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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 1 février 2008

 

N° 157

 

Benoît XVI

rappelle le rôle

« des médias ».

 

Le jeudi 24 janvier 2008, a été présenté à 11h30, dans la Salle Jean-Paul II de la Salle de presse du Vatican, par  Mgr. Claudio Maria Celli, Président du Conseil Pontifical des Communications Sociales et  Mgr. Paul Tighe, Secrétaire du même Conseil Pontifical,  le message du pape  Benoît XVI pour la « 42e Journée Mondiale des Communications Sociales » qui, cette année, a pour thème: « Les moyens de communication sociale : carrefour entre rôle et service. Chercher la Vérité pour la partager ».

En six courts paragraphes, le message pontifical rappelle l’importance des médias, leur  rôle dans la vie humaine, individuelle et sociale, leur rôle  éthique et publique. Il exprime aussi sa vive inquiétude sur les  dérives actuelles des médias. Ces dérives demandent, certainement,  une prompte réflexion avant qu’il ne soit trop tard. Il en est de la presse aujourd’hui comme de la médecine. La bioéthique est nécessaire comme serait nécessaire  ce que le pape appelle une « info éthique ». Le pape écrit : « Un certain nombre de gens pensent qu'une "info-éthique" est aujourd'hui nécessaire dans ce domaine, de la même façon qu'il existe la bioéthique en médecine et dans la recherche scientifique liée à la vie. » C’est à cette étude que se livre, du reste,  Benoît XVI dans ce message.

Ces présentes considérations sur les « médias » pourraient être très heureusement complétées par un tout récent article de Jean Madiran, dans Présent, sur la nécessité de voir la presse être libérée des influences de la publicité. (voir Flash-Info du 30 janvier)

Nous présentons d’abord la pensée du pape avant de donner l’intégralité du Message.


     A- L’importance des médias : un fait incontestable.

L’importance des médias dans la vie des individus et des sociétés est un fait incontestable : « En effet, il n'y a pas, écrit le pape,  d'aspect de l'expérience humaine, notamment si nous considérons le vaste phénomène de la mondialisation, où les médias ne soient pas devenus partie constitutive des relations interpersonnelles et des processus sociaux, économiques, politiques et religieux. »

Leur apport est primordial dans la « circulation des informations », dans  « la connaissance des événements », dans «  la diffusion du savoir ». Le pape va même très loin en ce domaine puisqu’il écrit : « Sans leur apport, il serait vraiment difficile de favoriser et d'améliorer la compréhension entre les nations, de donner un souffle universel aux dialogues de paix, de garantir à l'homme le bien primordial à l'information, assurant en même temps la libre circulation des idées concernant surtout les idéaux de solidarité et de justice sociale ».

Leur importance se fait sentir  non seulement comme «  moyens pour la diffusion des idées, mais aussi comme des «  instruments au service d'un monde plus juste et plus solidaire ».

En un mot, il faut reconnaître, avec le pape, que « les médias offrent des potentialités inédites pour le bien ».  « Leur extraordinaire impact dans la vie des individus et de la société est un élément largement reconnu », « L'impact des moyens de communication sur la vie de l'homme contemporain » est réel et «  pose des questions que l'on ne peut éluder, et qui demandent des choix et des réponses qui ne peuvent être renvoyés à plus tard ». C’est dire l’importance de la presse et en reconnaître en quelque manière le rôle.

B- Le rôle des médias.

Le pape affirme tout d’abord le rôle important que la presse peut jouer dans le domaine familial : « pour promouvoir le respect de la famille, pour illustrer ses attentes et ses droits, pour mettre en évidence sa beauté ». En ces domaines primordiaux, elle a « une responsabilité spéciale », écrit le pape.

La presse a «  contribué de manière décisive à l'alphabétisation et à la socialisation, ainsi qu'au développement de la démocratie et du dialogue entre les peuples ».

Le rôle de la presse est  de défendre «  jalousement la personne » et de respecter « pleinement sa dignité ». Et en ce sens, la presse doit «   être considérée comme partie intégrante de la question anthropologique », elle est cœur de l’homme, de la vie humaine, elle doit en défendre les valeurs et les biens. Le pape ici a une très belle phrase où il expose vraiment qu’elle doit être le rôle des journalistes : «  Ils peuvent et doivent contribuer à faire connaître la vérité sur l'homme, en la défendant devant ceux qui tendent à la nier ou à la détruire. On peut dire plus encore que la recherche et la présentation de la vérité sur l'homme constituent la vocation la plus haute de la communication sociale. Utiliser à cette fin tous les langages, toujours plus beaux et plus raffinés, dont les médias disposent, tel est le devoir exaltant confié en premier lieu aux responsables et aux personnes travaillant dans ce secteur ». Aussi le pape appelle-t-il de ses vœux «  des hommes de communication courageux et d'authentiques témoins de la vérité ».  Et les enjeux, en ce domaine,  sont si importants qu’il serait nécessaire de développer « une « info-éthique » comme en médecine, il y a la bioéthique. Car de fait les médias souvent s’éloignent de leur beau rôle et font courir grand risque au genre humain. Pas moins ! C’est la troisième idée développée par le pape.

 

       C- le danger  des médias.

 

Si le rôle de la presse est très grand et très noble, il peut être aussi très nocif. La presse peut se mettre au service d’une idéologie et oublier d’autant la vérité. C’est l’objet de la deuxième partie du paragraphe 2 : elle peut arriver à « soumettre l'homme à des logiques dictées par les intérêts dominants du moment ». Elle peut tendre : « à légitimer et à imposer des modèles distordus de vie personnelle, familiale ou sociale ». Elle peut aussi pour augmenter encore son influence « recourir parfois à la transgression, à la vulgarité et à la violence » en flattant les bas instincts de l’homme.  Elle peut également étaler un luxe tel qu’elle propose et soutient « des modèles de développement qui augmentent plutôt que réduisent la fracture technologique entre pays riches et pays pauvres ».

 

Qui pourrait contester ces maux de la presse ?

 

Ainsi si la presse peut « offrir des potentialités inédites pour le bien », « elle peut ouvrir en même temps des potentialités abyssales de mal n'existant pas auparavant ». Et ce,  d’autant plus que « les moyens de communication sociale (peuvent)  être assujettis à un fonctionnement aveugle ou finir par être à la merci de qui s'en sert pour manipuler les consciences »  et être dévoyé ainsi de sa finalité et oublier qu’elle doit être  «  au service de la personne et du bien commun » et qu’elle est faite pour  « la formation éthique de l'homme, pour la croissance de l'homme intérieur ». C’est là que les réflexions de Jean Madiran dans son tout récent article dans Présent, sont utiles.

 

Là, se trouve le risque d’une « véritable mutation du rôle » de la presse. Le pape écrit très justement : «  Aujourd'hui, de façon toujours plus marquée, la communication semble avoir souvent la prétention non seulement de représenter la réalité, mais de la déterminer grâce au pouvoir et à la force de suggestion qu'elle possède. Il arrive par exemple que, dans certaines situations, les médias soient utilisés non pas pour remplir correctement leur rôle d'information, mais pour "créer" les événements eux-mêmes. Cette périlleuse mutation de leur fonction suscite la préoccupation de nombreux pasteurs. Parce qu'il s'agit évidemment de réalités qui pèsent profondément sur toutes les dimensions de la vie humaine (morales, intellectuelles, religieuses, relationnelles, affectives, culturelles), mettant en jeu le bien de la personne ». Alors le pape a cette magnifique parole : «  il faut réaffirmer que tout ce qui est techniquement possible n'est pas éthiquement praticable ». Et de conclure ce passage par ces belles paroles : « Lorsque la communication perd ses ancrages éthiques et échappe au contrôle social, elle finit par ne plus tenir compte du caractère central et de la dignité inviolable de l'homme, risquant de peser négativement sur sa conscience, sur ses choix, et de conditionner en fin de compte la liberté et la vie même des personnes. » Et c’est pourquoi le sage doit veiller et alerter avant qu’il ne soit trop tard.

 

C’est ce que fait joliment le pape. Mais qui va l’écouter et lire attentivement ce message ?

 

Il lance cet avertissement ultime : « Il convient d'éviter que les médias deviennent le mégaphone du matérialisme économique et du relativisme éthique, véritables plaies de notre temps ». Il faut au contraire qu’ils se fassent l’écho du Christ qui est  « Parole de Vie et de Vérité ».  C’est la conclusion de son message, le paragraphe 6.

 

Ce message est à lire et à méditer. Il peut donner raison de vivre à toute une presse et tout d’abord à la presse  catholique. « Item » en fait sa charte.

 

Voici le texte du message pontifical.

 

« Chers Frères et Sœurs !

 

1. Le thème de la prochaine Journée mondiale des Communications sociales - "Les médias: au carrefour entre rôle et service. Chercher la Vérité pour la partager "- met en lumière l'importance du rôle des moyens de communication sociale dans la vie des individus et de la société. En effet, il n'y a pas d'aspect de l'expérience humaine, notamment si nous considérons le vaste phénomène de la mondialisation, où les médias ne soient pas devenus partie constitutive des relations interpersonnelles et des processus sociaux, économiques, politiques et religieux. À ce propos, j'écrivais dans mon Message pour la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier dernier: « Les moyens de communication sociale, par les potentialités éducatives dont ils disposent, ont une responsabilité spéciale pour promouvoir le respect de la famille, pour illustrer ses attentes et ses droits, pour mettre en évidence sa beauté » (n. 5).

 

 

2. Grâce à une vertigineuse évolution technologique, ces moyens ont acquis des potentialités extraordinaires, posant en même temps des questions et des problèmes nouveaux et inédits. On ne peut nier l'apport qu'ils peuvent donner à la circulation de l'information, à la connaissance des événements et à la diffusion du savoir : par exemple, ils ont contribué de manière décisive à l'alphabétisation et à la socialisation, ainsi qu'au développement de la démocratie et du dialogue entre les peuples. Sans leur apport, il serait vraiment difficile de favoriser et d'améliorer la compréhension entre les nations, de donner un souffle universel aux dialogues de paix, de garantir à l'homme le bien primordial à l'information, assurant en même temps la libre circulation des idées concernant surtout les idéaux de solidarité et de justice sociale. Oui ! Dans leur ensemble, les médias ne sont pas seulement des moyens pour la diffusion des idées, mais ils peuvent et doivent même être des instruments au service d'un monde plus juste et plus solidaire.

 

Le risque n'est malheureusement jamais absent qu'ils se transforment au contraire en systèmes destinés à soumettre l'homme à des logiques dictées par les intérêts dominants du moment. C'est le cas d'une communication utilisée à des fins idéologiques ou pour la diffusion de produits de consommation au moyen d'une publicité insistante. Sous prétexte de représenter la réalité, on tend de fait à légitimer et à imposer des modèles distordus de vie personnelle, familiale ou sociale. En outre, pour favoriser l'écoute, ce qu'on appelle l'audimat, on n'hésite pas à recourir parfois à la transgression, à la vulgarité et à la violence. Il y a enfin la possibilité que soient proposés et soutenus, à travers les médias, des modèles de développement qui augmentent plutôt que réduisent la fracture technologique entre pays riches et pays pauvres.

 

3. L'humanité se trouve aujourd'hui à un carrefour. Ce que j'ai écrit dans l'Encyclique Spe salvi à propos de l'ambiguïté du progrès vaut aussi pour les médias, qui offrent des potentialités inédites pour le bien, mais qui ouvrent en même temps des potentialités abyssales de mal n'existant pas auparavant (cf. n. 22). Il est par conséquent nécessaire de se demander s'il est sage de laisser les moyens de communication sociale être assujettis à un fonctionnement aveugle ou finir par être à la merci de qui s'en sert pour manipuler les consciences. Ne devrait-on pas plutôt faire en sorte qu'ils restent au service de la personne et du bien commun et qu'il favorisent "la formation éthique de l'homme, pour la croissance de l'homme intérieur" (ibid.) ? Leur extraordinaire impact dans la vie des individus et de la société est un élément largement reconnu, mais on doit aujourd'hui mettre en évidence le tournant, je dirais plus encore, la véritable mutation de rôle, qu'ils ont à réaliser. Aujourd'hui, de façon toujours plus marquée, la communication semble avoir souvent la prétention non seulement de représenter la réalité, mais de la déterminer grâce au pouvoir et à la force de suggestion qu'elle possède. Il arrive par exemple que, dans certaines situations, les médias soient utilisés non pas pour remplir correctement leur rôle d'information, mais pour "créer" les événements eux-mêmes. Cette périlleuse mutation de leur fonction suscite la préoccupation de nombreux pasteurs. Parce qu'il s'agit évidemment de réalités qui pèsent profondément sur toutes les dimensions de la vie humaine (morales, intellectuelles, religieuses, relationnelles, affectives, culturelles), mettant en jeu le bien de la personne, il faut réaffirmer que tout ce qui est techniquement possible n'est pas éthiquement praticable. L'impact des moyens de communication sur la vie de l'homme contemporain pose donc des questions que l'on ne peut éluder, et qui demandent des choix et des réponses qui ne peuvent être renvoyés à plus tard.

 

4. Le rôle que les moyens de communication sociale ont joué dans la société doit désormais être considéré comme partie intégrante de la question anthropologique, qui apparaît comme un défi crucial du troisième millénaire. De manière identique à ce qui se passe dans le domaine de la vie humaine, du mariage et de la famille, et au sujet des grandes questions contemporaines concernant la paix, la justice et la sauvegarde de la création, sont en jeu, également dans le secteur des communications sociales, des dimensions constitutives de l'homme et de sa vérité. Lorsque la communication perd ses ancrages éthiques et échappe au contrôle social, elle finit par ne plus tenir compte du caractère central et de la dignité inviolable de l'homme, risquant de peser négativement sur sa conscience, sur ses choix, et de conditionner en fin de compte la liberté et la vie même des personnes. Voilà pourquoi il est indispensable que les communications sociales défendent jalousement la personne et respectent pleinement sa dignité. Un certain nombre de gens pensent qu'une "info-éthique" est aujourd'hui nécessaire dans ce domaine, de la même façon qu'il existe la bioéthique en médecine et dans la recherche scientifique liée à la vie.

 

5. Il convient d'éviter que les médias deviennent le mégaphone du matérialisme économique et du relativisme éthique, véritables plaies de notre temps. Ils peuvent et doivent par contre contribuer à faire connaître la vérité sur l'homme, en la défendant devant ceux qui tendent à la nier ou à la détruire. On peut dire plus encore que la recherche et la présentation de la vérité sur l'homme constituent la vocation la plus haute de la communication sociale. Utiliser à cette fin tous les langages, toujours plus beaux et plus raffinés, dont les médias disposent, tel est le devoir exaltant confié en premier lieu aux responsables et aux personnes travaillant dans ce secteur.

 

C'est un devoir qui cependant, d'une certaine manière, nous concerne tous, car tous, à l'époque de la mondialisation, nous sommes bénéficiaires et agents de communications sociales. Les nouveaux médias, la téléphonie et Internet en particulier, sont en train de modifier la physionomie même de la communication et c'est peut-être une occasion précieuse pour la redessiner, pour rendre plus visibles, comme l'a dit mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II, les aspects essentiels et inaliénables de la vérité sur la personne humaine (cf. Lettre apost. Le progrès rapide, n. 10).

 

6. L'homme a soif de vérité, il est à la recherche de la vérité ; ceci se manifeste aussi à travers l'attention et le succès enregistrés par de nombreux produits éditoriaux, programmes ou fictions de qualité, où la vérité, la beauté et la grandeur de la personne, y compris sa dimension religieuse, sont reconnues et bien représentées. Jésus a dit : "Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres" (Jn 8, 32). La vérité qui nous rend libres est le Christ, parce que Lui Seul peut répondre pleinement à la soif de vie et d'amour qui est dans le cœur de l'homme. Celui qui l'a rencontré et qui se passionne pour son message fait l'expérience du désir irrésistible de partager et de communiquer cette vérité : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux - écrit saint Jean -, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c'est le Verbe, la parole de la vie [...], nous vous l'annonçons, à vous aussi, pour que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. C'est nous qui écrivons cela afin que nous ayons la plénitude de la joie» (1Jn 1,1-3).

Invoquons l'Esprit Saint, pour qu'il y ait des hommes de communication courageux et d'authentiques témoins de la vérité qui, fidèles à l'injonction du Christ et passionnés par le message de la foi, "sachent se faire les interprètes des instances culturelles actuelles, s'engageant à vivre notre époque de la communication non pas comme un temps d'aliénation et d'égarement, mais comme un temps précieux pour la recherche de la vérité et pour le développement de la communion entre les personnes et entre les peuples" (Jean-Paul II, Discours à la Rencontre Paraboles médiatiques, 9 novembre 2002).

Avec ce souhait, je donne à tous avec affection ma Bénédiction.

 

Du Vatican, le 24 janvier 2008, Fête de saint François de Sales.

BENEDICTUS PP. XVI

© Copyright : Librairie Editrice du Vatican

Traduction distribuée par le Saint-Siège