ITEM

 

 

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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 27 mars   2009

 

N° 209

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Mgr Lefebvre

et

le Concile Vatican II

Son jugement.

 

Les  conversations théologiques qui ont eu lieu entre le cardinal Seper, préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, ex Saint Office,  et Mgr Lefebvre, fondateur de la FSSPX, en 1978-1979,  ont porté, on le sait, sur des points particuliers, comme la « Liberté religieuse », « l’Ordo Missae » publié par le Pape Paul VI, le sacrement de Confirmation , le sacrement de Pénitence, (cf la lettre du cardinal Seper du 28 janvier 1978)  mais aussi sur des affirmations plus générales, comme « l’autorité du Concile Vatican II »,  voire même « l’autorité du pape Paul VI ». Nous avons vu, dans le dernier numéro d’Item (cf Item, Regard sur le monde  du 20 mars 2009)  les critiques du cardinal Seper sur le problème particulier de la « Nouvelle Messe », et les réponses que fit Mgr Lefebvre sur ce sujet. Nous verrons le sujet de la liberté religieuse plus tard.

 

Nous voulons voir aujourd’hui les critiques que faisait le cardinal Seper à la pensée de Mgr Lefebvre sur « l’œuvre du Concile Vatican II en général  et son autorité dans l’Eglise ».

 

Il nous intéresse de voir aussi comment Mgr Lefebvre répondait à ces critiques. On peut résumer sa pensée en disant : le modernisme a jeté son ombre sur le déroulement du Concile, sur son interprétation et sur son application. Ces trois mots sont de Jean Madiran dans un récent article de Présent. Mais ces trois mots représentent la pensée même de Mgr Lefebvre, celle qu’il propose au cardinal Seper. Cette affirmation fait toujours « hurler » d’indignation certains évêques. Je viens de l’apprendre encore tout récemment.

 

Ce sont sur les mêmes questions générales que vont devoir débattre les théologiens de la FSSPX dans les conversations doctrinales qui ont peut-être déjà commencées ou qui vont commencer très prochainement.

 

Seront-ils fidèles à la pensée de Mgr Lefebvre ?

 

Je l’espère. Mais je crains que nos « amis » se soient engagés sur un terrain difficile, impossible à régler. Ces « conversations théologiques » pourront-elles aboutir ? Ne risquent-elles pas  finalement de s’éterniser et ainsi d’être « un véritable bourbier » qui ne permettra pas de régler le problème de la « normalisation » de la FSSPX dans l’Eglise.

 

Je reste persuadé que ce n’était pas la solution qu’aurait proposé Mgr Lefebvre. Il fallait s’en tenir à sa position tant de fois rappeler : demander à Rome d’être reçus dans l’Eglise « tels que nous sommes » - et les réponses que nous allons lire de Mgr Lefebvre vont nous préciser de nouveau sa pensée -  avec « l’exemption » juridique vis-à-vis des « ordinaires ». Voilà ce qui me paraît être la sagesse. Car, comme le faisait justement remarquer M  Yves Chiron dans un  récent Aletheia, son journal d’informations religieuses, les discussions risquent  de s’éterniser Voilà quarante ans déjà que Paul VI a levée l’excommunication  des Orthodoxes de Constantinople. Et toujours rien! Or n’oublions pas que  « l’opposition » des évêques est grande. On s’en aperçoit déjà quant à l’application du Motu Proprio de Benoît XVI. On s’en apercevra dans les conversations sur le Concile. Pour tous ou pour beaucoup, « le Concile est passé dans le peuple de Dieu et Vatican II est un acquis sur lequel on ne revient pas » (Mgr Pican, évêque de Bayeux-Lisieux dans Ouest-France du 11 mars 2009). Ce qui laisse entendre que les conversations seront âpres. Si le temps des conversations devait s’éterniser avec la FSSPX, ce temps lui serait  fatal, alors qu’une  normalisation canonique, aux conditions susdites, avec la présence des évêques consacrés par Mgr Lefebvre, reconnus par Rome, au service de la FSSPX et des communautés amis, la protégerait de toutes déviations et lui permettrait de poursuivre un  apostolat au sein de la sainte Eglise aux bénéfices des âmes, ayant en mains  toute la Tradition catholique, son enseignement, ses sacrements, sans rien lâcher. Elle rayonnerait ainsi peu à peu dans l’Eglise. Le combat contre le modernisme se gagne dans la fidélité à la doctrine catholique mais aussi sur le terrain.

 

On verra qui aura raison.

 

Pour l’instant rappelons les critiques que le Cardinal Seper adressait à Mgr Lefebvre sur  son jugement sur le Concile Vatican II. Nous verrons ensuite les réponses que Mgr Lefebvre lui faisait dans sa lettre du 26 février 1978

 

 

A-   Les critiques du cardinal Seper exprimées dans sa lettre du 28 janvier 1978.

 

 

1-      Remarque préliminaire

 

Les déclarations plus ou moins générales, Monseigneur, que vous avez faites contre l’autorité du Concile Vatican II et contre celle du Pape Paul VI, traitent souvent de ces deux points à la fois. Néanmoins on considérera ici d’abord vos déclarations qui ne concernent que l’autorité du Concile ou la concernent plus directement, ensuite celles qui ne concernent que l’autorité de Paul VI ou la concernent principalement.

Ces déclarations sont d’autant plus graves qu’elles s’unissent à une « praxis » qui va dans le même sens qu’elles. Elles font que naturellement la question se pose : ne se trouve-t-on pas devant un mouvement schismatique ? Cette question doit être examinée objectivement. Rappelons, car elle devra éclairer cet examen, la définition du « schismaticus » par le Droit canonique : « Si (quis) denique subesse renuit Summo Pontifici aut cum membris Ecclesiae ei subiecitis communicare recusat, schismaticus est » (CIC, can. 1325,2)  (NB Si enfin (une personne  baptisé) refuse de se soumettre au Souverain Pontife et de rester en communion avec les membres de l’Eglise qui lui sont soumis, elle est scismatique ». Il y a donc deux refus (étroitement liés entre eux qui font, chacun, qu’un chrétien, soit schismatique : le refus (pratique) de rester un sujet du Souverain Pontife, et le refus de la communion avec les membres de l’Eglise qui lui demeurent soumis.

 

2-      l’autorité de Vatican II

 

Vous ne vous contentez pas, Monseigneur,  de contester comme contraires à la Tradition la Déclaration de Vatican II sur la liberté religieuse et certaines affirmations conciliaires isolées, vous dénoncez aussi dans l’enseignement du Concile, un esprit très largement opposé au message chrétien.

Vous écrivez en effet dans votre livre : « J’accuse le Concile » (1976) p. 5 « Des orientations libérales et modernistes se firent jour (au Concile) et eurent une influence prépondérante, grâce au véritable complot des Cardinaux des bords du Rhin malheureusement soutenus par Paul VI. » Et puis, aux pages 7-9 du même livre : « Nous sommes fondés à affirmer…que l’esprit qui a dominé au Concile et en a inspiré tant de textes ambigus et équivoques et même franchement erronés n’est pas l’Esprit Saint, mais l’esprit du monde moderne, esprit libéral, théilhardin, moderniste, opposé au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Toutes les réformes et orientations officielles de Rome sont demandées et imposées au nom du Concile. Or ces réformes et orientations sont toutes de tendances franchement protestantes et libérales….Les bons textes ont servi pour faire accepter les textes équivoques, minés, piégés. Il nous reste une solution : abandonner ces témoins dangereux pour nous attacher fermement à la Tradition soit au Magistère officiel de l’Eglise pendant vingt siècles. » Déjà votre Déclaration du 21 novembre 1974 rendait le même son….p270-272)

 

Cette sorte de condamnation globale du Concile malgré de «  bons textes », à cause, « d’orientations libérales et modernistes » qui y eurent « une influence prépondérante », qui permettent de dire que « l’esprit qui domine le Concile…est un esprit libéral, teilhardien, moderniste, opposé au règne de NSJC » au point qu’ il nous reste une solution : abandonner ces témoins dangereux, pour nous attacher fermement à la Tradition », cette sorte de condamnation globale, doit-on dire, est singulièrement grave.

Car la voix du Concile a été celle de l’ensemble de l’épiscopat uni à son chef, le Successeur de Pierre, et c’est l’ensemble de l’épiscopat romain soumis au Pape avec le peuple fidèle qui admet le concile et les réformes conciliaires. Si l’on prend vos paroles dans la plénitude de leur sens, n’est-on pas fondé à dire que vous refusez ou que vous êtes près de refuser la communion avec les membres de l’Eglise soumis au Pape.

 

Et votre « praxis » ne corrige point les choses. En effet, vous ordonnez des prêtres contre la volonté formelle du Pape et sans les « litterae dimissoriae » requises par le Droit Canonique ; vous envoyez des prêtres ordonnés par vous dans des prieurés où ils exercent leur ministère sans l’autorisation de l’Ordinaire du lieu ; vous faites des discours propres à répandre vos idées dans des diocèses dont l’évêque vous refuse son consentement ; avec des prêtres que vous avez ordonnés et qui ne dépendent en fait que de vous, vous commencez, que vous le vouliez ou non, à former un groupement propre à devenir une communauté ecclésiale dissidente.

A ce propos il faut relever l’étonnante déclaration que vous avez faite (Conférence de presse du 15.9.1976 in Itinéraires, dec. 1976, p. 126-127) au sujet de l’administration du sacrement de pénitence par les prêtres que vous avez illicitement ordonnés et qui ne sont pas pourvus de la faculté d’entendre les confessions. Vous estimez que ces prêtres avaient la juridiction prévue par le Droit canonique pour les cas de nécessité : « Je pense, disiez-vous, que nous nous trouvons dans des circonstances non pas physiques, mais morales extraordinaires, telle que nos jeunes prêtres ont le droit d’utiliser ces facultés extraordinaires ». N’était-ce pas raisonner comme si la hiérarchie légitime avait cessé d’exister dans les régions où ces prêtres se trouvaient ?

 

Il est vrai que, dans vos déclarations plus ou moins générales contre le Concile et les réformes demandées par lui, il est juste de faire la part de l’émotivité ou, comme vous l’avez dit, « d’un sentiment d’indignation, sans doute excessif » (Un évêque parle, p. 292) Il est vrai aussi que vous avez déclaré, à plusieurs reprises, que vous ne consacrerez pas d’évêque et que vous avez affirmé votre conviction de « demeurer fidèle à l’Eglise Catholique et Romaine et à tous les successeurs de Pierre » (op. cit. p. 272). Oui, mais tout ceci suffit-il à effacer ce qui précède ?

 

3-      L’autorité du Pape Paul VI

 

Au sujet de l’autorité du pape Paul VI et plus précisément de l’attitude qu’il convient de  prendre vis-à-vis de son autorité, vous avez des affirmations qui diffèrent entre elles.

 

Il arrive que vous paraissiez dans des textes pris isolément, la récuser d’une manière fort générale. Ainsi dans la phrase mise en exergue à votre livre Un évêque parle… : « Le coup magistral de Satan est d’être arrivé à jeter (l’ensemble de l’Eglise) dans la désobéissance à toute la tradition par obéissance (au Concile et à la réforme conciliaire prescrite par le Saint Siège). » Ainsi encore dans cette phrase de FSSPX, Lettre aux amis et bienfaiteurs, n° 9 (octobre 1975) : « C’est parce que nous estimons que toute notre foi est en danger par les réformes et les orientations postconciliaires que nous avons le devoir de « désobéir » et de garder les traditions. C’est le plus grand service que nous pouvons rendre à l’Eglise catholique, au successeur de Pierre, au salut des âmes et de notre âme, que de refuser l’Eglise réformée et libérale, car nous croyons en NSJC, le Fils de Dieu fait homme, qui n’est ni libérale ni réformable. » . Ce texte est reproduit dans un Evêque parle …, p.323, mais dans la première phrase le mot « toute » est supprimé.)

 

Par ailleurs vous avez des textes qui affirment avec force votre soumission au successeur actuel de Pierre, le pape Paul VI : « Votre Sainteté, écrivez-vous, sait parfaitement quelle est la foi que je professe, qui est celle de son Credo, et connaît également ma profonde soumission au Successeur de Pierre que je renouvelle dans les mains de votre Sainteté (Lettre du 22,VI,1976). Vous répondez aussi à l’abbé de Nantes, qui  vous avez laissé entendre qu’une rupture « d’un évêque avec Rome » serait « souhaitable » : « sachez que, si un évêque rompt avec Rome, ce ne sera pas moi » (Un évêque…p. 273)

 

Comment ces textes différents s’accordent-ils ? Vous l’expliquez souvent. Vous dites par exemple : « Nous sommes les plus ardents défenseurs de son autorité (celle du Pape actuel) comme successeur de Pierre…Nous applaudissons au Pape écho de la Tradition et fidèle à la transmission du dépôt de la foi. Nous acceptons les nouveautés intimement conformes à la Tradition et à la foi. Nous ne nous sentons pas liés par l’obéissance à des nouveautés qui vont contre la tradition et menacent notre Foi » Lettre aux amis et bienfaiteurs, n° 9, oct 1975 ; cf Un évêque…p. 323. Bref, vous acceptez d’obéir au Pape en tant qu’il agit comme vrai successeur de Pierre et vous refusez d’obéir au Pape en tant qu’il s’agit d’une manière opposée. Ceci a lieu (d’après vos textes déjà cités dans ce paragraphe et dans le précédent) dans l’ensemble de la réforme postconciliaire de Paul VI.

 

Cette distinction ne justifie objectivement pas votre attitude. Nous avons déjà dit pourquoi vos objections majeures contre les décisions du Pape en matière liturgique ne sont pas acceptables (NB cf Item du 20 mars 2009). Il convient en outre de rappeler ici que le Pape a la « potestas suprema iuridictionis » « non solum in rebus quae in fidem et mores sed etiam in iis quae ad disiplinam et regimen Ecclesiae per totum orbem diffusae pertinent » (Conc Vat. 1 Const. Pastor aeternus, DS 3064). L’obéissance qui lui est due (ibid DS 3060 s’exprime notamment en notre temps par l’adhésion de l’ensemble des évêques avec la grande majorité de leur peuple au Concile Vatican II et aux décisions par lesquelles le Pape Paul VI en a mis en œuvres les dispositions. Cela ne devrait-il pas suffire pour vous faire mettre en grave coefficient de doute à ce que vous et vos amis proclamez imperturbablement et finalement pour vous ramener à une soumission libératrice ?

 

4-      Conclusion de cette deuxième partie.

 

Toute en demeurant prête à écouter votre réponse, la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi estime que, par vos déclarations sur la soumission au Concile et aux réformes postconciliaires de Paul VI, - déclarations auxquelles s’accordent tout un comportement et en particulier des ordinations sacerdotales illicites, - vous êtes tombé dans une désobéissance grave, et que cet ensemble de déclarations et d’actes, de par leur logique propre, conduisent à un schisme. Elle connaît les bonnes intentions que vous manifestez, mais estime que celles-ci ne justifient pas votre insubordination. »

 

B-   Réponses de Mgr Lefebvre dans sa lettre du 26 février 1978.

 

1-      Déclaration à l’égard du Concile Vatican II.

 

Les réponses données aux divers points évoqués ci-dessus  (NB par exemple sur le Nouvel Ordo Missae, ce que nous avons vu dans Item-Regard sur le monde du 20 mars 2009, mais aussi sur la Liberté religieuse que nous verrons pus tard)  manifestent pourquoi et dans quelle mesure nous faisons des réserves plus ou moins graves vis-à-vis de certains textes du Concile, en particulier au sujet des documents de la « Liberté Religieuse », de « l’Eglise dans le monde » et « des religions non chrétiennes ».

Or comment expliquer que ces textes du Concile puissent contenir des expressions contraires à l’enseignement traditionnel de l’Eglise sinon parce que de mauvaises influences se sont exercées au cours du Concile et avant le Concile. Certaines séances de la Commission centrale préconciliaire manifestaient ces fâcheuses influences.

 

Est-ce devenir schismatique que de maintenir fermement le magistère traditionnel et officiel de l’Eglise ? Est-ce être schismatique que dénoncer les influences modernistes et libérales qui ont eu lieu dans le Concile ? N’est-ce pas, au contraire, rendre service à l’Eglise ? N’est-ce pas manifester notre profonde union avec les Evêques et le Pape, qui ne peuvent pas et ne doivent pas se séparer de leurs prédécesseurs, mais qui ne sont pas exempts d’influences dangereuses, conséquences de cet esprit d’ouverture au monde, d’oecuménisme exagéré, qui recherche l’union au lieu de l’unité dans la Vérité, que seule détient l’Eglise ?

 

2-      L’autorité de Paul VI

 

Nous ne contestons pas l’autorité de Paul VI et nous la respectons, beaucoup mieux et beaucoup plus profondément que la plupart des Evêques du monde entier qui ont désobéi et désobéissent encore dans les matières dans lesquelles le Pape ne faisait que confirmer l’enseignement de ses prédécesseurs. Et ces Evêques ne sont jamais publiquement importunés. ( Que dirait-il aujourd’hui de Mgr Di Falco et de sa récente déclaration sur le « préservatif », s’opposant frontalement à la pensée du Souverain  Pontife, déclaration tout simplement scandaleuse et qui devrait être sanctionnée. Oui, qui s’oppose à la pensée de Benoît XVI, Mgr Di Falco ou M l’abbé Paul Aulagnier ? )

Pour nous, nous pensons qu’il est de notre devoir de ne pas obéir lorsqu’on veut nous obliger à rompre avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Cet enseignement est clair en ce qui concerne la « Liberté religieuse » et ses conséquences, il est clair en ce qui concerne la Liturgie.

 

Nous nous référons aux principes évidents de la loi naturelle et éternelle. Comme l’exprime le Pape Léon XIII : « Dès que le commandement est contraire à la raison, à la vie éternelle, à l’autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir, nous voulons dire aux hommes, afin d’obéir à Dieu » (Libertas. 20 Juin 1888)

Il ajoute : « Supposons donc une prescription d’un pouvoir quelconque qui serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public, elle n’aurait aucune force de loi ».

 

Or les interdictions qui nous sont faites le sont pour nous obliger à accepter de diminuer et d’attenter à notre foi. C’est pourquoi nous sommes convaincus que ces prescriptions n’ont aucune force de loi.

L’autorité dans l’Eglise est donnée pour transmettre fidèlement et exactement le « dépôt de la foi ». User de cette autorité dans un sens nuisible au dépôt de la foi, c’est perdre le droit à l’obéissance. Cela ne signifie pas que l’on perde toute autorité. Nous respectons fidèlement les autorités de l’Eglise lorsqu’elles agissent conformément au but pour lequel l’autorité leur a été donnée.

 

S’il ne s’agissait que de pur disciple sans rapport avec la foi, nous n’hésiterions pas à sacrifier nos préférences ou pensées personnelles, mais dès lors que la foi est en  jeu, c’est notre vie éternelle qui est en jeu. C’est le salut des âmes qui est en péril. Les faits nous le prouvent amplement d’une manière douloureuse et angoissante. C’est le Règne de NSJC en ce monde qui est en cause. Nous ne pouvons pas collaborer à sa disparition.

 

Raisons profondes de ce changement radical entervenu dans l’Eglise depuis le Pape Jean XXIII et le Pape Paul VI et par le Concile.

 

Le Pape Paul VI l’a souvent affirmé dans ses discours : désormais l’Eglise modifie sa manière de juger le monde moderne, l’homme moderne, elle l’aime, l’estime tel qu’il est, elle voit dans cet homme, ce frère, sa dignité humaine, la liberté de ses choix, religieux, culturels. Elle ne veut plus s’opposer à ses choix, bien plus elle voudrait s’en approcher, les assumer parce qu’elle y voit une recherche de la vérité, une contribution à la construction du monde, moyennant quoi, dans la pratique elle ne veut plus imposer son message, elle le propose comme celui qu’elle pense le plus efficace à la construction du monde. Elle n’importe plus la conversion, mais fraternise avec les groupes hors de l’Eglise tels qu’ils sont, sauf avec ceux qui s’opposent à cette nouvelle vision du monde.

 

D’où un œcuménisme libéral qui, ne voyant plus le monde comme NSJC et l’Eglise à sa suite l’ont toujours vu et jugé, ne distingue plus le vrai du faux, le bien du mal. Les documents du Concile sur les religions non chrétiennes et la pratique du Saint Siège depuis le Concile vis-à-vis des fausses religions en sont un exemple éclatant et ruineux pour la Vérité de l’Eglise.

 

La dignité humaine mal définie, ayant perdu son vrai critère qui est la grâce de NSJC reçue par l’Eglise (même hors de l’Eglise) est un sujet de confusion sans fin. Les démons eux-mêmes seraient dignes. Car en vérité l’homme n’est digne que dans la mesure où il est réellement uni à Notre Seigneur Jésus-Christ par la grâce et dans la mesure où il est encore capable de l’être. Il est indigne dans la mesure où il s’oppose à cette grâce. C’est ainsi que seront jugés tous les hommes par NSJC lui-même. Il n’y a pas deux critères.

 

Modifier ce jugement pour plaire au  monde de l’erreur et du péché, en établissant des ententes avec ce monde représenté par les francs-maçons, les communistes, les socialistes et toutes les fausses religions, c’est ruiner totalement l’Eglise dans ce qu’elle a de plus cher : le règne de NSJC « sur la terre comme au Ciel », c’est supprimer l’esprit missionnaire.

Cette entente avec les protestants dans l’œcuménisme libéral  a produit la  nouvelle liturgie, équivoque, bâtarde, qui donne la nausée aux vrais catholiques, même si elle est parfois valide. La ruine de la vraie liturgie royale de NSJC a entraîné la fin des vocations sacerdotales et religieuses.

 

L’Eglise ne peut pas se permettre de porter sur le monde d’hier, d’aujourd’hui et de demain un autre jugement que celui de NSJC, qui a été gardé fidèlement pendant vingt siècles. Les documents de « l’Eglise dans le monde « , de la « Liberté religieuse », des « Religions non chrétienne » sont les témoins de cette vision nouvelle, et toute l’activité du Saint Siège depuis le Concile a été inspirée par ce changement de vision totalement opposé à celui de Notre Seigneur et de l’Eglise.

 

Les malheurs de l’Eglise, désormais évidents, connus de tous, affirmés par le Pape lui-même et par tous les Evêques et les clercs, par les fidèles, malheurs dont se réjouissent les ennemis de l’Eglise, ne peuvent que s’aggraver tant que ceux qui sont à la barre de l’Eglise ne reprendront pas l’orientation et le cap de toujours.

 

Il faut en finir avec cet œcuménisme libéral contraire au véritable apostolat et à la vraie mission de l’Eglise. Sinon les forces du mal, ne trouvant plus de résistance même dans l’Eglise, auront tôt fait de triompher par tout.

 

Le moyen que Notre Seigneur a préconisé lui-même c’est la formation de clercs solidement instruits dans la foi catholique, dans la piété, dans la dévotion au Saint Sacrifice de la Messe, apôtres zélés et remplis de l’amour de la Vérité qui est la vraie charité.

 

Nous demander de fermer nos Séminaires pour adopter la nouvelle orientation conciliaire et post-conciliaire, serait nous obliger à contribuer à la destruction  de l’Eglise, à miner l’autorité du Siège Apostolique de Rome, car c’est parce que nous voulons demeurer fidèles au magistère de l’Eglise, que nous supplions le Saint Père d’y être fidèle lui-même, de ne pas s’écarter de ses prédécesseurs, en particulier les deux derniers Saints Papes, Saint Pie V et saint Pie X.

Nous ne demandons qu’à contribuer à l’œuvre apostolique de l’Eglise sous l’autorité du Saint Siège et des Evêques, mais pas dans un esprit oecuménique libéral destructeur de l’Eglise.

 

Profession de foi catholique.

 

Nous professons la foi catholique intégralement et totalement telle qu’elle a été professée et transmis fidèlement et exactement par l’Eglise, les Souverains Pontifes, les Conciles, dans sa parfaite continuité et homogénéité, sans en excepter un seul article, spécialement en ce qui concerne les privilèges du Souverain Pontife tels qu’ils ont été définis à Vatican I

 

Nous rejetons et anathématisons de même tout ce qui a été rejeté et anathématisé par l’Eglise en particulier par le Saint Concile de Trente.
Nous condamnons avec tous les Papes du XIX et du XX siècles le libéralisme, la naturalisme, le rationalisme sous toutes leurs formes, comme les Papes les ont condamnés.

Nous rejetons avec eux toutes les conséquences de ces erreurs qu’on appelle « les libertés modernes », « le droit nouveau », comme ils les ont rejetées.

C’est dans la mesure où les textes du Concile Vatican II et les Réformes post-conciliaires s’opposent à la doctrine exposée par ces Papes et laissent libre cours aux erreurs qu’ils ont condamnées que nous nous sentons , en conscience, obligés de faire de graves réserves sur ces textes et ces Réformes »

 

Mgr Lefebvre.

Fait à Rome le 26 février 1978..