le Manipule

 

Manipule vient de l'expression manus pleo, " qui se prend à poignée. " D'abord appelé mappula, " mouchoir ", du carthaginois mappa, " serviette ", on l'appelle encore manuale, brachiale et sudarium.

La mappula, ou serviette de table, servait, dans la haute société romaine, à s'essuyer les doigts et la bouche. A la fin du repas, on la mettait entre les doigts ou sur le bras gauche. Une autre origine possible est la mappa qui pendait au bras gauche des femmes. Elle leur servait à essuyer les poussières et la sueur du visage. Il y avait aussi une serviette d'étiquette, qui devint au IVe siècle à Rome une parure de luxe et un insigne des consuls.

Le manipule consiste en une longue bande d'étoffe, simple ou ornée, à bouts presque toujours frangés. Il se porte sur le bras gauche et est aujourd'hui une marque de distinction pour ceux qui sont entrés dans les ordres majeurs.

Comme le reste des ornements, il va subir de nombreuses modifications au cours des siècles. Jadis en lin, il est aujourd'hui de' la même étoffe que la chasuble. De même, il prendra différentes formes : trapézoïdale du Xe au XIIIe siècle, en bande d'égale largeur du XIIIe au XVe siècle, en forme de pelle au XVIIe siècle.

Il doit avoir une croix au milieu de la partie supérieure, que le prêtre doit baiser en s'en revêtant. Les deux autres croix, sur les deux pendants, ne sont pas obligatoires mais la coutume veut qu'il y en ait. Les extrémités doivent recevoir la même décoration que celle de l'étole et peuvent être ornées de franges.

Longtemps les clercs - tous les clercs sans distinction d'ordre - en conservèrent l'usage dans les fonctions liturgiques.

Au IVe siècle, le pape saint Sylvestre statue que les diacres le porteront désormais à la main gauche.

Les Grecs portent un manipule à chaque bras, et les enfants de chœur de Cluny portaient l'aube et le manipule à la messe.

Les diacres en cachaient leur main gauche, les sous-diacres tenaient la patène entre les extrémités de ce même linge, tandis que les acolytes s'en servaient pour présenter ou recevoir les objets de culte.

Ce n'est qu'au XIe siècle que les sous-diacres reçurent le manipule à leur ordination. Ils le porteront sur l'avant bras gauche et le garderont en accédant aux autres ordres majeurs. Honorés du sacerdoce et même de l'épiscopat, ils se serviront encore de cet insigne.

L'évêque, à la messe pontificale, reçoit toujours le manipule au moment de monter à l'autel (après le Confiteor), à l'exception des messes pour les défunts. C'est le reste d'un ancien usage, qui était observé alors

par les évêques et par les prêtres. Les chasubles, n'étant pas échancrées autrefois comme celles de nos jours, couvraient entièrement le corps, sans que les bras parussent. Mais, avant de monter à l'autel, on les retroussait sur le haut des bras de l'évêque ou du prêtre, afin qu'il pût agir

plus librement ; et alors on lui mettait le manipule, qui aurait été inutile et embarrassant auparavant.

En recevant le manipule, l'évêque dit cette prière

" Puissé-je mériter, je vous en prie, Seigneur, de porter le manipule avec l'esprit de compassion, afin que dans la joie je prenne ma place parmi les justes. "

Le prêtre, lorsqu'une cérémonie précède la messe, ne le prend que pour commencer celle-ci. Les diacres assistants au trône pontifical ne portent pas le manipule, parce qu'ils n'interviennent pas à l'autel pendant le saint sacrifice. Par contre, les douze prêtres qui, le Jeudi saint, assistent l'évêque pour la consécration des saintes huiles, prennent le manipule avec l'étole et la chasuble parce que, primitivement, ils concélébraient avec le pontife.

A l'ordination des sous-diacres, avant de revêtir chaque ordonné de la tunique, le pontife leur passe le manipule au bras gauche en disant :

" Recevez le manipule qui symbolise le fruit des bonnes œuvres. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. "

Le manipule symbolise aussi le travail lui-même, comme l'indique la prière prescrite par le rituel pour s'en revêtir

" Puissé-je mériter, ô Seigneur, de porter la gerbe des larmes et des douleurs ; afin que je reçoive dans la joie la récompense de mon labeur. "

Ces deux formules s'inspirent du passage suivant de la sainte Ecriture : " Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans l'allégresse. Ils vont, ils vont en pleurant, portant et jetant la semence ; ils reviendront avec des cris de joie, portant les gerbes de leur moisson (portantes manipulos) " (Ps 125, 5-6).

Ce verset présente à l'esprit deux sortes de manipules ou poignées : l'une, de ceux qui sèment ce qu'ils ont pris dans leurs mains ; l'autre, des moissonneurs qui recueillent. On sème dans ce monde par le travail et les souffrances, et l'on porte dans l'autre le fruit de ce travail. " La nuit est avancée, et le jour approche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres et revêtons-nous des armes de la lumière " (Rm 13, 12). " Et ils en sortiront (des sépulcres], ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie ; ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de condamnation " (Jn 5, 29). La semence est le Verbe, comme nous l'apprend le Seigneur en expliquant la parabole du semeur (Le 8, 5).

Le manipule se porte sur le bras gauche, car il représente les choses de la terre, comme le bras droit représente les choses du Ciel.

Il symbolise les palmes que le Christ portait le jour des Rameaux, mais aussi la corde de chanvre avec laquelle les satellites des Juifs lièrent Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers.