ITEM
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Un
regard sur le monde politique et
religieux
Au 27 avril
2005
N°40
Le cardinal Ratzinger
et
la messe dite de saint Pie V
Je pensais poursuivre, cette semaine encore, la « critique »
du livre de Jean-Paul II, « Mémoire et identité », son testament
spirituel et doctrinal, ce que nous faisons depuis quatre numéros déjà. Mais
l’actualité a ses impératifs.
L’élection du nouveau pape, Benoît XVI, attire notre attention sur d’autres
sujets et tout particulièrement sur la liturgie.
Alors qu’il était préfet de
Je voudrais ici en réunir un certain nombre. Ce sera la première partie.
Je voudrais ensuite vous rappeler la « fameuse » conférence
qu’il donna le 24 octobre 1998 alors qu’il
recevait à Rome, les communautés « Ecclesia Dei Adflicta ».
Il faut se souvenir de ce texte où le cardinal exprime sa pensée et sur la
messe dite de saint Pie V et sur l’attitude plus que réticente de certains
épiscopats, l’épiscopat français tout particulièrement. Il est, aujourd’hui, pape, le pape Benoît XVI.
Alors… des espoirs peuvent bien légitimement être nourris. Ce sera la deuxième
partie.
Enfin, je vous donnerai le texte de l’interview du cardinal Médina publié
à la fois dans « l’Homme Nouveau » (10, rue Rosenwald 75015 Paris, 01 53 68
99 77, contact@hommenouveau.fr)
et dans «
Les propos du cardinal sont importants
vu la personnalité qui les exprime. Le cardinal Médina fut Préfet de
Nous
aurons ainsi un aperçu à peu près complet du problème liturgique …tel qu’il
se pose aujourd’hui… du moins au niveau de Rome.. .
Quelle
va être l’attitude de l’Episcopat français… ? Ce dernier a toujours fait obstruction à la « restauration
liturgique » voulue par Rome et plus particulièrement par le cardinal
Ratzinger ?
Nous
ne devrions pas attendre bien longtemps pour le savoir…Avec
Vittorio Messori, qui connaît bien le cardinal Ratzinger, puisqu’il
l’a interrogé très souvent, je pense
que les choses en cette affaire vont aller
vite. Il l’écrivait dans le « Figaro Magazine » du samedi dernier, le 23 avril 2005, dans sa
« lettre ouverte » à Benoît XVI : « Je suis sûr qu’en matière de liturgie,
de réaffirmation du rite et du sacré, il ira vite ».
A- Les différentes prises de position du
cardinal Ratzinger, au fil du temps
a-
Les propos du Cardinal Ratzinger au Chili, le 13 juillet 1988 : Vers
une nouvelle réflexion liturgique.
L’Eglise
« conciliaire » se trouve devant un vrai problème, le problème de la
messe et l’amour persistant des nouvelles générations pour cette messe
« ancienne ».
La nostalgie des anciens
n’explique rien, n’est pas le problème. Il ne faut pas croire, non plus, que la
condamnation de Mgr Lefebvre règle le problème liturgique dans l’Eglise.
Le cardinal Ratzinger le dit,
le confesse même publiquement au Chili devant les évêques, le 13 juillet
1988…quelques jours après les sacres. Il faut le noter.
« Le problème posé
par Mgr Lefebvre (NDLR en particulier le problème liturgique…) ne prend pas fin
avec la rupture du 30juin. Il serait trop facile de se laisser envahir par une
espèce de triomphalisme et de penser que le problème a cessé d’en être un à
partir du moment où Mgr Lefebvre s’est nettement séparé de l’Eglise.
Un chrétien ne peut ni
ne doit jamais se réjouir d’une désunion. Même s’il ne fait aucun doute que
l’on ne peut attribuer la faute au Saint Siège, il nous faut nous interroger sur les erreurs que nous
avons commises et que nous commettons : les critères en fonction desquels
nous jugeons le passé sur la base du décret sur l’œcuménisme de Vatican II,
doivent, comme c’est logique, être aussi appliqués au présent… »
Il poursuit…
« Un fait doit
nous faire réfléchir : à savoir que bon nombre de gens, hors du cercle
restreint des membres de
Le langage est nouveau.
La problématique aussi.
C’est le début d’une nouvelle
réflexion liturgique : le 13 juillet 1988.
b- Le livre de Mgr Gamber
On voit le cardinal Ratzinger
commencer à dénoncer la réforme liturgique non pas seulement les abus et
extravagances mais la « réforme » elle-même, le texte lui-même,
l’œuvre des « experts liturgistes ».
Il préface le livre de Mgr
Gamber : «
Il publie un petit ouvrage
intitulé « Le Sel de
Il affirme même :
« une communauté
qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle
tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme
inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la
croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ? »
Nous, nous ne cessions de le répéter depuis trente ans.
Le cardinal Ottaviani le demandait au Souverain Pontife de l’époque :
« C’est pourquoi nous supplions votre Sainteté de ne pas vouloir que
nous soit enlevée la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond
missel romain de saint Pie V si hautement loué par votre Sainteté et si
profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier. » (lettre
à Paul VI)
d- « Ma vie. Mes
souvenirs »
Le cardinal Ratzinger dans
son livre : « Ma vie, mes
souvenirs », s’étonne que le Missel ancien ait pu être interdit dans
l’Eglise de Dieu.
Il constate tout d’abord cet
interdit :
« Le deuxième
grand évènement au début de mes années à Ratisbonne fut la publication du Missel de Paul VI,
assortie de l’interdiction quasi-totale du missel traditionnel après une phase
de transition de six mois seulement ».
Il manifeste tout de suite
son étonnement :
« J’étais
consterné de l’interdiction de l’ancien missel ».
Il donne le motif de sa
consternation car « cela ne s’était jamais vu dans toute
l’histoire de la liturgie ».
Il critique la raison qui fut
invoquée à l’époque pour justifier cette interdiction :
« On fit croire
que c’était tout à fait normal, le missel précédent avait été conçu par Pie V
en 1570, à la suite du Concile de Trente. Il était donc normal qu’après 400 ans
et un nouveau Concile, un nouveau Pape présente un nouveau missel ».
Qui ne voit que ce fut
l’argument utilisé par le pape Paul VI au Consistoire du 24 mai 1976.
Or
le cardinal explique que cet argument est faux : « La vérité
historique est tout autre ».
Nous, nous l’avons toujours
dit. Monsieur l’abbé Dulac en a fait une démonstration parfaitement claire dans
le « Courrier de Rome » et la revue « Itinéraires ».
Presque trente ans plus tard, le cardinal Ratzinger le démontre
lui aussi très exactement :
« Pie V s’était
contenté de revoir le Missel Romain en usage à l’époque comme cela se fait
normalement dans une histoire qui évolue. Ainsi, nombreux furent ses successeurs
à réviser ce missel, sans opposer un missel à un autre. Il s’agissait d’un
processus continu de croissance et d’épurement, sans rupture…Pie V n’a jamais
crée de missel. Il n’a fait que réviser le missel, phase d’une longue
évolution…
Le décret d’interdiction
de ce missel (il pourrait ajouter : la pensée de Paul VI au Consistoire de
1976) a opéré une rupture dans l’histoire liturgique dont les conséquences ne
pouvaient qu’être tragiques ».
Mais c’est précisément ce que
craignait tout « le courant » traditionaliste de l’époque, ce que
craignait le cardinal Ottaviani, ce que craignait Mgr Lefebvre.
Il a fallu attendre les
« sacres », il a fallu attendre presque trente ans pour qu’une
autorité - et quelle autorité, rien
moins que le préfet de
Et c’est parce que Mgr
Lefebvre a vu ce danger qu’il déclara avec le cardinal Ottaviani, « caveamus »,
« non possumus ». .
Ce que Mgr Marcel Lefebvre
disait hier,
le cardinal Ratzinger le dit
aujourd’hui.
On s’en réjouit sincèrement.
Mais il est alors juste de
demander à Rome, à la même autorité, qu’elle veuille bien revoir le
« procès » de Mgr Lefebvre et lui rendre justice…
Le cardinal précise encore sa
pensée :
« On démolit le
vieil édifice pour en construire un autre…et de l’avoir opposé en tant que
construction nouvelle à l’histoire telle qu’elle s’était développée, d’avoir
interdit cette dernière, faisant ainsi passer la liturgie non plus comme un
organisme vivant mais comme le produit de travaux d’érudits : voilà ce qui
nous a porté un énorme préjudice ».
C’est très vrai.
Nous ne pouvons qu’applaudir.
Voilà ce que nous expliquait
Mgr Lefebvre. Voilà ce qu’il défendait
pour justifier son « non possumus ». Il était cohérent.
« Voilà ce que nous a porté un énorme préjudice. » A l’Eglise d’abord, certes, aux fidèles ensuite. Mais
aussi à Mgr Lefebvre, à ses prêtres, à son œuvre…Ce qu’il disait à l’époque et
qui fut la raison de sa condamnation actuelle, est dit aujourd’hui par le
cardinal Ratzinger.
Le cardinal Ratzinger a
certainement raison de dire cela aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais.
Alors Mgr Lefebvre avait
également tout à fait raison de le dire à son époque…
Le cardinal reprend enfin la
forte idée que nous avons trouvée dans le livre de Mgr Gamber :
« On eut alors
l’impression que la liturgie était « fabriquée », sans rien de
pré-établi, et dépendant de notre décision…il est donc logique que…chaque
communauté finisse par se donner à elle-même, sa propre liturgie ».
Il conclut alors :
« Je suis
convaincu que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement
sur la désintégration de la liturgie ».
Il faut se réjouir – pour
l’Eglise – que ces paroles aient été dites, enfin.
Que de chemin parcouru depuis
le 24 mai 1976.
e- Le 24 octobre 1998
Le Cardinal reprenait
ces même idées - il y a tout de même une constance pour un
esprit que d’aucuns disent hégélien - dans le commentaire qu’il fit le 24
octobre 1998 à Rome, devant les communautés « Ecclesia Dei Adflicta »
qu’il recevait à Rome.
Là, il s’appuya sur
l’autorité du cardinal Newman.
« Il est bon de
rappeler ici ce qu’a constaté le cardinal Newman qui disait que l’Eglise, dans
son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques
orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’esprit de l’Eglise ».
Mais qu’a donc fait Paul VI,
Eminence ?
Il poursuit :
« Une liturgie
orthodoxe, c'est-à-dire qui exprime la vraie foi, n’est jamais une compilation
faite selon des critères pragmatiques de diverses cérémonies…les formes
orthodoxes d’un rite sont des réalités vivantes, nées du dialogue d’amour entre
l’Eglise et son Seigneur, sont des expressions de la vie de l’Eglise où se sont
condensées la foi, la prière et la vie même de générations…L’autorité de
l’Eglise peut définir et limiter l’usage des rites dans des situations
historiques diverses, mais jamais elle ne les défend purement et simplement ».
Ainsi parla le Cardinal à
Rome le 24 octobre 1998.
Il me semble que l’on peut
s’en réjouir. Mgr Lefebvre ne disait rien d’autre.
f- « Voici quel est
notre Dieu ».
N’est-ce pas
reconnaître que cette bataille
liturgique particulièrement odieuse dans l’Eglise arrive à sa fin ?
Oui, personnellement, je
pense que l’affaire liturgique sera un des premiers sujets traités par le
nouveau pontife. Il sera réglé dans sa globalité…Je nourris vraiment une forte
espérance de voir réglé le problème des « traditionalistes » dans
toutes ses composantes.
g- Le Cardinal Ratzinger, le latin liturgique et le problème de la célébration de la messe « ad
orientem »
On sait que le cardinal
Ratzinger revient, souvent, dans ses écrits, sur ces problèmes de la langue liturgique : le latin et
de l’orientation de la célébration de la sainte Messe :
« ad orientem ». Il l’a fait
encore récemment dans la préface du livre d’Uwe Michael Lang, « Converti
ad Dominum » édité en Suisse.
Voici des extraits de cette préface :
a) au sujet de la langue liturgique : le latin.
« Pour le catholique
pratiquant normal, la réforme liturgique du concile Vatican II a eu
essentiellement deux résultats : la disparition de la langue latine et
l’autel tourné vers le peuple. Mais si on lit les textes conciliaires, on
pourra constater avec étonnement que ni l’un ni l’autre de ces changements ne
s’y trouvent sous cette forme.
Certes, on devait, selon les intentions du Concile (cf la constitution
Sacrosanctum Concilium 36,2) faire place à la langue vulgaire – dans le cadre
surtout de la liturgie de
On est heureux de lire cela
sous la plume du Cardinal Ratzinger. Jusqu’à ce jour, il n’y avait guère que
les « tradis » qui osaient relever la contradiction entre le texte et
la pensée réelle du Concile sur l’usage
du latin dans la liturgie et la pratique
universelle qui s’est imposée après le Concile généralisant l’usage
des langues vernaculaires.
Certains observateurs ont
fait remarquer que la messe des obsèques du pape Jean-Paul II, comme la messe
d’intronisation de Benoît XVI furent célébrées en latin, seuls les lectures
furent dites en langues vernaculaires…
b- Le cardinal Ratzinger
et l’orientation de la célébration liturgique : « ad orientem ».
1- Toujours dans la même
préface du livre d’Uwe Michael Lang, le cardinal Ratzinger affirme : « Dans le texte conciliaire, il n’est pas question de l’autel tourné vers le
peuple. Il en est questions dans les instructions post-conciliaires(…)
L’orientation physique devrait – dit
La liturgie de
2-
La préface de « Tournés vers le Seigneur » de Mgr Gamber
Le cardinal Ratzinger, vous
venez de le lire, parle de Mgr Gamber et du père Bouyer. Tous deux combattirent
fortement pour le maintien de la tradition liturgique de célébrer la
sainte messe, prêtres et fidèles tournés « vers l’Orient ». Mgr
Gamber publia, de fait, un livre en allemand sur ce sujet : « Zum
Herrn hin ! Les pères du Barroux le firent traduire et le publièrent sous
le titre français : « Tournés vers le Seigneur ».
Le cardinal en fit la
préface.
Voici la préface du
Cardinal Ratzinger :
« …Ce qui fait
l’importance de ce livre, c’est surtout le substrat théologique mis à jour par
ces savantes recherches. L’orientation de la prière commune aux prêtres et aux
fidèles - dont la forme symbolique était
généralement en direction de l’est, c’est-à-dire du soleil levant - était conçue comme un regard tourné vers le
Seigneur, vers le soleil véritable. Il y a dans la liturgie une anticipation de
son retour ; prêtres et fidèles vont à sa rencontre. Cette orientation
de la prière exprime le caractère théocentrique de la liturgie ; elle
obéit à la monition : « Tournons nous vers le Seigneur »
Cette appel s’adresse à nous
tous, et montre, au delà même de son aspect liturgique, comment il faut que
toute l’Eglise vive et agisse pour correspondre à la mission du
Seigneur ».
B- Le 24 octobre 1998
La conférence du
Cardinal Ratzinger à l’occasion du dixième anniversaire du Motu proprio
« Ecclesia Dei Adflicta »
Tout
le monde sait que le 24 Octobre a eu lieu à Rome un pèlerinage organisé pour le
dixième anniversaire du Motu Proprio « Ecclesia Dei ». A cette
occasion, le cardinal Ratzinger reçut les congressistes et leur adressa ces paroles fort
intéressantes. Vous trouverez ici le texte in extenso.
« Dix
ans après la publication du Motu proprio Ecclesia Dei – quel bilan
peut-on dresser ? Je pense que c’est avant tout une occasion pour montrer
notre gratitude et pour rendre grâces. Les diverses communautés nées de ce
texte pontifical ont donné à l’Église un grand nombre de vocations sacerdotales
et religieuses qui, zélées, joyeuses et profondément unies au Pape, rendent
leur service à l’Évangile dans cette époque de l’histoire, qui est la nôtre.
Par eux, beaucoup de fidèles ont été confirmés dans la joie de pouvoir vivre la
liturgie et dans leur amour envers l’Église ou peut-être ils ont retrouvé les
deux. Dans plusieurs diocèses – et leur nombre n’est pas si petit ! – ils
servent l’Église en collaboration avec les évêques et en relation fraternelle
avec les fidèles, qui se sentent chez eux dans la forme rénovée de la liturgie
nouvelle. Tout cela ne peut que nous inciter aujourd’hui à la gratitude !
Cependant,
il ne serait pas très réaliste de vouloir passer sous silence les choses moins
bonnes : qu’en maints endroits les difficultés persistent et continuent à
persister, parce que tant les évêques que les prêtres et les fidèles
considèrent cet attachement à la liturgie ancienne comme un élément de
division, qui ne fait que troubler la communauté ecclésiale et qui fait naître
des soupçons sur une acceptation du concile « sous réserve seulement »,
et plus généralement sur l’obéissance envers les pasteurs légitimes de l’Église.
Nous
devons donc nous poser la question suivante : comment ces difficultés
peuvent-elles être dépassées ? Comment peut-on construire la confiance
nécessaire pour que ces groupes et ces communautés qui aiment l’ancienne
liturgie puissent être intégrés paisiblement dans la vie de l’Église ?
Mais
il y a une autre question sous-jacente à la première : quelle est la
raison profonde de cette méfiance ou même de ce refus d’une continuation des
anciennes formes liturgiques ?
Il
est sans doute possible que, dans ce domaine, existent des raisons qui sont
antérieures à toute théologie et qui ont leur origine dans le caractère des
individus ou dans l’opposition des caractères divers, ou bien dans d’autres
circonstances tout à fait extérieures. Mais il est certain qu’il y a aussi des
raisons plus profondes, qui expliqueraient ces problèmes. Les deux raisons
qu’on entend le plus souvent, sont le manque d’obéissance envers le concile qui
aurait réformé les livres liturgiques, et la rupture de l’unité qui devrait
suivre nécessairement, si on laissait en usage des formes liturgiques
différentes. Il est relativement facile de réfuter théoriquement ces deux
raisonnements : le concile n’a pas réformé lui-même les livres
liturgiques, mais il en a ordonné la révision et, à cette fin, a fixé quelques
règles fondamentales. Avant tout, le concile a donné une définition de ce
qu’est la liturgie, - et cette définition donne un critère valable pour chaque célébration
liturgique. Si l’on voulait mépriser ces règles essentielles et si l’on voulait
mettre de côté les normae generales qui se trouvent aux numéros 34-36 de
Il
est bon de rappeler ici, ce qu’a constaté le Cardinal Newman qui disait que
l’Église, dans toute son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes
liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’Esprit de
l’Église. Une liturgie orthodoxe, c’est-à-dire qui exprime la vraie foi, n’est
jamais une compilation faite selon des critères pragmatiques de diverses
cérémonies, dont on pourrait disposer de
manière positiviste et arbitraire - aujourd’hui comme ça et demain autrement.
Les formes orthodoxes d’un rite sont des réalités vivantes, nées du dialogue
d’amour entre l’Église et son Seigneur, - sont des expressions de la vie de
l’Église, où se sont condensées la foi, la prière et la vie-même de
générations, et où se sont incarnées dans une forme concrète en même temps
l’action de Dieu et la réponse de l’homme. De tels rites peuvent mourir, si le
sujet qui les a portés historiquement disparaît, ou si ce sujet s’est inséré
dans un autre cadre de vie. L’autorité de l’Église peut définir et limiter
l’usage des rites dans des situations historiques diverses, - mais jamais elle
ne les défend purement et simplement ! Ainsi, le concile a ordonné une
réforme des livres liturgiques, mais il n’a pas interdit les livres antérieurs.
Le critère que le concile a exprimé, est à la fois plus vaste et plus
exigeant : il invite tous à l’autocritique ! Mais nous reviendrons
sur ce point.
Il
faut encore examiner l’autre argument, qui prétend que l’existence de deux
rites peut briser l’unité. Là, il
faut faire une distinction entre le côté théologique et le côté pratique de la
question. Pour ce qui est du côté théorique et fondamental, il fut constater
que plusieurs formes du rite latin ont toujours existé, et qu’elles se sont
retirées seulement lentement suite à l’unification de l’espace de vie en Europe.
Jusqu’au concile existaient, à côté du rite romain, le
rite ambrosien, le rite ambrosien, le rite mozarabe de Tolède, le rite de
Braga, le rite des chartreux et des carmes, et le plus connu : le rite des
dominicains, - et peut-être d’autres
rites encore que je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé que les
dominicains, souvent présents dans nos paroisses, ne célébraient pas comme les
curés, mais avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun doute, que leur rite
fût catholique autant que le rite romain, et nous étions fiers de cette
richesse d’avoir plusieurs traditions diverses. En outre, il faut dire
ceci : l’espace libre, que le nouvel Ordo Missae donne à la
créativité, est souvent élargi excessivement ; la différence entre la
liturgie selon les livres nouveaux, comme elle est pratiquée en fait, célébrée
en des endroits divers, est souvent plus grande que celle entre une liturgie
ancienne et une liturgie nouvelle, célébrées toutes les deux selon les livres
liturgiques prescrits.
Un chrétien moyen sans
formation liturgique spéciale a du mal à distinguer une messe chantée en latin
selon l’ancien Missel d’une messe chantée en latin selon le nouveau
Missel ; par contre, la différence entre une liturgie célébrée fidèlement
selon le Missel de Paul VI et les formes et les célébrations concrètes en langue
vulgaire avec toutes les libertés et créativités possibles, - cette différence
peut être énorme !
Avec
ces considérations, nous avons déjà franchi le seuil entre la théorie et la
pratique, où les choses sont naturellement plus compliquées, puisqu’il s’agit
des relations entre des personnes vivantes.
Il
me semble, que les aversions dont nous avons parlé sont si grandes parce qu’on
met en relation les deux formes de célébration avec deux attitudes spirituelles
différentes, à savoir avec deux manières différentes de percevoir l’Église et
l’existence chrétienne tout court. Les raisons pour cela sont multiples. La
première est celle-ci : on juge les deux formes liturgiques à partir des
éléments extérieurs et on arrive ainsi à la conclusion suivante : il y a
deux attitudes fondamentales différentes. Le chrétien moyen considère essentiel
pour la liturgie rénovée, qu’elle soit célébrée en langue vulgaire et face au
peuple, qu’il y existe un grand espace libre pour la créativité et que les
laïcs y exercent des fonctions actives. Par contre : est considéré
essentiel pour la célébration selon le rite antique, qu’elle soit dite en
langue latine, que le prêtre soit tourné vers l’autel, que le rite soit
prescrit sévèrement et que les fidèles suivent la messe en priant en privé,
sans avoir une fonction active. Dans cette optique, la phénoménologie est
essentielle pour une liturgie, non pas ce qu’elle considère elle-même comme
essentiel. Il fallait s’attendre à ce que les fidèles s’expliquent la liturgie
à partir des formes concrètes visibles et qu’ils soient imprégnés
spirituellement par ces formes-là, et que les fidèles ne pénètrent pas
facilement dans les profondeurs de la liturgie.
Les
contradictions et oppositions que nous venons d’énumérer, ne proviennent ni de
l’esprit ni de la lettre des textes conciliaires.
Voilà
les directives du concile : à tous elles peuvent donner matière à
réflexion. Parmi un nombre de liturgistes modernes il y a malheureusement
une tendance à développer les idées du concile dans une seule direction ;
en agissant ainsi, on finira par renverser les intentions du concile. La
position du prêtre est réduite par quelques-uns au pur fonctionnel. Le fait que
le Corps du Christ tout entier est le sujet de la liturgie, est souvent déformé
au point que la communauté locale devient le sujet autosuffisant de la liturgie
et en distribue les divers rôles. Il existe aussi une tendance dangereuse à
minimiser le caractère sacrificiel de
Mais
malheureusement, il y a aussi un certain dégoût du rationalisme plein de
banalité et du pragmatisme de certains liturgistes, qu’ils soient théoriciens
ou praticiens, et on constate un retour au mystère, à l’adoration et au
sacré, et au caractère cosmique et eschatologique de la liturgie, dont témoigne
Voilà pourquoi il est
si important d’observer les critères essentiels de
Des
accents spirituels et théologiques différents continueront, certes, à exister,
- mais ils ne seront plus deux manières opposées d’être chrétien, mais plutôt
des richesses qui appartiennent à la même et unique foi catholique.
Lorsque,
il y a quelques années, quelqu’un avait proposé « un nouveau mouvement
liturgique » pour éviter que les deux formes de liturgie ne s’éloignent
trop l’une de l’autre et pour mettre en évidence leur convergence intime, - alors
quelques amis de l’ancienne liturgie ont exprimé leur peur, que ceci ne soit
qu’un stratagème ou une ruse, pour pouvoir éliminer enfin complètement
l’ancienne liturgie.
Il
faut que de telles anxiétés et peurs cessent enfin ! Si dans les deux
formes de célébration l’unité de la foi et l’unicité du mystère apparaissent
clairement, cela ne peut qu’être pour tous une raison de se réjouir et de
remercier le Bon Dieu. Dans la mesure où nous tous croyons, vivons et agissons
selon ces motivations, nous pourrons aussi persuader les évêques, que la
présence de l’ancienne liturgie ne dérange et ne brise pas l’unité de leur
diocèse, mais qu’elle est plutôt un don destiné à construire le Corps du
Christ, dont nous sommes tous les serviteurs.
Aussi
chers amis, je voudrais vous encourager à ne pas perdre patience, - à conserver
la confiance, - et à puiser dans la liturgie la force nécessaire pour donner
notre témoignage pour le Seigneur en notre temps ». Cardinal Joseph
Ratzinger
C- Le cardinal
Médina et la réforme liturgique
Avec cet interview du
cardinal Médina, ex-préfet de
Je peux difficilement
imaginer que le Cardinal Médina se soit exprimé aussi clairement sur ce sujet
liturgique sans avoir le consentement des cardinaux responsables
de cette question, à savoir le
cardinal Ratzinger, le cardinal Castrillon Hoyos, le cardinal Arinze, le
cardinal Stickler.
Il y a actuellement un
« consensus » à Rome et c’est selon ce consensus, selon cette synthèse
exprimée, ici, par le cardinal Médina, plus haut, par le cardinal
Ratzinger, que le problème liturgique va
être réglé par Benoît XVI.
Jusqu’à maintenant
Voici cet interview publié conjointement
par l’Homme Nouveau et
- Éminence,
lorsque vous célébrez la messe selon le rite de saint Pie V, demandez-vous
la permission ?
- Cardinal
Médina Estévez – Non, je ne demande
pas la permission, d’une part parce que je crois que le rite de saint
Pie V n’a jamais été supprimé canoniquement, et d’autre part parce que je
suis membre de
- Certes, mais
depuis que la possibilité d’une autorisation pour la messe tridentine a été
étudiée, deux principes, comme vous le savez bien, ont été posés : 1) il est
impossible, théologiquement et canoniquement, d’affirmer que cette messe est
interdite ; 2) mais sa célébration ne doit pas troubler la pastorale des
diocèses et des paroisses. Or, les indults de 1984 et 1988 évoquent surtout le
second principe.
- Cdl Médina
Estevez - Il y a, bien sûr, dans
l’Église un principe de bon ordre à respecter, selon lequel il faut une
certaine unité, mais il ne faudrait pas exagérer en ce sens, de telle sorte que
l’unité devienne totale uniformité. D’ailleurs, vous le savez, dans le
cadre de la célébration du missel du pape Paul VI, il y a des différences
de paroisse à paroisse. Je ne vois donc pas qu’il y ait une difficulté
considérable de ce côté-là. Dans un souci de bon ordre, on pourrait
peut-être établir, par exemple, que la célébration de la sainte messe selon
l’ancien rite – disons plutôt selon la forme ancienne du rite
romain – se déroule dans certaines églises et non dans toutes les
paroisses. Mais il faut répondre de manière large et généreuse à la sensibilité
des fidèles qui le désirent. Et il me semblerait bon de célébrer parfois dans
la forme ancienne dans des communautés qui suivent ordinairement le rite du pape
Paul VI.
Les cardinaux
interrogés (tous en 1982, 8 sur 9 en 1986) étaient en effet d’avis que la messe
tridentine n’a jamais été interdite. On voulait intégrer la déclaration dans un
vaste document. Certains ont imaginé une célébration publique par le pape de la
messe de saint Pie V, d’autres, une « annexe saint-Pie-V » dans la
dernière édition typique du missel de Paul VI, d’autres, une simple
réponse donnée par le Conseil pour l’Interprétation des Textes législatifs.
- Cdl
Médina Estevez -Vous savez, lorsqu’on veut résoudre un problème, on
trouve toujours la manière d’y parvenir. Le droit canon est assez souple et
fournit de larges possibilités pour résoudre les problèmes pastoraux. Au sujet de l’opportunité d’un document, d’un fait
posé ou d’une réponse officielle, cela relève d’un choix prudentiel.
Personnellement, je ne suis pas canoniste de formation et je n’ai donc pas une
compétence technique suffisante qui me permettrait d’opter d’emblée en faveur
d’une solution ou d’une autre. Le choix dépendra du jugement pratique de
celui qui, de droit, devra se prononcer, et ce dernier devra prendre sa
décision en évaluant les avantages et les inconvénients de chacune des
solutions possibles, qu’il devra considérer avec prudence et en même temps avec
largeur de vue.
Le cardinal
Castrillón a déclaré : « Cette messe a droit de cité ». Vous-même avez écrit en
substance à Una Voce de Florence : « La troisième édition typique du missel de
Paul VI ne contient aucune clausule d’abrogation du rite ancien, et cette
absence est voulue ». N’est-ce pas une autre voie, celle du constat par des
autorités ?
Cdl Médina
Estevez- Oui, on peut dire que
c’est la déclaration par des faits. Il serait tout de même bon qu’il y ait
aussi une réponse donnée par un organisme compétent. Et cette réponse devrait éclairer les deux points
: dire tout d’abord, que le vénérable rite de saint Pie V, qui a été le
rite de l’Église latine pendant des siècles, n’est pas interdit, ni abrogé ; et
préciser d’autre part que, pour ne pas créer de confusion, ni troubler les
sensibilités, ce rite pourrait être célébré dans des endroits définis, églises,
paroisses, églises placées sous la responsabilité d’un recteur, aumôneries,
comme on voudra, ou bien, comme aux États-Unis et au Canada, dans des paroisses
personnelles.
En tout cas, il faut
reconnaître aussi que l’on peut déplorer assez souvent des abus dans la
célébration de la sainte Eucharistie et, comme vous le savez, ceux-ci ont été
récemment signalés par
Autrement dit :
libération avec des précisions. Cependant, s’il y a trop de précisions, il n’y
aura pas vraiment de libération. Par exemple, il existe en France un nombre
notable de prêtres, de curés de paroisses, qui seraient heureux de bénéficier
de cette déclaration de liberté pour pouvoir, en toute quiétude, célébrer
éventuellement selon l’ancien rite.
Cdl Médina
Estevez- Oui, d’ailleurs,
personnellement, lorsque je célèbre dans la forme ancienne du rite romain,
qui a été d’ailleurs celui dans lequel j’ai reçu l’ordination sacerdotale,
j’éprouve une grande émotion, surtout en disant les prières de l’offertoire,
parce que ces prières soulignent, comme le font aussi les prières que l’on dit
vers la fin de la messe, son caractère sacrificiel. La dimension
sacrificielle de la célébration eucharistique en est un élément essentiel, et
pas seulement dans l’ancienne forme du rite romain, mais bien pour la doctrine
catholique tout court, récemment réaffirmée par le Saint-Père
Jean-Paul II, dans l’encyclique Ecclesia de Eucharistia.
C’est pourquoi j’aurais
voulu, à l’occasion de la troisième édition typique du missel de Paul VI,
alors que j’étais préfet de
Le
P. Bugnini aurait dit que sa réforme ne durerait pas plus de trente ans.
Puisque la liturgie de Paul VI n’a pas rendu caduque la liturgie
antérieure, n’est-ce pas qu’elle ne se prétendait pas une norme absolue ?
Cdl Médina
Estevez- Je crois que le missel promulgué par le
Saint-Père Paul VI a été pour l’Église une chose positive. Il contient des
richesses qui devraient être maintenues. Par exemple, la richesse du
lectionnaire qui me semble évidente. Ou encore, la volonté de souligner
l’aspect de la participation de la communauté à la liturgie – je pense à
la participation dans le sens le plus profond de ce mot : pas seulement la
participation par des moyens extérieurs, mais avant tout la participation
intérieure, par la grâce, par la foi. Je n’éprouve aucune difficulté en
célébrant tous les jours la sainte messe selon le missel du pape Paul VI. J’estime
tout de même que l’on pourrait revoir certains points de ce missel pour se
réapproprier des éléments très positifs du missel de saint Pie V. Ceci
dit, je ne suis pas prophète et je n’oserais pas faire des prédictions sur la
durée de cette réforme.
D’ailleurs, je n’aime pas
tellement ce mot de « réforme ». Je lui préfère celui de renouveau,
à moins que l’on comprenne « réforme » comme le fait de retrouver des formes
originelles dans la fidélité à la tradition. En ce sens-là, ce terme exprime
exactement ma sensibilité. En revanche, lorsqu’on l’utilise pour signifier
une rupture, il ne me convient pas du tout.
Certains
partisans du rite tridentin, à divers degrés et de diverses manières disent que
la liturgie nouvelle affaiblit l’expression du sacrifice propitiatoire, de la
présence réelle, du sacerdoce hiérarchique. Vous n’êtes certainement pas
d’accord avec ces jugements, mais estimez-vous qu’il est légitime d’en débattre
?
Cdl Médina
Estevez -Je crois, en effet, que ces
critiques sont excessives. Je n’aime pas à ce propos les critiques globales et
je préfère discuter des critiques sur des points très concrets. Par exemple,
presque toutes les nouvelles prières eucharistiques contiennent explicitement
la mention du sacrifice eucharistique. Je le répète encore une fois, il me
semble capital que le peuple catholique ait conscience, de manière très nette,
que la messe est avant tout un sacrifice. Si cela s’avérait nécessaire, on
pourrait porter remède à cette situation grâce à des corrections appropriées.
Mais puisque la nouvelle forme du rite romain garde les prières de l’ancien
missel, qui contiennent souvent la mention du sacrifice, il n’est pas vrai que
le nouveau missel ait affaibli la notion de sacrifice. Je pense tout de même
qu’il y a, hélas, un affaiblissement de cette dimension dans la conscience des fidèles.
Cependant, l’encyclique du pape Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia,
dans laquelle il est question plus de quarante fois de cette notion de
sacrifice, répond très exactement à cette objection.
Mais des
éventuelles déficiences du rite, peut-on discuter ?
On peut discuter
et on peut améliorer. Pourquoi pas ?
Améliorer :
croyez-vous que cette idée que développe depuis longtemps le cardinal Ratzinger
à la manière d’un programme – à savoir qu’il serait bon d’infléchir la
réforme dans un sens traditionnel – puisse faire l’objet d’un consensus
assez large dans le collège cardinalice ?
-Cdl Médina
Estevez- Je ne suis pas sûr qu’il
y ait dans l’Église catholique aujourd’hui une conscience très aiguë du besoin
de réviser la nouvelle forme du rite romain. Je crois que l’atmosphère
générale est plutôt celle d’une acceptation paisible, certes favorable, sans
qu’il y ait une très forte critique vis-à-vis de la « réforme ».
Et puis, ce n’est pas le
collège cardinalice qui est la structure responsable pour une pareille
démarche. Je préfère me fonder sur le sentiment des évêques : aujourd’hui, dans
leur très grande majorité, ils sont en accord avec les formules et les rites du
missel du Saint-Père Paul VI. Mais peut-être que, d’ici quelques
années, au fur et à mesure que l’on s’apercevra qu’il y a des éléments qui
pourraient être mieux soulignés, on pourra en tenir compte, soit par l’accueil
plus large de l’ancienne forme du rite romain, soit par l’introduction dans la
nouvelle forme de ce rite de quelques éléments ad libitum pris du rite de saint
Pie V.
Toutefois, il ne me semble
pas sage tout de même de réduire la crise de l’Église catholique au seul
problème liturgique. Il y a d’abord
les problèmes doctrinaux, de perte du sens de la tradition, d’affaiblissement
du sens du sacré, des manquements à la discipline ecclésiastique. Je pense
qu’en célébrant la liturgie selon la nouvelle forme du rite romain d’une
manière fidèle, exacte et pieuse, on pourrait porter remède à bien des
difficultés. Mais, vous le savez, il y a aussi des problèmes quant à une
application pleinement ecclésiale et spirituelle de la forme nouvelle du rite.
N’est-ce pas la
faiblesse du rite nouveau que d’être diversement interprétable, à la différence
du rite traditionnel ?
- Cdl Médina Estevez - Il
y avait aussi dans le rite ancien des prêtres qui célébraient de manière trop
mécanique, voire superficielle. J’attribue, pour ma part, une énorme
importance à ce qu’on appelle l’ars celebrandi, qui permet aux fidèles de
recevoir, à travers la manière concrète dont le prêtre célèbre, l’expression
d’une foi profonde, d’une piété foncière, du sens de Dieu et du sacré. Si, au
contraire, la célébration de la liturgie eucharistique devient « mécanique »,
cela ne nourrit pas la foi des fidèles. Je n’ai personnellement jamais assisté
à la messe du Padre Pio, mais tous ceux qui ont eu cette chance disaient que ce
saint prêtre – qui n’était certes pas un liturgiste – était
visiblement transpercé par le mystère qu’il célébrait. Qui voyait le Padre Pio
célébrer la messe, même si elle durait une heure ou plus encore, était illuminé
par la présence du sacré. Il faut voir les photos de ces messes ! En revanche,
en présence d’un prêtre célébrant avec empressement la même messe que le Padre
Pio, on peut se demander s’il croit vraiment à ce qu’il fait.
En amont du
rite, la sainteté… ?
- Cdl
Médina Estevez - Oh oui ! Je me souviens toujours de ce qu’un nonce
apostolique au Chili avait écrit à l’intention de nouveaux prêtres : « Célébrez
chacune de vos messes comme si elle était votre première messe, comme si elle
devait être votre unique messe, comme si elle était votre dernière messe ».
propos
recueillis par l’abbé Claude Barthe, Christophe Geffroy et Philippe Maxence
© Entretien exclusif accordé
par le cardinal Médina à
Il l’écrivait dans le
« Figaro Magazine » du samedi
dernier, le 23 avril 2005, dans sa « lettre ouverte » à Benoît
XVI : « Je suis sûr
Etant donné que le cardinal Ratzinger a pris en compte, plus
qu’aucun autre cardinal, le
« problème de la crise liturgique
dans l’Eglise…crise centrée sur
la personne de Mgr Lefebvre …il a déclaré qu’un « bon nombre de
gens, hors du cercle restreint des membres de
Etant donné le soutien
notable apporté par le cardinal Ratzinger aux ouvrages de Mgr Gamper qui, à
l’occasion de la réforme liturgique n’a pas
craint pas de parler de « rupture » avec
Etant donné que le
cardinal Ratzinger a osé affirmer : « Je suis certes d’avis que l’on
devrait accorder beaucoup plus généreusement, à tous ceux qui le souhaitent, le
droit de conserver l’ancien rite ».( in « Le Sel de
Etant donné qu’il a
déclaré avoir été « consterné de l’interdiction de l’ancien missel ». (dito)
Etant donné que cette
interdiction de l’ancien missel a fait courir à l’Eglise « un énorme préjudice ».(dito)
Etant que le cardinal
Ratzinger a déclaré : « Le décret d’interdiction de ce missel a
opéré une rupture dans l’histoire liturgique » de l’Eglise .(dito)
Etant donné que cette
interdiction illégitime a eu des
« conséquences (qui) ne pouvaient
qu’être tragiques pour l’Eglise ».(dito)
Etant donné que le
cardinal Ratzinger a eu l’occasion de déclarer : « Je suis convaincu que l’Eglise, dans son
histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce
qui serait tout à fait étranger à l’esprit de l’Eglise ». Il s’appuyait sur l’autorité morale du
cardinal Newman. (Conférence à Rome le 24 octobre 1998)
Etant donné qu’il a
déclaré que « L’autorité de l’Eglise peut définir et limiter l’usage
des rites dans des situations historiques diverses, mais jamais elle ne les
défend purement et simplement ».(dito)
Etant donné qu’il a
aussi déclaré : « il
est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur
jusqu'en 1970 ».(in «Voici quel est notre Dieu »)
Etant donné qu’il a
déclaré également : « Celui qui à l'heure actuelle, intervient pour
la validité de cette liturgie, ou qui la « pratique », est traité comme un
lépreux: c'est la fin de toute tolérance. (dito)
Etant donné qu’agir
ainsi, c’ est, pour le cardinal, mépriser purement et simplement tout « le passé de l'Eglise ».
Etant donné qu’il
s’oppose à cette « politique d’intolérance : « J'avoue aussi que
je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à
cette loi d'intolérance ».(dito)
Etant donné qu’il
invitait, alors préfet de
Etant donné qu’il a
reconnu que la constitution conciliaire sur la liturgie fait encore du latin la
langue « cultuelle » de l’Eglise latine affirmant : « Que l’usage de la langue latine, sauf
un droit particulier, soit conservé dans les rites latins ».
Etant donné qu’il a
déclaré que « La prière eucharistique est la prière dans laquelle le
prêtre sert de guide, mais est orienté, en même temps que le peuple et comme le
peuple vers le Seigneur.
C’est pourquoi - selon Jungmann - le fait que le prêtre et le peuple soient
tournés dans la même direction fait partie de l’essence de l’action
liturgique ».
Pour toutes ces
raisons, il est clair que le cardinal Ratzinger, devenu Benoît XVI, qui
s’est déclaré être «au service de
et restaurer la culte
traditionnel dans son droit,
et procéder à « la réforme de la
réforme » dans un application raisonnable des principes du Concile Vatican
II en matière liturgique rappelant particulièrement les grands principes
liturgiques contenus dans les n° 34- 36 de « Sacro sanctum
Concilium ».
« Je suis sûr qu’en matière de liturgie, de réaffirmation du
rite et du sacré, il ira vite ».