Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

Membre de la FSSPX

06 80 71 71 01

 

 

Semaine du 7 mars 2004 au 13 mars 2004

Deuxième Dimanche de Carême

 

 

 

 

Sommaire

 

« En l’honneur de la Messe »


Cette semaine, je commencerai « cette paroisse », non pas d’abord par l’homélie du dimanche, mais par la publication de cette déclaration que j’intitule : « La « Messe »
« Déclaration d’honneur. Ou profession de foi »
« Attitude pratique ».

Pour les nombreux et nouveaux fidèles de la « paroisse virtuelle Saint Michel », je pense qu’il n’est pas inutile que je précise ma pensée sur la sainte Messe catholique, romaine, dite de Saint Pie V. J’aime cette messe, j’aime son ordre. Dans sa célébration, j’y ai trouvé ma joie de prêtre. Je trouve encore, 33 ans après mon ordination, toujours même joie à la célébrer. Les prières de l’Offertoire ainsi que celles du Canon Romain me ravissent l’intelligence et nourrissent ma piété. Cette messe catholique et romaine me tient dans le droit chemin. Je la veux garder. Rome m’en reconnaît aujourd’hui le droit légitime. Que craindrais-je ? Elle me garde. Elle m’a gardé. Je la garde. C’est raisonnable. C’est aussi une affaire de piété filiale. Je ne n’oublie pas que je l’ai reçue des mains de Mgr Lefebvre. Voilà, c’est clair. Cela devrait suffire.
Mais pour que ceux qui sont aux aguets, sans avoir pour autant bon esprit - ils sont légions - et qui attendent le moindre faux pas pour renouveler, dans la charité, bien sur, ( !) leur condamnation comme ils le firent si facilement, mais à tort, pour Dom Rifan, évêque de l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney, au Brésil, je leur propose ce texte intitulé : « La Messe ».

En redonnant à l’Eglise la libre célébration de la messe catholique dite de Saint Pie V, selon le rite consacré par tant de siècles d’usage, vous lui redonnerez - à l’Eglise – toute sa beauté, sa force, son élan missionnaire, toute sa vie.
C’est la conviction profonde de toute la Tradition Catholique. C’est la Tradition. C’est la foi catholique.
En effet la Messe catholique, -vraiment catholique – est le tout de l’Eglise comme le sacrifice rédempteur fut le tout de Notre Seigneur Jésus-Christ, la raison de sa venue, son « œuvre », comme il est le tout de l’Ancien Testament en tant que le préfigurant, l’annonçant.

Le Saint Sacrifice rédempteur du Christ Seigneur accomplit celui qui fut annoncé, symbolisé, préparé par tous les sacrifices de l’Ancien Testament. Tout l’Ancien Testament est orienté vers la venue du Messie. Tout l’Ancien Testament n’a de sens que dans sa relation au Messie Sauveur et à l’acte théandrique qu’Il devait, un jour, poser au sommet du Calvaire. Il est déjà annoncé, sa finalité est déjà expliquée, dans le Protévangile : « Et je mettrai une inimitié entre Toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête et tu la meurtriras au talon » (Gen 3 15)

En cet acte sacrificiel, appelé théandrique, parce que divin et humain, le Christ Jésus rendait à Dieu son Père « tout honneur et toute gloire », reconnaissait son domaine souverain et plénier sur toute chose et tout être, et confessait sa parfaite soumission. Il réparait ainsi, de cette façon, dans le sacrifice de sa chair sacrée, l’insubordination et la volonté d’indépendance manifestées par Adam et Eve dans la manducation de la pomme : « Tu ne mangeras pas du fruit de cet arbre ».

En cet acte sacrificiel, le Souverain Seigneur accomplissait et réalisait le plan salvifique de Dieu prévu de toute éternité – et déjà contenu mais non explicité dans l’Ancien Testament.

C’est là l’essentiel de la foi. C’est le formel de notre Credo : le mystère de notre foi que Saint Paul explique aux Ephésiens, dans un langage mystérieux mais précis, dans un style enflammé… Et pour cause.

« Béni soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ… C’est en Lui qu’Il nous a choisis dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant Lui, nous ayant, dans son amour, prédestinés à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, selon sa libre volonté, en faisant ainsi éclater la gloire de sa grâce par laquelle Il nous a rendus agréables à ses yeux en son Fils bien aimé. C’est en Lui que nous avons le Rédemption acquise par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce, que Dieu a répandue abondamment sur nous, en toute sagesse et intelligence, en nous faisant connaître le mystère de sa volonté selon le libre dessein que s’était proposé sa bonté pour la réaliser lorsque la plénitude des temps serait accomplie, à savoir, de réunir toutes choses en Jésus-Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre. C’est ainsi en Lui que nous avons été élus, ayant été prédestinés suivant la résolution de Celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté, pour que nous servions à la louange de sa gloire, nous qui, d’avance, avons espéré dans le Christ… »

Que c’est beau !
Que c’est grandiose !
C’est divin.

Supprimé le Messie, le Christ, l’Emmanuel, vous enlevez toute raison d’être à l’Ancien Testament. Il n’a plus de sens. Vous ne pouvez en comprendre la moindre ligne. Il devient hermétique, une série d’histoires, de narrations, de prières sans raison, inexplicable sinon dans sa matérialité, dans son historicité. Mais remettez le Christ au cœur de l’Ancien Testament, tout devient lumineux, tout devient sublime. Vous comprenez alors le sens des phrases, le sens de ces histoires, de ces sacrifices, celui d’Isaac par Abraham son Père, préfiguration de celui de Notre Seigneur. Le cours du temps devient limpide. La « sagesse » de Dieu devient explicite, admirable, adorable. Elle se comprend. Elle exprime tout à la fois, même dans l’Ancien Testament, sa justice et sa miséricorde, en tout cas sa bienveillance bienfaisante.

Il en est de même pour la Messe catholique. Enlevez à l’Eglise ce trésor, faites de la Messe catholique un simple mémorial du sacrifice, une simple « narratio institutionis eucharistiae », une simple histoire remémorant le passé, un jour, vous détruisez toute l’Eglise, sa raison d’être, sa finalité, son intelligibilité, son institution, l’institution elle-même, sa hiérarchie, son souverain pontificat.

Par contre, redonnez-lui ce Sacrifice, vous redonnez vie à l’Eglise. Elle reprend couleur, force, élan. La Messe catholique est à l’Eglise ce que le sang est à la vie. Enlevez le sang du corps, vous avez en peu de temps un être pâle, exsangue, inerte. Redonnez lui le sang, il reprend vie. De livide, de froid qu’il était, le revoilà chaud et vif.

S’il en est ainsi de la Messe – et il en est ainsi – vous comprenez alors notre attachement à la Sainte Messe dite de Saint Pie V et notre désir de comprendre toujours mieux ce mystère et d’en vivre !
Comment penser et agir autrement ?

Je me souviens d’une conversation que j’ai eu – un jour- avec Mgr Lefebvre. Nous étions en l’année universitaire 1970-1971, peut être au printemps, je n’ai plus en mémoire la date exacte. Nous allions de Fribourg à Ecône. Je le conduisais dans ma modeste 2 CV. Il me parlait de la nouvelle attitude du RP Marie Dominique Philippe au sujet de la messe, de la réforme liturgique.
Dieu sait si ce dernier s’était engagé dans la fondation du séminaire à Fribourg. Je le revois encore dans la bibliothèque privée du professeur Faÿ, dans son appartement à Fribourg, rue du Vieux Fribourg. Ils étaient cinq autour de la petite table de la bibliothèque. De la belle fenêtre, un peu moyenâgeuse, nous avions une belle vue sur la Sarine, la rivière qui longe la ville et égaye la campagne. Autour de la table, je revois le professeur, à gauche, Mgr Lefebvre, en face, le Père abbé d’Hauterives, le révérend Père Marie Dominique, devant lui. Un peu en retrait, votre serviteur et Monsieur l’abbé Piquet, un ami du séminaire français à Santa Chiara, que Monseigneur Lefebvre protégeait. C’était en juin 1969. Mgr Lefebvre exposait la situation de l’Eglise, du sacerdoce, la ruine de toute saine formation. Les deux religieux l’encourageaient à faire quelque chose, une fondation. Le révérend Père Marie Dominique, très vibrant était admiratif, enthousiasmé. Il promettait ses services, son soutien. Le Père Abbé l’assurait de son accueil en son abbaye. Le révérend Père Marie Dominique était particulièrement insistant.
Ainsi encouragé, Mgr Lefebvre décide de rendre visite à Mgr Charrière et à lui demander l’autorisation de faire en son diocèse, une fondation. Ils se séparèrent. Le RP Marie Dominique, je vois encore la scène comme si c’était hier, salue Mgr Lefebvre avec une affection, une estime, une émotion remarquable. Il se mit promptement à genou, du coude heurta la petite table, se raidit dans sa douleur et embrassa l’anneau épiscopal, voulant montrer ainsi son adhésion, déjà son action de grâces à une telle décision héroïque.
Le temps passa. Il tint parole un instant puis finit par douter de l’œuvre, de sa réussite ; à petit pas, se retira, discrètement. Cette discrétion est à son honneur. D’autres, en d’autres temps n’ont pas su l’imiter…
La nouvelle messe fut promulguée, la prise de position de Mgr Lefebvre fut connue, rendue publique avant même le 2 juin 1971… Nous ne vîmes plus le bon Père…Et Mgr Lefebvre qui aimait les personnes, qui était fidèle en amitié, se lamentait –non – souffrait et se plaignait de la nouvelle attitude du R P Marie Dominique : « Il ne comprend pas. Ils ne comprennent pas l’importance de la messe. Elle est essentielle à l’Eglise. J’entends encore le ton de sa voix. Vous imaginez si cette phrase est restée dans mon cœur.

Oui, elle est essentielle à l’Eglise.

Redonnez la Messe à l’Eglise, vous lui redonnez son âme, sa vie.
Redonnez la Messe à l’Eglise, vous lui redonnez sa doctrine. Vous verrez alors de nouveau : « s’étendre le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ en ce monde » (lettre de Mgr Lefebvre à Paul VI, le 17 juillet 1976).
Et ce sera aussi la restauration du Droit Public de l’Eglise. Mais le Modernisme n’en veut pas. Il est contre.

Redonnez la Messe à l’Eglise et vous verrez refleurir les certitudes de la Foi. Les affirmations claires de nos dogmes catholiques sonneront, de nouveau, dans les poitrines des fidèles catholiques : « Tu solus Sanctus, tu solus Dominus, tu solus altissimus Jésu Christe ».

Redonnez la Messe à l’Eglise et ce sera la fin de cet œcuménisme-là, celui pratiqué depuis Vatican II et qui est la raison de toutes les réformes de l’Eglise touchant son dogme, sa structure et particulièrement sa liturgie. Comme le reconnaissait Henri Fesquet dans son « journal du Concile : « la portée œcuménique de la réforme liturgique est évidente » (Cité par l’abbé Celier : dimensions œcuméniques de la reforme liturgique).

Redonnez la Messe à l’Eglise,
et vous verrez le sacerdoce catholique restauré et renaître de ses cendres, et les jeunes hommes nombreux monteront, dans cette liberté retrouvée et affirmée, à l’autel célébrer l’acte sublime du sacrifice du Christ. Mais c’est ce que ne veut pas le modernisme qui pousse au sacerdoce universel des fidèles, de tout baptisé.

Redonnez vie à la Messe catholique,
et vous verrez refleurir « le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ sur les personnes, sur les familles et sur les sociétés civiles (Lettre de Mgr Lefebvre à Paul VI le 17 juillet 1976)

Redonnez la liberté à la Messe catholique
et vous rendez –ipso facto- leurs justes conceptions aux idées falsifiées devenues les idoles de l’homme moderne : la liberté, l’égalité, la fraternité, la démocratie. Pourquoi ? Parce que la messe est hiérarchique. Parce que la messe est le mode sublime de l’adoration que tout cœur humain doit à Dieu.

Dom Guillou l’exprime merveilleusement dans son introduction du « livre de la Messe » : « la crise actuelle de la messe, conséquence et cause, à la fois, de la crise générale, est l’occasion de rétablir les bases de l’authentique civilisation catholique,de remettre de l’ordre dans les esprits et par la même, dans la société toute entière ».

Nous touchons ici à l’essentiel. Redonnez sa beauté à la Messe et vous verrez refleurir, au milieu de la hiérarchie, au milieu du sacerdoce et dans le corps des fidèles, la sainteté,la hardiesse de dire non au péché ou de retrouver – au milieu des tentations et de l’agressivité du démon – la force du redressement et de la pénitence par la grâce communiquée.

Redonnez vie à la Messe,
Et vous ne reverrez jamais plus des « hiérarques » assister aux cérémonies liturgiques, cultuelles de l’Ancien Testament, aux cérémonies hébraïques.

Oui, la Messe est « l’âme de l’Eglise ». Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’Eglise elle-même par la bouche de ses pasteurs suprêmes. C’est Léon XIII qui le dit dans « Mirae cantatis ». C’est Pie XI qui l’affirme, de nouveau, dans « Dum Christum Dominum ».
Oui, la Messe est « le point culminant, le centre, la raison d’être souveraine du culte divin », le dû que nous devons à Dieu. (Pie XI, allocution au Consistoire du 23 mai 1923).
Et « elle est aussi la source et l’aliment de toute vie surnaturelle ». (Pie XII, Mediator Dei).
Oui, elle est « le grand acte du culte divin » ; (Pie XII, Discours du 31 mai 1953).
Elle contient « tout le trésor spirituel de l’Eglise ». Elle est enfin « la source pour l’Eglise et le gage de la gloire céleste ».

Vous comprenez pourquoi nous sommes attachés à cette messe, pourquoi nous voulons vivre de cette messe et chercherons toujours à la mieux comprendre.

Aussi, nous lançons un appel « à scruter le mystère de la messe, à méditer sa signification, à mesurer son importance capitale » (p18/19, le livre de la messe. Dom Guillou). C’est seulement par elle et avec elle que nous pouvons rendre à Dieu « tout honneur et toute gloire » et reconnaître le souverain domaine de Dieu sur toute chose et confesser notre parfaite soumission à sa Majesté.

Mais vous comprenez tout autant pourquoi elle est si détestée, si combattue par l’hérétique et le moderniste. Car l’hérétique et le moderniste refusent et ce souverain domaine de Dieu sur toute chose et cette parfaite soumission de son intelligence à la sagesse divine qui a « tout récapitulé dans le Christ », dans son sacrifice dans son sang.

Et c’est ainsi que l’on peut dire que la liberté de la messe dite de Saint Pie V dans l’Eglise est en proportion de la pureté de la doctrine librement exprimée par la hiérarchie catholique.
Elle est totale dans le cœur de Mgr Lefebvre. Il s’en fait le juste défenseur.
Elle est totale dans le cœur de Mgr de Castro Mayer. Il s’en fait le juste Héraut ;
Elle est maintenant totale dans le cœur de Mgr Lazo, des Philippines. Il en redevient son libre apologiste
Qui potest capere capiat ».

Et c’est pourquoi tout effort, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, pour rendre à la Messe catholique dite de saint Pie V sa place dans l’Eglise, est digne d’intérêt, de joie et d’attention, de reconnaissance La prudence, bien sur, s’impose après trente ans d’efforts pour la faire disparaître.

Et ne pas voir ces efforts et cette évidente évolution dans l’Eglise aujourd’hui tient de la cécité.
Et l’on connaît les dangers de suivre un aveugle…


Aussi me suis-je réjoui profondément à la lecture des conférences du cardinal Stickler publiées par le CIEL.

Aussi me suis-je réjoui à la publication des livres récents du cardinal Ratzinger dans lesquels il prend la défense du rite tridentin et dans lesquelles il dit que doit cesser ce conflit contre la « messe tridentine » :

« Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu ‘en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie ou qui la pratique, est traité comme un lépreux : c’est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Eglise. On méprise par là tout le passé de l’Eglise. Comment pourrait-on avoir confiance en elle au présent s’il en est ainsi. J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance qui s’oppose aux réconciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison valable. » (Card. Ratzinger Voici quel est notre Dieu. p. 291)

Aussi me suis-je réjoui profondément quand je me suis aperçu que ce désir exprimé par la hiérarchie s’intensifiait pour devenir même une résolution ferme, constante et répétée. C’est encore le cardinal
Ratzinger qui affirme dans son livre « Le sel de la terre » :

« Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de dangereux ou d’inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y avait de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?...Malheureusement la tolérance envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie . On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin. » (le sel de la terre p. 172- 173)

Aussi n’est-il pas étonnant d’avoir vu, enfin, un cardinal, le Cardinal Catrillon Hoyos célébrer à Rome, sur un autel papal, à sainte Marie Majeure, la messe tridentine, le 24 mai 2003. Je m’en suis réjoui.
Car je voyais en cet acte la confirmation du bon droit pour la
Messe catholique tridentine de retrouver toute sa place et sa liberté dans l’ Eglise.

Et ne fut-ce l’interdiction de mon supérieur, j’aurais été en bonne place en cette basilique pour exprimer ma joie et ma reconnaissance, ainsi que mon soutien à cette effort vrai de la hiérarchie catholique , lui proposant main « cordiale », humble et déférente pour l’aider dans cet effort de restauration liturgique.

Telles sont mes résolutions clairement exprimées.

Homélie pour le deuxième dimanche de Carême


C’est sur l’Evangile selon Saint Mathieu au chapitre 17 , versets 1 à 9 que l’Eglise attire aujourd’hui notre attention., ce dimanche C’est le magnifique récit de la Tranfiguration

« En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme neige. Et voici que leur apparurent Moïse et Elie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors, prenant la parole, dit à Jésus : « Seigneur quel bonheur pour nous d’être ici !Si vous le voulez, faisons ici trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Elie. Il parlait encore qu’une nuée lumineuse les prit sous son ombre ; et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis ma complaisance, écoutez-le. » En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et ils furent pris d’un grand effroi. Alors Jésus s’approcha et dit : « Relevez-vous, ne vous effrayez pas. » Et levant les yeux, ils ne virent plus personne, que Jésus seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez à personne de cette vision avant que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. »

Nous voilà en marche vers la Grande Semaine Sainte, la Semaine Pascale, la semaine de la Passion et de la Résurrection de NSJC, la grande semaine de notre Rédemption, accomplie par la Croix de Notre Seigneur adorable, le « Bien Aimé » du Père, notre « Bien Aimé », s’il est possible, ici, de le murmurer.

L’Eglise veut maintenant préparer notre intelligence à ce mystère de la Croix où éclate, comme un tonnerre, où brille comme un éclair du Ciel, la grande charité de NSJC pour chacun d’entre nous.

L’Eglise veut nous préparer à bien entrer dans ce mystère de la Charité de l’amour de Dieu.
Et voilà pourquoi elle choisit le récit de la Transfiguration de NSJC en la montagne appelée « Thabor ».

Mais quel lien peut-il y avoir entre la Transfiguration et la Croix du Christ ? Je vous le demande un peu !
Oui ! Quel lien entre la Transfiguration et la Croix de NSJC ?

Là, au Thabor, d’après le récit de Saint Mathieu et de Saint Luc, éclate la divinité de NSJC. Elle est manifeste et par le miracle lui-même et par la voix du Père qui se fait entendre de tous : « Voici mon Fils Bien aimé en qui je me complais, écoutez-le. »

Il nous est dit également que NSJC prit avec Lui « Pierre, Jacques et Jean son frère. », ceux là même qui assisteront à l’agonie de NSJC dans le jardin des « « Oliviers ». Ce n’est pas pour rien. Il les conduisit à l’écart des autres – sur une haute montagne : le Thabor. Et là, devant eux, il fut transfiguré. Sa divinité se fit visible : « Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements deviennent blancs comme la neige ». Et en même temps une nuée lumineuse les couvrit tous et du sein de la nuée un voix se fit entendre, disant : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances. Ecoutez-le ».

Oui ! Quel lien y a-t-il entre la Transfiguration et la Croix ? Je vous le demande bien.

N’oubliez pas l’apparition, en cette scène, de « Moïse » et d’ « Elie ». Saint Mathieu le note très clairement : « Et voilà que Moïse et Elie leur apparurent conversant avec Lui ».

Et Saint Luc, le seul, nous rapporte la conversation entre eux trois : « Et voilà, deux hommes conversaient avec Lui : c’étaient Moïse et Elie…Ils s’entretenaient de sa mort qui devait s’accomplir à Jérusalem ».

Nous commençons à mieux voir. Peut-être !

Alors que la divinité de NSJC éclate de toute part, que les Apôtres la voient, la constatent de leur yeux de chair, alors que , dans la seconde, éclate aussi la déclaration de sa divinité par son Père : « Voici, mon Fils bien aimé ».
Alors que la divinité de NSJC éclate de toute part, vous dis-je, de Lui-même, du Ciel, Lui, avec Moïse et Elie s’entretient de sa mort qui va s’accomplir sous peu à Jérusalem.

Etonnant. Non !

Et puis, nous savons, nous pouvons situer le temps de cette Transfiguration. Elle a lieu quelques jours après la multiplication des cinq pains et des petits poissons. Miracle qui prouve sa divinité. Elle a lieu même, pour Saint Mathieu, six jours après la Confession de Saint Pierre à Césarée. Pour Saint Luc, une huitaine de jours après.

Là, à Césarée, NSJC interroge ses disciples sur Lui-même. Qui dit-on que je suis ? Les uns disent « ceci »… Les autres disent « cela »…Et vous, « qui dites-vous que je suis ». Saint Pierre prenant la parole lui dit : « Vous êtes le Christ, le Fils de Dieu vivant ». Emerveillé de cette déclaration, NSJC félicite son disciple, le déclare bienheureux, bienheureux d’avoir eu cette lumière de son Père et le déclare, a cette occasion « pierre fondamentale de son Eglise : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ».

En suite de quoi, NSJC se mit, là aussi, à parler de suite de sa Passion, après leur avoir aussi signifié clairement de ne pas dire qui il était : « Il défendit à ses disciples de dire à personne qu’Il était Jésus, le Christ, le Fils de Dieu ».

C’est la même interdiction qu’il fit aux trois disciples ayant vu sa divinité au Thabor : « Ne parlez à personne de cette vision jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts ».

Bien !

Alors qu’éclate au Thabor sa divinité Jésus, Lui, s’entretient de sa mort.
Alors que les disciples à Césarée le reconnaissent et le confessent comme Dieu, là aussi NSJC, immédiatement, leur parle de sa Passion. L’évangéliste est formel : « Alors il défendit à ses disciples de dire à personne qu’Il était le Christ. Jésus commença dès lors à découvrir à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, qu’il souffrit beaucoup de la part des Anciens…qu’Il fut mis à mort… Pierre le reprenant : A Dieu ne plaise Seigneur, cela ne vous arrivera pas. Jésus se tournant, lui dit : Arrière Satan. Retire-toi Tu m’es un scandale. Tu n’as pas l’intelligence des choses de Dieu. Tu n’as que des pensées humaines ».

Ces deux scènes, la Transfiguration et Césarée sont tout à fait semblables.

Dans les deux endroits, éclate sa divinité. Et dans les deux endroits, au Thabor comme à Césarée, Jésus parle de sa Passion à venir.

Il y a là tout un enseignement.

Ces deux scènes nous permettent d’entrer un peu, si cela est possible, dans le cœur de Jésus et de voir en Lui, un « penchant », une « propension ». Il y a, dans son âme, comme un poids qui l’attire à la Croix.

Je m’inspire de la pensée de Louis Chardon, dominicain du 16 siècle, exprimé dans son beau livre : « la Croix de Jésus ». Un chef d’œuvre.

Il a tellement soif de nos âmes, de notre salut, de notre bonheur, de notre éternité qu’Il lui tarde de souffrir sa Passion. Il la désire. Parce qu’Il sait que, par son sacrifice sanglant, il apaise la justice de son Père et qu’Il nous permet alors de retrouver accès auprès du Père et de jouir de la béatitude éternelle. Et c’est pourquoi il préfère toujours s’entretenir de sa Croix que de sa Gloire.

Il a, en effet, en toute liberté, « contracté »le devoir de satisfaire pour les membres qui ont offensé son Père (Péché originel). Aussi lui tarde-t-il d’arriver à cette heure où sera satisfait le penchant de son âme, son désir : notre salut éternel. Et tant qu’Il n’est pas là physiquement, Il y pense sans cesse. La Croix, son heure, et par elle, notre salut, est l’objet de son cœur. L’amour de notre âme , son salut, est comme un poids qui l’entraîne à la mort.

Il a hâte. Il n’a de cesse « de payer pour nous à la rigueur de la justice de Dieu »(Chardon) puisque ce n’est pas sans une « peine » - et quelle peine ! - que Dieu veut nous sauver : notre libération devant être une rédemption.

L’amour de nos âmes, notre salut, la raison pour laquelle Il est là, opérait comme un poids pressant en son âme vers la fin pour laquelle il était venu en ce monde. Il voulait tant remplir l’office dont Il s’était chargé de faire, de réaliser par ses souffrances nécessaires et par sa mort en la Croix, « la purgation de nos péchés ! » (Chardon). Son amour pour nous est comme un poids qui l’incline à la Croix.
Ce poids est très pressant, tellement pressant.

C’est ce qui, nous dit-on, ressortirait surtout du film de Mel Gibson : « la Passion du Christ ». S’il en est ainsi, tant mieux pour nous tous qui le verront!

Au Thabor, on lui parle de Gloire, de sa Gloire, de sa divinité. Non ! Il préfère s’entretenir de sa Passion, tant Il a à cœur notre rédemption. Il avait en son âme comme une pente, comme une inclination à mourir. Il désirait cette « heure ». Il en parle comme étant son « heure ».

Jésus admirablement transfiguré, ne s’entretient point avec Moïse et Elie de la splendeur de son corps, ni de la beauté de son âme. Au contraire, Il parle, Il s’entretient non de l’excès de sa béatitude, mais de l’excès de ses souffrances pour satisfaire pour nous la justice du Dieu Vivant.

Entrez-vous un peu mieux dans le cœur aimant de NSJC !

Nous considérons Jésus au milieu de la gloire éclatante du Thabor, abîmé dans l’essence divine et absorbé en la plénitude du bonheur éternel qui fait, en toutes ses facultés…un déluge de joie ( Imaginez ! la possession actuelle, essentielle du bien absolu) proportionnée à la grandeur du mérite du Fils unique de l’Eternité, avoué pour tel par une protestation ineffable du Père céleste …Et néanmoins, au lieu de retenir son esprit arrêté à tant de biens qui portent leurs effets jusque dessus ses vêtements, - au contraire -, Il l’en retire et divertit sa pensée ( non point, vous dis-je, de sa gloire) pour envisager de loin les fouets, les épines, les clous et la mort honteuse d’une cruelle croix…

Oui… Au travers de tant de lumières béatifiques, Il regarde, mieux, la Croix. Il soupire après elle, après les horreurs de la Passion.. La contemplation de la gloire éternelle ne peut le détourner de la soif qu’Il a de souffrir. Il oblige alors Moïse et Elie de l’entretenir de l’excès qu’Il devait accomplir en Jérusalem, comme si tout ce qui est en Lui devait concourir à une unique fin : la réparation de l’homme.

Voyez encore :

Deux excès se présentent en son esprit, l’un de gloire, l’autre de confusion, un comble de vie bienheureuse et une extrémité de malheur.

Mieux encore.

La condition de vie heureuse est présente, celle du déshonneur est absente… Et néanmoins, le poids que la grâce fait en son âme pour l’accomplissement du prix de notre rançon, arrête les effets du premier excès et l’amour qu’il a de notre salut fait que son cœur, son amour, son esprit et son attention soient moins sur le Thabor que sur le Calvaire.

Etrange poids.
Insolente disposition.
Farouche inclination qui se complet davantage en sa Passion qu’en sa Transfiguration.
La Passion est son désir.
L’amour béatifique dont il doit jouir en toute paix ne l’emportera donc pas sur l’amour de la Croix qui possède son cœur. Oui !

Le Père Garrigou Lagrange commentant Louis Chardon répète inlassablement : « Il y a dans l’âme de Jésus comme un poids qui l’incline à la Croix.

Oui !

Lorsqu’au Thabor, Il entend la voix du Père qui crie des cieux : « Vous êtes Mon Fils », Il le dissimule. Il n’y porte attention pour s’entretenir des horreurs du Calvaire. Il quitte l’attention de sa glorieuse Transfiguration pour emplir son esprit des laideurs de sa mort…et transporte son cœur sur les plaies sanglantes de tout son corps. Il remplit son esprit des trois croix sur l’une desquelles on le doit attacher… Les moqueries, les mépris, les blasphèmes exécrables font plus d’effet en son âme que le témoignage adorable des ses grandeurs. Et de crainte qu’on ne publie sa gloire avant sa Passion, Il impose le silence aux trois disciples des choses qu’ils avaient vues et qu’ils avaient entendues durant leur ravissement sur cette heureuse montagne.

C’est ainsi que Jésus nous fait voir qu’Il met sa grandeur, plus dans les tourments de sa Passion que dans sa propre exaltation comme Fils de Dieu. L’amour qu’Il a pour la croix ne peut permettre qu’aucune autre pensée vienne altérer l’inclination que la grâce lui donne de mourir entre ses bras.
Là, au Thabor, comme en toutes autres situations, il bannit de son souvenir la pensée de sa filiation divine afin de faire place au désir de sa Passion. Jésus a une inclination plus grande de mourir que de vivre. C’est pourquoi Il donne préférence à son âme de réfléchir sur la Croix plutôt que sur sa propre gloire.

Sa divinité est nécessaire pour donner une force infinie à sa Rédemption.
Son humanité est nécessaire. C’est elle qui sera la matière du sacrifice rédempteur.
La propension de son cœur le portant à préférer la Passion à sa propre Gloire qu’Il a en tant que Fils de Dieu, me permet de mesurer l’amour qu’Il a du salut de mon âme.
Je comprends Saint Paul disant : « Dilexit me. Tradidit semetipsum pro me ». Il m’a aimé. Il s’est lui-même livré pour moi ».
Je comprends Saint François traversant la compagne d’Assise disant « l’amour n’est pas connu, l’amour n’est pas aimé »

Que les fidèles de la « Paroisse virtuelle Saint Michel » aiment davantage leur Maître. Et pour ce faire qu’ils retiennent quelques instants leur esprit à méditer cela et qu’ils gardent, dans leur cœur, l’argument. Qu’il en soit ainsi de leur « curé ».




« Traité de l’amour de Dieu » de Saint Bernard

Chapitre VII : On ne peut aimer Dieu sans profit et le cœur humain ne saurait se rassasier de biens temporels.


17. Voyons maintenant quel profit personnel nous pouvons attendre de l’amour de Dieu. Mais ici encore, quel rapport y a-t-il entre ce que nous pouvons savoir et la vérité ? Pourtant, même si nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont, nous ne devons pas taire ce que nous en apercevons. Tout à l’heure, lorsqu’il s’agissait de déterminer pourquoi et dans quelle mesure il faut aimer Dieu, j’ai dit que cette question – pourquoi ? - comportait deux interprétations diverses, selon qu’on cherche quel mérite divin ou quel avantage pour nous est la cause de cet amour. Ainsi parler du mérite de Dieu, non pas certes d’une manière digne de lui, mais dans la mesure où il m’a donné d’en savoir quelque chose, il me reste maintenant à traiter de la récompense promise à l’amour, et j’en traiterai également selon que Dieu voudra me l’inspirer. En effet nous n’aimons pas Dieu sans récompense, bien qu’il faille l’aimer sans espérer en obtenir aucune. La véritable charité ne saurait rester sans salaire, et cependant elle n’est pas mercenaire puisqu’elle ne cherche pas son propre intérêt. C’est un mouvement du cœur, non pas un contrat. On ne l’acquiert pas, et elle-même ne produit pas son bénéfice en vertu de quelque pacte. Elle nous meut spontanément, et nous rend spontanés. L’amour véritable trouve satisfaction en lui-même. Il a sa récompense, qui n’est autre que l’objet aimé. Car, quel que soit l’objet que l’on paraisse aimer, si on l’aime en vue d’un autre, celui-ci est, en réalité, le but et la fin de l’amour, et non pas le premier, qui n’en est que le moyen. Saint Paul ne prêche pas l’Evangile afin de se nourrir, mais se nourrit pour prêcher l’Evangile ; car c’est l’Evangile qu’il aime et non la nourriture. L’amour vrai ne réclame pas sa récompense, il la mérite. La récompense est proposée à qui n’aime pas encore ; elle est due à qui aime, et accordée à qui persévère. Ainsi, lorsque nous voulons obtenir l’acquiescement d’autrui, au sujet de choses quotidiennes, nous usons de promesses ou de cadeaux pour décider ceux qui résistent, non pas ceux qui cèdent de leur propre mouvement. Qui s’aviserait de payer un homme pour qu’il fasse ce que déjà il désire faire ? Personne, par exemple, n’ira offrir des gages à un affamé pour qu’il mange, à un assoiffé pour qu’il boive et moins encore à une mère pour qu’elle allaite le bébé né de ses entrailles. Et l’on ne tentera pas de décider quelqu’un, par des supplications ou de l’argent, à enclore sa vigne, à creuser un fossé autour de ses arbres, ou à construire sa propre maison. A bien plus forte raison, une âme qui aime Dieu ne voudra d’autre prix de son amour que Dieu lui-même. Si elle réclamait une autre récompense, elle montrerait que ce qu’elle aime n’est pas Dieu, mais cette récompense.

18 . Il est de la nature de tout être de raison de désirer toujours ce qu’il estime le meilleur et le plus conforme à ses vues, et de ne jamais se contenter d’une chose , s’il juge qu’une autre, qui lui fait défaut, lui est préférable. Celui qui, par exemple, a une belle épouse, ne verra pas une femme plus belle, sans que s’enflamme son regard ou son cœur ; celui qui porte un vêtement précieux, en convoite un autre, plus somptueux ; et quiconque possède une grande fortune porte envie à un homme plus riche que lui.On voit des gens déjà pourvus de vastes propriétés ajouter jour après jour des terres à leurs terres et, par une avidité insatiable, reculer sans cesse les limites de leurs domaines. D’autres, qui habitent dans des demeures princières et d’immenses palais, ne cessent d’y adjoindre néanmoins des bâtiments nouveaux et, poussés par une agitation sans répit, construisent, démolissent, changent les ronds en carrés et les carrés en ronds. Quant à ceux qui sont comblés d’honneurs, nous les voyons, pris d’une ambition jamais satisfaite, employer toutes leurs forces à monter toujours plus haut. Et tous ces désirs sont sans fin, parce qu’ils ne rencontrent jamais rien qui ait la qualité unique de la chose suprême ou de la meilleure de toute. Mais il n’y a rien là d’étonnant : comment se contenter d’objets inférieurs et défectueux, dès lors que l’on ne peut trouver l’apaisement en deçà de ce qui est meilleur et plus haut placé que tout ? Cependant c’est la marque de la sottise et d’une démence complète que de toujours convoiter des choses qui ne sauraient, je ne dis pas rassasier, mais modérer l’appétit : quelle que soit celle dont on s’assure la possession, on en continue pas moins à désirer celles que l’on n’a pas , et à soupirer sans répit après celles qui manquent encore. Ainsi se fait-il que le cœur vagabond, livré au vain labeur de courir à la poursuite des multiples plaisirs et des fallacieuses jouissances terrestres, s’épuise sans se rassasier ; tout ce qu’a englouti cet affamé lui paraît peu de chose en regard de ce qu’il lui reste à dévorer, et il demeure plus tourmenté par le désir de ce qui lui échappe, que satisfait et heureux de ce qu’il détient. Qui donc peut tout posséder ? Le peu de choses que chacun a acquis à grande peine, il le conserve dans la crainte, sans savoir quand il devra s’en séparer dans la douleur, mais sachant bien qu’un jour il faudra y renoncer. C’est par ce chemin sans détours que la volonté perverse tend aux satisfactions suprêmes et se précipite à la recherche de quelque chose qui puisse la combler. Ou plutôt, c’est par ces détours que la vanité se joue d’elle-même, et que la malice est sa propre dupe. Si vous prétendez contenter ainsi tous vos appétits, c’est-à-dire si vous croyez pouvoir mettre la main sur un objet dont la possession ne vous laisse plus rien à désirer, quel besoin avez-vous donc de courir après tous ces autres objets ? Vous prenez la mauvaise voie, et vous mourrez bien avant de parvenir, par ces chemins détournés, à cette perfection que vous poursuivez en vain.

19 . C’est dans ce circuit fermé que marchent les impies ; tout en désirant d’instinct ce qui apaiserait leur faim, ils rejettent follement ce qui les approcherait de leur fin : je dis leur fin, non pas celle qui consume et détruit, mais celle qui achève et consomme. Ainsi ne courent-ils pas à une heureuse consommation, mais à une vaine consomption, tous ceux qui, prenant plaisir à l’apparence des choses plus qu’à leur créateur, s’en vont à travers le monde créé, et s’épuisent à en goûter les attraits un par un, avant de parvenir au Seigneur de toutes choses. Ils y parviendraient pourtant, s’ils obtenaient un jour la satisfaction de tous leurs désirs et s’il se pouvait qu’un seul homme possédât la totalité des choses, moins le principe de leur existence. Car, selon la loi de sa voracité, qui lui a fait désirer sans cesse ce qui lui manque encore, et se dégoûter aussitôt de ce qu’il possédait, on le verrait de nouveau mépriser, à peine obtenues, toutes les choses qui sont au ciel et sur la terre, et s’élancer à la poursuite de celui-là seul qui lui ferait encore défaut, le Dieu de l’univers. Arrivé là, certes, il trouverait la paix : car si, jusque là, aucun repos n’a pu arrêter sa course, désormais aucune inquiétude ne l’appellera plus en avant. Il dirait donc : Il m’est bon d’adhérer au Seigneur Et qu’y a-t-il pour moi dans le ciel et qu’ai-je désiré sur la terre, sinon toi ? Et encore : Dieu de mon cœur, tu es ma part pour l’éternité. Ainsi donc, je l’ai dit, tout homme de désir atteindrait le bien suprême, s’il pouvait, avant d’y parvenir, satisfaire la totalité de ses appétits.

20 . Mais la briévité de la vie, la faiblesse de notre nature et le trop grand nombre des compétiteurs font obstacle à cette satisfaction de tous les désirs ; ceux qui prétendent y parvenir perdent leurs peines et parcourent vainement un long chemin, sans jamais voir la fin de toutes leurs convoitises. Si encore ils voulaient saisir toute chose en esprit, et non en expérience, ils en viendraient à bout et ne connaîtraient pas cet échec. Or, en regard des sens corporels, l’esprit a l’avantage d’être plus prompt parce qu’il est plus pénétrant ; il a précisément été donné à l’homme pour devancer les sens, et pour que les sens ne soient pas libres de se précipiter aux choses que l’esprit, qui les prévient, n’a pas d’abord jugées utiles. C’est pourquoi, je pense, il est écrit : Examinez bien toutes choses et n’en retenez que les meilleures, afin que l’esprit pourvoie à tout, et que les sens ne recherchent la satisfaction de leurs désirs que dans la mesure où l’esprit l’aura trouvé légitime. Autrement, vous ne gravirez jamais la montagne du Seigneur, et vous ne résiderez pas dans son sanctuaire, car c’est en vain que vous aurez reçu votre âme, c’est-à-dire une âme douée de raison, puisque, à la manière des bêtes, vous obéirez à vos seuls désirs laissant votre raison oisive et sans résistance. Ceux dont la raison ne devance pas la marche, courent sans doute, mais sur la mauvaise voie ; et, méprisant le conseil de l’Apôtre, ils ne courent pas de façon à remporter le prix. Quand obtiendront-ils celui qu’ils ne veulent accepter qu’après s’être saisis de tout le reste ? Prétendre d’abord à cette possession universelle, c’est choisir un chemin aux mille détours et un cercle sans fin.

21 . Le juste, lui, ne se comporte pas ainsi. Il entend d’abord les reproches adressés à tant de gens qui restent captifs de ce labyrinthe – car ils sont nombreux à suivre la voie large, qui mènent à la mort – et il choisit pour lui-même la voie royale, dont il ne s’écarte ni à droite ni à gauche. Le prophète en porte témoignage : « le chemin du juste est droit, il suit une voie sans détours. » Tels sont ceux qui, ayant découvert un raccourci salutaire, s’épargnent prudemment l’ennui de néfastes détours ; ils font choix de ce précepte bref, qui résume tout : ne pas désirer tout ce que l’on voit, mais plutôt vendre ce que déjà l’on possède, et en faire aumône aux pauvres. Heureux vraiment, les pauvres, car le royaume des cieux leur appartient. Il est vrai que tous entrent dans la course, mais il faut distinguer entre les concurrents. Le Seigneur connaît la voie des justes, et le chemin des impies mène à la perdition. La médiocrité est plus avantageuse au juste que toutes les richesses des pécheurs, car, comme le Sage le dit ; et comme l’insensé en fait l’expérience, celui qui aime l’argent n’en sera jamais rassasié, mais, ceux qui ont faim et soif de justice seront rassasiés. La justice est, en effet, l’aliment vital et naturel de l’esprit doué de raison, tandis que l’argent n’apaise pas mieux la faim de l’esprit que le vent ne comble la faim du corps. Si l’on voyait un homme affamé ouvrir la bouche au vent et aspirer l’air à pleines gorgées dans l’espoir de calmer sa faim, on le tiendrait pour un fou. Mais ce n’est pas une moindre folie de croire que les choses corporelles peuvent nourrir un esprit doué de raison, alors qu’elles ne font que l’enfler. Qu’y a-t-il en effet de commun entre les corps et l’esprit ? Ni les corps ne peuvent se repaître des choses spirituelles, ni l’esprit se satisfaire des corps. O mon âme, dit le psalmiste, bénis le Seigneur, qui comble de ses biens tes désirs. Il te comble de biens, il t’excite au bien, il te conserve dans le bien ; il prévient, il maintient, il satisfait. C’est lui qui inspire tes désirs ; c’est lui encore que tu désires.

22 . J’ai dit plus haut : la raison pour laquelle on aime Dieu, c’est Dieu lui-même. J’ai dit vrai. Car il est la cause efficiente et finale de cet amour. C’est lui qui en fournit l’occasion, qui en suscite le mouvement et qui en accomplit le désir. Il a fait qu’on l’aime, ou plutôt il s’est fait tel qu’on doit l’aimer. Il nous inspire l’espérance de l’aimer un jour d’un amour plus heureux, puisque, sinon nous aimerions en vain. Son amour pour nous prépare et récompense notre amour pour lui. Il nous prévient par sa bonté, se fait aimer en retour par sa justice, et rien n’est plus doux que de l’attendre. Il est assez riche pour combler tous ceux qui l’invoquent, mais il n’a rien à donner qui vaille mieux que lui-même. Il s’est donné pour mériter notre amour, il se réserve pour être notre récompense ; il est la nourriture servie aux âmes saintes, la victime livrée pour le rachat des âmes captives. Le Seigneur est bon pour quiconque est en quête de lui, et le sera bien davantage pour celui qui le trouve. Mais il y a ceci d’admirable, que nul ne peut le chercher qui ne l’ait trouvé d’abord. Il veut qu’on le trouve afin qu’on le cherche, qu’on le cherche afin de le trouver. Mais s’il est possible et de le chercher et de le trouver, nul ne saurait le prévenir. Car, même si nous disons : ma prière te préviendra dès le matin, il est bien évident que toute prière est tiède que l’inspiration n’a pas précédée. Mais il est temps de dire quel est le point de départ de notre amour, après avoir parlé de sa consommation. »



La « Paroisse saint Michel » est heureuse de publier ici le message du pape à l’occasion de ce nouveau Carême 2004. Le Pape nous propose un thème de Carême que nous nous permettons de résumer d’un mot « l’esprit d’enfance comme modèle de sainteté »

Bonne lecture et bon Carême

MESSAGE DE SA SAINTETÉ
JEAN-PAUL II
POUR LE CARÊME 2004


Chers Frères et Sœurs !
1. Par le rite suggestif de l’imposition des Cendres, commence le temps sacré du Carême, durant lequel la liturgie renouvelle aux croyants l’appel à une conversion radicale, dans la confiance en la miséricorde divine.
Le thème de cette année – «Celui qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille» (Mt 18,5) – nous donne l’occasion de réfléchir sur la condition des enfants, qu’aujourd’hui encore, Jésus appelle à lui et montre en exemple à ceux qui veulent devenir ses disciples. Les paroles de Jésus constituent une exhortation à examiner la façon dont les enfants sont traités dans nos familles, dans la société civile et dans l’Église. Elles incitent également à redécouvrir la simplicité et la confiance que le croyant doit développer, imitant le Fils de Dieu qui a partagé le sort des petits et des pauvres. À ce propos, sainte Claire d'Assise aimait dire de Lui: «Né dans la crèche, Il a vécu pauvre sur la terre et est resté nu sur la croix» (Testament, Sources franciscaines n. 2841).
Jésus aimait les enfants et avait une prédilection pour eux, «pour leur simplicité et leur joie de vivre, pour leur spontanéité et pour leur foi pleine d’émerveillement» (Angélus du 18 décembre 1994). Il veut donc que la communauté leur ouvre ses bras et son cœur comme elle les lui ouvre à Lui-même : «Celui qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille» (Mt 18,5). À côté des enfants, Jésus place nos «frères les plus petits», c'est-à-dire les miséreux, les nécessiteux, les affamés et assoiffés, les étrangers, ceux qui sont nus, les malades, les prisonniers. Les accueillir et les aimer ou, à l’inverse, les traiter avec indifférence et les repousser, signifie se comporter de la même manière envers Lui, car c’est en eux qu’il se rend tout particulièrement présent.
2. L’Évangile raconte l’enfance de Jésus dans la pauvre maison de Nazareth où, soumis à ses parents, «il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes» (Lc 2,52). En devenant enfant, Il a voulu partager l’expérience humaine. «Il se dépouilla lui-même, – écrit l’apôtre Paul – en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix» (Ph 2, 7-8). Lorsque, à douze ans, il resta dans le Temple de Jérusalem, il répondit à ses parents qui le cherchaient, tout angoissés: «Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être» (Lc 2,49). En réalité, toute son existence fut marquée par une soumission confiante et filiale à son Père céleste. «Ma nourriture – disait-Il – est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre» (Jn 4,34).
Durant les années de sa vie publique, il a répété à plusieurs reprises que seuls ceux qui sauraient devenir comme des enfants entreraient dans le Royaume des Cieux (cf. Mt 18,3 ; Mc 10,15; Lc 18,17; Jn 3,3). Dans ses interventions, l’enfant devient une image éloquente du disciple, appelé à suivre le divin Maître avec la docilité d’un enfant : «Celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des Cieux» (Mt 18,4).
«Devenir» petits et «accueillir» les petits: ce sont deux aspects d’un même enseignement que le Seigneur renouvelle à ses disciples d'aujourd'hui. Seul celui qui se fait «petit» est en mesure d’accueillir avec amour ses frères les plus «petits».
3. Nombreux sont les croyants qui cherchent à suivre fidèlement ces enseignements du Seigneur. Je voudrais rappeler ici les parents qui n’hésitent pas à prendre en charge une famille nombreuse, les mères et les pères qui, au lieu d’avoir comme priorité la recherche de leur succès professionnel et de leur carrière, se préoccupent de transmettre à leurs enfants les valeurs humaines et religieuses qui donnent le sens véritable à l’existence.
Je pense avec une admiration pleine de gratitude à ceux qui prennent soin de la formation des enfants en difficulté et qui soulagent les souffrances des enfants et de leurs proches causées par les conflits et la violence, par le manque d’eau et de nourriture, par l’émigration forcée, ainsi que par les nombreuses autres formes d’injustice qui existent à travers le monde.
Face à une telle générosité, il faut néanmoins constater également l’égoïsme de ceux qui n´«accueillent» pas les enfants. Il existe des mineurs qui sont profondément blessés par la violence des adultes: abus sexuels, engagement dans la prostitution, implication dans le trafic et la consommation de drogue; des enfants obligés à travailler ou enrôlés pour combattre; des enfants innocents marqués pour toujours par la désagrégation familiale; des petits enfants détruits par le trafic abject d’organes et d’êtres humains. Et que dire de la tragédie du sida avec ses conséquences dévastatrices en Afrique ? Il est question désormais de millions de personnes touchées par ce fléau et, parmi elles, nombreuses sont celles qui ont été contaminées dès leur naissance. L’humanité ne peut pas fermer les yeux devant un drame aussi préoccupant !
4. Quel mal ont commis ces enfants pour mériter autant de souffrance ? D’un point de vue humain, il n’est pas facile, voire même impossible, de répondre à cette question inquiétante. Seule la foi nous aide à pénétrer dans un abîme de souffrance aussi profond. En se faisant «obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix» (Ph 2,8), Jésus a pris sur lui la souffrance humaine et l’a éclairée de la lumière éclatante de sa résurrection. Par sa mort, il a, pour toujours, vaincu la mort.
Durant le Carême, nous nous préparons à revivre le Mystère pascal qui projette une lumière d’espérance sur toute notre existence, même dans ses aspects les plus complexes et les plus douloureux. La Semaine Sainte nous proposera à nouveau ce mystère de salut à travers les rites suggestifs du Triduum pascal.
Chers Frères et Sœurs, entrons avec confiance dans l’itinéraire du Carême, animés par le désir d’une prière plus intense, de la pénitence et d’une plus grande attention envers les personnes qui sont dans le besoin. Que le Carême soit, de façon particulière, une occasion utile pour que chacun puisse consacrer, dans son propre milieu familial et social, une plus grande attention aux enfants: ces derniers constituent l’avenir de l’humanité.
5. Dans la prière du «Notre Père», avec la simplicité caractéristique des enfants, nous nous adressons à Dieu en l’appelant, comme Jésus nous l’a enseigné, «Abba», Père.
Notre Père ! Au cours du Carême, répétons fréquemment cette prière, répétons-la avec un élan profond. En appelant Dieu «Notre Père», nous nous reconnaîtrons comme ses enfants et nous nous sentirons frères entre nous. De cette façon, il nous sera plus facile d’ouvrir notre cœur aux petits, selon l’invitation de Jésus: «Celui qui accueillera un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille» (Mt 18,5).
Dans ces sentiments, j’invoque sur chacun de vous la bénédiction de Dieu par l’intercession de Marie, Mère du Verbe de Dieu fait homme et Mère de toute l’humanité.
Du Vatican, le 8 décembre 2003.
JEAN-PAUL II