issu de celui du Christ
rédempteur. Je vous encourage à continuer à travailler dans l'unité et la
confiance, en pleine communion avec Pierre qui est venu pour raffermir votre
foi. Bien nombreuses, vous l'avez dit, Eminence, sont actuellement vos et nos
préoccupations ! Je sais que vous avez à cœur de travailler dans le nouveau
cadre défini par la réorganisation de la carte des provinces ecclésiastiques,
et je m'en réjouis vivement. Je voudrais profiter de cette occasion pour
réfléchir avec vous sur quelques thèmes que je sais être au centre de votre
attention.
L'Église - Une,
Sainte, Catholique et Apostolique - vous a enfantés par le Baptême. Elle vous a
appelés à son service ; vous lui avez donné votre vie, d'abord comme diacres et
prêtres, puis comme évêques. Je vous exprime toute mon estime pour ce don de
vos personnes : malgré l'ampleur de la tâche, que ne vient pas diminuer
l'honneur qu'elle comporte - honor, onus ! - vous accomplissez avec
fidélité et humilité la triple tâche qui est la vôtre : enseigner, gouverner,
sanctifier suivant
Vous êtes à juste
titre convaincus que, pour faire grandir en chaque baptisé le goût de Dieu et
la compréhension du sens de la vie, la catéchèse est d'une importance
fondamentale. Les deux instruments principaux dont vous disposez, le Catéchisme
de l'Église catholique et le Catéchisme des Évêques de France constituent
de précieux atouts. Ils donnent de la foi catholique une synthèse harmonieuse
et permettent d'annoncer l'Évangile dans une fidélité réelle à sa richesse. La
catéchèse n'est pas d'abord affaire de méthode, mais de contenu, comme
l'indique son nom même : il s'agit d'une saisie organique (kat-echein)
de l'ensemble de la révélation chrétienne, apte à mettre à la disposition des
intelligences et des cœurs
Pour réaliser
efficacement cette tâche, vous avez besoin de collaborateurs. Pour cette raison
les vocations sacerdotales et religieuses méritent plus que jamais d'être
encouragées. J'ai été informé des initiatives qui sont prises avec foi en ce
domaine, et je tiens à apporter tout mon soutien à ceux qui n'ont pas peur, tel
le Christ, d'inviter jeunes ou moins jeunes à se mettre au service du Maître
qui est là et qui appelle (cf. Jn 11, 28). Je voudrais remercier
chaleureusement et encourager toutes les familles, toutes les paroisses, toutes
les communautés chrétiennes et tous les mouvements d'Église qui sont la bonne
terre qui donne le bon fruit (cf. Mt 13, 8) des vocations. Dans ce
contexte, je ne veux pas omettre d'exprimer ma reconnaissance pour les
innombrables prières de vrais disciples du Christ et de son Église. Il y a
parmi eux des prêtres, des religieux et religieuses, des personnes âgées ou des
malades, des prisonniers aussi, qui durant des décennies ont fait monter vers
Dieu leurs supplications pour accomplir le commandement de Jésus : « Priez
donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Mt
9, 38). L'Évêque et les communautés de fidèles doivent, pour ce qui
les concerne, favoriser et accueillir les vocations sacerdotales et
religieuses, en s'appuyant sur la grâce que donne l'Esprit Saint pour opérer le
discernement nécessaire. Oui, très chers Frères dans l'épiscopat, continuez à
appeler au sacerdoce et à la vie religieuse, tout comme Pierre a lancé ses
filets sur l'ordre du Maître, alors qu'il avait passé la nuit à pêcher sans
rien prendre (cf. Lc 5, 5).
On ne dira jamais
assez que le sacerdoce est indispensable à l'Église, dans l'intérêt même du
laïcat. Les prêtres sont un don de Dieu pour l'Église. Les prêtres ne peuvent
déléguer leurs fonctions aux fidèles en ce qui concerne leurs missions propres.
Chers Frères dans l'épiscopat, je vous invite à rester soucieux d'aider vos
prêtres à vivre dans une union intime avec le Christ. Leur vie spirituelle est
le fondement de leur vie apostolique. Vous les exhorterez avec douceur à la
prière quotidienne et à la célébration digne des Sacrements, surtout de
l'Eucharistie et de
Le culte liturgique
est l'expression suprême de la vie sacerdotale et épiscopale, comme aussi de
l'enseignement catéchétique. Votre charge de sanctification du peuple des
fidèles, chers Frères, est indispensable à la croissance de l'Église. J'ai été
amené à préciser, dans le Motu proprio Summorum Pontificum, les
conditions d'exercice de cette charge, en ce qui concerne la possibilité
d'utiliser aussi bien le missel du bienheureux Jean XXIII (1962) que celui du
Pape Paul VI (1970). Des fruits de ces nouvelles dispositions ont déjà vu le
jour, et j'espère que l'indispensable pacification des esprits est, grâce à
Dieu, en train de se faire. Je mesure les difficultés qui sont les vôtres, mais
je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des
solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ
ne se déchire pas davantage. Nul n'est de trop dans l'Église. Chacun, sans
exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui, et jamais rejeté. Dieu qui aime
tous les hommes et ne veut en perdre aucun nous confie cette mission de
Pasteurs, en faisant de nous les Bergers de ses brebis. Nous ne pouvons que Lui
rendre grâce de l'honneur et de la confiance qu'Il nous fait. Efforçons-nous
donc toujours d'être des serviteurs de l'unité !
Quels sont les autres
domaines qui requièrent une plus grande attention ? Les réponses peuvent
différer d'un diocèse à l'autre, mais il y a certainement un problème qui
apparaît partout d'une urgence particulière : c'est la situation de la famille.
Nous savons que le couple et la famille affrontent aujourd'hui de vraies
bourrasques. Les paroles de l'évangéliste à propos de la barque dans la tempête
au milieu du lac peuvent s'appliquer à la famille : « Les vagues se jetaient
sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait » (Mc 4, 37).
Les facteurs qui ont amené cette crise sont bien connus, et je ne m'attarderai
donc pas à les énumérer. Depuis plusieurs décennies, des lois ont relativisé en
différents pays sa nature de cellule primordiale de la société. Souvent, elles
cherchent plus à s'adapter aux moeurs et aux revendications de personnes ou de
groupes particuliers, qu'à promouvoir le bien commun de la société. L'union
stable d'un homme et d'une femme, ordonnée à la construction d'un bonheur
terrestre grâce à la naissance d'enfants donnés par Dieu, n'est plus, dans
l'esprit de certains, le modèle auquel l'engagement conjugal se réfère.
Cependant l'expérience enseigne que la famille est le socle sur lequel repose
toute la société. De plus, le chrétien sait que la famille est aussi la cellule
vivante de l'Église. Plus la famille sera imprégnée de l'esprit et des valeurs
de l'Évangile, plus l'Église elle-même en sera enrichie et répondra mieux à sa vocation.
D'ailleurs je connais et j'encourage vivement les efforts que vous faites afin
d'apporter votre soutien aux différentes associations qui oeuvrent pour aider
les familles. Vous avez raison de maintenir, même à contre-courant, les
principes qui font la force et la grandeur du Sacrement de mariage. L'Église
veut rester indéfectiblement fidèle au mandat que lui a confié son Fondateur,
notre Maître et Seigneur Jésus-Christ. Elle ne cesse de répéter avec Lui : « Ce
que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas ! » (Mt 19, 6).
L'Église ne s'est pas donné cette mission : elle l'a reçue. Certes, personne ne
peut nier l'existence d'épreuves, parfois très douloureuses, que traversent
certains foyers. Il faudra accompagner ces foyers en difficulté, les aider à comprendre
la grandeur du mariage, et les encourager à ne pas relativiser la volonté de
Dieu et les lois de vie qu'Il nous a données. Une question particulièrement
douloureuse, nous le savons, est celle des divorcés remariés. L'Église, qui ne
peut s'opposer à la volonté du Christ, maintient fermement le principe de
l'indissolubilité du mariage, tout en entourant de la plus grande affection
ceux et celles qui, pour de multiples raisons, ne parviennent pas à le
respecter. On ne peut donc admettre les initiatives qui visent à bénir des
unions illégitimes. L'Exhortation apostolique Familiaris consortio a
indiqué le chemin ouvert par une pensée respectueuse de la vérité et de la
charité.
Les jeunes, je le
sais bien, chers Frères, sont au centre de vos préoccupations. Vous leur
consacrez beaucoup de temps, et vous avez raison. Ainsi que vous avez pu le
constater, je viens d'en rencontrer une multitude à Sydney, au cours de
A l'Élysée, j'ai
évoqué l'autre jour l'originalité de la situation française que le Saint-Siège
désire respecter. Je suis convaincu, en effet, que les Nations ne doivent
jamais accepter de voir disparaître ce qui fait leur identité propre. Dans une
famille, les différents membres ont beau avoir le même père et la même mère,
ils ne sont pas des individus indifférenciés, mais bien des personnes avec leur
propre singularité. Il en va de même pour les pays, qui doivent veiller à
préserver et développer leur culture propre, sans jamais la laisser absorber
par d'autres ou se noyer dans une terne uniformité. «
Comme vous le savez,
mes prédécesseurs, le bienheureux Jean XXIII, ancien Nonce à Paris, et le Pape
Paul VI, ont voulu des Secrétariats qui sont devenus, en 1988, le Conseil
Pontifical pour la promotion de l'Unité des Chrétiens et le Conseil Pontifical
pour le Dialogue Interreligieux. S'y ajoutèrent très vite
L'année qui a précédé
mon élection au Siège de Pierre, j'ai eu la joie de venir dans votre pays pour
y présider les cérémonies commémoratives du soixantième anniversaire du
débarquement en Normandie. Rarement comme alors, j'ai senti l'attachement des
fils et des filles de France à la terre de leurs aïeux.
Avec joie et émotion,
je vous confie, très chers Frères dans l'Épiscopat, à Notre Dame de Lourdes et
à sainte Bernadette. La puissance de Dieu s'est toujours déployée dans la
faiblesse. L'Esprit Saint a toujours lavé ce qui était souillé, abreuvé ce qui
était sec, redressé ce qui était déformé. Le Christ Sauveur, qui a bien voulu
faire de nous les instruments de la communication de son amour aux hommes, ne
cessera jamais de vous faire grandir dans la foi, l'espérance et la charité,
pour vous donner la joie d'amener à Lui un nombre croissant d'hommes et de
femmes de notre temps. En vous confiant à sa force de Rédempteur, je vous donne
à tous et de tout coeur une affectueuse Bénédiction Apostolique. Merci.
Lundi 15 septembre 2008
Homélie de Benoît XVI lors
de la messe des malades à Lourdes
Nous publions
ci-dessous le texte intégral de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée
lors de la messe pour les malades, le lundi matin, 15 septembre, à Lourdes, sur
l'esplanade du Rosaire.
Chers frères dans
l'Épiscopat et dans le Sacerdoce,
Chers malades, chers
accompagnateurs et hospitaliers,
Chers frères et
soeurs !
Nous avons célébré
hier
Marie est aujourd'hui
dans la joie et la gloire de
Le psalmiste,
percevant de loin ce lien maternel qui unit
Désirer contempler ce
sourire de
Dans le sourire de la
plus éminente de toutes les créatures, tournée vers nous, se reflète notre
dignité d'enfants de Dieu, cette dignité qui n'abandonne jamais celui qui est
malade. Ce sourire, vrai reflet de la tendresse de Dieu, est la source d'une
espérance invincible. Nous le savons malheureusement : la souffrance endurée
rompt les équilibres les mieux assurés d'une vie, ébranle les assises les plus
fermes de la confiance et en vient parfois même à faire désespérer du sens et
de la valeur de la vie. Il est des combats que l'homme ne peut soutenir seul,
sans l'aide de la grâce divine. Quand la parole ne sait plus trouver de mots
justes, s'affirme le besoin d'une présence aimante : nous recherchons alors la
proximité non seulement de ceux qui partagent le même sang ou qui nous sont
liés par l'amitié, mais aussi la proximité de ceux qui nous sont intimes par le
lien de la foi. Qui pourraient nous être plus intimes que le Christ et sa
sainte Mère, l'Immaculée ? Plus que tout autre, ils sont capables de nous
comprendre et de saisir la dureté du combat mené contre le mal et la
souffrance.
Comme elle était
juste l'intuition de cette belle figure spirituelle française, Dom
Jean-Baptiste Chautard, qui, dans L'âme de tout apostolat, proposait au
chrétien ardent de fréquentes « rencontres de regard avec
Le sourire de Marie
est une source d'eau vive. « Celui qui croit en moi, dit Jésus, des
fleuves d'eau vive jailliront de son coeur » (Jn 7, 38). Marie
est celle qui a cru, et, de son sein, ont jailli des fleuves d'eau vive qui
viennent irriguer l'histoire des hommes. La source indiquée, ici, à Lourdes,
par Marie à Bernadette est l'humble signe de cette réalité spirituelle. De son
coeur de croyante et de mère, jaillit une eau vive qui purifie et qui guérit.
En se plongeant dans les piscines de Lourdes, combien n'ont-ils pas découvert
et expérimenté la douce maternité de
Le Christ dispense
son Salut à travers les Sacrements et, tout spécialement, aux personnes qui
souffrent de maladies ou qui sont porteuses d'un handicap, à travers la grâce
de l'onction des malades. Pour chacun, la souffrance est toujours une
étrangère. Sa présence n'est jamais domesticable. C'est pourquoi il est
difficile de la porter, et plus difficile encore - comme l'ont fait certains
grands témoins de la sainteté du Christ - de l'accueillir comme une partie
prenante de notre vocation, ou d'accepter, comme Bernadette l'a formulé, de « tout
souffrir en silence pour plaire à Jésus ». Pour pouvoir dire cela, il faut
déjà avoir parcouru un long chemin en union avec Jésus. Dès à présent, il est
possible, en revanche, de s'en remettre à la miséricorde de Dieu telle qu'elle
se manifeste par la grâce du Sacrement des malades. Bernadette, elle-même, au
cours d'une existence souvent marquée par la maladie, a reçu ce Sacrement à
quatre reprises. La grâce propre à ce Sacrement consiste à accueillir en soi le
Christ médecin. Cependant, le Christ n'est pas médecin à la manière du monde.
Pour nous guérir, il ne demeure pas extérieur à la souffrance éprouvée ; il la
soulage en venant habiter en celui qui est atteint par la maladie, pour la
porter et la vivre avec lui. La présence du Christ vient rompre l'isolement que
provoque la douleur. L'homme ne porte plus seul son épreuve, mais il est
conformé au Christ qui s'offre au Père, en tant que membre souffrant du Christ,
et il participe, en Lui, à l'enfantement de la nouvelle création.
Sans l'aide du
Seigneur, le joug de la maladie et de la souffrance est cruellement pesant. En
recevant le Sacrement des malades, nous ne désirons porter d'autre joug que
celui du Christ, forts de la promesse qu'il nous a faite que son joug sera
facile à porter et son fardeau léger (cf. Mt 11, 30). J'invite
les personnes qui recevront l'onction des malades au cours de cette messe à
entrer dans une telle espérance.
(...) Le Concile
Vatican II a présenté Marie comme la figure en laquelle est résumé tout le
mystère de l'Église (cf. LG n. 63-65). Son histoire personnelle
anticipe le chemin de l'Église, qui est invitée à être tout aussi attentive
qu'elle aux personnes qui souffrent. J'adresse un salut affectueux à toutes les
personnes, particulièrement le corps médical et soignant, qui, à divers titres
dans les hôpitaux ou dans d'autres institutions, contribuent aux soins des
malades avec compétence et générosité. Je voudrais également dire à tous les
hospitaliers, aux brancardiers et aux accompagnateurs qui, provenant de tous
les diocèses de France et de plus loin encore, entourent tout au long de
l'année les malades qui viennent en pèlerinage à Lourdes, combien leur service
est précieux. Ils sont les bras de l'Église servante. Je souhaite enfin
encourager ceux qui, au nom de leur foi, accueillent et visitent les malades,
en particulier dans les aumôneries des hôpitaux, dans les paroisses ou, comme
ici, dans les sanctuaires. Puissiez-vous, en étant les porteurs de la
miséricorde de Dieu (cf. Mt 25, 39-40), toujours ressentir dans cette
mission importante et délicate le soutien effectif et fraternel de vos
communautés ! Et dans ce sens, je salue et je remercie particulièrement aussi
bien mes frères dans l'épiscopat, les évêques français, les évêques étrangers
et les prêtres qui tous sont des accompagnateurs des malades et des hommes dans
la souffrance de ce monde. Merci pour votre service avec le Seigneur
souffrant.
Le service de charité
que vous rendez est un service marial. Marie vous confie son sourire, pour que
vous deveniez vous-mêmes, dans la fidélité à son Fils, source d'eau vive. Ce
que vous faites, vous le faites au nom de l'Église, dont Marie est l'image la
plus pure. Puissiez-vous porter son sourire à tous !
En conclusion, je
souhaite m'unir à la prière des pèlerins et des malades et reprendre avec vous
un extrait de la prière à Marie proposée pour la célébration de ce Jubilé : « Parce
que tu es le sourire de Dieu, le reflet de la lumière du Christ, la demeure de
l'Esprit Saint, Parce que tu as choisi Bernadette dans sa misère, que tu es
l'étoile du matin, la porte du ciel, et la première créature ressuscitée,
Notre-Dame de Lourdes », avec nos frères et soeurs dont le coeur et le
corps sont endoloris, nous te prions !
Départ de Benoît XVI :
Discours de François Fillon à l’aéroport de Tarbes
Voici le discours que
le premier ministre français M. François Fillon a adressé au pape, le
lundi 15 septembre, en milieu de journée, au cours de la cérémonie de départ de
Benoît XVI, à l'aéroport de Tarbes-Lourdes.
Très Saint Père,
Ces quatre journées
passées parmi nous resteront dans l'esprit de nombreux Français comme un grand
et beau moment de partage. Partage d'émotions, de réflexion et d'espérance.
Votre venue a suscité un élan populaire.
De Notre Dame de
Paris à l'esplanade des Invalides, des Invalides à Lourdes, votre bonté s'est
répandue sur une immense foule joyeuse et attentive à votre message. Avec la
communauté catholique, nos concitoyens de tous âges, de tous milieux sociaux,
de toutes origines et de toutes confessions, se sont rassemblés avec ferveur.
Votre visite a été
pour
Dans l'avion qui vous amenait vendredi à Orly, vous avez déclaré votre
attachement personnel à notre langue, à notre culture et à notre tradition
intellectuelle. Vous savez que cette tradition est nourrie de débats constants,
de propositions, de contestations. Au palais de l'Élysée, vous avez contribué à
la réflexion que
Vous avez rappelé que la séparation fondamentale de l'Eglise et de l'Etat ne
les empêchait, ni de dialoguer, ni de s'enrichir mutuellement.
Au collège des
Bernardins, entouré des représentants du monde de la culture, votre rayonnement
intellectuel a donné à votre message d'espoir et de vigilance, une portée
universelle.
Vous nous avez
invités à emprunter le chemin de
Vous avez mis en garde notre civilisation sur ses faiblesses matérialistes, ses
pulsions guerrières, ses fanatismes.
Vous en avez appelé à l'Europe humaniste et à son héritage chrétien.
Votre exigence aura approfondi notre regard sur la condition humaine, sur ses
devoirs éthiques, sur son mystère.
Très Saint Père,
C'est
Je crois que ceux qui
vous ont écouté se sont pris pour vous d'une affection très sincère, et qu'ils
saluent la simplicité avec laquelle vous avez invité chacun à se tourner vers
la meilleure part de lui même.
Au milieu des crises et des inquiétudes, votre visite fut un moment de paix et
de fraternité.
Au milieu des tensions internationales, elle a été l'occasion de rappeler notre
opposition commune aux fanatismes, aux violences, aux discriminations.
A l'aube d'un nouveau siècle, votre visite nous invite à conjurer nos peurs et
à mobiliser le meilleur de notre humanité au service de l'avenir.
Très Saint Père, les Français vous sont gré d'avoir ainsi contribué à
entretenir une espérance partagée.
Discours de Benoît XVI à
l’aéroport de Tarbes-Lourdes
Voici le
discours que le pape Benoît XVI a prononcé au cours de la cérémonie de départ,
à l'aéroport de Tarbes-Lourdes, ce lundi, en milieu de journée.
Monsieur le Premier
Ministre,
Chers Frères
Cardinaux et Évêques,
Autorités civiles et
politiques présentes,
Mesdames, Messieurs !
Au moment de quitter
- non sans regret - le sol de France, je vous suis très reconnaissant d'être
venu me saluer, en me donnant ainsi l'occasion de dire une dernière fois
combien ce voyage dans votre pays a réjoui mon coeur. A travers vous, Monsieur
le Premier Ministre, je salue Monsieur le Président de
Merci beaucoup.
Mon voyage a été
comme un diptyque. Le premier volet a été Paris, ville que je connais assez bien
et lieu de multiples rencontres importantes. J'ai eu l'occasion de célébrer
l'Eucharistie dans le cadre prestigieux de l'esplanade des Invalides. J'y ai
rencontré un peuple vivant de fidèles, fiers et forts de leur foi, que je suis
venu encourager afin qu'ils persévèrent courageusement à vivre l'enseignement
du Christ et de son Église. J'ai pu prier aussi les Vêpres avec les prêtres,
avec les religieux et les religieuses, et avec les séminaristes. J'ai voulu les
affermir dans leur vocation au service de Dieu et du prochain. J'ai passé aussi
un moment, trop bref mais combien intense, avec les jeunes sur le parvis de
Notre-Dame. Leur enthousiasme et leur affection me réconfortent. Comment ne pas
rappeler aussi la prestigieuse rencontre avec le monde de la culture à
l'Institut de France et aux Bernardins ? Comme vous le savez, je considère que
la culture et ses interprètes sont des vecteurs privilégiés du dialogue entre
la foi et la raison, entre Dieu et l'homme.
Le second volet de
mon voyage a été Lourdes, un lieu emblématique, qui attire et fascine tout
croyant : comme une lumière dans l'obscurité de nos tâtonnements vers Dieu.
Marie y a ouvert une porte vers un au-delà qui nous interroge et nous séduit. Maria,
porta caeli ! Je me suis mis à son école durant ces trois jours. Le Pape se
devait de venir à Lourdes pour célébrer le 150e anniversaire des Apparitions.
Devant
Monsieur le Premier
Ministre, Frères Évêques et chers amis, que Dieu bénisse