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Un regard sur le monde
politique et religieux
Au 30 mars 2005
N°37
« Mémoire et identité »
On sait que Jean-Paul II
vient de publier, tout récemment, un nouveau livre intitulé :
« Mémoire et identité », aux
éditions « Flammarion ». C’est un livre de réflexions sur le temps
présent. Il cherche à analyser « les racines de ce qui arrive dans le
monde aujourd’hui » (p. 9)
Ce livre reprend les
conversations qu’il eut, en 1993, à
Castel Gondolfo, avec deux de ses amis polonais, les professeurs Josef Tischner
et Krzystof Michalski, fondateurs de l’Institut des sciences humaines à Vienne.
Ils lui proposèrent de « développer une analyse critique, du point vue
aussi bien historique que philosophique, des deux dictatures qui ont marqué le
XXe siècle : le nazisme et le « socialisme réel » « (le
communisme) (p. 10)
Les conversations furent
enregistrées à ce moment. Elles furent aussi transcrites par la suite.
Toutefois, lors de la
rédaction de ce livre, le Saint Père « a estimé opportun d’élargir la
perspective de son discours » tout en gardant le ton familier de la
conversation.
Tel est ce livre.
Nous voulons, ici, dans
plusieurs numéros, en analyser sa pensée, « les bonnes pages ».
« Idéologies du mal ».
C’est le titre du chapitre II
de ce livre de Jean-Paul II.
Il veut répondre aux questions suivantes : « Comment les
idéologies du mal sont-elles nées ?
Quels sont les racines du nazisme et du communisme ? Comment est-on
parvenu à leur chute ?
Ainsi donc, dans ce chapitre
intéressant, le Pape recherche les causes ou mieux les fondements philosophiques de ces
« idéologies du mal », qu’a connues
le monde moderne d’aujourd’hui : le XXe siècle.
1- les « idéologies du mal » au XXe siècle
Mais tout d’abord, il les
nomme puis les décrit. Et là, sans ménagement.
a-Il les nomme
Il s’agit bien sûr, du
« Troisième Reich », il précise qu’il veut parler des
« programmes pervers de l’idéologie national-socialiste » (p.23 ).
Il s’agit aussi du
« parti communiste de l’Union soviétique et des pays soumis à l’idéologie
marxiste » (p. 23).
A la page suivante, il parle
de « l’idéologie marxiste ou nazie ».
Ayant nommé les
« idéologies du mal », il va en décrire certains phénomènes qui leur
sont comme inhérents. C’est important.
b- Il en décrit les phénomènes
Parmi ces phénomènes
terribles, il y a, écrit-il, la
destruction et même l’anéantissement de « groupe d’hommes ». Il
écrit : « Des décisions de ce genre furent prises par exemple sous le
Troisième Reich, par des personnes, qui, étant arrivées au pouvoir par des
voies démocratiques, s’en servirent pour mettre en œuvre les programmes pervers
de l’idéologie national-socialiste qui s’inspirait de présupposés racistes. Des
décisions analogues furent prises par le parti communiste de l’Union soviétique
et des pays soumis à l’idéologie marxiste. C’est dans ce contexte qu’a été
perpétrée l’extermination de Juifs, de même que celle d’autres groupes, comme
par exemple …les paysans d’Ukraine, le clergé orthodoxe et catholique en
Russie, en Biélorussie et au-delà de l’Oural. De manière analogue, les
personnes gênantes pour le régime furent persécutées : par exemple les
anciens combattants de septembre 1939, les soldats de l’Armée nationale en
Pologne après la seconde guerre mondiale, les représentants de l’intelligentzia
qui ne partageaient pas l’idéologie marxiste ou nazie » (p .24)
Le pape indique bien que ces
régimes politiques ne se limitèrent pas
à de simples « éliminations
physiques »., mais aussi ils mirent
en cause le droit même des personnes : « Il s’agissait
normalement d’élimination au sens physique, mais parfois aussi d’élimination au
sens moral : la personne était empêchée d’exercer ses droits, de manière
plus ou moins drastique » » (p.24)
c- Il en cherche les causes.
Mais alors quelles furent les raisons de ces régimes, de ces « idéologies
du mal », des ces conséquences atroces ? Comment les expliquer ?
C’est même la question qu’on
lui pose : « Comment donc les idéologies du mal sont-elles
nées ? Quelles sont les racines du nazisme et du communisme ?
Il répond très clairement.
Il attribue ces déviations,
ces erreurs, ces idéologies tyranniques philosophiquement et politiquement à la philosophie
« cartésienne », et donc à « l’idéalisme » qu’est la pensée
cartésienne. Il écrit : « Pour mieux illustrer un tel phénomène,
il faut remonter à la période antérieure aux Lumières, en particulier à la
révolution de la pensée philosophique opérée par Descartes ». (p. 20)
C’est toujours ce que j’ai
appris.
C’est ce qui
est enseigné par Jean Daujat, dans son livre « La nécessaire conversion »,
que je lisais dans ma jeunesse. Jean Daujat écrit nettement :
« Descartes est comme l’aboutissement et le fruit suprême de tout l’esprit
de
Il
s’explique : « L’orgueil cartésien va poser les principes de
l’idéalisme en mettant en doute le lien
vivant, la solidarité naturelle entre la pensée qui connaît et le réel qu’elle
connaît : pour ne rien devoir qu’à sa propre pensée, Descartes veut que
nous ne connaissions que nos idées - et
c’est l’idéalisme ….qui enferme l’homme
dans ses idées, qui opère la rupture de la pensée et du réel…. Si la pensée
n’est pas dès son premier éveil
suspendue au réel, accueil du réel en elle, elle ne rejoindra jamais le réel,
et elle n’a plus qu’à construire librement son système d’idées sans se soucier
d’aucune vérité absolue qui s’impose à elle : toute la libre pensée est en
germe dans l’idéalisme cartésien dont Kant ne fera que suivre la logique
interne et développer les conséquences normales » » (ib. p. 103-104)
La vérité n’est plus « adaequatio rei et intellectus »
mais bien davantage « confirmitas
mentis et vitae ». Mais alors comment éviter la proposition :
« Veritas non est immutabilis plusquam ipse homo, quippe quae cum ipso,
in ipso et per ipsum evolvitur ». C’est ainsi qu’est pervertie la
notion éternelle de vérité. Dans un tel système, la vérité n’est plus la
conformité du jugement avec le réel extra mental et ses lois immuables, mais la
conformité du jugement avec les exigences de la pensée libre, livrée à
elle-même et avec les exigences de
l’action de la vie humaine qui évolue toujours.
Jacques Maritain, dans
son formidable livre « Les trois réformateurs », affirme,
lui-aussi, l’influence de Descartes sur le monde moderne. Avec Descartes
dit-il « la pensée rompt avec le réel » (p. 112), elle est libre
« à l’égard de l’objet » et il
en conclut : « Liberté à l’égard de l’objet, c’est la mère
nourrice de toutes les libertés modernes, c’est la plus belle conquête du
Progrès, qui nous rend, pour n’être mesuré par rien, également soumis à
n’importe quoi… » (p. 115)
Que de vérités dans cette
phrase !
C’est aussi la
pensée du pape Jean-Paul II.
Il y va par étapes
successives.
« Au cours des années,
dit-il, - surtout de son pontificat pétrinien – s’est forgée en moi la
conviction que les idéologies du mal sont profondément enracinées dans l’histoire
de la pensée philosophique européenne. Je dois ici me référer à certains faits
liés à l’histoire de l’Europe, et de manière particulière à l’histoire de sa
culture dominante ».(p. 19)
Or quelle est cette culture
dominante de l’Europe sinon la philosophie des « Lumières ». Il le
dit clairement à la page 20. L’opposition que le pape constata lors de la
publication de son encyclique « Dominum et vivificantem » sur
l’Esprit Saint, venait, dit-il, de la philosophie des Lumières européennes :
« D’où venait une telle réaction ? Elle provenait des mêmes origines
que celles dont étaient nées, plus de deux cents ans auparavant, les Lumières
européennes ». (p. 20)
Mais il précise davantage sa pensée. La philosophie des
« Lumières » plonge ses racines dans
« Pour mieux illustrer
un tel phénomène, il faut remonter à la période antérieure aux Lumières, en
particulier à la révolution de la pensée philosophique opérée par
Descartes ».
Il la définit :
« Le « cogito, ergo sum » apporta un bouleversement dans
la manière de faire de la philosophie. Dans la période pré-cartesienne, la
philosophie et donc le cogito(je pense)
ou plutôt le cognosco (je connais) étaient subordonnés à l’esse
(être), qui était considéré comme quelque chose de primordial.(NDLR: je ne suis
pas sûr que ce soit la meilleure traduction. Au lieu de
« primordial » , je verrais mieux, ici, « premier ». ) Pour
Descartes, à l’inverse, l’esse apparaissait secondaire, tandis qu’il
considérait le cogito comme primordial. Ainsi, non seulement on opérait
un changement de direction dans la façon de faire de la philosophie, mais on
abandonnait de manière décisive ce que la philosophie avait été jusque-là, en
particulier la philosophie de saint Thomas d’Aquin : la philosophie
de l’esse. Auparavant, tout était interprété dans la perspective de l’esse
et l’on cherchait une explication de tout selon cette perspective. Dieu, comme
Etre pleinement autosuffisant (ens subsistens) était considéré comme le
soutien indispensable pour tout ens non subsitens, pour tout ens
participativum, c’est-à-dire pour tout être créé, et donc aussi pour
l’homme. Le cogito, ergo sum portait en lui la rupture avec cette ligne
de pensée. L’ens cogitans (être pensant) devenait désormais primordial. Après
Descartes la philosophie devient une science de la pure pensée : tout
ce qui est esse - tout autant le
monde créé que le Créateur - se situe
dans le champ du cogito, en tant que contenu de la conscience humaine.
La philosophie s’occupe des êtres en tant que contenus de la conscience, et non
en tant qu’existants en dehors d’elle ». (p. 21)
C’est bien vu.
Jacques Maritain s’exprime de la même manière :
« L’entendement
cartésien revendique indépendance à l’égard de son objet, non seulement à
l’égard des choses comme objet du sens, mais à l’égard des choses comme objet
de science. …Dès lors, l’intelligence humaine devient législatrice en
matière spéculative, elle façonne son objet… c’est l’arbitraire qui s’introduit…Ainsi
pratiquement, l’évidence cartésienne devait substituer à la vérité, mesurée
sur l’être, la facilité rationnelle et la maniabilité des idées…Mon
acte d’appréhension pris comme tel ne saisit que ma pensée, ou une
représentation, une effigie peinte en elle,.. L’idée devient ainsi le seul terme
immédiatement atteint par la pensée, la chose, portrait ou tableau, comme
d’abord elle-même avant de faire connaître autre chose…C’est une véritable
« réification » des idées…la faute originelle de la
philosophie moderne.( NDLR : je pense que Maritain veut dire ici
« chosification » en ce sens que
l’idée devient le propre objet, la « chose » du « cogito »). Elle commande toute la doctrine cartésienne
de la connaissance…sans elle, Descartes philosophe devient
inintelligible ». (p 110-111) Dès
lors, continue, très heureusement Maritain, déduisant une conséquence fondamentale de cette
philosophie : cette philosophie (qui est dénaturation de la raison,
Maritain parle d’ angelisme ») devait nous conduire à revendiquer pour
notre intelligence l’autonomie parfaite et la parfaite immanence,
l’indépendance absolue, « l’aséité » de l’intelligence incréée. »
(p. 113)
L’intelligence humaine se
fait « Dieu ». C’est à proprement parler la tentation
démoniaque : « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Gen
3n5). C’est le péché originel.
Oui ! dit Maritain, « malgré tous les démentis et
toutes les misères d’une expérience déjà suffisamment humiliante, cette
revendication, dont Kant a été le « formulateur » scolastique, mais
dont les origines sont bien plus profondes, reste le principe secret de la
dissolution de notre culture, et du mal dont l’Occident apostat veut mourir. »
(p. 114)
Et, dans cette logique, on
comprend l’analyse du Pape, poursuivant
son exposé sur la philosophie de Descartes : « Dans la logique du Cogito,
ergo sum, Dieu était réduit à un contenu de la conscience humaine ; il
ne pouvait plus être considéré comme Celui qui explique jusqu’au plus profond
le sum humain. Il ne pouvait donc
demeurer comme l’ens subsistens, l’être autosuffisant, comme le
Créateur, Celui qui donne l’existence, ni même Celui qui se donne lui-même dans le mystère de l’Incarnation,
de
Le pape conclut très
heureusement : « L’homme (reste) seul : seul comme créateur
de sa propre histoire et de sa propre civilisation : seul comme celui qui
décide de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, comme celui qui existerait
et agirait - etsi Deus non daretur - même si Dieu n’existait pas. »(p.
23).
Et voilà, alors l’explication
, pour le Pape, du monde moderne et du déploiement formidable des
« idéologies du mal » dans ce monde du XXe siècle:
« Si donc l’homme peut
décider par lui-même, sans Dieu, de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, il
peut aussi disposer qu’un groupe d’hommes soit anéanti. »
Et nous revoilà – mais cette fois avec l’explication
causale - avec les drames commis par le
« Troisième Reich », avec la volonté d’extermination des Juifs,
Et nous revoilà avec les
drames commis par le parti communiste de l’Union soviétique, avec le drame de
l’Ukraine, l’extermination des paysans ukrainiens, l’extermination du clergé
orthodoxe et catholique…ainsi des « anciens combattants de septembre
1939 ».
Combien est tristement vraie
cette démonstration. : l’idéalisme, raison des drames modernes.
Combien sont vraies aussi ces
phrases de Maritain : « Liberté
à l’égard de l’objet, c’est la mère et nourrice de toutes les libertés
modernes, c’est la plus belle conquête du Progrès, qui nous rend, pour
n’être mesurés par rien, également soumis à n’importe quoi ». (Trois
Réformateurs » (p. 115)
« Ainsi la réforme
cartésienne est à l’origine du torrent d’illusions et de fables » du monde moderne. Terribles illusions, terribles
fables que ces « idéologies du mal », fruits de
l’idéalisme !
Mais attention ! Vous n’êtes peut-être plus sensibles à tous
ces drames du XX e siècle…Vous n’êtes, peut-être, plus concernés par ces événements parce
qu’ils sont tous passés, parce qu’ils
sont du passé. Et vous croyez que de telles choses aujourd’hui ne peuvent plus
arriver, que de telles exterminations sont d’un autre âge ?
Détrompez-vous, vous dit le pape, dans un constat réaliste et terrible.
Il y a encore le drame des avortements sans nombres, aujourd’hui commis en
raison d’une loi qui fut voter dans des assemblés parfaitement démocratiques,
comme hier Hitler est venu au pouvoir par la voie démocratique. Il y a
aujourd’hui encore toute une « législation contre-nature » qui
est en train de se préparer dans les assemblées, elles aussi démocratiques.
Voici le passage qui fait
hurler d’indignation :
:
« Parvenus à ce point,
on ne peut omettre d’aborder une question plus que jamais actuelle et
douloureuse. Après la chute des régimes édifiés sur « les idéologies du
mal », dans les pays concernés, les formes d’extermination évoquées
ci-dessus ont en fait cessé. Demeure toutefois l’extermination légales des
êtres humains conçus et non encore nés. Il s’agit encore une fois d’une
extermination décidée par des Parlements élus démocratiquement, dans lesquels
on en appelle au progrès civil des sociétés et de l’humanité entière. D’autres
formes de violation de la loi de Dieu ne manquent pas non plus . Je pense
par exemple aux fortes pressions du parlement européen pour que soient
reconnues les unions homosexuelles comme une forme alternative de famille, à
laquelle reviendrait aussi le droit d’adopter ; on peut et même on doit se
poser la question de savoir s’il ne s’agit pas, ici encore, d’une nouvelle
« idéologie du mal », peut-être plus insidieuse et plus occulte, qui
tente d’exploiter, contre l’homme, contre la famille même, les droits de
l’homme ». (p. 24-25)
Voilà qui est clairement dit.
On ne pourra pas, un jour prochain, dénoncer le silence de la papauté, comme
hier, le soi-disant silence de Pie XII, dans l’affaire du nazisme et de
l’extermination des Juifs. Le pape a parlé. On le lui reproche…
Et bien, dit-il, il faut lui donner
même origine que pour les
exterminations d’hier. A savoir l’idéalisme philosophique , la liberté de la
pensée par rapport au réel. L’homme pense comme il veut, ce qu’il veut et agit
comme il veut « etsi Deux non
daretur. » comme si la « nature humaine n’avait pas ses propres lois
immuables, comme la « nature humaine » elle-même.
Mon interprétation de la
pensée du pape est juste.
Voyez ! il le
répète : « Pourquoi tout cela arrive-t-il ? Quelle est la
racine de ces idéologies de l’après-Lumières ? En définitive, la réponse
est simple : cela arrive parce que Dieu en tant que Créateur a été rejeté,
et du même coup la source de détermination de ce qui est bien et de ce qui est
mal. On a aussi rejeté la notion de ce qui, de manière plus profonde, nous
constitue comme êtres humains, à savoir la notion de « nature humaine »
comme « donné réel », et à sa
place, on a mis un « produit de la pensée » librement formée et
librement modifiable en fonction des circonstances » ? (p. 25)
L’homme se fait
« dieu ». Voilà qui est clairement dit et heureusement dit.
C’est bien encore faire
claire allusion à la « philosophie idéaliste », à « la pensée
cartésienne ».
Et c’est là que l’on peut
comprendre que, pour le pape, ces « idéologies du mal » tant du XXe
siècle que du XXIe siècle, sont, finalement, des manifestations, dans le temps,
du péché originel dont nous parle
C’est précisément cela le
« monde moderne ».
Mais si le pape dénonce le
mal et ses origines, ce n’est pas d’abord pour condamner le monde mais bien
pour indiquer la possibilité de le vaincre. Il écrit : « Le but d’une
telle « dénonciation » (du mal) n’est pas la condamnation du monde.
Si l’Eglise, grâce à l’Esprit Saint, appelle le mal par son nom, elle le fait
seulement dans le but d’indiquer la possibilité de le vaincre » ; (p.
19)
Mais alors comment revenir au
bien, à l’ordre ? Comment fuir ces « idéologie du mal » , de la
mort ? Comment les éviter ?
Comment les « vaincre » ?
Je dirais volontiers que
l’analyse que fait le pape du « mal contemporain », contient la
réponse à cette angoissante question.
Si l’idéalisme est la raison
du mal contemporain, il faut rompre avec cette « rupture
cartésienne ». Il faut d’abord revenir à la « philosophie
pérenne ».
Il écrit : « Si
nous voulons parler de manière sensée du bien et du mal, nous devons revenir à
saint Thomas d’Aquin, c’est-à-dire à la philosophie de l’être ». (p. 25)
Et il ne suffit pas, dit-il,
d’en rester aux études phénoménologiques… Non. Il faut en revenir à la
philosophie de l’être. « On ne peut cependant oublier que toutes ces analyses présupposent
implicitement la réalité de l’être-homme, à savoir qu’il existe un être créé,
et aussi un être absolu. Si l’on ne part pas de tels présupposés
« réalistes », on finit par se mouvoir dans le vide ». (p. 25)
Il existe donc une être
« absolu » - Dieu – qui est la raison de toutes choses. Et toutes choses n’ont leur être, leur raison
d’être qu’en lui. Il est donc l’être premier autour duquel tout doit s’ordonner. Voilà ce qu’on
appelle s’ordonner selon la justice. Le
retour à Dieu est donc, ultime ment, la
voie royale du salut du genre humain enfermé dans son « ego »,
oublieux de Dieu, l’ens subsistens, et de sa loi.
Or Dieu, lui-même a pris
l’initiative de « ce retour », de cette lutte contre le mal et le
péché. Il a lui-même vaincu le mal : c’est le mystère de
l’Incarnation-Rédemptrice, mystère de miséricorde divine. La miséricorde :
tel est, pour le pape, la solution ultime aux
« idéologies du mal », la réponse divine. Il faut se
« plonger » dans ce mystère divin. Dès lors, si le mal est bien finalement
« l’amor sui usque ad contemptum Dei », caractéristique des
« idéologies du mal », on comprend que la seule réponse possible pour
vaincre le mal soit encore celle de saint Augustin : « l’amor Dei usque
ad contemptum sui », amour qui naît, dans un cœur qui contemple le mystère
de
« Et ce sont les justes
dimensions de la miséricorde. En Jésus-Christ, Dieu s’est penché sur l’homme
pour lui tendre la main, pour le relever et pour l’aider à reprendre son chemin
avec une force nouvelle. L’homme n’est pas capable de se remettre debout tout
seul ; il a besoin de l’aide de l’Esprit-Saint. S’il refuse cette aide, il
commet le péché que le Christ a appelé « blasphème contre l’Esprit »,
le déclarant en même temps irrémissible (Mt 12 31). Pourquoi
irrémissible ? parce qu’il exclut en l’homme le désir même du pardon.
L’homme repousse l’amour et la miséricorde de Dieu, parce qu’il se considère qu’il
est en mesure de se suffire à lui-même ».(p. 19)
Et le pape termine cette
pensée, voulant préciser que la miséricorde
est l’ultime remède du monde
moderne : en affirmant « ce mal a été racheté par le Christ, par la croix.
Ou, plus précisément, l’homme a été racheté, lui qui, par l’action du Christ,
est devenu participant de la vie même de Dieu. »
Mais
faut-il encore faire sienne, par la foi et les sacrements reçus, cette
« action du Christ ». Car, nous le savons : « Si nous en
considérons (de
Nous
aurons l’occasion, au cours de ce
commentaire, de préciser la chose.