A- Les mystères Chrétiens
L’Annonciation de la Vierge Marie.
Le « Fiat » de Notre Dame.
Méditation V
Nous poursuivons cette semaine notre
méditation du « Fiat « de Notre Dame. La semaine
dernière, son humilité, son obéissance avaient
retenu notre attention. Aujourd’hui, je voudrais pénétrer
un peu dans les sens des paroles de la Très Sainte Vierge :
« Voici la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon
votre parole ». (Lc I 38)
Voici ce qu’en écrit le vénérable Père
Louis Du Pont S.J. dans son livre sur « Les Méditations
»
« Comme ces paroles renferment de grands mystères, il
est à propos de les peser chacune en particulier, pour en mieux
pénétrer le sens et en retirer plus de fruit.
1’ « Voici ». La Sainte Ecriture se sert ordinairement
de ce mot pour signaler ou signifier quelque chose de grand et qui
est digne d’une attention particulière. L’ange
l’a employé en annonçant à la Vierge les
desseins de Dieu sur elle : « Voici que vous concevrez ».
La Vierge le met en tête de sa réponse : « Voici
la servante du Seigneur ». Gabriel se proposait d’attirer
l’attention de Marie sur la grandeur des promesses qu’il
lui faisait de la part du Seigneur : Marie se propose d’attirer
l’attention de Gabriel sur la qualité de servante, qui
lui est propre, et sur son entière soumission aux ordres du
Tout-Puissant. C’est ainsi qu’en usent les humbles. Lorsqu’on
publie les dons qu’ils ont reçus de Dieu, ils s’empressent
de faire connaître les misères qu’ils ont d’eux-mêmes,
de peur que l’on n’attribue ces dons à leurs mérites,
et non à la bonté du Seigneur dont ils les tiennent,
et auquel ils veulent toujours être très reconnaissants,
et par là même très obéissants.
2- « La servante du Seigneur ». Par ces paroles, la «
servante du Seigneur, Marie déclare l’idée qu’elle
a conçue d’elle-même depuis bien longtemps, c’est-à-dire
dès le premier usage de sa raison. Il est vrai que le nom de
serviteur et d’esclave, lorsqu’on ne sert Dieu que par
la force et par une crainte servile, n’est pas une louange dans
la Sainte Ecriture; mais lorsque la servitude est jointe à
l’amour, c’est un nom glorieux que celui de serviteur
d’un si grand Maître.
Qu’est-ce donc qu’un serviteur et un esclave ?
L’esclave ne s’appartient point lui-même ; il est
à son maître. Il n’a pas la liberté de faire
ce qu’il lui plaît, mais ce que son maître lui ordonne.
Il ne le sert pas pour en obtenir des gages ou un salaire, mais parce
que c’est pour lui une obligation de le servir. Il ne travaille
point pour soi, mais pour son maître. Il ne se contente pas
de le servir en sa personne, il rend ses services à tous ceux
de la maison, où il occupe la dernière place, ne recevant
pour son usage que ce qu’il y a de plus mauvais et de plus vil.
C’est ce que la Vierge notre Dame comprenait et sentait parfaitement,
lorsqu’elle se disait la « servante du Seigneur ».
Elle se considérait toujours, non comme s’appartenant
à elle-même, mais comme le bien et la propriété
de Dieu son Seigneur ; autant parce qu’il l’avait créée,
que parce qu’elle s’était consacrée entièrement
et pour jamais à son service. Elle répétait dans
son cœur ces paroles du prophète Isaïe parlant de
l’homme juste : « Celui-ci dira : Je suis au Seigneur.
Il écrira et il signera de sa main : j’appartiens au
Seigneur ». Et comme le serviteur fidèle ne fuit jamais
la présence de son maître, qu’il ne s’éloigne
jamais de lui, qu’il ne veut servir d’autre maître
que lui, parce que nul ne peut servir deux maîtres ; ainsi la
Vierge ne s’écarta jamais en rien du service de Dieu,
ne servit jamais d’autre maître que Dieu ; accomplissant
parfaitement ce précepte : « Vous adorerez le Seigneur,
votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul ». (Mt 4 10)
Elle faisait en toutes choses, non ce qu’elle voulait, mais
ce que Dieu lui commandait ; car elle n’avait ni volonté
propre, ni aucun attrait sensible ; et elle était aussi attachée
à la volonté du Seigneur, que si elle n’eût
pas eu la liberté de s’en éloigner. Elle ne se
glorifiait que de sa qualité de servante ; elle avait toujours
les yeux fixés sur les mains de son Seigneur, pour se laisser
conduire par lui, et obéir au moindre signe qu’il lui
ferait. (Ps 122 2)
Elle ne servait pas Dieu par l’espoir de la récompense
et en vue de son propre intérêt ; mais uniquement parce
qu’elle était obligée de le faire en qualité
de servante, et qu’elle n’avait d’autre satisfaction
que de plaire à son Seigneur. Elle avait bien avant dans le
cœur cette vérité que son divin Fils Notre Seigneur
devait un jour enseigner à ses disciples : « Quand vous
aurez fait tout ce qui vous a été commandé, dites
: Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous
avons dû faire » (Lc 17 10)
Il suivait de là qu’elle ne faisait rien pour elle-même
; mais que tout son travail était purement pour Dieu. Et quoiqu’elle
ne perdit rien du mérite et de la récompense de ses
œuvres, elle n’avait cependant pour but dans toutes ses
actions que la gloire de Dieu, et non la sienne. Elle lui disait souvent
ces paroles des Cantiques : « O mon bien aimé, je vous
ai réservé tous les fruits de mon jardin, anciens et
nouveaux ». Cant 7 13). C’est-à-dire : Je souhaite
que toutes les œuvres de ma vie, passé&e et présente,
ne servent qu’à vous glorifier et vous plaire ; je ne
veux ni vivre ni mourir pour moi, mais pour vous, puisque je suis
toute vôtre.
Marie se regardait comme la servante du Seigneur parce qu’elle
s’était dévouée, non seulement à
son service, mais encore au service de tous ceux de sa maison. C’est
pour cette raison qu’elle servait ses compagnons lorsqu’elle
était dans le Temple et Joseph, son époux, lorsqu’elle
fut en sa compagnie. Bien mieux qu’Abigaïl, elle disait
au Seigneur ce que celle-ci avait dit à David : « Voici
votre servante : qu’elle soit comme une esclave pour laver les
pieds des serviteurs de mon Seigneur » (Reg 25 41)
Enfin, cet esprit d’humilité lui fit toujours choisir
la dernière place dans la maison de Dieu, se contentant pour
elle de ce qu’il y avait de pire et de plus vil.
Tous ses sentiments étaient dans le cœur de la Vierge
lorsqu’elle proféra cette parole : « Voici la servante
du Seigneur ». Elle se glorifiât de ce titre, parce qu’elle
savait combien il était agréable à Dieu, qui
donne le nom de serviteur au Messie, son Verbe incarné ; et
l’Homme-Dieu se faisait lui-même gloire de ce titre, comme
le prouve le témoignage des prophètes.
Si donc je désire être un enfant dévoué
à Marie, je dois aimer à me dire son serviteur et son
esclave, entendant ce mot dans tous les sens qui viennent d’être
expliqués.
3- « Qu’il me soit fait ».
Ce n’est pas sans mystère que la Vierge répondit
à l’ange par ce mot : « Qu’il me soit fait
» : « Fiat mihi ». Elle pouvait dire : « Je
ferai selon votre parole », mais elle employa de préférence
le mot dont Dieu se servit lorsqu’il créa le monde disant
: « Que la lumière se fasse,etc… Elle comprit que
l’Incarnation devait être l’œuvre de la toute-puissance
divine, aussi bien que la création de l’univers ; que
nul mérite de sa part ne pouvait en obtenir l’accomplissement,
et qu’un fiat du Tout-Puissant était seul capable d’opérer
une si étonnante merveille.
On peut encore voir dans ce mot, « qu’il me soit fait
», l’expression ingénue de la soumission de Marie
à la volonté divine. Elle semble dire « Mon consentement
n’est point nécessaire ; je suis l’esclave du Seigneur
; il peut disposer de son esclave comme il lui plaît. Cependant,
puisqu’il le veut ainsi, j’ose dire, tout indigne que
je suis d’un honneur si élevé au-dessus de la
condition d’une esclave : « Q?e cela se fasse, fiat »
; tout mon plaisir est que sa volonté s’accomplisse ».
Je puis juger par là quelles étaient l’obéissance
et la soumission de la Vierge, fondées sur la connaissance
de son néant ; puisqu’elle se montre aussi prête
à obéir sans résistance aux ordres de Dieu, que
les créatures insensibles et le néant même, lorsqu’il
leur déclare sa volonté par cette parole : « Que
cela se fasse, fiat ».
Enfin pour bien comprendre ce qu’il y a de grand dans ce consentement,
il faut considérer que Marie, avant de le donner , ne jeta
pas les yeux uniquement sur les magnifiques promesses que Gabriel
lui faisait ; mais qu’elle arrête encore ses regards sur
les souffrances effrayantes que devait endurer le Fils dont on lui
offrait d’être la mère. Elle les connaissait par
les saintes Ecritures ; elle savait qu’elle y aurait une part
abondante : et toutefois, elle accepta la dignité de mère
avec les charges très pesantes attachées à l’office
de mère. C’est pour ce sujet qu’elle se qualifia
d’esclave, prouvant ainsi qu’elle consentait à
la maternité divine, non pour être servie, comme reine
; mais pour servir et pour souffrir comme esclave.
4- « Selon votre parole ».
Ces paroles ne sont pas moins mystérieuses que les précédentes.
Marie ne dit pas à l’ange : « Qu’il me soit
fait selon l’ordre ou la volonté de Dieu »; mais
« selon votre parole ». Elle montre par là la perfection
de sa foi et de son obéissance. Car la foi parfaite croit tout
ce que Dieu révèle, soit par lui-même, soit par
le moyen de ses ministres ; et la parfaite obéissance exécute
tout ce que Dieu commande, soit par lui-même soit par le moyen
de ses lieutenants sur la terre : « Celui vous écoute,
m’écoute », disait le Seigneur à ses Apôtres.
Je puis encore croire que la Vierge, en ce moment solennel, s’élève
au-dessus d’elle-même, au-dessus des anges, au dessus
de tout ce qu’il y a de créé, et qu’elle
adressa sa réponse, moins à l’ambassadeur céleste
qu’à celui dont il était le représentant,
disant au Père éternel : « Voici la servante du
Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole » ; qu’il
me soit fait, non seulement selon ce que vous me commandez par la
bouche de votre envoyé, mais selon le désir de votre
Verbe, qui est votre parole intérieure et éternelle,
et qui, étant votre Fils, veut aussi devenir le mien. Puisqu’il
le veut de la sorte, que ce qu’il ordonne se fasse.
A l’imitation de la Vierge, moi aussi je dirai souvent à
Dieu, dans les mêmes sentiments qu’elle : Voici, Seigneur,
votre serviteur, « qu’il me soit fait selon votre parole
» ; je suis prêt à exécuter tout ce que
vous pourrez me commander de votre bouche divine ».
B- Les audiences du Mercredi
de Benoît XVI.
Le Mercredi 8 juin 2005, Benoît
XVI a proposé, lors de l’audience générale
de ce jour, sur la place Saint-Pierre, un très heureux commentaire
du Psaume 110, 1-2.4-5.10.
Voici, tout d’abord, le Psaume.
1- « Je veux louer Yahweh de tout mon cœur
dans la réunion des justes et dans l’assemblée.
2-Grandes sont les œuvres de Yahweh, recherchées pour
tous les délices qu’elles procurent.
3-Son oeuvre n’est que splendeur et magnificence,
Et sa justice subsiste à jamais.
4- Il a laissé un souvenir de ses merveilles ;
Yahweh est miséricordieux et compatissant.
5- Il a donné une nourriture à ceux qui le craignent
;
Il se souvient pour toujours de son alliance.
6- Il a manifesté à son peuple la puissance de ses œuvres
En lui livrant l’héritage des nations.
7- Les œuvres de ses mains sont vérité et justice,
tous ses commandements sont immuables
8- Affermis pour l’éternité, faits selon la vérité
et la droiture.
9- Il a envoyé la délivrance à son peuple,
Il a établi pour toujours son alliance ;
Son nom est saint et redoutable.
10- La crainte de Yahweh est le commencement de la sagesse,
Ceux-là sont vraiment intelligents qui observent sa loi.
Sa louange demeure à jamais.
* * *
Chers frères et sœurs,
1. Aujourd'hui souffle un vent fort.
Dans l'Ecriture Sainte, le vent est le symbole de l'Esprit Saint.
Espérons que l'Esprit Saint nous illumine à présent
dans notre méditation sur le Psaume 110 que nous venons d'entendre.
Dans ce psaume, nous trouvons un hymne de louange et d'action de grâce
pour les nombreux bienfaits qui définissent Dieu dans ses attributions
et dans son œuvre de salut: on parle de «pitié»,
de «tendresse», de «justice», de «puissance»,
de «vérité», de «droiture»,
de «fidélité», d'«alliance»,
d'«œuvres», de «prodiges», et même
de «nourriture» qu'il donne et, à la fin, de son
«nom» glorieux, c'est-à-dire de sa personne. La
prière est donc une contemplation du mystère de Dieu
et des merveilles qu'il accomplit dans l'histoire du salut.
2. Le psaume s'ouvre par le verbe du
remerciement, qui s'élève non seulement du cœur
de l'orant, mais également de toute l'assemblée liturgique
(cf. v. 1). L'objet de cette prière, qui comprend également
le rite de l'action de grâce, est exprimé par le mot
«œuvres» (cf. vv. 2.3.6.7.). Celles-ci indiquent
les interventions salvifiques du Seigneur, manifestations de sa «justice»
(cf. v. 3), un terme qui, dans le langage biblique, indique avant
tout l'amour qui engendre le salut.
C'est pourquoi le cœur du psaume
se transforme en un hymne à l'alliance (cf. vv. 4-9), à
ce lien intime qui relie Dieu à son peuple et qui comprend
une série d'attitudes et de gestes. Ainsi, on parle de «tendresse
et pitié» (cf. v. 4), dans le sillage des grandes proclamations
du Sinaï: «Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse
et de pitié, lent à la colère, riche en grâce
et en fidélité» (Ex 34, 6).
La «pitié» est la
grâce divine qui enveloppe et transfigure le fidèle,
alors que la «tendresse» est exprimée dans l'original
hébreu par un terme caractéristique qui renvoie aux
«entrailles» maternelles du Seigneur, encore plus miséricordieuses
que celles d'une mère (cf. Is 49, 15).
3. Ce lien d'amour comprend le don fondamental
de la nourriture et donc de la vie (cf. Ps 110, 5) qui, dans la relecture
chrétienne, sera identifié avec l'Eucharistie, comme
le dit saint Jérôme: «Il donna le pain descendu
du ciel en nourriture: si nous en sommes dignes, mangeons-en!»
(Breviarium in Psalmos, 110: PL XXVI, 1238-1239).
Il y a ensuite le don de la terre, «l'héritage
des nations» (Ps 110, 6), qui fait allusion au grand événement
de l'Exode, lorsque le Seigneur se révèle comme le Dieu
de la libération. La synthèse du corps central de ce
chant est donc à rechercher dans le thème du pacte spécial
entre le Seigneur et son peuple, comme le déclare de façon
lapidaire le v. 9: «Il déclare pour toujours son alliance».
4. Le psaume 110 est scellé à
la fin par la contemplation du visage divin, de la personne du Seigneur,
exprimée à travers son «nom» saint et transcendant.
En citant ensuite un proverbe sapientiel (cf. Pr 1, 7; 9, 10; 15,
33), le psalmiste invite chaque fidèle à cultiver «la
crainte de Yahvé» (Ps 110, 10), début de la véritable
sagesse. Sous ce terme ne se cachent pas la peur et la terreur, mais
le respect sérieux et sincère qui est fruit de l'amour,
l'adhésion authentique et active au Dieu libérateur.
Et, si la première parole du chant a été une
parole d’action de grâce, la dernière est une parole
de louange: de même que la justice salvifique du Seigneur «demeure
à jamais» (v. 3), la gratitude de l'orant ne connaît
pas de pause, elle retentit dans la prière «à
jamais» (v. 10).
Pour résumer, le psaume nous invite
à la fin à redécouvrir les nombreuses bonnes
choses que le Seigneur nous donne chaque jour. Nous voyons plus facilement
les aspects les plus négatifs de notre vie. Le psaume nous
invite à voir également les choses positives, les nombreux
dons que nous recevons, en trouvant ainsi la gratitude, car seul un
cœur reconnaissant peut célébrer dignement la grande
liturgie de la gratitude, l'Eucharistie.
5. En conclusion de notre réflexion,
nous voudrions méditer avec la tradition ecclésiale
des premiers siècles chrétiens le verset final et sa
célèbre déclaration, répétée
ailleurs dans la Bible (cf. Pr 1, 7): «Principe du savoir: la
crainte de Yahvé» (Ps 110, 10).
L'auteur chrétien Barsanuphe de
Gaza (qui vécut dans la première moitié du VIe
siècle) le commente ainsi: «Qu'est-ce que le principe
du savoir, si ce n'est s'abstenir de tout ce qui est odieux à
Dieu? Et de quelle façon quelqu'un peut-il s'en abstenir, sinon
en évitant de faire quoi que ce soit sans avoir demandé
conseil, ou en ne disant rien que l'on ne doive dire et, en outre,
en se considérant soi-même, fou, sot, méprisable
et moins que rien? (Epistolario, 234: Collection de textes patristiques,
XCIII, Rome 1991, pp. 265-266).
Jean Cassien (qui vécut entre
le IVe et le Ve siècle) préférait toutefois préciser
qu'«il y a une grande différence entre l'amour, auquel
rien ne manque et qui est le trésor de la sagesse et de la
science, et l'amour imparfait, dénommé « principe
du savoir »; celui-ci, contenant en lui l'idée du châtiment,
est exclu du cœur des parfaits en atteignant la plénitude
de l'amour» (Conférence aux moines, 2, 11, 13: Collection
de textes patristiques, CLVI, Rome 2000, p. 29). Ainsi, sur le chemin
de notre vie vers le Christ, la crainte servile qu'il y a au début
laisse place à une crainte parfaite qui est amour, don de l'Esprit
Saint.
[Texte original : italien – Traduction
réalisée par Zenit]
Discours du pape Benoît XVI sur la famille prononcé le
6 juin
Texte intégral
ROME, Mercredi 8 juin 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous
le texte intégral du discours que le pape Benoît XVI
a prononcé pour introduire les travaux du congrès ecclésial
du diocèse de Rome, dans la basilique Saint-Jean-de-Latran,
le lundi 6 juin (cf. Zenit, 7 juin)
Chers frères et sœurs,
J'ai accueilli bien volontiers l'invitation
à inaugurer par une réflexion notre Congrès diocésain,
avant tout parce que cela me permet de vous rencontrer, et d'avoir
un contact direct avec vous, mais également parce que je peux
vous aider à approfondir le sens et le but du chemin pastoral
que l'Eglise de Rome parcourt actuellement.
Je salue avec affection chacun de vous,
évêques, prêtres, diacres, religieux et religieuses
et en particulier vous, laïcs et familles qui assumez de façon
consciente ces devoirs d'engagement et de témoignage chrétien
qui trouvent leur racine dans le sacrement du baptême et, pour
ceux qui sont mariés, dans celui du mariage. Je remercie de
tout cœur le cardinal-vicaire et les époux Luca et Adriana
Pasquale pour les paroles qu'ils m'ont adressées au nom de
tous.
Ce congrès, ainsi que l'année
pastorale dont il fournira les lignes directrices, constituent une
nouvelle étape du parcours que l'Eglise de Rome a commencé,
sur la base du synode diocésain, avec la mission dans la ville
voulue par notre bien-aimé pape Jean-Paul II, en préparation
au grand Jubilé de l'An 2000. Dans cette mission, toutes les
réalités de notre diocèse, — paroisses,
communautés religieuses, associations et mouvements —
se sont mobilisées, non seulement pour une mission s’adressant
au peuple de Rome, mais pour être elles-mêmes un «
peuple de Dieu en mission », appliquant de façon concrète
l'heureuse expression de Jean-Paul II, « paroisse, cherche-toi,
et trouve-toi hors de toi-même »: c'est-à-dire
dans les lieux où vivent les personnes. Ainsi, au cours de
cette mission dans la ville, plusieurs milliers de chrétiens
de Rome, en grande partie des laïcs, sont devenus missionnaires
et ont apporté la parole de la foi d'abord dans les familles
des divers quartiers de la ville, puis dans les divers lieux de travail,
dans les hôpitaux, dans les écoles et dans les Universités,
dans les domaines de la culture et du temps libre.
Après l'Année Sainte, mon
bien-aimé prédécesseur vous a demandé
de ne pas interrompre ce chemin et de ne pas disperser les énergies
apostoliques suscitées et les fruits de grâce recueillis.
C'est pourquoi, depuis 2001, l'objectif pastoral fondamental du diocèse
a été celui de donner une forme permanente à
la mission, en conférant un sens missionnaire plus fort à
la vie et aux activités de la paroisse et de toute autre activité
ecclésiale. Je voudrais vous dire avant tout que j'entends
confirmer pleinement ce choix: en effet, celui-ci se révèle
toujours plus nécessaire et sans alternative, dans un cadre
socioculturel dans lequel sont à l'œuvre de multiples
forces qui tendent à nous éloigner de la foi et de la
vie chrétienne.
Depuis désormais deux ans, l'engagement
missionnaire de l'Eglise de Rome s'est concentré surtout sur
la famille, non seulement parce que cette réalité humaine
fondamentale est aujourd'hui confrontée à de multiples
difficultés et menaces, et a donc particulièrement besoin
d'être évangélisée et soutenue de façon
concrète, mais également parce que les familles chrétiennes
constituent une ressource décisive pour l'éducation
à la foi, l'édification de l'Eglise comme communion
et sa capacité de présence missionnaire dans les situations
de vie les plus diverses, ainsi que pour apporter un ferment chrétien
à la culture diffuse et aux structures sociales. Nous poursuivrons
également ces orientations au cours de la prochaine année
pastorale, c'est pourquoi le thème de notre congrès
est: « Famille et communauté chrétienne: formation
de la personne et transmission de la foi ».
Le présupposé dont il faut
partir, pour pouvoir comprendre la mission de la famille dans la communauté
chrétienne et ses devoirs de formation de la personne et de
transmission de la foi, reste toujours celui de la signification que
le mariage et la famille revêtent dans le dessein de Dieu, créateur
et sauveur. Cela constituera donc le noyau de ma réflexion
de ce soir, en me référant à l'enseignement de
l'Exhortation apostolique Familiaris consortio (deuxième partie,
nn. 12-16).
Le fondement anthropologique de la famille
Mariage et famille ne sont pas en réalité
une construction sociologique due au hasard, et fruit de situations
historiques et économiques particulières. Au contraire,
la question du juste rapport entre l'homme et la femme puise ses racines
dans l'essence la plus profonde de l'être humain et ne peut
trouver sa réponse qu'à partir de là. C'est-à-dire
qu'elle ne peut être séparée de la question ancienne
et toujours nouvelle de l'homme sur lui-même: qui suis-je? Qu'est-ce
que l'homme? Et cette question, à son tour, ne peut être
séparée de l'interrogation sur Dieu: Dieu existe-t-il?
Et qui est Dieu? Quel est son visage véritable? La réponse
de la Bible à ces deux questions a valeur d'unité et
de conséquence: l'homme est créé à l'image
de Dieu, et Dieu lui-même est amour. C'est pourquoi la vocation
à l'amour est ce qui fait de l'homme l'authentique image de
Dieu: il devient semblable à Dieu dans la mesure où
il devient quelqu'un qui aime.
De ce lien fondamental entre Dieu et
l'homme en découle un autre: le lien indissoluble entre esprit
et corps: l'homme est en effet une âme qui s'exprime dans le
corps et un corps qui est vivifié par un esprit immortel. Le
corps de l'homme et de la femme revêt donc également,
pour ainsi dire, un caractère théologique; ce n'est
pas uniquement un corps, et ce qui est biologique chez l'homme n'est
pas seulement biologique, mais est l'expression et la réalisation
de notre humanité. De même, la sexualité humaine
n'est pas séparée de notre nature de personne, mais
lui appartient. Ce n'est que lorsque la sexualité est intégrée
dans la personne qu'elle réussit à acquérir un
sens.
Ainsi, des deux liens, celui de l'homme
avec Dieu et, dans l'homme, celui du corps avec l'esprit, en découle
un troisième: celui entre personne et institution. La totalité
de l'homme inclut en effet la dimension du temps, et le « oui
» de l'homme est un dépassement du moment présent:
dans son intégrité, le « oui » signifie
« toujours », et constitue l'espace de la fidélité.
Ce n'est qu'au sein de celui-ci que peut croître la foi qui
donne un avenir et qui permet que les enfants, fruits de l'amour,
croient en l'homme et en son avenir en des temps difficiles. La liberté
du « oui » se révèle donc comme une liberté
capable d'assumer ce qui est définitif: la plus grande expression
de la liberté n'est alors pas la recherche du plaisir, sans
jamais parvenir à une véritable décision. Apparemment,
cette ouverture permanente semble être la réalisation
de la liberté, mais ce n'est pas vrai: la véritable
expression de la liberté est la capacité à se
décider pour un don définitif, dans lequel la liberté,
en se donnant, se retrouve pleinement soi-même.
De façon concrète, le «
oui » personnel et réciproque de l'homme et de la femme
ouvre les portes à l'avenir, à l'authentique humanité
de chacun, et, dans le même temps, est destiné au don
d'une nouvelle vie. C'est pourquoi ce « oui » personnel
ne peut être qu'un « oui » publiquement responsable,
à travers lequel les conjoints assument la responsabilité
publique de la fidélité qui garantit également
l'avenir de la communauté. En effet, aucun de nous n'appartient
exclusivement à soi-même: c'est pourquoi chacun est appelé
à assumer au plus profond de soi sa responsabilité publique.
Le mariage comme institution n'est donc pas une ingérence indue
de la société ou de l'autorité, l'imposition
d'une forme extérieure dans la réalité la plus
privée de la vie; il s'agit au contraire d'une exigence intrinsèque
du pacte de l'amour conjugal et de la profondeur de la personne humaine.
Les diverses formes actuelles de dissolution
du mariage, comme les unions libres et le « mariage à
l'essai », jusqu'au pseudo-mariage entre personnes du même
sexe, sont au contraire l'expression d'une liberté anarchique,
qui se fait passer à tort pour la véritable liberté
de l'homme. Une telle pseudo-liberté repose sur une banalisation
du corps, qui inclut inévitablement la banalisation de l'homme.
Son présupposé est que l'homme peut faire ce qu'il veut
de lui-même: son corps devient ainsi une chose secondaire, manipulable
du point de vue humain, qui peut être utilisé comme bon
lui semble. Le libertinage, qui se fait passer pour la découverte
du corps et de sa valeur, est en réalité un dualisme
qui rend le corps méprisable, le plaçant pour ainsi
dire en dehors de l'être authentique et de la dignité
de la personne.
Mariage et famille dans l'histoire du
salut
La vérité du mariage et
de la famille, qui puise ses racines dans la vérité
de l'homme, a trouvé sa réalisation dans l'histoire
du salut, qui a en son centre la parole: « Dieu aime son peuple
». La révélation biblique, en effet, est avant
tout l'expression d'une histoire d'amour, l'histoire de l'Alliance
de Dieu avec les hommes: c'est pourquoi l'histoire de l'amour et de
l'union d'un homme et d'une femme dans l'alliance du mariage a pu
être assumée par Dieu comme symbole de l'histoire du
salut. Le caractère inexprimable, le mystère de l'amour
de Dieu pour les hommes, reçoit sa forme linguistique du vocabulaire
du mariage et de la famille, dans le sens positif et négatif:
le rapprochement de Dieu de son peuple est en effet présenté
à travers le langage de l'amour sponsal, tandis que l'infidélité
d'Israël, son idolâtrie, est désignée comme
l'adultère et la prostitution.
Dans le Nouveau Testament, Dieu radicalise
son amour jusqu'à devenir Lui-même, dans son Fils, chair
de notre chair, vrai homme. De cette façon, l'union de Dieu
avec l'homme a assumé sa forme suprême, irréversible
et définitive. Et ainsi, la forme définitive de l'amour
humain également, est tracée, ce « oui »
réciproque qui ne peut être révoqué: cette
forme n'aliène pas l'homme, mais le libère des aliénations
de l'histoire pour le ramener à la vérité de
la création. Le caractère sacramentel que le mariage
revêt dans le Christ signifie donc que le don de la création
a été élevé au niveau de la grâce
de la rédemption. La grâce du Christ ne vient pas s'ajouter
de l'extérieur à la nature de l'homme, elle ne lui fait
pas violence, mais la libère et la restaure, précisément
en l'élevant au-delà de ses propres limites. Et, de
même que l'incarnation du Fils de Dieu révèle
sa véritable signification dans la croix, ainsi, l'authentique
amour humain est don de soi, il ne peut exister s'il veut se soustraire
à la croix.
Chers frères et sœurs, ce
lien profond entre Dieu et l'homme, entre l'amour de Dieu et l'amour
humain, trouve une confirmation également dans certaines tendances
et développements négatifs, dont nous ressentons le
poids. L'avilissement de l'amour humain, la suppression de l'authentique
capacité d'aimer se révèle en effet, à
notre époque, l'arme la plus adaptée et la plus efficace
pour chasser Dieu de l'homme, pour éloigner Dieu du regard
et du cœur de l'homme. De façon analogue, la volonté
de « libérer » la nature de Dieu conduit à
perdre de vue la réalité même de la nature, y
compris la nature de l'homme, en la réduisant à un ensemble
de fonctions dont on peut disposer à souhait pour édifier
un monde supposé meilleur et une humanité supposée
plus heureuse; au contraire, on détruit le dessein du Créateur
et, ainsi, la vérité de notre nature.
Les enfants
En ce qui concerne la procréation
des enfants, le mariage reflète également son modèle
divin, l'amour de Dieu pour l'homme. Chez l'homme et chez la femme,
la paternité et la maternité, comme le corps et comme
l'amour, ne se laissent pas cerner par la biologie: la vie n'est donnée
entièrement que lorsqu'à la naissance sont également
donnés l'amour et le sens qui permettent de dire oui à
cette vie. C'est précisément de ce fait qu'apparaît
tout à fait clairement combien il est contraire à l'amour
humain, à la vocation profonde de l'homme et de la femme, de
fermer systématiquement sa propre union au don de la vie, et
plus encore de supprimer ou de manipuler la vie qui naît.
Cependant, aucun homme et aucune femme
ne peuvent à eux seuls et uniquement avec leurs propres forces
donner aux enfants de manière adaptée l'amour et le
sens de la vie. En effet, pour pouvoir dire à quelqu'un «
ta vie est bonne, bien que je ne connaisse pas ton avenir »,
une autorité et une crédibilité supérieures
à celles que l'individu peut se donner lui-même sont
nécessaires. Le chrétien sait que cette autorité
est conférée à cette famille plus vaste que Dieu,
à travers son Fils Jésus Christ et le don de l'Esprit
Saint, a créée dans l'histoire des hommes, c'est-à-dire
à l'Eglise. Il reconnaît ici à l'œuvre cet
amour éternel et indestructible qui assure à la vie
de chacun de nous son sens permanent, même si nous ne connaissons
pas l'avenir. C'est pour cette raison que l'édification de
chaque famille chrétienne se situe dans le contexte de la famille
plus vaste de l'Eglise, qui la soutient et l’emmène avec
elle et qui garantit le fait qu'elle a un sens et qu'à l'avenir
également le « oui » du Créateur sera présent
sur elle. Et, réciproquement, l'Eglise est édifiée
par les familles, « petites Eglises domestiques », comme
les a appelées le Concile Vatican II (Lumen gentium, n. 11;
Apostolicam actuositatem, n. 11), en redécouvrant une antique
expression patristique (Saint Jean Chrysostome, In Genesim serm. VI,
2; VII, 1). Dans la même optique, Familiaris consortio affirme
que «le mariage chrétien... constitue le lieu naturel
où s'accomplit l'insertion de la personne humaine dans la grande
famille de l'Eglise» (n. 15).
La famille et l'Eglise
Une conséquence évidente
découle de tout cela: la famille et l'Eglise, concrètement,
les paroisses et les autres formes de communautés ecclésiales,
sont appelées à la plus étroite collaboration
pour la tâche fondamentale qui est constituée, de manière
indissociable, par la formation de la personne et par la transmission
de la foi. Nous savons bien que pour une œuvre d'éducation
authentique il ne suffit pas d'une théorie juste ou d'une doctrine
à transmettre. Il faut quelque chose de beaucoup plus grand
et humain, de la proximité, quotidiennement vécue, qui
est propre à l'amour et qui trouve son milieu le plus propice
avant tout dans la communauté familiale, mais ensuite également
dans une paroisse, ou un mouvement ou une association ecclésiale,
où se rencontrent des personnes qui prennent soin de leurs
frères, en particulier des enfants et des jeunes, mais également
des adultes, des personnes âgées, des malades, des familles
elles-mêmes car elles les aiment dans le Christ. Le grand patron
des éducateurs, saint Jean Bosco, rappelait à ses fils
spirituels, que l'« éducation est une chose du cœur
et que Dieu seul en est le patron » (Epistolario, 4, 209).
Au centre de l'œuvre éducative,
et en particulier dans l'éducation à la foi, qui est
le sommet de la formation de la personne et son horizon le plus adapté,
se trouve de manière concrète la figure du témoin:
il devient un point de référence précisément
dans la mesure ou il sait rendre raison de l'espérance qui
soutient sa vie (cf. 1 P 3, 15), il est personnellement concerné
par la vérité qu'il propose. D'autre part, le témoin
ne renvoie jamais à lui-même mais à quelque chose,
ou mieux à Quelqu'un plus grand que lui, qu'il a rencontré
et dont il a éprouvé la bonté à laquelle
on peut faire confiance. Ainsi, chaque éducateur et témoin
trouve son modèle inégalable en Jésus Christ,
le grand témoin du Père, qui ne disait rien de lui-même,
mais qui parlait comme le Père le lui avait enseigné
(cf. Jn 8, 28).
C’est la raison pour laquelle à
la base de la formation de la personne chrétienne et de la
transmission de la foi se trouvent nécessairement la prière,
l'amitié personnelle avec le Christ et la contemplation en
Lui du visage du Père. Cela vaut évidemment pour tout
notre engagement missionnaire, en particulier pour la pastorale de
la famille: que la Famille de Nazareth soit donc pour nos familles
et pour nos communautés l'objet d'une prière constante
et confiante, ainsi qu'un modèle de vie.
Chers frères et sœurs, et
en particulier vous, chers prêtres, je connais la générosité
et le dévouement avec lesquels vous servez le Seigneur et l'Eglise.
Votre travail quotidien pour la formation à la foi des nouvelles
générations, en lien étroit avec les sacrements
de l'initiation chrétienne, ainsi que pour la préparation
au mariage et pour l'accompagnement des familles dans leur chemin
souvent difficile, en particulier dans la grande tâche de l'éducation
des enfants, est la route fondamentale pour régénérer
continuellement l'Eglise et également pour vivifier le tissu
social de notre bien-aimée ville de Rome.
La menace du relativisme
Continuez donc, sans vous laisser décourager
par les difficultés que vous rencontrez. Le rapport éducatif
est de par sa nature quelque chose de délicat: il met en effet
en jeu la liberté de l'autre, que l’on provoque toujours,
même si c’est avec douceur, à prendre une décision.
Ni les parents, ni les prêtres ou les catéchistes, ni
les autres éducateurs ne peuvent se substituer à la
liberté de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune auquel ils
s'adressent. Et la proposition chrétienne interpelle de manière
particulièrement profonde la liberté, l'appelant à
la foi et à la conversion. Aujourd'hui, un obstacle particulièrement
menaçant pour l'œuvre d'éducation est constitué
par la présence massive, dans notre société et
notre culture, de ce relativisme qui, en ne reconnaissant rien comme
définitif, ne laisse comme ultime mesure que son propre moi
avec ses désirs, et sous l'apparence de la liberté devient
une prison pour chacun, séparant l'un de l'autre et réduisant
chacun à se retrouver enfermé dans son propre «
Moi ». Dans un tel horizon relativiste une véritable
éducation n'est donc pas possible: en effet, sans la lumière
de la vérité toute personne est condamnée, à
un moment ou à un autre, à douter de la bonté
de sa vie même et des relations qui la constituent, de la valeur
de son engagement pour construire quelque chose en commun avec les
autres.
Il est donc clair que nous devons non
seulement chercher à surmonter le relativisme dans notre travail
de formation des personnes, mais que nous sommes également
appelés à nous opposer à sa domination destructrice
dans la société et dans la culture. A côté
de la parole de l'Eglise, le témoignage et l'engagement public
des familles chrétiennes est donc très important, en
particulier pour réaffirmer le caractère inviolable
de la vie humaine de sa conception jusqu'à son terme naturel,
la valeur unique et irremplaçable de la famille fondée
sur le mariage et la nécessité de mesures législatives
et administratives qui soutiennent les familles dans leur tâche
d'engendrer et d'éduquer les enfants, tâche essentielle
pour notre avenir commun. Je vous remercie cordialement également
pour cet engagement.
Sacerdoce et vie consacrée
Un dernier message que je voudrais vous
confier concerne le soin pour les vocations au sacerdoce et à
la vie consacrée: nous savons tous combien l'Eglise en a besoin!
Pour que ces vocations naissent et parviennent à maturation,
pour que les personnes appelées restent toujours dignes de
leur vocation, la prière est tout d'abord décisive,
une prière qui ne doit jamais manquer dans chaque famille et
communauté chrétienne. Mais le témoignage de
vie des prêtres, des religieux et des religieuses, la joie qu'ils
expriment pour avoir été appelés par le Seigneur
sont également fondamentaux. L'exemple que les enfants reçoivent
au sein de leur propre famille et la conviction des familles que,
pour elles aussi, la vocation de leurs enfants est un grand don du
Seigneur est également essentiel. Le choix de la virginité
par amour de Dieu et des frères, qui est demandé pour
le sacerdoce et la vie consacrée, accompagne en effet la valorisation
du mariage chrétien: l'un et l'autre, de deux manières
différentes et complémentaires, rendent d'une certaine
façon visible le mystère de l'alliance entre Dieu et
son peuple.
Chers frères et sœurs, je
vous confie ces réflexions comme contribution à votre
travail au cours des soirées du congrès et, ensuite,
pendant la prochaine année pastorale. Je demande au Seigneur
de vous donner du courage et de l'enthousiasme, afin que notre Eglise
de Rome, chaque paroisse, chaque communauté religieuse, association
ou mouvement participe plus intensément à la joie et
aux efforts de la mission et, ainsi, que chaque famille et toute la
communauté chrétienne redécouvre dans l'amour
du Seigneur la clef qui ouvre la porte des cœurs et qui rend
possible une véritable éducation à la foi et
à une formation des personnes. Que mon affection et ma bénédiction
vous accompagnent aujourd'hui et à l'avenir.
[Texte original : italien – Traduction
réalisée par Zenit]
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ZF05060813
2005-06-08
Discours du pape Benoît XVI sur la famille prononcé le
6 juin
Texte intégral
ROME, Mercredi 8 juin 2005 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous
le texte intégral du discours que le pape Benoît XVI
a prononcé pour introduire les travaux du congrès ecclésial
du diocèse de Rome, dans la basilique Saint-Jean-de-Latran,
le lundi 6 juin (cf. Zenit, 7 juin)
Chers frères et sœurs,
J'ai accueilli bien volontiers l'invitation
à inaugurer par une réflexion notre Congrès diocésain,
avant tout parce que cela me permet de vous rencontrer, et d'avoir
un contact direct avec vous, mais également parce que je peux
vous aider à approfondir le sens et le but du chemin pastoral
que l'Eglise de Rome parcourt actuellement.
Je salue avec affection chacun de vous,
évêques, prêtres, diacres, religieux et religieuses
et en particulier vous, laïcs et familles qui assumez de façon
consciente ces devoirs d'engagement et de témoignage chrétien
qui trouvent leur racine dans le sacrement du baptême et, pour
ceux qui sont mariés, dans celui du mariage. Je remercie de
tout cœur le cardinal-vicaire et les époux Luca et Adriana
Pasquale pour les paroles qu'ils m'ont adressées au nom de
tous.
Ce congrès, ainsi que l'année
pastorale dont il fournira les lignes directrices, constituent une
nouvelle étape du parcours que l'Eglise de Rome a commencé,
sur la base du synode diocésain, avec la mission dans la ville
voulue par notre bien-aimé pape Jean-Paul II, en préparation
au grand Jubilé de l'An 2000. Dans cette mission, toutes les
réalités de notre diocèse, — paroisses,
communautés religieuses, associations et mouvements —
se sont mobilisées, non seulement pour une mission s’adressant
au peuple de Rome, mais pour être elles-mêmes un «
peuple de Dieu en mission », appliquant de façon concrète
l'heureuse expression de Jean-Paul II, « paroisse, cherche-toi,
et trouve-toi hors de toi-même »: c'est-à-dire
dans les lieux où vivent les personnes. Ainsi, au cours de
cette mission dans la ville, plusieurs milliers de chrétiens
de Rome, en grande partie des laïcs, sont devenus missionnaires
et ont apporté la parole de la foi d'abord dans les familles
des divers quartiers de la ville, puis dans les divers lieux de travail,
dans les hôpitaux, dans les écoles et dans les Universités,
dans les domaines de la culture et du temps libre.
Après l'Année Sainte, mon
bien-aimé prédécesseur vous a demandé
de ne pas interrompre ce chemin et de ne pas disperser les énergies
apostoliques suscitées et les fruits de grâce recueillis.
C'est pourquoi, depuis 2001, l'objectif pastoral fondamental du diocèse
a été celui de donner une forme permanente à
la mission, en conférant un sens missionnaire plus fort à
la vie et aux activités de la paroisse et de toute autre activité
ecclésiale. Je voudrais vous dire avant tout que j'entends
confirmer pleinement ce choix: en effet, celui-ci se révèle
toujours plus nécessaire et sans alternative, dans un cadre
socioculturel dans lequel sont à l'œuvre de multiples
forces qui tendent à nous éloigner de la foi et de la
vie chrétienne.
Depuis désormais deux ans, l'engagement
missionnaire de l'Eglise de Rome s'est concentré surtout sur
la famille, non seulement parce que cette réalité humaine
fondamentale est aujourd'hui confrontée à de multiples
difficultés et menaces, et a donc particulièrement besoin
d'être évangélisée et soutenue de façon
concrète, mais également parce que les familles chrétiennes
constituent une ressource décisive pour l'éducation
à la foi, l'édification de l'Eglise comme communion
et sa capacité de présence missionnaire dans les situations
de vie les plus diverses, ainsi que pour apporter un ferment chrétien
à la culture diffuse et aux structures sociales. Nous poursuivrons
également ces orientations au cours de la prochaine année
pastorale, c'est pourquoi le thème de notre congrès
est: « Famille et communauté chrétienne: formation
de la personne et transmission de la foi ».
Le présupposé dont il faut
partir, pour pouvoir comprendre la mission de la famille dans la communauté
chrétienne et ses devoirs de formation de la personne et de
transmission de la foi, reste toujours celui de la signification que
le mariage et la famille revêtent dans le dessein de Dieu, créateur
et sauveur. Cela constituera donc le noyau de ma réflexion
de ce soir, en me référant à l'enseignement de
l'Exhortation apostolique Familiaris consortio (deuxième partie,
nn. 12-16).
Le fondement anthropologique de la famille
Mariage et famille ne sont pas en réalité
une construction sociologique due au hasard, et fruit de situations
historiques et économiques particulières. Au contraire,
la question du juste rapport entre l'homme et la femme puise ses racines
dans l'essence la plus profonde de l'être humain et ne peut
trouver sa réponse qu'à partir de là. C'est-à-dire
qu'elle ne peut être séparée de la question ancienne
et toujours nouvelle de l'homme sur lui-même: qui suis-je? Qu'est-ce
que l'homme? Et cette question, à son tour, ne peut être
séparée de l'interrogation sur Dieu: Dieu existe-t-il?
Et qui est Dieu? Quel est son visage véritable? La réponse
de la Bible à ces deux questions a valeur d'unité et
de conséquence: l'homme est créé à l'image
de Dieu, et Dieu lui-même est amour. C'est pourquoi la vocation
à l'amour est ce qui fait de l'homme l'authentique image de
Dieu: il devient semblable à Dieu dans la mesure où
il devient quelqu'un qui aime.
De ce lien fondamental entre Dieu et
l'homme en découle un autre: le lien indissoluble entre esprit
et corps: l'homme est en effet une âme qui s'exprime dans le
corps et un corps qui est vivifié par un esprit immortel. Le
corps de l'homme et de la femme revêt donc également,
pour ainsi dire, un caractère théologique; ce n'est
pas uniquement un corps, et ce qui est biologique chez l'homme n'est
pas seulement biologique, mais est l'expression et la réalisation
de notre humanité. De même, la sexualité humaine
n'est pas séparée de notre nature de personne, mais
lui appartient. Ce n'est que lorsque la sexualité est intégrée
dans la personne qu'elle réussit à acquérir un
sens.
Ainsi, des deux liens, celui de l'homme
avec Dieu et, dans l'homme, celui du corps avec l'esprit, en découle
un troisième: celui entre personne et institution. La totalité
de l'homme inclut en effet la dimension du temps, et le « oui
» de l'homme est un dépassement du moment présent:
dans son intégrité, le « oui » signifie
« toujours », et constitue l'espace de la fidélité.
Ce n'est qu'au sein de celui-ci que peut croître la foi qui
donne un avenir et qui permet que les enfants, fruits de l'amour,
croient en l'homme et en son avenir en des temps difficiles. La liberté
du « oui » se révèle donc comme une liberté
capable d'assumer ce qui est définitif: la plus grande expression
de la liberté n'est alors pas la recherche du plaisir, sans
jamais parvenir à une véritable décision. Apparemment,
cette ouverture permanente semble être la réalisation
de la liberté, mais ce n'est pas vrai: la véritable
expression de la liberté est la capacité à se
décider pour un don définitif, dans lequel la liberté,
en se donnant, se retrouve pleinement soi-même.
De façon concrète, le «
oui » personnel et réciproque de l'homme et de la femme
ouvre les portes à l'avenir, à l'authentique humanité
de chacun, et, dans le même temps, est destiné au don
d'une nouvelle vie. C'est pourquoi ce « oui » personnel
ne peut être qu'un « oui » publiquement responsable,
à travers lequel les conjoints assument la responsabilité
publique de la fidélité qui garantit également
l'avenir de la communauté. En effet, aucun de nous n'appartient
exclusivement à soi-même: c'est pourquoi chacun est appelé
à assumer au plus profond de soi sa responsabilité publique.
Le mariage comme institution n'est donc pas une ingérence indue
de la société ou de l'autorité, l'imposition
d'une forme extérieure dans la réalité la plus
privée de la vie; il s'agit au contraire d'une exigence intrinsèque
du pacte de l'amour conjugal et de la profondeur de la personne humaine.
Les diverses formes actuelles de dissolution
du mariage, comme les unions libres et le « mariage à
l'essai », jusqu'au pseudo-mariage entre personnes du même
sexe, sont au contraire l'expression d'une liberté anarchique,
qui se fait passer à tort pour la véritable liberté
de l'homme. Une telle pseudo-liberté repose sur une banalisation
du corps, qui inclut inévitablement la banalisation de l'homme.
Son présupposé est que l'homme peut faire ce qu'il veut
de lui-même: son corps devient ainsi une chose secondaire, manipulable
du point de vue humain, qui peut être utilisé comme bon
lui semble. Le libertinage, qui se fait passer pour la découverte
du corps et de sa valeur, est en réalité un dualisme
qui rend le corps méprisable, le plaçant pour ainsi
dire en dehors de l'être authentique et de la dignité
de la personne.
Mariage et famille dans l'histoire du
salut
La vérité du mariage et
de la famille, qui puise ses racines dans la vérité
de l'homme, a trouvé sa réalisation dans l'histoire
du salut, qui a en son centre la parole: « Dieu aime son peuple
». La révélation biblique, en effet, est avant
tout l'expression d'une histoire d'amour, l'histoire de l'Alliance
de Dieu avec les hommes: c'est pourquoi l'histoire de l'amour et de
l'union d'un homme et d'une femme dans l'alliance du mariage a pu
être assumée par Dieu comme symbole de l'histoire du
salut. Le caractère inexprimable, le mystère de l'amour
de Dieu pour les hommes, reçoit sa forme linguistique du vocabulaire
du mariage et de la famille, dans le sens positif et négatif:
le rapprochement de Dieu de son peuple est en effet présenté
à travers le langage de l'amour sponsal, tandis que l'infidélité
d'Israël, son idolâtrie, est désignée comme
l'adultère et la prostitution.
Dans le Nouveau Testament, Dieu radicalise
son amour jusqu'à devenir Lui-même, dans son Fils, chair
de notre chair, vrai homme. De cette façon, l'union de Dieu
avec l'homme a assumé sa forme suprême, irréversible
et définitive. Et ainsi, la forme définitive de l'amour
humain également, est tracée, ce « oui »
réciproque qui ne peut être révoqué: cette
forme n'aliène pas l'homme, mais le libère des aliénations
de l'histoire pour le ramener à la vérité de
la création. Le caractère sacramentel que le mariage
revêt dans le Christ signifie donc que le don de la création
a été élevé au niveau de la grâce
de la rédemption. La grâce du Christ ne vient pas s'ajouter
de l'extérieur à la nature de l'homme, elle ne lui fait
pas violence, mais la libère et la restaure, précisément
en l'élevant au-delà de ses propres limites. Et, de
même que l'incarnation du Fils de Dieu révèle
sa véritable signification dans la croix, ainsi, l'authentique
amour humain est don de soi, il ne peut exister s'il veut se soustraire
à la croix.
Chers frères et sœurs, ce
lien profond entre Dieu et l'homme, entre l'amour de Dieu et l'amour
humain, trouve une confirmation également dans certaines tendances
et développements négatifs, dont nous ressentons le
poids. L'avilissement de l'amour humain, la suppression de l'authentique
capacité d'aimer se révèle en effet, à
notre époque, l'arme la plus adaptée et la plus efficace
pour chasser Dieu de l'homme, pour éloigner Dieu du regard
et du cœur de l'homme. De façon analogue, la volonté
de « libérer » la nature de Dieu conduit à
perdre de vue la réalité même de la nature, y
compris la nature de l'homme, en la réduisant à un ensemble
de fonctions dont on peut disposer à souhait pour édifier
un monde supposé meilleur et une humanité supposée
plus heureuse; au contraire, on détruit le dessein du Créateur
et, ainsi, la vérité de notre nature.
Les enfants
En ce qui concerne la procréation
des enfants, le mariage reflète également son modèle
divin, l'amour de Dieu pour l'homme. Chez l'homme et chez la femme,
la paternité et la maternité, comme le corps et comme
l'amour, ne se laissent pas cerner par la biologie: la vie n'est donnée
entièrement que lorsqu'à la naissance sont également
donnés l'amour et le sens qui permettent de dire oui à
cette vie. C'est précisément de ce fait qu'apparaît
tout à fait clairement combien il est contraire à l'amour
humain, à la vocation profonde de l'homme et de la femme, de
fermer systématiquement sa propre union au don de la vie, et
plus encore de supprimer ou de manipuler la vie qui naît.
Cependant, aucun homme et aucune femme
ne peuvent à eux seuls et uniquement avec leurs propres forces
donner aux enfants de manière adaptée l'amour et le
sens de la vie. En effet, pour pouvoir dire à quelqu'un «
ta vie est bonne, bien que je ne connaisse pas ton avenir »,
une autorité et une crédibilité supérieures
à celles que l'individu peut se donner lui-même sont
nécessaires. Le chrétien sait que cette autorité
est conférée à cette famille plus vaste que Dieu,
à travers son Fils Jésus Christ et le don de l'Esprit
Saint, a créée dans l'histoire des hommes, c'est-à-dire
à l'Eglise. Il reconnaît ici à l'œuvre cet
amour éternel et indestructible qui assure à la vie
de chacun de nous son sens permanent, même si nous ne connaissons
pas l'avenir. C'est pour cette raison que l'édification de
chaque famille chrétienne se situe dans le contexte de la famille
plus vaste de l'Eglise, qui la soutient et l’emmène avec
elle et qui garantit le fait qu'elle a un sens et qu'à l'avenir
également le « oui » du Créateur sera présent
sur elle. Et, réciproquement, l'Eglise est édifiée
par les familles, « petites Eglises domestiques », comme
les a appelées le Concile Vatican II (Lumen gentium, n. 11;
Apostolicam actuositatem, n. 11), en redécouvrant une antique
expression patristique (Saint Jean Chrysostome, In Genesim serm. VI,
2; VII, 1). Dans la même optique, Familiaris consortio affirme
que «le mariage chrétien... constitue le lieu naturel
où s'accomplit l'insertion de la personne humaine dans la grande
famille de l'Eglise» (n. 15).
La famille et l'Eglise
Une conséquence évidente
découle de tout cela: la famille et l'Eglise, concrètement,
les paroisses et les autres formes de communautés ecclésiales,
sont appelées à la plus étroite collaboration
pour la tâche fondamentale qui est constituée, de manière
indissociable, par la formation de la personne et par la transmission
de la foi. Nous savons bien que pour une œuvre d'éducation
authentique il ne suffit pas d'une théorie juste ou d'une doctrine
à transmettre. Il faut quelque chose de beaucoup plus grand
et humain, de la proximité, quotidiennement vécue, qui
est propre à l'amour et qui trouve son milieu le plus propice
avant tout dans la communauté familiale, mais ensuite également
dans une paroisse, ou un mouvement ou une association ecclésiale,
où se rencontrent des personnes qui prennent soin de leurs
frères, en particulier des enfants et des jeunes, mais également
des adultes, des personnes âgées, des malades, des familles
elles-mêmes car elles les aiment dans le Christ. Le grand patron
des éducateurs, saint Jean Bosco, rappelait à ses fils
spirituels, que l'« éducation est une chose du cœur
et que Dieu seul en est le patron » (Epistolario, 4, 209).
Au centre de l'œuvre éducative,
et en particulier dans l'éducation à la foi, qui est
le sommet de la formation de la personne et son horizon le plus adapté,
se trouve de manière concrète la figure du témoin:
il devient un point de référence précisément
dans la mesure ou il sait rendre raison de l'espérance qui
soutient sa vie (cf. 1 P 3, 15), il est personnellement concerné
par la vérité qu'il propose. D'autre part, le témoin
ne renvoie jamais à lui-même mais à quelque chose,
ou mieux à Quelqu'un plus grand que lui, qu'il a rencontré
et dont il a éprouvé la bonté à laquelle
on peut faire confiance. Ainsi, chaque éducateur et témoin
trouve son modèle inégalable en Jésus Christ,
le grand témoin du Père, qui ne disait rien de lui-même,
mais qui parlait comme le Père le lui avait enseigné
(cf. Jn 8, 28).
C’est la raison pour laquelle à
la base de la formation de la personne chrétienne et de la
transmission de la foi se trouvent nécessairement la prière,
l'amitié personnelle avec le Christ et la contemplation en
Lui du visage du Père. Cela vaut évidemment pour tout
notre engagement missionnaire, en particulier pour la pastorale de
la famille: que la Famille de Nazareth soit donc pour nos familles
et pour nos communautés l'objet d'une prière constante
et confiante, ainsi qu'un modèle de vie.
Chers frères et sœurs, et
en particulier vous, chers prêtres, je connais la générosité
et le dévouement avec lesquels vous servez le Seigneur et l'Eglise.
Votre travail quotidien pour la formation à la foi des nouvelles
générations, en lien étroit avec les sacrements
de l'initiation chrétienne, ainsi que pour la préparation
au mariage et pour l'accompagnement des familles dans leur chemin
souvent difficile, en particulier dans la grande tâche de l'éducation
des enfants, est la route fondamentale pour régénérer
continuellement l'Eglise et également pour vivifier le tissu
social de notre bien-aimée ville de Rome.
La menace du relativisme
Continuez donc, sans vous laisser décourager
par les difficultés que vous rencontrez. Le rapport éducatif
est de par sa nature quelque chose de délicat: il met en effet
en jeu la liberté de l'autre, que l’on provoque toujours,
même si c’est avec douceur, à prendre une décision.
Ni les parents, ni les prêtres ou les catéchistes, ni
les autres éducateurs ne peuvent se substituer à la
liberté de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune auquel ils
s'adressent. Et la proposition chrétienne interpelle de manière
particulièrement profonde la liberté, l'appelant à
la foi et à la conversion. Aujourd'hui, un obstacle particulièrement
menaçant pour l'œuvre d'éducation est constitué
par la présence massive, dans notre société et
notre culture, de ce relativisme qui, en ne reconnaissant rien comme
définitif, ne laisse comme ultime mesure que son propre moi
avec ses désirs, et sous l'apparence de la liberté devient
une prison pour chacun, séparant l'un de l'autre et réduisant
chacun à se retrouver enfermé dans son propre «
Moi ». Dans un tel horizon relativiste une véritable
éducation n'est donc pas possible: en effet, sans la lumière
de la vérité toute personne est condamnée, à
un moment ou à un autre, à douter de la bonté
de sa vie même et des relations qui la constituent, de la valeur
de son engagement pour construire quelque chose en commun avec les
autres.
Il est donc clair que nous devons non
seulement chercher à surmonter le relativisme dans notre travail
de formation des personnes, mais que nous sommes également
appelés à nous opposer à sa domination destructrice
dans la société et dans la culture. A côté
de la parole de l'Eglise, le témoignage et l'engagement public
des familles chrétiennes est donc très important, en
particulier pour réaffirmer le caractère inviolable
de la vie humaine de sa conception jusqu'à son terme naturel,
la valeur unique et irremplaçable de la famille fondée
sur le mariage et la nécessité de mesures législatives
et administratives qui soutiennent les familles dans leur tâche
d'engendrer et d'éduquer les enfants, tâche essentielle
pour notre avenir commun. Je vous remercie cordialement également
pour cet engagement.
Sacerdoce et vie consacrée
Un dernier message que je voudrais vous
confier concerne le soin pour les vocations au sacerdoce et à
la vie consacrée: nous savons tous combien l'Eglise en a besoin!
Pour que ces vocations naissent et parviennent à maturation,
pour que les personnes appelées restent toujours dignes de
leur vocation, la prière est tout d'abord décisive,
une prière qui ne doit jamais manquer dans chaque famille et
communauté chrétienne. Mais le témoignage de
vie des prêtres, des religieux et des religieuses, la joie qu'ils
expriment pour avoir été appelés par le Seigneur
sont également fondamentaux. L'exemple que les enfants reçoivent
au sein de leur propre famille et la conviction des familles que,
pour elles aussi, la vocation de leurs enfants est un grand don du
Seigneur est également essentiel. Le choix de la virginité
par amour de Dieu et des frères, qui est demandé pour
le sacerdoce et la vie consacrée, accompagne en effet la valorisation
du mariage chrétien: l'un et l'autre, de deux manières
différentes et complémentaires, rendent d'une certaine
façon visible le mystère de l'alliance entre Dieu et
son peuple.
Chers frères et sœurs, je
vous confie ces réflexions comme contribution à votre
travail au cours des soirées du congrès et, ensuite,
pendant la prochaine année pastorale. Je demande au Seigneur
de vous donner du courage et de l'enthousiasme, afin que notre Eglise
de Rome, chaque paroisse, chaque communauté religieuse, association
ou mouvement participe plus intensément à la joie et
aux efforts de la mission et, ainsi, que chaque famille et toute la
communauté chrétienne redécouvre dans l'amour
du Seigneur la clef qui ouvre la porte des cœurs et qui rend
possible une véritable éducation à la foi et
à une formation des personnes. Que mon affection et ma bénédiction
vous accompagnent aujourd'hui et à l'avenir.
[Texte original : italien – Traduction
réalisée par Zenit]
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