Le 15e Dimanche après la
Pentecôte.
L’idée essentielle de la messe du 15e dimanche
après la Pentecôte porte sur la faiblesse de l’homme et sur la toute puissance
divine. Ces deux idées unies dans l’âme sont comme les pilliers, les
fondements, les composantes, les objets de toute prière vraie. Elles nourissent
nécessairement toute prière qui sort du cœur humain.
Et c’est la très belle prière de Notre Dame : le
Magnificat…
Et c’est la très belle prière du chant de
l’introït : « Inclina, Domine, aurem tuam ad me et exaudi
me » « Seigneur, penchez votre oreille vers moi et écoutez moi,
exaucez moi. Mon Dieu, sauvez votre serviteur, servum tuum, sperantem in te,
parce qu’il espère en vous. Miserere mihi Domine. Ayez pitié de moi, Seigneur. Ad te clamavi
tota die. Tout le
jour, j’ai crié vers toi » Belle prière
qui émane d’un cœur humble qui se tourne vers la toute puissance du
Seigneur, le « Dominus ». C’est la prière humaine, la seule prière
que l’homme, en toute vérité, peut faire monter vers Dieu.
Voyez. C’est la prière de notre Dame dans son Magnificat.
Elle exalte, précisément, la toute puissancede Dieu, celle
qu’Il a exercé, manifesté dans l’histoire d’Israël, ainsi que la bassesse de sa
servante. L’idée de toute puissance est parfaitement soutenue dans le chant de
Notre Dame : « Parce qu’Il a fait en moi de grandes choses, celui qui
est puissant. Il a déployé la force de son bras, Il a dissipé le fort, celui
qui se croit tel. Il a renversé le trone des potentats ». Toutes ces belles phrases expriment bien la puissance de Dieu. L’idée
de crainte est aussi exprimée dans ce chant. Dans cette expression : «..sur ceux qui le crègnent ».. La toute puissance fonde
la crainte du cœur humain, mais aussi l’espérance : « Je sais en
qui j’ai mis ma confiance », dira un jour Saint Paul. Et Marie chantera
également la miséricorde du Seigneur : « Sa miséricorde s’étend d’âge
en âge sur ceux qui le crègnent. L’idée de miséricorde est encore exprimée dans
cette phrase : « Il a pris soin d’Israël son serviteur se ressouvenant
de sa miséricorde ». Ou encore : « Il a jeté les yeux sur
la bassesse de sa servante ».
Belle prière du cœur humain.
Belle prière humble.
Elle doit être notre prière.
Et c’est ainsi que l’Eglise, dans cette messe du 15e
dimanche après la Pentecôte, nous montre finalement qu’elle doit être notre
prière, sur quelles considérations elle doit porter. Quels en doivent être les
objets. Elle nous donne, de plus, des exemples de prière, dans le chant de
l’Introït, dans le chant du Graduel,de l’Alleluia, dans le chant de l’Offertoire.
Des modêles de prières qui doivent nécessairement naître de
tout cœur humain, parce que tout cœur humain est misérable et que Dieu est
Dieu, le Tout Puissant. Le Miséricordieux. Le Compatissant. Celui qui fonde et
ma crainte et mon espérance.
Développons ces quelques idées.
A)-Et d’abord la misère de l’homme et la Toute puissance de
Dieu.
L’Evanghile de Saint Luc l’affirme et même l’illustre.
Voyez la scène merveilleuse, émouvante.
A Naîm, sort de la ville, « de la porte de la
ville », un cortège funèbre. « Ecce defunctus efferabatur ».
Voici qu’on emportait un mort. Ce mort était un fils unique. Et sa mère était
veuve. Defunctus. Ce mot vient du verbe « defungi » : Qui en a
terminé avec la vie. Cette remarque montre la petitesse de l’homme, sa
fragilité, sa dépendance, sa servitude. Il est celui qui n’a pas l’être en
lui-même. Qui la reçoit. Il reçoit l’existence. Il peut la perdre. Et de fait,
il la perd. Il est mortel. Il n’a pas en lui-même sa raison d’être. Il n’est
pas au principe de son être. Il est un être « contingent ». Il n’est
pas nécesaire, comme l’être divin qui est « par soi ». Qui est
premier. Qui est nécessairement, sans quoi rien ne serait. Qui est la raison
essentielle de tout être. L’homme est contingent. Il peut être ou ne pas être.
Il vient à l’existence. Il sort de l’existence. Il est « defunctus ».
S’il est , il peut enrichir le monde, de sa sagesse.
Et lorsqu’il n’est plus, le monde tourne toujours. Il n’est pas vraiment nécessaire. IL est dépendant.
Dépendant dans l’existence d’un autre qui, lui, ontologiquement, est
necessaire : Dieu
Et Saint Paul aux Galates le confirme : « Si quis
existimat se aliquid esse cum nihil sit, ipse se seducit ». Si quelqu’un
s’estime être quelque chose, alors qu’il n’est rien, il se trompe ».
« Seducere ». Ce verbe veut dire : « se mettre à
l’écard, se soustraire à, dérober à »
Il se trompe, mieux : « il se met à l’écard, en dehors de la
vérité. Il se soustrait à la vérité. Il se dérobe au vrai.
Oui, vraiment l’homme n’est rien. Un souffle. Un instant.
Peu de chose. Il n’est rein dans l’ordre de l’être.
Mais alors que dire
dans l’ordre moral ? L’homme est faiblesse, fragile, changeant, pécheur.
Il peut tomber. Il est tombé. Il
tombera. Une girouette, au gré des vents, des passions, des
circonstances. Instable. O Combien !
Telle est la réalité humaine.
Mais combien Dieu est puissant. C’est l’être nécessaire. Le
principe premier et nécessaire de tout être. Il est le créateur de toute chose.
De rien, tout a été fait. « Ex nihilo ». Non que de rien tout
fut fait. Le rien n’est
rien. Mais rien n’était, avant que le monde fût. C’est l’affirmation de
Saint Jean : « Par Lui (le Verbe) tout a été fait ».
Celui-ci, la Toute Puissance, s’avance vers Naïm. Un mort
est conduit en terre. Situation désolante. Mais qui plus est, une fils unique,
« filius unicus », de sa mère. Mais plus encore, cette mère était
veuve. « Et haec vidua erat ». Quel spectacle misérable ! Quelle
souffrance dans le cœur de cette mère. Aussi une foule nombreuse la suivait. Jésus
arrive. Lui aussi est touché de compassion. Il la voit. Et dès qu’il la voit,
« cum vidisset », « le Seigneur, nous dit l’Ecriture, est mu de compassion ».
«Dominus misericordia motus super eam ». Alors, sans attendre, il lui dit
Ne pleurez pas. «Noli flere ». Il redonne son fils à sa mère.
« Adolescens, tibi dico, surge ».C’est net, clair, limpide. C’est la
Toute Puisance qui s’exprime. «Adolescent, je te le dis, lève toi ». C’est
un impératif. Celui qui était mort s’assoit sur son séant, parle et le Seigmeur
le remet à sa mère. Beau geste de délicatesse. Dieu est le tout puissant,
compatissant. Il a des entrailles de Père. Il est mû de miséricorde. Il n’est pas seulement le Transcendant. Il est
aussi et tout également la misericorde. La compassion. Il met sa toute
puissance au service de sa miséricorde. Il sait compatir à la misère de cette
femme. De ce peuple. De son peuple hébreux. Il sait intervenir en faveur de son
peuple. Et c’est toute l’Histoire d’Israël. Il est un Dieu compatissant. Et
c’est toute l’histoire de la Rédemption. Il est un Dieu sauveur. Il est le
Sauveur. Et propter nostram salutem, descendit super nos, apud nos, propter
nos.
Et depuis cette histoire rédemptrice, tout au long de
l’Ancien Testament, tout au long du Nouveau Testament, le cœur humain sait,
oui ! il sait qu’il a un Dieu miséricordieux et
compatissant. Un Dieu sensible qui écoute la prière du cœur humain, humble et
fragile, humble et faible, qu’il la devance même. Et c’est cette puissance
miséricordieuse qui s’exprime à Naïm, à la porte de Naïm et qui arrache du
peuple qui voit, qui a vu, des cris d’admiration, des cris de crainte.
« Accepit autem omnes timor et magnificabant Deum. La crainte les saisit
tous et ils magnifièrent Dieu ». Comme pour Notre Dame, contemplant
l’infini miséricorde de Dieu à l’aurée de la Rédemption : « Et Dieu a
tellement aimé le monde qu’il envoya son Fils unique, afin que quiconque croit
en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16)
« Magnificat anima mea Dominum ». Mon âme magnifie
le Seigneur. Elle magnifie le Seigneur. Son esprit exulte en Dieu parce qu’elle
ne cesse de penser à la puissance
salvifique de son Dieu, « in Deo salutari meo ». Parce qu’elle ne
cesse de penser à l’Histoire du Salut, à l’Histoire du peuple d’Israël, sans
cesse protégé par la puissance
compatissante de son Dieu, en raison de sa faiblesse. Et parce que Marie méditait, dans son cœur, tout
cela, elle ne peut pas ne pas chanter ; « il a pris soin d’Israël son
serviteur, se souvenant de sa miséricorde Ainsi qu’Il l’avait promis à nos
pères, envers Abraham et sa race, pour toujours. » Oui ! «
Magnificat anima mea Dominum »
B) – Les objets de la prière
Et ainsi, parce que l’âme humble sait reconnaitre la
puissance de Dieu et sa misericorde et sa compassion, elle sait aussi prier.
Elle sait élever son âme à Dieu. Et c’est la prière de l’introït de cette
messe : « Inclina, Domine, aurem tuam ad me ».
« Penche ton oreille vers moi, c’est-à-dire, sois attentf à ma misère,
comme tu le fus à Naïm, auprès de cette mère, veuve, perdant son unique.
Oui ! Jette les yeux sur la bassesse de ta servante. « Respexit
humilatem ancillae tuae » « Et exaudi me » et
« exausse moi, concole ma peine, ma misère ». « Salvum fac
servum tuum, sperantem in te ». « Sauve ton serviteur, qui
espère en toi et te crains ». « Comme tu sauvas Israël ton serviteur
en déployant la force de ton bras ». C’est pourquoi j’espère en toi.
« Spero in te.. « Miserere mihi »…Ayez
pitié de moi. Je sais votre compassion.
Il est bon de se confier en le Seigneur. « Bonum est confiteri
Domino. Car tu es mon Sauveur, mom protecteur. Tu es le Transcendant.
Altissime. Le très Haut. J’annonce dès le matin -mane- ta miséricorde. Voilç
l’objet de toute prière du matin. Je vis dans la prière et la contemplation
cette miséricorde manifestée du Seigneur. Je sais. Je témoigne de votre
puissance au service de votre miséricorde, comme pour la résurrection de
l’enfant à la porte de Naïm. Cette vérité sur Dieu m’oblige à confesser sa
miséricorde. Alleluia. Alleluia. Je suis dans l’allégresse car je sers un Dieu
tout puissant. C’est le chant de L’alleluia de cette messe. Un Dieu tout
puissant, une Dieu « magnus ». Un Roi grand, « super omnem
terram ».
Et alors, parce que Dieu est tel, vraiment puissant et
miséricordieux, je suis plein de confiance et mets en Dieu mon espérance.
« Expectavi ». « Et Exaudit deprecationem meam ». Il s’est
penché sur moi pour entendre ma prière.. Je sais ce que je suis. « Nihil sum ». Je
sais qui il est. Il est celui qui est. Alors, dans ma bouche, un chant
nouveau. « Canticus novus. Un hymne à mon Seigneur, celui du peuple
de Naïm. « Un grand prophète a surgi parmi nous. Et Dieu a visité son
peuple ». Il l’a visité. Il le visite par sa Sainte Eucharistie. Inhabitavit in eum.
Il est bon de louer le Seignuer, de chanter ton nom, ô très
Haut. (Chant du Graduel).
Deux vérités doivent donc occuper notre prière : la
toute puissance divine et son action dans l’Histoire du Salut et la
reconnaissance de notre misère.
Tel est l’enseignement de ce dimanche, le 15e après la
Pentecôte.