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Un regard sur le monde politique et religieux
Au 27juillet 2005
N°52
Le 30 juin 2005, en effet, les
députés espagnols ont approuvé le texte accordant aux homosexuels le droit de
se « marier » et d’adopter des enfants, par 187 voix contre 147,
s’opposant ainsi à une tradition, à une « institution » universelle.
Pourtant le 18 juin, la
manifestation de Madrid contre ce projet de loi avait reçu le soutien officiel
de l’Eglise catholique et de l’opposition politique. Organisée par le « Forum Espagnol pour
Une telle manifestation
influença-t-elle le Sénat ? Peut-être ! Il rejeta ce projet de loi,
le 22 juin, par 131 voix contre 119.
Mais, peut importe l’avis de l’Eglise
et le désir du peuple, José Luis Rodriguez Zapatero, le chef du gouvernement socialiste, poursuivit son projet
et obtint gain de cause. Pour influencer
les députés, avait-il déclaré, avant le vote, à l’Assemblée :
"Nous ne sommes pas le
premier pays" à adopter une telle loi.
Et de fait, l’Espagne emboîtait
le pas aux Pays-Bas, à
Combien sont vraies ces paroles
du Cardinal Pie : « La
démolition radicale et raisonnée de ce qui reste de la chrétienté
européenne : voilà le fait et la théorie qui se dressent en face de
nous ».
Le Canada
Au Canada, c’est en effet, deux jours
plus tôt, le 28 juin, que le Gouvernement canadien adoptait définitivement le
projet de loi C-38, re-définissant le mariage comme une «union de deux personnes » -
Point - « à l’exclusion de toute autre».
L’adoption de cette
loi, le 28 juin, permettant aux couples homosexuels de se marier a
provoqué une vive réaction de la part des évêques canadiens.
Dans une déclaration signée de Mgr Brendan M. O’Brien, archevêque de St. John’s
et président de
De son côté, le cardinal Aloysius Ambrozic, de Toronto, a déclaré que
son archidiocèse ne reconnaîtrait pas la loi, précisant : "Le mariage ne consacrera que l’union d’un
homme et d’une femme, ouverts à la mise au monde d’enfants. Notre travail
pastoral, nos églises et nos services sociaux catholiques sont destinés à
soutenir l’enseignement catholique sur le mariage".
Saine réaction de
l’épiscopat, vrai défenseur de la cité.
Le texte du cardinal Ouelette
Mais avant même ce vote, les évêques canadiens avaient demandé « aux
membres du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles »
de "considérer avec prudence les
diverses conséquences sociales, religieuses, légales et civiles du Projet de
loi C-38».
C’est, en effet, Mgr Ouelette, cardinal et archevêque
du Québec et primat du Canada, qui avait présenté, le 13 juillet 2005, un bel exposé sur le sujet. Je le publie
volontiers dans ce « Regard sur le monde ».
On sera peut-être frappé, au début de la lecture, du
fait que le cardinal ne prend en compte que des considérations exclusivement naturelles. Il
ne faudrait pas en être surpris. . Le
cardinal se situe essentiellement au niveau du mariage comme institution
naturelle créée par Dieu et nullement au niveau du mariage comme sacrement institué par Notre Seigneur.
Cette distinction
est tout à fait légitime. Elle doit même être prise en compte.
Le catéchisme
du Concile de Trente l’explique très
bien. Il écrit : « Il faudra
faire remarquer que le Mariage a un double caractère : on peut le
considérer comme une union naturelle, (car ce n’est pas une invention des
hommes, mais une institution de la nature), ou bien comme un Sacrement dont la
vertu est supérieure aux choses purement naturelles. Et comme la grâce
perfectionne la nature, et que, au témoignage de l’Apôtre « le spirituel
ne précède point ce qui est animal, mais qu’il ne vient qu’après »,
l’ordre logique demande que nous traitions d’abord du mariage, en tant qu’il
est fondé sur la nature et qu’il produit des obligations naturelles. Nous
exposerons ensuite ce qu’il est comme sacrement. » (Cat. de Trente p. 32)
Le cardinal considère de fait le mariage dans sa
dimension naturelle, comme une union
stable d’un homme et d’une femme. C’est ce qu’il va exposer aux hommes
politiques. C’est bien légitime. C’était, du reste, le point de vue du
Gouvernement. Le cardinal voulait répondre aux arguments du Gouvernement pour
essayer d’influencer sa réflexion.
Voici son
texte.
Mémoire de
Présenté au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, le
13 juillet 2005
Le but de ce mémoire : présenter au Sénat la vision de
l’Eglise sur le mariage « considéré
par rapport à la nature », par rapport au droit naturel.
Au nom de
Le but clairement affirmé de l’épiscopat : que le
parlement ne « redéfinisse pas le mariage au profit des personnes
d’orientation homosexuelle »
Depuis novembre 2002, nous sommes intervenus à temps et à contre-temps pour
convaincre les membres du Parlement de ne pas redéfinir l’institution du
mariage au profit des personnes d’orientation homosexuelle qui méritent, par
ailleurs, en tant qu’êtres humains le respect de tous leurs concitoyens.
Le point de vue exprimé ici par l’épiscopat est résolument un
point de vue naturel : du mariage considéré par rapport à la nature. C’est
l’angle sous lequel le sujet veut être traité
Contrairement à ceux qui cherchent à nous renvoyer dans la sphère religieuse
chaque fois que nous prenons la parole, nous sommes convaincus que le débat
actuel est avant tout un débat social sur la nature et la valeur du mariage.
C’est pourquoi nous avons fait valoir des arguments fondés sur la loi naturelle
et sur le sens commun, et nous les survolerons rapidement dans ce mémoire.
La raison des interventions de l’épiscopat : la crainte
de voir dénaturer le mariage. Les conséquences en seront redoutables.
Alors que nous arrivons au terme d’un processus politique qui risque fort de
dénaturer le mariage et d’entraîner des conséquences largement imprévisibles
mais assurément négatives sur la société canadienne, nous nous tournons vers
vous dans l’espoir que vous freinerez l’adoption de cette loi injuste.
Un projet de loi qui divise profondément le pays. Résumé des
arguments qui vont être proposés
Au pays, des voix nombreuses se sont élevées pour dénoncer le projet
gouvernemental qui ne correspond pas aux besoins réels ni aux attentes
légitimes de la population du Canada. Beaucoup estiment qu’il est fondé sur une
fausse compréhension de l’égalité fondamentale entre les personnes. Sur une
fausse compréhension de la dignité humaine. Sur une fausse compréhension des
droits des minorités. Sur une mauvaise interprétation de
Un projet de loi qui va contre le bien commun du pays et de ses
citoyens parce que le mariage est le fondement même de la famille, elle-même
base de la société.
Cet immense malentendu risque d’entraîner le Canada sur une pente
glissante, contraire au bien commun de ses citoyennes et citoyens, car il
menace l’institution naturelle qui est le fondement le plus solide de la
famille, elle-même unité de base de la société. Nous ne parlons pas d’une
réalité anodine, mais de la pierre
angulaire de notre structure sociale.
Le mariage a été institué par Dieu : « Dieu créa l’homme et la femme »
Ni l’État ni les religions (i) n’ont inventé le mariage ni déterminé ses
composantes naturelles. Ils n’ont fait que réglementer une réalité qui existait
bien avant eux, reconnaissant par-là que les caractéristiques inhérentes à
cette réalité —la stabilité du couple, ainsi que la procréation et l’éducation
des enfants— assuraient le bien commun de la société.
(i) Pourquoi parler ici
« des religions » ? Pourquoi ne pas parler tout simplement de
Dieu, comme le fait le catéchisme de Trente. « Dieu est non seulement
l’auteur du mariage mais, Il a voulu que cette union eût un lien perpétuel et
indissoluble » Et « cette indissolubilité convient parfaitement au
Mariage comme œuvre de la nature » .Comme le dit Saint Paul « qu’on
nous considère comme les ministres de Dieu ». Il ne dit pas les
« représentants des religions ».
Remettre en cause la définition du mariage, c’est aussi
ébranler la notion de famille et le rôle du père et de la mère comme les éducateurs
légitimes des enfants, fruits du mariage
Aujourd’hui, les enjeux du projet de loi C-38 ne portent pas seulement
sur la définition et les fondements du mariage tels que célébrés depuis des
temps immémoriaux et reconnus par toutes les cultures. C’est aussi l’avenir du
mariage comme institution sociale fondamentale qui est remis en cause, de même
que l’importance pour la société du rôle irremplaçable d’un mari et d’une
épouse dans la conception et l’éducation des enfants. Or, leur alliance (2) garantit un environnement
stable à la vie de famille, une continuité entre les générations et des modèles
parentaux impliquant un père et une mère.
(2) On remarquera que le texte de l’épiscopat canadien parle
ici « d’alliance ». Ce
n’est pas faux. Le catéchisme du Concile de Trente parle lui aussi de
« sainte alliance » au sujet du mariage. Mais ce n’est pas le
terme habituellement utilisé formellement par l’Eglise. Elle parle davantage de
« lien ». C’est l’essence
même du mariage. Voici ce que je lis dans le catéchisme du Concile de
Trente : « Voici maintenant la définition ordinaire que les
théologiens nous en donnent : le Mariage est l’union conjugale de l’homme
et de la femme, contractée selon les Lois de l’Eglise, et constituant une
communauté de vie inséparable. Pour bien comprendre toutes les parties de cette
définition, il faut remarquer que si, dans un Mariage parfait, on trouve tout
d’abord le consentement intérieur des personnes, puis un pacte ou convention
extérieure exprimée par des paroles, ensuite l’obligation et le lien qui naît de la convention, et
enfin les apports des époux qui achèvent le mariage, rien de tout cela cependant n’en renferme la nature et l’essence,
excepté cette obligation, ce lien qui
est indiqué dans le mot d’union ». (p. 323)
Une définition tronquée qui dénature le mariage en en niant sa différence
spécifique
En bonne logique, toute définition
comporte un genre et une différence spécifique. Aristote définit l’homme,
par exemple, comme un animal (genre) raisonnable (différence spécifique). Or,
la définition du mariage comme une «union
de deux personnes à l’exclusion de toute autre» exclut la différence spécifique du mariage qui est son constitutif essentiel à
savoir la différence sexuelle, l’union d’un homme et d’une femme. C’est une
définition tronquée, applicable peut-être aux anges qui sont de purs esprits,
mais pas adéquate pour les êtres humains
qui sont par nature sexués et complémentaires.
Cette nouvelle définition du mariage : une vraie
imposture. Elle rompt avec le sens commun admis par tous depuis toujours.
La redéfinition proposée par le projet de loi C-38 ne favorise pas l’évolution
du mariage, mais rompt irrévocablement autant avec l’histoire humaine qu’avec
le sens et la nature même du mariage. Ne nous faisons pas d’illusions : il
s’agit d’une distorsion de l’institution naturelle du mariage. Si ce projet de loi est adopté, on
appellera mariage ce qui ne sera qu’un pseudo-mariage, une fiction, une
imitation et, pour employer les mots de l’honorable sénatrice Hervieux-Payette,
une imposture.
Cette nouvelle définition sèmera la « confusion » mais ne
changera pas la nature des choses : « le mariage restera
« l’union conjugale de l’homme et de la femme »
On aura beau, pourtant, semer la confusion en modifiant indûment la définition
des mots, cela ne changera rien à la réalité objective du mariage —une
institution hétérosexuelle dans son essence.
Pour nous et pour une majorité de Canadiens, le mariage demeurera une alliance d’amour pour la vie entière entre un
homme et une femme, à l’exclusion de toute autre personne. Une union
possédant la capacité naturelle d’engendrer de nouvelles vies et dont les buts
sont le bien du couple, ainsi que la procréation et l’éducation d’enfants(3).
Une relation qui satisfait, certes, des besoins individuels, mais qui est
ordonnée au bien commun et qui, à cause de cela, mérite la préférence et la
protection de l’État. Le gouvernement porte en effet la responsabilité de
privilégier et d’encourager ce type d’union, puisque le mariage d’un homme et
d’une femme assure un avenir à la société et constitue l’environnement idéal
pour l’épanouissement des enfants.
(3) je rappelle la définition donnée par le concile de
Trente : « Le mariage est l’union conjugale de l’homme et de la femme
constituant une communauté de vie inséparable ». Ici le texte des évêques
canadiens renverse l’ordre des fins ou biens du mariage : « les buts
sont le bien du couple, ainsi que la procréation et l’éducation
d’enfants ». Le catéchisme du Concile de Trente écrit : « Le
premier bien du mariage, c’est la famille, c’est-à-dire les enfants nés d’une
épouse légitime et véritable ».(p.333)
Quoi qu’il en soit, les arguments de l’épiscopat canadien vont
être essentiellement tirés de cette fin première du mariage : les enfants,
la procréation et l’éducation des enfants qui exigent l’union stable du père et
de la mère.
Le comble : ce serait la définition du mariage admise
depuis toujours qui violerait le droit à l’égalité de la minorité canadienne
composée de partenaire de même sexe et serait cause de discrimination. Une
fausse interprétation de la charte canadienne des droits et libertés
En s’appuyant sur
Pour répondre à cette question, nous reprendrons ici une réflexion de Gérard
Lévesque, philosophe québécois et chercheur autonome en Éthique et en
Philosophie du droit : « La fausse conception de l’égalité que se font les
tribunaux les amène à une fausse conception de la discrimination : le fait de
concevoir l’égalité comme étant une parfaite identité fait percevoir toute
différence comme anormale et discriminatoire. Cette fausse perception de la
discrimination empêche de faire de
« L’on ne doit pas considérer comme discriminatoire et injuste le fait
d’accorder à quelqu’un un traitement ajusté à sa situation véritable. Et pas
non plus le fait d’accorder à des personnes un traitement ou un statut
différents en raison de différences réelles. Au contraire, en agissant ainsi,
on agit en toute justice et de façon équitable. Une application sensée de
L’union hétérosexuelle et l’union homosexuelle ne sont pas
identiques
Il faut donc comparer l’union hétérosexuelle et l’union homosexuelle pour voir
si elles sont parfaitement identiques ou si elles présentent des
caractéristiques qui justifient qu’on les traite et qu’on les nomme
différemment. Personne ne met en doute que des partenaires de même sexe
puissent s’aimer véritablement et vouloir partager leur vie ensemble. Si l’on
réduit le mariage à une relation intime entre adultes consentants, il n’y a
aucune raison de le leur refuser. Et il ne suffit pas qu’un groupe pense ainsi
le mariage pour que ses membres aient un droit à une reconnaissance légale et
donc publique.
L’épiscopat rappelle l’importance de la fin première du
mariage. Le mariage n’est pas seulement une union, mais une union d’abord en
vue de la procréation.
Le mariage, nous l’avons vu, est beaucoup plus qu’une relation
d’interdépendance entre adultes consentants. Il vise bien davantage que le bien
et l’épanouissement des partenaires. Il
possède un autre élément constitutif, soit le potentiel procréateur de l’homme
et de la femme qui s’y engagent. Or,
la relation sexuelle entre deux hommes ou entre deux femmes n’est pas
équivalente à la relation sexuelle entre un homme et une femme, puisqu’elle ne
possède pas la capacité biologique d’engendrer de nouvelles vies.
De plus les parents sont aussi le « bien » des
enfants
Il faut ajouter aussi qu’on ne peut attribuer raisonnablement la même
valeur aux deux types d’union du point de vue de l’éducation des enfants. Les enfants ont un droit prioritaire à
naître d’un acte d’amour de leurs parents et à vivre en communion profonde avec
un père et une mère.
N’étant pas identiques, l’union hétérosexuelle et l’union
homosexuelle, ne peuvent avoir, de l’Etat, même « traitement ».
Il n’est donc pas injuste ni discriminatoire de nommer et de traiter
différemment deux réalités aussi intrinsèquement différentes aux plans
anatomique et psychoaffectif. Au contraire, il serait injuste et
discriminatoire à l’égard des couples hétérosexuels mariés de les traiter de
façon identique. L’État doit accorder un traitement privilégié à l’homme et à
la femme qui se marient. Non pas à cause de l’exclusivité, de la dépendance, de
la durée ou de la nature sexuelle de leur union, mais à cause de sa fonction
vitale de procréation et de sa fonction de socialisation qui encourage la
complémentarité entre homme et femme pour le plus grand bien de leurs enfants.
« En privilégiant le mariage entre un homme et une femme, l’État affirme que
c’est dans le meilleur intérêt de la société que les enfants naissent et
grandissent dans une communauté familiale où ils découvrent que leur identité
biologique et historique est issue de l’union amoureuse de leurs parents, qui
chacun place les besoins des autres avant les siens. En faisant la promotion du
mariage comme union exclusive d’un homme et d’une femme, l’État protège les
droits des enfants et encourage les valeurs d’engagement, de maîtrise de soi et
de diversité nécessaires pour préserver la société » (commentaire du professeur
R.M.R. Schmid de l’Université Oxford, publié dans Zenit, 12 juillet 2004, trad.
de
Le « mariage »
homosexuelle ne peut être qu’une parodie, une « imposture ».
Si les partenaires de même sexe sont exclus du mariage, ce n’est pas à
cause de leur orientation sexuelle, mais à cause de l’absence entre eux de la
complémentarité sexuelle qui définit la différence spécifique du mariage. Pour
cette raison, ils sont naturellement inaptes à la procréation et moins aptes à l’éducation de la prochaine génération de
citoyens —critère déterminant de l’intérêt public.
L’épiscopat en appelle même à Commission des droits humains de
l’ONU
Affirmer l’existence d’une différence entre l’union hétérosexuelle et l’union
homosexuelle n’est pas une discrimination injuste contre les partenaires de
même sexe. C’est ce que reconnaissait
Autre le respect de la dignité humaine, autre le respect du « style de vie »
Par
ailleurs, l’argumentaire des promoteurs du « mariage » homosexuel en faveur de
l’égalité des droits repose aussi sur une fausse conception du respect de la
dignité humaine. L’égalité et la dignité des personnes ne dépendent pas de leur
race, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur
état civil. Leur dignité et leur égalité se fondent sur le simple fait qu’elles
appartiennent à la race humaine. Pour
respecter leur dignité, ni l’État ni la société ne sont obligés d’entériner
légalement leur «style de vie» qui n’a pas de raison d’être reconnu
publiquement comme valeur sociale.
Un maître de la philosophie politique, Pierre Manent, directeur d’études à
l’École des hautes études en sciences sociales de Paris l’explique bien : «Il
est possible, dans notre régime, de satisfaire la plupart des revendications
des homosexuels, ou de ceux qui s’expriment en leur nom. Mais pas toutes. Ou plutôt
une seule est impossible à satisfaire. Il est impossible que le corps politique
«reconnaisse» leur «style de vie» : aucun «style de vie» n’est «reconnu» par
notre régime. C’est pourquoi il est libéral. Mais il «reconnaît» le «mariage
hétérosexuel» ? Certes, et pour une bonne raison : ce mariage produit des
enfants, c’est-à-dire des citoyens, et cela relève de l’intérêt public» (Cours
familier de philosophie politique, Gallimard, 2001, 324-5).
Le mariage n’est pas un droit absolu, c’est un droit conditionnel.
Or la complémentarité des sexes est un élément constitutif du mariage. Dès lors
n’y ont droit que les personnes qui remplissent les conditions
naturellement requises et rattachées à ce droit. .
Pour ce qui est de la protection des droits d’une minorité, il faut rappeler
qu’une minorité n’a pas de droits pour l’unique raison qu’elle est une
minorité. Ce sont les membres de cette minorité qui ont des droits, et ces
droits sont soit absolus, soit conditionnels. Citons comme exemple de droit
absolu, le droit à la vie. Et comme exemple de droit conditionnel, celui de
pratiquer la médecine à condition d’avoir obtenu un diplôme en médecine. Le
droit au mariage, reconnu par
Le vrai sens de la loi : n’est vraie loi que l’ordonnanse
de la raison qui est conforme à l’ordre
naturel.
À l’heure où le gouvernement s’apprête à redéfinir le mariage en invoquant la
nature évolutive de
Les lois sont établies pour faire respecter l’ordre social. Or, un ordre social
n’est valable que s’il respecte l’ordre inscrit dans la nature humaine
elle-même. À partir du moment où des lois contredisent cet ordre naturel, elles
deviennent injustes et risquent alors de provoquer divisions et dissensions,
engendrant plutôt un désordre social. (4)
(4) Je renvoie sur ce sujet important à
l’enseignement que nous rappelait Jean-Paul II. Voir le dernier « Regard
sur le Monde » n° 51 du 20 juillet 2005.
Le droit au mariage dont parle
(5) C’est très fort.
L’union homosexuelle vue dans ses conséquences sur les
enfants : elles ne peuvent qu’être néfastes.
Nous sommes également très préoccupés par l’impact prévisible d’une
redéfinition du mariage sur les citoyens les plus vulnérables : les enfants
canadiens. On ne peut faire fi de leurs besoins et de leurs droits en
s’imaginant que la société de demain n’en subira pas le contre-coup. Avant de
procéder à une telle réingénérie sociale, considérons l’impact qu’a eu le
divorce sur quelques générations d’enfants.
Issus de l’union d’un homme et d’une
femme, les enfants ont besoin d’un père et d’une mère, ils ont le droit de connaître leurs parents biologiques et d’être
éduqués par eux. On sait trop bien la souffrance de ceux qui sont privés de
cette possibilité; pourquoi, alors, créer volontairement d’autres situations
contraires au bien-être des enfants, qui ont besoin de la double figure de
l’homme et de la femme, qui jouent auprès d’eux des rôles différents et
complémentaires cruciaux dans leur processus de croissance et dans la
structuration de leur personnalité.(6)
(6) C’est très juste. Je renvoie, pour illustrer
cet argument des plus importants à l’article de l’abbé Bonneterre sur ce sujet que
j’ai publié dans «
Le noyau familial composé de « deux pères » ou de « deux
mères » est clairement dangereux pour l’enfant ».
L’adoption du projet de loi C-38 créerait deux catégories d’enfants : ceux qui
auraient droit à une éducation assurée par leurs deux parents biologiques et
ceux qui se verraient privés volontairement de ce droit. Une telle
discrimination n’est ni juste ni souhaitable. Dans une opinion datée du 22
janvier 2004 et intitulée « Homosexual Parenting : Is It Time for Change? »,
l’American College of Pediatricians (ACP) conclut que « la littérature
scientifique concernant le parentage homosexuel est limité. L’environnement au
sein duquel les enfants grandissent est absolument critique dans leur
développement. À la lumière des recherches disponibles, l’ACP croit qu’il est
inapproprié, potentiellement périlleux pour les enfants et dangereusement
irresponsable de changer la prohibition séculaire relative au parentage
homosexuel que ce soit par adoption, famille d’accueil ou par manipulation
reproductive. Cette prise de position s’enracine dans les meilleures recherches
scientifiques disponibles ». Pour sa part, l’Association espagnole de pédiatrie
vient d’affirmer, en se basant sur un rapport faisant état de centaines
d’études à travers le monde, que « le noyau familial composé de deux pères ou
de deux mères est clairement dangereux pour l’enfant ».
Les enfants doivent avoir un père et une mère qui vivent
ensemble dans une relation empreinte de stabilité et d’amour.
Imposer l’uniformité au nom de l’égalité serait poursuivre l’érosion du mariage
et de la famille en diminuant l’importance de l’union d’une femme et d’un
homme, d’une épouse et d’un époux, d’une mère et d’un père. La société doit
faire tout ce qui est possible pour que les enfants puissent avoir un père et
une mère qui vivent ensemble dans une relation empreinte de stabilité et
d’amour.
Les libertés de conscience, de religion et d’expression
seraient sérieusement menacées par l’imposition d’une « orthodoxie » contraire
à la valeur du plus grand nombre des canadiens qui respectent le droit naturel.
Par ailleurs, l’impact éducatif des lois sur les mentalités est indéniable. Si
la loi canadienne devait désormais enseigner que le mariage est l’union de deux
personnes, une majorité de Canadiennes
et de Canadiens risqueraient de voir leurs libertés de conscience, de religion
et d’expression sérieusement menacées par l’imposition d’une « orthodoxie »
contraire à leurs valeurs.
Il est vrai que la version amendée du projet de loi C-38 affirme à l’article
3.1 « que nul ne peut être privé des avantages qu’offrent les lois fédérales ni
se voir imposer des obligations ou des sanctions au titre de ces lois pour la
seule raison qu’il exerce, à l’égard du mariage entre personnes de même sexe,
la liberté de conscience et de religion garantie par
Mais, cet article du projet de loi C-38 concerne uniquement les lois fédérales.
Rien ne nous assure que toutes les provinces verront à le faire appliquer sur
leur territoire, puisque les lois sociales et les lois qui concernent
l’éducation sont de leur ressort. On peut même en douter, car bien que
Menace certaine pour la liberté de conscience et de religion.
Le projet de loi C-38 affirme que la liberté religieuse sera protégée et que,
dès lors, les célébrants et commissaires au mariage n’auront pas à célébrer des
mariages qui vont à l’encontre de leurs convictions. Non seulement savons-nous
qu’il faudra compter sur la bonne volonté des provinces pour assurer ce droit,
mais il ressort clairement des débats entourant la possible redéfinition du
mariage que le concept de liberté religieuse est incompris par une majorité
d’intervenants.
En effet, la liberté religieuse ne se limite pas à la liberté de célébrer ou
non des mariages entre partenaires de même sexe. La liberté de religion, qui
est intrinsèquement liée à la liberté de conscience et d’expression, ne
concerne pas seulement les autorités religieuses, mais l’ensemble des citoyens.
Et ces libertés doivent pouvoir
s’exprimer sur la place publique dans leur vie de tous les jours. (7)
(7) Cette définition de la liberté de religion qui veut
s’exprimer publiquement doit s’entendre uniquement comme « une
tolérance ». On tolère ce qu’on ne peut interdire. Mais , ici, dans le
contexte de ce combat, l’argument de la liberté religieuse peut, de fait, être
invoqué comme argument « ad hominem » eu égard au danger réel d’être
taxé d’ « homophobe », d’ « homophobie… parce que vous
vous opposer à un acte contre nature.
C’est très juste. C’est l’argument développé dans le paragraphe suivant.
Défendre le droit naturel sur le mariage hétérosexuel:
danger d’être taxé d’homophobie.
Or, on a pu constater un phénomène extrêmement préoccupant au cours des
dernières années. Ce phénomène est particulièrement bien décrit par le
professeur Schmid, qui constate que quiconque manifeste son désaccord avec le
mariage entre partenaires de même sexe se voit taxer d’homophobie : « Faudra-t-il se résoudre à ce que
l’existence d’unions homosexuelles signifie la disparition du droit à la
liberté de conscience face aux actes homosexuels? Verrons-nous les objecteurs
de conscience marginalisés dans la vie publique?
« Déjà, on accuse d’homophobie quiconque s’objecte en conscience au « mariage »
homosexuel; on ridiculise sa peur pathologique et sa soi-disant irrationalité. Parce que la condamnation du comportement
homosexuel concerne les actes et non les personnes, il est complètement faux de
conclure que toute opposition aux unions homosexuelles indique un manque de
respect et de considération pour les personnes.(8)
(8) C’est très juste. La distinction est bien fondée. Il faut
avoir le courage de le dire…
« Si l’on affirme que l’homosexualité est à ce point inhérente à la personne
humaine qu’il est impossible de désapprouver moralement des actes homosexuels
sans discriminer contre la personne, il faut aussi reconnaître que l’objection
de conscience est à ce point inhérente à la personne humaine qu’on ne peut la
rejeter sans discriminer contre la personne.
« Affirmer que les croyances religieuses ne doivent pas mener à la
discrimination à l’égard des personnes en leur refusant le droit de se marier,
c’est poser un faux problème. Car tous les arguments apportés par les croyants
ne peuvent être réduits à leurs croyances religieuses. La contribution des
croyants au débat public sur les unions homosexuelles ne peut pas être rejetée
sous prétexte qu’elle est fondamentalement irrationnelle et biaisée. Cela
reviendrait à leur nier leur égalité en tant que citoyens.
« On ne peut pas permettre que dans les débats politiques certaines personnes
accusent les opposants au mariage homosexuel d’être irrationnels, de mauvaise
foi et haineux. Si, au nom de la vérité, les arguments rationnels peuvent être
rejetés parce qu’ils sont synonymes d’objections de conscience, et si, au nom
de la justice, on fait taire l’objection de conscience, alors la liberté n’est
pas pour tous » (ib.)
Ces tentatives d’intimidation à l’égard des personnes qui ne partagent pas la
vision étatique du mariage risquent bien de se multiplier après l’adoption du
projet de loi C-38. Lorsque l’État aura imposé une norme nouvelle affirmant que
la conduite sexuelle homosexuelle est un bien social, ceux qui s’y opposeront
pour des motifs religieux ou pour des motifs de conscience, seront considérés
comme bigots, anti-gais et homophobes. Ils
risqueront alors des poursuites judiciaires.
Je cite ici encore Pierre Manent : «Précisément parce que notre régime est un
régime de liberté, et pour qu’il puisse le rester, nous n’avons pas le droit
d’exiger de nos concitoyens qu’ils approuvent nos «styles» ou «contenus de vie»
: ce serait tyrannie» (Ib. 326).(9)
(9) l’argument avancé est très vrai. Il doit être retenu.
Quel titre le mariage « homosexuel » peut-il invoquer auprès de l’Etat pour une
reconnaissance politique et social. Il n’en est pas de même du mariage ancestral :
il donne des nouveaux citoyens à la société.
En réclamant le mariage, les personnes de même sexe recherchent une
reconnaissance sociale. Or, nous le répétons, la reconnaissance sociale dépend
du service que rend un citoyen à l’État. Contrairement au partenaires de même
sexe, les couples hétérosexuels transmettent naturellement et le plus souvent
la vie. En donnant de nouveaux citoyens à la société, ils rendent un service
essentiel à l’État, ce qui justifie un statut spécial pour leur union.
En accordant le droit au mariage aux partenaires de même sexe, on leur
demanderait de s’afficher socialement de façon différente à ce qu’ils sont
réellement. Ce serait affirmer qu’il leur faut ce statut pour être jugés dignes
de considération, ce qui irait tout à fait à l’encontre de l’objectif du projet
de loi C-38.
L’État n’a aucun intérêt à reconnaître et même institutionnaliser les relations
adultes consensuelles fondées sur l’orientation sexuelle, les préférences
sexuelles, les pratiques culturelles et les convictions religieuses des
citoyens et citoyennes. Il se doit
cependant par souci de l’intérêt public de protéger l’institution du mariage et
de la famille qui est la pierre angulaire de la société et la meilleure
garantie de son avenir.
Conclusion : Sauver l’institution fondamentale du
mariage en raison du bien commun à promouvoir.
En conclusion, nous
réitérons avec force qu’il serait injuste et contraire au bien commun de
redéfinir le mariage dans le sens du projet de loi C-38. Une telle loi dénature le mariage et détruit la reconnaissance publique
que l’État doit accorder, dans l’esprit de
En réclamant le mariage, les personnes
de même sexe recherchent une reconnaissance sociale qu’il serait injuste de
leur accorder de cette manière, puisque leur union ne remplit pas la condition
essentielle de complémentarité sexuelle et d’ouverture naturelle à la
procréation des enfants qui caractérise l’institution matrimoniale.
Vouloir à tout prix cette reconnaissance légale et sociale au détriment des
valeurs communes du mariage et de la famille dans la société canadienne
entraînerait des conséquences
désastreuses qu’on expérimente déjà et qui mettent en danger non seulement
la liberté de conscience et de religion mais aussi la qualité future de
l’éducation publique et privée.
L’État doit protéger le droit prioritaire à la liberté de religion non
seulement pour les ministres du culte mais pour toute la population. Il doit
faire respecter le droit et la justice concernant les personnes et les unions
homosexuelles, mais sans céder aux mouvements culturels excessifs qui menacent
les valeurs fondamentales du mariage et de la famille.
Nous comptons sur vous, honorables sénateurs qui pouvez voter en toute liberté
de conscience, et nous faisons appel à vous au nom d’une majorité de canadiens
et canadiennes : Sauvez l’institution
fondamentale du mariage ! Votre institution parlementaire en sortira plus
crédible et plus fidèle à
Marc Cardinal Ouellet
Archevêque de Québec et Primat du Canada
Au nom de
Comité sénatorial sur le projet de loi C-38 concernant certaines conditions de
fond du mariage civil
13 juillet 2005