ITEM
42, Avenue
de
Port. O6 80 71 71 01 ; e-mail : abbe_aulagnier@hotmail.com. Site : http://item.snoozland.com
Un regard sur le monde
politique et religieux
Au 2 février 2005
N°29
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le
cardinal Joseph Ratzinger
Préfet de
et
Les
valeurs l’Europe
Pour aborder ce sujet : « les
valeurs de l’Europe », je me permettrai aujourd’hui, de donner la parole
au Cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de
L’analyse du Cardinal est
intéressante à plus d’un titre, même si on aimerait une formulation plus
énergique, des certitudes plus fortement
dites et des conclusions plus clairement tirées.
Nous remarquerons dans le
développement de la troisième idée :
sur le respect du sacré, sa manière d’aborder le problème de la
« liberté religieuse » : « Je ne voudrais pas entrer
ici dans les discussions complexes de ces dernières années… ». Le
cardinal fait ici manifestement allusion
à la « liberté religieuse ». Il ne veut pas dans ce discours en
parler. Il y fait seulement allusion. Il reconnaît que c’est un sujet « complexe ».
M’est avis que le cardinal, aujourd’hui, poursuit ses réflexions sur ce sujet.
Deux sujets, du reste, doivent lui
trotter dans sa tête, lui, Préfet de
I – La conclusion du cardinal Joseph Ratzinger.
« Nous nous trouvons ainsi face
à la question : comment les choses doivent-elles évoluer ? Dans les
violents bouleversements de notre temps, y a-t-il une identité de l’Europe qui
ait un avenir et pour laquelle nous puissions nous engager
entièrement ? Je ne suis pas en
mesure de rentrer dans une discussion détaillée sur la future Constitution
européenne. Je voudrais seulement indiquer brièvement les éléments moraux
fondamentaux qui, à mon avis, devront en faire partie.
A - Un premier élément est
l’inconditionnalité avec laquelle la dignité humaine et les droits de l’homme
doivent être présentés comme des valeurs précédant toute juridiction d’Etat. Ces droits fondamentaux ne sont pas
créés par le législateur, ni conférés
aux citoyens, « mais ils existent plutôt comme droit propre, ils doivent
toujours être respectés par le législateur, ils s’imposent à lui comme valeurs
d’ordre supérieur ». Cette validité de la dignité humaine préalable à
toute action et à toute décision politique renvoie ultime ment au Créateur. Lui
seul peut déterminer des valeurs qui se fondent sur l’essence de l’homme et qui
sont intangibles. L’existence de valeurs qui ne soient pas manipulables par qui
que ce soit, est la véritable garantie de notre liberté et de la grandeur
humaine ; la foi chrétienne voit là le mystère du Créateur et de la
condition d’image de Dieu que celui-ci a conférée à l’homme.
Personne, ou presque, ne niera
aujourd’hui la priorité de la dignité humaine et des droits humains fondamentaux
sur toute décision politique ; les horreurs du nazisme et de sa théorie
raciste sont encore trop récentes. Mais dans le domaine concret de ce que
l’on appelle les progrès de la médecine, il existe des menaces très réelles
pour ces valeurs : qu’il s’agisse du clonage, de la conservation de
fœtus humains à des fins de recherche,
du don d’organes, ou qu’il s’agisse de tout ce qui a trait à la manipulation
génétique, la lente consomption de la dignité humaine qui nous menace
aujourd’hui ne peut être méconnue de personne. A cela s’ajoutent de façon
croissante les trafics d’êtres humains, les nouvelles formes d’esclavage, les
trafics d’organes humains. On se prévaut toujours de finalités bonnes, pour
justifier l’injustifiable. En ce qui concerne ces domaines, il y a dans
Résumons-nous : la fixation par
écrit de la valeur et de la dignité de l’homme, de la liberté, de l’égalité et
de la solidarité, avec les affirmations de fond de la démocratie et de l’Etat
de droit, implique une image de l’homme, une option morale et une idée du droit
qui ne sont pas du tout évidentes, mais qui constituent de fait des facteurs
fondamentaux pour l’identité de l’Europe. Ces facteurs fondamentaux devraient être garantis aussi dans leurs
conséquences concrètes, et certainement ils ne peuvent être défendus que par la
formation sans cesse renouvelée d’une conscience morale correspondante.
B - Un deuxième élément dans lequel
apparaît l’identité européenne est celui du mariage et de la famille. Le mariage monogamique, à la fois
comme structure fondamentale de la
relation entre homme et femme et comme cellule dans la formation de la
communauté nationale, a été forgé à partir de la foi biblique. Il a donné à
l’Europe, occidentale comme orientale, son visage particulier et son humanité
particulières, parce que la forme de fidélité et de renoncement qu’il implique
restait toujours à reconquérir, avec beaucoup de peines et de souffrances. L’Europe
ne serait plus l’Europe si cette cellule fondamentale de son édifice social
disparaissant ou était modifiée dans son
essence.
C - Mon dernier point est la question
religieuse. Je ne
voudrais pas entrer ici dans les discussions complexes de ces dernières années,
mais seulement mettre en relief un aspect fondamental pour toutes les
cultures : le respect de ce qui est sacré pour l’autre, et
particulièrement le respect pour le sacré au sens le plus haut, pour Dieu.
Ce respect, on est en droit de l’attendre même de celui qui n’est pas disposé à
croire en Dieu. Lorsque ce respect est bafoué dans une société, quelque chose
d’essentiel est perdu. Dans notre
société actuelle, grâce à Dieu, on
condamne quiconque déshonore la foi d’Israël, son image de Dieu, ses grandes
figures. On condamne aussi quiconque dénigre le Coran et les convictions de
fond de l’islam. Mais quand il s’agit du Christ et de ce qui est sacré pour
les chrétiens, la liberté d’opinion
apparaît alors comme le bien suprême, et l’on considère que la limiter
reviendrait à menacer ou même à détruire la tolérance et la liberté en général.
Mais la liberté d’opinion trouve sa limite en ceci qu’elle ne peut pas détruire l’honneur et la dignité de
l’autre ; elle n’est pas la liberté de mentir ou de détruire les droits de
l’homme.
Il y a, de la part de l’Occident, une
étrange haine de soi-même, que l’on ne peut considérer que comme quelque chose de pathologique. L’Occident fait de louables efforts pour
s’ouvrir, plein de compréhension, à des valeurs extérieures, mais il ne s’aime plus
lui-même. Il ne voit plus de son histoire que ce qui est critiquable et
négatif, et il n’est plus en mesure de percevoir ce qui y est grand et pur. Si
elle veut vraiment survivre, l’Europe a besoin d’une nouvelle acceptation
d’elle-même - critique et humble,
certes. La multiculturalité, qui est continuellement et passionnément
encouragée et favorisée, est parfois avant tout un abandon et un reniement de
ce qui nous est propre, une fuite hors de nos biens patrimoniaux. Mais la
multicuturalité ne peut pas subsister s’il n’y a pas des constances communes,
des points d’orientation à partir de valeurs propres. Elle ne peut certainement pas subsister sans le respect de ce qui est sacré.
Elle implique l’ouverture aux éléments sacrés de l’autre, mais nous ne pouvons
avoir cette attitude que si le sacré
- Dieu - ne nous
est pas étranger. Bien sûr, nous pouvons et nous devons apprendre de ce
qui est sacré pour les autres. Mais devant les autres et pour les autres, il
est de notre devoir de nourrir en nous-mêmes le respect de ce qui est sacré, et
de montrer le visage de Dieu qui nous est apparu, du Dieu qui a compassion des
pauvres et des faibles, des veuves et des orphelins, de l’étranger ; du
Dieu qui est tellement humain qu’il est lui-même devenu un homme, un homme
souffrant, qui, parce qu’il souffre en même temps que nous, donne à la douleur
dignité et espérance.
Si nous ne faisons pas cela, non
seulement nous renions l’identité de l’Europe, mais nous manquons à un service que les autres sont en droit
d’attendre de nous. Pour les cultures du monde, le profane absolu qui s’est
formé en Occident est quelque chose de profondément étranger. Elles sont convaincues qu’un monde sans Dieu n’a
pas d’avenir. C’est pourquoi la multiculturalité nous appelle à rentrer
à nouveau en nous-mêmes.
Nous ne savons pas comment les choses
évolueront à l’avenir en Europe.
Cardinal
Joseph Ratzinger.
II- Résumons et synthétisons, s’il est permis, la pensée du cardinal.
Les valeurs de l’Europe sont tout d’abord
A - Le « respect de la dignité
humaine et de ses droits fondamentaux ». Mais attention !
le cardinal insiste d’une manière très claire sur le fondement de ces
droits. Les droits fondamentaux de la personne humaine ne sont pas ceux qui
sont fondés sur « l’expression de la volonté
générale », mais bien ceux qui ont
pour principe « l’ordre
divin ».
La différence est capitale et elle
est très clairement affirmée par le
cardinal. Le lisant, je pensais à un
texte majeur de Jean Madiran, son texte
de l’ annexe VI de son livre : « les droits de l’homme ». Je
vais me permettre de vous en redonner le texte. C’est un sujet capital. Cette
dignité et ses droits sont antérieurs à tout ordre politique, quelqu’ il soit.
Ils sont fondés sur ce qu’est l’homme en lui-même, sur son essence,
c’est-à-dire sur la création voulue par Dieu. Ils ne dépendent en rien, dans leur être, d’un quelconque
droit positif. Le droit positif doit les respecter et jamais les
« bafouer » et jamais en « inventer » qui ne soient pas
conformes à l’ordre divin. Ainsi parler
du « droit à l’avortement », à « l’euthanasie »…. est une
non-sens. Répétons-le, tant le sujet est important et généralement mal posé
aujourd’hui dans la confusion des esprits : Les vrais droits humains sont premiers et antérieurs à toute loi
positive. Ils sont essentiels à la nature humaine créée par Dieu. C’est le
droit dit « naturel » qui
s’impose à tout Etat. Les valeurs de l’Europe sont donc fondées sur le respect du droit naturel.
B - Le respect de l’institution matrimoniale voulue
par Dieu :
l’union d’un homme et d’une femme et le respect de la famille, source de vie.
Ce bien est le fondement de toute société ordonnée et industrieuse. La famille
« monogame » doit donc être
aidée, protégée, sauvée, si nécessaire, par l’Etat. Elle est vitale pour une
nation. Et Dieu sait si, aujourd’hui, elle est dénigrée, combattue, méprisée.
Le discours du cardinal est bon.
C – L’attachement au
« sacré », le respect du « sacré » et ici, en
l’occurrence, l’attachement et le respect de la révélation divine du
« Dieu incarné ». Là, se trouve la spécificité de l’Europe, les
fondements de la « Civilisation » occidentale. Voilà l’identité de
l’Europe. Il faut qu’elle soit fière de cette civilisation, de « sa »
religion. Pourquoi donc, cette Europe, manifeste-t-elle, aujourd’hui, au
contraire, bien souvent, honte et
vindicte…contre ses propres valeurs… alors qu’elles constituent sa
propre identité. Comme si l’Europe finalement refusait sa propre identité,
refusait son être propre et avait le dégoût d’elle-même, « ne s’aimait
pas ». Mais refuser sa propre
identité, la combattre même….c’est proprement « suicidaire ». Tel est la situation devant laquelle se
trouve l’Europe si elle ne réagit pas.
III – « Vers un redressement du discours tenu dans l’Eglise depuis 20 ans » ?
Jean Madiran, dans son livre
« Les droits de l’homme » analyse la pensée de l’Eglise et son
évolution sur ces fameuses déclarations des droits de l’hommes. Il pense
pouvoir affirmer que le discours du pape Jean-Paul II prononcé à Munich, en Allemagne, le 3
mai 1988, est le début d’un retour à la
doctrine catholique sur ce sujet des « droits de l’homme », un retour
à la doctrine exprimée encore par Pie XII, dans l’ »Osservatore
Romano », en 1948. Je pense que le
cardinal Joseph Ratzinger, dans ce discours, s’inscrit dans ce courant et
exprime justement la doctrine
catholique.
Voici le chapitre de Jean Madiran.
Intitulé : « Vers un redressement du discours tenu dans l’Eglise
depuis 20 ans ».
« On entend beaucoup parler des
droits de l’homme, mais on ne parle pas des droits de Dieu. C’est la raison
pour laquelle nous nommons habituellement les droits de l’homme :
« DHSD », « droits de l’homme sans Dieu ». Ce qui n’est,
pour eux, ni un éloge, ni une qualification.
Mais j’ai commencé avec une
ponctuation incorrecte. Il fallait des guillemets. C’était une citation :
« On entend beaucoup parler, aujourd’hui, des droits de l’homme, a dit le
pape Jean-Paul II. Mais on ne parle pas
des droits de Dieu. ». C’est une
critique. Des malicieux voudront peut-être préciser une autre critique. La
simple critique de texte atteste en effet que depuis vingt ans le discours
officiel de l’Eglise catholique a beaucoup parlé des « droits de
l’homme » en oubliant beaucoup de mentionner « les droits de
Dieu ».
Ces paroles du pape Jean-Paul II sont
récentes. Elles ont été prononcées à Munich le 3 mai dernier. (1988). Elles
annoncent peut-être un redressement du discours devenu habituel dans l’Eglise.
Un redressement motivé : « Droits de l’homme et droits de Dieu sont
étroitement liés » a dit Jean Paul II. « Là où Dieu et sa loi ne sont
pas respectés, l’homme non plus ne peut faire prévaloir ses droits (….).
Les droits de Dieu et les droits de
l’homme sont respectés ensemble ou sont violés ensemble (…). Il s’agit de
donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. Ce n’est qu’alors que sera donné à
l’homme ce qui appartient à l’homme. » Il n’y a, au demeurant, rien
d’étonnant à ce qu’un souverain pontife tienne un tel langage. L’étonnant,
c’était de ne pas l’en tendre plus souvent, voire de ne plus l’entendre du tout.
A partir de Jean XXIII et de son
encyclique « Pacem in terris », on voit brusquement apparaître dans
l’Eglise un éloge, d’abord un peu réservé, et bientôt sans réserve, des
modernes déclarations des DHSD. Pourtant il était arrivé à Jean-Paul II
d’écrire aux évêques du Brésil, en décembre 1980 : « Les droits de
l’homme n’ont de vigueur que là où son respectés les droits imprescriptibles de
Dieu et l’engagement à l’égard des premiers est illusoire, inefficace et peu
durable s’ils se réalisent en marge ou au mépris des seconds ».
Condamnation sévère, puisque les
droits de l’homme étaient ainsi déclarés illusoires si l’on entend les
« réaliser » non seulement « au mépris » mais même
simplement « en marge » des droits de Dieu. Toutefois un tel
enseignement était devenu d’une exceptionnelle rareté dans l’Eglise. Le
rappel qui vient d’en être fait au
printemps à Munich sera-t-il aussi ignoré des catholiques et tenu par la plus
grande partie du clergé pour une clause
de style sans portée pratique ? La fameuse « ouverture au
monde », pratiquée unilatéralement
en « ouverture à gauche », a vitale ment besoin, pour être admise
dans le dialogue et le pluralisme maçonniques, de se présenter comme ralliée
aux DHSD. Sans quoi, elle serait refoulée dans le camp de relégation
sociologique étiqueté « extrême droite ».
Peut-être parce qu’il parlait en terre
allemande, peut-être parce qu’il s’agissait de la béatification d’un jésuite
allemand qui avait résisté au nazisme, Jean-Paul II a été explicitement précis
sur l’identité des coupables : « Là où Dieu et sa loi ne sont pas
respectés, l’homme non plus ne peut faire prévaloir ses droits. Nous l’avons
constaté en toute clarté à la lumière du comportement des dirigeants
nationaux-socialistes. Ils ne se sont pas intéressés à Dieu et ont poursuivi
ses serviteurs ; et c’est ainsi qu’ils ont, aussi, traité inhumainement
les hommes : à Daschau, aux portes de Munich, tout comme à Auschwitz, aux
portes de mon ancienne résidence épiscopale de Cracovie. » Effectivement,
on l’a constaté en toute clarté, il y a quarante et cinquante ans, à la lumière du comportement
des dirigeants
« nationaux-socialistes » ‘(c’est-à-dire « nazis », en
abrégé). On le constate toujours aujourd’hui, et sans interruption depuis
soixante dix ans, à la lumière du comportement des dirigeants communistes.
Pourtant je cherche à quand remonte donc
le dernier texte pontifical qui fasse cette constatation non point
platoniquement, à propos du marxisme et de sa philosophie, mais explicitement à
propos du communisme, à propos du parti communiste, à propos des
« dirigeants communistes ». Car enfin, les « dirigeants
nationaux-socialistes » sont hors d’état de nuire depuis plus de quarante
ans et tous morts aujourd’hui. Même si
l’on n’a pas compris l’avertissement de Soljénitsyne prévenant l’Occident que
le communisme est bien pire et beaucoup plus dangereux que le nazisme, même si
l’on croit que le nazisme est, en soi, pire que le communisme, il n’en reste
pas moins que, selon la sagesse du proverbe, un chien vivant est plus dangereux
qu’un lion mort. Il est remarquable que la rhétorique des droits de l’homme - même
quand d’aventure ce ne sont pas les DHSD
- soit le plus souvent intimidée, voire paralysée, devant la progression
universelle du communisme.
Mais voilà. Le même proverbe peut
servir en sens contraire. Il est beaucoup moins périlleux de s’en prendre à un
lion mort qu’à un chien vivant.
Il ne faudrait pas non plus laisser
croire que le seul tort des DHSD soit d’être « sans Dieu », c’est-à-dire sans fondement
légitime et universellement obligatoire. Tels qu’ils sont énumérés et définis par
Pas par tout le monde et
aujourd’hui, pas par le cardinal Joseph
Ratzinger.
Le cardinal, lui aussi, le 13 mai
2004, comme le pape Jean-Paul II, le 3 mai 1988, vient de redresser le discours
que l’on entend encore trop souvent dans l’Eglise depuis 20 ans.
C’est heureux.
Et si, par aventure, dans sa présente
réflexion sur « la liberté religieuse » et sur le reforme de la
réforme » liturgique, il était
conduit par l’inspiration du Saint Esprit, à « redresser le discours tenu
dans l’Eglise depuis 35 ans ?….
On peut vivre dans
l’espérance ! Et si on s’asseyait à
la table du cardinal comme il l’a proposé lui-même !