Le 19 Mars 2003 a eu lieu au monastère bénédictin du mont Cassin, en Italie, un symposium sur le futur traité constitutionnel de l’Europe.
Mgr Tauran, secrétaire pour les relations du Saint Siège avec
les états, y a participé.
Il a donné la communication suivante :
Je désire avant tout vous transmettre à tous les salutations et
la bénédiction du Saint Père, qui est informé de votre initiative. Un Souverain
Pontife qui est profondément engagé notamment à titre personnel, dans les
événement de l’Europe ne peut qu’attribuer une grande importance au futur
traité constitutionnel européen.
Le Cardinal Sodano m’a lui aussi expressément prié de
transmettre ses salutations cordiales et ses meilleurs vœux aux personnalités
qui interviennent à ce symposium, ainsi qu’à tous les participants.
Au cours d’un voyage missionnaire sur les côtes d’Asie mineure,
l’Apôtre Paul a une vision nocturne. Il voit un macédonien, qui le pria :
« passe en macédoine, viens à notre secours ! » c’est ce que
rapporte les actes des Apôtres.
De l’autre coté du détroit se trouve l’Europe, que Paul n’a
jamais visitée, L’Europe qui n’a jamais entendu parler de Jésus. C’est le
premier contact avec le Christ et l’Europe. C’est sur cette cote du nord de la
Grèce que commence l’Evangélisation de l’Europe.
Durant tou un millénaire, celle-ci se développera à partir de
deux prestigieuses métropoles : Rome et Constantinople. Les artisans de
cette diffusion sont des commerçants, des soldats, des hommes politiques, mais
également des missionnaires et, parmi eux, les moines bénédictins occupent une
place de première importance. A travers les abbayes et les maisons
bénédictines, répandues partout, le monachisme constitua la structure de
l’Europe, et c’est surtout lui Benoît et ses fils qui portèrent avec la croix,
le livre et la charrue, le progrès chrétien chez les populations éparses de la
méditerranée à la Scandinavie et de l’Irlande aux plaines de Pologne.
Alors que l’on tente de donner une forme juridique à une Europe
que nous voulons tous forte et unie, ce travail de mémoire, qui ne peut
occulter les racines chrétiennes de ce continent est indispensable. Le facteur
religieux en particulier sous son aspect chrétien, est constitutif de l’histoire
de la construction de l’Europe.
L’Autorité romaine, l’école l’université, l’élaboration du
droit, les conciles régionaux et nationaux, les monastères les calendriers, le
latin, sont des éléments qui ont contribué de façon particulière à façonner une
région , la région européenne, où tous partageaient des convictions, des
principes et des valeurs.
Tout cela jusqu’au siècle des lumières, qui a rejeté la
perspective chrétienne sur l’homme et le monde. Malgré cela, il n’a pas pu nier
l’empreinte chrétienne du continent dans l’encyclopédie de Diderot et
d’Alembert, authentique manifeste de la société moderne, il est écrit que
l’Europe est une partie du monde dont
le territoire n’est pas extrêmement étendu, mais qui dépasse les autres
en vertu de sa connaissance des arts et des métiers et entre autres, à cause du
« christianisme » qui pour autant qu’il me semble avoir d’autre but
que le bonheur dans l’autre vie, est entre toutes les religions, celle qui
contribuent le mieux au bonheur dans cette vie.
Personne – sinon au prix d’une réécriture de l’histoire – ne
peut nier l’influence chrétienne sur l’Europe, il s’agit d’un fait historique
indéniable, et c’est pour cela que les chrétiens, les épiscopats de l’union
européenne et le Saint Siège ont demandé que cet élément soit rappelé, tout au
moins dans le préambule du futur traité constitutionnel. Naturellement, il ne
s’agit pas d’inviter à une contemplation naïve
de la noblesse des origines, mais d’un profond rappel des responsabilités
correspondantes, aujourd’hui, sur un continent dont la population continue dans
une large mesure de se reconnaître dans les confessions chrétiennes.
Cette mention n’ôte donc rien au fait que le futur traité
concerne avant tout l’europe de demain, et ne s’oppose pas non plus à l’évidence
selon laquelle l’Europe d’aujourd’hui est pluraliste, distingue l’Eglise de
l’etat et constitue un carrefour de diverses philosophies et religions. Dans un
certain sens, cette diversité de référence éthique et religieuses cofirme la
conscience qua l’homme de ne pas être la mesure de lui-même, et atteste sa
profonde conviction selon laquelle le monde ne commence ni ne finit avec lui.
Bien évidemment les chrétiens reconnaissent que Dieu est à
l’origine de tout et le considèrent comme le référence essentielle de leur vie.
Ils croient en Lui comme Créateur, Père et juge. Au contraire les incroyants
appellent aux valeurs universelles
comme le beau ,le bien le vrai, le Bon et le Beau absolus, c’est à dire
en Dieu. Il est donc important que le futut traité n’offense pas la dimension
religieuse de l’homme européen, et, en particulier, son droit inaliénable à
professer la foi qu’il choisit librement –ou à n’en professer aucune – et de
vivre la foi dans sa dimension non seulement individuelle, mais également collective
et institutionnelle.
Il n’y a pas seulement les chrétiens en Europe, mais lil y a
également les Eglises et les communautés religieuses. De toute évidence,
celles-ci sont composées de personnes, mais elles existent et oeuvrent
également, selon un cadre institutionnel précis. C’est pourquoi il devient plus
que jamais opportun d’insérer dans le futur traité une mesure normative,
àtravers laquelle on reconnaît le droit
des églises et des communautés religieuses à s’organiser librement,
conformément à leurs statuts, pour poursuivre leurs objectifs religieux dans le
respect des droits fondamentaux.
Le Saint Siège, outre solliciter l’insertion d’une telle
disposition, croit également dans le bénéfice d’un dialogue stucturé entre les
responsables des communautés de croyants et des pouvoirs civilsn, en tant que
canal ordinaire pour une communication efficace, en vue de la sauvegarde de la
cohésion sociale, de la paix de la famille et des valeurs religieuses.
Le respect mutuel et un dialogue structuré entre le pouvoir
civil et les responsables religieux, dans l’espace juridique européen de
demain, permettra aux croyant de se sentir respectés et reconnus et
encouragerait leur engagement dans « le chantier
européen » pour la promotion du bien commun.
Dans un certain sens, sur le Mont Cassin se trouve le Père de
tous les monastères. La règle de ST Benoit a inspiré la discipline des rapports
humains, également au sein de la communauré civile. Dans cette enceinte
solennelle, j’ai donc plaisir à rappeler que chaque fois qu’il faut traiter
dans le monastère de quelques questions importante, Saint benoit invite l’Abbé
le premier responsable du couvent à consulter « toute la
communauté », y compris les jeunes, invitant les moines à exprimer leur
opinion en toute humilité et soumission. Ce dialogue ne fragilise pas mais
renforce la communauté, en l’aidant à trouver les solutions les meilleures.
Le même principe peut être appliqué également aux relations
entre l’union européenne et les communautées de croyants. Le dialogue entre
elles, loin de constituer une sorte d’ingérence de la communauté religieuse dans la communauté civile,
devient au contraire une expression importante dans l’esprit authentiquement
démocratique qui caractérise l’Union européeenne.
Dans cet esprit, le Saint Siège appuie la demande des chrétiens
européens visant à obtenir l’insertion dans le traité constitutionnel d’une
disposition normative à travers laquelle l’Union reconnaît l’identité
spécifique et la contribution à la vie publique des Eglises et des communautés
religieuses et établit un dialogue structuré avec elles.
En introduisant le Symposium d’aujourd’hui dans ce cadre si
suggestif, je m’en remets une fois de plus aux paroles de St Benoit qui exhorte
l’abbé a être « conscient que son devoir consite à aider, plutôt que
commander » et à gouverner en tenant compte de la diversité des
tempéraments, c’est pourquoi il doit se comporter « de la façon qui lui
semblera la plus adaptée pour chacun ».
La diversité de ceux qui composent la communauté monastique est
une réalité indéniable, de même que l’est, dans le contexte européen, la
différence des régimes juridiques dont les communautés des
croyants bénéficient dans chaque état.
C’est pour cette raison que, déjà dans le traité D’Amsterdam, l’union
européenne s’était engagée à respecter le statut particuleir dont chaque église
et communauté religieuse jouit au sein des organismes nationaux. Le Saint siège
demande que ce principe soit inséré également dans le traité constitutionnel de
l’Europe. Cela apparaîtra conforme aux principes de subsidiarité, auquel le traité s’apprêtra lui-même à avoir
amplement recours. Tout cela en vue de bâtir la nouvelle europe, afin que
demain comme hier, elle soit respectueuse de la dimension religieuse des
peuples qui la composent, en plus de la dimension sociale, économique et
politique.
A ce point, permettez-moi de rendre hommage à tous les
responsables politiques –dont certains participent à ce symposium – aux évêques
et aux chrétiens de toutes les confessions, qui au cours de ces derniers mois,
ont rappelé aux membres de la convention qu’il est de l’intérêt de tous de
promouvoir des valeurs essentielles comme la dignité de la personne humaine, le
respect de la vie et de la famille, la liberté de conscience et de religion, la
promotion d’une société authentiquement solidaire et la primauté du droit.
L’Eglise catholique ne revendique aucun privilège, ni place
particulière dans l’Europe de demain. Elle demande seulement la possibilité,
pour ses fils e, évidemment pour tous les autres croyants, de jouir de façon,
effective de la liberté religieuse, entendue dans son sens le plus large, et de continuer à apporter sa contribution spécifique, à
l’abri de tout abus.
Il existe un humanisme européen, un héritage propre à ce
continent. Le pape au cours de son pontificat, a énuméré des valeurs
typiquement « européennes » comme la dignité de la personne humaine,
le caractère sacré de la vie, la place centrale de la famille, l’importance de
l’éducation, la liberté de pensée et de religion, la protection juridique des
personnes et des groupes, le travail considéré comme un bien personnel et
social, l’exercice du pouvoir politique entendu comme un service. On
provoquerait un terrible appauvrissement si en privatisant les Eglises et les
communautés de croyants, on privait la future Union européenne, qui se veut une
« maison pour tous », d’un héritage si noble et si fécond.Au fond la
tentation de toute espèce d’ »ancien régime », de réduire la religion
au culte et de releguer l’Eglise dans les sacristies est toujours aux aguets.
En janvier 2002, en recevant les vœux du corps diplomatique
accrédité près le Saint Siège, le pape déclarait « la marginalisation des
religions, qui ont contribué et contribuent encore à la culture et à l’humanisme
dont l’Europe est légitimement fière, me paraît être à la fois une injustice et
une erreur de perspective ». Ces réflexions acquièrent un écho
significatif dans la maison de saint Benoît.
J e voudrais terminer en me référant à ce qui est sans doute l’image la plus européenne du pontificat du Pape.
Nous sommes à Berlin le 23 juin 1996. Le pape, accompagné par le
chancelier H Kohl traverse à pied la porte de Brandebourg, réouverte depuis
peu, après de nombreuses années, cette image résume la force de la liberté et
de l’unit » , retrouvées non seulement pour l’Allemagne, mais pour tout le
continent.
Ce jour là le Pape, d’origine Polonaise qui a souffert dans sa
chair des divisions et des intolérances du siècle dernier, a dit :
« L’Europe a besoin d’hommes convaincus qui ouvrent les portes, d’hommes qui sauvegardent la liberté à travers la solidarité et la responsabilité. L’Allemagne, mais aussi toute l’Europe, ont besoin pour cela de la contribution indispensable des chrétiens ».
Les forces religieuses ne sont pas une menace pour la vie
nationale et internationale, mais plutôt une « chance » pour la
vie en commun. Les membres de la convention ne peuvent ignorer cela ; le
futur Traité constitutionnel ne peut s’en priver. (avril2003 p8 O R).
Nous la faisons suivre de quelques considérations du père
Emmanuel, Père abbé de Notre dame de la
sainte Espérance à Mesnil saint loup, sur l’encyclique de Léon XIII
« Immortale Dei » ayant pour objet la constitution chrétienne des
Etats. Il écrivit ces notes sur cette encyclique sous forme de catéchisme
publiées dans les numéros de janvier et de février 1886 de son bulletin. (texte
tiré de l’excellent numéro de Sel de la Terre tout consacré à l’œuvre et à la
vie du Père Emmanuel.