ITEM
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Un regard sur l’actualité
politique et religieuse
Au 29 mai 2006
N°91
Par Monsieur l’abbé Charles Tinotti
Benoît XVI en Pologne
ou
la nécessité de lire le Saint Père dans le texte.
S'il
est vrai que bien des livres du St Père sont ardus pour qui n'est pas
théologien, il est encore plus vrai que d'autres sont très lisibles
et qu'en tous cas ses audiences comme ses homélies pontificales sont
d'une clarté accessible au plus humble des fidèles. Encore faut
il pouvoir le lire sans lunettes déformantes et directement dans le
texte... quand on les a.
Concernant ce second point, le monde francophone est mal loti.
Le samedi soir 27 mai à 22 heures, sur le site du Vatican on trouve
in extenso les allocutions du voyage actuel du Pape en Pologne depuis le jeudi
de l'Ascension en polonais, en anglais, en italien. En Français, Espagnol
(et cela fait du monde) : rien. Même pas en allemand. Le journal La
Croix pour les textes complets sur son site internet renvoie ... au St Siège.
En lisant la presse on trouve de ci de là des extraits très
partiels de longueur variable mais toujours restreinte mêlés
de commentaires qui montrent que leur auteur ont un sens théologique
si ce n'est de la foi toute simple pas toujours très éclairé.
Un exemple :aucune coupure de presse, et Dieu sait si j'en ai lues, ne rapporte
la première affirmation, certes brève mais capitale, adressée
au clergé après les amitiés au cardinal primat Mgr Gkemp
fêtant ses 50 ans de sacerdoce, mais tous la sautent ne
citant tout bonnement que ce qui doit leur sembler important ou compréhensible
par la messe. Voici la phrase : « Vous avez été choisis
parmi le peuple et constitués dans les choses qui regardent Dieu, pour
offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Croyez dans
la puissance de votre sacerdoce ... » Tous commencent à : «
Croyez dans
la puissance de votre sacerdoce » omettant ce qui est l'écho
direct de l'Epître aux Hébreux.
Détail ?
Certes.
Mais il a évidemment son importance. De manière récurrente
les passages théologiques ou spirituels ont été systématiquement
omis comme si cela ne comptait pas : un comble pour un Pape ! Et de 'détails'
en 'détails' la
pensée du plate finit par se présenter comme aplatie, sauf quelques
points qui se retrouvent caricaturalement saillants. Il y a même une
agence de presse ecclésiastique francophone qui a certes bon esprit
mais qui change allégrement l'ordre des paragraphes du St Père,
faisant fi du cheminement et de l'articulation de la pensée du St Père.
Quand on sait avec quelle finesse d'esprit et délicatesse de cœur il
choisit les thèmes, les mots pour les dire et leur agencement pour
prendre par la main ceux auxquels il s'adresse il y a de quoi hurler ! On
touche du doigt les limites de la formation des écoles de journalistes
... Décidément le plus simple est de lire le Pape dans le texte
... d'autant qu'il est très lisible !
En attendant donc la traduction officielle du St Siège, voici les
principaux
extraits (il manque tous les débuts « de politesse et d'amitié
» et différents
paragraphes plutôt circonstanciels d'ailleurs relayés par la
presse ) de la première allocution comme telle du Pape en terre polonaise
et, remarquons le, qui est adressée aux prêtres (on voit là
la première importance que le St Père accorde à l'enjeu
actuel du sacerdoce), et de l'homélie de la messe à Varsovie
sous la pluie battante.
Quand aux lunettes déformantes il est piquant de lire dans La Croix
sur internet au 25 mai un article documenté et clair de Isabelle de
Gaulmyn qui rapporte à propos du sens à donner à la visite
prévue à Auschwitz les paroles mêmes du Pape aux journalistes
: « Interrogé, toujours dans l'avion, sur le point de savoir
s'il se rendait dans le camp d'extermination d'abord comme Allemand ou comme
pape, il a répondu 'avant tout comme catholique', poursuivant : 'Il
est important de mesurer que nous
sommes catholiques et qu'ainsi, les nationalités sont insérées,
relativisées, et réunies dans le grand ensemble de la communion
catholique.' » et de lire dans La Croix sur internet au 27 mai un nouvel
article sur la même question citant le porte-parole du Vatican M. Navarro-Valls
: « Le porte-parole a souligné que la visite du camp avait
été inscrite au programme du voyage du pape en Pologne à
la demande express de Benoît XVI : "Il nous a dit 'je veux aller
à Auschwitz, je ne peux pas ne pas y aller', a déclaré
M. Navarro-Valls. "Jean Paul II s'est rendu à Auschwitz en tant
que fils du peuple polonais, et lui ira en tant que fils du peuple allemand",
a-t-il encore affirmé. »
En lisant le discours complet ci dessous on voit que I de Gaulmyn est tout à fait dans l'atmosphère du discours papal et que la citation du porte-parole qui se trouve dans La Croix en a réduit par avance et obséquieusement envers les fauteurs de polémique en la matière, la portée, ce qui n'a rien d'étonnant pour les observateurs attentifs des organes de la presse ecclésiastique officielle/officieuse.
Conclusion : il faut toujours faire davantage confiance au Bon Dieu qu'à
ses
saints !
† Abbé Charles Tinotti
Voici donc, en attendant la version officielle non encore disponible ce
mardi 30 mai à midi, les discours majeurs dans leur quasi totalité
prononcés par le St Père dans ce voyage en Pologne, traduits
par nos soins.(sauf l'intervention au temple de la Trinité pour la
rencontre interreligieuse traduite par Zénith sous copyright du Vatican)
Premier discours de Benoît du XVI en Pologne.
Principaux extraits.
Allocution aux prêtres en la cathédrale de Varsovie
[...] Vous avez été choisis parmi le peuple et constitués
dans les choses qui regardent Dieu, pour offrir des dons et des sacrifices
pour les péchés. Croyez dans la puissance de votre sacerdoce.
En vertu du sacrement, vous avez recu tout ce que vous êtes. Lorsque
vous prononcez les paroles « je » » ou « mon »
(je t'absous... ceci est mon corps) vous ne le faites pas en votre nom mais
au nom du Christ in persona Christi, qui veut se servir de vos lèvres
et de vos mains, de votre esprit de sacrifice et de votre talent. Au moment
de votre Ordination par le signe liturgique de l'imposition des mains le Christ
vous a pris sous sa
protection spéciale, vous êtes cachés dans ses mains et
dans son Cœur. Plongez vous dans son amour et donnez lui votre amour. Lorsque
vos mains ont été ointes avec l'huile sainte signe du Saint
Esprit vous avez été destinés à servir au Seigneur
comme ses mains dans le monde d'aujourd'hui. Elles ne peuvent plus servir
à l'égoïsme mais doivent transmettre au monde le témoignage
de son amour.
La grandeur du sacerdoce peut faire peur [...] mais Jésus a fixé
avec son amour même chacun d'entre nous et nous devons nous fier à
ce regard. Ne nous laissons pas prendre par la hâte comme si le temps
donné au Christ dans la prière silencieuse était du temps
perdu. C'est au contraire exactement là que naissent les fruits les
plus merveilleux du service pastoral. Il ne faut pas se décourager
du fait que la prière demande un effort ou de l'impression que Jésus
se tait. Il se tait mais il agit. A ce sujet j'aime bien rappeler l'expérience
vécue l'an dernier à Cologne. J'y ai été témoin
du silence profond et inoubliable d'un million de jeunes au moment de l'adoration
du St Sacrement. Ce silence priant nous
unit et nous donne tant de soulagement. Dans un monde où il y a tant
de bruit, tant d'égarement on a besoin de l'adoration silencieuse de
Jésus caché dans l'Hostie. Soyez constants dans la prière
d'adoration et enseignez la aux fidèles. Ils trouveront en elle lumière
et réconfort, particulièrement les personnes éprouvées.
Des prêtres les fidèles attendent seulement une chose : qu'ils
soient des spécialistes dans la promotion de la rencontre de l'homme
avec Dieu. Ils ne demandent pas aux prêtres d'être des experts
en économie, en bâtiment ou en politique. Ils attendent de lui
d'être expert dans la vie spirituelle. Pour cela, lorsqu'un jeune prêtre
fait ses premiers pas, il faut qu'il puisse se référer à
un maître expérimenté qui l'aide à ne pas s'égarer
parmi tant de propositions de la culture du moment. Face aux tentations du
relativisme ou de la permissivité, il n'est absolument pas nécessaire
que le prêtre connaisse tous les courants
actuels et changeants de la pensée ; ce que les fidèles attendent
de lui est qu'il soit témoin de l'éternelle sagesse contenue
dans la parole révélée. Le soin de la qualité
dans la prière personnelle et d'une bonne formation théologique
porte du fruit dans la vie. Vivre sous l'influence du totalitarisme peut avoir
engendré une tendance inconsciente à se dissimuler sous un masque
extérieur avec pour conséquence de céder à une
certaine forme d'hypocrisie.
Il est clair que cela ne contribue pas à l'authenticité des
relations fraternelles et peut conduire à une concentration exagérée
sur soi même. En réalité on grandit dans la maturité
affective quand le cœur adhère à Dieu. Le Christ a besoin de
prêtres qui soient mûrs, virils, capables de cultiver une authentique
paternité spirituelle. Pour qu'elle arrive, observez l'honnêteté
avec vous même, l'ouverture au directeur spirituel et la confiance en
la divine miséricorde.
A l'occasion du Grand Jubilé, Jean-Paul II a plusieurs fois exhorté
les chrétiens à faire pénitence des infidélités
passées. Nous croyons que l'Eglise est sainte mais en elle il y a des
hommes pécheurs. Il faut refuser le désir de s'identifier seulement
avec ceux qui sont sans péché. Comment l'Eglise aurait elle
pu exclure les pécheurs de ses rangs ? Il est donc nécessaire
d'apprendre à vivre avec sincérité la pénitence
chrétienne. En la pratiquant nous confessons les péchés
individuels en union avec les autres, devant eux et devant Dieu. Mais
il faut toutefois se garder de s'ériger avec arrogance en juge des
générations précédentes, vécues en d'autres
temps et en d'autres circonstances. Il faut une humble sincérité
pour ne pas nier les péchés du passé et ne pas tomber
dans les accusations faciles en absence de preuves réelles ou en ignorant
les différentes pré-comprehensions d'alors. En outre la 'confessio
peccati' pour reprendre un mot de saint Augustin doit toujours d'accompagner
d'une 'confessio laudis', d'une confession de louange. En demandant pardon
du mal commis dans le passé, nous devons également nous rappeler
le bien fait avec l'aide de la grâce divine
qui, simple dépôt dans des vases de terre, a porté des
fruits même excellents.
Discours de Benoît XVI le jeudi 25 mai dans l'église luthérienne
de la Très-Sainte-Trinité à Varsovie au cours de sa rencontre
avec des représentants du Conseil Oecuménique polonais et des
autres religions.
Chers frères et sœurs dans le Christ, « Grâce et paix vous
soient données par 'Il est, Il était et Il vient', par les sept
Esprits présents devant son trône, et par Jésus Christ,
le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le
Prince des rois de la terre » (Ap 1, 4-5). C'est avec les paroles du
Livre de l'Apocalypse, avec lesquelles Jean salue les sept Eglises d'Asie,
que je veux adresser mes salutations chaleureuses à tous ceux qui sont
ici présents, et avant tout aux représentants des Eglises et
des communautés ecclésiales associées au sein du Conseil
œcuménique polonais. Je remercie l'Archevêque Jeremiasz de l'Eglise
orthodoxe autocéphale pour le salut et pour les paroles d'union spirituelle
qu'il vient de m'adresser. Je salue l'archevêque Alfons
Nossol, Président du Conseil Oecuménique de la Conférence
épiscopale polonaise.
Nous sommes unis aujourd'hui par le désir de nous rencontrer, pour
rendre, dans la
prière commune, gloire et honneur à Notre Seigneur Jésus
Christ : « Il nous aime et nous a lavés de nos péchés
par son sang, il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour
son Dieu et Père » (Ap 1, 5-6).
Nous sommes reconnaissants à notre Seigneur, parce qu'il nous réunit,
il nous accorde son Esprit et il nous permet « au-delà de ce
qui nous sépare encore » d'invoquer « Abba, Père
». Nous sommes convaincus qu'il intercède Lui-même incessamment
en notre faveur, en demandant pour nous : « Que leur unité soit
parfaite ; ainsi, le monde saura que tu m'as envoyé, et que tu les
as aimés comme tu m'as aimé » (Jn 17, 23). Avec vous,
je rends grâce pour le don de cette rencontre de prière commune.
J'y
vois l'une des étapes en vue de réaliser la ferme intention
que j'ai annoncée au début de mon pontificat, à savoir
de considérer comme une priorité de mon ministère le
retour à l'unité pleine et visible entre les chrétiens.
Mon bien-aimé prédécesseur, le serviteur de Dieu Jean-
Paul II, lorsqu'il visita cette église de la Très-Sainte-Trinité,
en 1991, souligna que : « Pour autant que nous cherchions à atteindre
l'unité, elle n'en reste pas moins un don de l'Esprit Saint. Nous serons
disposés à recevoir ce don dans la mesure où nous lui
aurons ouvert nos esprits et nos coeurs par la vie chrétienne, et surtout
par la prière » (cf. L'Osservatore Romano en Langue Française
n.31 du 6 août 1991). En effet, il ne nous sera pas possible de «
faire » l'unité avec nos seules forces. Ainsi que je l'ai rappelé
lors de la rencontre Oecuménique de l'année dernière
à Cologne : « Nous pouvons seulement l'obtenir comme un don de
l'Esprit Saint ». C'est pour cette raison que nos aspirations œcuméniques
doivent être pénétrées par la prière, par
le pardon réciproque et par la sainteté de la vie de chacun
de nous.
Je voudrais souligner combien j'apprécie qu'ici, en Pologne, le Conseil
Oecuménique polonais et l'Eglise catholique romaine lancent de nombreuses
initiatives dans ce domaine. « Voici qu'il vient parmi les nuées,
et tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé
» (Ap 1, 7). Les paroles de l'Apocalypse nous rappellent que nous sommes
tous en chemin vers la rencontre définitive avec le Christ, lorsqu'il
dévoilera devant nous le sens de l'histoire humaine, dont le centre
est la croix de son sacrifice salvifique. En tant que communauté de
disciples, nous sommes orientés vers cette rencontre avec l'espérance
et la confiance que ce sera pour nous le jour du salut, le jour de l'accomplissement
de tout ce à quoi nous aspirons, grâce à notre disponibilité
à nous laisser guider par la charité réciproque que suscite
en nous son Esprit. Nous édifions cette confiance non sur nos propres
mérites, mais sur la prière à travers laquelle le Christ
révèle le sens de sa venue sur terre et de sa mort rédemptrice
: « Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là
où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu'ils contemplent ma gloire,
celle que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant même
la création du monde », (Jn 17, 24). En chemin vers la rencontre
avec le Christ qui « vient avec les nuées », nous annonçons
sa mort par notre vie, nous proclamons
sa résurrection, dans l'attente de sa venue. Nous sentons le poids
de la responsabilité que tout cela comporte; le message du Christ,
en effet, doit atteindre chaque homme sur la terre, grâce à l'engagement
de ceux qui croient en Lui et qui sont appelés à témoigner
qu'il est vraiment envoyé par le Père(cf. Jn 17, 23). Il faut
donc qu'en annonçant l'Evangile, nous soyons mus par l'aspiration à
cultiver des relations réciproques de charité sincère,
afin qu'à la lumière de celles-ci, tous sachent que le Père
a envoyé son Fils et qu'il aime l'Eglise et chacun de nous, comme Lui-même
a aimé (cf. Jn 17, 23). La tâche des disciples du Christ, la
tâche de chacun de nous est donc celle de tendre vers une telle unité,
afin de devenir, en tant que chrétiens, le signe visible de son message
salvifique, adressé à tout être humain.
Permettez-moi de rappeler encore une fois la rencontre œcuménique
qui a eu lieu
dans cette église avec votre grand concitoyen Jean-Paul II et son intervention,
dans laquelle il traça de la manière suivante la vision des
efforts visant à la pleine unité des chrétiens : «
Le défi qui se présente consiste à surmonter peu à
peu les obstacles (...) et grandir ensemble dans cette unité du Christ
qui est unique, cette unité dont il a doté l'Eglise depuis le
début. L'importance de la tâche interdit toute précipitation
ou impatience, mais le devoir de répondre à la volonté
du Christ exige que nous restions fermes sur la voie qui mène à
la paix et à l'unité de tous les chrétiens. Nous savons
bien que ce n'est pas nous qui guérirons les blessures de la division
et qui rétablirons l'unité; nous sommes de simples instruments
que Dieu pourra utiliser. L'unité entre les chrétiens sera un
don de Dieu, à son moment de grâce. Nous attendons humblement
ce jour, grandissant dans l'amour, dans le pardon et dans la confiance réciproques
» (cf. ORLF n.31 du 6 août 1991).
Depuis cette rencontre, beaucoup de choses ont changé. Dieu nous a
permis de faire
de nombreux pas vers la compréhension réciproque et le rapprochement.
Permettez-moi de rappeler à votre attention certains événements
œcuméniques, qui à cette époque eurent lieu dans le monde:
la publication de l'Encyclique « Ut unum sint » ; les concordances
christologiques avec les Eglises préchalcédoniennes: la signature
à Augsbourg de la « Déclaration commune sur la doctrine
de la justification »; la rencontre à l'occasion du Grand Jubilé
de l'an 2000 et la commémoration œcuménique des témoins
de la foi du XX siècle ; la reprise du dialogue entre catholiques et
orthodoxes au niveau mondial, les funérailles de Jean-Paul II avec
la participation de la quasi-totalité des Eglises et Communautés
ecclésiales. J'ai appris qu'ici aussi, en Pologne, cette aspiration
fraternelle à l'unité peut se réjouir de succès
concrets. Je voudrais mentionner à cette occasion : la signature en
l'An 2000, qui a également eu lieu dans ce temple, de la part de l'Eglise
catholique romaine et des Eglises associées au sein du Conseil Oecuménique
polonais, de la déclaration de la reconnaissance réciproque
de la validité
du baptême ; l'institution de la Commission pour les Relations entre
la Conférence épiscopale polonaise et le Conseil œcuménique
polonais, à laquelle appartiennent les évêques catholiques
et les chefs d'autres Eglises ; l'institution des commissions bilatérales
pour le dialogue théologique entre catholiques et orthodoxes, luthériens,
membres de l'Eglise nationale polonaise, mariavites et adventistes ; la publication
de la traduction œcuménique du Nouveau Testament et du Livre des Psaumes
; l'initiative intitulée « œuvre de Noël d'aide aux Enfants
», au sein de laquelle collaborent les organisations caritatives des
Eglises: catholique, orthodoxe et évangélique.
Nous notons de nombreux progrès dans le domaine de l'œcuménisme
mais nous
attendons cependant toujours quelque chose de plus.
Permettez-moi d'attirer aujourd'hui l'attention de manière peut-être
un peu plus précise sur deux questions. La première touche au
service caritatif des Eglises. Nombreux sont nos frères qui attendent
de nous le don de l'amour, de la confiance, du témoignage, d'une aide
spirituelle et matérielle concrète. J'ai fait référence
à ce problème dans ma première Encyclique « Deus
caritas est ». J'ai observé dans celle-ci que : « L'amour
du prochain, enraciné dans l'amour de Dieu, est avant tout une tâche
pour chaque fidèle, mais il est aussi une tâche pour la communauté
ecclésiale entière, et cela à tous les niveaux: de la
communauté locale à l'Eglise particulière, jusqu'à
l'Eglise universelle
dans son ensemble. L'Eglise aussi, en tant que communauté, doit pratiquer
l'amour » (n. 20). Nous ne pouvons pas oublier l'idée essentielle
qui dès le commencement constitua le fondement solide de l'unité
des disciples : « A l'intérieur de la communauté des croyants
il ne doit pas exister une forme de pauvreté telle que soient refusés
à certains les biens nécessaires à une vie digne »
(ibid.). Cette idée est toujours actuelle, bien qu'au cours des siècles,
les formes de l'aide fraternelle aient évolué ; accepter les
défis caritatifs contemporains dépend dans une large mesure
de notre collaboration réciproque. Je me réjouis que ce problème
trouve un large écho dans le monde sous la forme de nombreuses initiatives
oecuméniques. Je note avec satisfaction que dans la communauté
de l'Eglise catholique et dans les autres Eglises et communautés ecclésiales
se sont diffusées diverses nouvelles formes d'activités caritatives
et que d'autres plus anciennes sont réapparues avec un élan
nouveau. Ce sont des formes qui unissent souvent l'évangélisation
et les œuvres de charité (cf. ibid., n. 30b). Il semble que, malgré
toutes les différences qu'il faudra surmonter dans le cadre du dialogue
interconfessionnel, il est légitime de confier l'engagement caritatif
à la communauté Oecuménique des disciples du Christ dans
la recherche de la pleine unité.
Nous pouvons tous trouver une place dans la collaboration au service des personnes
dans le besoin, en tirant profit de ce réseau de relations réciproques,
fruit du dialogue entre nous et de l'action commune. Dans l'esprit du commandement
évangélique, nous devons assumer cette sollicitude attentive
à l'égard de nos frères qui se trouvent dans le besoin,
quels qu'ils soient. A ce sujet, j'ai écrit dans mon Encyclique que
: « En vue d'un développement harmonieux du monde », il
est « nécessaire pour les chrétiens d'unir leur voix et
leur engagement pour le respect des droits et des besoins de tous, spécialement
des pauvres, des humiliés et de ceux qui sont sans défense »
(n. 30b). A tous ceux qui participent à notre rencontre, je souhaite
aujourd'hui que la pratique de la charité fraternelle nous rapproche
toujours davantage et rende plus crédible notre témoignage en
faveur du Christ devant le monde.
La seconde question à laquelle je souhaite faire référence,
concerne la vie conjugale et
la vie familiale. Nous savons que parmi les communautés chrétiennes,
appelées à témoigner de l'amour, la famille occupe une
place particulière. Dans le monde d'aujourd'hui, dans lequel se multiplient
les relations internationales et interculturelles, de plus en plus souvent,
des jeunes provenant de traditions différentes, de religions différentes,
de confessions chrétiennes différentes décident de fonder
une famille. Souvent, pour les jeunes eux-mêmes et pour les personnes
qui leur sont chères, il s'agit d'une décision difficile qui
comporte divers dangers touchant à la persévérance de
la foi et à la construction future de la structure familiale, ainsi
qu'à la création d'un climat d'unité de la famille et
de conditions opportunes pour la croissance spirituelle des enfants. Toutefois,
précisément grâce à la diffusion sur une plus grande
échelle du dialogue Oecuménique, la décision peut donner
naissance à la formation d'un laboratoire pratique d'unité.
Pour cela, la bienveillance mutuelle, la compréhension et la maturité
dans la foi des deux parties, ainsi que des communautés dont ils proviennent
sont nécessaires. Je souhaite exprimer ma satisfaction pour la Commission
bilatérale du Conseil pour les Questions sur l'œcuménisme de
la Conférence épiscopale
polonaise et du Conseil œcuménique polonais qui ont entamé la
préparation d'un document où est présentée la
doctrine chrétienne commune sur le mariage et sur la famille et sont
établis les principes, acceptables par tous, pour contracter des mariages
interconfessionnels, en indiquant un programme commun de sollicitude pastorale
pour de tels mariages. Je souhaite à tous que sur cette question délicate
grandissent la confiance réciproque entre les Eglises ainsi qu'une
collaboration qui respecte pleinement les droits et la responsabilité
des conjoints pour la formation dans la foi de la propre famille et pour l'éducation
des enfants. « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur
ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux
et moi en eux » (Jn 17, 26). Frères et sSurs, en plaçant
toute notre confiance dans le Christ, qui nous fait connaître son nom,
nous cheminons chaque jour vers la plénitude de la réconciliation
fraternelle. Que sa prière fasse en sorte que la communauté
de ses disciples sur la terre, dans son ministère et dans son unité
visible, devienne toujours davantage une communauté d'amour où
se reflète l'unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
© Texte original Libreria editrice vaticana
Traduction réalisée par Zenit
Homélie de Benoît XVI à la Messe sur la place Pilsudski
le
vendredi 26 mai 2006
[deux §§ de politesse et remerciements amicaux ...]
Restez fermes dans la foi. Nous venons d'entendre les paroles de Jésus
: « si vous m'aimez vous observerez mes commandements. Je prierai le
Père et il vous enverra un autre Consolateur pour que je reste toujours
avec vous, l'Esprit de vérité » (Jn 14, 15-17). Dans ces
paroles Jésus révèle le lien profond qui existe entre
la foi et la profession de la Vérité divine, entre la foi et
l'abandon à Jésus Christ dans l'amour, entre la foi et la pratique
de la vie inspirée par les commandements. Toutes les trois dimensions
de la foi sont le fruit de l'action de l'Esprit Saint. Une telle action se
manifeste comme une force intérieure qui
harmonise le cœur des disciples avec le Cœur du Christ et les rend capables
d'aimer les frères comme lui les a aimés. Ainsi la foi est un
don et en même temps un devoir. « Il vous donnera un autre Consolateur,
l'Esprit de Vérité ». La foi comme connaissance et profession
de la vérité sur Dieu et sur l'homme « dépend de
la prédication et la prédication à son tour s'effectue
par la parole du Christ » dit Saint Paul (Ro 10, 17). Au long de l'histoire
de l'Eglise les Apôtres ont prêché la parole de Dieu en
se préoccupant de la livrer intacte à leurs successeurs qui
à leur tour l'ont transmise aux générations suivantes
jusqu'à nos jours. Tant de prédicateurs de l'Evangile ont donné
leur propre vie par fidélité à
la vérité de la parole du Christ. Et ainsi, de l'empressement
pour la vérité est née la Tradition de l'Eglise. Aujourd'hui
encore comme dans les siècles passés il y a des personnes ou
des environnements qui, en négligeant cette Tradition des siècles
voudraient falsifier la parole du Christ et enlever les vérités
de l'Evangile qui, selon eux, sont trop inconfortables pour l'homme moderne.
On cherche à créer l'impression que tout serait relatif : même
les vérités de la foi dépendraient de la situation historique
et de l'évolution humaine. Mais l'Eglise ne
peut pas faire taire l'Esprit de Vérité. Les successeurs des
Apôtres ensemble avec le Pape sont responsables de la vérité
de l'Evangile et aussi tous les chrétiens sont appelés à
partager cette responsabilité en acceptant les indications autorisées.
Tout chrétien est tenu de confronter sans cesse ses propres convictions
avec l'enseignement de l'Evangile et de la Tradition de l'Eglise dans l'obligation
de rester fidèle à la parole du Christ même lorsqu'elle
est exigeante et humainement difficile à comprendre. Nous ne devons
pas tomber dans la tentation du relativisme ou de l'interprétation
subjective et sélective de l'Ecriture Sainte. Seule la vérité
entière peut nous ouvrir à l'adhésion au Christ mort
et ressuscité pour notre salut. Le Christ a dit : « si vous m'aimez...
» La foi ne signifie pas seulement d'accepter un certain nombre de vérités
abstraites concernant les mystères de Dieu, de l'homme, de la vie et
de la mort, de la réalité future. La foi consiste en un rapport
intime avec le Christ, un
rapport fondé sur l'amour de Celui qui nous aimés le premier
(1 Jn 4,11) jusqu'à l'offrande totale de lui même. « Dieu
a montré son amour pour nous alors que nous étions encore des
pécheurs, Quelle autre réponse pourrions nous donner à
un amour aussi grand si ce n'est celle d'un coeur ouvert et prompt à
aimer ? Mais que veut dire aimer le Christ ? Cela veut dire se confier à
lui, même aux moments d'épreuve, le suivre fidèlement
aussi sur la Via Crucis dans l'espérance que viendra vite le matin
de la résurrection. En nous confiant au Christ on ne perd rien mais
on acquiert tout. Dans ses mains notre vie acquiert son vrai sens.
L'amour pour le Christ s'exprime dans la volonté d'harmoniser notre
propre vie avec les pensées et les sentiments de son Cœur. Cela se
réalise au moyen de l'union intérieure fondée sur la
grâce des sacrements, renforcée par la prière continue,
la louange, l'action de grâce et la pénitence. On ne peut faire
fi d'une écoute attentive de l'inspiration qu'il suscite dans sa Parole,
les personnes que nous rencontrons, les circonstances de la vie quotidienne.
L'aimer veut dire rester en dialogue avec Lui, pour connaître sa volonté
et la réaliser au plus tôt.
Mais vivre sa foi comme une relation d'amour signifie aussi être prêt
à renoncer à tout ce qui est la négation de l'amour du
Christ. C'est pourquoi Jésus a dit aux Apôtres : « si vous
m'aimez vous observerez mes commandements ». Et quels sont les commandements
du Christ ? Quand Jésus enseignait les foules il ne manquait pas de
confirmer la loi que le Créateur a inscrite dans le coeur de l'homme
puis qu'il a formulé sur les tables du Décalogue : « Ne
pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes, je ne suis
pas venu abolir mais accomplir. En vérité je vous le dis, avant
que passent le ciel et la terre, pas
un iota, pas un point sur le iota ne passera de la loi sans que tout soit
accompli » (Matt 5, 17- 18) Jésus nous a montré avec une
clarté nouvelle le centre unifiant des lois divines révélées
sur le Sinaï c'est à dire l'amour de Dieu et du prochain : «
aimer Dieu et son prochain de tout son cœur et de toute son âme et aimer
le prochain comme soi même vaut mieux que tous les holocaustes et tous
les sacrifices » (Mc 12,33). Jésus dans toute sa vie et son mystère
pascal
a accompli toute la loi. En s'unissant à nous par le don de l'Esprit
Saint il porte avec nous et en nous le « joug » de la loi qui
devient ainsi « un fardeau léger » (Mat 11, 30). Dans cet
esprit Jésus formule sa liste des attitudes intérieures de ceux
qui cherchent à vivre profondément la foi : bienheureux les
pauvres en esprit, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif
de la justice, les miséricordieux, les purs de coeur, les artisans
de paix, les persécutés à cause de la justice ...
Chers frères et soeurs la foi en tant qu'adhésion au Christ
se révèle comme un amour poussant à réaliser le
bien que le Créateur a placé dans la nature de chacun et chacune
de nous, dans la personnalité de tout autre homme comme dans tout ce
qui est en ce monde. Celui qui croit et aime ainsi devient artisan de la vraie
civilisation de l'amour dont le Christ est le centre. Il y a 27 ans à
cet endroit, Jean Paul II a dit « la Pologne est devenue une terre de
témoignage particulièrement responsable » (2 Juin 1979).
Je vous le demande, cultivez ce
riche héritage de la foi transmis de génération en génération,
un patrimoine de pensée et de service que fut Jean-Paul II. Demeurez
forts dans la foi, transmettez la à vos enfants en témoignant
de la grâce dont vous avez fait l'expérience de manière
si abondante à travers l'Esprit Saint dans votre histoire. Que Marie
Reine de la Pologne, vous montre la voie vers son Fils et vous accompagne
sur le chemin vers un avenir heureux et empli de paix. Que ne
manque jamais dans vos cœurs l'amour pour le Christ et pour son Eglise. Amen.
Homélie du St Père lors de la Messe dimanche 28 mai à
Cracovie
(Blonie)
« Hommes de Galilée pourquoi restez vous à regarder le
ciel ? (Ac 1,11)
Frères et sœurs, aujourd'hui sur l'esplanade de Blonie à Cracovie
résonne à nouveau cette demande rapportée par les Actes
des Apôtres. Cette fois elle s'adresse à nous tous : «
pourquoi restez vous à regarder le ciel ? » Dans la réponse
à cette question est incluse la vérité fondamentale sur
la vie et sur le destin de l'homme.
Cette demande se rapporte à deux attitudes connexes avec les deux
réalité dans
lesquelles s'inscrit la vie de l'homme celle de la terre et celle du ciel.
D'abord la réalité de la terre : « pourquoi restez vous
? » Pourquoi rester sur la terre ? Nous répondons : nous restons
sur la terre parce que le Créateur nous a placés ici comme couronnement
de l'œuvre de la création. Dieu tout puissant, conformément
à son ineffable dessein d'amour, a créé l'univers, le
tirant de rien. Et après avoir achevé cette œuvre, il a appelé
l'homme à l'existence, le créant à sa propre image et
ressemblance. Il lui a fait don de la dignité de fils de Dieu et de
l'immortalité. Et nous savons que l'homme s'est égaré,
a abusé du don de la
liberté et a dit « non » à Dieu se condamnant ainsi
lui même à une existence dans laquelle sont entrés le
mal, le péché, la souffrance et la mort. Mais nous savons aussi
que Dieu lui-même ne s'est pas résigné à cette
sorte de situation et il est entré directement dans l'histoire de l'homme
et cette histoire est devenue l'histoire du salut. « Nous restons sur
la terre » nous sommes enracinés en elle, c'est d'elle que nous
croissons. C'est là que nous faisons le bien dans les différents
espaces de l'existence quotidienne, dans la réalité de la sphère
matérielle et aussi dans la réalité de la sphère
spirituelle, dans les relations réciproques, dans l'édification
de la communauté humaine, dans la culture. C'est là que nous
faisons l'expérience de la fatigue de ceux qui sont en chemin vers
un but au long de chemins compliqués, parmi les hésitations,
les tensions, les incertitudes mais aussi dans la conscience profonde qu'un
jour où l'autre ce chemin atteindra son terme.
Et c'est alors que se fait la réflexion :tout, ici ? La terre où
« nous nous trouvons » est elle notre destinée définitive
?
Dans ce contexte il faut s'arrêter sur la seconde partie de la question
rapporté dans les Actes : « pourquoi restez vous à regarder
le ciel ? » Nous lisons que lorsque les apôtres essayèrent
d'attirer l'attention du Ressuscité sur la question de la reconstruction
du royaume terrestre d'Israël, Il « fut élevé en
haut sous leurs yeux et un nuage le déroba à leur regard »
et ils « restèrent à fixer le ciel pendant qu'Il s'en
allait ». Ils restaient à fixer le ciel parce qu'ils accompagnaient
du regard Jésus crucifié et ressuscité qui s'élevait.
Nous ne savons pas s'ils se sont rendus compte à ce moment qu'un horizon
magnifique, infini s'ouvrait à leur yeux : le point d'arrivée
du pèlerinage terrestre de l'homme ; peut être l'ont ils compris
seulement le jour de la Pentecôte, une fois illuminés de l'Esprit
Saint.
Pour nous toutefois, deux mille ans après, le sens de cet événement
est bien lisible. Nous sommes appelés en restant sur terre à
fixer le Ciel, à tourner notre attention, notre pensée et notre
cœur vers l'ineffable Mystère de Dieu. Nous sommes appelés à
regarder dans la direction de la réalité divine vers laquelle
l'homme est orienté depuis la création. Là réside
le sens définitif de notre
vie.
Chers frères et soeurs, je célèbre aujourd’hui avec une
profonde émotion l'Eucharistie dans le parc Blonie où le saint
Père Jean Paul II a célébré plusieurs fois durant
ses inoubliables voyages apostoliques en son pays natal. Pendant les liturgies
il a rencontré le peuple de Dieu quasi dans tous les endroits du monde
mais il n'y a aucun doute que chaque célébration de la Sainte
Messe à Blonie à Cracovie était pour lui un événement
exceptionnel. Ici il se tournait en esprit et de cœur vers les racines, vers
les sources de sa foi et de son service dans l'Eglise. D'ici il voyait Cracovie
et toute la Pologne. Lors de son premier pèlerinage en Pologne le 10
Juin 1979, achevant son homélie sur cette esplanade, il dit avec nostalgie
: « permettez qu'avant de vous laisser je jette un regard sur Cracovie,
de cette Cracovie dont chaque pierre et chaque brique m'est chère.
Et de regarder encore une fois d'ici, la Pologne... » Et au cours de
la dernière sainte Messe célébrée en ce lieu le
18 aôut 2002, il dit dans son homélie : « je suis reconnaissant
pour l'invitation à visiter ma Cracovie et pour l'hospitalité
qui me fut offerte » Je veux recueillir ces paroles, les faire miennes
et les répéter aujourd'hui : « je vous remercie de tout
cœur pour l'invitation à visiter ma Cracovie et pour l'hospitalité
qui me fut offerte ». Cracovie, la ville de Karol Wojtyla et
de Jean Paul II est aussi ma Cracovie ! C'est aussi une ville chère
au cœur des innombrables foules de chrétiens partout dans le monde
qui savent que Jean Paul II arriva sur la colline du Vatican depuis cette
ville, depuis la colline du Wawel, « d'un pays lointain » qui,
du fait de cet événement, est devenu un pays cher à tous.
Au début de la deuxième année de mon Pontificat je suis
venu en Pologne et à
Cracovie par un besoin du cœur, comme pèlerin sur les pas de mon prédécesseur.
Je voulais respirer l'air de sa patrie. Je voulais regarder le pays dans lequel
il est né et où il a grandi pour assumer l'infatigable service
du Christ et de l'Eglise universelle. Je désirais avant tout rencontrer
les hommes vivants, ses compatriotes, découvrir votre foi dans laquelle
il puisa la sève vitale et m'assurer que vous êtes forts dans
la foi. Je veux aussi prier ici Dieu de conserver en vous l'héritage
de la foi, de l'espérance et de la charité laissés au
monde et à vous en particulier par Jean Paul II.
Je salue cordialement toutes les personnes rassemblées ... Je voudrais vous serrer la main à chacun d'entre vous en vous regardant dans les yeux. Je salue toute la Pologne ... Je remercie le Cardinal Primat ...
Chers frères et soeurs le thème de mon pèlerinage en
terre polonaise sur les traces de Jean Paul II est dans les paroles «
restez fermes dans la foi » L'exhortation comprise dans ces mots s'adresse
à nous tous qui formons la communauté des disciples du Christ,
elle s'adresse à chacun de nous. La foi est un acte humain très
personnel qui se réalise selon deux dimensions. Croire veut dire avant
tout accepter comme vérité ce que notre esprit ne peut comprendre
jusqu'au fond. Il faut accepter ce que Dieu nous révèle sur
lui même, sur
nous mêmes et sur la réalité qui nous entoure y compris
celle qui est invisible, ineffable, inimaginable. Cet acte d'acceptation de
la vérité révélée élargit l'horizon
de notre connaissance et nous permet de rejoindre le mystère dans lequel
est immergée notre existence. Accepter que notre raison soit ainsi
limitée ne se concède pas facilement. Et c'est proprement là
que se manifeste la foi dans sa seconde dimension : celle de se confier à
une personne, et pas à une personne ordinaire mais au Christ. C'est
important ce à quoi nous croyons mais il est encore plus important
Celui en qui nous croyons. Saint Paul nous parle de cela dans la lettre au
Ephésiens qui a été lue ce jour. Dieu nous a donné
un esprit de sagesse et « illuminé les yeux de notre coeur pour
nous faire voir quelle espérance nous ouvre son appel, quels trésors
de gloire renferme son héritage parmi les saints et quelle extraordinaire
grandeur sa puissance revêt pour nous les croyants selon la vigueur
de sa force, qu'il a déployée en la personne du Christ »
(1, 18-20) Croire veut dire s'abandonner à Dieu, Lui confier notre
destin. Croire veut dire établir un lien très personnel avec
notre Créateur et rédempteur en vertu de l'Esprit Saint et faire
en sorte que ce lien soit le fondement de toute notre vie.
Aujourd'hui nous avons entendu les paroles de Jésus : « Vous
recevrez la force
l'Esprit Saint qui descendra sur vous et vous serez mes témoins à
Jérusalem, dans toute Judée et la Samarie et jusqu'aux confins
de la terre » Il y a des siècles, ces paroles ont atteint aussi
la terre polonaise. Elles ont été et continuent d'être
un défi pour tous ceux qui reconnaissent appartenir au Christ, ceux
pour qui sa cause est la plus importante. Nous avons le devoir d'être
témoins de Jésus qui vit dans l'Eglise et dans le cœur des hommes.
Lui nous a assigné une mission. Le jour de son Ascension dans le ciel
il dit aux apôtres « Allez dans le monde entier et prêchez
l'Evangile à toute créature ... alors ils partirent prêchèrent
partout tandis que le Seigneur opérait ensemble avec eux et confirmait
la parole par les signes qui l'accompagnaient » (Mat 16, 1-5) chers
frères et sœurs ! Avec l'élection Karol Wojtyla sur le Siège
de Pierre au service de toute l'Eglise, votre pays est devenu lieu d'un témoignage
de foi particulier en Jésus Christ. Vous avez vous-mêmes été
appelés rendre ce témoignage devant le monde entier. Votre vocation
est toujours d'actualité et peut être encore davantage depuis
la bienheureuse mort du Serviteur de Dieu. Ne privez pas
monde de votre témoignage !
Avant de rentrer à Rome pour poursuivre mon ministère, je vous exhorte tous, en me rapportant aux paroles que Jean Paul II a prononcées ici en 1979 : « Vous devez être forts,
chers frères et sœurs ! Vous devez être forts de cette force
qui jaillit de la foi ! Vous devez être forts de la force de la foi
! Vous devez être fidèles ! Aujourd'hui plus qu'à toute
autre époque vous avez besoin de cette force. Vous devez être
forts de la force de l'espérance qui apporte la parfaite joie de vivre
et nous empêche de contrister l'Esprit Saint ! Vous devez être
forts de l'amour qui est plus fort que la mort ... vous devez être forts
de la force de foi, de l'espérance et de la charité, consciente,
mûre, responsable et qui puisse nous aider cette étape de notre
histoire au grand dialogue avec l'homme et avec le monde : dialogue
avec l'homme et avec le monde enraciné dans le dialogue avec Dieu lui
même – avec le Père par le Fils dans l'Esprit Saint- dialogue
du salut. » (10 juin 1979)
Et moi, Benoît XVI, successeur du Pape Jean Paul II, je vous demande
de regarder terre et le ciel, de fixer Celui qu'ont suivi -depuis 2000 ans-
des générations successives qui vécurent et se succédèrent
sur notre terre et en Qui elles retrouvèrent le sens définitif
de l'existence. Raffermis par la foi en Dieu, engagez vous avec ardeur à
la consolidation de son Règne sur la terre : le Règne du bien,
de la justice, de la solidarité, de la miséricorde, vous demande
de témoigner courageusement de l'Evangile dans le monde d'aujourd'hui
apportant l'espérance aux pauvres, aux souffrants, aux personnes abandonnées,
aux
désespérés, à ceux qui ont soif de liberté,
de vérité et de paix. En faisant le bien au prochain et en vous
montrant attentifs pour le bien commun, témoignez que Dieu est amour.
Je vous demande enfin de partager avec les autres peuples d'Europe et du monde
trésor de la foi, également par considération pour la
mémoire de votre Compatriote qui, comme Successeur de Saint Pierre,
a fait cela avec une force et une efficacité extraordinaire.
Et souvenez vous de moi dans vos prières et vos sacrifices comme vous
vous souvenez mon grand prédécesseur afin que je puisse accomplir
la mission qui m'a été confiée par le Christ. Je vous
le demande : restez fermes dans la foi ! Restez fermes dans l'espérance
Restez fermes dans la charité ! Amen.
Discours de Benoît XVI au Camp de Concentration d'Auschwitz-Birkenau
le 28 mai 2006
Prendre la parole dans ce lieu d'horreur, d'accumulation de crimes contre
Dieu et
contre l'homme sans égal dans l'histoire est presque impossible - et
cela est particulièrement difficile et accablant pour un chrétien,
pour un pape qui vient d'Allemagne. Dans un lieu comme celui-là, les
mots font défaut, au fond, seul un silence tremblant peut régner,
un silence qui est un cri intérieur vers Dieu : pourquoi n'as-tu rien
dit Seigneur ? pourquoi as-tu pu tolérer tout cela ? C'est dans ce
silence que nous nous inclinons profondément au fond de nous devant
l'innombrable enfilade de ceux qui ont souffert ici et ont été
mis à mort ; ce
silence toutefois devient ensuite demande à haute voix de pardon de
réconciliation, un cri vers le Dieu vivant de ne plus permettre une
telle chose.
Il y a 27 ans, le 7 juin 1979 le pape Jean Paul II était ici et il
dit alors : « je viens ici comme pèlerin. On sait que bien des
fois je me suis trouvé ici... Tant de fois !
Bien des fois je suis descendu dans la cellule de la mort de Maximilien Kolbe
et je me suis arrêté devant le mur de l'extermination et je suis
passé entre les ruines des fours crématoires de Birkenau. Je
ne pouvais pas ne pas venir ici comme Pape » Le pape Jean Paul II est
venu ici comme fils du peuple qui, à côté du peuple hébraïque,
devait souffrir le plus en ce lieu et, en général, au cours
de la guerre : « il y a six millions de polonais qui ont perdu la vie
pendant la seconde guerre mondiale : le cinquième de la nation »
a alors rappelé le Pape. Ici il a
ensuite fait monter l'avertissement solennel au respect des droits de l'homme
et des nations qu'avant lui ses prédécesseurs Jean XXIII et
Paul VI avaient élevé devant le monde, et il ajouta : «
Je prononce ces paroles [...] fils de la nation qui dans son histoire lointaine
et récent a subi tant de douleurs de la part des autres. Et je ne le
dis pas pour accuser mais pour se souvenir. Je parle au nom de toutes les
nations dont les droits sont violés et oubliés... »
Le pape Jean Paul II était ici comme fils du peuple polonais. Je suis
aujourd'hui ici comme fils du peuple allemand et justement pour cela, je dois
et peux dire comme lui : je ne pouvais pas ne pas venir ici. Je devais venir.
C'était et c'est un devoir à l'égard de la vérité
et du droit de ceux qui ont souffert, un devoir vis-à-vis de Dieu,
d'être ici comme successeur de Jean-Paul II et comme fils du peuple
allemand, fils de ce peuple sur lequel un groupe de criminels a pris le pouvoir
au moyen de promesses mensongères, au nom de perspectives de grandeur,
de recouvrance de l'honneur de la nation et et de son relèvement, avec
des
prévisions de bien-être, et aussi avec la force de la terreur
et de l'intimidation de sorte que notre peuple a pu être utilisé
et abusé comme instrument de leur frénésie de destruction
et de pouvoir. Oui, je ne pouvais pas ne pas venir ici. Le 7 juin 1979, j'étais
ici comme archevêque de Münich-Freisingen parmi tant d'évêques
qui accompagnaient le Pape, l'écoutaient et priaient avec lui. Puis
en 1980 je suis revenu une fois dans ce lieu d'horreur avec une délégation
d'évêques allemands, bouleversé à cause du mal
et reconnaissant du fait
qu'au dessus de ces ténèbres s'était levé l'étoile
de la réconciliation. Et c'est encore dans ce but que je me trouve
aujourd’hui ici : pour implorer la grâce de la réconciliation
– et tout d'abord de Dieu qui, seul, peut ouvrir et purifier nos coeurs ;
puis des hommes qui ont souffert ici, et enfin la grâce de la réconciliation
pour tous ceux qui, en ce moment de notre histoire, ont souffert de nouvelle
manière sous le pouvoir de la haine et sous la violence fomentée
par la haine.
Tant de demandes s'imposent à nous dans ce lieu ! Et toujours à
nouveau émerge la demande : Où était Dieu en ces jours-là
? Pourquoi s'est-il tu ? Comment a-t-il pu tolérer cet excès
de destruction, ce triomphe du mal ? Il nous vient à l'esprit les paroles
du psaume 44, la lamentation d'Israël souffrant : « Tu nous as
écrasés au séjour des chacals, tu nous as enveloppés
de ténèbres ... Pour toi nous avons mis à mort, traités
comme des brebis pour l'abattoir. Réveille toi !pourquoi dors tu Seigneur
? Relève toi, ne nous repousses pas à jamais ! Pourquoi caches
tu ton visage, oublies tu notre misère et notre oppression ? Car
nous sommes prostrés dans la poussière, notre corps est étendu
par terre. Relève toi, viens à notre secours, sauve nous par
ta miséricorde ! » (Ps 44, 20.23-27)
Ce cri d'angoisse qu'Israël souffrant élevé vers Dieu
au temps de détresse profonde est dans le même temps le cri d'appel
à l'aide de tous ceux qui dans le cours de l'histoire (hier, aujourd'hui
et demain- ont souffert pour l'amour de Dieu, pour l'amour de la vérité
et du bien, et il y en a beaucoup encore aujourd'hui.
Nous ne pouvons pas pénétrer le secret de Dieu - nous ne voyons
que des fragments et nous commettons une erreur si nous voulons nous faire
juges de Dieu et de l'histoire. Dans ce cas nous ne défendrions pas
l'homme mais contribuerions seulement à sa destruction. Non – en définitive
nous devons restés tournés vers Dieu avec le cri humble mais
insistant : « réveille-toi ! N'oublie pas ta créature,
l'homme ! Et notre cri vers Dieu doit être en même temps un cri
qui pénètre notre propre coeur afin que s'éveille en
nous la présence cachée de
Dieu, afin que la puissance qu'Il a déposée dans nos cœurs ne
soit pas recouverte et étouffée en nous par la boue de l'égoïsme,
de la peur des hommes, de l'indifférence et de l'opportunisme. Nous
émettons ce cri devant Dieu, nous le retournons vers notre cœur lui-même
précisément à l'heure présente où surviennent
de nouvelles mésaventures où semblent émerger à
nouveau des cœurs des hommes toutes les forces obscures : d'une part l'abus
du
nom de Dieu pour justifier une violence aveugle contre des personnes innocentes
; d’autre part, le cynisme qui ne connaît pas Dieu et qui méprise
la foi en Lui. Nous crions versDieu, afin qu'il incite les hommes à
se repentir, et qu'ils reconnaissent ainsi que la violence n'engendre pas
la paix mais seulement davantage de violence, une spirale de destructions,
dans lequel tous ne peuvent en définitive qu'être perdants. Le
Dieu dans lequel nous croyons est un Dieu de la raison – d'une raison cependant
qui n'est certainement pas une mathématique neutre de l'univers mais
qui n'est qu'une seule chose avec l'amour, avec le
bien. Nous prions Dieu et nous crions vers les hommes afin que cette raison,
la raison de l'amour et de la reconnaissance de la force de la réconciliation
et de la paix prévale sur les menaces présentes de l'irrationalité
ou d'une fausse raison coupée de Dieu.
Le lieu où nous nous trouvons est un lieu de la mémoire, c'est
le lieu de la Shoa. Le passé n'est jamais seulement du passé.
Il nous regarde et nous indique les chemins à ne pas prendre et ceux
à prendre. Comme Jean Paul II j'ai parcour le chemin le long des pierre
qui dans les différentes langues rappellent les victimes de ce lieu
: il y a des pierres en biélorusse, tchèque, allemand, français,
grec, hébreu, croate, italien, yiddish, hongros, néerlandais,
norvégien, polonais, russe, rom, roumain, slovaque, serbe, ukrainien,
judéoéspagnol, anglais. Toutes ces pierres commémoratives
parlent de la douleur humaine, elles nous font deviner le cynisme de ce pouvoir
qui traitait les hommes comme du matériau sans les reconnaître
comme des personnes dans lesquelles resplendit l'image de Dieu.
Certaines pierres invitent à une commémoration particulière.
Il y a celle en langue
hébraïque. Les potentas du Troisième Reich voulaient détruire
le peuple hébraïque dans sa totalité, l'éliminer
de la liste des peuples de la terre. Les paroles du psaume 'nous avons été
mis à mort, traités comme des brebis pour l'abattoir' se sont
alors vérifiées de manière terrible. Au fond, ces criminels
violents, par l'anéantissement de ce peuple, poursuivaient l'intention
de tuer ce Dieu qui appela Abraham, qui parlant sur le Sinaï a établi
les critères
d'orientation de l'humanité qui restent valides pour l'éternité.
Si ce peuple, simplement par sa seule existence, constitue un témoignage
de ce Dieu qui a parlé à l'homme et l'a pris en charge, alors
ce Dieu devait finalement mourir et le pouvoir appartenir seulement à
l'homme – à ceux là qui se considéraient comme forts
d'avoir su s'emparer du monde. Par la destruction d'Israël, par la Shoah,
ils voulaient en fin de compte arracher les racine sur lesquelles se fonde
la foi chrétienne en lui substituant définitivement la foi tirée
de soi, la foi dans le pouvoir de l'homme, du fort. Puis il y a la pierre
en langue polonaise. D'abord et
avant tout on a voulu éliminer l'élite culturelle et ainsi effacer
le peuple comme sujet historique autonome pour l'abaisser, dans la mesure
où il continuait d'exister, à un peuple d'esclaves. Une autre
pierre qui invite particulièrement à réfléchir
est celle écrite dans la langue des tziganes et des roms. Ici aussi
on a voulu faire disparaître un peuple entier qui vivait en migrant
au milieu des autres peuples. Il fut compté parmi les éléments
inutiles de l'histoire universelle, dans une idéologie où ne
devait compter désormais que l'utile mesurable, tout le reste selon
leurs conceptions, devant se classer comme le bensunwertes Leben -vie indigne
d'être vécue. Puis c'est la pierre en russe qui évoque
le nombre immense
des vies sacrifiées parmi les soldats russes dans l'affrontement avec
le régime de la terreur national-socialiste ; en même temps elle
nous fait réfléchir sur le sens doublement tragique de leur
mission : ils ont libéré les peuples d'une dictature mais en
soumettant aussi les mêmes peuples à une nouvelle dictature,
celle de Staline et de l'idéologie communiste. Toutes les autres pierre
aussi dans beaucoup de langues de l'Europe nous parle de la souffrance des
hommes de tout le continent. Puissent-elles toucher profondément notre
cœur si nous ne faisons pas seulement mémoire des victimes de manière
générale mais si nous
voyions au contraire les visages des personnes singulières qui ont
fini ici dans l'abîme de la terreur. J'ai senti comme un devoir intime
de m'arrêter de manière particulière devant la pierre
en langue allemande. Là se présente à nous le visage
de Edith Stein, Thérèsia- Benedicta a Cruce : juive et allemande
disparue avec sa soeur dans l'horreur de la nuit du camp de concentration
germano-nazi ; comme chrétienne et comme juive elle accepta de mourir
à la fois avec son peuple et pour lui. Les allemands qui furent alors
déportés à Auschwitz-Birkenau et qui sont mort étaient
vus comme Abschaum der Nation –comme rebut de la nation. Cependant aujourd'hui
nous leur rendons grâce avec reconnaissance
comme témoins de la vérité et du bien, qui même
dans notre peuple n'a pas été perdu. Nous remercions ces personnes
parce qu'elles ne se sont pas soumises au pouvoir du mal et se tiennent maintenant
devant nous comme des lumières dans une nuit obscure. Avec un profond
respect et gratitude nous nous inclinons devant tous ceux qui, comme les trois
jeunes devant la menace de la fournaise à Babylone, ont su répondre
: « Seul notre Dieu peut nous sauver. Et même s'il ne nous libérait
pas, sache, ô roi, que nous ne servirons jamais tes dieux et n'adorerons
pas la statue d'or que tu as érigée » (Dan 3, 17)
Oui, derrière ces pierres se cache le destin d'innombrables êtres
humains. Ils secouent notre mémoire, ils secouent notre cœur. Ils ne
veulent pas provoquer en nous la haine : ils nous démontrent même
combien terrible peut être l'œuvre de la haine. Ils veulent amener la
raison à reconnaître le mal comme mal et à le rejeter
; ils veulent susciter en nous le courage du bien, de la résistance
au mal. Ils veulent nous amener à ces sentiments qui s'expriment dans
les paroles que Sophocle met sur les lèvres d'Antigone face à
l'horreur qui l'entoure : je ne suis pas ici pour qu'on haïsse ensemble
mais qu'on aime ensemble »
Grâce à Dieu, par la purification de la mémoire à laquelle nous invite ce lieu d'horreur, croissent maintenant de multiples initiatives qui veulent imposer une limite au mal et donner force au bien. Il y a quelques instants j'ai pu bénir le Centre pour le Dialogue et la Prière.
Tout proche la vie cachée des soeurs carmélites qui se savent
particulièrement unies au mystère de la croix du Christ nous
rappelle la foi des chrétiens qui affirme que Dieu lui même est
descendu dans l'enfer de la souffrance et souffre ensemble avec nous. A Oswiecim
existe le Centre Saint Maximilien Kolbe et le Centre International de Formation
sur Auschwitz et l'Holocauste. Puis il y a la Maison Internationale pour les
Rencontres de la Jeunesse. Près d'une ancienne maison de prière
il y a le Centre Hébraïque. Enfin l'Académie pour les Droits
de l'Homme est en train d'être établie. Ainsi pouvons nous espérer
que de ce
lieu d'horreur germe et croisse une réflexion constructive et que le
souvenir aide à résister au mal et à faire triompher
l'amour.
L'humanité a traversé à Auschwitz-Birkenau une «
vallée obscure ». Aussi je voudrais justement en ce lieu conclure
par une prière de confiance – par un Psaume d'Israël qui est en
même temps une prière de la chrétienté : «
Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien, sur des prés d'herbe
fraîche il me fait reposer, il me conduit vers les eaux tranquilles,
il me restaure, il me guide par les justes chemins pour l'amour de son nom.
Si je passe dans la vallée obscure je ne crains aucun mal car tu es
avec moi, ton bâton et ta houlette me donnent sécurité
... j' habiterai la maison du Seigneur tout au long de mes années »
(Ps 23, 1-4,6)