La lettre apostolique

 

« Ecclesia in Europa »

 

 

 

Nous ferons un simple survol de cette « lettre apostolique ».

 

Ce document est sympathique par son appel pathétique aux églises d’Europe à se « convertir », ainsi qu’aux nations qui composent l’Europe. C’est un appel  aux Eglises à  plus de sainteté, pour prêcher avec plus de conviction, le christanisme. Le pape, ainsi, utilise le mode joannique de l’Apocalypse. Il en prend le style, les accents, l’objet. Le pape le dit expressément au début de sa lettre :

          « En annonçant à l’Europe l’Evangile de l’espérance, je prendrai pour guide le «  Livre de l’Apocalypse », « révélation prophétique » qui révéle à la communauté des croyants le sens caché et profond de ce qui arrivera(cf. Ap 1,1) L’Apocalypse nous place devant une parole adressée aux communautés chrétiennes, afin qu’elles sachent interpréter et vivre leur insertion dans l’Histoire, avec ses interrogations et ses tribulations, à la lumière de la victoire définitive de l’Agneau  immolé et ressuscité. En même temps, nous nous trouvons face à une parole qui engage à vivre en abandonnant la tentation permanente de batir la cité des hommes sans tenir compte de Dieu ou même contre lui… L’Apocalypse contient un encouragement adressé aux croyants : au delà de toute apparence, et même si l’on n’en voit pas encore les effets, la victoire du Christ est dejà advenue et elle est définitive. Il s’ensuit une tendance à se placer face aux vicissitudes humaines dans une attitude de confiance fondamentale, qui découle de la foi dans le Ressuscité, présent et agissant dans l’histoire ». (n,5)

 

Cette lettre est un beau « cri » de foi en  Notre Seigneur Jésus-Christ, fondement de notre espérance.

Voyez :

            « La  parole qui retentit dans la vision est une parole d’espérance : « sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant : j’étais mort, mais me voici vivant pour les siècles des siécles, et je détiens les clés de la mort et du séjour des morts » (Ap 1,17-18). Nous sommes ainsi placés face à l’Evangile, à la « bonne nouvelle », qui est Jésus-Christ lui-même. Il est le Premier et le Dernier : en Lui, toute l’histoire trouve son commencement, sa signification, sa direction, son accomplissement ; en Lui et avec Lui, dans sa mort et sa résurrection, tout a déjà été dit. Il est le Vivant : il était mort, mais maintenant il vit pour toujours. Il est l’Agneau qui se tient debout face au trone de Dieu(cf Ap 5,6) : il est immolé, car il a versé son sang pour nous sur le bois de la croix ; il est debout, car il est revenu à la vie pour toujours et il nous a montré la toute puissance infinie de l’amour du Père. Il tient fermement dans ses mains les sept étoiles(Ap1,16), c’est-à-dire l’Eglise de Dieu persécutée, en lutte contre le mal et contre le péché, mais qui a également  le droi d’être joyeuse et victorieuse parce qu’elle est entre les mains de Celui qui a déjà vaincu le mal. Il marche au milieur des sept chandeliers d’or (cf  Ap 2,1) : il est présent et agissant dans son Eglise en prière. Il est aussi celui qui vient à travers la mission et l’action de de L’Eglise tout au long de l’histoire humaine ; il vient comme le moissonneur eschatologique à la fin des temps, pour porter toute chose à son accomplissement (cf Ap 14,15-16)

 

Sur un tel fondement, ce document est une belle exhortation. Et cette exhortation se conclut par  un vibrant appel à la « conscience européenne » à retrouver et à accepter son Seigneur et Maître, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui fit hier la grandeur de l’Europe et de sa Civilisation. C’est un des dernier paragraphe de cette lettre, le paragraphe 120 : « Reprenant cette invitation à l’espérance, je te le répète encore aujourd’hui, Europe qui es au début du troisième millénaire : « Retrouve-toi toi-même. Sois toi-même. Découvre tes origines. Avive tes racines. Au cours des siècles, tu as reçu le trésor de la foi chrétienne. Il fonde ta vie sociale sur les principes tirés de l’Evangile et on en voit les traces dans l’art, la littérature, la pensée et la culture de tes Nations. Mais cet héritage n’appartient pas seulement au passé ; c’est un projet pour l’avenir, à transmettre aux générations futures, car il est la matrice de la vie des personnes et des peuples qui ont forgé ensemble le continent européen. Ne crains pas…. »(n.120-121).

On pourrait multiplier les textes de ce genre dans cette lettre apostolique. Elles donnent une certaine allure au document.

 

Ce texte exprime également,  discétement, mais surement, un certain réalisme politique. De fait, il décrit l’histoire, son cours, dans cette grande perpective de l’Apocalypse de Saint Jean : le combat entre la Femme et le Dragon. C’est même la conclusion de document, les articles 122, 123,124. : « Telle est la certitude qui anime l’Eglise au long de son chemin, tandis qu’elle relit son histoire de toujours à partir de la Femme et du Dragon » (n.123)

 

 

Pourtant, ce document, risque de ne pas atteindre son  but parce qu’il est trop long. C’est une de ses faiblesses. Plus de 15 pages du journal « L’Osservatore Romano ». Plus de 120 articles. Exactement 125 articles.193 notes. Tout cela est vraiment long. Il y a, de ce fait, une surabondance d’affirmations, de suggestions, d’implorations sur des sujets trop divers. L’esprit s’y perd. C’est une nouvelle faiblesse du document. Mais il y a surtout des affirmations  de doctrine politique incertaines, contestables, contestées.

 

Dans ce rapide survol, nous donnerons quelques beaux passages de cette lettre (A), et nous donnerons la parole à Jean Madiran, qui, dans Présent du jeudi 20 février 2003 (B) et du 10 septembre 2003 (C) nous présente quelques reflexions sur la pensée du Saint-Siège sur l’Europe.

 

A)   Des beaux passages de la Lettre Apostolique : «  Ecclesia in Europa »

 

a)    Belle, i.e. réaliste, analyse de la situation des nations de l’Europe

 

« 7. Cette parole (de l’Apocalypse) est auusi adressée aujourd’hui aux Eglises en Europe, souvent tentées par l’obscurcissement de l’espérance. En effet le temps que nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d’égarement. Beaucoup d’hommes et de femmes semblent désorientés, incertains, sans espérance, et de nombreux chrétiens partagent ces états d’âme….Parmi les nombreux aspects amplement rappelés aussi à l’occasion du Synode, je vopudrais mentionner la perte de la mémoire et de l’héritage chrétiens, accompagnée d’une sorte d’agnosticisme pratique et d’indifférentisme religieux, qui fait que beaucoup d’Européens donnent l’impression de vivre sans terreau spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été légué par l’histoire. On n’est donc plus tellement étonné par les tentatives de donnner à l’Europe un visage qui exclut son héritage religieux, en particulier son  âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la composent sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du christianisme.

Certes, les prestigieux symboles de la présence chrétienne ne manquent pas dans le continent européen, mais avec l’expansion lente et progressive de la sécularisation, ils risquent de devenir un pur vestige du pasdsé. Beaucoup n’arrivent plus à intégrer le message évangélique dans l’expéreice quotidienne ; il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus-Christ dans un contexte social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis en défi et menacé ; dans se nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée que croyant ; on a l’impression que la non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d’une légitimation sociale qui est ni évidente ni escomptée.

 

8. Cette perte  de la mémoire chrétienne s’accompagne d’une sorte de peur d’affronter l’avenir. L  que de désir. On en trouve »image du lendemain qui est cultivée s’avère souvent päle et incertaine. Face à l’avenir, on ressent plus de peur des signes préoccupants, entre autres, dans le vide intéreir qui tenaille de nombreuses personnes et dans la perte du sens de la vie. Parmi les expressions et lkes conséquences de cette angoisse existentielle, il faut compter en particulier la dramatique diminution de la natalité, la baisse des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, la difficulté, sinon le refus de fairedes chois définitifs de vie, même dans le mariage.

 

On assiste à une fragmentation diffuse de l’exsitence ; ce qui prévaut, c’est une sensation de solitude ; les divisions et les oppositions se multiplient. Parmi les autres symptômes de cet état de fait, la sitation actuelle de l’Europe connaît le grave phénomène des crises de la famille, la persistance ou la réactivation de conflits ethniques, la résurgence de certaines attitudes racistes, les tensions interreligieuses elles-mêmes, l’attitude égocentrique qui enferme les personnes et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d’une indifférence éthique générale et de la crispation excessive sur ses propres intérets et privilèges. Pour beaucoup de personnes, au lieu d’orienter vers une plus grande unité du genre humain, la mondialisation en cours rfisque de suivre une logique qui marginalise les plus faibles et qui accroît le nombre des pquvres sur la terre.

 

Parallélement à l’expansion de l’individualisme, on note un affaiblissement croissant de la solidarité entre les personnes….

 

9. A la racine de la perte de l’espérance se trouve la tentative de faire prévaloir une anthrologie  sans Dieu et sans Christ. Cette manière de penser a conduit à concidérer l’homme comme « le centre absolu de la réalité,  lyui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n’est pas l’homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l’homme. L’oubli de Dieu a conduit à l’abandon de l’homme, et c’est pourquoi dans ce contexte, il n’est pas surprenant que se soient largement développés  le nihilisme en philosophie, le relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique dans la manière d’aborder la vie quotidienne. La culture européenne donne l’impression d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas.

 

Dans une telle perspective prennent corps les tentatives, renouvelées tout récemment encore, de présenter la culture européenne en faisant abstraction de l’approt du christianisme qui a marqué son développement historique et sa diffusion universelle. Nous sommes là devant l’apparition d’une nouvelle culture, pour une large part influencée par les médias, dont les caractéristiques et  et le contenu sont souvent contraires à l’Evangile et à la dignité de la personne humaine » De cette culture fait partie aussi un agnosticisme religieux toujours plus répandu, lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l’homme comme fondement des droits inaliénables de chacun. Les signes de la disparition de l’espérance se manifestent parfois à travers des formes préoccupantes de ce que l’on peut appeler une « culture de mort ».

 

10. Mais comme l’ont souligné les Pères synodaux, « l »homme ne peut vivre sans espérance : sa vie serait vouée à l’insignifiance et deviendrait insupportable. Bien souvent celui qui a besoin d’espérance croit pouvoir trouver un apaisement dans des réalités éphémères et fragiles. Et, ainsi, l’espérance, emprisonnée dans un milieu purement humain fermé à la transcendance, est identifiée, par exemple, au paradis promis par la science et par la technique, ou à des formes diverses de messianisme, au bonheur de nature hédoniste procuré par le consumérisme ou au bonheur imaginaire et artificiel produits par des stupéfiants, à certaines formes de millénarisme, à l’attrait des philosophies orientales, à la recherche de formes de spiritualité ésotériques, aux divers courants du NewAge

Mais tout cela se révèle profondément illusoire et incapables de satisfaire la soif de bonheur que le cœur de l’homme continue à ressentir en lui-même. Ainsi subsistent  et s’intensifient les signes préoccupants de la disparition de l’espérance, qui parfois se manifestent même à travers des formes d’agressivité et de violence ».

 

Belle analyse d’une situation grave, qui mesure l’échec de la pastorale actuelle, en Europe

Face à cette décadence religieuse en Europe, le Pape, dans son exhortation apostolique, propose mille remèdes, trop…On s’y perd… J’ai retenu, pour vous, quelques appels du Pape :

 

b)   Appel en faveur des écoles catholiques

 

« 59. Sur le chemin de l’évangélisation de la culture, prend place l’important service accompli par les écoles catholiques. Il faudra travailler à faire reconnaître une effective liberté d’éducation et la parité juridique entre les écoles publiques et les écoles privées. Ces dernières sont parfois l’unique moyen de prposer la tradition chrétienne à ceux qui en sont loin. J’exhorte les fidèles engagés dans le monde de l’éducation à persévérer dans leur mission, en portant la lumière du Christ Sauveur dans leur propres activités éducatives, scientifiques et académiques ».

 

c)    Appel en faveur de la  beauté du culte liturgique.

 

« 70. Certains symptômes révèlent un affaiblissement du sens du mystère dans les célébrations liturgiques elles-mêmes, qui devraient au con- traire y introduire. Il est donc urgent que dans l'Église soit ravivé le sens authentique de la liturgie. Celle-ci, comme l'ont rappelé les Pères synodaux,119 est un instrument de sanctification; elle est une célébration de la foi de l'Église; elle est un moyen de transmission de la foi. Avec l'Écriture sainte et les enseignements des Pères de l'Église, elle est source vivante d'une authentique et solide spiritualité. Comme le souligne bien aussi la tradition des vénérables Églises d'Orient, par la liturgie, les fidèles entrent en communion avec la Sainte Trinité, faisant l'expérience de leur participation à la nature divine, en tant que don de la grâce. La liturgie devient ainsi anticipation de la béatitude finale et participation à la gloire céleste.

71. Dans les célébrations, il faut redonner à Jésus la place centrale, afin de nous laisser éclairer et guider par lui. Nous pouvons trouver là l'une des réponses les plus claires que nos communautés sont appelées à donner à une religiosité vague et inconsistante. La liturgie de l'Église n'a pas pour but d'apaiser les désirs et les peurs de l'homme, mais d'écouter et d'accueillir Jésus le Vivant, qui honore et loue son Père, afin que nous puissions le louer et l'honorer avec lui. Les célébrations ecclésiales proclament que notre espérance nous vient de Dieu, par Jésus notre Seigneur.

Il s'agit de vivre la liturgie comme œuvre de la Trinité. C'est le Père qui agit pour nous dans les mystères célébrés; c'est lui qui nous parle, qui nous pardonne, qui nous écoute et qui nous donne son Esprit; c'est vers lui que nous nous tournons, lui que nous écoutons, que nous louons et que nous invoquons. C'est Jésus qui agit pour notre sanctification, nous rendant participants de son mystère. C'est l'Esprit Saint qui opère avec sa grâce et fait de nous le Corps du Christ, l'Église.

La liturgie doit être vécue comme annonce et anticipation de la gloire future, terme ultime de notre espérance. Comme l'enseigne en effet le Concile

« Dans la liturgie terrestre nous participons, en y goûtant par avance, à cette liturgie céleste qui est célébrée dans la sainte cité de Jérusalem vers laquelle nous tendons dans notre pèlerinage [...], jusqu'à ce que [le Christ], qui est notre vie, se manifeste et que nous soyons manifestés nous-mêmes avec lui dans la gloire ».120

d)   Appel en faveur du mariage et la famille

90. L'Église en Europe, dans toutes ses composantes, doit proposer à nouveau, avec fidélité, la vérité sur le mariage et la famille.147 C'est une nécessité qu'elle ressent intensément en elle-même, car elle sait qu'elle est qualifiée pour accomplir cette tâche, en vertu de la mission évangélisatrice que lui a confiée son Époux et Seigneur, et que cette tâche s'impose aujourd'hui de nouveau avec une insistance inégalée. De nombreux facteurs culturels, sociaux et politiques contribuent en effet à provoquer une crise, toujours plus évidente, de la famille. Ils compromettent, dans certaines mesures, la vérité et la dignité de la personne humaine, et ils remettent en cause, en la dénaturant, l'idée même de famille. La valeur de l'indissolubilité du mariage est de plus en plus méconnue; on revendique des formes de reconnaissance légale des unions de fait, les mettant sur le même plan que les mariages légitimes; on observe même des tentatives visant à faire accepter des modèles de couples où la différence sexuelle ne serait plus essentielle.

Dans ce contexte, il est demandé à l'Église d'annoncer avec une vigueur renouvelée ce que dit l'Évangile sur le mariage et la famille, pour en saisir la signification et la valeur dans le dessein salvifique de Dieu. Il est en particulier nécessaire de réaffirmer que ces institutions sont des réalités qui proviennent de la volonté de Dieu. Il faut redécouvrir la vérité de la famille, en tant que communauté intime de vie et d'amour,148 ouverte à la génération de nouvelles vies; et aussi sa dignité « d'Église domestique » et sa participation à la mission de l'Église et à la vie de la société.

91. Selon les Pères du Synode, il faut reconnaître que de nombreuses familles, dans le quotidien d'une existence vécue dans l'amour, sont des témoins visibles de la présence de Jésus qui les accompagne et qui les soutient par le don de son Esprit. Pour affermir leur marche, on devra approfondir la théologie et la spiritualité du mariage et de la famille; proclamer avec fermeté et intégrité, et montrer au moyen d'exemples efficaces la vérité et la beauté de la famille fondée sur le mariage entendu comme union stable et féconde d'un homme et d'une femme; promouvoir dans toute communauté ecclésiale une pastorale familiale organique et adaptée. En même temps, il sera nécessaire d'offrir, avec une sollicitude maternelle de la part de l'Église, une aide à ceux qui se trouvent dans des situations difficiles, par exemple les mères célibataires, les personnes séparées, les divorcés, les enfants abandonnés. Dans tous les cas, il conviendra d'encourager, d'accompagner et de soutenir une juste participation des familles, seules ou     associées, dans l’Eglise et dans la société, et de veiller à ce que les Etats et l’Union européenne elle-même mettent en place des politiques familiales authentiques et adaptées ».

 

               e)  Appel en faveur de la vie.

 

« 95. Le vieillissement et la diminution de la population auxquels on assiste dans divers pays d'Europe ne peuvent pas ne pas être des motifs de préoccupation; en effet, la chute des naissances est le symptôme d'un rapport perturbé avec l'avenir; c'est une manifestation évidente d'un manque d'espérance, c'est le signe de la « culture de mort » qui traverse la société contemporaine.155

Avec la chute de la natalité, il faut rappeler d'autres signes qui concourent à provoquer l'éclipse de la valeur de la vie et à déchaîner une sorte de conjuration contre elle. Parmi eux, il faut tout d'abord mentionner avec tristesse la diffusion de l'avortement, même en utilisant des préparations chimiques et pharmaceutiques qui le rendent possible sans devoir recourir à un médecin, et le soustrayant ainsi à toute forme de responsabilité sociale; cela est favorisé par la présence, dans les législations de nombreux États du continent, de lois permettant un geste qui demeure un « crime abominable » 156 et qui constitue toujours un grave désordre moral. On ne peut pas oublier non plus les attentats perpétrés à travers les interventions « sur les embryons humains qui, bien que poursuivant des buts en soi légitimes, en comportent inévitablement le meurtre », ou bien l'utilisation détournée des techniques de diagnostic prénatal, qui sont mises non pas au service de thérapies précoces, parfois envisageables, mais « d'une mentalité eugénique qui accepte l'avortement sélectif ».157

Il faut aussi mentionner la tendance, que l'on observe dans certaines parties de l'Europe, à penser qu'il pourrait être permis de mettre fin sciemment à ses jours ou à ceux d'autrui: d'où une diffusion de l'euthanasie, cachée ou effectuée au grand jour, en faveur de laquelle les demandes et les tristes exemples de légalisation ne manquent pas.

96. Face à cet état de fait, il est nécessaire de « servir l'Évangile de la vie » également grâce « à une mobilisation générale des consciences et à un effort commun d'ordre éthique, pour mettre en œuvre une grande stratégie pour le service de la vie. Nous devons construire tous ensemble une nouvelle culture de la vie ».158 C'est là un grand défi qu'il faut affronter avec responsabilité, dans la certitude que « l'avenir de la civilisation européenne dépend en grande partie d'une défense et d'une promotion résolues des valeurs de la vie, centre de son patrimoine culturel »; 159 il s'agit en effet de rendre à l'Europe sa véritable dignité, qui est d'être le lieu où toute personne est reconnue dans son incomparable dignité. »

 

B)  Rappel des demandes de l’Eglise aux Institutions Européenes

 

114. Aux Institutions européennes elles-mêmes et aux divers États d'Europe, je demande avec les Pères synodaux179 de reconnaître qu'un bon ordonnancement de la société doit s'enraciner dans d'authentiques valeurs éthiques et civiques, partagées le plus possible par les citoyens, en notant que de telles valeurs constituent avant tout le patrimoine des divers corps sociaux. Il est important que les Institutions et les États reconnaissent que, parmi ces corps sociaux, il y a aussi les Églises et Communautés ecclésiales, ainsi que les autres organisations religieuses. À plus forte raison, quand elles existent déjà avant la fondation des nations européennes, elles ne sont pas réductibles à de simples entités privées, mais elles agissent avec un poids institutionnel spécifique, qui mérite d'être sérieusement pris en considération. Dans le déroulement de leurs activités, les différentes Institutions étatiques ou européennes doivent agir en sachant que leurs systèmes juridiques ne seront pleinement respectueux de la démocratie que s'ils prévoient des formes de « saine collaboration » 180 avec les Églises et les Organisations religieuses.

À la lumière de ce qui vient d'être souligné, je voudrais m'adresser encore une fois aux rédacteurs du futur traité constitutionnel de l'Europe, pour que, dans ce dernier, figure une référence au patrimoine religieux et spécialement chrétien de l'Europe. Dans le plein respect de la laïcité des Institutions, je souhaite par-dessus tout que soient reconnus trois aspects complémentaires: le droit des Églises et des communautés religieuses de s'organiser librement, en conformité avec leurs propres statuts et leurs propres convictions; le respect de l'identité spécifique des Confessions religieuses et le fait de prévoir un dialogue structuré entre l'Union européenne et ces mêmes Confessions; le respect du statut juridique dont les Églises et les institutions religieuses jouissent déjà en vertu des législations des États membres de l'Union.181

 

Sur ce sujet, je me permets de vous renvoyer aux judicieuses remarques faites par Jean Madiran.

A)                   Considérations de Jean Madiran, dans le Journal PRESENT,  sur l’article  117 du document. Ils les intitulent : « Réflexion sur les deux pouvoirs (ou ce qu ‘il en reste). Nous donnons ici les trois premiers articles

 

« 1.- L’Eglise catholique nous l’a redit en cette année 2003 : elle  ne demande pas un retour à des formes d’Etat confessionnel ». A quoi elle ajoute aussitôt un « mais » :

  «  Mais en même temps, elle déplore   tout type de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles et les confessions religieuses. »

La distinction nécessaire et l’union souhaitable entre les « institutions civiles » et les « confessions religieuses » est une traduction, dans la langue d’aujourd’hui usuelle et la sensibilité moderne, de la doctrine traditionnelle fondée sur l’Evangile «  rendez à César ce qui est à Cesar et à Dieu ce qui est à Dieu ». Il était traditionnellement précisé que distinction des deux pouvoirs, le spirituel et le temporel, ne signifiait pas la séparation que réclamait le laïcisme et laissait subsister leur union d’intention et de coopération. Il apparaît aujourd’hui que la séparation est admise si elle n’est pas hostile et si elle est reclamée par un laïcisme non-idéologique » (C’est-à-dire simplement pragmatique ?). Puis un nouveau glissement du vocabulaire se met immédiatement à parler plutôt de «  communauté écclésiale » d’une part et de «  société politique » d’autre part : » Dans la logique d’une saine collaboration entre communauté ecclésiale et société politique, l’Eglise catholique est convaincue de pouvoir apporter une contributuion spécifique à la perspective de l’unification( de l’Europe), offrant aux institutions européennes, en continuité avec sa tradition et en harmonie avec les directives de sa doctrine sociale, la présence de communautés de croyants qui cherchent à réaliser l’humanisation de la société à partie de l’Evangile vécu sous le signe de l’espérance ».

Le titre que fait valoir ainsi l’Eglise à être entendue par les dirigeants politiques de l’actuelle Union européenne, c’est en somme d’être, selon l’expression de Charles Maurras, « la seule internationale qui tienne » Il a existé une Europe, c’était la chrétienté médiévale, son unité était beaucoup plus morale que politique, elle  était due à l’Eglise, son pape, ses évêques, ses monastères, sur un fond d’héritage  de l’Empire romain. Et aujourd’hui, devant la résistance, plus passive qu’active sans doute, mais enfin la résistance politique des Nations d’Europe qui acceptent mal leur condamnation à disparaître, l’Eglise catholique demande que les pouvoirs politiques la laissent exercer plus largement  et plus librement son influence en faveur d’une «  convivialité européenne » qui collabore explicitement à l’unification ». Elle seule peut le faire. Mieux que sa concurrente et ennemie, la galaxie maçonnique et socialiste. Mieux, aussi que la finance internationale..

 

II.- Et voici tout aussitôt, dans le même alinea et « dans l’optique » de ce qui vient d’être dit, ce que l’Eglise envisage :

« Dans cette optique, il est nàécessaire que DES CHRÉTIENS, convenablement formés et compétents, SOIENT PRESENTS dans les diverses instances et institutions européennes, pour concourir, dans le respect des justes dynamismes démocratiques et à travers une  confrontation des propositions, à définir une conviviaslité européenne toujours plus respectueuse de tout homme et de toute femme, et donc conforme au bien commun ».

Cette présence de  chr.tiens catholiques dans les « institutions européennes, s’ils sont intégralement fidéles à la doctrine sociale de l’Eglise, ne pourra être qu’une aventureuse présence clandestine, il vaudrait mieux ne pas l’ignorer. Imagine-t-on vraiment que la galaxie maçonnique laisserait des  Christine Boutin, des Philippe de Villiers, des docteur Dor ou des Lech Walesa faire carrière à des postes de décideurs dans les institutions européennes davantage que dans les institutions nationales.

Faut-il donc que ce soit seulement un protestant, d’ailleurs éminent, qui, en 2003 nous rappelle ce qu’écrivait Jacques Maritain en 1922 :

« Il faut savoir si nous choisissons dès l’origine de demeurer, en souffrant mépris, dans la maison de la sagesse plutôt que d’habiter honorablement dans les chaires et les académies de la science de ce monde, ou si nous voulons, dès l’origine et par élection première, nous conformer à notre temps…Un tel choix ne peut pas ne pas être fait, on ne peut pas s’y dérober, et il est décidif, car il porte sur la fin poursuivie. »

 

III.- Revenons à la parole du Seigneur :

« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

César est distinct, il a son identité, son rang, son propre budget, son trésor à lui ; il est autonome dans son ordre temoporel. Mais lui non plus n’est pas dispensé de devoir «  rendre à Dieu ce qui est à Dieu » ; il n’est pas dispensé, comme tout ce qui existe, d’être à Dieu.

C’est à dire que le pouvoir politique légitime dispose d’un autorité autonome dans l’ordre temporel, Dieu l’a voulu ainsi, cette autorité lui vient de Dieu, omnis potestas a Deo ; dans l’ordre spirituel, rendre à Dieu ce qui est à Dieu consiste pour le pouvoir politique, dans l’acceptation du fait qu’il ne fonde, ne décrète ni ne modifie la loi morale : il la reçoit.

Dieu n’a pas voulu se passer,dans l’ordre temporel, d’un César autonome mais qui soit à Lui. C’est pourquoi l’Eglise ne peut se passer de la présence autonome et coopérante d’un pouvoir temporel qui soit chrétien. Elle en a besoin jusque dans sa tache d’évangélisation. Elle en a besoin pour faire germer par surcroît une civilasation,comme il est inlassablement dans sa nature de le faire. Elle a besoin de cette articulation et connivence avec un pouvoir temporel ; elle a besoin que ce pouvoir temporel soit autonome dans son ordre ; elle a besoin qu’il soit chrétien.

Les Charlemagne, les saint Louis sont rares. On ne refusera pas un Henri IV, un Louis XIII, un Louis XIV. Dans les temps de grande pénurie,l’Eglise fera avec le minimum : un pouvoir temporel qui soit respectueux au moins de la loi ( morale) naturelle, sans omettre ce qui, dans les trois premiers commandements du Décalogue, relève de la droite raison. Et s’il arrive que l’Etat ou son chef ne respecte pas la loi naturelle, qu’au moins ce soit par accident et non point par dessein délibéré ou par disposition habituelle.

Sans ce minimum de la part de l’Etat, - et si  clergé et laïcs  catholiques ne s’accordent point alors pour constituer, en marge du pouvoir politique de fait, un pouvoir temporel du laïcat chrétien,- l’Eglise n’a plus la possibilité que de devenir une Eglise du silence, ou bien une Eglise des martyrs. L’époque post-stalinienne ne s’en aperçoit guère, ce silence ou ce martyre s’imposant sous des formes médiatiques, administratives et sophistiquées, au goutte à goutte, à dose filée, sous anesthésie »….(Présent.du 10 septembre 2003 p.2)