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 Un regard sur l’actualité politique et religieuse

 Au 26 octobre 2005

 N°63

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Les « accords » avec Rome

Différents  points de vue

 

Tout le monde sait aujourd’hui que le 29 août 2005, Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, a été reçu par  le Souverain   Pontife Benoît XVI, à Castel Gandolfo.

 

Les relations entre Rome et Ecône ont toujours existé. Elles ne furent jamais rompues.

Elles sont difficiles parce qu’elles engagent beaucoup de problèmes.

Elles vont aussi très lentement.

 

Mais elles connurent des moments  intenses, du temps de Mgr Lefebvre comme du temps de Mgr Fellay.

 

Du temps de Mgr Lefebvre, ce fut juste après la visite canonique des œuvres traditionnelles en France par le cardinal Gagnon …Nous étions en 1987, 1988. Un accord a même failli aboutir, le 5 mai 1988…Ce fut le « protocole » du 5 mai 1988.

 

Du temps de Mgr Fellay, ce fut juste au moment de l’année sainte, en l’an 2000. Rome se montra très pressant pour  régler ce problème…Mais la FSSPX mit fin, de son propre chef, à la poursuite des relations et se retira provisoirement. Alors que, dans le même temps, nos amis du diocèse de Campos au Brésil, eux,  normalisaient leur situation. Rome fondait avec eux l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney. J’étais favorable à cette solution. Je le suis toujours.

 

Elles sont aujourd’hui relancées par cette visite fameuse du 29 août 2005. Je m’en réjouis.

 

Mais vont-elles, cette fois, aboutir ?

 

Je ne le crois pas… parce que le problème n’est pas abordé convenablement. On en reste, est-ce de part et d’autre… ? à l’aspect doctrinal et l’on veut établir des « conversations doctrinales » alors qu’il faudrait voir essentiellement l’aspect pratique. C’était, me semble-t-il, clairement la position de Mgr Lefebvre et aujourd’hui du cardinal Castrillon Hoyos.

 

La doctrine, il est vrai, est essentielle. Mais pour essentielle  qu’elle  soit, il ne faudrait pas en faire une condition sine qua non  pour aller de l’avant et trouver une solution pratique. En rester préalablement au point de vue doctrinal, vouloir se mettre d’accord sur les points doctrinaux en litige par des conversations théologiques,  c’est risquer de reculer sans cesse cette nécessaire « normalisation «  ou « régularisation » de la FSSPX avec Rome.

 

Il faudrait voir les choses d’une manière beaucoup plus pragmatique. C’est le « pragmatisme organisateur ».

 

Au sujet de la doctrine: il faudrait, me semble-t-il, se limiter à une déclaration de principe qui toucherait les deux points qui font difficultés : le Concile et la Réforme liturgique.

 

Concernant le Concile Vatican II : il suffirait de se baser sur la déclaration du Secrétaire Général du Concile Vatican II, Mgr Felici, disant comment le Concile devait  être reçu par les membres de l’Eglise. M l’abbé Philippe Laguérie a très heureusement rappelé ce texte dans le « Mascaret » de septembre 2005..

 

Le voici :
C’est la déclaration du 6 mars 1964 de la Commission doctrinale du Concile lui-même, (A.S.S.) 57. 1965. 72. 75). Nous traduisons ce texte décisif : « En raison de la pratique conciliaire (générale) et de la fin pastorale du présent concile (Vat. II), le saint Synode n’entend proposer, en matière de foi et de mœurs, comme devant être tenu par l’Eglise ces seules choses qu’il aura expressément déclarées comme telles. Toutes les autres, que propose ce Saint Synode comme doctrine du magistère suprême de l’Eglise, tous et chacun des fidèles du Christ doivent les recevoir et les accepter selon l’esprit de ce Saint Synode, qui se fait connaître, soit à partir de la matière traitée, soit à partir du mode d’expression, suivant règles (classiques) de l’interprétation théologique ».

 

Ce texte devrait faire l’unité des parties

 

Concernant la Nouvelle Messe : il suffirait de préciser que tous les membres de la FSSPX en reconnaissent la validité. Mgr Lefebvre le confessait dans le « Protocole » du 5 mai 1988.

 

C’est ce qui fut réclamé des pères de Campos.

 

Mgr Lefebvre et les Pères de Campos ont accepté ces deux préalables nécessaires. Ils devraient pouvoir être acceptés de tous encore aujourd’hui.

 

Sur le plan pratique, nous avons déjà des modèles à proposer :

 

- celui que Mgr Lefebvre proposait à Rome à l’issue de la visite canonique de 1987.

- celui que Rome a mis en place avec l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney qui s’inspire énormément des solutions pratiques de Mgr Lefebvre de 1987.

 

Il va sans dire que nous refusons la situation créée par le décret « Ecclesia Dei adflicta »  .

 

Au fil du temps, beaucoup de personnes se sont prononcées sur ces relations, ont émis des  avis divers.

 

Je voudrais aujourd’hui dans ce « Regard sur le Monde politique et religieux » redonner  le point de vue des uns et des autres.

D’abord celui de Mgr Lefebvre.

Puis celui de Mgr Fellay.

Puis de Monsieur l’abbé Philippe Laguerie.

 

Je donnerai dans un prochain Regard sur le Monde les textes concernant l’Administration Apostolique Saint Marie Vianney. Pour réfléchir, il faut connaître les pièces du dossier.

 

A-                     La position de Mgr Lefebvre.

 

Mgr Lefebvre a exposé son point de vue surtout dans sa lettre du 21 novembre 1987, remise le 8 décembre au cardinal Gagnon, à l’issue de sa visite canonique. Ce pli comprenait deux documents : une lettre de remerciement et un document intitulé : «  proposition de Règlement apportant une solution au problème des Œuvres et des Initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle dans l’Eglise ».

 

Il faut également citer sur  ce sujet, le texte du « protocole du 5 mai », d’abord accepté par Mgr Lefebvre.

 

S’il retira sa signature, ce fut pour deux raisons : parce qu’il ne put recevoir de date précise concernant la cérémonie des  sacres, sacres dont le principe était accepté et qui fut, de fait, réalisé quelques années plus tard, 14 ans plus tard, avec Mgr Rangel dans la personne de Dom Rifan et parce qu’il ne put obtenir la majorité des membres dans cette commission à créer dont  le but exclusif était de faire vivre dans le sein de l’Eglise les mouvements dits « de la tradition ». Cette commission ou « Congrégation » était la cheville ouvrière de la solution pratique proposée par Mgr Lefebvre. C’était elle qui garantissait la juste autonomie des Œuvres de la Tradition.

 

Précisons : avec le principe d’ « exemption » ou positivement, avec la principe de la pratique de la « juridiction cumulative » et avec  la majorité de personnes favorables à la Tradition dans cette  commission, nous avons les deux piliers essentielles de la solution  pratique proposée par  Mgr Lefebvre, les deux piliers où poser le pont pour s’exprimer en utilisant l’image de Mgr Fellay. Il ne faudrait pas, bien sûr,  oublier son ferme désir d’être reconnu par le Pape et son désir d’ « apporter sa collaboration au renouveau de l’Eglise ». Ce point est très important. Je pense que tous nous gardons cet idéal. Il le faut. Les supérieurs, du reste, doivent  y veiller…Le temps passe…

 

J’ai analysé ces documents dans « Les Nouvelles de Chrétienté » du 15 septembre.

Aujourd’hui, je vous donne les textes eux-mêmes.

 

a- La lettre au Cardinal Gagnon 

 

« Séminaire International  Saint Pie X                                                                                                                                                                                                                          le 21 novembre 1987

                                                                                                  En la fête de la Présentation de                                                                                                                                                                                                                                   .                                                                                                     la T. S. Vierge Marie

 

 

Eminence,

 

Vous avez pu voir et entendre les membres de la Fraternité, examinez leur formation, les rejoindre dans leur ministère, écouter les fidèles qui s’adressent à eux pour leur sanctification.

Vous avez également conversé avec des religieux, des religieuses qui trouvent dans la Fraternité pou leur origine ou leurs secours spirituels, ou les grâces des ordinations et des professions religieuses.

Sans doute, vous avez pu remarquer ici ou là quelque exagération, un peu d’amertume. Mais je ne  puis douter que vous ayez retrouvé un climat de foi, de dévotion, de zèle pour la vérité et la Sainteté que vous avez connu autrefois et dont vous reconnaissez la valeur aux fruits extraordinaires que produit ce climats de la Tradition catholique.

Nous formons donc une grande famille, vivant dans cette ambiance et cette atmosphère catholique, attachée à l’Eglise Romaine, attachée à Pierre et à ses successeurs, mais absolument et radicalement allergique à l’esprit conciliaire, de la liberté religieuse, de l’œcuménisme, de la collégialité, à l’esprit d’Assise, fruits du modernisme, du libéralisme tant de fois condamnés par le Saint Siège.
Les conséquences de cet esprit sont désastreux et nous les fuyons comme la peste de nos esprits et de nos cœurs ; nous faisons tout pour nous en protéger et en protéger la jeunesse de nos foyers catholiques.

Comparez-nous à Israël au milieu des nations perverses, aux Maccabées et encore à tous ces saints réformateurs du clergé : Saint Charles Borromée, Saint Vincent de Paul, saint Jean Eudes, Monsieur Olier.

Voilà la réalité, nous formons une armada décidée à tout prix à demeurer catholique face à la  déchristianisation qui s’opère à l’extérieur et à l’intérieur de l’Eglise.
Nous acceptons volontiers d’être reconnus par le Pape tels que nous sommes et d’avoir un  siège dans la Ville Eternelle, d’apporter  notre collaboration au renouveau de l’Eglise ; nous n’avons jamais voulu rompre avec le Successeur de Pierre, ni considérer que le Saint Siège est vacant, malgré les épreuves que cela nous a values.

Nous vous soumettons un projet de réintégration et de normalisation de nos rapports avec Rome. Considérant ce que désormais vous connaissez de nous et de nos Œuvres, vous ne serez pas surpris de nos exigences, uniquement fondées sur le zèle pour le bien de l’Eglise et le  salut des âmes pour la gloire de Dieu.
C’est seulement dans cet esprit et en tenant compte de ces considérations qu’une solution peut être valable et stable.

Si, dans ces conditions, une solution est impossible, alors nous poursuivrons notre chemin comme à présent, en attendant des circonstances plus favorables, « pereseverantes in oratione et praedicatione verbi ».

Cependant, nous vous garderons une profonde gratitude, quoi qu’il arrive, pour votre charité, votre aménité, votre compréhension ,votre patience et dès à présent, nous prions N.D. de Fatima de vous rendre en bénédictions ce que vous avez pour nous.

Daignez agréer, Eminence, mes respectueuses et fraternelles salutations en Notre Seigneur et Notre Dame.

Ecône, le 21 novembre 1897

Mgr Lefebvre 

Archevêque-Evêque de Tulle

Fondateur de la FSSPX.

                                             

 

 

 

b- Les « propositions de règlement apportant une solution au problèmes des Œuvres et des Initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle dans l’Eglise.

 

1 – Nous référant à la suggestions du Concile dans le texte « Presbyterorum ordinis » n°10, dont voici la teneur :

« Là où les conditions de l'apostolat le réclameront, on facilitera non seulement une répartition adaptée des prêtres, mais encore des activités pastorales particulières pour les différents milieux sociaux à l'échelle d'une région, d'une nation ou d'un continent. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers, prélatures personnelles et autres institutions auxquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de toute l'Eglise, suivant des modalités à établir pour chaque cas, et toujours dans le respect des droits des ordinaires locaux. »

 

 

et à la lettre du Cardinal Ratzinger du 28 juillet 1987, il apparaît qu’une solution peut-être trouvée pour le problème qui nous préoccupe.

2- En conformité avec la position du Cardinal Ratzinger dans la lettre précitée, un Visiteur – le Cardinal Gagnon – a accompli une visite prolongée des Œuvres de la Fraternité du 11 novembre au 7 décembre.

3- Sans préjuger des conclusions de la visite, mais dans l’espoir qu’elles seront positives, il nous semble indispensable avant d’aller plus  avant dans les entretiens avec le Saint Siège d’exprimer une condition sine qua non, nous faisant l’écho de tous les prêtres et fidèles attachés à la Tradition.

4- Si le Saint Siège désire sincèrement que nous devenions officiellement des collaborateurs efficaces pour le renouveau de l’Eglise, sous son autorité, il est de toute nécessité que nous soyons reçus comme nous sommes, qu’on ne nous demande pas de modifier notre enseignement, ni  nos moyens de sanctification, qui sont ceux de l’Eglise de toujours.

5- Il nous apparaît donc absolument nécessaire, pour que de bonnes relations s’instaurent avec le Saint Siège que ces relations soient confiées à des personnes, à la fois très respectueuses et attachées au Saint Siège, mais aussi convaincues de l’urgente nécessité pour l’Eglise, de favoriser les initiatives qui maintiennent la Tradition et de ne rien faire qui les contraignent à s’éloigner de nouveau.

6- Ainsi le Cardinal, le Secrétaire et les « minutanti » du Secrétariat Romain, s’il est accepté, devront être choisis suivant les critères ci-dessus exprimés, sinon ce sera l’échec des efforts entrepris depuis plusieurs mois pour une entente.

                                              

-I-

Le Secrétariat Romain.

 

1°Nécessité d’une organisation permanente Romaine.

 

7- L’extension mondiale rapide de la Fraternité sacerdotale St Pie X et la multiplication d’œuvres similaires réclament une organisation qui ait son siège à Rome, à l’instar d’un Secrétariat ou d’une Commission pour le maintien et le développement de la Liturgie latine selon les prescriptions de Jean XXIII

     

      2° Composition de ce Secrétariat

 

8- A l’instar des autres secrétariats et commissions de ce genre, c’est-à-dire

-un Cardinal préfet, nommé par le Pape avec agrément du Supérieur Général de la FSSPX

-un Archevêque ou Evêque, Secrétaire et Président et quelques « minutanti », présentés par le Supérieur Général de la FSSPX

      

      3° Les pouvoirs de ce Secrétariat

 

9- Ils seraient assez semblables à ceux qu’ont la Propagande vis-à-vis des territoires de Missions et l’Orientale vis-à-vis des Rites Orientaux.

         

      4° But de ces pouvoirs

 

10- Ces pouvoirs auraient pour but de normaliser les œuvres et les initiatives en faveur de la Tradition et de les aider à remplir leur rôle dans l’Eglise, dans les circonstances présentes, spécialement pour la FSSPX :

     - veiller à leur continuité par l’octroi de l’épiscopat à plusieurs membres

     - veiller à leur développement harmonieux et dans la paix vis-à-vis des Evêques diocésains et de la part de ceux-ci.

     - veiller à amener les Ordinaires des lieux à comprendre le bien de la collaboration, par exemple, pour les séminaires

          

         5° Détermination des œuvres et des initiatives acceptées par le Secrétariat

 

11-celles qui ont toujours utilisé exclusivement les éditions liturgiques de Jean XXIII et prié pour le pape, selon les formules publiques de la Liturgie,

     -celles qui s’accordent avec l’esprit et le Droit de l’Eglise, dans leurs constitutions, esprit des fondateurs, esprit des constitutions originelles, pour le choix des sujets, préparation, spiritualité, doctrine, habit, vie de communauté etc

 

-II-

Statut canonique des diverses sociétés,

Des prêtres, religieux ; religieuses isolées,

Relations avec le secrétariat romain.

 

Note préliminaire

 

12- Avant de procéder à l’étude et la normalisation de toutes ces sociétés et personnes adonnées à la Tradition, ce qui peut se réaliser avec le temps, il est urgent de :

       -lever les suspenses et interdits,

       -reconnaître à nouveau les statuts de la FSSPX, comme avant 1975

       -de modifier quelques articles de ses statuts afin de pourvoir à la succession épiscopale de Mgr Lefebvre.

        -Canoniquement, il semble que l’on puisse se référer à ce qui é été décidé l’an dernier, le 21 avril 1986, au sujet de l’Ordinariat aux armées.

 

13- On pourrait d’ailleurs laisser l’application dans tous  ces détails à une étude précise entre le Secrétariat ou le Cardinal Visiteur et la Fraternité.

 

Les différentes étapes à suivre pourraient être les suivantes :

 

14- 1° Considérer la Fraternité comme le support de l’Ordinariat pour la liturgie latine en inscrivant dans ses Constitution que le Supérieur général, s’il est agréé par Rome à travers le Secrétariat, recevra la Consécration épiscopale et pourra présenter deux auxiliaires pour l’aider dans sa charge et qui deviendront évêques auxiliaires.

 

15 Toutefois exceptionnellement, pour la  première désignation ou présentation des Evêques, elle sera faite par Mgr Lefebvre en accord avec la cardinal Visiteur.

 

16- 2° Cette première étape accomplie viendra alors une étude plus approfondie des applications à faire de l’exemple de l’Ordinariat aux armées à la situation de la FSSPX. Ainsi l’application de la jurisprudence cumulative semble très réaliste et résout beaucoup de problèmes

 

15- 3° Il ne semble pas que le fait que le Supérieur général soit évêques soit un inconvénient : s’il n’est pas réélu, il peut ou devenir auxiliaire ou être chargé d’un diocèse ou être employé au Secrétariat Romain ou occuper d’autres fonctions.

 

18- 4) les relations entre les divers Œuvres et initiatives d’une part et la FSSPX d’autre part demeureraient celles qu’elles sont actuellement pour les ordinations, confirmations et autres assistances : bénédictions, retraites, cérémonies de professions etc…Mais tout ce qui concerne le statut canonique et les dispenses à soumettre à Rome, irait directement au Secrétaire Romain.

-III-

Incardination et Juridiction

 

19- Les Normes de la Constitution apostolique « Spirituali militum curae »  au sujet de l’incardination peuvent bien être appliquées à la FSSPX chargées des soins spirituels d’une petite armée de ceux qui maintiennent la Tradition Apostolique.

 

20  « Servatis servandis », dans le futur, la possibilité d’incardiner reviendra aux sociétés religieuses intéressées.

 

21 La juridiction vis-à-vis des fidèles est confirmée par Rome, c’est-à-dire que les prêtres de la FSSPX reçoivent juridiction de Rome, par le Supérieur Général et que les autres la reçoivent directement du Secrétariat de Rome, sur la demande des divers Supérieurs

 

22 Il est évident que ces prêtres doivent observer les prescriptions du Droit pour conférer les sacrements selon les indications du Rituel de 1962

 

                                                                 Conclusion

 

23 Il ne semble pas qu’il doive y avoir de difficultés majeurs du point de vue canonique, ni de la part des fidèles de la Tradition, si les indications ci-dessus sont exactement observées.

 

24 Nous souhaitons ne pas devoir dépasser le Dimanche du Bon Pasteur, 17 avril 1988 pour les consécrations épiscopales.

 


c- Le protocole d'accord signé le 5 mai 1988  entre le Vatican et Mgr Lefebvre

 A la suite d’une réunion d’experts qui a eu lieu du 13 au 15 avril 1988 et qui avait abouti à
un protocole d'accord, Mgr Lefebvre a eu avec le cardinal Ratzinger les 3 et 4 mai, une
nouvelle rencontre au terme de laquelle a été mis au point le texte de l'accord ci-après,
signé le 5 mai (Texte dans "Présent" du 22 juin 1988).
 

I. Texte de la déclaration doctrinale

           Moi; Marcel Lefebvre, archevêque-évêque émérite de Tulle, ainsi que les membres
de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X par moi fondée :
        1. Nous promettons d'être toujours fidèles à l'Église catholique et au Pontife romain,
son Pasteur suprême, Vicaire du Christ, successeur du Bienheureux Pierre dans sa primauté
et chef du Corps des évêques.
        2. Nous déclarons accepter la doctrine contenue dans le numéro 25 de la Constitution
dogmatique Lumen Gentium du Concile Vatican II sur le Magistère ecclésiastique et
l'adhésion qui lui est due.
        3. A propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les
réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables
avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d'étude et de
communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique.
        4. Nous déclarons en outre reconnaître la validité du Sacrifice de la messe et des
sacrements célébrés avec l'intention de faire ce que fait l'Église et selon les rites indiqués
dans les éditions typiques du missel et des rituels des sacrements promulgués par les Papes
Paul VI et Jean-Paul II.
        5. Enfin, nous promettons de respecter la discipline commune de l'Église et les lois
ecclésiastiques, spécialement contenues dans le Code de droit canonique promulgué par le
Pape Jean-Paul II, restant sauve la discipline spéciale concédée à la Fraternité par une loi
particulière.

II. Questions juridiques

    Tenant compte du fait que la Fraternité sacerdotale Saint Pie X a été conçue depuis
dix-huit ans comme une société de vie commune - et à partir de l'étude des propositions
formulées par S. Exc. Mgr Lefebvre et des conclusions de la visite effectuée par son
Eminence le cardinal Gagnon -, la figure canonique la mieux adaptée est celle d'une Société
de vie apostolique.

Société de vie apostolique
        C'est une solution canoniquement possible, avec l'avantage d'insérer éventuellement
dans la Société cléricale de vie apostolique également des laïcs (par exemple des frères
coadjuteurs) .
        Selon le Code de droit canonique promulgué en 1983, canons 731-746, cette Société
jouit d'une pleine autonomie, peut former ses membres, peut incardiner les clercs, et assure
la vie commune de ses membres.
        Dans les statuts propres, avec flexibilité et possibilité inventive par rapport aux
modèles connus de ces Sociétés de vie apostolique, on prévoit une certaine exemption par
rapport aux évêques diocésains (cf. can. 591) pour ce qui concerne le culte public, la « cura
animarum » et les autres activités apostoliques, compte tenu des canons 679-683. Quant à
la juridiction à l'égard des fidèles qui s'adressent aux prêtres de la Fraternité, elle sera
conférée à ceux-ci soit par les Ordinaires des lieux, soit par le Siège apostolique.

2. Commission romaine
        Une Commission pour coordonner les rapports avec les divers dicastères et les évêques
diocésains, ainsi que pour résoudre les problèmes éventuels et les contentieux, sera
constituée par les soins du Saint-Siège, et pourvue des facultés nécessaires pour traiter les
questions indiquées ci-dessus (par exemple l'implantation à la demande des fidèles d'un lieu
de culte là où il n'y a pas de maison de la Fraternité, « ad mentem » can. 383, par. 2).
        Cette Commission serait composée d'un président, d'un vice-président et de cinq
membres, dont deux de la Fraternité.

3. Conditions des personnes liées à la Fraternité
        3.1. Les membres de la Société cléricale de vie apostolique (prêtres et frères
coadjuteurs laïcs) : ils sont régis par les statuts de la Société de droit pontifîcal.
        3.2. Les oblats et oblates, avec ou sans voeux privés, et les membres du Tiers-Ordre
liés à la Fraternité : ils appartiennent à une association de fidèles liés à la Fraternité aux
termes du canon 303, et collaborent avec elle.
        3.3. Les Soeurs (c'est-à-dire la Congrégation fondée par Mgr Lefebvre) qui font des
voeux publics : elles constitueront un véritable Institut de vie consacrée avec sa structure et
son autonomie propres, même si on peut prévoir une certaine forme de lien pour l'unité de
la spiritualité avec le supérieur de la Fraternité. Cette Congrégation - au moins au début -
dépendrait de la Commission romaine, au lieu de la Congrégation pour les religieux.
        3.4. Les membres des communautés vivant selon la Règle de divers instituts religieux
(carmélites, bénédictins, dominicains, etc.) et qui sont liés moralement à la Fraternité : il
convient de leur accorder cas par cas un statut particulier réglant leurs rapports avec leur
Ordre respectif.
        3.5. Les prêtres qui, à titre individuel, sont liés moralement à la Fraternité, recevront un
statut personnel tenant compte de leurs aspirations et en même temps des obligations
découlant de leur incardination. Les autres cas particuliers du même genre seront examinés
et résolus par la Commission romaine.

        En ce qui concerne les laïcs qui demandent l'assistance pastorale aux communautés de
la Fraternité : ils demeurent soumis à la juridiction de l'évêque diocésain, mais - en raison
notamment des rites liturgiques des communautés de la Fraternité - ils peuvent s'adresser à
elles pour l'administration des sacrements (pour les sacrements de baptême, confirmation et
mariage, demeurent nécessaires les notifications d'usage à leur propre paroisse; cf. can. 878,
896, 1122).

NOTE: Il y a lieu de considérer la complexité particulière :
1. De la question de la réception par les laïcs des sacrements de baptême, confirmation,
mariage, dans les communautés de la Fraternité ;
2. De la question des communautés pratiquant - sans leur appartenir - la Règle de tel ou tel
Institut religieux.
Il appartiendra à la Commission romaine de résoudre ces problèmes.
4. Ordinations
Pour les ordinations, il faut distinguer deux phases :
        4.1. Dans l'immédiat :
Pour les ordinations prévues à brève échéance, Mgr Lefebvre serait autorisé à les conférer
ou, s'il ne le pouvait, un autre évêque accepté par lui.
        4.2. Une fois érigée la Société de vie apostolique :
                4.2.1. Autant que possible, et au jugement du supérieur général, suivre la voie
normale : remettre les lettres dimissoriales à un évêque qui accepte d'ordonner les membres
de la Société.
                4.2.2. En raison de la situation particulière de la Fraternité (cf. infra) : ordination
d'un évêque de la Fraternité qui, entre autres tâches, aurait aussi celle de procéder aux
ordinations.
5. Problème de l'évêque
        5.1. Au niveau doctrinal (ecclésiologique), la garantie de stabilité et le maintien de la
vie et de l'activité de la Fraternité est assurée par son érection en Société de vie apostolique
de droit pontifical et l'approbation des statuts par le Saint-Père.
        5.2. Mais, pour des raisons pratiques et psychologiques, apparaît l'utilité de la
consécration d'un évêque membre de la Fraternité. C'est pourquoi, dans le cadre de la
solution doctrinale et canonique de la réconciliation, nous suggérons au Saint-Père de
nommer un évêque choisi dans la Fraternité, sur présentation de Mgr Lefebvre. En
conséquence du principe indiqué ci-dessus (5.1.), cet évêque n'est pas normalement
supérieur général de la Fraternité. Mais il paraît opportun qu'il soit membre de la
Commission
romaine.

6. Problèmes particuliers (à résoudre par décret ou déclaration)
- Levée de la "suspensio a diuinis » de Mgr Lefebvre et dispense des irrégularités encourues
du fait des ordinations.
- Prévision d'une « amnistie » et d'un accord pour les maisons et les lieux de culte de la
Fraternité
érigés - ou utilisés - jusqu'à maintenant sans autorisation des évêques.

+ Marcel LEFEBVRE
    Joseph card. RATZINGER

 

Nous ferons remarquer combien la solution obtenue par Mgr Rangel pour les pères de Campos au Brésil, en 2002, est meilleure que cette première solution pratique acceptée par Mgr Lefebvre.

Elle  se rapproche - et de beaucoup- des propositions de Règlement de Mgr Lefebvre du 21 novembre 1987.

14 années s’étaient écoulées…Les choses évoluent aussi au  Vatican.


 

B-                 La position de Mgr Fellay.

 

La position de Mgr Fellay, elle,  est essentiellement centrée sur le problème doctrinal. Tout accord n’est possible qu’après avoir réglé les problèmes doctrinaux. Cet aspect apparaît pratiquement dans toutes ces déclarations, conférences, interview. C’est comme son leitmotiv.

 

On pourrait multiplier les citations. Je me limiterai à deux déclarations :

- celle  de son interview à DICI juste après la reprise de contact, lors de l’année jubilaire, avec le cardinal Castrillon Hoyos, en 2000-2001.

- celle, plus récente, au  Nouvelliste du Valais , le 26 septembre 2005.

 

 

a- Premier texte

 

DICI : Dans cet entretien à la revue « Latin Mass », le cardinal Castrillón Hoyos propose plus qu'une main tendue aux fidèles attachés à la Tradition, il affirme que le Saint-Père garde les bras ouverts. Êtes-vous insensible à cette offre généreuse ?

Mgr Fellay : Je suis très sensible à ce geste d'ouverture, et je ne doute pas de la générosité qui l'anime. Mais je suis obligé de constater, dans le même temps, que le cardinal atténue au maximum les difficultés réelles qui se posent de part et d'autre. Du côté des évêques diocésains, il ne veut voir qu'une « perplexité » et des « hésitations » à reconnaître le « droit de cité » de la messe tridentine, là où il y a une réelle opposition à la doctrine traditionnelle du Saint Sacrifice. Il suffit pour s'en convaincre de voir toutes les réactions épiscopales plus que réservées au récent document disciplinaire Redemptionis sacramentum. Apparemment personne n'est concerné par ce rappel à l'ordre ! Il n'y a ni abus, ni scandales liturgiques ! Et, chez les fidèles de la Tradition, le cardinal Castrillón Hoyos ne veut reconnaître qu'une « sensibilité » particulière et une « perception » propre, alors qu'il s'agit de fidélité à la doctrine de l'Église de toujours. Tous ces euphémismes montrent la diplomatie du cardinal, mais ils ne parviennent pas à masquer son embarras : comment régler la situation douloureuse de la Fraternité Saint Pie X sans soulever les questions doctrinales ? Franchement, s'il ne s'agissait que de dissiper la « perplexité » des évêques et de reconnaître la légitimité de la « sensibilité » traditionaliste, je crois que la crise aurait été résolue depuis longtemps. Mais ce qui est en jeu est d'une nature qui dépasse largement et la perplexité et la sensibilité.

 

DICI. Ne craignez-vous pas de paraître figé dans une attitude constamment critique et négative ?

Mgr Fellay : Au contraire, nous faisons, depuis le début des conversations avec le cardinal Castrillón Hoyos, des propositions positives. Mais il est nécessaire de s'assurer, avant tout, de la solidité des piliers qui porteront le pont entre Rome et nous. Ces piliers sont doctrinaux, on ne peut passer sous silence cette réalité, sous peine de voir à plus ou moins court terme tous les efforts de rapprochement voués à l'échec. La solution du cardinal est de proposer un accord pratique, en minimisant le plus possible les divergences de fond. Est-ce possible ? Peut-on conjurer la dureté de la crise qui secoue l'Église avec des expressions adoucies ? Je ne le pense pas. 

 

DICI. C'est donc, à vos yeux, la doctrine et toute la doctrine, sinon rien ? Cette position du « tout ou rien » ne manque-t-elle pas de réalisme ?

Mgr Fellay : Nous sommes fermes, mais pas fermés. La doctrine est fondamentale sans aucun doute, mais nous pensons bien qu'il y a des étapes préalables à observer. C'est pourquoi nous avons proposé aux autorités romaines, dès le début, deux préalables qui permettraient de créer un climat de confiance favorable à la résolution du problème d'Ecône : le retrait du décret d'excommunication frappant les évêques de la Fraternité et le droit reconnu à tout prêtre de célébrer la messe traditionnelle.

 

DICI.Comment voyez-vous ce retrait de l'excommunication ?

Mgr Fellay : Ce qui a été fait pour les orthodoxes pourrait a fortiori s'appliquer à nous. Rome a levé l'excommunication qui les frappait sans qu'ils aient en rien changé leur attitude envers le Saint-Siège. Ne pourrait-on prendre la même mesure à notre égard, nous qui ne nous sommes jamais séparés de Rome et avons toujours reconnu l'autorité du Souverain Pontife, telle que l'a définie le concile Vatican I ? En effet, les quatre évêques sacrés en 1988 ont prêté le serment de fidélité au Saint-Siège, et depuis ils ont toujours professé leur attachement au Saint-Siège et au Souverain Pontife. Ils ont pris toutes sortes de dispositions pour bien montrer qu'ils n'avaient pas l'intention de constituer une hiérarchie parallèle, ce que j'ai encore rappelé lors de ma conférence de presse du 2 février dernier, à Rome. Ce retrait du décret d'excommunication créerait un nouveau climat, indispensable pour aller plus avant. Il permettrait, entre autres, aux prêtres et aux fidèles persécutés de voir que leur attachement à la Tradition n'est pas coupable, mais qu'il a été motivé par tous ces scandales liturgiques graves que Redemptionis sacramentum relève très justement, sans toutefois en considérer la cause qui est sans doute la réforme liturgique elle-même. 

 

DICI. Et vous demandez ce retrait unilatéralement, sans vous obliger à aucune contrepartie ?

Mgr Fellay :Si le décret d'excommunication était retiré, les évêques de la Fraternité Saint Pie X pourraient se rendre à Rome, comme les évêques diocésains effectuent leur visite ad limina. Ils rendraient ainsi compte de leur travail apostolique, et le Saint Siège pourrait constater le développement de « l'expérience de la Tradition » que Mgr Lefebvre a toujours souhaité faire pour le bien de l'Église et des âmes. Il ne serait pas nécessaire de prendre davantage d'engagements. Simplement rendre compte pour la Fraternité, et se rendre compte pour Rome du développement de l'expérience de la Tradition.

 

DICI: n'avez-vous pas l'impression d'avoir été entendu au moins sur votre deuxième préalable, la reconnaissance du « droit de cité » de la messe tridentine ?

Mgr Fellay : Je ne peux qu'approuver l'effort louable du cardinal Castrillón Hoyos pour réhabiliter la messe, mais là aussi je ne peux pas ne pas constater un certain embarras : un droit de cité concédé par le Saint Père, est-ce un droit ou une concession ? La différence n'est pas mince. Nous ne voulons pas de statut particulier, qui serait la marque d'un quelconque « particularisme liturgique ». Nous demandons un droit qui n'a jamais été perdu : la liberté de la messe pour tous. Car, ce à quoi nous sommes attachés est le patrimoine commun de l'Église catholique romaine.

 

DICI: Même si vous n'êtes pas fermés au dialogue avec Rome, il n'empêche que vous donnez l'impression de cultiver un certain attentisme : wait and see ! Attendons voir ! Ne pensez-vous pas qu'il est temps de se dégager de cette position marginale, et de s'engager maintenant, comme on vous y invite, pour être plus efficace dans la situation très grave où se trouve l'Église ?

Mgr Fellay : La position de la Fraternité n'est pas wait and see, mais bien plutôt ora et labora, prier et travailler ! Sur le terrain, nos prêtres travaillent à la restauration du règne de Notre-Seigneur, au quotidien, auprès des familles, dans les écoles. Ces 450 prêtres sont plus qu'engagés, ils sont surchargés. Partout dans le monde, on les réclame. Il en faudrait trois fois plus ! Ce qui nous marginaliserait vraiment, ce serait une concession confinant la Tradition dans une réserve ou une enclave au sein de l'Église. C'est bien notre souci d'efficacité au service de l'Église et des âmes qui nous oblige à réclamer une vraie liberté pour la Tradition. L'état présent de l'Église et du monde est trop grave pour que nous puissions faire croire à Rome qu'avec une simple « sensibilité » traditionnelle, et qui plus est, en liberté surveillée !  nous pourrions réellement lutter contre « l'apostasie silencieuse », dénoncée par Jean-Paul II dans Ecclesia in Europa. Ce serait profondément malhonnête. Mais les autorités romaines peuvent, si elles veulent, rendre à la Tradition son « droit de cité », partout et pour tous.

 

b- un deuxième texte.

 

Une récente interview, en date du 26 septembre 2005,  au Nouvelliste du Valais , propos recueillis par Vincent Pellegrini. Mgr Fellay expose toujours la même attiutude : doctrine ! Doctrine !

 

 Mgr Fellay : (…) Pour le Concile Vatican II, Rome voudrait reprendre le protocole signé en 1988 par Mgr Lefebvre et par le cardinal Ratzinger. Ce protocole dit qu’une seule interprétation du Concile Vatican II est valable. Celle qui est faite à la lumière de la Tradition. Mais même si cela n’a pas été dit très explicitement, nous avons bien compris au cours de notre rencontre avec le pape qu’il nous considérait comme vieux jeu et que le concile c’est aussi un esprit que nous devons acquérir. Je suis d’accord avec la formule du concile interprété à la lumière de la Tradition mais je ne puis pas la signer dans le contexte actuel.

 

Le Nouvelliste : C’est parce que vous n’avez toujours pas la même appréciation du Concile Vatican II que Rome, que vous ne voulez pas signer une formule d’accord qui semble pourtant acceptable par vous ?

 Mgr Fellay : C’est un problème de vision, d’état de la question. Le problème que nous sommes censés causer à l’Eglise n’est pas perçu de la même manière par Rome et par nous et c’est pourquoi nos solutions divergent profondément. Or, pour arriver à une solution il faut être d’accord sur l’état de la question. Nous sommes allés à Rome pour poser le problème correctement. En clair, nous ne sommes pas le problème. Car même si nous n’existions pas, la crise de l’Eglise serait tout aussi grave. Nous ne faisons en effet que réagir à la crise du monde catholique. Notre manière de voir le Concile Vatican II ne correspond pas à celle de Rome actuellement, c’est vrai. Et c’est pourquoi l’on ne peut pas rester dans des formules d’accord superficielles. Il faut aller au fond des choses. Nous n’aurions aucun problème à signer un accord superficiel, mais nous ne voulons pas d’une réconciliation simplement tactique qui ne conduirait à rien. Il faut que cet accord soit vrai, profond. Il ne servirait à rien de donner l’impression que tout est rentré dans l’ordre alors que rien n’est réglé. Dans la situation actuelle, un tel accord tromperait tout le monde. J’ai peur que le pape et la curie ne soient bloqués par la ligne progressiste. Cela expliquerait cette focalisation sur le seul Concile Vatican II. Je vous le répète, si Rome fait le moindre effort sérieux pour sortir de la crise, sans même parler de nous, le problème n’existera plus car l’ambiance et l’esprit auront changé.

(…)

Le Nouvelliste : Joseph Ratzinger travaille sur le dossier traditionaliste depuis plus de vingt ans. C’est un pourfendeur du relativisme contemporain et il est plutôt bien vu de vos milieux qui ont salué son élection. Il y a trois ans, il a même correspondu avec vous pour une reprise du dialogue sur des questions théologiques. Avez-vous l’impression que Benoît XVI est plus sensible à la tradition que son prédécesseur Jean-Paul II en ce qui concerne les questions liturgiques et doctrinales que vous posez?

 Mgr Fellay : Sans aucun doute. La doctrine a plus d’importance pour Benoît XVI que pour Jean-Paul II. Ce dernier accordait plus d’importance à la pastorale, au vécu, à la communion prise au sens de l’être avec. J’ai l’impression que pour Benoît XVI, la foi a un rôle plus important et je pense qu’on le verra dans la nouvelle structure de la curie ainsi que dans sa façon de gouverner l’Eglise. Il va mettre à nouveau la foi à la première place, au-dessus de la politique et de la secrétairerie d’Etat. Paradoxalement, cela rend nos rapports à la fois plus faciles et plus difficiles. D’un point de vue liturgique, Benoît XVI a une inclination marquée contre la nouvelle liturgie. Je pense qu’il va conduire une réforme liturgique, une nouvelle «nouvelle messe» à base de l’ancienne selon une formule dont il a usé il y a deux ans. L’on peut s’attendre en tout cas à une réforme de la réforme…

 

Le Nouvelliste : Evaluez-vous la rencontre du 29 août comme une porte entrouverte par Benoît XVI aux traditionalistes de la Fraternité saint Pie X et comme un signe d’espérance pour l’unité?

 Mgr Fellay : Ce n’est ni le premier ni le dernier pas, mais il va dans la bonne direction. D’un côté comme de l’autre, il va falloir cependant du temps même si Rome m’apparaît relativement pressée.

c- La position de M l’abbé Schimdberger.

Il faut savoir également que, pour M l’abbé Schmidberger, premier assistant de Mgr Fellay, l’aspect doctrinal est aussi primordial. Il faut que cet aspect soit d’abord réglé. Il le dit très nettement à l’issue de l’entretien avec la Souverain Pontife, dans une interview au journal italien Il Giornale,  propos repris par l’Agence « Apic », le 30 août 2005. .

- Les Réactions de Monsieur l'abbé Schmidberger, premier assistant de la FSSPX,
confiées au journal Italien "Il gionale" et communiquées par l'Apic du 30 août 2005.

Rome, 30 août 2005 (Apic)
Rome: Conditions à la pleine communion avec les traditionalistes de la Fraternité St-Pie X
L'abbé Franz Schmidberger, premier assistant général aux côtés de Mgr Fellay au sein de la Fraternité St-Pie X - qui accompagnait ce dernier à Castel Gandolfo le 29 août - a déclaré au quotidien italien "Il Giornale" du 30 août, que "pour nous, il y a déjà la communion, nous nous considérons en union avec l'Eglise et avec sa tradition, avec le rite qui a été célébré pendant des siècles, avec tous les saints du ciel".

A propos de la levée des excommunications de 1988 comme préalable au dialogue, il a répondu être persuadé "qu'au sein du chemin commencé aujourd'hui, on parviendra à déclarer que ces excommunications n'existent pas". Et d'affirmer tout de go que "ces ordinations épiscopales étaient à notre avis nécessaires pour l'Eglise". Sur les raisons de leur venue auprès de la plus haute instance de l'Eglise catholique, le prêtre intégriste a expliqué que "pour nous, la chose la plus importante est de manifester notre attachement à l'Eglise et au siège de Pierre. Ce que nous avons dit est que nous sommes disposés à travailler pour le bien de l'Eglise, non pour la détruire ou la diviser".

"Nous avons parlé de la crise qui traverse l'Eglise…"

Pour l'abbé Schmidberger, la rencontre avec Benoît XVI a d'ailleurs été très positive, se déroulant "dans un climat cordial et d'attention réciproque". "Quelque chose de positif est survenu", a-t-il déclaré. "Quand nous avons dit que nous étions là par amour de l'Eglise", le pape "nous a répondu :'c'est très important'. Nous avons commencé un chemin nécessaire pour assainir de profondes blessures", a poursuivi le prêtre allemand âgé de 59 ans.

L'ancien supérieur général de la Fraternité estime que même si la libéralisation du missel reste la "demande fondamentale" des traditionalistes, "nous n'avons pas parlé de cela", a-t-il encore affirmé, interrogé sur le contenu des propos lors de la rencontre avec le pape. "Nous avons parlé de la crise qui traverse l'Eglise…".

Le responsable traditionaliste dénonce les "déformations nées du Concile Vatican II"

De son côté, "le pape reconnaît certainement qu'il y a des abus, qu'il y a des choses qui ne vont pas. Il suffit de rappeler sa méditation pour la Via Crucis, quand il parlait de la 'saleté' dans l'Eglise, et le discours prononcé à la veille du conclave quand il dénonçait 'la dictature du relativisme'", a estimé le prêtre. Il s'est dit à ce sujet parfaitement d'accord, "même s'il faut aller à la racine du problème, aux causes profondes de la crise, qui pour nous remontent à beaucoup de déformations nées du Concile Vatican II et à une certaine façon de comprendre l'œcuménisme et la liberté de religion".

Interrogé sur l'évocation par le pape d'une solution juridique permettant de réintégrer la Fraternité dans l'Eglise catholique, il a répondu: "c'est le dernier des problèmes et l'on trouvera certainement une solution satisfaisante" en temps voulu. En attendant, pour lui, le premier pas sera un signal concret pour la libéralisation de l'usage du missel de Saint Pie V. "Puis nous continuerons sur un chemin déjà initié de discussions et de rencontres sur la crise de l'Eglise", a-t-il précisé.

Vers la levée des excommunications ?

A ce sujet, le prêtre a rapporté qu'il avait ces deux derniers mois rencontré différents cardinaux et chefs de dicastères de la curie romaine. "Nous avons fait parvenir des demandes, des explications, des contributions, des demandes relatives à la réforme liturgique et à l'œcuménisme". "Nous demanderons au pape de mettre sous observation ce que nous faisons et comment nous le faisons et l'on pourrait arriver à lever les excommunications", a encore espéré l'abbé Schmidberger.

Dans une déclaration datée du 29 août 2005, le porte-parole du Saint-Siège avait affirmé que "devant les difficultés dont elles ont conscience", les parties se sont mises d'accord pour procéder "par étape et dans un délai raisonnable" afin d'arriver à "la communion parfaite". (apic/imedia/ar/be)
30.08.2005 - Jacques Berset Ariane Rollier

Ce point de vue est partagé par d’autres, en dehors même de la FSSPX

 

d- Le P Luc Thomas Somme, op. doyen de la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Toulouses

Il s’est  aussi exprimé dans la Nef d’octobre. Les propos furent recueillis par Christophe geffroy ?

La Nef : Une réconciliation ne passe-t-elle pas nécessairement par un véritable débat doctrinal sur Vatican II ?

 P. Somme : Certainement. Lorsque des chrétiens émettent une contestation d’ordre doctrinal, il ne faut pas éluder le débat, il faut se situer à cette hauteur-là : l’amour et la recherche de la vérité. La réponse ne peut pas être simplement disciplinaire, que ce soit pour résoudre le litige ou pour prétendre le classer sans suite. A cet égard, il est clair qu’un accord pragmatique à la hâte serait voué à l’échec. L’interprétation à donner au décret conciliaire sur la liberté religieuse, par exemple, doit être discutée. Les Dubia émis par la FSSPX, la Déclaration Dominus Jesus, peuvent aider à ce débat et les théologiens ont un rôle à jouer à cet égard. Mais le dialogue sera de sourds tant que le Concile Vatican II sera perçu comme une entité, une sorte d’hypostase, qui dispense de comprendre son histoire, son propos, la diversité des documents et de leur autorité. (…)

 

- Le texte intégral de cet entretien se trouve dans La Nef n° 164, octobre 2005 (B.P. 48  -  78810 Feucherolles)

C- Monsieur l’abbé Laguérie. Un possible accord

La position de M l’abbé Philippe Laguérie est claire. Elle est toute à l’opposé. Il l’écrivait  dans un article du Mascaret en 2001 : « Et justement ma conclusion – surprenante peut-être : je crois à la possibilité d’un accord pratique et à la vanité totale de discussions doctrinales, à l’heure actuelle ».

Il s’expliquait : « Commençons par ce dernier point. Une discussion doctrinale (et un accord) devraient normalement dicter les conditions d’une entende pratique : qui ne le voit ? Cette dernière me semble cependant indispensable à l’Eglise tandis que la première me semble impossible… et qu’il faudra bien se passer de celle-ci pour arriver néanmoins à celle-là.

Une discussion doctrinale (et un accord) supposent de toute évidence qu’on marche à la même lumière. Il est déjà difficile de tout voir semblablement sous un éclairage identique. Mais c’est gageure que de prétendre arriver à des conclusions semblables quand on part de prémices contradictoires. Tout débat doctrinal et théologique doit avoir pour seul éclairage la Foi, la Révélation, la lumière divine. Or tel n’est plus depuis longtemps l’éclairage des théologiens conciliaires – sans en juger aucun en particulier. Quand le document conciliaire « dignitatis humanae » énonce que « tout homme a droit à la liberté religieuse » et que cette liberté consiste en ce que  nul ne soit empêché d’agir, en privé ni en public contre sa conscience…etc on est manifestement sorti de l’éclairage de la Foi catholique surtout à prétendre que c’est là un droit de la personne humaine en tant que telle à raison de sa dignité native et inamissible. Il n’y a pas, il n’y aura jamais la moindre discussion théologique sérieuse sur ces prémices qui se situent contre et même en dehors de la Révélation. C’est là l’intuition primordiale de Mgr Lefebvre. Il a vu, oui vu dans ces textes et beaucoup d’autres, la mort de la Foi, donc de la Révélation, donc de la Parole divine ; bref de la seule lumière qui peut réconcilier intellectuellement les hommes pécheurs. On perd son temps – et peut être son âme – à ces discussions qui n’aboutissent jamais pour le motif évident qu’elles n’ont pas la moindre problématique commune.

Est-ce à dire que je suis contre tout accord ? Non, au contraire ! Si un accord doctrinal ne sera possible que dans 20 ou 30 ans, ce n’est pas une raison pour y renoncer. Il est même urgent de se retrouver dans la communion liturgique et sacramentelle de l’Eglise de toujours, pour que, faisant pareil on finisse par penser pareil. Le vieil adage Lex Orandi, Lex Credendi trouve ici tout son sens pastoral. Prions de la même manière et nous finirons par penser de la même manière… C’est inéluctable. Ce qui a divisé l’Eglise (même avant le Concile et la nouvelle messe) c’est la liturgie. Ce qui lui rendra l’unité, c’est la liturgie. Tout curé et pasteur d’âme sait cela d’emblée : ce qui unifie son troupeau, c’est l’unicité de sa messe. Il est indispensable et urgent que Rome libéralise la messe. Ce serait le petit début d’une grande retrouvaille, tandis que les discussions doctrinales, aujourd’hui, mèneraient au constat d’un échec définitif ».

Voici le texte dans son intégralité :

a- Premier texte de M l’abbé Laguerie.

« Le 14 avril, Rome signifiait à notre supérieur général, Mgr Bernard Fellay, le résultat de la consultation par le pape de la plenaria (ensemble des responsables des dicastères romains) réunie le jeudi 22 mars à Rome. Cette lettre, qui laissait manifestement une porte ouverte, affirmait cependant le refus de notre demande, préalable à toute négociation : la liberté universelle pour tout prêtre catholique de célébrer la messe de toujours. L’argument invoqué se trouve être le désaveu qu’une telle mesure ne manquerait pas de faire peser sur le Concile Vatican II.

Voilà où nous en sommes à cette heure et il me semble nécessaire, après vous avoir informés, de tirer la leçon de ce que j’appellerai un premier « round ».

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on se trouve dans le cocasse, et même dans le paradoxe le plus complet. On se souvient de l’enthousiasme romain du début. Le Cardinal Castrillon Hoyos égrainait les propositions les plus mirobolantes.

Deux d’entre elles méritent notre attention particulière.

1) Depuis le mois d’août, l’excommunication de 1988 n’est plus du tout un problème. A Rome du moins. C’est tout de même extraordinaire que cette fameuse censure, qui est depuis 10 ans le paravent exclusif d’un ostracisme commode, puisse s’évanouir aussi simplement, par une banale signature, sans aucune contre partie : comme par une vraie poudre de perlimpinpin d’un tout puissant Merlin-l’enchanteur ! Circulez, il n’y a rien à voir ! Avis à ceux qu’elle terrorise depuis 10 ans. Avis à ceux qui s’en servent si communément pour s’affranchir du seul dialogue qui leur fait peur : avec ces frères non séparés, avec ces catholiques bien plus  romains qu’eux on l’espère. Ah, tout de même, laissez-nous suggérer ici que ce spectre hideux qui s’évapore plus subtilement qu’un gaz rare, n’avait d’autre consistance que celle d’un fantôme écossais.

2) La seconde est cette société de droit pontifical, à juridiction personnelle et universelle agrégeant dans son sein toutes les composantes traditionnelles(Opus Dei battue !) que nous sert sur un plateau le cardinal Castrillon, sans plus de difficulté qu’il ne s’en est donné pour lever l’excommunication. Le rêve de Mgr Lefebvre bien plus que réalisé dépassé par la réalité. Le même coup de baguette magique qui nous fait passer, en un tour de main du statut de vilains petits excommuniés( avec les avorteurs, les apostats, les « mains violentes » sur le pape et les profanateurs des espèces eucharistiques…)nous établit tout de bon dans la congrégation la plus libre, la plus souple, la plus choyée au niveau de la juridiction…On songe au psaume 112 « Il relève le pauvre de son fumier…pour le placer avec les princesd e son peuple ».

Chers amis, signées ou pas signées ces deux choses restent acquises, définitivement. Le travail que nous faisons est bon puisqu’on veut l’homologuer avec les prérogatives les plus merveilleusement romaines. C’est le cardinal de la Congrégation pour le clergé, c’est celui pour la doctrine de la Foi, c’est le pape lui-même, par leur intermédiaire ( c’est sa volonté seule qui fait avancer les choses depuis le début, n’en déplaise aux attardés soixante huitards de l’épiscopat français…oui ce sont ces personnages qualifiés qui nous disent qu’ « il n’y a pas plus d’excommunication que d’arêtes dans une dinde »( selon la formule du curé de Saint-Nicolas en 1988), et que (selon celle du cardinal Gagnon en 1987, signant le livre d’or d’Ecône) « le merveilleux travail de formation sacerdotale accompli ici rayonne un jour pour le bien de toute la sainte Eglise ».

Jamais plus un quidam de bonne foi ne pourra nier ces deux acquis et quels que soient les délais, ils passeront dans le droit puisqu’ils sont déjà dans les faits. Mais alors, pourquoi ce ralentissement, cet atermoiement, et les délais qui fatiguent tout le monde, le pape surtout qui n’a pas besoin de cela en ce moment.

Deux éléments ici sont décisifs à cerner :

1-La FSSPX parce qu’elle est catholique jusqu’au bout des ongles n’entend pas régler les choses à son seul profit. Que ses ennemis lui reconnaissent cela, au moins ! Que coûtait à Mgr Fellay cette signature qui le plaçait ipso facto comme l’un des prélats les plus prestigieux de l’Eglise catholique ? Rien…ou presque rien. Mais le « presque » de ce rien n’est pas négociable, selon la formule du cardinal Eyt, « tout n’est pas négociable ». Ce qui n’est pas négociable, en effet, c’est que le catholicisme de l’Eglise, le trésor de sa Tradition, sa messe donc, fasse l’objet d’un indult, d’un passe-droit, ne soit pas pour tous et partout et toujours. Et voilà bien le génie propre de la FSSPX qu’elle tient pour son fondateur de l’Eglise Romaine…précisément. Ces trésors qui sont les vôtres, les nôtres, nous ne voulons pas les garder pour nous seuls. Leur nature même nous l’interdit. Nous les tenons déjà, pour nous-mêmes. Que si vous voulez les reconnaître, ce sera pour ce qu’ils sont : des trésors de l’Eglise catholique destinés par leur être même à toute l’Eglise catholique. Toute autre attitude, de notre part, comme de la vôtre serait compromis, incohérence, magouille. Si la Tradition et sa messe sont bonnes (vous le reconnaissez puisque vous voulez nous les rendre en droit) elles le sont pour tous. Le père de famille doit à tous ses enfants ce qu’il sait être bon pour l’un. Le médecin ne peut réserver qu’à un seul patient le remède qui doit les guérir tous. Mais le paradoxe atteint son comble quand l’épiscopat (français en particulier) élève contre ces tractations – qui de toutes manières auront lieu – des objections…doctrinales. Renversement de situation, l’arroseur arrosé : les évêques français viennent au secours de la doctrine, de l’orthodoxie, de la rigueur ; la dérive intégristes des évêques ! On les croyait ouverts au seul dialogue…et finalement voilà des doctrinaires hyper pointus et sourcilleux. Nos objections doctrinales vielles de 20 ans : l’Eglise du Christ « subsistant » dans l’Eglise catholique, l’Eglise comme « Sacrement » du salut, le salut universel et cet enfer vide, cette conscience humaine existentialisée et personnalisée au point qu’elle défit toute norme, ces valeurs de salut dans les religions en tant que telles etc. Sans compter ces milliards de divagations progressistes jamais poursuivies, jamais rétractées…Nouveau coup de baguette magique, tout cela n’existe plus et leurs auteurs élèvent des dubia sur l’orthodoxie de notre analyse du mystère pascal ! Comme si ce « mystère pascal » qui est le « passage » du Seigneur, sa croix, sa mort, sa résurrection, sa rédemption, son sacrifice, (la messe en un mot et notre raison de vivre et de combattre) étaient par nous récusés ! En une phrase, que personne ne cite ici (bizarre) saint Paul a résumé ce mystère pascal pour les siècles des siècles : « Le Christ, notre Pâque, a été immolé ». Je ne ferai à personne l’insulte d’expliquer cette phrase qui dit tout très clairement et définitivement : « Le Christ est notre Pâque et il a été immolé ». Que celui qui a encore la Foi comprenne. Et justement ma conclusion – surprenante peut-être : je crois à la possibilité d’un accord pratique et à la vanité totale de discussions doctrinales, à l’heure actuelle.

2-Commençons par ce dernier point. Une discussion doctrinale (et un accord) devraient normalement dicter les conditions d’une entende pratique : qui ne le voit ? Cette dernière me semble cependant indispensable à l’Eglise tandis que la première me semble impossible… et qu’il faudra bien se passer de celle-ci pour arriver néanmoins à celle-là.

Une discussion doctrinale (et un accord) supposent de toute évidence qu’on marche à la même lumière. Il est déjà difficile de tout voir semblablement sous un éclairage identique. Mais c’est gageure que de prétendre arriver à des conclusions semblables quand on part de prémices contradictoires. Tout débat doctrinal et théologique doit avoir pour seul éclairage la Foi, la Révélation, la lumière divine. Or tel n’est plus depuis longtemps l’éclairage des théologiens conciliaires – sans en juger aucun en particulier. Quand le document conciliaire « dignitatis humanae » énonce que « tout homme a droit à la liberté religieuse » et que cette liberté consiste en ce que  nul ne soit empêché d’agir, en privé ni en public contre sa conscience…etc on est manifestement sorti de l’éclairage de la Foi catholique surtout à prétendre que c’est là un droit de la personne humaine en tant que telle à raison de sa dignité native et inamissible. Il n’y a pas, il n’y aura jamais la moindre discussion théologique sérieuse sur ces prémices qui se situent contre et même en dehors de la Révélation. C’est là l’intuition primordiale de Mgr Lefebvre. Il a vu, oui vu dans ces textes et beaucoup d’autres, la mort de la Foi, donc de la Révélation, donc de la Parole divine ; bref de la seule lumière qui peut réconcilier intellectuellement les hommes pécheurs. On perd son temps – et peut être son âme – à ces discussions qui n’aboutissent jamais pour le motif évident qu’elles n’ont pas la moindre problématique commune.

Est-ce à dire que je suis contre tout accord ? Non, au contraire ! Si un accord doctrinal ne sera possible que dans 20 ou 30 ans, ce n’est pas une raison pour y renoncer. Il est même urgent de se retrouver dans la communion liturgique et sacramentelle de l’Eglise de toujours, pour que, faisant pareil on finisse par penser pareil. Le vieil adage Lex Orandi, Lex Credendi trouve ici tout son sens pastoral. Prions de la même manière et nous finirons par penser de la même manière… C’est inéluctable. Ce qui a divisé l’Eglise (même avant le Concile et la nouvelle messe) c’est la liturgie. Ce qui lui rendra l’unité, c’est la liturgie. Tout curé et pasteur d’âme sait cela d’emblée : ce qui unifie son troupeau, c’est l’unicité de sa messe. Il est indispensable et urgent que Rome libéralise la messe. Ce serait le petit début d’une grande retrouvaille, tandis que les discussions doctrinales, aujourd’hui, mèneraient au constat d’un échec définitif ».

b- deuxième texte : Mascaret du septembre 2005

 

« L’événement le plus considérable de l’été est et restera la rencontre historique de Mgr Bernard Fellay avec le pape Benoît XVI du 29 août 2005. Elle engage l’avenir de la Tradition et de l’Eglise. J’aimerais ici vous donner brièvement mon sentiment.
Et tout d’abord, quitte à vous surprendre, vous dire que je laisse entièrement Mgr Fellay à ses graves responsabilités dans ce domaine qui relève, par sa nature, des ses compétences et de ses grâces d’état. Pourvu qu’elles soient parfaitement loyales de part et d’autre (comme d’ailleurs elles se sont engagées) ces relations nouvelles, qui portent en elles un immense espoir, relèvent de la prudence. J’ai toujours reconnu aux autorités de la Fraternité leurs compétences dans ce domaine et continuerai de le faire. En voici les raisons.

1) La doctrine

La doctrine catholique n’est pas susceptible de discussion et tous les baptisés, jusqu’au pape et surtout lui, se doivent de la recevoir comme telle. Il y a dans le concile Vatican II une dizaine de thèses inacceptables au regard de cette doctrine. Comme est par exemple le fameux « Subsistit in » selon lequel l’Eglise fondée par Notre Seigneur se contenterait de subsister dans l’Eglise catholique Romaine. Ce qui voudrait dire qu’il y a d’autres modes de subsistance de cette Eglise de Jésus-Christ. D’où l’appartenance à géométrie variable des fidèles (?) à l’Eglise. Les fameux “cercles concentriques” du pape Jean-Paul II. D’où, à la limite, les “chrétiens anonymes” de Rahner qui appartiennent à l’Eglise (le corps, pas l’âme) sans le savoir. Autant d’hérésies qui mêlent l’extravagance au loufoque. Car si tout un chacun appartient ainsi diversement à l’Eglise, c’est que « par le mystère de l’Incarnation, Jésus-Christ s’est uni, en quelque sorte, à tout homme ». Mais la doctrine catholique est très simple : l’Eglise du Christ ne subsiste pas (seulement) dans l’Eglise Romaine ; elle est l’Eglise Romaine et il n’y a aucun autre mode de subsistance que celui-là. Car si l’on sait que la subsistance est le formel de la personne (physique ou morale), cette doctrine du Concile est aussi ridicule que d’affirmer d’un homme qu’il subsiste en lui-même. Pour ma part, comme pour la vôtre, je ne subsiste pas dans l’abbé Laguérie (Philippe), je le suis tout simplement. Il n’y a pas d’autres modes de subsistance de votre serviteur, et fort heureusement d’ailleurs, pensent mes ennemis et même mes amis… Si un passant dans la rue, vous explique qu’il subsiste dans sa personne, un bon conseil : changez de trottoir ! Paradoxalement, le pape Benoît XVI qui globalement s’affirme héritier et défenseur du concile Vatican II, malmène l’une après l’autre les grandes thèses de ce Concile en les ramenant à la vérité catholique. Il l’a fait pour la liberté religieuse en 1988, depuis l’Amérique du sud. Il l’a refait récemment pour le fameux (« subsistit in », affirmant que le seul sens possible de cette phrase est l’identité de l’Eglise du Christ avec l’Eglise Romaine. Et s’il nous fallait là-dessus être plus papiste que le pape, qu’à cela ne tienne. Il existe d’ailleurs une règle objective et officielle d’interprétation du concile dont tous pourraient et devraient convenir et qui laisse le champ libre à une inéluctable critique des points contestés et inacceptables.
C’est la déclaration du 6 mars 1964 de la Commission doctrinale du Concile lui-même, (A.S.S.) 57. 1965. 72. 75). Nous traduisons ce texte décisif : « En raison de la pratique conciliaire (générale) et de la fin pastorale du présent concile (Vat. II), le saint Synode n’entend proposer, en matière de foi et de mœurs, comme devant être tenu par l’Eglise ces seules choses qu’il aura expressément déclarées comme telles. Toutes les autres, que propose ce Saint Synode comme doctrine du magistère suprême de l’Eglise, tous et chacun des fidèles du Christ doivent les recevoir et les accepter selon l’esprit de ce Saint Synode, qui se fait connaître, soit à partir de la matière traitée, soit à partir du mode d’expression, suivant règles (classiques) de l’interprétation théologique ».
Les textes douteux et dangereux du Concile ne relèvent évidemment pas du 1er paragraphe. Jamais le Concile ne propose à tenir comme de foi ou de mœurs les doctrines controversées. Il faut donc admettre que ces doctrines doivent être reçues, selon l’esprit de ce concile à fin pastorale et suivant les critères traditionnels de la théologie catholique. Et c’est le Concile lui-même qui nous ouvre la voie à une critique du Concile dans tous les enseignements où il n’a pas dit expressément qu’il enseignait la foi ou les mœurs à tenir. C’est ce que nous faisons depuis 30 ans, c’est ce qu’entreprend ici et là le pape Benoît XVI et c’est ce que demande… le Concile ! Etant sauve la doctrine, voyons la prudence d’un accord.

2) La prudence 

La prudence est cette vertu (naturelle ou surnaturelle : pour les thomistes, ça fait deux) qui applique aux conditions concrètes de l’agir moral (par définition fluctuantes et mouvantes) les principes moraux, inchangeables et intangibles quant à eux, du droit naturel et surnaturel.
La morale ne consiste pas, donc, dans l’application matérielle des principes au concret (sous peine d’immoralité). Elle doit absolument passer par la vertu de prudence personnelle. La prudence est comme la suspension d’une voiture : entre la caisse, immobile, et les roues, nécessairement chaotiques comme le sol, il faut cet ajustement continuel qui nous évite le décor à chaque tournant ou dos d’âne. Quand le grand saint Nicolas envoie trois sacs d’or par la fenêtre à ce très curieux papa qui, faute de pouvoir les doter convenablement, avait simplement décidé de prostituer ses trois filles… il fait preuve d’une très grande prudence ! Car enrichir ainsi un père monstrueux en passe de devenir le proxénète de ses propres filles, défit quelque peu le bon sens… et pourtant il crée ainsi trois jeunes foyers chrétiens.
La prudence ne peut être ici que celle de Monseigneur Fellay et de lui seul. Son entourage et les pressions de toutes sortes ne peuvent ni ne doivent interférer, sauf comme de sages conseils. Etant sauve la doctrine et notre capacité à la conserver intégralement, c’est à lui seul d’apprécier l’opportunité des propositions romaines, hic et nunc, pour le bien non seulement de la Fraternité, mais de toute l’Eglise. A lui d’apprécier et de ménager l’absence de toute déviation doctrinale, d’évaluer l’impact considérable d’un feu vert romain sur notre apostolat, d’imposer l’unité de la Fraternité etc…


Quel chemin accompli depuis le mois de juillet où il n’était pas question d’accord (cf. B.O. du district de France), alors qu’on vient de s’engager, « par étapes et dans des délais raisonnables », à une pleine réconciliation ! Nous soutiendrons donc Mgr Fellay de nos prières tout au long de cette année difficile pour lui. C’est le juste retour du principe de subsidiarité bien compris. Quand un secrétaire, loin derrière son bureau me dicte le bien commun de Saint-Eloi et déclare illicite notre ministère auquel il n’entend rien : je sais dire non et l’ai prouvé. Mais quand le bien commun tout entier de la Tradition est engagé au plus haut niveau, je sais attendre et prier aussi.
Nul ne doit douter pour l’heure des bonnes intentions qui animent les deux partis. La cadence imposée par Rome me plait aussi : si un entrepreneur propose de me construire une maison “dans des délais raisonnables”, j’escompte prudemment être assez vite dans les murs, c’est le cas de le dire… Car l’échéance de l’été 2006 ne doit en rien interférer et quand un pape, après seulement six mois de Pontificat, prend ainsi les affaires en main, il me semble que le zèle de tous et de chacun doit se réveiller.

Abbé Philippe Laguérie