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Un regard sur le monde
politique et religieux
Au 19 janvier 2005
N°26
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Nouveau séisme
l’Iton(*) va-t-il couler entre Rhône et Rhin ?
à quand le Tibre à sec ?
* petite rivière qui
coule à Evreux
1. Le séisme :
Le
Figaro du 13 janvier
2005 :
RELIGION
L'aura médiatique du
prélat contestataire a pâli. Dix ans après, Mgr Gaillot est satisfait d’être
« dans les marges ». par Elie Maréchal
C'était
le vendredi 13 janvier 1995. Jean-Paul II allait baigner dans une foule de 4
millions de personnes pour les Journées mondiales de la jeunesse à Manille et
rencontrer secrètement des prêtres chinois. La barque de l'Eglise catholique en
France s'est alors mise à tanguer sous le vent d'une information venue du
Vatican : « Le Saint-Père a relevé du gouvernement pastoral du diocèse
d'Evreux (France), S. Exc. Mgr Jacques Gaillot, le transférant au siège
titulaire épiscopal de Partenia », écrit l'Osservatore romano. Depuis
cette bourrasque, l'eau a coulé sous les ponts de Paris. Le prélat en disgrâce,
lui, n'a pas dérivé de sa ligne : se considérant exclu, il s'est installé parmi
les exclus, logeant d'abord dans un squat de la capitale, rue du Dragon.
Aujourd'hui, âgé de 69 ans, il habite au milieu de la communauté missionnaire
des pères spiritains, rue Lhomond (Ve). Dimanche, ses fidèles lui feront fête à
Certes,
on le voit et on l'entend moins. Les médias paraissent s'être lassés de ce trublion,
continuant à lui préférer l'abbé Pierre ou sœur Emmanuelle. Pourtant, l'an
dernier, il s'est encore signalé lors d'un procès de militants bretons en mars
à Rennes, puis à Lille en avril auprès d'Africaines mal logées et grévistes de
la faim. Le même mois, il participe à Paris au banquet du centenaire de L'Humanité.
En mai, il plaide pour le mariage des homosexuels. Il défile en juin avec
des sans-papiers et, fidèle au DAL (Droit au logement), apporte son soutien à
une trentaine de personnes campant dans un square parisien. Août le voit à
nouveau manifester en souvenir des expulsés de l'église Saint-Bernard.
Puisque,
canoniquement, il n'est plus membre de
Interrogé
par Le Figaro sur ses activités actuelles, Mgr Gaillot les regroupe en
trois pôles : « le terrain » (avec le DAL, Droit devant, les
sans-papiers, les sans-logis), « les voyages » (France, étranger), « Internet,
courrier et rendez-vous», auxquels s'ajoutent mariages, baptêmes, prédications
de retraites. « Ma situation est intéressante, explique-t-il. Je
suis dans les marges : beaucoup de gens le sont aussi et je suis avec eux, en
communion avec l'Eglise. » Il affirme ne pas être «dans le circuit»
de l'épiscopat français et « n'avoir pas de contact avec
Rome ». Mais « il n'est pas impossible que j'aille rencontrer
des gens à Rome, confie-t-il. Le cardinal Etchegaray le
souhaite... » En tout cas, il ne regarde pas en arrière : « Evreux ?
J'en suis parti et je ne reviens pas sur le passé »
Fonceur
et frondeur, l'évêque de Partenia est aussi un suiveur : les « réseaux
du parvi » – une quarantaine de groupes ou associations – utilisent
son image de contestataire sans qu'il les désavoue. Des livres, signés Jacques
Gaillot, continuent de paraître. Chez son ancien éditeur (Albin Michel), Jean
Mouttapa déplore « la retombée du soufflé. » n
2. L’explication officielle
A ceux
qui l’interpellent, la réponse, que fait le Cardinal de Lyon par son Directeur
de Cabinet, est la suivante :
« ...
Pour le Cardinal, il est important de s’écouter, d’échanger ses approches,
parfois différentes des problèmes de société comme des questions qui traversent
notre l’Église. Personne ne détient l’entière vérité, et c’est dans un esprit
de communion que nous avons quelque chance d’entendre ce que l’Esprit (dit) aux
Églises. Le dialogue est le chemin d’unité, nous avait enseigné le Pape Paul
VI. La devise qu’il a choisie en devenant évêque est une des paroles les plus
intenses du Seigneur avant sa Passion : « Que tous soient
Un ! ». C’est aussi le vœu le plus sincère du Cardinal, l’objectif
pour lequel il nous invite à donner toutes nos énergies. Chaque année deux
retraites rassemblent les prêtres du diocèse de Lyon. La seconde sera prêchée
par Monseigneur Jacques Gaillot, qui s’inscrit dans la spiritualité du Père
Charles de Foucauld, dont le procès en béatification a été ouvert récemment par
le Pape Jean Paul II. Ce sera l’occasion pour les prêtres du diocèse de méditer
sur cette approche de l’évangélisation qui a profondément marqué notre
siècle. »
3. Une comparaison fort éclairante
Source :
www.kath.net. 15/11/2004. Toujours
disponible sur le site ce 18 janvier 2005
Le
Cardinal Meisner, archevêque de Cologne, en Allemagne, répond publiquement à la campagne de presse
de ‘Initiative publique des lecteurs’ suite à l’interdiction qu’il a signifiée
à Mgr Gaillot de se manifester dans son diocèse, le diocèse de Cologne.
« Par
la présente, je constate l’introduction de votre lettre dans l’affaire de la
manifestation du 28 octobre à
« L’affaire elle-même se commente vite : le deuxième concile du
Vatican désigne les évêques locaux comme « docteurs authentiques,
c'est-à-dire avec l’autorité du Christ » de leur diocèse ceux qui non
seulement proclament la foi, mais encore « éloignent avec vigilance leur
troupeau des erreurs qui les menacent » (Constitution sur l’Eglise n° 25).
Concrètement cela veut dire : comme archevêque, je suis personnellement
responsable devant Dieu et les fidèles confiés à moi, dans le diocèse de
Cologne, de l’exposition authentique de la foi et de la morale de l’Église ».
« Lorsque Mgr Gaillot fut relevé en 1995 de sa charge à
Evreux, cela a eu lieu non pas en raison de son engagement pour les affligés et
les nécessiteux, mais parce qu'il s'écartait de la doctrine religieuse. Cette divergence décrite par lui-même par euphémisme dans une interview
de presse comme une « libéralité » incite l'évêque local concerné non
pas à avoir peur, mais à [remplir son] souci de pasteur. On a vite fait de
critiquer en criant au jugement « moyenâgeux ». D’ailleurs, dans les
faits, la démocratie moderne ne peut se passer non plus d'instances et de
fonctions qui veillent à ses convictions fondamentales ; sans quoi la vie
en société devient impossible. Dans l'Église, communauté croyante et
professant
« L’annonce de ma demande à Mgr Gaillot d'annuler son
intervention publique dans le diocèse de Cologne est correcte. Toutefois, des informations fausses sont apparues dans le prisme
déformant de certains médias. La plupart des principales critiques les a
reprises sans les vérifier, beaucoup les ont jetées dans une polémique
furieusement aveugle. Je viens fournir les corrections qui s’imposent afin de
« démythologiser » tout le procédé. Si d’aventure vous tenez à ces
clichés à mon égard, vaut mieux ne pas lire ce qui suit.
1. Selon les "normes de
critique" préconçues, on dit que, évêque du plus riche diocèse d’Europe,
je refuse l'hospitalité à mon confrère. C'est faux. Le 18 octobre 2004, j'ai
formellement invité Mgr Gaillot à une conversation personnelle dans ma
maison ; et aujourd’hui encore, une réponse ne m’a pas été consentie. Je
ne refuse à Mgr Gaillot ni l'hospitalité ni le dialogue. Mon objection porte – cf. ci-dessus - seulement et uniquement
sur le fait qu’on veuille offrir dans le diocèse qui m’est confié une grosse
tribune à un évêque qui expose des théories divergentes des convictions
Ecclésiales. J'avais déjà suffisamment fait savoir cette position
lors du Katholikentag de Ulm ; aussi, je ne peux que regretter
l'invitation provocatrice faite à Mgr Gaillot à une tribune publique dans le
diocèse de Cologne. Cela n'a pas servi à la paix dans l’Eglise.
2. « Comme cela ressort du premier
point, il y eut – malgré les suppositions colportées - naturellement aussi une
correspondance entre Mgr Gaillot et moi. Les débats dans le diocèse avaient
déjà commencé avec son invitation après Erftstadt. Je n'ai jamais reçu
l'annonce, soi-disant envoyée à moi, de sa manifestation là-bas, au
contraire : le
15 septembre 2004, Mgr Gaillot s'est formellement excusé auprès de moi de ne
pas avoir annoncé sa visite. Par lettre du 30 septembre 2004, j'ai accepté ses
excuses et lui ai demandé cordialement de renoncer à d'autres manifestations
dans l'archevêché Cologne. Les soi-disant « rudes
expressions » - par exemple, la formulation dure : l'évêque
Gaillot n'est pas désiré dans le diocèse de Cologne – vous les chercheriez
en vain dans notre correspondance. Le 11 octobre 2004 Mgr Gaillot a exprimé son
respect de ma demande et m’a assuré de vouloir y correspondre. Dans ma lettre
déjà mentionnée du 18 octobre, je l'ai remercié très cordialement de sa
disposition. Il est seulement dommage, dans l'interview
de presse et dans son mot de début aux participants de la réunion de Bonn, que
ses paroles respirent, une nouvelle fois, un esprit quelque peu autre ».
3.
« Certains critiques croient pouvoir stigmatiser au fer rouge ma formule
de politesse finale comme une marque de cynisme. Cette interprétation en dit
plus sur eux-mêmes que sur moi ; surtout, elle trahit l'ignorance des
coutumes ecclésiales. « Dans l’amour du Christ » achève volontiers
une lettre entre évêques. Je voulais montrer que j'accepte Jacques Gaillot
malgré nos différences, comme confrère dans l'épiscopat ; le salut était -
comme l'invitation à la conversation personnelle - en quelque sorte la main que
je tends vers celui-ci. On ne peut voir une contradiction entre mon
intervention et la formule de politesse, que si on ne connaît pas le Nouveau
Testament ou qu’on l’ignore consciemment. Qu’on lise donc une fois dans Matth
21 et 23, à quels mots et à quelles actions le Christ lui-même pouvait se
laisser presser par son amour » !
4.
« Un mot définitif quant au reproche selon lequel je me serais référé de
manière inhabituelle à un paragraphe du droit canon jamais appliqué auparavant
en Allemagne. Tout d’abord je maintiens qu’à aucun endroit durant ma
correspondance avec Mgr Gaillot je n’envisage le droit canon, mais seulement
dans l’urgence, s'il vous plaît. Ce que mon intervention a accomplie sur le
terrain garanti par le droit, je ne le conteste pas, au contraire. Le canon 763
du droit en vigueur traite de l'annonce de la parole de Dieu ; Mgr Gaillot
comprend exactement en ce sens ses manifestations, ce que manifestent ses
propos à la réunion de Bonn par lesquels il commente les
« interdictions » qui lui sont opposées : «
« L’initiative
publique des lecteurs » m'a adressé un « carton rouge », ayant
bien sûr complètement oublié qu’elle n’est titulaire d’aucune « licence
d'arbitrage religieux ». Aussi, à l’avenir, je m’attacherai de préférence
au rouge qui symbolise mon service de Cardinal de l'Eglise catholique.
Cordiales
salutations
signé + Joachim Kardinal Meisner archevêque de Cologne
4. Questions en suspens
Remarque
générale : la différence des positions entre Lyon et Cologne est
gravissime.
Les
contextes de Lyon et Cologne ne sont pas vraiment parallèles mais cela ne
change rien quand au fond des motivations qui ont poussé les prélats de Lyon et
de Cologne à leurs positions respectives : on s’en aperçoit en lisant les
textes officiels ci-dessus.
A
Cologne, certains voulaient inviter, en l’imposant à l’ordinaire du lieu,
l’évêque de Parthénia, Mgr Gaillot, à
une grosse affaire médiatique ; à Lyon c’est l’ordinaire du lieu qui
l’invite à une affaire strictement cléricale. Mais aucun des deux cardinaux ne
fonde sa décision d’abord sur la ‘taille’ de l’intervention publique de Jacques
Gaillot. Si le Cardinal Meisner évoque cet aspect, c’est pour dire qu’outre ses
raisons de fond, il s’agit là d’une raison supplémentaire.
La
lecture des deux positions montre que les divergences sont autres et autrement
plus graves :
·
A
Lyon, on invite Jacques Gaillot comme s’il n’était plus « suspens a
divinis » et qu’il n’y avait aucun état de Droit dans l’Eglise ; à
Cologne, on le sait et on en tient compte.
·
A
Lyon, on se branche en direct sur l’‘Esprit’ et on fait des invocations à
‘l’Unité’ dans le ‘Dialogue’ ; à Cologne, on sait que
·
A
Lyon l’unité ecclésiale semble dépendre de la somme d’énergie, voire d’activité
que chacun peut y consacrer et être au prorata du prurit dialogal, sans même
savoir quel contenu d’unité peut en sortir si tant est qu’il y en a un de
possible ; à Cologne, on sait qu’un Successeur des Apôtres est responsable
devant Dieu des âmes à lui confiées et qu’un Pasteur n’a pas à faire risette
aux loups mais à en préserver son troupeau.
S’il y
a de telles divergences entre Cardinaux sur « ce qu’est l'Église » on
peut prévoir (et il y a hélas ! bien d’autres signes alarmants ignorés du
grand public) que le prochain Conclave ne sera pas particulièrement l’un des
plus faciles de l’Histoire de notre Sainte Église. Prions.
5 -Mgr Gaillot a-t-il
changé depuis 1995 ?
Si la
volonté explicite du P.Barbarin de réintroduire J.Gaillot comme évêque ‘de
plein pied’ dans l'Église en faisant comme s’il n’était pas
« suspendu » par le St Siège ne peut s’appuyer sur un changement réel
des positions de J.Gaillot, sur quoi se fonde t elle ?
N’ayant
pour l’instant aucun moyen de répondre à cette question qui n’est pas anodine,
regardons quelques déclarations récentes de J.Gaillot dans les domaines où il
s’illustra jadis :
1) opposition au Magistère :
« qu’il
s’agisse de la sexualité, de la place des femmes, des divorcés remariés, des
nouveaux modes de ministères, de la démocratie, d’un légitime pluralisme, de la
reconnaissance d’une opinion publique dans l’Église...Le débat est
confisqué. ». Jacques Gaillot dans Quelle audace pour l’avenir, Le
Monde, 8 août 1997.
2)
rejet de
« il
y a rupture culturelle parce qu’il y a refus de la modernité. Dans la famille
classique, les hommes l’emportent sur les femmes, les parents sur leurs
enfants, les hétérosexuels sur les homosexuels. Dans la famille démocratique,
ces trois inégalités tendent peu à peu à disparaître ». Jacques Gaillot in
Trois question. à Jacques Gaillot, Actualité du mois, octobre 2004.
3)
négation de
définie
comme une des « mythologies des naissances virginales », comme
« un procédé littéraire ». Jacques Gaillot in
4)
négation de
6- Questions au
Cardinal Barbarin ?
Faut il
conclure que, pour M. le Cardinal Barbarin,
des sujets comme la famille, l’homo et hétérosexualité, le divorce, la
théorie des « nouveaux ministères » tout comme la conception
virginale du Christ et la virginité de
Personne
ne détient l’entière vérité ? Certes la vérité entière n’est pas une
chose, un solide qu’on pourrait avoir dans sa poche. Mais elle n’est pas une
abstraction au fond inconnaissable et où tout un chacun pourrait projeter ses
opinions. Elle est une Personne Divine : Jésus-Christ, Verbe Incarné. Et,
en fondant l'Église, il a fait bien mieux que de Lui confier la possession de
la vérité entière, c’est Lui-même, Vérité toute entière et auteur de toute
Vérité, qui parle en Elle lorsqu’elle parle au nom de sa mission divine :
« Tu es Pierre et sur cette pierre JE bâtirai MON Église… Ce que tu auras
lié sur terre, sera lié dans les cieux ».
Il est
surprenant que ce « b-a.ba » de la foi soit pratiquement passé par
pertes et profits sur la colline de Fourvière. Quant à se rabattre sur la
platitude éculé d’une vérité plurimorphe issue des tractations d’un débat, il
suffira de relire le célèbre philosophe Von Hildebrand dans « le cheval
de Troie dans
Tant que le cardinal de Lyon n’aura pas publiquement désavoué les
erreurs de Jacques Gaillot pour lesquels l'Église l’a sanctionné, il subsistera
légitimement un doute chez les fidèles sur le vrai fond de sa position.
Peut on
espérer que s’il ne l’avait déjà compris, il le comprenne plus tard ?
Quant à
la filiation entre Jacques Gaillot et le Père de Foucauld, il serait
souhaitable que l’archevêché de Lyon lève toute ambiguïté en précisant si cela
concerne Charles de Foucauld avant ou après sa conversion.
Héli
Trottincas.