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Normandie
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Un regard sur l’actualité politique et religieuse
Au 28 septembre 2005
N°59
Benoît XVI a été invité
à Istambul par le patriarche de Constantinople Bartolomée 1er,
le chef spirituel de l'Eglise orthodoxe, pour célébrer la Sainte
Andrée, le 30 novembre 2005
Pourra-t-il s'y rendre à cette date ?
Rien n'est moins sûr !
Il est intéressant de suivre ce problème, et son
déroulement, pour trois raisons principales.
- en raison des relations particulièrement intenses que Rome semble entretenir,
en ce moment avec avec les églises orthodoxes. Le cardinal Walter Kasper
est très actif.
- en raison de la volonté clairement exprimée par le gouvernement
d'Ankara d'entrer dans l'Europe des 25. Or le pape Benoît XVI, alors qu'il
était encore cardinal, s'était exprimé clairement contre
cette éventualité.
- en raison de la volonté claire d'Ankara d'adhérer à l'Union
européenne.
Pour suivre, avec clairvoyance, ce problème et son déroulement,
nous vous donnons d'abord les communiqués des agences de presse AFP et
Kipa qui suivent aussi le problème. Vous comprendrez à la lectures
de ces commentaires de presse, les enjeux de cette visite du pape. Ils sont
à la fois religieux et politiques. Et toutes les " parties "
y ont quelques intérêts. Et Rome, pour les avancées sérieuses
dans l'cuménisme, et Ankara, pour son entrée en UE, et Istambul
pour le renforcement de son autorité et vis-àvis d'Ankara et vis-à-vis
du patriarcat de Moscou.
Le problème, vous le voyez, est complexe et passionnant. La " politique
est " chose " difficile
C'est vraiment " l'art du possible
".
Nous vous donnerons ensuite à lire le communiqué de Dici concernant
les travaux d'approche de l'Eglise catholique vis-à-vis de l'orthodoxie.
Les choses semblent bouger.
Enfin, nous vous rappelerons la position clairement ennoncée du cardinal
Ratzinger contre l'entrée d'Ankara dans l'Union Européenne.
Et tout d'abord les annonces de presse de l'AFP et de la KIPA en date du 15 septembre 2005
A-Le "
papier " de l'AFP.
" Une prochaine visite du pape en Turquie
pourrait créer des remous "
Par Burak AKINCI
ANKARA, 15 sept 2005 (AFP) - Une éventuelle visite en
Turquie du pape Benoît XVI pourrait poser certains problèmes dans
ce pays dont l'écrasante majorité de la population est musulmane
et qui aspire à entrer dans l'UE, une adhésion à laquelle
le souverain pontife s'était opposé lorsqu'il était encore
cardinal.
Le ministère turc des Affaires étrangères a annoncé
jeudi que le chef de l'Etat Ahmet Necder Sezer avait adressé une invitation
au pape pour une visite officielle courant 2006 afin de notamment "contribuer
à ses efforts visant à promouvoir le dialogue entre les civilisations"
chrétienne et musulmane.
La réponse du Vatican est attendue à Ankara.
La presse turque avait spéculé sur le fait que cette visite pourrait
se réaliser autour du 30 novembre, Benoît XVI ayant été
invité à Istanbul par le patriarche de Constantinople Bartolomée
1er, le chef spirituel de l'Eglise orthodoxe, pour célébrer à
cette date la Saint André.
Cette invitation faite à son prédécesseur, Jean Paul II,
a été acceptée par le nouveau pape, mais il fallait, pour
des raisons diplomatiques, qu'il soit également invité, en tant
que chef de l'Etat du Vatican, par le président turc.
Les Eglises catholique et orthodoxe sont séparées depuis le schisme
de 1054.
Benoît XVI serait ainsi le troisième pape à visiter la Turquie
après Paul VI en 1967 et Jean Paul II en 1979 dans un effort pour rapprocher
les deux Eglises.
La visite de Benoît XVI revêt une importance toute particulière
à un moment où la Turquie musulmane, mais laïque, doit concrétiser
un projet vieux de plus de 40 ans d'ancrage à l'Europe en lançant
le 3 octobre avec l'UE de difficiles négociations d'adhésion qui
devraient durer plus de dix ans.
Elles pourraient aussi échouer en raison notamment de l'opposition de
certains pays européens très réticents à l'idée
de voir un pays de quelque 71 millions d'habitants s'intégrer à
l'Union.
Le pape avait lui aussi publiquement exprimé son hostilité à
une telle adhésion lorsqu'il était le cardinal Joseph Ratzinger.
Il avait affirmé, dans plusieurs entretiens, que l'adhésion de
la Turquie serait "une énorme erreur" et une "décision
contre l'histoire".
Ses propos avaient été relativisés par les cardinaux, mais
ils ont fait de lui aux yeux de l'opinion publique de ce pays "le pape
antiturc", sans rien de l'aura de son prédécesseur "sympathique"
qui faisait régulièrement la Une de la presse d'Istanbul. Les
statuts du patriarcat, déterminés lors des négociations
du Traité de paix de 1923 entre la nouvelle République de Turquie
et les alliés européens, dont la Grèce, sont une autre
source de tension.
Ankara interdit au Patriarche d'utiliser le titre oecuménique, lui refusant
tout rôle politique et administratif, sauf celui d'un guide spirituel
pour les quelque 2.000 fidèles d'obédience orthodoxe grecque de
Turquie et la visite du pape pourrait apporter un précieux soutien aux
revendications d'oecuménisme.
La question du patriarcat est un sujet sensible en Turquie.
Les milieux nationalistes reprochent au patriarche de s'engager dans des a
de revendiquer, notamment avec le soutien de la Grèce
et des Etats-Unis, la réouverture du séminaire orthodoxe Halki
d'Istanbul, le seul de Turquie, fermé depuis 1971.
Ankara a fait part son intention de rouvrir l'établissement, mais rien
de concret n'a été accompli jusqu'à présent.
Une source bien informée au sein de la communauté catholique de
Turquie confirme que le pape a la volonté de venir en Turquie, mais explique
qu'il y a "problème" du côté d'Ankara.
"Deux papes sont déjà venus en Turquie sans que cela ne pose
de problème, mais il y a une hypersensibilité en ce moment liée
au processus d'adhésion à l'UE et aux demandes des orthodoxes,
comme pour la réouverture d'Halki", souligne cette source sous le
couvert de l'anonymat.
ba-nc/sf/bds AFP 151354 SEP 05
B- Le "
papier " de l' Apic
" Turquie: Le gouvernement d'Ankara invite Benoît
XVI en 2006 et non en novembre 2005 "
Un camouflet à l'égard du patriarche Bartholomé Ier
Ankara, 15 septembre 2005 (Apic) Le chef de l'Etat turc Ahmet Necdet Sezer a invité Benoît XVI pour une visite officielle en Turquie en 2006. C'est ce qu'indique un communiqué du ministère turc des Affaires étrangères émis le 15 septembre. La Salle de presse du Saint-Siège n'a souhaité faire aucun commentaire sur cette invitation.
La Turquie "suit de près les efforts déployés par le pape Benoît XVI pour renforcer le dialogue et la tolérance entre les religions", souligne le court communiqué. "Dans ce contexte, le président, pour contribuer à ses efforts visant à promouvoir le dialogue entre les civilisations ( ) a invité le pape Benoît XVI pour une visite officielle en 2006". Le gouvernement turc attend une réponse du Saint-Siège.
Le patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomé Ier, avait invité Benoît XVI à se rendre à Istanbul le 30 novembre prochain pour la fête de saint André. Le pape étant chef de la Cité de l'Etat du Vatican, ce voyage était soumis à une invitation officielle du gouvernement turc. Des négociations étaient en cours.
"La Turquie accorde une grande importance à la question de la visite de Benoît XVI", avait affirmé le 10 septembre 2005 le ministère des Affaires étrangères turc dans un communiqué, précisant que des "travaux sont en cours sur les dates de cette visite". "A ce stade, aucun détail du programme de cette visite n'a été évoqué", avait en outre précisé le communiqué.
Le voyage de Benoît XVI à Istanbul "se précise", avait pour sa part déclaré le cardinal Ignace Moussa Daoud, préfet de la Congrégation pour les Eglise orientales, à l'agence I.MEDIA le 12 septembre. "Je pense que tout se prépare pour cette rencontre à Istanbul entre le pape Benoît XVI et le patriarche Bartholomé", avait-il poursuivi. Concernant l'invitation des autorités politiques turques, le cardinal syrien estimait que "cela allait venir" car "il est de l'intérêt de la Turquie" que le pape s'y rende. "Il reste encore deux mois", avait-il ajouté.
Le 8 septembre, le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l'Unité des chrétiens, avait indiqué à une poignée de journalistes que le Vatican était dans l'attente d'un "accord" du gouvernement turc, mais "pas d'une invitation, car l'invitation du patriarche cuménique (Bartholomé Ier, ndlr) existe déjà". "L'intention du Saint-Père est d'y aller", avait ajouté le cardinal Kasper.
Tensions entre le patriarche et les autorités turques
Au Vatican on se satisfait de cette invitation d'un Etat musulman, officiellement laïc. En revanche, que l'invitation ne soit pas faite pour le mois de novembre 2005 est vu comme un camouflet pour Bartholomé Ier qui avait tout organisé de sa propre initiative. La question est révélatrice des tensions entre Ankara et le patriarcat de Constantinople, sujet sensible en Turquie. Les autorités refusent tout rôle politique à Bartholomé Ier, à l'exception de chef de la minorité orthodoxe du pays. Ainsi, Ankara lui refuse son titre de patriarche 'cuménique' (universel, ndlr) qui lui donne une primauté sur les 200 millions de chrétiens orthodoxes dans le monde. Une visite pontificale engagée à sa demande aurait mis en lumière cette revendication à un statut international, ce qui était aussi mal vu par le patriarcat orthodoxe de Moscou et de nombreuses autres Eglises orthodoxes.
Ainsi, Bartholomé Ier, est arrivé le 13 septembre à Salonique - au nord de la Grèce - pour une tournée de plusieurs jours dans les évêchés orthodoxes de cette région, objet d'un litige avec l'Eglise nationale. Ces évêchés font partie des 36 diocèses d'Epire, de Macédoine, de Thrace et du nord de l'Egée dits des 'nouveaux pays' dont l'administration dépend du patriarcat oecuménique selon un accord conclu en 1928 entre le Patriarcat et l'Eglise de Grèce. Dans les faits, l'Eglise de Grèce a géré les affaires de ces évêchés sans rendre de compte au patriarcat, provoquant la réaction de Bartholomé Ier en juillet 2003. Il a alors réaffirmé avec force sa primauté.
L'affaire de la juridiction des 'nouveaux pays' avait pris une nouvelle ampleur après l'élection en 1998 à la tête de l'Eglise de Grèce du patriarche Christodoulos, qui s'est vite opposé au patriarche Bartholomé Ier. La crise s'était calmée en juin 2004 après l'allégeance de Mgr Christodoulos à l'acte de 1928.
Fermeture de la Faculté de théologie de Halkis
Autre objet de litige entre le patriarcat et le gouvernement, la volonté affirmée depuis octobre 2003 de réouvrir la Faculté de théologie de Halkis, la seule du pays. Située sur une île en face d'Istanbul, elle a été fermée en 1971 sur ordre des autorités turques. Fondée autour du monastère de la Sainte Trinité (IXe siècle), l'Ecole Théologique de Halki était depuis 1844 un haut lieu d'études et de formation des cadres du Patriarcat et du clergé orthodoxe. Ankara a fait part de son intention de rouvrir l'établissement, mais rien de concret n'a encore été accompli et les nationalistes turcs y sont foncièrement opposés.
Une visite de Benoît XVI en Turquie en 2006 revêtirait enfin une importance particulière pour les autorités du pays, alors que les difficiles négociations avec Bruxelles pour une future adhésion turque à l'Union européenne s'ouvriront le 3 octobre prochain. Encore cardinal, le pape avait publiquement exprimé son opposition personnelle à un tel élargissement. Le Saint-Siège s'est déclaré officiellement neutre dans cette question, soulignant toutefois que le respect de la liberté religieuse dans le pays était, pour lui, une condition préalable à cette intégration. Si Benoît XVI se rend en Turquie, ce sera le troisième pape à s'y rendre après Paul VI en 1967 et Jean-Paul II en 1979. (apic/imedia/hy/bb)
15.09.2005 - Apic
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Presseagentur Agence de presse internationale catholique
C- Le cardinal Walter
Kasper, ses déclarations sur les relations avec les orthodoxes dans "
La Republica "
Le 10 septembre 2005, le cardinal Walter Kasper, président
du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens,
a évoqué dans La Repubblica le projet d'une rencontre entre Benoît
XVI et le patriarche de Moscou, Alexis II, ainsi que l'idée d'un sommet
réunissant le pape et l'ensemble des chefs des Eglises orthodoxes.
"Désormais nous rencontrer n'est plus un problème. Jusqu'à
présent, Alexis II maintenait qu'en premier lieu nous devions résoudre
les problèmes du prosélytisme catholique et celui de l'uniatisme.
Selon nous, cela pourrait se faire pendant la rencontre, à travers une
déclaration commune bien préparée. Nous leur avons déjà
dit clairement que le prosélytisme n'est ni l'intention, ni la politique,
ni la stratégie de l'Eglise catholique".
"A plus long terme, on pourrait penser à une rencontre entre le
pape et tous les patriarches des Eglises orthodoxes". Pour cela "il
faut une longue préparation" : la question principale sur laquelle
devront se pencher catholiques et orthodoxes pour favoriser leur rapprochement
serait celle du rapport entre la primauté pontificale et la synodalité.
"C'est une hypothèse, un désir de notre part. Jusqu'ici il
n'y pas de projet concret de rencontre ni de sommet, mais nous travaillons afin
que cela soit possible", déclarait le cardinal allemand à
la 19e rencontre internationale et interreligieuse pour la paix organisée
par la communauté Sant'Egidio du 11 au 13 septembre 2005 à Lyon.
Ajoutant: "Ces jours-ci, les membres orthodoxes - de la Commission mixte
théologique internationale - se rencontrent au Phanar à Istanbul
afin de reprendre notre travail de discussion théologique entre l'Eglise
catholique et l'Eglise orthodoxe à la fin de l'automne, je l'espère.
Le travail de discussion interrompu depuis 2001 devrait reprendre avec la commission
de coordination en novembre ou décembre prochain puis avec la commission
plénière au printemps 2006".
Toujours dans cet entretien accordé à La Repubblica, le cardinal
Kasper a annoncé la publication en octobre prochain d'un nouveau document
commun aux luthériens et aux catholiques. Ce texte aura pour thème
: L'apostolat de l'Eglise et la succession apostolique. "Très solide",
le document présente "des avancées importantes vers un consensus"
et aborde "des questions ouvertes, voire des divergences".
Déjà le 16 mai dernier, la Commission internationale catholique-anglicane
avait publié à Seattle, Etats-Unis, un document commun intitulé
"Marie : Grâce et Espérance dans le Christ", marquant
la volonté de dépasser les divisions doctrinales sur la Sainte
Vierge.
Le cardinal a ajouté que le christianisme et l'islam sont "les deux
grandes religions mondiales". Il y a entre elles "des différences
fondamentales, mais pour assurer la paix dans le monde, et surtout en Europe,
beaucoup de choses dépendent des relations entre ces deux religions.
Il ne peut pas y avoir de syncrétisme, mais une reconnaissance mutuelle".
Ajoutant que Benoît XVI souhaitait poursuivre les relations dans "le
sens d'une synergie". (DICI)
D-Benoît XVI et
la Turquie
a-le 13 août 2004
Le cardinal Ratzinger s'est nettement proncé contre l'entrée de la Turquie dans l'UE dans son interveiw au Fiagro du 13 aout 2004.
Dans Item, " Regard sur le monde " n° 6, je faisais,
de cette interview, la synthèse de cette manière :
" Le Cardinal Ratzinger et son entretien avec le Figaro Magazine du 13
août 2004 "
Le Cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine
de la foi, a donné, à l'occasion du voyage du Pape Jean-Paul II,
à Lourdes, un " entretien " au Figaro Magazine. Cet "
entretien " fut publié dans le numéro du 13 août 2004
Il fut interrogé par Sophie de Ravinel.
Cet " entretien " est riche et intéressant.
Il aborde des sujets actuels.
Interrogé sur la signification du voyage du pape à Lourdes, il
parle du problème de la souffrance, du mal qui est et reste une grande
interrogation du peuple. " Pourquoi la souffrance " ?
A propos de l'Europe, il rappelle l'influence historique du catholicisme et
dit son opposition et son incompréhension au silence des " politiques
" sur ce sujet dans la Nouvelle Constitution de l'Union Européenne.
Devant la poussée formidable du laïcisme en Europe et plus particulièrement
en France, il parle de " laïcisme acharné ", de "
laïcisme absolutisé ", du " laïcisme idéologique
" et en fait une critique sévère. A ce sujet, le " théologien
" de Jean-Paul II ne craint pas de parler de véritable " haine
"
Il redoute, dit-il, une haine de soi au sein du continent européen
par cette méconnaissance des racines chrétiennes de l'Europe.
Il a l'occasion également de parler du problème de la conscience
"érigé en absolue, par la philosophie moderne et " le
" politique contemporain. C'est le " subjectivisme " dans lequel
s'enferme le monde d'aujourd'hui.
Sur tous ces sujets, le cardinal nous donne des considérations utiles,
pertinentes mais également étonnantes, surprenantes, discutables.
Il donne un rôle à l'Etat qui en surprendra plus d'un
Il est interrogé sur l'entrée de la Turquie en " l'Europe
des 25 ", et là, il ne craint pas de parler " d'erreur "
en raison de leur différences culturelles et de leur antagonisme historique.
Il envisage toutefois des relations non seulement économiques mais également
culturelles en parfaite harmonie " avec les "grandes valeurs humanistes
que tous nous devrions reconnaître ", qui permettrait de s'opposer
" à toutes formes de fondamentalisme ". N'est-ce pas méconnaître
la nature de l'Islam ?
Bref, dans cet " entretien ", nous trouvons une pensée riche
souvent pertinente mais bien souvent aussi surprenante, ou pour le moins, susceptible
d'ouvrir un débat. Ce ne serait peut-être pas le moindre intérêt
de cette diffusion de la pensée du " théologien " du
Pape.
"
Après cette brève présentation des idées
contenues dans cette interview du Figaro, je donnais l'intégralité
du texte que j'accompagnais de mes commentaires. Je vous redonne uniquement
le passage qui a trait à la Turquie. (Pour l'intégralité
voir Item " le Regard sur le monde ", n° 6)
Sophie de Ravinel lui pose la question :
Malgré ses interventions, le saint Siège n'a pas pu faire en sorte
que le préambule de la Constitution européenne mentionne les racines
chrétiennes de l'Europe. Qu'en pensez-vous ?
Le cardinal Ratzinger répond :
Je suis convaincu qu'il s'agit d'une erreur. L'Europe est un continent culturel
et non pas géographique. C'est sa culture qui lui donne une identité
commune. Les racines qui ont formé et permis la formation de ce continent
sont celles du christianisme. Il s'agit d'une simple fait de l'histoire. J'ai
donc des difficultés à comprendre les résistances exprimées
contre la reconnaissance d'un tel fait incontestable. Si vous m'affirmez qu'il
s'agit d'un temps lointain, je vous réponds que la renaissance de l'Europe
après la seconde Guerre mondiale a été rendue possible
grâce à des hommes politiques qui avaient de fortes racines chrétiennes,
qu'il s'agisse de personnes comme Schuman, Adenauer, de Gaulle, de Gasperi ou
d'autres. Ce sont eux qui se sont confrontés aux destructions provoquées
par des totalitarisme athées et antichrétiens. Se taire sur cette
réalité est une chose très étrange et aussi dangereuse.
Il faudrait continuer le débat sur cette question, car je crains que
derrière cette opposition se cache une haine de l'Europe contre elle-même
et contre sa grande histoire.
Je fais le commentaire suivant
Sur ce sujet de l'absence de référence au Catholicisme dans la
Constitution d'Union européenne, le Cardinal Ratzinger parle d' "
erreur ". Le Cardinal Barbarin parle de même dans son interview à
la Croix. Il parle de " méprise " : " Le pèlerinage
de Jean-Paul II à Lourdes " prend également une dimension
politique, après la méprise concernant la Constitution de l'Europe
et le refus d'y mentionner ses racines chrétiennes ".
" Une méprise " ? C'est-à-dire une erreur, sur laquelle
se fonderait le " refus " ? Jean Madiran, dans son commentaire de
Présent du 14 août met un point d'interrogation après ces
expressions. Il a raison.
" La méprise consisterait à ne pas voir ou à nier
les racines chrétiennes de l'Europe.
Ce n'est point le cas du président Chirac. Il ne nie pas le fait. Le
2 juin dernier, sur le perron de l'Elysée, en réponse à
la question d'un journaliste, il l'a précisé : " Sur la référence
aux origines chrétiennes que je respecte et que naturellement je n'ignore
pas, je rappelle qu'en France(
) l'affirmation de la laïcité
exclut toute référence religieuse dans les textes officiels ".
Il ne s'agit donc non pas d'une erreur de l'intelligence, mais d'un refus arbitraire
de la volonté laïque
La laïcité républicaine
dit en substance : le christianisme, on sait bien qu'il existe, et ce qu'il
a fait, il n'y a pas méprise, on ne s'y trompe pas, mais on n'en veut
pas. "
L'opposition de nos gouvernements au catholicisme est totale. Elle s'inscrit
dans la plus parfaite tradition républicaine et révolutionnaire,
dans la suite de la pensée des Lumières. N'est-ce pas Voltaire
qui écrivait " Ecrasons l'Infame ". L'infame, hier, était
le Christ. Aujourd'hui, c'est l'Eglise catholique. C'est tout un. Ils s'y acharnent.
C'est tout le sens de la loi de la laïcité. La laïcité
est une " guerre ". Nos pontifes ne le rappellent pas assez
Sophie de Ravinel lui pose la question :
L'étude de la candidature de la Turquie devient plus précise.
Son entrée dans l'Union signifierait-elle pour vous un choc ou un enrichissement
des cultures ?
Le cardinal répond
Nous avons parlé de l'Europe comme d'un continent culturel et non géographique.
Dans ce sens, la Turquie a toujours représenté un autre continent
au cours de l'histoire, en contraste permanent avec l'Europe. Il y a eu les
guerres avec l'Empire byzantin, pensez aussi à la chute de Constantinople,
aux guerres balkaniques et à la menace pour Vienne et l'Autriche
Je
pense donc ceci : identifier les deux continents serait une erreur. Il s'agirait
d'une perte de richesse, de la disparition du culturel au profit de l'économie.
La Turquie, qui se considère comme un Etat laïc, mais sur le fondement
de l'islam, pourrait tenter de mettre en place un continent culturel avec des
pays arables voisins et devenir ainsi le protagoniste d'une culture possédant
sa propre identité, mais en communion avec les grandes valeurs humanistes
que nous tous devrions reconnaître. Cette idée ne s'oppose pas
à des formes d'associations et de collaborations étroite et amicale
avec l'Europe et permettrait l'émergence d'une force unie s'opposant
à toute forme de fondamentalisme.
Je commente
Sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe des 25, le Cardinal invoque
des raisons de sagesse. A leur lumière, il considère que ce serait
une " erreur ". Nous les avons nous-même exposées dans
un précédent " Regard sur le monde " . Nous vous y renvoyons
(voir " Regard sur le monde " n° 4).
Quant à la deuxième pensée exprimée par le cardinal
- si je l'ai bien comprise -: Que la Turquie tente de mettre en place "
une continent culturel " s'articulant autour de trois axes fondamentaux
: la laïcité, l'Islam, " en communion avec les grandes valeurs
humanistes que nous tous devrions reconnaître ", j'attends de le
rencontrer pour lui demander des précisions et des compléments
.
b-le 20 septembre 2004
Le cardinal Ratzinger revient sur le sujet et déclare
au journal italien " Giornale del populo " :"L'intégration
de la Turquie dans l'Union européenne serait une grande erreur",
Le 27 septembre 2004, j'analysais cette déclaration du cardinal dans
Item :
" "L'intégration de la Turquie dans l'Union européenne
serait une grande erreur", a déclaré le préfet de
la Congrégation au quotidien italien Giornale del Popolo le 20 septembre
dernier. Cette déclaration passée inaperçue a été
reprise à notre connaissance que par la seule agence Zenit, dont cet
article reprend l'essentiel.
Invité à un congrès à Velletri (Latium), consacré à l'exhortation apostolique " Ecclesia in Europa ", le cardinal Ratzinger a évoqué la question des racines chrétiennes de l'Europe, quelques jours avant l'avis que la Commission européenne doit prononcer sur les progrès de la démocratie en Turquie, et son aval (ou non) sur l'ouverture de négociations officielles en vue de son adhésion à l'Union européenne. En mai dernier, rappelle Zenit, le cardinal Camillo Ruini, président de la conférence des évêques italiens, "avait lui aussi exprimé quelque perplexité devant cette éventualité". En France, c'est le cardinal Philippe Barbarin, qui a exprimé les mêmes doutes, la veille de la visite de Jean-Paul II à Lourdes, invitant chaque partenaire à s'enraciner d'abord dans sa propre identité.
C'est l'idée même du cardinal Ratzinger : "La Turquie doit être respectée dans ses valeurs identitaires", car elle a "une autre mission à accomplir". Cette mission, c'est celle de "pont culturel", entre l'Europe et le monde arabe. Précisément, "la Turquie devrait former un continent culturel" avec les pays arabes, même si "le moment n'est pas propice, à cause des tensions existantes".
Toujours modeste, le cardinal a déclaré se prononcer sur cette question en tant que "petit historien qui a toujours conservé amour et attention pour cette discipline". Pour l'historien Ratzinger, l'Europe est un concept non pas d'abord "géographique" mais "culturel", qui s'est forgé au cours d'un processus historique parfois conflictuel, et fondé sur la foi chrétienne.
Dans la substance des propos rapportés par Zenit, le cardinal fait observer que l'empire ottoman a toujours été en opposition avec l'Europe. Même si, dans les années vingt, Kemal Attaturk a construit une Turquie laïque, elle demeure le noyau de l'ancien empire et a un fondement islamique. Elle est ainsi très différente de l'Europe, qui est elle-même un ensemble de nations laïques, mais avec un fondement chrétien, même si elles semblent aujourd'hui le nier.
L'entrée de la Turquie dans l'Union européenne serait donc, selon le cardinal Ratzinger, "anti-historique". Ce serait aller à l'encontre de "l'âme européenne" et des réalités, et donc une "grande erreur", et la conséquence de raisons économiques. "Mais quelle Europe aurions-nous, qui serait construite seulement sur l'économie?", s'est demandé le cardinal.
Interrogé sur le refus de la mention des racines chrétiennes
de l'Europe dans le préambule de la constitution européenne, le
cardinal le considère, selon le Giornale del Popolo, comme "incompréhensible"et
"inacceptable". Énigmatique, le prélat suggère
d'attendre les résultats "des différents référendum"
".