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Un regard sur l’actualité politique et religieuse

Au 17 janvier 2006

N°74

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

Brèves méditations

sur certains aspects du Discours sur l'Etat de l'Eglise prononcé par notre Saint Père Benoît XVI aux Cardinaux le 22 Décembre 2005

 

 

Je vous ai dit, dans le précédent numéro de « Regard sur le monde » l’importance du discours que Benoît XVI prononça, le 22 décembre 2005, devant tous les membres de la Curie Romaine. (Cf Regard sur le monde du 11 janvier 2006)

Jean Madiran a commencé de l’analyser. Je vous ai donné ces trois premiers articles publiés dans Présent. Il faut les lire avec attention, l’attention qu’ils méritent.

Je vous propose aujourd’hui, dans ce présent numéro, du 17 janvier 2006, de poursuivre notre étude.

C’est avec beaucoup de joie et de satisfaction intellectuelle et spirituelle que je publie, les réflexions théologiques d’un ami prêtre, Monsieur l’abbé Charles Tinotti. 

Nous avons échangé souvent sur ce sujet : « de l’exercice actuel du Magistère pour arrêter  la « crise dans l’Eglise ».

Le discours du Pape Benoît XVI du 22 décembre dernier en fut encore l’occasion toute récente.

Monsieur l’abbé Charles Tinotti a pris le temps de mettre ses idées et ses réflexions par écrit.

Il nous donne ainsi sur ce discours fameux du pape,  « deux brèves méditations » qui me paraissent du plus haut intérêt. Je les livre à votre attention et à l’intention du Souverain Pontife lui-même.

J’espère que Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont, qui ne voit dans mes propos exprimés dans « Regard sur le Monde » - il me l’écrivait de nouveau tout récemment encore, j’en prenais, à vrai dire, connaissance, hier,  - que critiques prouvant un  orgueil intellectuel immense et condamnable,  ne verra pas encore ici, dans ces considérations, une nouvelle  audace outrecuidante digne d’être vouée aux enfers.

Faudrait-il pour être digne de respect et recevoir « charge d’âme et office curial », être perpétuellement aux ordres et surtout veiller à ne répéter que ce qui se dit communément ? Mgr Lefebvre ne m’a pas appris cela. J’ai une autre idée de la « dignité humaine » et de la « grâce  sacerdotale ». Parce que j’ai voulu réagir aux propos tenus par  Benoît XVI lors de la réception du nouvel ambassadeur de France près le Saint Siège n’acceptant pas qu’ « on » puisse identifier l’histoire prestigieuse et civilisatrice de la France à la « trilogie révolutionnaire » qui est la raison de la décadence actuelle de notre patrie, me voilà, par Mgr Hippolyte Simon, « excommunié »…C’est désolant.

Laissons, pour l’instant…, cela et lisons ces « brèves méditations ».

 

« Il est très remarquable que le Pape, en 2005, attribue la mauvaise réception du Concile de 1965 à une mauvaise interprétation, puisqu'au  premier rang des devoirs du Siège apostolique figure celui d'enseigner la Foi entre autres en donnant l'interprétation des questions problématiques et en dirimant les litiges doctrinaux. Benoît XVI donne donc maintenant, mais seulement in genere, la « bonne » interprétation, celle de la continuité, c'est à dire de la Tradition (même s'il évite le mot pour que les grincements de dents prévisibles ne deviennent hurlements) et il la rattache à la volonté d'intention déclarée des Papes lors du Concile, ce qui pose la question des effets réels de cette volonté intentionnelle de ses prédécesseurs durant cet intervalle... de 40 ans. L'aveu a beau être en filigrane, il est de taille.

Second constat : si la « mauvaise » interprétation, qui se paraît de « l'esprit » du Concile éventuellement contre le « texte » officiel lui même, a pu s'emparer des textes au point de quasi disqualifier la bonne lecture, c'est que ces textes par eux-mêmes prêtaient gravement le flanc à ces lectures, c'est que pour partie ils recelaient des ambiguïtés telles que ces lectures ont pu s'en emparer impunément. Sinon ces lectures auraient été vite abandonnées au lieu de s'imposer. Ici Benoît XVI développe la question du rapport entre les principes de fond et leur application historique variable ou entre le fond et la forme, mais il ne le fait pas selon « l'esprit » de discontinuité qui veut désolidariser la forme du fond. En effet s'il faut distinguer les deux on ne peut pas non plus les séparer : la « façon » dont « les vérités de foi sont énoncées » doit leur « conserver le même sens et la même portée », dixit Jean XXIII cité par Benoît XVI qui ne fait qu'illustrer ici son optique de la bonne clef qu'est le principe de continuité. La question n'est donc pas seulement celle du rapport entre les textes officiels votés par les Pères et les 'esprits' ou interprétations possibles, 'bonnes ou mauvaises', mais celle de la dirimation entre ces lectures, du rattachement de telle lecture à la continuité de la foi ou de la dénonciation de telle autre pour sa discontinuité, bref de la définition publique de ce que les textes controversés veulent dire, afin de lever les confusions : le Magistère Apostolique doit trancher, il existe d'ailleurs pour cela et par institution divine. Trancher, et pas seulement discuter ou exposer comme cela a été fait, plus ou moins on peut en débattre, depuis 40 ans. Le pouvoir confié par le Christ à Pierre n'est pas seulement de confirmer dans la foi ni de proclamer la vérité de la foi, mais de « lier » et « délier »; pas seulement de faire une bonne exégèse mais d'exercer l'Autorité au nom de Jésus-Christ.

L'inconnue qui reste est donc de taille, et peu de commentateurs se risquent à évoquer des pistes possibles qui sont de toutes façons du ressort seul du St Père : comment Benoît XVI, qui s'est mis lui même au pied du mur, va-t-il exercer ce Magistère, seul ou avec le Collège Apostolique ? Benoît XVI rend hommage à ceux dont l'action  « silencieusement mais de manière toujours plus visible, a porté et porte des fruits » en interprétant le Concile dans la continuité de la Tradition et aussi un peu plus bas parce qu'ils « vivent » « de la foi ». Pour autant que la promotion de cette action soit très utile, puisque l' « Eglise semble une barque prête à couler, un bateau qui fait eau de toute part » comme disait le cardinal Ratzinger dans la 9° station du chemin de croix au Colisée un mois avant son élection comme Pape, il faudrait, il faudra davantage. Il faudra, conformément au rôle de Pontife Souverain entre le Ciel et la Terre confié par le Seigneur à Pierre, des actes propres du Pontife lui même comme tel. Multiplier autant de causes secondes parfaites dans leur ordre, ne sert de rien si la Cause première n'est pas en jeu.

L'histoire de notre Sainte Eglise montre que deux types d'actes majeurs relevant proprement du saint Père sont indispensables et que tant qu'ils n'ont pas lieu, les actions par les causes secondes restent inopérantes.

1) Lorsque la « promotion de la Foi » est en jeu, c'est une « profession supplémentaire de la Foi » qui la sauve ou l'assure.

Face aux conséquences ravageuses pour la Foi, de l'exaltation de la fausse liberté engendrée par la négation du péché originel (Rousseau et les philosophes) et qui a fait irruption en 89, la définition de l'Immaculée Conception comme vérité de foi, 60 ans après, fut une antidote dans le peuple chrétien autrement puissante que de longs exposés théologiques parfaits, sans compter comme le remarque Dom Guéranger dans le mémoire demandé par Pie IX que face à la situation humainement désespérée de l'Eglise d'alors Notre Dame ne manquerait pas de bénir spécialement le pontificat qui ferait cette proclamation. Ce qui eut lieu. Et qui rendit possible ensuite, la grâce ayant levé les préventions, la proclamation de l'Infaillibilité pontificale dont l'Eglise, on le voit maintenant avec le recul, avait grand besoin.

Or en vue de l'année Mariale puis de l'an 2000, Jean Paul II a fait étudier et préparer le nécessaire pour promulguer comme vérité de foi, d'ailleurs crue depuis toujours, depuis Jn 19, de « Marie Corédemptrice ».

De même que la définition de l'Immaculée Conception était théologiquement mûre au XIX°, et répondait à la racine des erreurs du temps, la définition de la Corédemption est aujourd'hui mûre et répondrait aux erreurs du temps notamment sur la juste collaboration de l'humanité à son salut (contre les chrétiens anonymes, ou les fausses religions commes voies de salut, ou le salut enfermé à un horizon terrestre), sapant à la racine la « dictature du relativisme » dénoncée par Benoît XVI qui n'est finalement que le refus poussé jusqu'à la caricature du plan divin sur l'humanité que manifeste la Corédemption (parfaitement réalisée en Marie mais proposée aux autres hommes cf. St Paul « j'achève en moi les souffrances du Christ ».)

 

 

Le mémoire scripturaire, positif et dogmatique, américain, analogue à celui de Dom Guéranger, a même été

 

 

 

 

 

traduit en français. Mais Jean-Paul II qui voulait le consensus ne l'a pas obtenu : un cardinal[1]

 

 

a objecté que ce n'était pas opportun', tous les autres étaient pour.

 

Pourtant la proclamation de ce dogme, outre qu'il attirerait les grâces particulières dont « le bateau qui coule » a grandement besoin, lèverait in actu exercito le manque de magistère constaté implicitement dans le discours du pape, bien mieux que des rappels théoriques sur la différence entre Eglise et Assemblée Constituante etc, et par ailleurs bien mieux que des rappels sur la continuité de l'Eglise avec son Origine, il prouverait in actu exercito qu'il n'y a pas d'Eglise « postconciliaire » et d'Eglise « antéconciliaire ».

 

2- Le deuxième acte possible et nécessaire est d'un ordre plus haut et plus 'vif'. Il est de même nature quoique d'un intérêt encore plus élevé, que la décision du Pape St Pie V de faire réciter le Rosaire pour sauver la chrétienté européenne du péril turc. De fait la victoire de Lépante, obtenue en dépit du bon sens humain, sera la réponse de la Vierge à cet acte de confiance surnaturelle dans le Ciel fait par le Pape. Selon une interview semi-confidentielle en Bavière (diffusée en automne 2004) le futur Benoît XVI regrettait dans son action cardinalice deux choses : « d'avoir raté la réconciliation dans l'affaire Lefebvre » parce que « je m'y suis mal pris » et de s'être « laissé forcer la main lors de la publication du troisième secret de Fatima » Pour mémoire, le C. Ratzinger fit alors un commentaire plus que divergent avec ce qu'il avait écrit avant, notamment dans Entretiens sur la Foi, où il liait explicitement la crise de l'Eglise - crise de la Foi , avec le troisième secret. Or, depuis 1917 la Vierge attend la Consécration, seule clef qui puisse féconder les efforts ecclésiastiques. Et cela le Pape le sait. Et il sait que lui seul a le pouvoir de le faire.

Tâchons donc de progresser en sainteté de vie, retranchant ce qui doit l'être de nos moeurs, offrant ce qui doit l'être de nos volontés, augmentant ce qui doit l'être de notre humilité en recourant avec confiance et constance à la grâce et aux sacrements, consacrant tout notre être et nos journées au Coeur Immaculé de la TS Vierge Marie en réparation des offenses qui lui sont faites, en offrande de nous même pour notre Saint Père Benoît XVI et la Sainte Eglise. Abbé Charles Tinotti.

 

 

 



[1]     Sous réserve, l'honnêteté doit mentionner qu'il s'agirait du Card. Ratzinger.