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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 30 mai 2008

 

N° 172

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Le Sacré Cœur de Jésus

et

Sainte Marguerite Marie de Paray le Monial

 

Le mois de juin est traditionnellement consacré dans l’Eglise à la dévotion au Sacré Cœur. Il est habituel dans toutes les maisons religieuses et les familles de réciter les litanies du Sacré Cœur. Pour vous y encourager, je vous rappelle  quelques grands événements de la vie de Sainte Marie Marguerite  de Paray-le-Monial ainsi que ses révélations principales.

Dans Les Nouvelles de Chrétienté, vous pourrez trouver un récit très intéressant sur les raisons de la construction de l’Eglise de Montmartre, à Paris, dédiée au Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

1647 : Le 22 juillet, naissance de Marguerite-Marie Alacoque.

1971 : Le 25 mai, Marguerite-Marie fait une première visite à la Visitation de Paray-le-Monial. Elle entend, au parloir, cette parole : "C'est ici que Je te veux".
Le 20 juin, Marguerite-Marie entre au monastère de la Visitation à Paray-le-Monial, où la Mère Hersant est alors Supérieure. Elle y devient novice le 25 août.

« Voici mes résolutions, qui doivent durer toute ma vie, puisque mon Bien-Aimé les a dictées lui-même. Après l'avoir reçu dans mon cœur, il me dit : "Voici la plaie de mon côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle ; c'est là que tu pourras conserver la robe d'innocence dont j'ai revêtu ton âme, afin que tu vives désormais de la vie d'un Homme-Dieu ; vivre comme ne vivant plus, afin que je vive parfaitement en toi ; pensant à ton corps et à tout ce qui t'arrivera comme s'il n'était plus ; agissant comme n'agissant plus, mais moi seul en toi…" »
Marguerite-Marie Alacoque, Résolutions de retraite, in Vie et Œuvres, Paris, Poussielgue, 1867, t.I, p.38.

1672 : Le 2 juin, la Mère Marie-Françoise de Saumaise, professe de Dijon, est élue Supérieure à Paray.

Le 6 novembre, Marguerite-Marie prononce ses vœux simples : elle reçoit sa croix et son voile de professe.

1673-1675 : Révélations reçues par Marguerite-Marie. Sur ordre de la Mère de Saumaise, en avril ou mai 1673, elle commence à écrire ce qui se passe en elle.
Première révélation, le 27 décembre 1673 :

« Une fois donc étant devant le saint Sacrement, me trouvant un peu plus de loisir, car les occupations que l'on me donnait ne m'en laissaient guère, me trouvant toute investie de cette divine présence, mais si fortement que je m'oubliai de moi-même et du lieu où j'étais, je m'abandonnai à ce divin Esprit, livrant mon cœur à la force de son amour. Il me fit reposer longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexplicables de son sacré Cœur qu'il m'avait toujours tenus cachés, jusqu'alors qu'il me l'ouvrit pour la première fois. Mais d'une manière si affective et sensible qu'il ne me laissa aucun lieu d'en douter, pour les effets que cette grâce produisit en moi, qui crains cependant toujours de me tromper en tout ce que je dis se passer en moi. Et voici comme il me semble la chose s'être passée :
Il me dit: "Mon divin Cœur est si passionné d'amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen et qu'il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre, et qui contiennent les grâces sanctifiantes et salutaires, nécessaires pour les retirer de l'abîme de perdition ; et je t'ai choisie comme un abîme d'indignité et d'ignorance pour l'accomplissement de ce grand dessein, afin que tout soit fait par moi".
Après il me demanda mon cœur, lequel je le suppliai de prendre, ce qu'il fit et le mit dans le sien adorable, dans lequel il me le fit voir comme un petit atome qui se consumait dans cette ardente fournaise, d'où le retirant comme une flamme ardente en forme de cœur, il le remit dans le lieu où il l'avait pris, en me disant: "Voilà ma bien-aimée, un précieux gage de mon amour, qui renferme dans ton côté une petite étincelle de ses plus vives flammes, pour te servir de cœur et te consumer jusqu'au dernier moment… […] Quoique j'aie refermé la plaie de ton côté, la douleur t'en restera pour toujours, et si jusqu'à présent tu n'as pris que le nom de mon esclave, je te donne celui de la disciple bien-aimée de mon sacré Cœur".»
Récit de la vision reçue en 1673, Vie écrite par elle-même, in Vie et Œuvres, Paris, Poussielgue, 1867, t.II, pp.325-326.

Deuxième révélation, 1674 :

« Ce divin Cœur me fut présenté dans un trône de flammes, plus rayonnant qu'un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable, et il était environné d'une couronne d'épines qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient et une croix au-dessus qui signifiait que dès les premiers instants de son Incarnation, c'est-à-dire que dès lors que ce Sacré-Cœur fut formé, la croix y fut plantée...
Et il me fit voir que son ardent désir qu'il avait d'être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes avec tous les trésors d'amour, de miséricorde, de grâces, de sanctification et de salut qu'il contenait, afin que tous ceux qui voudraient lui rendre et lui procurer tout l'amour, l'honneur et la gloire qui seraient à leur pouvoir, il les enrichît avec abondance et profusion de ces divins trésors du Cœur de Dieu qui en était la source, lequel il fallait honorer sous la figure de ce Cœur de chair, dont il voulait l'image être exposée et portée sur moi et sur le cœur, pour y imprimer son amour et le remplir de tous les dons dont il était plein, et pour y détruire tous les mouvements déréglés, et que partout où cette sainte image serait exposée pour y être honorée, il y répandrait ses grâces et ses bénédictions, et que cette dévotion était comme un dernier effort de son amour qui voulait favoriser les hommes en ces derniers siècles de telle rédemption amoureuse, pour les retirer de l'empire de Satan, lequel il prétendait ruiner pour nous mettre sous la douce liberté de l'empire de son amour, lequel il voulait rétablir dans le cœur de tous ceux qui voudraient embrasser cette dévotion ».

Lettre au Père Croiset, 3 novembre 1689, cf. A. Hamon, op. cit., p.156 sq.

Troisième révélation, 1674 (2 juillet ?) :

« Une fois entre les autres, que le Saint Sacrement était exposé, après m'être sentie retirée toute au-dedans de moi-même par un recueillement extraordinaire de tous mes sens et puissances, Jésus-Christ, mon doux maître, se présenta à moi tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils, et de cette sacrée humanité sortaient des flammes de toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine qui ressemblait (à) une fournaise ; et s'étant ouverte me découvrit son tout aimant et tout aimable Cœur, qui était la vive source de ces flammes. Ce fut alors qu'il me découvrit les merveilles inexplicables de son pur (amour) et jusqu'à quel excès il l'avait porté d'aimer les hommes, dont il ne recevait que des ingratitudes et méconnaissances : "Ce qui m'est beaucoup plus sensible, me dit-il, que tout ce que j'ai souffert en ma passion ; d'autant que s'ils rendaient quelque retour d'amour, j'estimerais peu tout ce que j'ai fait pour eux et voudrais, s'il se pouvait, en faire davantage, mais ils n'ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien. Mais du moins, donne-moi ce plaisir de suppléer à leur ingratitude autant que tu le pourras être capable. […] Premièrement, tu me recevras dans le Saint Sacrement autant que l'obéissance te le voudra permettre, quelques mortifications et humiliations qui t'en doivent arriver, lesquelles tu dois recevoir comme des gages de mon amour. Tu communieras de plus tous les premiers vendredis de chaque mois ; et toutes les nuits du jeudi au vendredi je te ferai participer à cette mortelle tristesse que j'ai bien voulu sentir au jardin des Olives ; laquelle tristesse te réduira sans que tu la puisses comprendre, à une espèce d'agonie plus rude à supporter que la mort. Pour m'accompagner dans cette humble prière que je présentai à mon Père parmi toutes mes angoisses, tu te lèveras entre onze heures et minuit pour te prosterner pendant une heure avec moi, tant la face contre terre, (tant) pour apaiser la divine colère, en demandant miséricorde pour les pécheurs, que pour adoucir en quelque façon l'amertume que je sentais de l'abandon de mes apôtres, qui m'obligea à leur reprocher qu'ils n'avaient pu veiller une heure avec moi, et pendant cette heure tu feras tout ce que je t'enseignerai. Mais écoute, ma fille, et ne crois pas légèrement à tout esprit et ne t'y fie pas car Satan enrage de te décevoir ; c'est pourquoi ne fais rien sans l'approbation de ceux qui te conduisent, afin qu'ayant l'autorité de l'obéissance, il ne puisse te tromper ; car il n'a pas de pouvoir sur les obéissants". »
Récit de la vision reçue en 1674, Vie écrite par elle-même, in Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.327-328.

Quatrième révélation (la "grande apparition"), entre le 13 et le 20 juin 1675 :

« Etant une fois devant le Saint Sacrement, un jour de son octave, je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour, et me sentis touchée du désir de quelque retour et de lui rendre amour pour amour. Et il me dit : "Tu ne peux m'en rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai déjà tant de fois demandé." Alors me découvrant son divin Cœur : "Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et mépris qu'ils ont pour moi dans ce sacrement d'amour. Mais ce qui m'est encore plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C'est pourquoi je te demande que le premier vendredi d'après l'octave du Saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon divin Cœur en communiant ce jour-là et en lui faisant réparation d'honneur par une amende honorable pour réparer les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur et qui procureront qu'il lui soit rendu". »
Récit de la vision reçue de juin 1675, Vie écrite par elle-même, in Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.355.


1675 : En février, Claude de La Colombière arrive à Paray, en qualité de Supérieur de la communauté des Jésuites. Nommé confesseur extraordinaire des religieuses de la Visitation, il se rend presque aussitôt au monastère. Le 15, il y rencontre Marguerite-Marie, qui entend alors le Seigneur lui dire "Voilà celui que je t'envoie".

1676 : En octobre, Claude de La Colombière part pour Londres, où il est nommé aumônier de la duchesse d'York, future reine d'Angleterre. Il y fait connaître et aimer le Sacré-Cœur, avant de tomber gravement malade.

1677 : Le 20 novembre, munie de l'autorisation de la Supérieure, Marguerite-Marie s'offre publiquement en victime pour ses sœurs, pour répondre à la demande du Seigneur qui lui en a reproché "l'esprit d'orgueil". Il s'en suit une nuit de souffrances qui surpasseront dira-t-elle plus tard la somme de toutes les peines de sa vie.

1678 : La Mère de Saumaise, Supérieure du monastère de Paray depuis 1672, part pour Dijon. Le 21 mai, la Mère Péronne-Rosalie Greyfié (1638-1717), professe d'Annecy, est élue Supérieure.

Le 31 décembre, répondant à la demande du Seigneur, Marguerite-Marie fait donation au Cœur de Jésus - par l'intermédiaire de la Mère Greyfié qui en prend acte dans un "testament" écrit - de tous ses biens spirituels, et de toutes les prières qui seront faites à son intention.

« L'ayant présenté à cet unique amour de mon âme, il m'en témoigna un grand agrément, et me dit que c'était qu'il en voulait disposer selon ses desseins, et en faveur de qui il lui plairait ; mais que puisque son amour m'avait dépouillé de tout, il ne voulait plus que j'eusse d'autres richesses que celles de son sacré Cœur. Il [m'en] fit une donation à l'heure même, me la faisant écrire de mon sang, selon qu'il la dictait, et puis je la signai sur mon cœur avec un canif, [à l'aide] duquel j'y écrivis son sacré nom de Jésus. »
Marguerite-Marie, Vie écrite par elle-même, in Vie et Œuvres, op. cit.,1867, t.II, p.348.

1679 : En février, Claude de La Colombière, de retour d'Angleterre, extrêmement affaibli, s'arrête à Paray-le-Monial pour s'entretenir une dizaine de jours durant avec Marguerite-Marie et la Mère Greyfié, avant de rejoindre Lyon.

En octobre, il est de retour au collège de la Trinité de Lyon, en tant que Père spirituel des jeunes étudiants de la Compagnie de Jésus. C'est à cette époque qu'il a comme disciple le Père Joseph de Gallifet, dont il fait un ardent apôtre de la dévotion au Sacré-Cœur.

1682 : Le 15 février, mort du Père Claude de La Colombière. Ses Sermons et le journal de ses Retraites spirituelles seront publiées en 1684.

1684
: Le 26 mars, est achevée d'imprimer par Anisson, libraire à Lyon, l'œuvre posthume du Père Claude de La Colombière : quatre volumes de Sermons, un de Réflexions chrétiennes, et un volume de la Retraite spirituelle à laquelle est joint un Acte d'offrande qui est sans doute celui prononcé par le Père le 21 juin 1675. Dans le volume de la Retraite, il révèle les grâces reçues par Marguerite-Marie, sans citer le nom de la sœur.

« J'ai reconnu que Dieu voulait que je le servisse en procurant l'accomplissement de ses désirs touchant la dévotion qu'il a suggérée à une personne à qui il se communique fort confidemment, et pour laquelle il a bien voulu se servir de ma faiblesse. Je l'ai déjà inspirée à bien des gens en Angleterre, et j'en ai écrit en France et prié un de mes amis de la faire valoir à l'endroit où il est. Elle y sera fort utile, et le grand nombre d'âmes choisies qu'il y a dans cette communauté me fait croire que la pratique dans cette sainte maison en sera fort agréable à Dieu. Que ne puis-je, mon Dieu, être partout, et publier ce que vous attendez de vos serviteurs et amis !
Dieu donc s'étant ouvert à la personne qu'on a sujet de croire être selon son cœur, par les grandes grâces qu'il lui a faites, elle s'en expliqua à moi, et je l'obligeai de mettre par écrit ce qu'elle m'avait dit, que j'ai bien voulu décrire moi-même dans le Journal de mes Retraites, parce que le bon Dieu veut, dans l'exécution de ce dessein, se servir de mes faibles soins.
Etant donc, dit cette sainte âme, devant le Saint-Sacrement un jour de son octave, je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour. Touchée du désir d'user de quelque retour, et de rendre amour pour amour, il me dit : Tu ne m'en peux rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai déjà tant de fois demandé. Et me découvrant son divin Cœur : Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance je ne reçois de la plus grande partie que des ingratitudes, par les mépris, irrévérences, sacrilèges et froideurs qu'ils ont pour moi dans ce Sacrement d'amour. Mais ce qui est encore plus rebutant, c'est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés. C'est pour cela que je te demande que le premier vendredi après l'octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en lui faisant réparation d'honneur par une amende honorable, communiant ce jour-là pour réparer les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels ; et je te promets que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur.
- Mais, mon Seigneur, à qui vous adressez-vous ? à une si chétive créature et pauvre pécheresse, que son indignité serait même capable d'empêcher l'accomplissement de votre dessein ? Vous avez tant d'âmes généreuses pour exécuter vos desseins. - Hé ! pauvre innocente que tu es, ne sais-tu pas que je me sers des sujets les plus faibles pour confondre les forts ? que c'est ordinairement sur les plus petits et pauvres d'esprit que je fais éclater ma puissance, afin qu'ils ne s'attribuent rien à eux-mêmes ? - Donnez-moi donc, je lui dis, le moyen de faire ce que vous me commandez. Pour lors, il m'ajouta : Adresse-toi à mon serviteur N…, et dis-lui de ma part de faire son possible pour établir cette dévotion, et donner ce plaisir à mon divin Cœur. Qu'il ne se décourage point pour les difficultés qu'il y rencontrera, car il n'en manquera pas ; mais il doit savoir que celui-là est tout-puissant qui se défie entièrement de soi-même, pour se confier uniquement en moi. »
Père Claude de La Colombière, Extrait de la Retraite spirituelle (Londres, janvier 1677), Lyon, chez Anisson, Posuel & Rigaud, 1688.

A l'Ascension, la Mère Greyfié quitte Paray, élue supérieure du monastère de Semur-en-Auxois. Le 13 mai, la Mère Marie-Christine Melin la remplace. Marguerite-Marie est élue assistante.
Le 31 décembre, Marguerite-Marie devient Maîtresse des Novices.

1685 : Le Père François-Ignace Rolin, qui a été appelé au poste de supérieur de la communauté des Jésuites à Paray, devient le second directeur spirituel de Marguerite-Marie. Afin de mieux connaître et comprendre les grâces dont elle est l'objet, il lui demande de les relater par écrit, d'abord par quelques lettres échangées, puis dans le cadre d'un Mémoire complet de sa vie, avec ordre de ne rien brûler elle-même qu'il ne l'ait examiné. Ce Mémoire autographe, conservé après la mort de la sainte, sera publié une première fois par le Père de Gallifet dans son livre latin sur le Sacré-Cœur, qui paraîtra à Rome à la fin de 1726. La première édition française verra le jour en 1733, bientôt suivie de plusieurs autres.

« C'est donc pour l'amour de vous seul, ô mon Dieu, que je me soumets d'écrire ceci par obéissance, en vous demandant pardon pour la résistance que j'y ai faite. Mais comme il n'y a que vous qui connaissiez la grandeur de la répugnance que j'y sens, aussi n'y a-t-il [que] vous seul qui me puissiez donner la force de la surmonter, ayant reçu cette obéissance comme de votre part, voulant punir par là le trop de joie et de précaution que j'avais pris pour suivre la grande inclination que j'ai toujours eue de m'ensevelir dans un éternel oubli des créatures ; et une fois, après avoir tiré des promesses des personnes que je croyais y pouvoir contribuer, et brûlé les écrits que j'avais faits par obéissance, c'est-à-dire ceux qu'on m'avait laissés, cette ordonnance m'a été faite. Faites, ô mon souverain Bien ! que je n'écrive rien que pour votre plus grande gloire, et ma plus grande confusion… »
Marguerite-Marie, Vie écrite par elle-même, in Vie et Œuvres, op. cit.,1867, t.II, p.289.

Le 20 juillet (jour de la sainte Marguerite), les novices de Marguerite-Marie se réunissent pour offrir les premiers hommages au Cœur de Jésus. Dans la salle du noviciat, elles placent une image du Sacré-Cœur sur un petit autel, et se consacrent à lui avec leur directrice. Blâmes de la Communauté.

« Je ne trouvai encore point de moyen de faire éclore la dévotion au sacré Cœur, qui était tout ce que je respirais. Voici la première occasion que sa bonté m'en fournit. C'est que sainte Marguerite s'étant trouvée un vendredi, je priai nos sœurs novices, dont j'avais le soin pour lors, que tous les petits honneurs qu'elles avaient dessein de me rendre en faveur de ma fête, elles les fissent au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce qu'elles firent de bon cœur, en faisant un petit autel, sur lequel elles mirent une petite image de papier crayonnée avec une plume, à laquelle nous tâchâmes de rendre tous les hommages que ce divin Cœur nous suggéra. Ce qui m'attira, et à elles aussi, beaucoup d'humiliations et de mortifications, d'autant que l'on m'accusait de vouloir introduire une dévotion nouvelle. »
Marguerite-Marie, Vie écrite par elle-même, in Vie et Œuvres, op. cit., 1867, t.II, p.356.

En août (?),
Promesses de Jésus-Christ à Marguerite-Marie. Elle en donne la relation dans deux courriers adressés à la Mère de Saumaise et à la Mère Greyfié, puis plus tard (en 1689) au Père Croiset.

« Je vous avoue, ma toute chère Mère, que l'état de souffrance où je me vois comme accablée et anéantie me rend méconnaissable à moi-même et impuissante à tout bien. Toute la liberté qui me reste, c'est de parler du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, duquel cette indigne créature vous dira un petit mot, touchant quelques grâces particulières qu'elle croit en avoir reçues. Il lui a donc fait connaître le grand plaisir qu'il prend à être honoré de ses créatures, et il lui semble qu'alors il lui promit "que tous ceux qui se seraient dévoués à ce sacré Cœur ne périraient jamais, et que, comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandraient avec abondance dans tous les lieux où serait posée l'image de cet aimable Cœur, pour y être aimé et honoré ; que par ce moyen, il réunirait les familles divisées et assisterait et protégerait celles qui seraient en quelque nécessité ; qu'il répandrait la suave onction de son ardente charité dans toutes les Communautés où serait honorée cette divine image ; qu'il en détournerait les coups de la juste colère de Dieu, en les remettant en sa grâce, lorsque par le péché elles en seraient déchues ; et qu'il donnerait une grâce spéciale de sanctification et de salut à la première personne qui lui ferait ce plaisir de faire faire cette sainte image."
Mais le peu de fonds que cette pauvre chétive pécheresse doit faire et fait, en effet, de tout ce qui se passe en elle, à cause de sa grande indignité, ne lui donne pas l'assurance d'en rien produire, sinon par obéissance. Cependant, se sentant fort pressée là-dessus, et ne sachant sur quoi s'excuser, sinon sur son impuissance, Il [N.S.] suscita un jeune homme qui venait de Paris, et qui est parent d'une de nos Sœurs novices, laquelle le lui ayant dit, il s'offrit avec une ardeur admirable de faire faire ce tableau ; tant beau qu'on le voudrait ; il n'y a plus qu'à lui en donner le dessin. Je recommande le tout à vos saintes prières, afin qu'il réussisse à sa gloire ; car il se présente une multitude d'obstacles, et il suffit que cette chétive pécheresse s'en mêle pour en faire fourmiller de toutes parts. »
Lettre XXXII, à la Mère de Saumaise, à Dijon (24 août 1685), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.64-65.

« Si vous saviez, ma bonne mère, combien je me sens pressée d'aimer le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ
! Il me semble que la vie ne m'est donnée du tout que pour cela, et cependant je fais tout le contraire ; il me fait de continuelles faveurs et je ne le paie que d'ingratitude. Il m'a gratifiée d'une visite qui m'a été extrêmement favorable pour les bonnes impressions qu'elle a laissées dans mon cœur. Alors il m'a confirmé que le plaisir qu'il prend d'être aimé, connu et honoré de ses créatures est si grand, que, si je ne me trompe, il m'a promis "que tous ceux qui lui auront été dévoués et consacrés ne périront jamais ; et que, comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandra avec abondance dans tous les lieux où sera posée et honorée l'image de son divin Cœur ; qu'il réunira les familles divisées et protégera et assistera celles qui seraient en quelque nécessité et qui s'adresseront à lui avec confiance ; qu'il répandra la suave onction de son ardente charité sur toutes les communautés qui l'honoreront et se mettront sous sa spéciale protection ; qu'il en détournera tous les coups de la divine Justice, pour les remettre en grâce lorsqu'elles en seront déchues." Il m'a donné à connaître que son sacré Cœur est le Saint des saints, le Saint d'amour ! qu'il voulait qu'il fût connu à présent pour être le Médiateur entre Dieu et les hommes, car il est tout-puissant pour faire leur paix, en détournant les châtiments que nos péchés ont attirés, et pour nous obtenir miséricorde. »
Lettre XXXIII, à la Mère Greyfié, à Semur (1685), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.68 .

« Je m'attendais, ma chère Mère, que vous m'alliez dire de ne plus penser à introduire cette dévotion du sacré Cœur, non plus que si c'était une vaine chimère de mon imagination, et par avance je m'y tenais soumise, si peu je donne de créance à tout ce qui vient de moi. Mais lorsque j'ai vu la représentation de cet unique objet de notre amour, que vous m'avez envoyée, il m'a semblé reprendre une nouvelle vie… Mon désir n'est plus que de procurer de la gloire à ce Sacré Cœur. Que je m'estimerais heureuse si, avant que de mourir, je pouvais lui faire quelque plaisir ! Vous pouvez beaucoup m'aider en rassurant mon pauvre et faible courage. Lorsqu'il me faut être vue et connue des créatures, ce m'est toujours une nouvelle mort, et c'est pire que jamais. Plus je me veux enfoncer dans mon néant pour y vivre dans cet abîme, pauvre, inconnue tout à fait du monde, plus il me suscite de nouvelles connaissances… […]
Mais je m'écarte sans y prendre garde de ce que je vous disais touchant la dévotion du Sacré Cœur, et le dessein de le faire honorer. Il me semble qu'il m'a fait voir que plusieurs noms y étaient écrits, à cause du désir qu'ils ont de le faire honorer et que, pour cela, il ne permettra pas qu'ils en soient effacés. Mais il ne me dit pas que ses amis n'auront rien à souffrir, car il veut qu'ils fassent consister leur plus grand bonheur à goûter ses amertumes. Voilà en passant, un petit mot pour vous exprimer les bontés et volontés de notre souverain Maître… »
Lettre XXXIV, à la Mère Greyfié, à Semur (janvier1686), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.69-70.

« Il a promis à tous ceux qui se consacreront et dévoueront à lui pour lui donner ce plaisir (qui est de lui rendre et procurer tout l'amour, l'honneur et la gloire qui sera à leur pouvoir, suivant les moyens qu'il leur en donnera), qu'il ne les laisserait jamais périr, qu'il leur serait un asile assuré contre toutes les embûches de leurs ennemis, mais surtout à l'heure de la mort ; qu'il les recevrait amoureusement dans ce divin Cœur, mettant leur salut en assurance, prenant soin de les sanctifier et de les [faire] grands devant son Père éternel, autant que l'on prendrait de peine d'agrandir le règne de son amour dans les cœurs ; et que, comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandrait abondamment dans tous les lieux où serait honorée l'image de ce Sacré-Cœur, parce que son amour le presse de départir le trésor inépuisable de ses grâces sanctifiantes et salutaires dans les âmes de bonne volonté, cherchant les cœurs vides pour les remplir de la suave onction de son ardente charité, pour les consumer et les transformer toutes en lui. Il veut des esprits humbles et soumis sans autre curiosité que d'accomplir son bon plaisir.
De plus, il a promis qu'il réunirait les familles divisées et protégerait celles qui seraient en quelque nécessité ; et qu'il répandrait cette suave onction de la charité dans toutes les communautés religieuses où il serait honoré et lesquelles se mettraient sous sa particulière protection ; qu'il en tiendrait tous les cœurs unis pour n'en faire qu'un même avec lui, et qu'il en détournerait les traits de la divine justice, en les remettant en grâce lorsqu'ils en seraient déchus. »
Lettre au Père Croiset (10 août 1689).


1686 : En mars, Marguerite-Marie demande à la Mère de Saumaise, à Dijon, de faire reproduire à grand nombre d'exemplaire l'image du Sacré-Cœur

« Je n'aurais pas tant différé à me donner l'honneur de vous écrire, si j'avais pu satisfaire au désir que vous me témoigner d'avoir un dessin pour faire un tableau du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; comme notre pauvre sœur N*N* n'est plus dans le pouvoir de faire ces sortes de choses, je me suis adressée à ma sœur la Supérieure de Semur (1) pour en avoir un, afin de vous donner cette satisfaction… et, de plus, l'on m'a assuré que vous en aviez fait faire un. Je serais bien aise de le savoir de vous, comme aussi si vous pouviez faire une chose que le sacré Cœur de notre bon Maître vous a destinée et réservée.[…] Je me sens encore entièrement pressée de vous dire de sa part, qu'il désire que vous fassiez faire une planche de l'image de ce sacré Cœur, afin que tous ceux qui voudront lui rendre quelques hommages particuliers en puissent avoir des images dans leurs maisons, et des petites pour porter sur eux. Il me semble que ce serait un grand bonheur pour vous si vous lui procuriez cet honneur, dont vous seriez plus récompensée que d'aucune autre chose que vous ayez faite en votre vie… »
(1) : il s'agit de la Mère Greyfié
Lettre XXXVI, à la Mère de Saumaise, à Dijon (2 mars 1686), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.72-73.

« Je crains, ma très chère Mère, de ne m'être pas bien expliquée au sujet du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, duquel il me semble vous avoir dit que l'image qu'il désirait que Votre Charité fît faire pour sa gloire et votre bien, fût bien imprimée en taille douce, afin que chacun en puisse acheter, selon sa dévotion, n'y ayant en cela d'autre intérêt que sa gloire, pour laquelle il désire ardemment que cette dévotion s'étende dans tous les cœurs, afin qu'il y règne absolument. […]
Notre très honorée Mère (1) prétend que notre Communauté fera faire [aussi] plus tard, une chapelle avec un beau tableau de ce sacré Cœur ; c'est pourquoi elle n'a pas voulu se presser d'employer les libéralités que ce jeune Monsieur dont je vous ai parlé lui a faites. Et comme la très honorée Mère de Semur (2) a envoyé céans une petite ébauche de leur tableau, notre chère Sœur Marie-Louise (2) a fait ce qu'elle a pu pour le tirer afin de vous l'envoyer. »
(1) : la Mère Marie-Christine Melin
(2) : il s'agit de la Mère Greyfié
(3) : Sœur Marie-Louise Forest était l'une des plus anciennes religieuses du Monastère
Lettre XXXIX, à la Mère de Saumaise, à Dijon (20 mars 1686), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.77.

Le 21 juin (vendredi après l'Octave du Saint-Sacrement), la Sœur des Escures (†1701, surnommée la "Règle vivante" du monastère, qui avait refusé l'année précédente de se joindre aux Novices dans leur hommage rendu au Sacré-Cœur) expose au chœur sur un petit autel improvisé, la reproduction en miniature du tableau vénéré à la Visitation de Semur, envoyé en début d'année à Marguerite-Marie par la Mère Greyfié, et invite les Sœurs à rendre hommage au divin Cœur. L'ensemble de la communauté se consacre alors au Sacré-Cœur.

« C'est pour obéir à l'adorable Cœur de Jésus-Christ, ma chère Sœur, que je vous dis que vous êtes heureuse d'avoir été choisie pour rendre ce service au Cœur de notre bon Maître, par le courage que vous avez eu d'être la première à le vouloir faire aimer et honorer et connaître dans un lieu qui semblait quasi pour lui inaccessible ; parce qu'il veut l'amour et les hommages de ses créatures d'une libre et amoureuse et franche volonté, sans contrainte ni dissimulation. Et il me semble que le grand désir que Notre-Seigneur a que son sacré Cœur soit honoré par quelque hommage particulier, est afin de renouveler dans les âmes les effets de sa Rédemption, en faisant de ce sacré Cœur comme un second Médiateur envers Dieu pour les hommes, dont les péchés se sont multipliés si fort qu'il faut toute l'étendue de son pouvoir pour leur obtenir miséricorde, et les grâces de salut et de sanctification qu'il a tant d'envie de leur départir abondamment ; et particulièrement sur notre Institut… »
Lettre XLVIII, Second billet à Sœur Marie-Madeleine des Escures (21 juin 1686), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.84.

Le même jour, la Mère Melin, Supérieure du Monastère, forme le projet d'ériger une chapelle dans l'angle nord-est du jardin. Construite en deux ans, la chapelle est bénie solennellement le 7 septembre 1688. C'est le premier monument érigé à la gloire du Cœur de Jésus.

« Il faut vous dire une chose qui me donne bien de la joie : c'est que notre Communauté a pris dévotion de se mettre particulièrement sous la protection de l'adorable Cœur de Jésus, et on lui fait édifier une chapelle toute dédiée à son honneur. Vous ne sauriez croire la grande dévotion que nos Sœurs de Semur-en-Auxois témoignent y avoir pris par la lecture de ce livre (1). [Elles] ont fait faire un tableau par un peintre et lui [ont] érigé un autel, et la très honorée Mère de ce lieu nous marquait que leur Communauté en a ressenti des effets admirables. Et ceux qui s'affectionnent à honorer ce sacré Cœur prennent, pour cet effet, tous les premiers vendredis du mois pour lui rendre quelque hommage particulier, chacun selon sa dévotion. […] Je crois, ma chère Mère, et je ne me saurais empêcher de vous le dire, qu'il aura une protection particulière d'amour et d'union sur les Communautés qui lui rendront quelques hommages particuliers… »
(1) : il s'agit de la Retraite spirituelle du Père de La Colombière
Lettre
XLVIII, à la Mère Louise-Henriette de Soudeilles, à Moulins (15 septembre 1686), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.94.

Publication de la Vie de la Mère Anne-Marguerite Clément (1593-1661), fondatrice du monastère de la Visitation de Melun, par son directeur le Père Galice. La Mère Clément a été favorisée de nombreuses visions du divin Cœur, en lequel elle a trouvé refuge tout au long de sa vie. Marguerite-Marie, qui prend connaissance de l'ouvrage, en fait part au Père Croiset (Lettres inédites, III, 125).
Le 31 octobre, Marguerite-Marie prononce son vœu de perfection.

« Voici la manière du vœu duquel je me sens pressée depuis longtemps et lequel je n'ai voulu faire que par l'avis de mon directeur et de ma supérieure. Après qu'ils l'ont eu examinés, ils m'ont permis de le faire avec cette condition que, lorsqu'il me causera du trouble ou du scrupule, ils m'en déchargeront ; et ils veulent que mon engagement cesse sur les articles qui me feront de la peine, ce vœu n'étant que pour m'unir plus étroitement au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et m'engager indispensablement à ce qu'il me fait connaître désirer de moi. Mais, hélas ! je sens en moi tant d'inconstance et de faiblesse, que je n'oserais faire aucune promesse qu'en m'appuyant sur la bonté, miséricorde et charité infinie de cet aimable Cœur de Jésus, pour l'amour duquel je fais ce vœu, sans que je veuille qu'il me rende plus gênée ou contrainte, mais plus fidèle à mon souverain Maître, qui me fait espérer qu'il me rendra luimême attentive à la pratique de ceci, qui ne m'engage nullement à pécher, encore que j'y manquerais par oubli ou autrement, ne prétendant pas d'en faire la matière d'aucune offense envers mon Dieu, mais pour l'aimer plus ardemment et purement, en crucifiant la chair et les sens. Sa bonté m'en fasse la grâce. Amen.

Vœu fait la veille de la Toussaint de l'année 1686 pour me lier, consacrer et immoler plus étroitement, absolument et plus parfaitement au sacré Cœur de NotreSeigneur JésusChrist.
Premièrement : O mon unique amour, je tâcherai de vous tenir soumis et de vous assujettir tout ce qui est en moi, en faisant ce que je croirai être le plus parfait ou le plus glorieux à votre Sacré-Cœur, auquel je promets de ne rien épargner de tout ce qui est en mon pouvoir, et ne rien refuser de faire et souffrir pour le faire connaître, aimer et glorifier.
2. Je ne négligerai ni n'omettrai aucun de mes exercices, ni observance de mes règles, sinon par charité ou vraie nécessité, ou par obéissance à laquelle je soumets toutes mes promesses.
3. Je tâcherai de me faire un plaisir de voir les autres dans l'élévation, bien traitées, animées et estimées, pensant que cela leur est dû et non à moi, qui dois être tout anéantie dans le sacré Cœur de JésusChrist, faisant ma gloire de bien porter ma croix et d'y vivre pauvre, inconnue et méprisée ; ne désirant paraître que pour être humiliée, méprisée et contrariée, quelque répugnance que la nature orgueilleuse y puisse sentir.
4. Je veux souffrir en silence, sans me plaindre, quelque traite que l'on me fasse ; n'éviter aucune souffrance ni peine, soit de corps ou d'esprit, soit d'humiliations, mépris ou contradictions.
5. Ne chercher ou ne me procurer aucune consolation, plaisir ni contentement, que celui de n'en point avoir dans la vie. Lorsque la Providence m'en présentera, je les prendrai simplement, non pour le plaisir auquel je renoncerai intérieurement, soit que la nature en rencontre en prenant ses nécessités, ou autrement, ne m'arrêtant point à penser si je me satisfais ou non, mais plutôt à aimer mon Sou qui me donne ce plaisir.
6. Je ne me procurerai aucun soulagement que ceux que la nécessité me fera croire ne pouvoir faire autrement, je les demanderai dans la simplicité de nos constitutions. Ceci est pour m'affranchir de la peine continuelle que je sens de trop flatter et donner à mon corps, mon cruel ennemi.
7. Je laisserai l'entière liberté à la supérieure de disposer de moi, comme bon lui semblera, acceptant humblement et indifféremment les occupations que l'obéissance me donnera, malgré la répugnance effroyable que je sens à toutes les charges ; je tâcherai de n'y plus témoigner ma peine, non plus que celle que je sens d'aller au parloir, ou d'écrire des lettres, faisant tout cela comme si j'avais bien du plaisir.
8. Je m'abandonne totalement au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour me consoler ou m'affliger selon son bon plaisir, sans me plus vouloir mêler de moi-même, me contentant d'adhérer à toutes ses saintes opérations et dispositions, me regardant comme sa victime qui doit toujours être dans un continuel acte d'immolation et de sacrifice, selon son bon plaisir, ne m'attachant à rien qu'à l'aimer et le contenter, en agissant et souffrant en silence.
9. Je ne m'informerai jamais des fautes du prochain ; et lorsque je serai obligée d'en parler, je le ferai dans la charité du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en me mettant dans la pensée si je serais bien aise que l'on me fît ou que l'on dît cela de moi, et lorsque je lui verrai commettre quelque faute, j'offrirai au Père éternel une vertu contraire du sacré Cœur pour la réparer.
10. Je regarderai tous ceux qui m'affligeront ou parleront mal de moi comme mes meilleurs amis, et tâcherai de leur rendre tous les services et tout le bien que je pourrai.
11. Je tâcherai de ne point parler de moi, ou fort courtement, et non jamais, s'il se peut, pour me louer ou justifier.
12. Je ne chercherai l'amitié d'aucune créature que lorsque le sacré Cœur de Jésus m'y excitera pour la porter à son amour.
13. Je ferai une continuelle attention de conformer et soumettre en tout ma volonté à celle de mon Souverain.
14. Je ne m'arrêterai point volontairement à aucune pensée non seulement mauvaise, mais inutile. Je me regarderai comme une pauvre dans la maison de Dieu, qui doit être soumise à toutes, et à qui l'on fait et donne tout par charité. Je penserai que j'ai toujours trop.
Je ne ferai, tant que je le pourrai, ni plus ni moins, par le respect humain ou vaine complaisance des créatures.
15. Et comme j'ai demandé à NotreSeigneur de ne rien laisser paraître en moi de ses grâces extraordinaires, que ce qui m'attirera le plus de mépris, de confusions et d'humiliation devant les créatures, aussi tiendraije à grand honneur quand tout ce que je dirai ou ferai sera méprisé, censuré ou blâmé ; tâchant de tout faire et souffrir pour l'amour et gloire du sacré Cœur de NotreSeigneur JésusChrist et dans ses saintes intentions, auxquelles je m'unirai en tout.
16. Je ferai attention à rendre mes actions et paroles glorieuses à Dieu, édifiantes à mon prochain et salutaires à mon âme, en me rendant fidèlement constante à la pratique du bien que mon divin Maître me fait connaître qu'il désire de moi, n'y faisant point, si je peux, de fautes volontaires, et je ne m'en pardonnerai point sans m'en venger sur moi par quelques pénitences.
17. Je me rendrai attentive à n'accorder à la nature que ce que je ne pourrai pas légitimement lui refuser qu'en me rendant singulière, ce que je veux fuir en tout. Enfin je veux vivre sans choir, ne tenir à rien, disant en tout événement :
Fiat voluntas tua.
Dans la multitude de toutes ces choses, je me suis sentie saisie d'une si grande crainte d'y manquer, que je n'avais pas le courage de m'y engager, si je n'avais été fortifiée et rassurée par ces paroles qui me furent dites dans le plus intime de mon cœur : "Que crainstu, puisque j'ai répondu pour toi et me suis rendu ta caution ? L'unité de mon pur amour te tiendra lieu d'attention dans la multiplicité de toutes ces choses ; je te promets qu'il réparera les fautes que tu y pourrais commettre et s'en vengera luimême sur toi."
Ces paroles imprimèrent en moi une si grande confiance et assurance que cela serait, que, nonobstant ma grande fragilité, je ne crains plus rien, ayant mis ma confiance en celui qui peut tout et duquel j'espère tout, et rien de moi. »

Vœu de perfection de Marguerite-Marie, Vie et Œuvres, op. cit., t. I, pp.248 à 252.

En fin d'année, la Mère Louise-Henriette de Soudeilles, Supérieure du Monastère de Moulins, fait imprimer - chez la veuve de Claude Vernoy, imprimeur de la ville et du Collège Royal, aux Armes de France - un petit volume in-12 de douze pages, qui porte pour titre La Dévotion au Cœur de Jésus-Christ pour les premiers vendredis de chaque mois, qui contient un extrait de la Retraite spirituelle du Père Claude de La Colombière (livre que lui a adressé Marguerite-Marie le 14 septembre), la petite consécration au Cœur de Jésus, une amende honorable au divin Cœur et des litanies aux Cœurs de Jésus et de Marie. Elle en envoie un exemplaire à Marguerite-Marie, confuse d'y trouver la relation de ses visions dans les extraits choisis par la Supérieure de Moulins dans l'ouvrage du Père de La Colombière, mais heureuse "de voir cette dévotion se soutenir et s'insinuer d'elle-même".

1687 :
Un petit oratoire est installé dans une niche de l'escalier qui conduit à la tour du Noviciat du Monastère de Paray, où les Sœurs vénèrent bientôt un petit tableau du Sacré-Cœur réalisé par la Sœur Péronne-Rosalie de Farges.
Sœur Jeanne-Madeleine Joly (1643-1708), Visitandine de Dijon (qui a précédemment dessiné une image du divin Cœur) compose - avec l'aide de M. Charolais, aumônier et confesseur du monastère, qui le traduit en latin - un livret traitant de la dévotion au Sacré-Cœur. On y trouve des Litanies, et surtout une Messe du Sacré-Cœur. Imprimé d'abord secrètement, le livret est envoyé à la Supérieure de la Visitation de Rome pour qu'elle fasse les démarches nécessaires en vue d'obtenir l'approbation de la Messe. Rome n'approuvant les dévotions que lorsqu'elles ont été autorisées par les Ordinaires des lieux, le livret est alors soumis à l'Evêché de Langres (dont dépend Dijon). Mgr Louis-Marie-Armand de Simiane de Gordes, malade, ne peut s'en occuper, et c'est M. Amat, le vicaire général, qui approuve l'ouvrage et en permet l'impression (1689). Edité chez la veuve d'Antoine Michard à Dijon, il est aussitôt envoyé dans presque tous les Monastères de l'Ordre. Dans cette version, qui porte pour titre La Dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il contient une notice et un avertissement en introduction - qui précisent la nature de la dévotion - , un Office du Sacré-Cœur composé par le Père Gette S.J., une Messe du Sacré-Cœur (avec plusieurs emprunts à l'Office du Cœur de Marie de Jean Eudes), des Litanies (différentes de celles du livret de Moulins), une amende honorable (également différente), la petite consécration, et deux oraisons de Gertrude la Grande.

« L'objet de cette dévotion, c'est l'amour immense du Fils de Dieu, qui l'a porté à se livrer pour nous à la mort, et à se donner à nous au Très Saint Sacrement de l'autel, sans que toutes les ingratitudes, les négligences, les tiédeurs, les irrévérences, les incrédulités, les injures, les opprobres et les outrages qu'il devait recevoir en cet état d'hostie immolée jusqu'à la fin des siècles (et qui lui étaient tous parfaitement connus) aient pu empêcher ce Cœur amoureux de se livrer de nouveau aux insultes et aux opprobres des hommes, pour nous témoigner l'excès de son amour en se donnant tout à nous, toutes les eaux de nos péchés n'ayant pu ralentir les flammes de la charité de ce divin Cœur. »
Extrait de la Notice de La Dévotion au Sacré-Cœur, in Ch. Lebrun, St Jean Eudes et la Dévotion au Sacré Cœur, Paris, Lethielleux, 1929.


1688 : En mai,
Promesses de Jésus-Christ à Marguerite-Marie. Elle en donne relation dans un courrier adressé à la Mère de Saumaise, à Dijon.

« … Toute méchante que je suis, je me sens néanmoins comme toute abîmée dans ce divin Cœur, si je ne me trompe, comme dans un abîme sans fond, où il me découvre des trésors d'amour et de grâces, pour les personnes qui se consacreront et sacrifieront à lui rendre et procurer tout l'honneur, l'amour et la gloire qui sera en leur pouvoir… […]
Un jour de vendredi, après la sainte communion, il dit ces paroles à son indigne esclave, si elle ne se trompe : "Je te promets, dans l'excessive miséricorde de mon Cœur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis des mois, de suite, la grâce de la pénitence finale, ne mourant point dans ma disgrâce, ni sans recevoir leurs sacrements, [mon divin Cœur (1)] se rendant leur asile assuré à ce dernier moment." […] De plus, ce sacré Cœur a promis à son indigne esclave, pour qu'elle s'applique uniquement à l'aimer, qu'il priera lui-même Dieu son Père pour les personnes qui se recommanderont à ses prières...
»
(1) Ces trois mots n'existent dans aucun des manuscrits. On les ajoute ordinairement au texte qu'ils rendent plus intelligible, mais ils n'en font pas partie intégrante. Les mots «se rendant leur asile assuré...» peuvent d'ailleurs se référer à ceux-ci : «son amour tout-puissant accordera... etc..»
Lettre LXXXII, à la Mère de Saumaise, à Dijon (mai 1688), Vie et Œuvres, op. cit. t.II, pp.158-159.

Publication d'un petit Office du sacré Cœur, ouvrage non signé, composé par le Père Gette S.J., dont Marguerite-Marie fait l'éloge dans l'un de ses courriers à la Mère de Saumaise. L'opuscule rencontre aussitôt un grand succès.

« Votre charité me demande le nom de ce saint religieux auquel sa bonté a inspiré tant de charité pour moi ; ayez la bonté de me dispenser de vous le dire pour le présent. Je vous dirai seulement que ce sera un second Père de La Colombière. Il nous a envoyé un petit office du sacré Cœur qu'il a composé dans la pensée qu'il croyait que ce divin Cœur désirait cela de lui. Nous vous l'envoyons pour voir si vous l'agréez pour le faire imprimer ; et comme c'est l'original que nous vous envoyons, tant pour vous faire plaisir que pour que vous l'examiniez, si vous jugez à propos vous nous le renverrez, parce que je pense qu'il vient d'un saint auquel j'ai de grandes obligations, pour les secours spirituels que j'en ai reçus par le moyen de ses saints sacrifices et prières. »
Lettre LXXXIII, à la Mère de Saumaise, à Dijon (6 juin 1688) Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.162-163.

Le 2 juillet, le divin Cœur, entouré de la Vierge Marie, de saint François de Sales, et du Père de La Colombière apparaît à Marguerite-Marie. Elle s'en ouvre à la Mère Saumaise, dans une lettre qui est de première valeur dans la correspondance de la sainte.

« C'est donc pour obéir à mon Souverain, ma chère Mère que je tâcherai, lorsqu'il me le permettra, de satisfaire, en toute simplicité aux demandes que vous nous faites sur la continuation de ses miséricordes et libéralités. […] Je m'en vois environnée de toute part et je m'y sens abîmée sans en pouvoir sortir ni les distinguer. Il me semble être une petite goutte d'eau dans cet océan du sacré Cœur de notre divin Maître, qui est un abîme impénétrable de toutes sortes de biens, une source inépuisable de toutes sortes de délices, et plus l'on en prend, plus elle est abondante. C'est un trésor caché et infini qui ne demande qu'à se manifester à nous, à se répandre et distribuer pour enrichir notre pauvreté... […]
Je vous dirai donc qu'ayant eu le bonheur de passer tout le jour de la Visitation devant le très saint Sacrement, mon Souverain daigna bien gratifier sa chétive esclave de plusieurs grâces particulières de son Cœur amoureux, lequel, me retirant au-dedans de lui-même, me fit expérimenter ce que je ne puis exprimer. Il me fut représenté un lieu fort éminent, spacieux et admirable en sa beauté, au milieu duquel il y avait un trône de flammes, dans lequel était l'aimable Cœur de Jésus avec sa Plaie, laquelle jetait des rayons si ardents et lumineux que tout ce lieu en était éclairé et échauffé. La très Sainte Vierge était d'un côté, notre Père saint François de l'autre avec le saint Père de La Colombière ; et les Filles de la Visitation paraissaient en ce lieu, avec leurs bons anges à leur côté, qui tenaient chacun un cœur en main. La Sainte Vierge nous invitait par ces paroles maternelles : "Venez, mes filles bien-aimées, approchez-vous, car je vous veux rendre dépositaires de ce précieux trésor que le divin Soleil de justice a formé dans la terre vierge de mon Cœur, où il a été caché neuf mois ; après lesquels il s'est manifesté aux hommes, qui n'en connaissant pas le prix, l'ont méprisé parce qu'ils l'ont vu mêlé et recouvert de leur terre... […] Voyant que les hommes, bien loin de s'enrichir et se prévaloir d'un si précieux trésor, selon les fins pour lesquelles il leur avait été donné, tâchaient au contraire de le réduire à néant et de l'exterminer, s'ils avaient pu, de dessus la terre, le Père éternel, par un excès de miséricorde, a fait servir leur malice pour rendre encore plus utile cet or précieux, lequel, par les coups qu'ils lui ont donnés en sa Passion, en ont fait une monnaie inappréciable, marquée au coin de la divinité, afin qu'ils en puissent payer leurs dettes et négocier la grande affaire de leur salut éternel."
Et cette Reine de bonté continuant de parler aux Filles de la Visitation, leur dit en leur montrant ce divin Cœur : "Voilà ce divin Trésor qui vous est particulièrement manifesté, par le tendre amour que mon Fils a pour votre Institut, qu'il regarde et aime comme son cher Benjamin, et pour cela le veut avantager de cette possession par dessus les autres. Et il faut que non seulement celles qui le composent s'enrichissent de ce Trésor inépuisable, mais encore qu'elles distribuent cette précieuse monnaie de tout leur pouvoir, avec abondance, en tâchant d'en enrichir tout le monde sans craindre qu'il défaille, car plus elles y prendront, plus il y aura à prendre."
Et puis se tournant vers le bon Père de La Colombière, cette Mère de bonté lui dit : "Et vous, fidèle serviteur de mon divin Fils, vous avez grande part à ce précieux trésor ; car s'il est donné aux Filles de la Visitation de le faire connaître, aimer et distribuer aux autres, il est réservé aux Pères de la Compagnie d'en faire voir et connaître l'utilité et la valeur, afin qu'on en profite, en le recevant avec le respect et la reconnaissance dûs à un si grand bienfait. Et à mesure qu'ils lui feront ce plaisir, ce divin Cœur, source de bénédictions et de grâces, les versera si abondamment sur les fonctions de leur ministère, qu'ils produiront des fruits au-delà de leurs travaux et de leurs espérances, et même pour le salut et la perfection de chacun d'eux en particulier."
Ensuite notre saint Fondateur, parlant à ses Filles : "0 Filles de bonne odeur, venez puiser dans la source de bénédiction les eaux de salut, dont il s'est déjà fait un petit écoulement dans vos âmes, par le ruisseau de vos Constitutions qui en est sorti. C'est dans ce divin Cœur que vous trouverez un moyen facile de vous acquitter parfaitement de ce qui vous est enjoint dans ce premier article de votre Directoire, qui contient en substance toute la perfection de votre Institut : "Que toute leur vie et exercices soient pour s'unir avec Dieu." (1) Il faut pour cela que ce Cœur soit la vie qui nous anime, son amour notre exercice continuel, qui seul peut nous unir à Dieu, "pour aider par prières et bons exemples la sainte Eglise et le salut du prochain" (1). Et pour cela, nous prierons dans le Cœur et par le Cœur de Jésus, qui se veut rendre tout de nouveau médiateur entre Dieu et les hommes. Nos bons exemples seront de vivre conformément aux saintes maximes et vertus de ce divin Cœur, et "nous aiderons au salut du prochain" (1) en leur distribuant cette sainte dévotion. Nous tâcherons de "répandre la bonne odeur du sacré Cœur de Jésus-Christ dans celui des fidèles" (1), afin que nous soyons la joie et la couronne de cet aimable Cœur."
Ensuite les bons anges s'approchèrent pour présenter à ce divin Cœur ceux qu'ils tenaient, dont les uns ayant touché cette Plaie sacrée devenaient beaux, aimables et luisants comme des étoiles ; d'autres devenaient tout noirs et horribles ; mais il y en eut plusieurs dont les noms demeurèrent écrits en lettres d'or dans le sacré Cœur, dans lequel quelques-uns de ceux dont je parle s'écoulèrent et abîmèrent avec avidité et plaisir de part et d'autre, en disant : "C'est dans cet abîme d'amour où est notre demeure et repos pour toujours." Et c'étaient les cœurs de ceux qui ont le plus travaillé à faire connaître et aimer celui de notre divin Maître, dont me semblait être du nombre celui de ma vraiment chère et bien-aimée Mère Saumaise. Pour les autres, je n'expliquerai pas de l'intelligence qui m'en fut donnée, car je suis déjà trop longue en cette lettre, et puis je pense que vous l'entendez assez. Je vous dirai seulement que ce divin Cœur vous récompensera, non seulement en votre personne, mais encore en celle de vos parents et de tous ceux qui vous intéressent, qu'il regardera d'un œil favorable et plein de miséricorde, pour les secourir et protéger en tout, pourvu qu'ils s'adressent à lui avec confiance, car il aura une éternelle mémoire de tout ce qu'ils font pour sa gloire. »
(1) : Directoire spirituel des Religieuses de la Visitation.
Lettre
LXXXV, à la Mère de Saumaise, à Dijon (4(?) juillet 1688), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.166 à 170.

Le 7 septembre, bénédiction de la chapelle dédiée au Sacré-Cœur, construite dans le jardin du monastère de la Visitation de Paray-le-Monial. Le tableau qui orne l'édifice a été exécuté par les soins de la Mère de Saumaise, d'après la miniature envoyée par la Mère Greyfié de Semur

1689 : Publication à Dijon de La Dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, composé en 1687 par Sœur Jeanne-Madeleine Joly.
Le 4 février, la Messe du Sacré-Cœur contenue dans le livret de Jeanne-Madeleine Joly est chantée pour la première fois dans l'église du monastère de Dijon, avec l'accord de l'autorité diocésaine.
La fête du Sacré-Cœur est célébrée à Dijon, avec l'approbation de M. Amat, vicaire général de Langres.
Le 11 avril, le Mère Desbarres envoie de Dijon aux 143 maisons de Visitandines la circulaire suivante :

« Nous sommes pressées et animées au solide bien par les grâces intimes que notre Communauté reçoit de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Elle n'est point nouvelle aux âmes saintes, qui la considèrent comme le centre de l'unité et la source de toutes les ardeurs. Mais nous la croyons nouvelle pour l'institution de sa fête et la permission d'en célébrer la Messe ; c'est ce que nous avons obtenu de Monseigneur notre illustre Prélat, qui a approuvé notre piété et a permis qu'elle se répandît dans tout son diocèse. Il y a déjà plusieurs de nos maisons qui ont voulu participer à notre ferveur et ont souhaité que nous leur envoyassions un imprimé de la Messe qui a été composée à l'honneur du Sacré-Cœur. Il se débite aussi un petit livre qui contient les motifs de ce culte, quelques prières ferventes et des litanies. Si quelques-unes de vos Charités le souhaitaient, nous serions disposées à vous contenter. »

En avril ou mai, contacté par Horace Molin, célèbre libraire lyonnais, le Père Jean Croiset, jeune confrère du Père Claude de La Colombière et régent du collège de la Trinité à Lyon, remanie l'opuscule de la sœur Joly paru au début de l'année, et y adjoint un extrait des Exercices de son prédécesseur. La première édition est épuisée dès le 19 juin, et la brochure atteint dès le mois d'août la 3° édition.

« Il faut que je vous fasse part d'un trait à sa gloire qui vous donnera sujet de le bénir.
C'est que j'ai donné à une personne [de] Lyon un des livres de Dijon. Elle le montra à un jeune Père, qui l'ayant montré à ses jeunes écoliers de Lyon, [ils] y prirent tant de goût qu'ils en firent un grand nombre de copies, tant des litanies que des prières, lesquelles ils récitent avec grande dévotion. Et ces enfants les ayant fait voir à d'autres, ils y prirent une si grande dévotion, que, comme l'on ne pouvait suffire d'en copier, ils s'adressèrent à la personne qui avait ce livre et le prièrent de leur donner connaissance de la dévotion au sacré Cœur de Jésus-Christ, parce qu'ils voulaient faire imprimer de ces livres, s'offrant à l'envi d'en payer la dépense. Et un jeune artisan s'y porta avec tant d'ardeur qu'il fallut céder à sa dévotion. Et s'étant adressé à un des plus fameux libraires de Lyon (1) pour cela, lequel se senti tellement touché de l'amour de ce divin Cœur, qu'il [prit] d'abord la dévotion d'en faire la dépense à ses frais, ce qui fit un pieux combat entre le jeune homme qui l'avait entrepris et lui ; mais ayant enfin gagné sa cause, il demanda ce livre du Sacré Cœur et s'en alla trouver un de ses amis pour y faire quelque augmentation, de quoi il le pressa si fort qu'il n'y put résister ; et c'est un très saint religieux qui a fait cette augmentation (2). Et l'on [en] a fait nouvellement imprimer qui sont très beaux et bien reliés ; et le débit en a été si grand, que pour la seconde fois que l'on les a imprimés depuis le 19 juin, il n'y en a déjà plus, et l'on les va faire imprimer pour la troisième fois. C'est dans l'amour de ce divin Cœur que je suis toute à vous… »
(1) : Horace Molin, qui imprimera également en 1691 le livre du Père Croiset : la dévotion au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ
(2) : le Père Croiset.
Lettre CV, à Sœur Félice-Madeleine de la Barge, à Moulins (21 août 1689), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.215-216.


« … Enfin, ma chère Mère, il y a consolation d'entendre les heureux progrès de cette aimable dévotion. On nous mande de Lyon que cela tient du miracle de voir comme chacun s'y porte avec ardeur et empressement. On nous a nommé trois au quatre villes où on va faire imprimer ces livres, dont Marseille en est une ; et on en a pris mille pour ce seul endroit. Et de vingt-sept maisons religieuses qu'il y a en cette ville, il n'y en a point qui n'ait pris cette dévotion avec tant d'ardeur que les unes lui [font] ériger des autels, les autres lui font faire des chapelles ; et aussitôt qu'ils en eurent entendu parler, ils faisaient de grandes instances aux prédicateurs de leur [en] faire des exhortations, pour leur bien expliquer cette dévotion ; laquelle en moins de quinze jours fut tellement répandue, qu'un nombre incroyable de personnes dévotes communient tous les premiers vendredis. »
Lettre CVII, à la Mère Marie-Félicie Dubuysson, à Moulins (22 octobre 1689), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.226.

Le 17 juin,
Marguerite-Marie reçoit les Demandes du Sacré-Cœur à la France.

« … Il régnera, cet aimable Cœur, malgré Satan et ses suppôts ! Ce mot me transporte de joie et fait toute ma consolation. Mais de vous pouvoir exprimer les grandes grâces et bénédictions que cela attire sur notre Institut, et, en particulier sur les maisons qui lui procureront le plus d'honneur et de gloire, c'est ce que je ne peux dire en la manière qu'il me l'a fait comprendre.
Il m'a donc fait voir cette dévotion de son divin Cœur comme un bel arbre, qu'il avait destiné de toute éternité pour prendre son germe et ses racines au milieu de notre Institut, pour étendre ensuite ses branches dans les maisons qui le composent, afin que chacune en puisse cueillir les fruits à son gré et selon son goût, quoique avec inégale abondance qui sera mesurée au travail, de même que le profit, à la bonne disposition de celles qui s'en nourriront. Mais ce sont des fruits de vie et de salut éternel, qui nous doivent renouveler dans l'esprit primitif de notre sainte vocation. Il me semble que jamais la gloire accidentelle de notre saint Père et fondateur ne s'est tant augmentée comme elle fait par ce moyen. Mais ce divin Cœur veut que les Filles de la Visitation distribuent les fruits de cet arbre sacré avec abondance à tous ceux qui désireront en manger, sans craindre qu'il leur manque ; parce qu'il prétend, comme il l'a fait entendre à son indigne esclave, de redonner par ce moyen la vie a plusieurs en les retirant du chemin de perdition, en ruinant l'empire de Satan dans les âmes, pour y établir celui de son amour, qui ne laissera périr aucune de celles qui lui seront consacrées pour lui rendre tous leurs hommages et amour d'une sincère et franche volonté, et lui en procurer selon l'étendue de leur pouvoir. Mais il ne veut pas s'arrêter là : il a encore de plus grands desseins qui ne peuvent être exécutés que par sa toute-puissance, qui peut tout ce qu'elle veut.
Il désire donc, ce me semble, entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu'il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion, et qu'il reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant lui, comme il a senti d'amertume de se voir anéanti à leurs pieds. Et voici les paroles que j'entendis sur ce sujet : "Fais savoir au Fils aîné de mon sacré Cœur que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu'il fera de lui-même à mon Cœur adorable, qui veut triompher du sien, et par son entremise, de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre victorieux de tous les ennemis de la sainte Eglise (1)."
Vous aurez sujet de rire, ma bonne Mère, de ma simplicité à vous dire tout cela, mais je suis le mouvement qui m'en est donné au même instant. […]
Notre bon Père de La Colombière a obtenu que la très sainte Compagnie de Jésus sera gratifiée, après notre cher Institut, de toutes les grâces et privilèges particuliers de la dévotion du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; leur promettant qu'il répandra abondamment, et avec profusion, ses saintes bénédictions sur les travaux du saint exercice de charité dont ils s'occupent pour le salut les âmes. Et ce divin Cœur me semble avoir un si ardent désir d'être connu, aimé et adoré particulièrement de ces bons Pères, qu'il leur promet, si je ne me trompe, de répandre tellement l'onction de son amour sur leurs paroles avec des grâces fortes et puissantes, qu'ils seront comme un glaive à deux tranchants, qui pénétreront les Cœurs les plus endurcis des plus obstinés pécheurs, pour en faire sortir la sainte source de pénitence qui purifie et sanctifie les âmes. Mais il faut pour cela qu'ils tâchent de puiser toutes leurs lumières dans la source inépuisable de toute la science et charité des saints.
J'aurais bien des choses à vous dire là-dessus, car il y a dans cette sainte Compagnie de grands amis et favoris de ce sacré Cœur de notre divin Maître. Ah ! ma chère Mère, que de grâces de sanctification et de salut ce divin Cœur a répandues sur ses dévots à ce jour de sa fête, et avec quelle ardeur réitère-t-il toutes les promesses qu'il a faites en leur faveur de ne les point laisser périr ! ... »
(1) Cette lettre, qui contient ce qu'on appelle le "Message du Sacré Cœur à la France", a été bien souvent discutée et diversement interprétée. Il est certain que les demandes du Sacré Cœur ne furent pas réalisées par Louis XIV, soit parce qu'elles ne lui parvinrent pas, soit parce qu'il ne se crût pas obligé de s'y conformer. Le Message valait-il pour la France, que le Roi incarnait en 1689 ? Beaucoup de fidèles n'en ont jamais douté, et la Basilique de Montmartre, - qui dépasse infiniment la "chapelle" demandée par Notre-Seigneur, - les nombreux drapeaux écussonnés du S. C., et les innombrables consécrations individuelles et familiales à ce divin Cœur, réalisent partiellement les demandes formulées. Aux fervents du Sacré Cœur, à ceux qui désirent ardemment son règne sur la France et le monde, de réaliser le reste, par leurs prières et leur intense apostolat.
(note de l'ouvrage Sainte Marguerite-Marie - Œuvres choisies, Paris, La Renaissance du Livre, 1947)
Lettre XCVIII, à la Mère de Saumaise, à Dijon (Vendredi après l'Octave du Saint-Sacrement, 17 juin 1689), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.198 à 201.


« Le Père éternel voulant réparer les amertumes et angoisses que l'adorable Cœur de son divin Fils a ressenties dans la maison des princes de la terre, parmi les humiliations et outrages de sa Passion, veut établir son empire dans la cour de notre grand monarque, duquel il veut se servir pour l'exécution de ce dessein qu'il désire s'accomplir en cette manière, qui est de faire faire un édifice où serait le tableau de ce divin Cœur pour y recevoir la consécration et les hommages du Roi et de toute la cour. De plus, ce divin Cœur se voulant rendre protecteur et défenseur de sa sacrée personne contre tous ses ennemis visibles et invisibles, dont il le veut défendre, et mettre son salut en assurance par ce moyen, c'est pourquoi il l'a choisi comme son fidèle ami pour faire autoriser la messe en son honneur par le Saint-Siège apostolique, et en obtenir tous les autres privilèges qui doivent accompagner cette dévotion de ce sacré Cœur, par laquelle il lui veut départir les trésors de ses grâces de sanctification et de salut, en répandant avec abondance ses bénédictions sur toutes ses entreprises qu'il fera réussir à sa gloire, en donnant un heureux succès à ses armes, pour le faire triompher de la malice de ses ennemis. Heureux donc qu'il sera s'il prend goût à cette dévotion qui lui établira un règne éternel d'honneur et de gloire dans ce sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lequel prendra soin de l'élever et le rendre grand dans le ciel devant Dieu son Père, autant que ce grand monarque en prendra de relever devant les hommes les opprobres et anéantissements que ce divin Cœur y a souffert ; qui sera en lui rendant et procurant les honneurs, l'amour et la gloire qu'il en attend.
Mais comme Dieu a choisi le Révérend Père de La Chaise (1) pour l'exécution de ce grand dessein, par le pouvoir qu'il lui a donné sur le cœur de notre grand Roi, ce sera donc à lui de faire réussir la chose, en procurant cette gloire à ce sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; secondant en cela l'ardent désir qu'il a de se faire connaître en se manifestant aux hommes, pour en être aimé et en recevoir un honneur et hommage tout particulier. Si donc sa bonté inspire à ce grand serviteur de sa divine Majesté d'employer le pouvoir qu'il lui a donné, pour lui faire ce plaisir qu'il désire si ardemment, il peut bien s'assurer qu'il n'a jamais fait d'action plus utile à la gloire de Dieu ni plus salutaire à son âme, et dont il soir mieux récompensé, et toute sa sainte Congrégation, dont il se rendra, par ce moyen, l'honneur et la gloire, par les grands trésors de grâces et de bénédictions que ce sacré Cœur y répandra, lequel, s'étant communiqué premièrement aux Filles de la Visitation, auxquelles il a donné de le manifester et faire connaître par l'établissement de cette même dévotion de ce Cœur tout aimable, il veut que les RR.PP. Jésuites en fassent connaître l'utilité et la valeur, cela leur étant réservé. C'est pourquoi vous ferez bien, si vous en trouvez de bonne volonté, de les y employer, car, par ce moyen, la chose réussira plus facilement, quoique tout y paraisse très difficile, tant pour les grands obstacles que Satan se propose d'y mettre, que pour toutes les autres difficultés. Mais Dieu est sur tout, lequel se plaît souvent de se servir des moindres et plus méprisables choses pour l'exécution de ses plus grands desseins, tant pour aveugler et confondre le raisonnement humain, que pour faire voir que sa puissance qui peut tout ce qui lui plaît, quoiqu'il ne le fasse pas toujours, ne voulant pas violenter le cœur de l'homme… »
(1) : Le Père de la Chaise était le confesseur de Louis XIV.
Lettre CIV, à la Mère de Saumaise, à Dijon (28 août 1689), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, pp.212 à 214.


« Il y a encore une autre chose dont je me sens fort pressée par le grand désir qu'il me fait connaître d'en avoir, c'est que cette dévotion coure dans les palais des rois et des princes de la terre afin qu'il y reçût autant de plaisir comme aimé et honoré des grands comme ont été grandes les amertumes et angoisses qu'il a ressenties, lorsqu'en sa Passion il y a été tant méprisé, outragé, humilié, et je vous avoue qu'il me semble que cette dévotion servirait d'une grande protection à la personne de notre roi et pourrait bien donner d'heureux succès à ses armes et lui procurer de grandes victoires. Mais ce n'est pas à moi de dire cela : il faut laisser agir la puissance de cet adorable Cœur. »
Lettre au Père Croiset (15 septembre 1689), in M. de la Franquerie, Le Sacré-Cœur et la France, Montsurs, Ed. Résiac, 1988
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En décembre, le Père Croiset se rend à Paray en compagnie du Père Claude de Villette pour rencontrer celle qui l'a ainsi encouragé à se mettre au service de la propagation de la dévotion au Sacré-Cœur. Il entretient dès cette année 1689 avec la sainte de Paray une active correspondance.

« … Il est réservé aux révérends Pères de la Compagnie de Jésus de faire connaître la valeur et l'utilité de ce précieux trésor, où plus l'on prend, plus il y a à prendre. Il ne tiendra donc qu'à eux de s'en enrichir avec abondance de toutes sortes de biens et de grâces, car c'est par cet efficace moyen qu'il leur présente, qu'ils pourront s'acquitter parfaitement, selon son désir, du saint ministère de charité auquel ils sont destinés. Car ce divin Cœur répandra tellement la suave onction de sa charité sur leurs paroles, qu'elles pénétreront comme un glaive à deux tranchants les cœurs les plus endurcis, pour les rendre susceptibles à l'amour de ce divin Cœur, et les âmes les plus criminelles seront conduites, par ce moyen, à une salutaire pénitence.
Enfin, c'est par ce moyen qu'il veut répandre sur l'Ordre de la Visitation et sur celui de la Compagnie de Jésus l'abondance de ces divins trésors de grâce et de salut, pourvu qu'ils lui rendent ce qu'il en attend, qui est un hommage d'amour, d'honneur et de louange, et de travailler de tout leur pouvoir à l'établissement de son règne dans les cœurs. Il attend beaucoup de votre sainte Compagnie pour ce sujet ; il y a de grands desseins. C'est pourquoi il s'est servi du bon Père de La Colombière pour donner commencement à la dévotion de cet adorable Cœur, comme j'espère que vous serez l'un de ceux dont il se servira pour l'introduire dans votre Ordre. Oh ! quelle grâce pour vous si cela est et si vous secondez ses desseins ! Mais le tout, doucement et suavement, suivant les moyens qu'il vous en fournira, en lui laissant le succès de tout, sans plus désirer ni vouloir faire que ce qu'il vous fera connaître, dans chaque occasion, qu'il veut que vous fassiez. Voilà ce moyen, ce me semble, destiné à votre sanctification ; car à mesure que vous travaillerez, ce divin Cœur vous sanctifiera de sa sainteté même. »
Lettre au Père Croiset (10 août 1689).

1690 :    Le 17 octobre, mort de Marguerite-Marie Alacoque.

« Que ne puis-je raconter tout ce que je sais de cette aimable dévotion au sacré Cœur de Jésus, et découvrir à toute la terre les trésors de grâces que Jésus-Christ a dessein de répandre avec profusion sur tous ceux qui la pratiqueront ! Je vous en conjure, mon Révérend Père, n'oubliez rien pour l'inspirer à tout le monde. Jésus-Christ m'a fait connaître, d'une manière à n'en point douter, que c'est principalement par le moyen des Pères de la Compagnie de Jésus qu'il voulait établir partout cette solide dévotion, et par elle se faire un nombre infini de serviteurs fidèles, de parfaits amis, et d'enfants parfaitement reconnaissants. Les trésors de bénédictions et de grâces que ce sacré Cœur renferme sont infinis ; je ne sache pas qu'il y ait nul exercice de dévotion dans la vie spirituelle qui soit plus propre à élever en peu de temps une âme à la plus haute perfection, et pour lui faire goûter les véritables douceurs qu'on trouve au service de Jésus-Christ. Oui, je le dis avec assurance, si l'on savait combien cette dévotion est agréable à Jésus-Christ, il n'est pas un chrétien, pour peu d'amour qu'il ait pour cet aimable Sauveur, qui ne la pratiquât d'abord… »
Lettre CXXXII, au Père Rolin, son directeur (1690), Vie et Œuvres, op. cit., t.II, p.285.

« Il n'est presque personne de tous ceux qui ont eu l'avantage de lui parler, qui ne se sentit extraordinairement touché par ses paroles et qui ne se retirât de son entretien avec une nouvelle résolution d'aimer plus ardemment Jésus-Christ… On peut dire que son amour extrême pour Jésus-Christ, cette parfaite obéissance, cet amour prodigieux des souffrances et cette profonde humilité qu'elle a conservé jusqu'au dernier soupir la rendent plus estimable aux yeux de ceux qui savent juger de la sainteté, que ne feraient les plus grands miracles. »
Lettre du Père Croiset, 18 octobre 1690, in A. Hamon, Vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie, Paris, Beauchesne, 1914.