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 Un regard sur l’actualité politique et religieuse

 Au 5 décembre   2004

 

N°20

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

 

 

Nicolas Sarkozy

Son livre

« la République, les religions, l’espérance ».

 
Jugement

 

 

 

En six chapitres, Nicolas Sarkozy nous présente sa pensée « politique » et sa « praxis » sur un thème principal et unique: la République laïque face aux religions, et principalement face à l’Islam et à l’Eglise catholique. Disons qu’il se « penche »  sur  leur « organisation » et  leur « vie concrète » dans la République française. Il y consacre deux longs chapitres. Le chapitre 2, intitulé : « L’islam et la République ». Ce chapitre fait à lui seule presque tout le livre. Il y a de futurs électeurs à « charmer »….Il va de la page 57 à la page 120. Sur un total de 172 pages. C’est dire ! Là, il se « gargarise », il fait le « beau », il se présente comme un grand stratège, il manifeste sa satisfaction d’avoir réussi à « organiser » l’Islam en France. Les autres pays européens nous  jalouseraient  même de notre succès et « savoir faire », « son » succès et « son » savoir faire.

 

Il consacre  le chapitre 3 à l’Eglise catholique et à notre fameuse « loi de 1905 ». Le centenaire en sera certainement fêté l’an prochain par la République. Le titre de ce chapitre en exprime bien l’objet : « La loi de 1905, obsolète ? ».

 

« Au passage », pourrait-on dire,  il nous donne son avis sur la Constitution européenne et sa non référence à l’Eglise catholique et à son influence en ce domaine. C’est son chapitre 5, un simple coup d’œil. Quatre petites pages, de la page 147 à la page 153. Un petit tour, également sur le phénomène des sectes. C’est le chapitre 4. Puis sur le problème de la religion en matière éducative. C’est le chapitre 6,  de la page 155 à la page 166. Vous arrivez ainsi à la conclusion. De la page 167 à la page 172. Et vous avez fini votre lecture. Mais au début, vous avait lu sa conception de la « laïcité », « laïcité ouverte » bien sûr,  dans son chapitre I.

 

Vous le voyez, le livre est court mais  les sujets, importants. Vraiment des questions de sociétés. Au cœur de notre vie quotidienne. Les réponses sont-elles à la hauteur de l’ importance des questions traitées ?

 

Il s’exprime clairement. Dans son chapitre I, il se laisse même aller à une certaine « convivialité », à une certaine « sincérité » qui n’est pas déplaisante. Et qui a attiré ma sympathie.

 

Il se dit « catholique ». Il n’en a pas la pensée. Il n’en a pas la connaissance, ni la philosophie. La pensée catholique, jamais ne l’anime vraiment dans aucun des sujets importants abordés. C’est une pensée « d’ailleurs ». C’est une pensée puisée au fonds des loges « maçonniques ». C’est clair. Il en a tous les principes, tous les « a priori ». Lisez le discours du Président Chirac recevant les loges à l’occasion du 250è anniversaire de la fondation de la « maçonnerie » en France. Vous retrouvez, là,  tous les grands idéaux maçonniques, ceux qu’exprime Sarkozy dans  ce livre.  Il est sympathique, vous dis-je, quand il parle de l’espérance. Il dit que  tout homme a besoin d’espérance pour vivre mieux et le phénomène religieux y contribue. Mais allez voir ce qu’est, pour lui, l’espérance ?  Quel en est l’objet ? Quel en est la raison ? Vous n’en saurez rien. Pour lui,  le phénomène « religieux », quelle que soit la religion  - elles sont toutes mises sur le pied d’égalité – agnosticisme oblige  - engendre l’espérance. Point. C’est ainsi. C’est très « naturaliste ». Et ce n’est pas certain pour toutes les religions…

 

Nous aborderons dans les semaines qui viennent les différentes idées exprimées. Sa pensée sur la « laïcité », sur l’Islam, sur la « loi de 1905 » et sa modification, sur l’Europe, sur l’éducation. Il se veut un grand homme politique ….

 

Mais aujourd’hui, je voudrais seulement abordé la « conception » qu’il exprime sur  l’islam et opposer principe à principe, idée à idée. Il a une conception fausse sur l’islam. Comme tant d’autres, il veut absolument distinguer l’Islam de l’islamisme. L’un ne serait pas l’autre. Ce serait même par « racisme »  - vous prononcez même le mot qui tue aujourd’hui  -  que vous feriez cet amalgame. Il s’exprime ainsi dès la première page de son livre. C’est son avant-propos.

 

« Au moment où j’écris les dernières lignes de ce livre, deux de nos compatriotes (Christian Chesnot et Georges Malbrunot) ont été enlevés en Irak et sont séquestrés par ceux-là mêmes qui ont assassiné Enzo Baldoni, leur confrère italien. Les victimes de cette prise d’otages ne sont pas seulement ces deux malheureux journalistes et leur guide. Ce sont des millions de musulmans à travers le monde qui souffrent, une fois encore, de l’amalgame suscité par la barbarie de ces criminels. Ce sont des millions de croyants qui se trouvent mis en cause par l’attitude de quelques fanatiques insensés se réclamant d’une foi et d’une espérance qui professent l’inverse de ce qu’ils sont devenus. Ces fous de Dieu n’ont rien à voir avec Lui. Ils sont ivres de haine, de vengeance, de sang, de destruction, de cruautés. Ils détournent un message d’amour et de paix en instrument de guerre ….Le CFCM, représentatif de tous les courants de l’islam de France, atteste d’abord à la face du monde et des preneurs d’otages que l’islam n’a rien à voir avec cela. Il ne peut y avoir de voix plus crédible et plus forte pour dénoncer la confusion mentale des preneurs d’otages, saper la crédibilité de leurs revendications et combattre les amalgames ».

 

Certes toute violence, mais la légitime défense n’est pas une violence…,  est condamnable et doit être dénoncée. D’où qu’elle vienne.

 

Mais vouloir présenter, en opposition, l’islam comme « pacifique », c’est ne rien connaître de la nature de l’islam et de son histoire. 

 

Je vous présente les réflexions de deux auteurs.

 

Les unes, plus politiques : celles de Georges Dillinger.

 

Les autres,  plus philosophiques, plus historiques, plus théologiques, plus éclairantes et convaincantes encore : celles de Gianni Baget Bozzo, professeur de dogme. Il fut ami du cardinal Siri.

 

 

A – la pensée de Georges Dillinger

 

« La double tactique des activistes de l’Islam »

 Il faut connaître la tactique que l’Islam utilise pour pénétrer chez nous. Cet article de Georges Dillinger le fait merveilleusement bien comprendre. Et montre, à contrario, la formidable erreur de Sarkozi

« Etre sourcilleux sur la distinction entre l’islam et l’islamisme ne me paraît pas sérieusement fondé. D’une part, parce que l’islamisme ne foisonne que sur le terreau de l’islam. L’un ne saurait se développer sans l’autre. D’autre part et surtout, parce qu’il y a tous les intermédiaires entre le musulman pratiquant une religion apaisée et insérée dans la société civile et l’islamiste militant sinon combattant, voire terroriste. Pour ne pas avoir à choisir entre deux dénominations et deux concepts séparés par une frontière aussi floue, j’ai choisi de parler ici des activités de l’islam.
Quand Rachid Kaci nous dit que les islamistes ne sont pas mus par une idéologie religieuse mais par une idéologie politique, je prétends que c’est encore de la langue de bois faussement rassurante. Car le mot politique évoque pour les Français un jeu factice et dérisoire, sans idéal, sans conviction, sans projet autre que de s’approprier les avantages matériels d’un pouvoir éphémère. Et le mot évoque aussi ces dirigeants polichinelles aux ordres des médias et des lobbies. Une idéologie politique ne serait rien. Ce qui se cache sous des prétextes religieux, c’est une entreprise combattante, décidée à imposer sa mystique, son fanatisme, son intolérance absolue, ses inégalités insupportables et la détermination d’appliquer à tous ceux qui refuseront la conversion le statut infamant de dhimmis.

L’islam en France, actuellement, sait jouer magistralement d’un double jeu, d’un double langage, d’une double tactique, qui sont d’une efficacité redoutable. Mais de tout temps, pour vaincre des infidèles, la ruse et la duplicité, quand ce n’est pas la  violence, n’ont-elles pas été autorisées, voire légitimées, par la tradition musulmane ? D’un coté, en effet, il y a le discours rassurant tout fait de bonnes intentions et de bons sentiments. De beaux parleurs qui demain se révèleront comme les islamistes les plus fanatiques, savent tenir, la main sur le cœur, le discours le plus édifiant. Et ces plaidoyers jouent sur plusieurs tableaux avec un machiavélisme consommé. En premier lieu, ils se fondent sur le droit sacré de chaque homme d’adorer Dieu, de pratiquer sa religion, de se soumettre à ses commandements. Les Français s’émeuvent-ils de la généralisation de pratiques qui leur sont totalement étrangères ? Ces beaux parleurs font appel à la tolérance, preuve que l’islam n’est plus intolérant. Et ils ajoutent à cela l’appel à la charité et à la compassion. Les émigrés, disen,t-ils, sont souvent malheureux. On les a trop souvent « ghettoïsés ». Ils sont des exclus de notre société. Oserions-nous aggraver ces malheurs en leur retirant le secours de leur religion, en leur en restreignant la pratique ou les comportements qu’elle exige (prétendument)

Et puis, ils jouent même la morale. Tel recteur d’une mosquée prestigieuse nous rappelle que l’islam défend la pudeur, condamne les relations sexuelles hors mariage ou entre individus du même sexe, sanctionne le vol ou le crime, exige le respect de l’autorité. Comment un tel discours ne séduirait-il pas une multitude de Français, effrayés par l’effondrement moral total qui affecte toute la société française, spécialement depuis les évènements de mai 68 et le triomphe de l’idéologie libertaire qui les sous-tendait ?

Un cas est significatif de la pratique magistrale que ces activistes tirent de leur connaissance parfaites des ressorts profonds de notre psychologie. Ainsi,, lorsque la loi qu’a rendu nécessaire le développement du port du voile à l’école en France, était en préparation, on parlait dans les pays musulmans de loi sacrilège. Mais en France, les meneurs parlaient de « loi raciste ». Sacrilège, en rappelant trop le langage du catholicisme de naguère, aurait pu choquer une partie de la population française : ne serait-on pas en présence d’un regain de l’obscurantisme et du pouvoir de nouveaux curés ?  Raciste, au contraire, met tous les torts dans notre camp, et des torts inadmissibles quand on pense à la connotation qu’on a développée sur ce terme. Ah, en vérité, ces beaux parleurs nous connaissent bien !

 Demain l’instrumentalisation de la violence

 Quand l’activiste évoqué ci-dessus reste en principe pacifique et habité de bonnes intentions (religieuse) il peut être considéré naïvement comme peu inquiétant par beaucoup de Français. Mais, en fait, ce n’est là qu’un volet d’une stratégie double qui bénéficiera d’autres concours, plus militants, plus combattants. En fait,, dans cette perspective, l’activisme de l’islam profitera d’une situation qu’il n’a pas créée.
Celle –ci tient à deux faits tristement complémentaires. Il y a d’une part l’importance démesurée du flux allogène et de sa fécondité. Pendant des siècles, la France a eu des capacités d’intégration et d’assimilation remarquables. Mais trop à la fois, c’est trop. En outre, ces capacités prenaient leurs sources dans l’amour que les Français portaient à leur patrie, dans l’attachement qu’ils  avaient à l’égard de leur patrimoine, dans les vertus qu’ils prêtaient à l’école et à l’acquisition des connaissances, dans le respect de la morale – au moins en apparence -, dans la pratique d’une solidarité fraternelle. Mais tout cela a vécu. Une multitude de jeunes, en particulier parmi ceux « issus de l’immigration », rejettent l’école et ils y échouent. Le lycée professionnel risque de se transformer en poubelle et, dans certains d’entre eux, ces jeunes représenteraient 100% des effectifs. Cette « individualisation » d’une communauté se trouve ainsi réalisée de facto ; mais malheureusement par l’échec, le désespoir et la révolte. Comment rêver d’un meilleur corps de combat en gestation pour demain ?

 Bien entendu, ces jeunes ne sont pas tous musulmans, même quand leurs parents  le sont, ni islamistes. Beaucoup sont plus attirés par tous les attraits de la modernité  et du consumérisme que par la prière, le jeûne ou l’aumône. Mais la haine qu’ils nourrissent à l’égard de notre société les rend disponibles pour être embrasés demain par une force qui décidera de se servir d’eux, de leur vacuité spirituelle, de leur jeunesse, de leur désespoir, de leur agressivité.

 En outre, dès maintenant, la présence de bandes qui se livrent à une véritable guérilla sur notre territoire, contribue à développer chez de nombreux français la peur, qui vient ajouter ses effets paralysants à l’aboulie et à la résignation qui affectent tant d’entre eux.

 L’objectif : une nation dans la nation.

 La constitution d’une armée au sein d’une nation non musulmane est l’objectif des islamistes pour assurer le passage de la France du dar-el-harb au dar-el-islam. Or cette possibilité de constitution d’une armée passe par l’existence de citoyens parmi lesquels on puisse recruter des éléments militants. Le passage obligé de l’entreprise conquérante est donc d’extraire de la population française des personnes qui, au delà de la simple pratique d’une religion nouvelle chez nous et étrangère à notre tradition et à notre identité, auront été persuadées de leur individualité profonde et de leur différence radicale et définitive avec le reste de la population . Un des moyens d’exprimer, de claironner cette individualité, cette différence, c’est l’adoption et le port d’un uniforme.

Or le voile est un uniforme même quand il n’est pas la sinistre burka, même quand il n’est que le linge innocent qui drape une gamine charmante. La conscience de faire partie d’une individualité spécifique et l’existence de ces différences radicales sont les objectifs des menées islamistes. Leurs exigences hautement et fortement réclamées de mesures dérogatoires à l’égard des lois de l’Etat se multiplient, et se multiplieront pour cette raison tactique. Et les arguments prétendument religieux, tels le souci de la pudeur, ne sont  que des prétextes d’une efficacité ravageuse.

Quand un nombre croissant de personne vivant en France échappent aux lois  - y compris pénales – imposées jusqu’alors à tous, telles que la sanction de la polygamie, quand on multiplie tous les jours les occasions nouvelles de se soustraire à ces lois, je prétends qu’on ne fait pas du communautarisme ; on laisse se créer une nation dans la nation, un Etat dans l’Etat et, pour demain, un corps de bataille  logé dans une société française qui n’est plus qu’un troupeau désuni et démoralisé.

Une nation musulmane émergente de la nation française, forte d’une armée dont les guerriers seront les guérilleros d’aujourd’hui.

Telles sont les perspectives inéluctables que dessinent la situation actuelle et sa désagrégation constante ».

 

B  - La pensée de Gianni Baget Bozzo.

Je ne donnerai ici que quelques passages de son étude « fulgurante » sur l’Islam. Il l’étudie dans sa nature intrinsèque et tire des conclusions étonnantes. Pour nous, ces réflexions montrent combien nos hommes politiques se trompent sur le phénomène récent de l’immigration et de l’islam. L’étude n’est pas facile. Elle est très cohérente. Si vous êtes pressé….allez tout de suite au paragraphes 14, 15, 18, 20 21, 26, 27, 33. Vous aurez au moins les conséquences que l’auteur  déduit de son analyse du « Dieu du Coran »

En face de l’Islam

 

1 - « Aujourd’hui l’Europe et l’Occident se trouvent face au nouveau phénomène de l’Islamisme politique, commencé en 1979 par la révolution iranienne. L’Occident vit un défi sans avoir su encore y penser. C’est une confrontation qui n’est pas seulement religieuse mais globale: culturelle, civile et politique. Et c’est ainsi qu’elle est vécue dans le monde islamique. Ce livre tente une lecture philosophique du Dieu du Coran pour en extraire les différences avec le Dieu chrétien et avec la tradition culturelle de l’Occident. Il soutient que l’Islam n’est pas une interprétation du Dieu biblique, il n’est pas une hérésie chrétienne, mais une nouvelle religion, non biblique et non païenne. Et il analyse le problème de la vie avec l’Islam, un problème qui n’est plus seulement extérieur mais qui est devenu intérieur aux nations européennes.....

Ce texte est donc un “ Adversus Islam ”, dans le sens classique des “ adversus ” traditionnels qui ne signifient pas “ contre ” mais “ en face ”. C’est la reconnaissance de la différence, qui est la seule voie qui garantie en même temps vérité et liberté...

II … L’Islam a fait la guerre sainte au Christianisme. Les terres qui étaient protagonistes du Christianisme dans les six premiers siècles (l’Asie mineure, l’Afrique) sont devenues terres islamiques. Les terres d’Athanase et de Basile, de Cyprien et d’Augustin, les terres où la grande synthèse du Christianisme avec la Grèce et Rome s’est accomplie, sont devenues terres islamiques. Et durant des siècles, il y eut la possibilité qu’arrive la même chose à l’Europe occidentale. La Sicile et l’Espagne furent difficilement conquises à la Chrétienté. L’Islam a été le pire adversaire que le Christianisme ait rencontré dans l’histoire. L’Islam a été à la fois le mode par lequel les perses, les arabes, les indiens, les malais ont rencontré le Dieu de la Révélation chrétienne, et la force historique qui a détruit l’espace et le temps chrétien et qui a obligé les chrétiens à se défendre avec la force de l’agression violente et oppressive. L’Islam a ce double aspect : d’un côté il affirme adorer le Dieu de la Bible, de l’autre il combat le Christianisme et il le considère une falsification du vrai Dieu. Sont-ce deux aspects inséparables ? Mille quatre cents ans d’histoire disent que oui. En sera-t-il toujours ainsi ? Et pourquoi est-ce ainsi ?

….

III- Le Christianisme que connut Mahomet fut le Christianisme nestorien. Et on voit bien ce qui, du Christianisme nestorien, demeure dans le Coran : la théologie de Jésus dans le Coran est une christologie nestorienne débarrassée de toute doctrine trinitaire. Il n’en reste donc que la lecture de Jésus comme prophète et même comme Messie d’Israël.

Mahomet emprunte donc, depuis le début, le filon d’une hérésie chrétienne qui va dans le sens d’une radicale messianisation de Jésus : c’était, pour Mahomet, la voie pour montrer que le Christianisme ne pouvait pas être universel. Le Christianisme est universel parce qu’il proclame non seulement l’égalité des hommes dans la nature humaine mais la vocation de tous les hommes à la vie divine.

Par rapport au Christianisme, Mahomet suit une stratégie : il nie la divinité du Christ pour nier l’universalité du Christianisme. Cela faisait de lui le premier prophète s’adressant à tous les hommes. On voit quelle conscience avait Mahomet du problème chrétien qui était devant lui : la stratégie originale de Mahomet était une stratégie anti-chrétienne. Mahomet ne pouvait pas être le prophète des seuls arabes : il devait démontrer, contre le Christianisme, que Jésus n’était pas un prophète universel, mais seulement une figure interne à l’histoire d’Israël. C’était la seule façon de faire de l’Islam l’ultime, la suprême, la définitive révélation et, pour cela, universelle. L’économie hébraïque de la Révélation se termine avec Jésus : et elle se termine par un échec. Pour assumer l’universalité du Christianisme, il faut en finir avec le divinité du Christ, avec la divinisation du chrétien, avec l’homme intérieur et avec le monachisme. Il faut réformer dans le sens universel l’Hébraïsme, en enlevant toute notion de Pacte, de lien entre Dieu et le peuple hébreux. Il faut enlever à Jésus la divinité et à Moïse l’alliance. Le Coran est le résultat de ces deux bouleversements : Mahomet fut certainement un génie religieux qui comprit les faiblesses d’un Hébraïsme sans culte et d’un Christianisme qui allait au-delà des stratégies du religieux. Il fallait créer une religion à la fois universelle et mondaine. C’est là toute l’invention du Coran.

….

IX.  Un autre Dieu.

 

Mahomet a certainement créé une religion. Mais cette religion n’est pas la religion de la Bible. Ce qui est caractéristique de la religion biblique, la relation entre la Personne divine et la personne humaine, en est absent. Mahomet a accompli une grand création religieuse qui ne peut être ramenée aux catégories que le Christianisme a proposé à l’Occident. Ni la catégorie de la philosophie, ni celle du dogme, ou de la prophétie, ou de la mystique ne sont applicables au Coran. Car toutes les catégories occidentales d’expérience religieuse suppose la participation de la conscience humaine, la force de la subjectivité, tandis que la récitation coranique l’exclut. La récitation coranique enlève l’intentionnalité de la conscience. Certes, Mahomet a l’intention de se référer au Dieu de la révélation biblique, mais en le réinterprétant totalement. Le Dieu du Coran est une figure de pensée absolument cohérente, et peut être objet d’une pensée systématique, mais c’est justement cette pensée systématique que les musulmans se sont interdite. Non seulement l’Islam a refusé l’historicité du Coran, mais il a aussi refusé la pensée sur Dieu ; c’est-à-dire l’application à Dieu des catégories de la métaphysique grecque. Le Christianisme a accepté que le Dieu de Jésus-Christ soit pensé comme pensée, c’est-à-dire comme objet de la raison et non de la passion religieuse. Pour penser Dieu il faut déterminer une idée de Dieu, et la considérer avec esprit critique par rapport aux autres idées qui servent à l’expliquer et à la définir.

Cela est cohérent avec l’idée chrétienne de la Révélation, où Dieu peut être objet de l’action humaine et donc pensé comme un objet. La théologie chrétienne a Dieu comme objet de pensée. En ce sens c’est une théologie et elle peut accepter la fonction critique de la raison.

On peut se poser les interrogations qui ont pour objet l’idée de Dieu sans pour cela manquer à l’adoration due à Dieu. Cela a rendu possible la raison occidentale, c’est-à-dire l’absence de limites à la raison humaine. La raison originaire de l’Occident n’est pas l’héritière de la philosophie grecque mais de la théologie chrétienne. La science occidentale est née de la théologie chrétienne parce qu’elle a pensé l’esprit sans limites. La science occidentale est le développement de la philosophie occidentale, parce que sa recherche infinie pense l’homme comme intellectuellement sans limites : universellement connaissant d’un cosmos infiniment connaissable. La théologie occidentale est la métaphysique du Dieu des chrétiens et la philosophie occidentale comme telle est la critique de la métaphysique chrétienne.

Dans l’Islam, Dieu ne peut pas être pensé. Il n’existe pas une théologie musulmane qui soit l’analogue musulman de la théologie chrétienne. Le Kalam musulman n’est pas une théologie, c’est une apologétique. Et elle ne l’est pas pour la même raison pour laquelle il n’existe pas une histoire du Coran : parce qu’il n’y a pas de relation entre le Dieu du Coran et l’homme musulman. Rien n’a de consistance devant Dieu ; pour cela il n’est pas possible qu’une pensée et qu’une action humaine constituent une relation de l’homme à Dieu. À part Dieu, ontologiquement, il n’existe pas de sujet qui suppose une consistance de créature et une consistance de créature propre de l’homme intelligent, capable de vouloir et libre. C’est pourquoi il n’existe pas, dans le monde musulman, ce qui, dans le monde chrétien, est l’idée de Dieu. Il y a seulement des attributs de l’action divine. Dieu, en soi, n’est pas pensable ; il n’y a pas ce registre chrétien de l’analogie qui suppose l’être comme se référant soit à Dieu, soit au cosmos et soit à l’homme. Mais même les chrétiens n’ont pas affronté le statut ontologique du Dieu du Coran. Du reste il n’existe pas non plus une apologétique chrétienne “ adversus ” Islam. La plupart des chrétiens pensent que la différence entre les chrétiens et les musulmans est la doctrine trinitaire et christologique et que ce qu’autrefois on appelait la théologie naturelle est la même dans l’Islam et le Christianisme.

On ne se rend pas assez compte, dans la pensée théologique chrétienne, que la doctrine de la Trinité et de l’Incarnation ont établi la forme même de cette métaphysique du Dieu des chrétiens qui est finalement ce que, dans l’organisation de la théologie, on appelait autrefois la théologie naturelle. Le Dieu du Coran n’est pas le Dieu de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament, c’est un autre dieu : Mahomet a fondé une religion qui n’avait jamais existé avant lui.

 

X.    Le Dieu du Coran n’est pas une essence, mais une action.

 

Le Dieu du Coran se manifeste dans le Coran. Il est éminemment un Dieu du livre. Et cela le distingue entièrement du panthéisme, du polythéisme, de toutes les formes dans lesquelles le divin est immanent à la nature. Il en constitue le renversement le plus radical. Beaucoup plus que ce qui est dit de Dieu dans la Bible, qui conserve tant d’aspects de l’immanence de Dieu dans la nature.

Le Dieu biblique s’exprime dans la création. Il n’y a pas de récit de la création dans le Coran, c’est-à-dire qu’il n’y a pas ce “ moment ” où le monde sort de Dieu. Il n’y a pas dans le Coran une genèse du monde comme dans la Genèse. Il n’y a aucune parenté de Dieu avec le monde. C’est justement cette parenté de Dieu avec le cosmos qui a permis au Christianisme de désigner Dieu par le mot Être qui indique le lien ontologique de Dieu avec la nature.

La création n’est pas un thème coranique. Il manque le processus temporel des sept jours. L’origine n’est pas racontée, on peut dire qu’elle est supposée. La fin de la création est dite dans le Coran, mais pas son début. La création n’est pas un élément propre du Coran dans les moments essentiels de l’idée de création : la genèse de l’univers provenant de l’essence de Dieu, la bonté de l’univers comme reflet de la bonté divine, la consistance ontologique de l’univers devant Dieu.

La création de la Bible n’est pas une explication de l’origine de l’univers, c’est bien plus que cela. Créer, dans la Révélation biblique, veut dire comprendre la réalité comme différente de Dieu et comme réelle en elle-même, comprendre une réalité subsistante qui partage l’être avec Dieu. C’est ainsi que le thème de la relation entre Dieu et l’homme se pose comme définition même de Dieu dans le langage des hommes. Cela ne signifie pas que Dieu dépend de la création et de l’homme, mais que la création et l’homme ont été donnés par Dieu en relation avec lui comme ayant un statut ontologique différent du sien. Une telle relation naît du fait même de la création, en tant que position de la réalité divine dans le néant, donnant vie à l’être participé et créé : être comme Être est Dieu, ressemblance d’être dans la diversité des êtres.

Dans le Coran cette thématique est absente car la réalité est elle-même le néant, parce qu’elle n’existe à chaque instant que par l’acte divin. Il ne s’agit pas d’une création, mais de la position continuelle, de la part de Dieu, d’une réalité qui demeure définie par son seul non être. Dieu fait exister à chaque instant une réalité qui n’a jamais d’être par lui-même.

Dans le Coran il n’y a pas l’idée de l’être propre à Dieu et à l’homme, comme elle est exprimée dans la doctrine biblique, par le registre de l’analogie, et développée par la théologie chrétienne. La métaphysique du Dieu du Coran est inexistante parce que l’être n’est pas une dimension commune à Dieu et à l’homme. Parmi les 99 noms divins du Coran, il n’y a pas le nom “ être ”. Certains mots arabes sont traduits par le terme “ existant ”, qui signifie justement autre chose qu’être. L’existence indique l’efficacité de Dieu, mais les noms coraniques ne mettent pas en Dieu le mot être parce que cela indiquerait un terme commun à Dieu et à la réalité du monde, un terme ontologique qui ne regarderait plus l’action de Dieu mais son essence. Le Dieu du Coran n’est pas l’être et il n’est pas une essence. Il est une action.

 

XI.  Une Puissance divine qui s’accomplit dans la soumission des croyants.

 

Le Dieu du Coran n’est pas l’être et n’est pas une essence. Le Coran ne répond pas à la demande : qu’est-ce que Dieu ? Il n’affronte pas le problème de la métaphysique de Dieu parce qu’il n’est pas une Révélation sur Dieu mais seulement une révélation de son action sur le musulman. Toutefois on pourrait étudier métaphysiquement le Dieu du Coran, même si cela ne peut être fait à l’intérieur du Coran et de la tradition islamique.

Puisque la réalité [du monde] est vue, dans le Coran, comme un néant dans lequel Dieu pose l’existence, il n’y a pas de terme commun entre Dieu et l’homme. Quand le langage coranique indique les attributs de Dieu, il ne les applique pas à Dieu même, mais seulement à la manière avec laquelle le croyant musulman perçoit l’action divine. Ils ne disent rien sur Dieu en soi, parce que le langage humain est lui même néant et reçoit sa validité de la seule parole coranique.

Il est vrai que même pour la théologie chrétienne les attributs de Dieu exprimés en langage humain ne disent pas, à proprement parler, la réalité divine ; mais le concept de création, qui confère un être véritable à la réalité, établit une dimension commune entre Dieu et l’homme. Dieu est la vraie cause du monde et, à cause de cela, le monde porte l’empreinte de Dieu. Il est possible, en partant des effets de Dieu, de remonter à ce qui est propre à Dieu, dit en langage humain.

Le Dieu du Coran n’a rien en commun avec l’homme et avec la réalité qui sont néant. C’est pourquoi rien de ce qui est réel et exprimé comme réel dans le langage des hommes peut, à juste titre, être dit de Dieu. Le Dieu du Coran n’est pas une essence et ne peut être exprimé par des mots qui l’indiquent en lui-même. Et pourtant on peut poser la question : “ Qu’est-ce que le Dieu du Coran ? ”, même si on ne peut y répondre dans le langage du Coran.

Le Dieu du Coran ne peut être exprimé métaphysiquement que par le mot : “ Puissance ”, c’est-à-dire un mot qui indique l’action. Mais le mot puissance ne parle que de la nature physique, car les dieux païens aussi sont une puissance qui se manifeste dans les effets naturels.

Le mot plus approprié pourrait être celui de “ Puissance absolue ”, car les dieux païens ont tous une puissance limitée. Cependant même cette expression est impropre car la puissance du Dieu du Coran n’est pas absolue, elle a besoin de l’obéissance du musulman. Le Coran ordonne au musulman des comportements et c’est en eux que se réalise la Puissance divine. La Puissance divine s’accomplit dans la soumission des croyants.

…Le mot le plus exact pour exprimer le Dieu du Coran semble être celui de “ Volonté ”. Mais cette Volonté a pour objet la réalisation de la puissance absolue du Dieu du Coran à travers les musulmans, car la Puissance absolue n’est pas encore réalisée, autrement à quoi servirait le Coran ? La métaphysique du Dieu du Coran pourrait donc être exprimée comme Volonté. Cela explique bien la nature de l’Islam qui s’est réalisé historiquement, mais cela appelle d’autres remarques sur la figure de cette Volonté.

 

XII - le Dieu du Coran

 

Peut-on appeler le Dieu du Coran une Personne ? Les musulmans ne l’appellent jamais ainsi. Personne est un terme ontologique, il suppose la possibilité de définir Dieu autrement que par la reconnaissance de son action. Cela suppose que l’on puisse connaître Dieu au-delà de la définition qu’en donne le Coran. Dans le Coran Dieu semble n’être seulement qu’un commandement, et des commandements précis. Voilà pourquoi le Dieu du Coran est un principe d’action, vis à vis des hommes, et non vis à vis de lui-même. La connaissance comporte un processus d’assimilation du connu au connaissant : c’est pourquoi dans le Christianisme le thème central est la connaissance de Dieu par de l’homme. Dans le Coran, au contraire, la volonté ne comporte aucune assimilation entre Dieu qui commande et le musulman qui se soumet. En réalité, ce qui est connu de Dieu c’est seulement le Coran. Il n’existe aucun passage du Coran à Dieu au-delà du Coran et c’est pourquoi il n’y a pas véritablement une mystique musulmane.

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Le Dieu du Coran n’est pas en soi accessible au langage humain, sinon dans son action. Son action est celle d’une Volonté, mais de là à dire que le Dieu du Coran est une personne, il s’en faut, et de beaucoup

Le manque de réflexion sur la métaphysique du Dieu du Coran a pu faire penser qu’on pouvait lui appliquer toutes les catégories du Dieu des chrétiens. On a, jusqu’à présent, cru que le Dieu du Coran est une modification théologique du Dieu des chrétiens. Mais il n’en est pas ainsi. Il est une modification métaphysique du Dieu des chrétiens.

La différence fondamentale entre les chrétiens et les musulmans est certainement la Trinité, mais elle ne l’est pas seulement à propos du dogme dans sa figure explicite, Trois Personnes en Un seul Dieu, elle l’est aussi dans sa possibilité métaphysique. Le Dieu du Coran n’est pas une essence et n’est pas une personne. Et il ne l’est pas parce qu’il ne révèle de lui-même que sa volonté, mais parce qu’il est seulement son commandement. Il ne peut exister de génération dans le Dieu du Coran parce qu’il n’y a en lui ni identité, ni personne, ni relation. Il n’y a rien de tout ce que connaît le langage métaphysique et dogmatique. C’est la pauvreté métaphysique du Dieu du Coran qui empêche de le définir comme personne et comme essence et donc comme capable d’action en lui-même, envers lui-même.

Il est hors du langage coranique dire que Dieu se pense, ou que Dieu se veut. Le Dieu du Coran n’est pas sujet d’états permanents, il n’est pas être, essence, personne, relation. C’est un Dieu métaphysiquement misérable. Son action est parole, le Dieu du Coran n’a pas d’existence en dehors du Coran. Et son existence est seulement celle d’une volonté sans fondement. La volonté divine est le fondement du Coran, mais le fondement de la volonté divine reste inconnu. Le Dieu du Coran ne révèle pas lui-même, mais son commandement.

 

XIII. Un Dieu qui ne s’aime pas.

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Le Dieu du Coran n’a pas de vie intérieure parce qu’il n’a pas de consistance ontologique. Ce sont deux aspects différents et liés. Avoir consistance ontologique signifie l’accès au registre de l’être et donc à celui du Logos. Il comporte donc la révélation de la demande : “ Qui est Dieu ? ”. Cette demande ne peut exister dans la théologie coranique parce que la lettre du Coran est écran totalement opaque à l’identité de Dieu. Avoir une vie intérieure voudrait dire que Dieu est concevable comme Essence tournée vers elle-même. Ce qui signifie, encore une fois, que son quis est accessible à l’homme. La volonté de Dieu n’est donc pas celle par laquelle Dieu se veut, mais celle par laquelle il veut la soumission du musulman. Les actes réflexifs en Dieu n’existent pas dans le Coran parce qu’il produit seulement des ordres envers les musulmans.

La Volonté de Dieu est donc seulement relative au musulman. Le langage chrétien connaît la pensée de Dieu, la volonté de Dieu, l’amour de Dieu, indépendamment du rapport avec le monde. La distinction entre essence divine et actes ad extra, qui est posée et résolue dans le Christianisme, ne se pose pas dans le Coran parce que seule la Volonté divine existe, et celle-ci n’a pas pour objet Dieu mais le monde. C’est une volonté entièrement relative aux actes du monde.

Le Dieu du Coran est un Dieu qui est au-delà du monde mais dont la réalité consiste seulement à donner des ordres au croyant. Elle se réalise dans le temps, et la soumission au Coran est la réalisation de Dieu. Le musulman transforme la volonté de commandement, qui est Dieu, en volonté voulue, qui est la soumission du musulman. Le musulman réalise Allah dans le monde.

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Voilà bien le paradoxe du Dieu du Coran : au-delà du monde mais entièrement relatif au monde, et au monde dans la forme du musulman.

 

XIV. Le fondement de Dahr el Harb et du Dahr el Islam.

 

Le Dieu du Coran, pure Volonté, est étranger au monde : le monde représente une de ses volitions à laquelle il n’est pas lié. Aucun des concepts éthiques, qui dans la théologie chrétienne peuvent être liés à Dieu, n’ont un écho dans le Dieu du Coran. Le Dieu du Coran n’est pas le Bien. Il n’a pas une nature qui puisse fonder le bien, un logos qui puisse l’exprimer. Le fondement des normes coraniques est le Coran lui-même : elles ne sont pas liées à une loi éternelle qui, dans la tradition chrétienne, unit la divinité au bien. Cette loi éternelle lie la divinité à l’idée du bien comme valeur universelle : l’ontologie est toujours une ontoéthique.

Dans le Dieu du Coran, il n’y a que la volonté de Dieu, une volonté qui s’adresse à ceux qui sont disposés à accepter la soumission au Coran. C’est en eux que la Volonté voulante devient volontés voulues. Ainsi il y a une sélection radicale dans l’humanité : la réalité islamique et la réalité non islamique. Disparaît ainsi le thème d’une référence universelle, représentée par les nations (gentils) dans l’Ancien Testament.

Le Dieu du Coran est une volonté qui se pose comme discrimination entre le musulman et le non-musulman. Enfin, pour le Dieu du Coran, l’humanité non-musulmane est le mal, la mauvaise existence. La Volonté coranique n’est pas le Dieu de l’être, mais la Volonté qui met dans le monde le mal existentiel. Ce qui n’est pas islamique devient existence contre la Volonté créante. Dieu n’annule pas le non-musulman parce que la Volonté voulante ne se réalise comme volontés voulues que chez les musulmans. Ce sont eux qui sont appelés à porter la condamnation coranique au monde non croyant, le monde de la mauvaise existence.

Il n’y a pas de statut ontologique et éthique de la création et de la créature. La réalité non coranique est une réalité qui n’a pas droit à l’existence dans le monde du Dieu du Coran. C’est l’existence qui doit être annulée par les musulmans. Elle n’existe que comme matière pour réaliser la Volonté voulante à travers les volontés voulues.

Il y a donc deux niveau d’existence dans le Coran : ce qui est conforme au Coran, et qui a droit à l’existence ; ce qui n’est pas conforme et qui n’a pas droit à l’existence. Le Dieu du Coran pose comme mal existentiel les réalités qui s’opposent au Coran.

La réalité des créatures est ainsi divisée dans ses existences : la bonne existence coranique et la mauvaise existence non-musulmane. Il y a ici aussi des éléments de ressemblance et de différence avec le Dieu des chrétiens.

Dans le Christianisme aussi il y a deux Règnes. Mais les chrétiens connaissent une économie du salut hors de l’Église et de la foi. Et puis le choix de Dieu est personnel et mystérieux, il regarde non pas le choix extérieur mais l’intérieur. Les deux règnes des chrétiens sont des règnes intérieurs et invisibles. Les deux règnes musulmans sont extérieurs et visibles.

La religion de l’Islam introduit une dimension gnostique, le thème de la mauvaise existence. Elle n’est pas liée à la matérialité de l’existence, comme dans le gnosticisme antique, c’est le Coran qui définit à la fois la bonne et la mauvaise existence. Et il introduit, à la place de l’ascétisme gnostique, l’épée de la guerre sainte contre la mauvaise existence : celle des non-musulmans.

 

XV.  La soumission extérieure du musulman.

 

Le rapport entre le croyant musulman et le Dieu du Coran est analogue à celui entre le Dieu du Coran et le prophétisme de Mahomet. Le croyant hébraïque et le croyant chrétien établissent un rapport avec Dieu parce que Dieu a établi un rapport avec eux. Ils existent devant Dieu.

Le Dieu des chrétiens leur révèle sa vie divine et les y fait participer. Le croyant chrétien se confie en Dieu par Dieu se livre à lui. Cela entraîne un rapport dans lequel le chrétien comme l’hébreux ont des droits face à Dieu.

Le croyant musulman vit sa foi en acte de soumission. Sa soumission est une attitude extérieure que la dimension intérieure de l’homme accepte. L’obéissance chrétienne réside dans une attitude intérieure qui entraîne l’extérieure. La soumission islamique est celle d’une religion extérieure qui comporte aussi une attitude intérieure. Le chrétien comme homme intérieur est libre devant Dieu ; le musulman est devant le Dieu du Coran comme un soumis. L’intériorisation islamique est l’intériorisation de la soumission. C’est ce qui fonde la force religieuse de l’Islam : l’adoration.

L’adoration, à cause de sa limitation, confère une forte identité sociale, en éliminant les problèmes de conscience. L’homme musulman n’est pas l’homme intérieur de la conscience chrétienne, c’est l’homme que Dieu n’interroge pas et qui n’interroge pas Dieu. Face à Allah, le musulman supprime sa subjectivité, et donc sa pensée. L’objectivité du Dieu du Coran devient le contenu de la conscience du musulman. La conscience, dans le sens chrétien et occidental du mot, la conscience personnelle n’existe pas. Le Dieu du Coran est le principe d’une société universelle en contraposition à toutes les autres. Le précepte, étant extérieur et se positionnant comme alternative à tous les autres, préfigure une société combattante.

Le principe du combat est secondaire chez le chrétien, même si les chrétiens ont beaucoup combattu et se sont beaucoup combattus. Le principe du combat est essentiel à l’Islam ; le musulman ne peut se concevoir que comme membre de la religion du Dieu unique [du Coran] qui combat pour son unicité dans le monde. Le monde musulman a manifesté sa figure combattante de diverses manières dans l’histoire ; mais il est, par principe, une société combattante. Si cela ne s’est pas toujours actualisé, cela est dû à des situations historiques qui en limitaient la possibilité, mais le principe coranique est l’extension de l’assujettissement du monde entier à l’Islam et l’anéantissement de ce qui s’oppose au Dieu

du Coran. Le principe du combat réside dans le totalitarisme sotériologique du Coran et il est aggravé par le fait que le Dieu du Coran ne reconnaît pas à l’homme un statut ontologique. Il ne demande pas le libre consentement à la soumission, il ne s’expose pas à la liberté, mais il demande juste la soumission comme événement extérieur. L’Islam ne connaît pas l’intériorité humaine : ce n’est pas l’acte intérieur de la foi qui est demandé, mais bien l’acte extérieur de la soumission. L’Islam ne connaît point la distinction chrétienne entre acte intérieur et acte extérieur. La sotériologie coranique ne laisse aucun place à la liberté, elle exige la soumission. La soumission du musulman est extérieure par rapport au Dieu du Coran, comme extérieure est la position de Mahomet, simple scribe du Coran.

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XVIII.   L’eschatologie du Coran.

 

L’Islam n’a pas de doctrine politique. Le manque d’ontologie du Dieu du Coran et le manque d’ontologie de la création, ont comme conséquence le manque d’une doctrine de la société politique. On peut dire que l’Islam est une société antipolitique, c’est-à-dire qu’elle se construit contre toute vision structurée idéale d’un ordre social. L’idée d’une société guidée uniquement par des règles de droit privé est une utopie politique. C’est pourquoi la vision d’un Islam politique qui complèterait l’Islam est si fascinant aujourd’hui.

Il n’y a pas de règles structurantes d’un pouvoir politique. L’unique idée de légitimité politique est celle de la succession physique à Mahomet : c’est-à-dire une solution impossible, qui a pour unique conséquence des guerres civiles visant à déterminer la succession califale. La Umma islamique est donc une norme idéale qui délégitime constamment les pouvoirs politiques existants, en les transformant en simples pouvoirs de fait, mais incapables de fonder une politique.

La Umma islamique est cependant capable de former une extraordinaire communion de masse, parce qu’elle est fondée sur une Volonté transcendante qui crée un lien entre ses membres. Il y a un élément transcendant qui unit l’Islam, mais c’est un Commandement et une lutte. La Volonté voulante définit un ennemi : l’infidèle. La Volonté voulante, qui est entièrement intramondaine, se propose donc un devoir précis temporel et mondain : celui de détruire l’infidèle.

L’infidélité, c’est l’infidélité du non-musulman ou du mauvais musulman au Kitab, le livre divin dont dérive le Coran. Qui résiste au Coran, résiste au Dieu qui est la source de l’existence ; c’est pourquoi il n’a pas droit à l’existence. Tout droit à l’existence se fonde sur le Coran, sur le livre divin. La vie a un statut coranique. Ainsi, la Volonté voulante devient une volonté de négation de la réalité présente dans le monde où existent les infidèles au Coran. Le Dieu du Coran laisse exister l’infidèle uniquement pour qu’il soit converti ou anéantit par le fidèle islamique. Voilà le Jihad islamique. Il s’agit de rendre à Dieu la réalité humaine en convertissant le monde infidèle, le monde qui n’est pas écrit dans le Kitab. Le monde non croyant n’a pas droit à l’existence, il l’a seulement pour choisir la conversion ou la destruction par l’Islam. L’unité de la Volonté voulante est une unité dans la Volonté de changement radical de la condition humaine dans la réalisation du Kitab. Le monde existe pour être consumé dans la puissance eschatologique. Le vrai moment déterminant du Dieu du Coran c’est qu’il est un Dieu de la fin. Seulement dans la fin se réalise le Kitab, s’accomplit le Coran.

L’eschatologie est le mot suprême du Coran. Le monde existe pour sa fin. Le monde existe seulement pour que les fidèles le consument en consumant les infidèles. Ce qui arrive dans l’histoire est son processus eschatologique. La création n’est pas l’intention originaire du Dieu du Coran parce qu’il n’est pas un Dieu métaphysique, c’est un Dieu qui n’est pas l’Être, mais uniquement le Vouloir. Et le Vouloir voulant du Dieu du Coran n’est pas ce monde, mais le monde dans lequel il n’existe rien d’autre que le Dieu du Coran, le Dieu devenu Volonté voulue à travers l’obéissance des musulmans.

La Bible est le livre de la création et de l’accomplissement de la création en Dieu. Le Coran est la position de ce monde comme objet, non pas du Salut, mais du Jugement divin duquel seuls les croyants sont sauvés. Tandis que la création chrétienne sort de Dieu et y retourne, pour le Coran, la réalité reste devant Dieu un simple objet passant de sa Volonté de colère à celle de bienveillance. Elle ne participe jamais, comme la création chrétienne, à l’intimité de l’être divin, mais elle reste toujours l’objet de sa volonté, elle lui reste étrangère comme le voulu à la Volonté.

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XX.  L’Islam, hérésie gnostique, zoroastrienne et manichéenne.

 

Le Dieu du Coran est un Dieu eschatologique et l’histoire musulmane est une doctrine de la fin du monde.

L’action extérieure que l’Islam est une destruction du monde faux, du monde de l’infidélité, le monde qui, à l’origine, a dit “ non ” au Dieu du Coran, qui a nié l’obéissance au principe de l’existence. C’est ce monde qui doit être consumé, le monde de l’infidélité, parce que seul le Dieu du Coran existe, et ce qui existe, existe seulement parce que le Dieu du Coran le fait exister. Existence sans essence, les non croyants non pas de droits dans un monde où même l’obéissance ne confère aucun droit. Le Dieu du Coran ne se lie pas par un pacte avec les croyants islamiques, car il est pure volonté et la Volonté n’est liée que par elle-même, non par ses volitions. La Volonté coranique est existence et fait exister, elle n’est pas essence et ne fait pas être. C’est pourquoi même le musulman n’a aucun droit à la résurrection. Il n’existe aucun droit devant Dieu parce la Volonté est Volonté, sans essence, et sans la stabilité de l’Être.

Le Dieu du Coran est le principe d’annulation [et donc d’anéantissement] de ce monde qui a choisi de ne pas reconnaître en Allah le principe de l’existence : et il a construit dans son infidélité l’essence du mal.

L’histoire de ce monde est la consumation du mal eschatologique, l’infidélité. On comprend mieux ainsi le matériel non biblique et non chrétien qui constitue le Coran. On trouve la trace de l’antique gnosticisme, qui se veut être, lui aussi, une interprétation du Christianisme.

Le gnosticisme antique est essentiellement, lui aussi, une eschatologie qui a pour objet la destruction de ce monde, la destruction de la création, et l’émergence d’un ordre immatériel qui n’est plus une création, mais l’identité pure du principe avec lui-même.

On retrouve le même thème dans le manichéisme, dans lequel l’histoire coïncide avec la lutte du bien contre le mal et donc encore une eschatologie. Gnosticisme et manichéisme ont en commun la négation du principe fondamental de la Révélation biblique : la bonté de la Création. C’est d’ailleurs pourquoi ils sont tous les deux, fondamentalement, une eschatologie. L’Islam reprend la conception méontologique du réel compris comme construit par l’infidélité au Dieu du Coran, principe de l’existence. Comme dans le gnosticisme et le manichéisme, il y a des élus qui n’appartiennent plus à l’ordre mauvais de la création, mais qui sont en syntonie avec le principe de l’existence. Ce qui se réalise par l’Islam, dans les musulmans qui sont en correspondance, non pas avec l’actuel ordre de la création, mais avec celui du Livre divin, le livre de l’eschatologie et de la résurrection. L’Islam a pu construire un pont entre le Christianisme et la Gnose du monde antique qui imprégnait particulièrement l’empire Perse avec le zoroastrisme. Il a pu franchir la frontière qui séparait l’empire de Rome de l’empire Perse.

L’Islam est une nouvelle grande création religieuse. Mahomet est, sans doute, un “ génie ” religieux parmi les plus grands de l’humanité. Mais du point de vue biblique, il ne peut être appelé un prophète. Pour le Christianisme, l’Islam ne peut être qu’une fausse religion. Mahomet est un faussaire génial qui a réalisé une synthèse religieuse entre l’hébraïsme, le gnosticisme et  le Christianisme : il a réuni en une forme nouvelle les grandes religions universelles qui étaient apparues autour du bassin méditerranéen. Il a pris d’Israël le monothéisme, du gnosticisme l’eschatologie et le dualisme zoroastrien, et du Christianisme l’universalisme. Il a saisi l’hérésie manichéenne, il a pris la réalité la plus forte de chacune des trois religions. Il a réussi à retrouver la négation de Marcion dans l’Ancien Testament sans perdre le monothéisme. Il a déformé […] la tension qui existe, dans le Christianisme, entre la création et l’eschatologie, entre le “ déjà ” et le “ pas encore ”. Il a su prendre du gnosticisme, et donc du manichéisme, la distinction entre les “ pneumatiques ” et les “ psychiques ”, devenue “ musulmans ” et “ non-musulmans ”. Il a transformé une ethnie, les arabes, en un porteur d’un message universel, en copiant partiellement le rapport entre Yahvé et Israël. Il synthétisé le ferment religieux du monde méditerranéen. La Chrétienté a été sauvée du fait que les barbares, Francs, Germains et Slaves n’appartenaient pas au monde méditerranéen. L’héritage gréco-romain, même véhiculé par l’Islam, a été sauvé par le Christianisme des barbares.

 

XXI.  L’Islam, adversaire du Christianisme.

 

L’Islam a été l’adversaire décisif du Christianisme, et sa lutte contre le Christianisme a été un grand succès. C’est finalement l’Islam qui a créé la différence entre l’Orient et l’Occident. S’il n’y avait pas eu l’Islam, le Christianisme, malgré ses limites de religion de l’Empire romain, aurait pu sortir de ses limites méditerranéennes. C’est l’Islam qui a enfermé le Christianisme dans ses limites spatio-temporelles et en a fait l’Occident.

L’Islam a réussi à rompre l’hégémonie de la synthèse entre le Christianisme et l’héritage gréco-romain dans le monde méditerranéen. Et il y a réussi parce que l’héritage hellénique était déjà défié par le génie gnostique manichéen. Le plus grand philosophe qui ait vécu et écrit à Rome, Plotin, comprit le défi gnostique : combattre le Christianisme qui soutint la principale lutte contre le gnosticisme au profit de l’hellénisme. L’Islam, qui est l’héritier du gnosticisme antique, reprend à son compte la doctrine de la “ mauvaise essence ” dans la doctrine de la “ mauvaise existence ”, celle de l’infidèle.

L’Islam a repris et exprimé tout ce qui se mouvait, autour du bassin méditerranéen, en dehors de l’hellénisme et de la romanité. Il instaura, entre l’Orient, l’Inde, la Chine, et le Christianisme, une religion qui n’était plus païenne parce qu’imprégnée d’hébraïsme et de christianisme. La grande nouveauté, qui distingue l’Islam du manichéisme et du gnosticisme, c’est qu’il n’est pas une simple méontologie de la matière, mais qu’il est une méontologie de l’histoire, et plus concrètement de l’histoire chrétienne. L’Islam a assumé la race arabe dans sa radicale ethnicité naturelle et a fait d’elle le véritable argument méontologique terrestre : la destruction de l’humanité non islamique. Pour lui, le mal ontologique existe, et ce n’est plus la matière, comme pour les gnostiques, c’est l’infidélité à la Volonté voulante, au Dieu du Coran. La méontologie est l’infidélité au Dieu du Coran.

La méontologie devenant politique et terrestre, son arme ne pouvait être que l’épée, c’est-à-dire la destruction des infidèles. En faisant des croyants une communauté unie que par son combat pour la réalisation de la Volonté voulante, Mahomet créait une entité politique entièrement nouvelle et adaptée au combat contre les infidèles, puisque la définition méontologique de la réalité comme “ non être ” et “ mauvais être ” ne peut être mise à l’œuvre que dans l’infidélité. La guerre sainte devient à la fois l’eschatologie et la politique de l’Islam. Les deux coïncident.

L’Islam constituait, pour la première fois, une religion universelle comme une grande armée. Le monde chrétien fut agressé et en grande partie soumis. Les grandes Églises qui furent les témoins du Christianisme des premiers siècles, n’existent pratiquement plus comme cités chrétiennes, Carthage, Hippone, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, Nicée, Césarée, Éphèse, Constantinople. Et seuls les Germains et les Slaves, peuples barbares, étrangers à la grande culture méditerranéenne, qui acceptèrent le Christianisme à travers leur religion païenne, résistèrent à l’Islam. La résistance eut lieu avec la foi et les armes. L’Islam des premiers siècles chercha même à accaparer l’héritage grec qu’il repoussa au bout de cinq siècles en abandonnant Avicenne et Averroès. L’Occident reçut la philosophie grecque des arabes, justement quand les musulmans l’abandonnèrent. La résistance chrétienne occidentale fut armée et désarmée, fut un fait personnel et spirituel. Elle ne fut pas accomplit au nom de l’empire romain, comme à Byzance, mais au nom de la nue foi chrétienne. Les chrétiens occidentaux comprirent comme action de salut des âmes les luttes entreprises pour la défense du corps historique de la Chrétienté

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XXVI.         L’Islam, l’Adversaire par excellence du Christianisme.

 

L’Islam est en conflit essentiel avec le Christianisme. On ne peut penser à l’Islam sans penser au Christianisme comme à son adversaire originaire. Les religions païennes ont combattu le Christianisme, mais aucune d’entre elle n’est apparue en fonction de la lutte au Christianisme. L’Islam le fait parce qu’il s’approprie la prétention qu’a le Christianisme d’être une religion universelle. Le paganisme ne l’a jamais fait ; il s’est toujours défini comme la religion d’une société. Il n’y a pas de place dans le monde pour deux religions universelles. D’où le conflit.

L’histoire prouve que non seulement l’Islam se conçoit comme guerre au Christianisme, mais qu’il s’est révélé l’adversaire historique définitif, l’Adversaire par excellence. Quelque fois il s’est même présenté comme une hérésie chrétienne, comme un conflit interne au Christianisme.

J’ai moi-même cru longtemps que l’Islam était, en quelque manière, interne au Christianisme ; qu’on pouvait lui appliquer les catégories chrétiennes, comme celle de la prophétie, et d’une certaine manière celle de la mystique. C’est la grande influence de Massignon sur la culture catholique française et italienne et sur la lecture de Al-Hallaj qui a déterminé la conception d’une toile de fond commune au Christianisme et à l’Islam.

L’étude de la métaphysique du Dieu du Coran m’a montré que on ne peut, d’aucune façon, confondre le Dieu du Coran et le Dieu de la Bible, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament. Le Dieu du Coran porte en lui l’empreinte du Dieu gnostique pour lequel le monde est une réalité mauvaise, et dans lequel existe donc une définition d’un ennemi essentiel : la matière dans le gnosticisme, l’infidèle dans l’Islam. Les emprunts de l’Islam à la tradition biblique, spécialement à l’hébraïque, sont de la même nature que ceux faits par le gnosticisme au Christianisme. Tant l’un que l’autre nient la continuité de la Révélation : l’Islam supprime toutes les économies bibliques pré-islamiques, le gnosticisme supprime tout l’Ancien Testament. Ils se posent tous les deux comme détenteurs exclusifs de la Révélation qui les a précédés.

Tant dans le gnosticisme que dans l’Islam, la doctrine de la création est supplantée par l’eschatologie et de la fracture totale entre la création et eschatologie. L’Islam est saprophyte du Christianisme et, justement, parce qu’il en incorpore, dans son ensemble gnostique et eschatologique, tant d’éléments, il tend à se s’imposer, tout comme le gnosticisme, comme totalement substitutif du Christianisme. La puissance de l’Islam, dans son face à face avec le Christianisme, s’est pleinement révélé dans l’histoire, et non seulement comme puissance militaire. Car la puissance militaire est une conséquence de son eschatologie sans création dans laquelle la vie humaine ne compte plus.

L’Islam est donc une nouvelle religion, mais une religion essentiellement anti-chrétienne, intentionnellement alternative au Christianisme parce qu’il l’imite tant. Ce [La réalité monstrueuse] qui est appelé Dieu dans le Coran n’est pas le Dieu de la Bible ; comme le Christ gnostique des gnostiques n’est pas Jésus-Christ. Qu’est-ce qui manque au Dieu de Mahomet et l’oppose essentiellement au Dieu de la Bible, au Dieu de Jésus-Christ ? Il lui manque l’humanité de Dieu, il lui manque la philanthropie divine. Le Dieu du Coran ne se lie pas aux hommes, il ne les aime pas, il ne demande pas leur amour mais uniquement leur obéissance.

 

XXVII.   La fin de l’Islam : détruire.

 

L’Islam introduit le néant dans la religion, le néant comme toile de fond de la réalité. Le néant fait partie du langage chrétien, il exprime la transcendance de Dieu sur la monde, mais la théologie chrétienne a toujours affirmé que Dieu est l’être ; et elle se sert du néant comme la flèche de la transcendance de Dieu sur la création. Le néant chrétien est la relation entre l’Être divin et l’être des créatures.

L’Islam nie l’être à ce qui n’est pas Dieu, il en fait le “ rien ”. Le bouddhisme aussi fait du néant une pratique ascétique (comme le Christianisme), il en fait la base d’une expérience mystique. La métaphysique du Dieu du Coran voit le néant comme l’être des choses. Dans le panthéisme, le divin est toute chose. Dans l’Islam il n’y a rien, non parce que Dieu est, comme dans le Christianisme, mais parce que aucune chose n’est.

C’est pourquoi la lutte mortelle est la pratique religieuse fondamentale de l’Islam ; et elle est une pratique collective comme toutes les pratiques islamiques. Voilà la force essentielle de l’Islam : la puissance anéantissante. Précisément parce que le néant du réel est la forme de l’Islam.

L’histoire montre que l’Islam est une religion alternative au Christianisme et que sa fin ne peut pas être autre chose que détruire. Mais ce n’est pas une fin stratégique, c’est-à-dire objet d’un dessein politique, c’est l’essence de l’Islam depuis qu’est “ descendu ” la parole du Dieu du Coran. Il se fonde sur la métaphysique du Dieu du Coran, sur son identité idéale et sur la forme historique qui en découle. L’histoire des rapports entre l’Islam et le Christianisme est là pour le confirmer. Naturellement cela ne veut pas dire que les individus ou la réalité globale du monde musulman soient réductibles à l’idée coranique, mais il est certain qu’il n’est pas possible de ne pas en tenir compte pour tout discours qui, en quelque façon, ait pour objet la réalité dominante de l’Islam, en quelque partie du temps ou de l’espace qu’elle ait été située ou qu’elle se situe. »

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XXXIII.    La perte d’identité chrétienne et la peur des représailles.

 

 

La composante antichrétienne est devenue à elle seule un motif de légitimité. C’est le cas des Talibans en Afghanistan qui ont établi la peine de mort pour qui se convertit au Christianisme. C’est aussi le cas de la guerre islamique contre les chrétiens dans les îles Moluques qui a lieu après l’attaque antichrétien à Timor Est ; comme encore dans les états du nord du Nigeria qui proclament la Charia, ou encore comme les musulmans de Mindanao dans les Philippines.

La dimension antichrétienne est originaire dans l’Islam. Le Dieu du Coran est une alternative au Dieu chrétien conçu comme tel. La lutte contre le Christianisme par la violence et l’oppression est dans l’essence de l’Islam, ce n’en est pas une dimension accidentelle. L’Islam se justifie dans cette perspective.

Le monothéisme du Coran n’est pas la réplique du monothéisme chrétien, mais la négation de celui-ci. Quand le musulman dit qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, il entend nier directement le Dieu de la Bible. C’est pour lui une déclaration de guerre. Cet élément arrive désormais en pleine lumière dans tous les pays où les chrétiens vivent ensemble avec les musulmans.

Cet élément est donc toujours un élément de légitimation politique. Ceci arrive aussi quand les gouvernements sont philo-occidentaux par principe, comme pour le Pakistan, l’État qui a rendu possible et soutient la prise de pouvoir des Talibans à Kaboul. La guerre contre les chrétiens qui existe au Pakistan est un motif de légitimation du caractère islamique du régime. Partout, les régimes arabes se légitiment en permettant la lutte contre les chrétiens.

Aujourd’hui la pression islamique sur les Églises chrétiennes du Proche-Orient est telle que les chrétiens abandonnent ces terres pour partir en Occident. C’est ainsi qu’est née au Proche-Orient la perspective d’une terre compacte d’Islam, sans chrétiens, qui n’avait jamais existé avant avec les précédents régimes arabes ou turcs. Depuis les vingt dernières années, la pression et la guerre contre les chrétiens ont augmenté. Les pouvoirs politiques des pays musulmans se légitiment au yeux du peuple musulman en opprimant les minorités chrétiennes. Il y a un approfondissement de l’essence antichrétienne de l’Islam qui ne trouve devant lui aucune opposition. Le silence de l’Église et de toutes les communautés chrétiennes se justifie toujours par la peur des représailles de la part de l’Islam. Malgré les proclamations officielles catholiques, l’oppression musulmane sur les Églises d’Orient est passée sous silence.

Mais cet approfondissement trouve aussi sa racine dans la perte d’identité catholique des peuples de tradition chrétienne en Europe. Les Églises et l’Église catholique elle-même ont abandonné d’un coup les mémoires des siècles passés qui, au contraire, furent la gloire de la Chrétienté et du Catholicisme. À l’augmentation de la puissance de l’identité islamique correspond une perte presque totale de l’identité catholique et de l’identité chrétienne face à l’Islam. »