« Tradition
Vivante »
pris dans «
« L’éloge du
Père Henri de Lubac, un des
« Pères » du Concile Vatican II ».
L’un après l’autre, les artisans du Concile Vatican II s’en vont. Après Chenu, Rahner, Urs von Balthasar, est venu le tour du Père Henri de Lubac S.J.
A chaque disparition s’élève un chœur pour célébrer, avec les « fastes » de Vatican II, ces « célèbres théologiens » et pour obtenir à cette occasion leur « réhabilitation ». et aussi, ou peu s’en faut, la juste récompense pour les « persécutions » subies en 1950 de la part du tyrannique saint-office et pour la condamnation imméritée qui leur avait été infligée par le pape rétrograde Pie XII avec l’encyclique Humani Genris.
L’Osservatore Romano, 5 septembre 1991 rapportait en
première page, les deux télégrammes envoyés par sa sainteté Jean-Paul II
respectivement au Cardinal Lustiger, Archevêque de Paris, et au Père
Komvenbach, Général de
Dans le premier télégramme on lit : « Me souvenant du long et fidèle service accompli par ce théologien qui a su recueillir le meilleur de la tradition catholique dans sa méditation sur l’Eglise et le monde moderne, je demande avec ferveur au Christ Sauveur de lui accorder la récompense de sa paix éternelle ».
Et dans le second télégramme :
« Au cours des années, j’avais vivement apprécié la vaste culture, l’abnégation et la probité intellectuelle qui ont fait de ce religieux exemplaire un grand serviteur de l’Eglise notamment lors du concile Vatican II ».
A la page 6, la rédaction de l’Osservatore Romano
donne le curriculum vitae et une note sur le disparu. On y lit :
« L’activité scientifique et didactique du Père de Lubac connut un
moment d’épreuve particulier autour des années 50, lorsqu’il eut à subir des
attaques et à souffrir de
l’incompréhension, et qu’il perdit son poste d’enseignant. Son attitude humble
et modeste , son sincère amour du Christ et de l’Eglise, lui méritèrent
par la suite d’être réhabilité sous le
pontificat de Jean XXIII, qui lui rendit sa chaire à Lyon et le nomma premier
conseiller de
Cela suffisait. Cependant, l’Osservatore Romano, du 8 septembre, en page 3, revenait à la charge. Armando Rogobello, dans la rubrique « Témoins », sous le titre : « L’immense œuvre d’Henri de Lubac : « Un pensée qui a marqué la théologie et la culture » exalte « la tentative de relier de façon visible la réflexion théologique à l’expérience vécue à travers une analyse du rapport tiré de l’exercice concret de l’existence ». Existentialisme ? Anthropologisme ? Devine qui peut.
Finalement l’Osservatore romano du 11 septembre
mentionne la lettre envoyée par le pape, à l’occasion des obsèques de Henri de
Lubac, au cardinal Poupart, Président du Conseil Pontifical pour la culture et
du Conseil pour le Dialogue avec les Non-Croyants : « J’ai voulu
m’associer à ses obsèques, célébrées à Paris, en vous demandant de me
représenter personnellement au nom de l’amitié profonde qui m’a lié à lui (de
Lubac) depuis de longues années. L’attention toujours en éveil, il avait
parcouru les voies de l’enseignement des Pères et des auteurs médiévaux, il
avait su s’appuyer sur une connaissance pénétrante des grands auteurs modernes,
pour nourrir une réflexion personnelle qui s’est inscrite de manière lumineuse
dans
Après les éloges et les jugements favorables de Jean-Paul
II, la presse « de cour », toujours en harmonie avec le triomphalisme
de l’Eglise « conciliaire » a
eu beau jeu de préparer le cliché, diffusé par exemple par l’agence très de
gauche : Adista 12-14 septembre p. 3 : Henri de Lubac a
été « un des inspirateurs du
concile Vativan II avec le dominicain Marie Dominique Chenu, Karl Rahner, Hans
Urs von Balthasar et Yves Congar » mais au début des années 50, il était avec les autres
représentants de
Pire encore, l’article de Il Sabato du 14 septembre dernier, pages 82-83 : on y lit les « injustes mises à l’écart » auxquelles Henri de Lubac aurait répondu : « toujours avec obéissance » et - ajoute-t-on – « cette docilité vaut peut-être plus que son extraordinaire œuvre théologique » ;
Ici aussi il n’y a que le titre qui soit exact : « Le Père de Lubac et sa bande » ainsi que le fond de l’accusation qui leur était adressée, « une conspiration qui menaçait l’Eglise, en la privant de sa Sainte Tradition ». Toujours dans Il Sabato, le jugement critique, porté par le Cardinal – et théologien – Giuseppe Siri sur Henri de Lubac est également mal rapporté. Il suffit de voir le titre « les doutes de Siri ». Plus que des doutes ! Il s’agit - nous le verrons - d’une réfutation paisible mais définitive de la « nouvelle théologie », de celle de Henri de Lubac en particulier. Quant à Pie XII –p. 83 – on lit : « Pie XII, qui pourtant n’éprouvait aucune sympathie pour lui, refusa de le condamner ». Ainsi l’Encyclique Humani generis qui, au contraire, est justement la condamnation de Henri de Lubac et de sa « bande », devient le fruit de… l’antipathie personnelle du pape Pacelli. Pauvre Pie XII ! pauvre Eglise ! pauvres catholiques aujourd’hui si trompés de tous les côtés !
La « bande de Henri de Lubac.
Dans ce climat officiel de mensonge, nous commencerons par
rétablir les vérités les plus élémentaires.
La nouvelle théologie naît en France entre 1945 et 1950 a ses représentants chez les jésuites :
de Lubac, Daniélou, Von Balthasar, Bouillard, Fessard, etc, tous de l’école
théologique des Jésuites de Fourvière à Lyon. En 1946, dans le revue des
jésuites français Etudes, Daniélou, que le pape Montini fera
cardinal, illustre le programme de la « nouvelle théologie », sous le
titre : « les orientations présentes de la pensée religieuse :
- reniement de la « vieille théologie », accusée d’être étrangère à la vie ;
- élaboration d’une nouvelle théologie correspondant aux aspirations de la conscience moderne, qui veut plus d’histoire que de théories, plus d’adhésion à l’existence concrète que d’abstractions, plus de psychologie que de métaphysique ;
-
retour aux sources, c’est-à-dire à l’Ecriture sainte et aux Pères,
avec lesquels
- refus de tout caractère hellénistique de la théologie, que la scolastique aurait lié à l’immobilité de la pensée grecque, et, par suite, assimilation des courants philosophiques modernes, y compris le marxisme et l’existentialisme.
Daniélou exposait le début et le modèle de ce travail du renouveau dans deux collections dont s’occupaient surtout les jésuites : « Sources chrétiennes et Théologie, auxquelles participaient grandement Daniélou lui-même et aussi le Père de Lubac S.J.
Les opposants dénoncent la réviviscence du modernisme.
Aux jésuites de la « nouvelle théologie », écrit
le moderniste Giacoùmo Martina S.J. « s’opposait le groupe dominicain
de l’Angelicum de Rome avec Garrigou-Lagrange, le Père Labourdette, le
Père Cordovani (théologien de palais de Pie XII) soutenus par la faculté de
théologie d’Angers et par un ou deux professeurs de
En France, souvenons-nous, les dominicains de
Voici les critiques adressées par les théologiens dominicains à Henri de Lubac et à sa « bande ». :
1)le prétendu « retour aux sources »
c’est-à-dire à l’Ecriture Sainte et à
2) la prétendue nécessité de mettre à la mode les
expressions et les formules théologiques
pour les harmoniser avec les nouveaux systèmes philosophiques se traduit dans
l’évolutionnisme ou relativisme dogmatique : le critère de vérité n’est
pas la conformité avec
« Une théologie qui ne serait pas actuelle serait
une fausse théologie » avait clairement écrit l’un des membres de la
« bande », Bouillard, dans son livre de la collection Théologie
(p. 219). Avec la « nouvelle théologie » les instances du
modernisme qui s’enracine à nouveau dans l’ombre après le coup énergique porté par Saint Pie X dans
l’Encyclique Pascendi, ressurgissent avec violence dans « un climat de rébellion contre le
passé et de soif de nouveauté », dans « une fermentation qui
prélude à la véritable crise » écrivait le cardinal Parente deux ans
après Humani Generis (
« C’est dans ce climat de polémiques… et contre ces courants fortement innovateurs qu’a mûri et qu’a été publiée le 12 Août 1950 l’encyclique Humani Generis » écrit le néo-moderniste Père Giacomo Martina S.J., pour qui les « conséquences » de la grande Encyclique, « furent grandes et dans l’ensemble fortement négatives » (op. cit. pp.56 sq.).
Humani Generis, au contraire, atteste que Pie XII avait eu « la sensation rapide et précise d’un danger actuel » et dans sa magnifique encyclique, il fit « en temps utile le diagnostic du mal en voie de se manifester d’une manière symptomatique » (Pietro Parente op. cit.).
L’Encyclique Pascendi avait démasqué les modernistes,
Humani Generis démasque les néo-modernistes, qui « s’attachant
plus qu’il ne faut aux nouveautés, ou même qui, craignant de passer pour
ignorer les découvertes faites par la science… s’efforcent de se soustraire à
la direction du Magistère et trouvent, à cause de cela, en danger de s’éloigner
insensiblement des vérités révélées et d’entraîner dans l’erreur les autres
aussi » ; « enflammés d’un “ irénisme ” imprudent,
certains semblent considérer comme des obstacles à la restauration de l’unité
fraternelle ce qui en fait est fondé sur les lois mêmes et les principes posés
par le Christ et sur les institutions établies par Lui, ou bien constitue la
défense et le soutien de l’intégrité de la foi et ne saurait, en disparaissant,
– continue Pie XII, et cela ressemble à une prophétie – qu’assurer
l’union dans la ruine ».
Il apparaît tout de suite évident que la terrible crise de l’après concile aurait été épargnée à l’Église si le Magistère de Pie XII, parfaitement aligné sur celui de ses prédécesseurs et en particulier Pascendi de Saint Pie X, n’avait pas été méprisé, et si l’ « humble » Henri de Lubac, qui aujourd’hui nous est proposé comme modèle de « docilité » et « d’obéissance », ne s’était pas obstiné à « servir » l’Église selon son propre point de vue, et non comme l’Église voulait être servie et lui demandait de la servir.
Sous l’archéologisme théologique, l’évolutionnisme
doctrinal.
Aujourd’hui, nous voyons Henri de Lubac exalté pour son « attention toujours éveillée à l’enseignement des Pères et des auteurs du Moyen-Âge » (L’Osservatore Romano, 11 Septembre 1991).
Attention toujours éveillée, oui, mais pour exalter la patristique, moins rigoureuse, moins systématique et donc plus élastique et plus flexible devant les « nouveautés » et accuser au contraire d’ostracisme la scolastique, qui ne permettait pas à la « bande » d’Henri de Lubac de « courir derrière les systèmes et les tendances turbulentes de la pensée moderne » (P. Parente, op. cit.), ou, ainsi que s’exprimait le Père Charles Boyer S.J. de « monter à bord successivement de tous les navires qui passent sous les pavillons les plus divers » (Les leçons de l’Encyclique ‘Humani Generis’ in Gregorianum XXXI, 1950).
« Certains – écrit Pie XII – entendent…
libérer le dogme lui-même de la manière de s’exprimer en usage dans l’Église
depuis longtemps et des concepts philosophiques en vigueur chez les Docteurs
catholiques, pour retourner dans l’exposition de la doctrine catholique aux
expressions employées par
Les fruits de ces deux funestes utopies – l’œcuménisme et l’aggiornamento – sont aujourd’hui sous nos yeux dans la destruction de tout le solide corps de doctrine de l’Église catholique.
Pie XII alors, par l’Encyclique Humani Generis, en dévoila les fondements hérétiques :
1) le relativisme dogmatique, qui fait du dogme un « roseau agité par le vent » : « jamais les mystères de la foi, prétendent-ils, ne peuvent être exprimés en termes vrais mais seulement en termes approximatifs, et toujours changeables » ;
2) la négation du magistère infaillible de l’Église :
en fait, affirmer la nécessité d’un retour aux sources, qui rompe avec l’hérédité
théologique de l’Église, c’est nier l’infaillibilité de ce Magistère que « Dieu
en même temps que les sources sacrées a donné à son Église » pour
garder, transmettre et expliquer au cours des siècles le dépôt de
Aujourd’hui, avec la « réhabilitation » des
« nouveaux théologiens » contre l’encyclique Humani Generis de
Pie XII, nous vivons exactement dans ce climat hérétique d’évolutionnisme
doctrinal et de reniement du Magistère traditionnel de l’Église ; c’est
pourquoi le cardinal Siri, appliquant l’avertissement de Pie XII à nos jours,
écrivait : « ce qui fut sûr dans la doctrine théologique à
l’ouverture du Concile doit rester sûr et ne peut pas changer. En fait, cette
certitude engage l’autorité du Magistère ecclésiastique qui a approuvé soit
directement, soit indirectement toutes ces vérités et engage toutes les
promesses du Sauveur sur l’indéfectibilité et l’infaillibilité de l’Église »
(
Le « surnaturel » naturalisé.
Dans son ouvrage très connu Surnaturel (Aubier 1946), Henri de Lubac nie la gratuité du surnaturel et par conséquent nie la distinction fondamentale entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, considérée par l’Église comme immuable. Il résulte de la position de Henri de Lubac que le surnaturel est naturalisé et que, sans être nié, il est cependant considéré comme une partie complémentaire de la nature humaine, erreur qu’avaient déjà commise Baïus, Luther, les modernistes.
Pie XII dans Humani Generis exposa et condamna
clairement l’erreur de Henri de Lubac : « D’autres déforment la
vraie notion de la gratuité de l’ordre surnaturel, quand ils prétendent que
Dieu ne peut créer des êtres doués d’intelligence, sans les ordonner et les appeler
à la vision béatifique ». Mais le « docile » et
« obéissant » Henri de Lubac, ce « fidèle et grand
serviteur » de l’Église, ne tint aucun compte du Magistère de Pie XII, de
même qu’il n’avait fait aucun cas du passage de l’Encyclique Pascendi qui,
niant une exigence du surnaturel dans la nature humaine, avait condamné par
anticipation sa thèse (Dz.-U 2103). Il a donné ainsi à l’Église une couvée de
théologiens niant le surnaturel et humanisant le divin, du genre de Karl
Rahner, auteur du « Tournant anthropologique » en théologie,
qui n’est rien d’autre que l’effondrement de la théologie catholique (cf. C.
Fabro
C’est le même… Osservatore Romano du 8 Septembre 1991 qui reconnaît un tel « mérite » à Henri de Lubac. A. Rigobello, dans l’article déjà cité, y rapporte la phrase suivante de Walter Kasper, désormais docteur accrédité de l’ « Église conciliaire » : « Henri de Lubac est sans l’ombre d’un doute un des plus grands fondateurs de la théologie catholique contemporaine. Ni Karl Rahner [et – pourquoi l’oublier ? – son ingénu et plus grossier disciple Hans Küng] ni encore moins Hans Urs von Balthasar ne sont pensables sans lui » (Préface à A. Russo Henri de Lubac : théologie et dogme dans l’histoire. L’influence de Blondel. Ed. Studium, Rome 1990).
Donc, le Cardinal Siri avait pleinement raison quand, dans Gethsémani, il unissait la critique soutenue par la théologie « nouvelle » de Henri de Lubac avec celle de l’existentialisme de Karl Rahner S.J. !
De la dévaluation de l’Église à la négation de
l’ »Extra Ecclesiam nulla salus »
Effectivement, sans Henri de Lubac et sa
« bande », cette humanisation du divin, que K. Rahner S.J. a poussée,
dans la logique de l’erreur, à ses ultimes conséquences, aurait été
impensable : « Dieu et la grâce du Christ sont, en toutes choses,
comme l’essence secrète de chaque réalité [...]. Celui qui, donc [même
s’il est loin de
« On comprend bien – écrit le cardinal Siri – comment
dérive de tout cela, peut-être subtilement, mais nettement, l’inutilité de
l’acte de foi [...]. L’acte de foi devient inutile parce que dans mon essence
il y a Dieu [...]. Si j’accepte le Christ, par le simple fait « d’accepter
mon essence », l’acte de foi est un non sens ». (G. Siri Gethsémani
– Réflexion sur le mouvement théologique contemporain. Fraternité de
“lumière des Gentils” n’est pas l’Église. C’est le Christ » (voir Il Sabato cit.). Et pourtant c’est Jésus lui-même, dans les Saints Évangiles qui lui donne tort : « Vous êtes la lumière du monde » dit Jésus à ses Apôtres (Mt 5, 14) et « Qui vous écoute, M’écoute et qui vous méprise Me méprise » (Lc 10, 16). Mais grâce au « long et fidèle service » de Henri de Lubac, cette dévalorisation du pouvoir salvifique de l’Église, cette négation de l’Extra Ecclesiam nulla Salus, est aujourd’hui l’âme et le fondement de l’œcuménisme désastreux, qui veut tout rassembler, non plus dans « la seule arche de salut », l’Église mais « autour du Christ ». Quel Christ ? on ne le sait pas, étant donné que si l’Église n’existe pas sans le Christ, le Christ n’est jamais sans Son Église, ni ne peut se trouver en dehors d’elle.
L’invention de la « Tradition vivante »
De même que le « surnaturel » de Henri de Lubac
est la négation de la notion catholique de surnaturel, ainsi sa « Tradition »
est la négation de la notion catholique de Tradition, ainsi qu’elle fut définie
par le Concile de Trente et par le Premier Concile du Vatican. Henri de Lubac,
en fait, est l’inventeur de cette inacceptable « Tradition
vivante », qui aujourd’hui voudrait être accréditée dans l’Église
catholique, mais qui autrefois fut l’objet de polémiques entre Henri de Lubac
et son confrère jésuite le Père Charles Boyer, excellent théologien et recteur
de l’Université Pontificale Grégorienne. Cette polémique, avec Humani
Generis, fut au centre de la seconde Semaine Théologique qui s’est tenue à
Le Père Boyer avait répliqué à Henri de Lubac qu’ « il
est impossible d’affirmer que la vérité révélée se transmette depuis le temps
des Apôtres « eodem sensu eademque sententia » (Ier Concile
du Vatican) si l’on n’admet pas un lien logique, ou tout du moins de
convenance, entre la doctrine proposée aujourd’hui à notre foi et celle qui a
été prêchée par les Apôtres » [voir p.
Cette polémique, qui fut peut-être ignorée de beaucoup, et
qui est désormais oubliée par d’autres, est d’un très grand intérêt
actuellement pour l’Église. La négation d’Henri de Lubac sur la nécessité d’un
lien logique entre ce que l’Église enseigne aujourd’hui et ce qu’elle a
enseigné hier, nous amène en fait tout droit à la notion actuelle de « Tradition
vivante », laquelle « Tradition vivante » n’est plus,
comme la théologie catholique l’a toujours enseigné, le Magistère de l’Église
vivant et traditionnel en même temps, c’est-à-dire le Magistère qui reçoit le
dépôt de la foi, le garde, enseigne les vérités qu’il contient (et s’il le faut
les explique et les définit) puis le transmet aux générations suivantes, mais
il devient le seul Magistère actuel, sans aucun lien logique nécessaire
avec la transmission de
Il est évident que la « Tradition vivante » est la
négation de toute Tradition dans l’Église. Elle est seulement un déguisement,
même pas très habile, de l’évolutionnisme dogmatique : l’adjectif, en
fait, exclut le substantif parce que la « Tradition vivante » ou
encore le Magistère ainsi compris, est vivant, mais non traditionnel ; il
ne reçoit ni ne doit plus transmettre le dépôt de la foi, mais il… l’invente,
ou du moins il est libre de l’inventer. Sans le lien logique nécessaire avec le
passé – observait le Père Boyer – il n’est plus possible de parler de
développement dogmatique, mais on doit parler de « nouveauté radicale
et de création ». (Qu’est-ce que
« D’autres plus audacieux, – écrivait Pie XII
dans Humani Generis – ne jugent pas absurde, mais au contraire
absolument nécessaire que la théologie, selon les diverses philosophies dont au
cours des temps elle se sert comme d’instruments, substitue de nouvelles
notions aux anciennes, de telle sorte que sous des modes divers ou même dans
une certaine mesure opposés, mais équivalents selon eux, elle exprime de
manière humaine les mêmes vérités divines ». Dans quel sens faut-il entendre ces « mêmes » ?
Ce serait aux néo-modernistes à l’expliquer, s’ils n’avaient pas perdu, avec la
logique, la peur des contradictions. De toute façon, il reste au Père Boyer
S.J. le mérite d’avoir reconnu et montré dans la négation de
Ils avaient donc vu
juste ces théologiens qui autrefois accusèrent Henri de Lubac – ainsi que le
rappelle Il Sabato cité plus haut – d’ « une conspiration qui menaçait
l’Église en la privant de sa sainte Tradition ».
Le mépris de
Puisqu’il en est ainsi, il n’y a pas à s’étonner si dans « ces
années de fermeture asphyxiante et de mesquinerie conformiste [ lire orthodoxie
] » (Adista cit.), la « mesquinerie conformiste d’esprit de
certains théologiens timorés [ qui correspondaient à l’esprit et au nom d’un
Garrigou-Lagrange, d’un Labourdette, d’un Cordovani, etc. ] donna
l’alarme aux autorités romaines » (Il Sabato cit.). Ces « autorités
romaines » ou plus précisément Pie XII, après avoir condamné les erreurs du Père
de Lubac et de sa « bande », concluait ainsi solennellement
l’Encyclique Humani Generis :
« Pour ne point faillir aux devoirs sacrés de Notre charge, Nous enjoignions aux Évêques et aux
Supérieurs généraux d’Ordres et d’Instituts religieux, leur en faisant une grave obligation de
conscience, de veiller avec le plus
grand soin à ce qu’on ne soutienne point les doctrines de ce genre dans les
classes, dans les réunions ou par quelques écrits que ce soit, ni qu’on les
enseigne de quelque façon que ce soit aux clercs ou aux fidèles.
Les professeurs d’Institut ecclésiastiques se
rappelleront qu’ils ne peuvent, avec tranquillité de conscience,
exercer l’office de professeur qui leur est confié, que s’ils acceptent
religieusement et gardent exactement dans leur enseignement, les normes de
pensée que Nous avons statuées. Et comme ils doivent respect et soumission
au magistère de l’Église, en leur travail de chaque jour, ils doivent aussi
en imprégner l’esprit et le cœur de leurs disciples ».
Quelles ont été la « vénération » et « l’obéissance »
d’Henri de Lubac envers le « plus
grave des avertissements » (Labourdette)
tombé de la chaire de Pierre, sous le Pontificat de Pie XII, nous n’aurons pas
besoin de le démontrer. Et en vérité – devons-nous ajouter – les
ecclésiastiques aujourd’hui au pouvoir dans l’Église et qui exigent une
obéissance, qui ne leur est pas due, au détriment du Magistère Traditionnel
sont ceux qui ont désobéi hier, ceux qui – enseignants ou élèves – méprisèrent
et rendirent vain l’enseignement de l’encyclique Humani Generis de Pie XII.
Ceci explique pourquoi tant de contempteurs de
Le mépris d’Henri
de Lubac pour
En 1965 Mgr André
Combes, de l’Institut Catholique de Paris et de l’université du Latran, a
démontré de façon irrécusable les falsifications faites par Henri de Lubac pour
accréditer sa défense de Teilhard (voir Les Études philosophiques, Août
1965 ; l’étude de Combes, avec l’ajout d’une grande note, fut publié à
nouveau dans
« Parmi les
maîtres, dans l’art de la falsification de la pensée de Teilhard pour le
défendre, Combes place, durement, en première ligne le Père de Lubac, qui est
peut-être le principal responsable de la sympathie plus ou moins ouverte dont
il continue à jouir dans le domaine catholique, même italien. L’habileté des
apologistes de Teilhard, dit Combes, n’est égalée que par leur indifférence
envers la véritable signification des textes qu’ils prétendent expliquer.
Le Père de Lubac est passé maître dans cet art particulier. Il n’est pas
le seul, mais son talent demeure, me semble-t-il, sans égal ».
D’autre part, sur
la « probité
intellectuelle » de Henri de
Lubac, de Broglie avait déjà eu des doutes ; lui qui dans De fine ultimo humanae vitae (Paris 1948) s’était vu contraint de
démonter que Henri de Lubac avait altéré la pensée de Saint Thomas pour
soutenir sa thèse du « surnaturel » naturalisé (cf. Encyclopédie Catholique, mot ordre surnaturel).
La
« cordée » néo-moderniste de Montini
Qui relit Humani Generis se rend compte que les erreurs si admirablement dénoncées et si clairement condamnées par Pie XII ont envahi et dominent aujourd’hui un monde qui se prétend pourtant encore « catholique ». Comment une telle « mutatio », un tel changement, qui n’est certes pas l’œuvre de Dieu, a-t-il été possible ?
Le fait est que les « innovateurs étaient regardés
avec sympathie par les milieux ouverts… par les défenseurs des
prêtres-ouvriers ». Parmi ceux-ci se trouvait G. B. Montini, alors
substitut à
Après avoir été éloigné de
« Le Père Garrigou-Lagrange lançait contre Henri de
Lubac et ses amis [Congar, Chenu, Mouroux, Chavasse… !! voir p. 12] le
mot d’ordre de « Nouvelle Théologie » (1946) ; le pape, irrité,
attaqua [sic !]… Avec Humani Generis, la foudre s’abattit sur le
scolasticat lyonnais et Henri de Lubac [ pauvre innocent ! ] fut
montré comme le principal bouc émissaire. Ses livres diffamés furent enlevés
des bibliothèques de
L’ascension de Montini au pontificat donna le signal du
départ à la… cordée néo-moderniste, ainsi que l’atteste le jésuite R.
Latourelle, dans l’Introduction au livre de Martina que nous avons déjà
cité : « surtout le nombre des experts augmenta considérablement,
il passa de 201 en Septembre 1962 à 480 à la fin du Concile. Beaucoup de
théologiens de grande renommée [ lire : de la nouvelle théologie ] entrèrent
ainsi progressivement dans le cercle des experts, grâce à l’influence discrète
de Paul VI qui leur montrait son approbation en les recevant en audiences
privées, en concélébrant avec eux, en louant leur collaboration. Cette confiance du Pape trouva son
couronnement dans la création d’une Commission
Pontificale Théologique Internationale, et dans l’élévation au
cardinalat de certains d’entre eux : par exemple, les cardinaux Danielou
et de Lubac ». Créés cardinaux, sans avoir rétracté une
seule de leurs erreurs, mais bien plutôt « grâce » à leurs erreurs.
Ainsi Henri de Lubac, désormais « sur ses 90 ans » dans
l’interview à la revue 30 Giorni de Novembre 1985, pouvait en tant que
Cardinal, maintenir toutes ses thèses hérétiques, déjà condamnées par Pie XII
dans Humani Generis, sur le retour aux « sources vives de la
tradition catholique » (sautant à pieds joints par-dessus deux mille
ans d’approfondissement théologique et d’enseignement du Magistère), sur le « surnaturel »
que Vatican II nomme très peu (et c’est vrai) pour exclure tout ce qui
semblerait prendre position pour un parti ou un autre lors des disputes
anciennes » (peu importe que l’un des deux partis – celui opposé à
Henri de Lubac – ait déjà été « approuvé » par la doctrine
traditionnelle catholique et finalement par Pie XII), sur l’Encyclique Lumen
Gentium, qui « n’est pas l’Église, c’est le Christ »
(comme si la foi dans le Christ pouvait se trouver « pure et
immaculée » en dehors de l’Église, « colonne et fondement de la
vérité », voir Pie XI Mitt Brennender Sorge 1937) etc, etc…
Vaine tentative.
Maintenant Henri de
Lubac est parti, au faîte de la gloire, « théologien » loué et
cardinal pour la honte de
Placidus (art. tiré du livre « Nouvelle Théologie » du Courrier
de Rome)