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Un regard sur le monde  politique et religieux

Au 17 novembre 2006

 

N° 107

Par Monsieur l’abbé Aulagnier

 

Monseigneur Vingt-Trois s’exprime sur la « controverse liturgique » des 40 dernières années

 

 

Le 26 octobre dernier, l’Institut supérieur de liturgie de l’Institut catholique de Paris a fêté son cinquantième anniversaire. C’est en effet en l’année 1956 que cet institut a vue le jour dans le « sein » de la « catho ». Son but est bien précisé sur son  site : « Fondé en 1956, l'Institut Supérieur de Liturgie (ISL) propose une formation en liturgie et théologie des sacrements, destinée à des personnes se préparant à la recherche, l'enseignement ou à des responsabilités pastorales en ce domaine. Par son lien d'origine avec  le Mouvement Liturgique du XXe siècle, à travers le Centre de Pastorale Liturgique (maintenant SNPLS),  l'Institut Supérieur de Liturgie (ISL) est étroitement lié à la recherche universitaire avec un souci des réalités pastorales, et un caractère international du public étudiant nettement affirmé ».

Dans le cadre de cette commémoration, un colloque fut organisé. Le cardinal Arinze, préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements, assura le discours d’ouverture. L’archevêque de Paris, Mgr Vingt-Trois, prit également la parole. Nous publions ceux deux importantes interventions in extenso. Nous en faisons une brève présentation. Nous souhaiterions une rencontre avec Mgr Vingt-Trois pour lui présenter nos remarques. Ces services lui présenteront bien mes « réactions » à son texte du 26 octobre dernier !

 

 

 

 

 

A- Discours du Cardinal Francis ARINZE au Colloque organisé

à l'occasion de la Célébration du 50ème anniversaire de l'Institut Supérieur de

Liturgie de Paris

 

Le cardinal Arinze,  après de brèves paroles de félicitations et d’action de grâces pour le travail accompli durant ces cinquante années au service de l’Eglise – on notera qu’il y insiste bien peu  – en vient immédiatement à l’objet de son propos. Il veut essentiellement rappeler les devoirs non seulement de l’Institut supérieur de liturgie de Paris, mais aussi de tout Institut de ce genre. Il veut « mener une réflexion d’un réexamen des orientations afin de tracer clairement la route qu’il convient de suivre et de prendre des résolutions pour le futur ».

C’est pourquoi son discours est sans cesse ponctué de souhaits :  « un Institut supérieur de liturgie doit…  devrait….. »,  Il utilise cette expression pas moins de vingt  fois.

 

Il propose quelques réflexions sur certains points : sur le rôle d’un Institut de Liturgie, sur « l’art de célébrer », sur la formation à l’homélitique, sur le rôle du prêtre dans la liturgie, sur celui de l’évêque. Il termine son exhortation par un appel aux « services » que l’Eglise est en droit d’attendre d’un Institut Supérieur de Liturgie.

 

Voyons  ses suggestions.

 

Il rappelle tout d’abord qu’un Institut supérieur de Liturgie doit s’adonner à la recherche sur la « chose » liturgique, mais cette recherche doit se faire « sur les bases solides et durable de la foi, de la Tradition de l’Eglise ». Il en est ainsi parce que la liturgie doit être considéré comme « un don que nous recevons du Christ par l’Eglise ». Ses éléments constitutifs « proviennent de Notre Sauveur Jésus-Christ, comme les éléments essentiels des sacrements et aussi les éléments variables qui ont été soigneusement transmis et conservés par l’Eglise ».  C’est l’occasion pour le cardinal de condamner les abus en matière liturgique. Ils viennent tous de la place « indue qui est accordée à la spontanéité, ou à la créativité, ou bien à une fausse idée de liberté ou encore à cette erreur qui a pour nom « horizontalisme » qui consiste à placer l’homme au centre de la célébration liturgique au lieu de porter son attention vers le haut, c’est-à-dire vers le Christ et ses Mystères ». On retrouve là une idée très chère au cardinal Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI. Le cardinal n’insisterait pas sur cette idée si ce danger n’existait pas dans l’Eglise…L’horizontalisme ! Ainsi donner une saine formation liturgique est donc le devoir essentiel de tout Institut supérieur de Liturgie.  Il doit former ces élèves à « l’amour de l’Eglise et de son culte public » et doit leur enseigner « à suivre les normes et les orientations données par le Magistère ». C’est ainsi que tout Institut supérieur de Liturgie doit être ou devrait être au cœur de tout formation liturgique  et de tout « renouveau » liturgique. Son influence devrait se faire sentir  jusque même dans  la vie liturgique paroissiale.

 

Cette formation aura pour conséquence une bonne célébration des  « saints Mystères », ce qu’on appelle « l’ars celebandi ». Cette formation liturgique devra également se faire sentir au niveau de l’homélie. C’est l’occasion pour le cardinal de rappeler ce que doit être dans l’Eglise l’homélie : elle doit être nourrie de « la Parole de Dieu ». Elle n’est nullement un discours sociologique ni politique. Il rappelle aussi  que l’homélie est une fonction essentiellement sacerdotale et il condamne toute pratique contraire : « Dans certains pays, il y a des gens qui n'apprécient pas le fait que l'homélie, durant la

célébration du Sacrifice eucharistique, soit un ministère pastoral réservé aux

seuls ministres ordonnés: le diacre, le prêtre et l'Evêque. Or, il est vrai que

les fidèles laïcs, s'ils peuvent très bien assurer la catéchèse en dehors de la

Messe, ne sont néanmoins pas habilités à prononcer l'homélie, pour laquelle il

est requis de recevoir l'ordination ». Là aussi…Ce n’est sans doute pas pour rien que le cardinal rappelle cette vérité. Le prêtre, à l’autel et dans l’Eglise,  exerce un rôle spécifique qui lui est propre car «  le sacerdoce ministériel, dit très justement le cardinal, est une partie intégrale et constitutive de la structure de l’Eglise.  Seul, il peut « célébrer la sainte Messe, seul il peut absoudre les fidèles de leurs péchés au moyen du sacrement de pénitence et peut  donner  l’Onction des malades ». Dans toutes les cérémonies liturgiques que sont mariages,  enterrements et autres, la présence du prêtre est vraiment utile. « Si l’on affaiblit le rôle du prêtre ou si on ne l’apprécie pas, une communauté locale catholique peut dangereusement sombrer dans l’idée qu’il est possible d’envisager une communauté sans prêtre ». Or « une telle pensée n’est pas conforme avec la conception authentique de l’Eglise instituée par le Christ ».  Aussi ne craint-il pas de dire « qu’il n’y a pas de place dans l’Eglise catholique pour la création d’une sorte de « laïc cléricalisé » parallèle ». Mais au prêtre aussi de célébrer dans la joie et la foi les saints Mystères. Alors ils  seront attractifs pour les jeunes : « « Si les prêtres célèbrent les saints Mystères avec foi et dévotion et conformément aux livres approuvés, leur témoignage constitue alors une vraie prédication en faveur des vocations au sacerdoce. D’un autre côté, les jeunes ne désireront pas se joindre à un groupe de clercs, qui semblent incertains de leur mission, qui critiquent leur Eglise et lui désobéissent, et qui célèbrent leurs « propres liturgies » conformes à leur choix personnels et à leurs théories ». C’est bien dit. Et c’est ainsi que tout Institut supérieur de Liturgie doit diffuser « une théologie correct sur le prêtre en tant qu’instrument du Christ dans la sainte liturgie ». Voilà un très heureux et bien utile rappel !

Et c’est pourquoi l’évêque « gardien de toute la vie liturgique de l’Eglise diocésaine »  a besoin des Instituts supérieurs de liturgie, fidèles à leur vraie mission. Le cardinal précise cette aide apportée et souhaitée par l’Evêque : Ils aident « à expliquer et à diffuser les documents et les instructions émis par les différentes instances dans le domaine liturgique ».  Ils constituent de « précieux conseillers pour l’évêque ». Ils aident le peuple à comprendre que « la sainte liturgie n’est pas un domaine où règne la libre recherche mais qu’elle est bien la prière officielle et publique de l’Eglise » C’est pourquoi il s ne doivent pas se considérer « comme des observateur indépendant et critiques. »  La remarque se veut insistante !

Et parce que ces Instituts sont au service de l’Eglise, ils devraient être des maisons « où règnent la lumière et l’amour » de sorte que, grâce à leurs enseignements, soient rejetés la « banalisation », la « désacralisation » et «   la sécularisation »…ainsi que  l’horizontalisme : « l’horizontalisme, qui conduit le peuple à se célébrer lui-même au lieu de célébrer les Mystères du Christ, a des conséquences néfastes pour la foi catholique et le culte et c’est pourquoi, il doit être absolument être évité ».

 

La désacralisation ! Voilà un vrai danger pour l’Eglise et son clergé.

 

Jean Madiran a fort insisté sur ce point dans son commentaire du texte du cardinal paru dans Présent du 10 novembre 2006, sous le titre : « L’Eglise en ruine ? » Oui, car désacralisée »

 

« Le cardinal Arinze est venu faire à Paris le 26 octobre( un  discours) pour corriger les malfaçons et les erreurs de la liturgie française.

 

« Le cardinal Arinze est en quelque sorte le bras droit du Pape en matière liturgique. Personnellement, il ne passe pas pour militer avec ardeur en faveur d’une libération de la messe tridentine. Mais il constate et juge l’affligeante réalité. Il faut avoir sous les yeux le texte intégral de son discours.

 

« Le cardinal Arinze insiste notamment sur le désastre d’une liturgie qui, par « une conception inadmissible de la démocratie », aboutit en fait à un peuple et un clergé qui se célèbrent eux-mêmes au lieu de célébrer les mystères du Christ. Il met en cause la tendance à une « laïcisation du clergé » jointe à une « cléricalisation des laïcs ». La cause, ou le prétexte, en est peut-être dans le fait que le clergé diocésain est en voie de disparition, faute de vocations. Mais alors, dit le Cardinal, « si un diocèse ne dispose pas d’un nombre suffisant de prêtres, des initiatives devraient être prises pour les faire venir d’ailleurs ». L’Eglise a « absolument besoin de prêtres ordonnés pour célébrer la sainte messe, absoudre les fidèles, donner l’onction des malades », et aussi pour les « célébrations des mariages et des funérailles ». Il n’est pas « possible d’envisager une communauté [locale] sans prêtre », ce n’est plus « l’Eglise instituée par le Christ ».

 

Ce que le cardinal Arinze dénonce comme la « laïcisation » du clergé diocésain a pour conséquence évidente la désacralisation du prêtre. Une telle analyse est en consonance (mais en consonance inverse) avec celle de Mgr Albert Rouet rapportée par La Croix (7 novembre) avec semble-t-il une certaine adhésion. Selon l’esthétique évêque de Poitiers, les supposés troubles de conscience actuels dans l’épiscopat français peuvent se résumer en l’affrontement de deux tendances : « Il y a ceux pour qui la solution serait de resacraliser le rôle du prêtre ; et ceux qui voudraient définir une nouvelle façon d’être prêtres dans la ligne du Concile. » Si Mgr Rouet est manifestement contre une « resacralisation » du prêtre, c’est bien le signe que sa « DÉ- SACRALISATION » a effectivement eu lieu (et qu’au nom de la « ligne du Concile » il veut la prolonger). Voilà un important témoignage. Mais son importance ne se limite pas là.

JEAN MADIRAN

 

Voici le texte intégral du cardinal.

 

 

Bienheureuse célébration. Temps de Grâce.

 

Dieu soit loué pour la célébration de ce cinquantième anniversaire de la vie et du service de l'Institut Supérieur de Liturgie. Durant ces cinquante ans, l'Institut a offert à l'Eglise une

contribution importante et significative à la réflexion, à la vie et à la formation dans le domaine de la Liturgie. Nous prions le Seigneur Jésus de bien vouloir bénir et récompenser tous ceux qui, dans le passé, ou de nos jours, ont prêté ou prêtent encore leur concours à cette section importante de l'Institut Catholique de Paris. La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements adresse ses plus chaleureuses félicitations à cet Institut.

 

 

 

1. La célébration d'un jubilé comme celui-ci n'est pas seulement une occasion pour rendre grâce, mais elle nous offre aussi l'opportunité de mener une réflexion, en vue d'un réexamen des orientations, afin de tracer clairement la route qu'il convient de suivre, et prendre des résolutions pour le futur. Nous aborderons quelques thèmes au sujet desquels on peut penser qu'un Institut Supérieur de Liturgie semblable à celui-ci pourrait s'efforcer de rendre certains services. Il est important de montrer un chemin de lumière dans les différents domaines qui constituent la Liturgie. A ce titre, comme nous le verrons, l'ars celebrandi et l'homélie méritent qu'on y prête une attention particulière. De même, dans le cadre de l'ecclésiologie de communion, il importe de souligner avec clarté les rôles assumés par le prêtre et l'Evêque diocésain. Après avoir évoqué ces différents points, nous serons en mesure de présenter, en conclusion, une liste des principaux services qu'on pourrait attendre d'un Institut de Liturgie.

 

2. Montrer un chemin de lumière dans le domaine de la Liturgie.

 

Tout d'abord, l'un des devoirs d'un Institut Supérieur de Liturgie est d'être comme un phare qui désigne un chemin de lumière en matière de Liturgie. Assumer une telle fonction permet à la fois d'informer et aussi de former des responsables, qui soient capables d'apprécier à leur juste valeur les richesses contenues dans le culte public de l'Eglise, et qui, de surcroît, soient prêts à les partager avec les autres. Cela permet d'éclairer et de mieux expliciter le lien étroit qui existe entre la théologie et la liturgie, entre la foi de l'Eglise et la

célébration des Mystères du Christ, entre la lex credendi et la lex orandi. Il est vrai qu'un Institut Supérieur de Liturgie doit promouvoir la recherche. Toutefois, avant tout, il convient qu'il établisse ses travaux sur les bases solides et durables de la foi, de la Tradition de l'Eglise et sur l'héritage, qui est présent dans les textes, les gestes et les attitudes liturgiques. Un

tel Institut doit donc être heureux de considérer que la sainte Liturgie est un don que nous recevons du Christ par l'Eglise. De fait, la sainte Liturgie n'est pas une chose que l'on invente. Elle comprend, en effet, des éléments immuables, qui proviennent de notre Sauveur Jésus Christ, comme les éléments essentiels des Sacrements, et aussi des éléments variables, qui ont été soigneusement transmis et conservés par l'Eglise.

 

 Beaucoup d'abus, dans le domaine de la Liturgie, ont pour origine, non pas la mauvaise volonté, mais l'ignorance, "puisqu'on rejette généralement ce dont on ne perçoit pas le sens plus profond, et dont on ne connaît pas l'ancienneté" (Redemptionis Sacramentum, 9). Ainsi, certains abus ont-ils pour origine la place indue qui est accordée à la spontanéité, ou à la créativité, ou bien à une fausse idée de la liberté, ou encore à cette erreur qui a pour nom:

"horizontalisme", qui consiste à placer l'homme au centre de la célébration liturgique au lieu de porter son attention vers le haut, c'est-à-dire vers le Christ et ses Mystères. On dissipe les ténèbres grâce à la lumière, et non par des condamnations verbales. C'est pourquoi, notamment, un Institut Supérieur de Liturgie doit avoir le souci de former des experts dans la meilleure et authentique tradition théologico-liturgique de l'Eglise. Il les forme donc à l'amour de l'Eglise et de son culte public, et il leur enseigne à suivre les normes et les orientations données par le Magistère. De même, un tel Institut prévoit aussi des cours appropriés pour ceux qui veulent promouvoir la formation permanente des clercs, des personnes consacrées et des fidèles laïcs. Comme le Pape Jean-Paul Il l'écrivait à l'Assemblée Plénière de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, un mois avant sa mort: "I1

est urgent que dans les communautés paroissiales, dans les associations et dans les mouvements ecclésiaux on assure des cours appropriés de formation, afin que la Liturgie soit mieux connue dans toute la richesse de son langage et qu'elle soit vécue dans toute sa plénitude. Dans la mesure où cela sera fait, le résultat en sera des bienfaits qui se révéleront dans la vie personnelle et communautaire" (Lettre du Pape Jean-Paul Il au Cardinal Arinze, 3 mars 2005, n.5).

 

3. La promotion de l'ars celebrandi.

 

Une solide base théologico-liturgique, une formation de qualité dans le domaine de la foi, et le respect du caractère propre de la Liturgie ont pour conséquence de favoriser cette réalité qui a

pour nom "l'ars celebrandi"; de fait, celui-ci sera promu non seulement par le prêtre célébrant, mais aussi par tous ceux qui prennent part aux actions liturgiques: tout d'abord, le diacre, mais aussi les servants d'autel, les lecteurs, ceux qui dirigent le chant et toute l'assemblée qui participe à l'action liturgique. L'ars celebrandi est fondée sur la vérité théologique que

le Concile Vatican II exprime en ces termes: "a Liturgie est considérée à juste titre comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l'homme est signifiée par signes sensibles, est réalisée d'une manière propre à chacun d'eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c'est-à-dire par le Chef et par ses membres" (Sacrosanctum Concilium, 7). Un Institut de Liturgie devrait aider chaque personne, qui participe à une célébration liturgique, à apprécier cette vérité. Cela concerne en tout premier lieu le prêtre célébrant ou l'Evêque. Si ces derniers sont suffisamment insérés dans la compréhension des célébrations liturgiques qui ont pour Tête le Christ, s'ils respectent l'Ecriture, la Tradition, les fondements historiques des textes sacrés et les richesses théologiques des expressions liturgiques, alors tout cela aura pour résultat bénéfique de manifester d'une manière admirable l'ars celebrandi. Les célébrations liturgiques manifesteront la splendeur de la foi de l'Eglise; elles nourriront la foi des participants; elles écarteront de cette foi la torpeur et l'indifférence; et elles enverront les fidèles à la maison avec la résolution ardente de vivre une vie vraiment chrétienne et de répandre partout la Parole de Dieu. Nous sommes alors bien loin de cette froideur, de cet horizontalisme qui met l'homme au centre de l'action liturgique, et aussi parfois de ce maniérisme ouvertement égocentrique que nos assemblées du dimanche sont parfois obligées de subir. La Lettre du Pape Jean-Paul ll, déjà mentionnée (n. 3), de même que le Synode es Evêques d'octobre 2005 (Proposit. 25) ont tous les deux souligné l'importance de l'ars celebrandi.

 

4. L'homélie.

 

Le Concile Vatican II dit que "l'homélie est fortement recommandée comme faisant partie de la liturgie elle-même" (Sacrosanctum Concilium, 52). Dans l'homélie, le pain de la Parole de Dieu est distribué aux fidèles. Les Saintes Ecritures sont mises en relation avec les réalités de la vie dans le monde d'aujourd'hui. Et il est vrai qu'une bonne homélie, bien préparée, remplit d'ardeur les coeurs des fidèles qui l'ont écoutée, c'est-à-dire de ce "feu" dont parle l'Evangile des deux disciples d'Emmaüs (cf. Lc 24, 32). Malheureusement, beaucoup d'homélies, prononcées par des prêtres ou des diacres, n'atteignent pas ce but tant désiré. Certaines d'entre elles ressemblent pour une bonne part à des discours marqués par des considérations d'ordre sociologique, psychologique, ou, dans un style encore pire, politique. Ces homélies ne sont pas assez enracinées dans la Sainte Ecriture, les textes liturgiques, la Tradition de l'Eglise et une théologie solide. Dans certains pays, il y a des gens qui n'apprécient pas le fait que l'homélie, durant la célébration du Sacrifice eucharistique, soit un ministère pastoral réservé aux seuls ministres ordonnés: le diacre, le prêtre et l'Evêque. Or, il est vrai que les fidèles laïcs, s'ils peuvent très bien assurer la catéchèse en dehors de la Messe, ne sont néanmoins pas habilités à prononcer l'homélie, pour laquelle il est requis de recevoir l'ordination. Un Institut Supérieur de Liturgie peut donc aider à diffuser de justes convictions au sujet de l'homélie. Il peut aider à créer un climat d'opinion pour des homélies où le Peuple de Dieu pourrait trouver une nourriture spirituelle plus substantielle. A ce sujet, i1 convient de rappeler que, pour de nombreux catholiques, l'homélie est probablement la seule formation permanente religieuse et catéchétique qu'ils reçoivent durant la semaine (cf. Lettre du Pape Jean-Paul II, n. 4; Synode des Evêques d'octobre 2005, Proposit. 19).

 

5. Le rôle liturgique du prêtre.

 

Il est essentiel pour un Institut Supérieur de Liturgie de préciser clairement quel est exactement le rôle du prêtre dans la sainte Liturgie. Le Concile Vatican Il dit, en effet, que "le renouveau de l'Eglise entière dépend pour une grande part du ministère des prêtres animé par

l'Esprit du Christ" (Optatam Totius, préambule). Le sacerdoce commun de tous les baptisés et le sacerdoce ministériel des prêtres ordonnés proviennent du Christ lui-même. Or, si dans la constitution hiérarchique de l'Eglise, on confond les rôles des uns et des autres, cela provoque toujours des dommages. De plus, une telle position ne contribue pas à promouvoir le témoignage rendu au Christ, ni la sainteté du clergé et des fidèles laïcs. Enfin, ni les tentatives de cléricalisation des laïcs, ni les efforts en vue d'une laïcisation du clergé ne peuvent être porteurs des grâces divines. Le Concile Vatican II dit que "dans les célébrations liturgiques, chacun, ministre et fidèle, en s'acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature des choses et des normes liturgiques" (Sacrosanctum Concilium, 28). C'est donc faire preuve de fausse humilité et d'une conception inadmissible de la démocratie ou de la fraternité, pour un prêtre, que d'essayer de partager le rôle qu'il exerce dans la liturgie en tant que prêtre - et qui lui est donc strictement réservé - avec les fidèles laïcs. Ainsi, il n'est pas superflu d'affirmer qu'un Institut Supérieur de Liturgie, comme toute faculté de théologie, devrait aider le peuple à comprendre que le sacerdoce ministériel est une partie intégrale et constitutive de la structure de l'Eglise, et que, par conséquent, nous avons absolument besoin de prêtres ordonnés pour célébrer la sainte Messe, pour absoudre les fidèles de leurs péchés au moyen du Sacrement de Pénitence, et pour donner l'Onction des Malades à ceux qui en ont besoin (cf. Tc 5, 14-15). De plus, étant donné que l'on constate que les gens, qui viennent nombreux aux célébrations des mariages et des funérailles, peuvent en tirer de grands bienfaits sur le plan spirituel, il faut donc affirmer que, notamment dans ces cas, nous avons besoin de prêtres pour célébrer le Sacrifice eucharistique, pour adresser des paroles empreintes de spiritualité dans des homélies de qualité à des personnes - dont un certain nombre participe rarement à la Messe -, pour les bénir, et donc, pour être un signe montrant que l'Eglise est près d'eux comme une pierre milliaire posée sur le chemin de leur vie. De plus, et sans aucun doute, il est nécessaire que le sacerdoce du prêtre ne se borne pas à l'exercice de simples fonctions liturgiques, mais que ses activités ministérielles proviennent de son coeur de père spirituel et que, par conséquent, sa présence pastorale constitue une nourriture spirituelle pour le peuple. Si l'on affaiblit le rôle du prêtre ou si on ne l'apprécie pas, une communauté locale catholique peut dangereusement sombrer dans l'idée qu'il est possible d'envisager une communauté sans prêtre. Or, une telle pensée n'est pas conforme avec la conception authentique de l'Eglise instituée parle Christ. Si un diocèse ne dispose pas d'un nombre suffisant de prêtres, des initiatives devraient être prises pour les faire venir d'ailleurs, pour encourager les vocations sacerdotales locales, et pour maintenir vive, dans le peuple, cette "faim" authentique d'avoir des prêtres à son service (cf Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia, 32). Les membres non-ordonnés du Peuple de Dieu, à qui on assigne certaines fonctions en l'absence d'un prêtre, doivent faire un effort tout particulier pour conserver une telle "faim". Et ils devraient résister à la tentation qui consiste à essayer de persuader les fidèles qu'ils doivent s'habituer à les considérer comme des substituts des prêtres (cf. op. cit., 33). Il n'y a pas de place dans l'Eglise catholique pour la création d'une sorte de "laïcat cléricalisé" parallèle (cf. Redemptionis Sacramentum, 149-153, 165).

De leur côté, les prêtres devraient montrer explicitement qu'ils sont heureux dans leur vocation, ce qui va de pair avec une conscience très claire de leur identité dans le cadre de leurs fonctions liturgiques. Si 1es prêtres célébrent les saints Mystères avec foi et dévotion, et conformément aux livres approuvés, leur témoignage constitue alors une vraie prédication en faveur des vocations au sacerdoce. D'un autre côté, les jeunes ne désireront pas se joindre à un

groupe de clercs, qui semblent incertains de leur mission, qui critiquent leur Eglise et lui désobéissent, et qui célèbrent leurs propres "liturgies" conformes à leurs choix personnels et à leurs théories. En conclusion, un Institut Supérieur de Liturgie et une faculté de théologie

sont des instruments précieux dont l'Eglise dispose pour la diffusion d'une théologie correcte sur le prêtre en tant qu'instrument du Christ dans la sainte Liturgie.

 

6. Le rôle de l'Evêque.

 

Il est évident que la communion ecclésiale doit signifier communio avec 1'Evéque diocésain et entre les Evêques et le Pape. Dans le diocèse, l'Evêque est le premier dispensateur des Mystères du Christ. Il le modérateur, le promoteur et le gardien de toute la vie liturgique de

l'Eglise diocésaine (cf. Christus Dominus, 15 ; CIC, can. 387 ; Redemptionis

Sacramentum, 19). L'Evêque dirige l'administration des sacrements, en particulier celle de la Sainte Eucharistie. Quand il concélèbre dans sa cathédrale en compagnie de ses prêtres, avec l'assistance des diacres et des ministres de rang inférieur, et avec la participation du saint Peuple de Dieu, on est alors en présence de "la principale manifestation de l'Eglise"

(Sacrosanctum Concilium, 41). Les facultés catholiques de théologie, les instituts liturgiques et les centres pastoraux ont pour vocation d'aider l'Evêque, en tant que Pasteur du diocèse. Ils coopèrent aussi d'une manière appropriée avec la Conférence des Evêques et le Siège Apostolique, et ils aident à expliquer et à diffuser les documents et les instructions émis par ces différentes instances. Ils constituent évidemment de précieux conseillers pour l'Evêque diocésain, les Conférences des Evêques et le Saint-Siège. Du fait de leurs compétences, ils aident le peuple à comprendre que la sainte Liturgie n'est pas un domaine où règne la libre recherche mais qu'elle est bien la prière officielle et publique de l'Eglise dont le Pape et

les Evêgues sont en premier lieu les responsables. Un institut catholique ou une faculté de théologie comprend alors qu'il ne convient pas d'emprunter une voie parallèle à celle de l'Evêque ou du Saint-Siège, ou bien de se considérer comme un observateur indépendant ou critique. A ce sujet, nous devons remercier « l'Institut Supérieur de Liturgie » pour le rôle positif qu'il a joué durant un demi-siècle dans l'Eglise, en vue de la promotion de la sainte Liturgie et de la communion ecclésiale. Ces propos nous conduisent à la conclusion, qui comportera une liste des quelques services qu'on pourrait attendre de la part d'un Institut Supérieur de Liturgie.

 

7. Les quelques services qu'on peut attendre de la part d'un Institut Supérieur de Liturgie.

 

 A partir de ce qui vient d'être dit, on peut en conclure qu'un Institut Supérieur de Liturgie devrait être une maison où règnent la lumière et l'amour. Il devrait donc préparer des experts aptes à informer et à donner eux-mêmes une formation en matière liturgique. Par conséquent, il lui revient de susciter auprès du peuple la foi et l'amour de l'Eglise, de telle sorte qu'il puisse apprécier que "les normes liturgiques sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de l'Eucharistie": car tel est leur sens profond. La Liturgie n'est jamais la propriété de quelqu'un: ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés" (Ecclesia de Eucharistia, 52). Cela signifie que les instituts d'études liturgiques devraient mettre à la disposition des fidèles les moyens nécessaires pour qu'ils soient capables de rejeter la banalisation, la désacralisation et la sécularisation. L'horizontalisme, qui conduit le peuple à se célébrer lui-même au lieu de célébrer les Mystères du Christ, a des conséquences néfastes pour la foi catholique et le culte, et c'est pourquoi il doit absolument être évité. Les instituts liturgiques devraient aussi aider le peuple à mieux apprécier le lien existant entre, d'une part, la célébration du Sacrifice eucharistique et, d'autre part, le respect et l'adoration envers la Sainte Eucharistie en dehors de la Messe, en favorisant des pratiques telles que la visite du

Saint-Sacrement, la Bénédiction eucharistique, l'Adoration eucharistique, les Processions ou les Congrès eucharistiques (cf Redemptionis Sacramentum, nn. 129-145).

Un Institut tel que le vôtre exerce une grande influence, du fait de l'orientation et de l'esprit de ceux qui y étudient, de ses publications, et aussi à cause de son autorité morale lorsqu'il transmet ses idées et ses. réflexions aux centres liturgiques et pastoraux diocésains, ainsi qu'aux maisons d'éditions. Cette influence s'étend au-delà de la France, et atteint les villages de l'Afrique, de l'Asie et du Pacifique. Un Institut Supérieur de Liturgie doit constituer une aide efficace pour l'Evêque, pour la Conférence des Evêques et pour le Saint-Siège, en ce qui concerne la formulation des directives en matière de liturgie et l'articulation de la théologie

sous-jacente aux rites liturgiques. Puisque "la Liturgie est le sommet auquel tend l'action de l'Eglise, et en même temps la source d'où découle toute sa vertu" (Sacrosanctum Concilium, 10), personne ne peut manquer de considérer l'importance de l'apostolat d'un institut d'études liturgiques. Cher "Institut Supérieur de Liturgie", je t'adresse tout mes meilleurs veux à l'occasion de tes cinquante ans! Par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Notre-Seigneur, dont nous célébrons les mystères dans la liturgie, puisse cet institut et tous ceux qui, semblables à lui, sont répandus dans le monde entier, croître en efficacité et dans son amour de l'Eglise, dans l'accomplissement de sa haute vocation et de sa noble mission.

 

Francis Cardinal ARINZE

Préfet de la Congrégation pour le Culte divin

et la discipline de sacrements.

 

 

B- Le texte de l’intervention de Mgr Vingt-Trois

 

Mgr Vingt-Trois, en tant que « chancelier de l’Institut de Paris,  a pris lui aussi  la parole au cours du colloque de ce cinquantième anniversaire, devant le cardinal Arinze.

 

Il a fait, en particulier,  une longue réflexion sur  ceux qui ont refusé la « réforme liturgique » de 1969. Il a jugé leur comportement.

 

Voici ses propos nous concernant. Il faut les avoir en tête :

 

« Sous couvert de la mobilisation pour la défense d’une forme liturgique, c’est bien à une critique radicale du concile Vatican II que l’on a assisté, voire au rejet pur et simple de certaines de ses déclarations. Le refus des livres liturgiques régulièrement promulgués fut suivi de l’injure publique envers les papes et couronné par des faits de violence comme la prise de force d’une église paroissiale à Paris et une seconde tentative avortée de la part des mêmes auteurs.

 

Il ne serait pas utile de faire mémoire de ces tristes événements s’ils n’étaient de nature à éclairer le contexte actuel. Aucun des protagonistes de ces combats n’a cru ni dit que le problème était prioritairement et, moins encore, exclusivement liturgique. Il était et il demeure un problème ecclésiologique. Il pose clairement la question du sens de l’unité ecclésiale dans la communion avec le siège de Pierre. Il pose clairement la question de l’autorité d’un concile œcuménique et de ses déclarations votées par l’ensemble du collège épiscopal et promulguées par le premier des évêques, tête du collège.

 

Si je me permets d’évoquer ces soubassements du débat liturgique, c’est parce qu’ils me semblent constituer un lieu théologique et spirituel de notre expérience d’Église. Si la controverse liturgique a joué aussi fortement ce rôle de paravent pour un autre débat, c’est bien parce que la liturgie est aussi un révélateur de l’expérience de la communion ecclésiale. Elle n’est pas un spectacle dont on pourrait critiquer à loisir le programme et la distribution et corriger les partitions. Elle est l’expression de la foi et de la communion de l’Église. Elle est, en régime chrétien, l’action constitutive de l’Église : « Toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence, dont nulle autre action de l’Église n’égale l’efficacité au même titre et au même degré »

 

 

Quelques mots de commentaire.

 

S’il m’est permis, Monseigneur, de vous répondre ici, je vous dirais volontiers que

 

la « controverse liturgique » que nous avons mené, notre corps défendant,  n’a pas pour raison la critique radicale du Concile Vatican II, comme vous l’affirmez. Elle n’est même pas  le « rejet pur et simple de certaines de ses déclarations ».

 

De plus notre controverse n’a pas joué comme un « paravent » pour  cacher « un autre débat », fondamental, le vrai : le refus de l’Eglise, de son Magistère et de la communion ecclésiale. Je me lève là contre. C’est bien le contraire qu’il faut dire. Cette controverse liturgique » est et fut pour nous, très précisément,  l’expression d’une profonde communion avec l’être historique de l’Eglise, avec « ses coutumes  légitimes et immémoriales », avec « son patrimoine reçu en héritage ». . C’est donc nous faire injure !  C’est nous faire un faux procès. Un faux procès qui n’est, du reste,  plus de mise aujourd’hui puisque c’est avec la messe tridentine - que nous avons voulu défendre et que vous avez voulu supprimer - que nous avons,  mes confrères et moi-même,  normalisé notre situation dans l’Eglise grâce au  pape Benoît XVI. Il faut en prendre acte…

 

Notre « controverse » liturgique n’a pas pour principe et fondement la critique ou le refus du Concile Vatican II. J’en veux pour preuve le premier livre d’importance qui fut écrit sur ce sujet, « La Nouvelle messe »  -  Il est de Louis Salleron – Il parle, précisément, dans sa première partie, du Concile et de son document liturgique « Sacro Sanctum Concilium » en terme parfaitement élogieux. On peut y lire : « La Constitution fut bien accueillie…Elle avait, un moment suscité l’inquiétude…Mais la lecture du texte rassura…La  Constitution  n’apparaissait nullement comme le signal de départ d’une révolution ; (on) y voyait bien plutôt le couronnement majestueux et solidement équilibré de l’œuvre de restauration liturgique poursuivie depuis près de cent ans ». ( p. 17). Avouez !  C’est tout sauf une critique.

 

Et notre auteur démontre textes en mains que, malheureusement, la réforme liturgique, tout animée de l’esprit dit « post-conciliaire »  va s’éloigner de la sagesse des   grands textes liturgiques du Concile. Il le démontre pour la langue vernaculaire qui a complètement remplacé la langue latine, contrairement à l’enseignement du Concile. Ce n’est qu’un exemple.  L’article 36 de la Constitution règle en effet  la question du latin dans ses trois premiers paragraphes : Le §1 dit « L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins ». Mais les « novateurs » veulent la substitution complète du français au latin pour montrer qu’on en a fini avec le passé et la tradition… Voilà ce que nous, nous constations. C’est contre cette subversion que nous avons luttée. Alors nous avons agi fermement, avec audace…Et nous avons su résister à  des abus de pouvoir…Et nous faisions reconnaître notre bon droit quand nous le pouvuions… Et nous nous sommes réjouis aussi avec l’Eglise et sa hiérarchie, - Nous étions alors en pleine communion, réelle -  lorsque le 24 mai 2003, l’Eglise a « rendu son honneur à une messe offensée et presque entièrement recouverte par trente trois années de dénigrements, de diffamations, de mépris, d’interdictions abusives et de persécutions ecclésiastiques ». C’est  ce qu’écrivait Jean Madiran à l’occasion de cette messe à Saine Marie Majeure.  

 

De plus j’ai personnellement analysé de près la conférence que le cardinal Stickler a donnée en Autriche, en 1997,  sur la réforme liturgique. Il montre combien elle s’est éloignée des principes liturgiques rappelés par les Pères conciliaires dans son document « Sacro Sanctum Concilium ». Je vous  renvoie à cette critique  dans Les Nouvelles de Chrétienté de cette semaine. Elle  sera même un chapitre d’un prochain livre à paraître bientôt. C’est dire combien je partage la pensée du cardinal.  C’est donc  aller vite en matière que de dire que, dans cette affaire liturgique c’est le Concile qui fut plus, pour ne par dire uniquement,  l’objet de nos critiques et de notre courroux….

 

Vous dites aussi que : « Aucun des protagonistes de ces combats n’a cru ni dit que le problème était prioritairement et, moins encore, exclusivement liturgique ». Lorsque nous nous rencontrerons,  Eminence, j’aurais l’immense joie de  vous dire que notre refus liturgique est bien un refus « liturgique ».   En ce sens que la liturgie,  dans l’Eglise, comme nous l’a appris Dom Guillou citant Dom Prosper Guéranger,  « est la Tradition à sa plus haute puissance » (Les Institutions liturgiques T& c ; 14 p. 414)». Tradition et Liturgie. C’est tout un. Notre amour de la Liturgie est notre amour de la Tradition. C’est notre amour de l’Eglise. C’est l’amour de la Tradition qui nous a animé.  Et sous ce rapport,  la fidélité à la liturgie de « toujours » est bien une question de fidélité à l’Eglise, à la communion ecclésiale. Je vous site. Vous dites juste et bien lorsque vous dites que « la liturgie est aussi un révélateur de l’expérience de la communion ecclésiale. Elle n’est pas un spectacle dont on pourrait critiquer à loisir le programme et la distribution et corriger les partitions. Elle est l’expression de la foi et de la communion de l’Église ». Voilà tout l’enjeu effectivement de la liturgie. Mais l’Eglise ne se limite pas à l’Eglise que vous avez appelé « Conciliaire ». Elle embrasse tous les ages, tous les peuples. tous les temps Et sa liturgie doit être sur la terre, à travers tous les ages,   le reflet de la liturgie céleste que l’Apocalypse nous permet de contempler et qui est  tout ordonnée à la gloire et à l’honneur de « l’Agneau de Dieu, » qui est le grand mystère de Dieu. La liturgie céleste est l’archétype de la liturgie ecclésiale, et cela pour toujours et en tout emps. Voilà ce qui est essentiel à l’Eglise. Voilà ce que nous avons eu en vue. C’est bien la communion ecclésiale. Et cela, franchement !

 

« Le refus des livres liturgique » qui, de fait, nous a animé met en cause des raisons doctrinales sérieuses. Ce débat est donc un débat doctrinal tout au tant que  liturgique. Il est du reste vain d’opposer doctrine à liturgie. La liturgie est un lieu théologique. C’est la définition nouvelle que l’on donnait de la messe qui est la raison de notre refus C’est le fameux article 7. Je me permets de vous renvoyer essentiellement au Bref Examen Critique présenté, à l’époque, par le cardinal Ottaviani et Bacci, au Pape Paul VI. Il dit tout sur notre refus et à lui seul, il justifie notre comportement. Nous demandons qu’on le juge. Et la crise de l’Eglise connaîtra un début de solution lorsque ce sujet sera franchement abordé…

 

Jean Madiran , dans un récent article de Présent, du 11 novembre 2006,  et qui a pour titre : « Au cœur de la Conférence épiscopale. « L’Eglise en ruine », nous en rappelle l’importance.

Voici quelques passages de son article :

 

« Le caractère sacré du prêtre ne trouve aucun fondement dans les « valeurs humanistes », ni dans « une démocratie comme la nôtre », ni dans l’analyse sociologique de sa « relation à une communauté ». C’est pourquoi il s’est estompé.

 

Il s’est estompé comme s’est estompé ce qui le fonde, c’est-à-dire la foi en la PRÉSENCE RÉELLE de Jésus dans l’eucharistie. Le prêtre est le ministre de cette présence divine et du renouvellement non sanglant de son sacrifice. Dans cette consécration il agit in persona Christi, il prononce à la première personne et avec la même efficacité les paroles de Jésus pendant la Cène. Le rôle du prêtre dans les sacrements, dans l’absolution des péchés, et surtout dans le sacrement de l’eucharistie, indépendamment de ses qualités et mérites personnels, est un rôle qu’on ne peut qualifier autrement que sacré. Sinon, c’est que l’on ne croit pas véritablement à la PRÉSENCE RÉELLE. On ne la nie pas forcément. On est

dans le vague. Cela dure depuis trente- cinq ans. Cela ne vient pas du Concile. Cela vient de la messe vernaculaire.

 

L’inspiration qui anime la messe nouvelle a été celle de l’article 7,  première version. La présence réelle y a été définie par référence explicite à l’évangile de Matthieu (18, 20) : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Certes c’est une présence, certes elle est réelle, d’une réalité spirituelle. Ce n’est pas la PRÉSENCE RÉELLE de l’eucharistie, celle qui résulte de la transsubstantiation, terme nécessaire, et non remplacé, que l’on a écarté en le prétextant incompréhensible alors qu’il est défini en deux lignes et demie dans le Petit Robert). Par la transsubstantiation, la PRÉSENCE RÉELLE dans l’eucharistie est celle du corps, du sang, de l’âme et de la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Telle est notre foi catholique.

 

On dit étourdiment : – Mais l’article 7 a été corrigé ! C’est vrai, il a été promptement corrigé. Mais lui seul. Les malfaçons et insuffisances de la messe vernaculaire, qui étaient dues à l’inspiration de l’article 7 première version, n’ont pas été rectifiées. Et l’inspiration mauvaise a demeuré, parce que si l’article 7 a été corrigé, c’est en catimini qu’il l’a été, et non par voie de désaveu et de claire rétractation.

 

La preuve : l’épiscopat français s’est fermement installé dans la perspective de l’article 7 première version. Sans tenir aucun compte de sa discrète rectification, il a longuement engagé son autorité dans le « rappel de foi » de ses nouveaux missels affirmant qu’à la messe « il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli ». Par quoi il allait plus loin encore, plus explicitement dans l’hérésie que l’article 7 première version, mais c’était bien dans la même ligne et sous la même inspiration. Il a fallu plusieurs années pour que cette affirmation carrément hérétique (dans les termes exacts où elle avait été anathématisée par le concile de Trente) soit enfin retirée des missels, mais là aussi sans désaveu explicite ni rétractation. Ce qui fait qu’une grande partie du clergé diocésain demeure plus ou moins incertaine sur la PRÉSENCE RÉELLE, et qu’encore en 2006 Yves Chiron ait pu signaler un évêque recommandant aveuglément dans son diocèse un ouvrage de « catéchèse » dans la ligne de l’article 7 première version. Cet évêque estime lui aussi sans doute se situer « dans la ligne du Concile ».

 

Si l’on n’a plus en la PRÉSENCE RÉELLE qu’une foi estompée, incertaine ou éteinte, il ne reste au célébrant qu’à se donner en spectacle, tournant le dos à Dieu, animant par sa parole et ses mimiques une communauté qui ne se met plus jamais à genoux, pas même à l’élévation ou à la communion. Pour réussir dans le nouveau rôle du prêtre, il n’y a qu’un modèle, et d’ailleurs c’est la seule issue : l’idéal est alors de ressembler à un animateur de télévision. Reprenant un mot du roi à l’actrice, dans Le Soulier de satin, l’auteur de la messe nouvelle avait dit à Claudia Cardinale reçue en audience publique —Nous faisons le même métier.

Bien sûr, c’était une boutade c’était une citation… Louis Salleron en fit deux poèmes très plaisants, l’un joyeux, l’autre gai, parus dans Itinéraires. Aujourd’hui nous en sommes aux travaux plastiques de Mgr Rouet. Et aux évêques qui, à la quasi-unanimité (honneur à ces quelques quasis !) serrent les rangs, selon La Croix, derrière leur président Ricard pour

faire front à toute libération de la messe tridentine. Celle où la PRÉSENCE RÉELLE est affirmée sans brouillard et sans échappatoire.

 

JEAN MADIRAN

 

Vous le voyez bien, Excellence, ce n’est pas au Concile que nous sommes opposés. Jean Madiran le dit clairement  au début de son article. Ce n’est pas le problème. Le vrai problème fut  d’ordre doctrinal. Le cardinal Stickler et le cardinal Ratzinger le dirent eux aussi dans les années 95-97-98. Le cardinal Stickler dit même en conclusion de la conférence qu’il donnait en Amérique, en mai 95, sur le thème « les bienfaits de la messe tridentine » : « Pour résumer nos réflexions nous pouvons dire que  les bienfaits  théologiques  de la messe tridentine correspondent  aux déficiences théologiques  de la messe de Vatican II ». Exprimait-il lui aussi comme nous, selon vous,  d’un manque de « communion ecclésiale » ?

Il me semble Excellence,  qu’il faut revoir vos arguments. Nous pourrons le faire lors de notre prochaine rencontre.

 

Voici maintenant le texte in extenso de Mgr Vingt-Trois :

 

Éminence, Excellences, Monsieur le Recteur, mes Pères, Mesdames et Messieurs,

 

C’est un honneur et une joie pour l’archevêque de Paris, Chancelier de l’Institut Catholique, d’ouvrir ce colloque universitaire à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Institut Supérieur de Liturgie. Cette joie et cet honneur sont encore amplifiés, Éminence, par le privilège que vous nous accordez de votre présence. Votre participation active manifeste l’intérêt de la Congrégation pour le Culte Divin et la discipline des Sacrements dont vous

êtes le Préfet non seulement pour les travaux de ce colloque mais surtout pour l’œuvre accomplie au cours des cinquante dernières années par l’Institut de Liturgie.

 

1. Au tournant du siècle.

 

La fondation de cet Institut doit être replacée dans le cadre plus large du vaste ensemble de travaux et de recherches sur la liturgie qui a marqué le vingtième siècle et que l’on a parfois justement désigné sous le titre générique de « Mouvement liturgique ».

 

Parallèlement aux études profanes sur les rites et les mythes, la fin du XIX° siècle et la première moitié du vingtième ont été marquées par un important investissement de travaux historiques et théologiques sur l’intelligence de la liturgie latine. D’autres, plus compétents que moi évoqueront sans doute les grandes figures de ce mouvement particulièrement fécond en Allemagne et en France.

 

Largement soutenus et encouragés par Pie XI et Pie XII, ces travaux ont amené, bien avant le Concile Vatican II, un certain nombre de réformes visant à mieux manifester le sens de l’acte liturgique et à en faciliter l’accès aux fidèles.

Qu’il me soit simplement permis d’évoquer la réforme de la Semaine Sainte1 , la proclamation des lectures liturgiques en langues vernaculaires2 et la faculté de célébrer l’Eucharistie le soir3 , pour ne parler que des changements les plus perceptibles à l’ensemble des fidèles. Il faut aussi citer la décision du Pape saint Pie X d’appeler les fidèles à la communion fréquente4 et de fixer l’âge de la première communion à l’âge de raison5 comme un des facteurs décisifs de la transformation du rapport à la liturgie.

 

Les études menées ont aussi permis de mieux connaître, du moins pour ceux qui veulent s’y référer, les mutations successives des rituels liturgiques et leurs conditionnements historiques. Du point de vue théologique, elles ont conduit à affiner le sens de la fidélité à une tradition vivante dans une lente évolution, qui n’est pas simple répétition mécanique d’un rituel choisi à une période particulière. Ainsi, la profonde réforme liturgique de saint Pie V, en

application du Concile de Trente, a pu être comprise comme une des étapes de cette longue évolution, ni la première, ni la dernière. La fidélité à l’institution originelle a pu s’approfondir en intégrant la perception vivante de la tradition ecclésiale. L’Église, en son magistère, a la charge de garantir cette fidélité.

 

Après les premières réformes décrétées par le Pape Pie XII, il devint clair que l’approfondissement des connaissances historiques et de la réflexion théologique sur la liturgie constituait un domaine fondamental de la recherche universitaire. Ce fut le mérite des pionniers de répondre à cette opportunité en se lançant dans la belle aventure de l’Institut Supérieur de Liturgie. Il faudrait tous les citer. Qu’il soit au moins permis d’en nommer quelques-uns parmi les premiers: Dom Botte o.s.b., le P. Bouyer de l’Oratoire, le P. Gy o.p.

et le P. Jounel, parmi bien d’autres.

 

2. La réforme liturgique.

 

Dans le contexte pastoral et universitaire du mouvement liturgique du XX° siècle, le jeune institut allait trouver un champ de travail particulier avec la réforme liturgique voulue par le concile Vatican II et mise en œuvre avec fidélité et persévérance par Paul VI et Jean-Paul II. Dans les temps que nous vivons, il n’est peut-être pas superflu de rappeler quelques éléments

fondamentaux de cette réforme. Je ne doute pas que ce sera fait au long de ce colloque. Pour ma part, ayant vécu la réforme comme séminariste et comme prêtre, je voudrais simplement relever deux aspects qui me semblent aujourd’hui trop largement méconnus.

 

Le premier aspect est celui de la richesse catéchétique et spirituelle dont bénéficient les fidèles et, à travers eux, toute l’Église. L’élaboration des nouveaux lectionnaires liturgiques, avec la lecture continue des évangiles et des épîtres et l’accès développé aux textes fondamentaux du premier Testament, ouvre à tous la possibilité d’une fréquentation plus large des Écritures, au cœur même de la célébration liturgique. De plus, le Concile n’a pas seulement élargi le champ scripturaire des lectures. Il a aussi défini les modalités d’une prédication qui doit proposer un commentaire actualisé de ces lectures bibliques : « Dans la célébration de la liturgie, la Sainte Ecriture a une importance extrême. C'est d'elle que sont tirés les textes qu'on lit et que l'homélie explique, ainsi que les psaumes que l'on chante ; c'est sous son inspiration et dans son élan que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont jailli, et c'est d'elle que les actions et les symboles reçoivent leur signification. Aussi, pour procurer la restauration, le progrès et l'adaptation de la liturgie, il faut promouvoir ce goût savoureux et vivant de la Sainte Ecriture dont témoigne la vénérable tradition des rites aussi bien orientaux qu'occidentaux »(SC 24).

 

Par delà telles ou telles dispositions discutables et amendables de la réforme, qui ne voit le bénéfice considérable qui en résulte pour le peuple chrétien ?

Les exagérations ou les maladresses qui ont accompagné sa mise en œuvre ne doivent pas dissimuler son enjeu. La question primordiale n’est pas la question de la langue utilisée, mais la question de la légitimité de l’Église à décider des modalités de sa liturgie. Qui peut fixer les lectures autorisées ? Qui peut définir le calendrier liturgique ? Qui arrête les fêtes à célébrer, les saints à honorer, etc… ? Quelle est, à cet égard, la responsabilité des évêques dans leur

charge pastorale ?

 

Le deuxième aspect que je voudrais relever est le suivant. La réforme a mis en lumière que la liturgie, l’action sacrée, n’est pas seulement le premier lieu catéchétique, elle est aussi l’instance d’identification de la communauté ecclésiale elle-même, l’expression de la foi commune. Dans l’Église catholique, s’il existe des rites différents également reconnus, c’est pour exprimer liturgiquement, dans la prière habituelle de la communauté, la tradition liturgique, théologique et spirituelle d’une Église particulière. D’une certaine façon, le rite est indissociable d’une Église.

 

Dans cette perspective, le travail des liturgistes, tel qu’il fut conduit dans cet institut, n’est pas d’abord un spécialité technique pratique qui pourrait être juxtaposée à une réflexion théologique spéculative. Il est un acte organique de la réflexion chrétienne sur les expressions de la foi commune.

 

Cette dimension centrale de l’acte liturgique pour l’identité de l’Église et de toute communauté en elle peut sans doute expliquer pourquoi le débat liturgique suscite de telles passions. Il touche à la conscience même de l’appartenance à l’Église. C’est pourquoi ce débat a pris chez nous une acuité particulière à laquelle les Français sont spécialement attentifs, et, - oserais-je le dire ?-, les Parisiens parmi les premiers.

 

Dans notre pays, la réforme liturgique a été appliquée avec une méthode systématique que l’on ne retrouve pas ailleurs. Une des raisons en était qu’elle avait été préparée de longue date par des recherches historiques et théologiques mais aussi par le vaste effort de renouveau pastoral et apostolique de l’après-guerre. Cette approche systématique, à côté des réalisations remarquables qu’elle a permises, a aussi conduit à des mises en œuvre parfois maladroites ou brutales, qui ont pu donner le sentiment d’une rupture de tradition.

 

Il y a plus grave, en effet, que les tristesses et les blessures que ces comportements ont provoquées. Chez nous, la liturgie a été instrumentalisée dans un débat d’un autre ordre. Sous certaines fantaisies ou certaines dérives liturgiques, on a pu identifier une auto-célébration de l’assemblée elle-même substituée à la célébration de l’œuvre de Dieu, voire l’annonce d’un nouveau modèle d’Église.

 

D’autre part, sous couvert de la mobilisation pour la défense d’une forme liturgique, c’est bien à une critique radicale du concile Vatican II que l’on a assisté, voire au rejet pur et simple de certaines des ses déclarations. Le refus des livres liturgiques régulièrement promulgués fut suivi de l’injure publique envers les papes et couronné par des faits de violence comme la prise de force d’une église paroissiale à Paris et une seconde tentative avortée de la part des mêmes auteurs.

 

Il ne serait pas utile de faire mémoire de ces tristes événements s’ils n’étaient de nature à éclairer le contexte actuel. Aucun des protagonistes de ces combats n’a cru ni dit que le problème était prioritairement et, moins encore, exclusivement liturgique. Il était et il demeure un problème ecclésiologique. Il pose clairement la question du sens de l’unité ecclésiale dans la communion avec le siège de Pierre. Il pose clairement la question de l’autorité d’un concile œcuménique et de ses déclarations votées par l’ensemble du collège épiscopal et promulguées par le premier des évêques, tête du collège.

 

Si je me permets d’évoquer ces soubassements du débat liturgique, c’est parce qu’ils me semblent constituer un lieu théologique et spirituel de notre expérience d’Église. Si la controverse liturgique a joué aussi fortement ce rôle de paravent pour un autre débat, c’est bien parce que la liturgie est aussi un révélateur de l’expérience de la communion ecclésiale. Elle n’est pas un spectacle dont on pourrait critiquer à loisir le programme et la distribution et corriger les partitions. Elle est l’expression de la foi et de la communion de l’Église. Elle est, en régime chrétien, l’action constitutive de l’Église : « Toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence, dont nulle autre action de l’Église n’égale l’efficacité au même titre et au même degré »

(SC 7).

 

3. L’avenir.

 

Je me suis un peu étendu sur les convulsions de ces quarante dernières années, d’abord pour saluer la fidélité de l’Institut Supérieur de Liturgie aux orientations doctrinales et pastorales du Magistère. Cette fidélité, -faut-il le rappeler ici ?-, ne saurait jamais en appeler d’un concile à un autre, d’un Pape à un autre ou d’un évêque à un autre.

 

Permettez-moi donc d’abord, en mon nom propre, -et je crois pouvoir dire au nom des évêques de France-, d’exprimer ma reconnaissance à tous les collaborateurs de l’Institut Supérieur de Liturgie passés et présents pour les services éminents qu’ils ont rendus à l’Église. Par leurs travaux, la culture liturgique s’est développée, non seulement parmi les spécialistes et les clercs, mais encore, et grâce à eux, dans l’ensemble du peuple chrétien et la qualité liturgique des célébrations a progressé. Permettez-moi aussi de formuler un vœu pour l’avenir : que cet institut poursuive et développe ses travaux.

 

En conclusion, je voudrais vous partager une espérance : que les efforts permanents de notre Église pour réunir ses enfants en un seul peuple et une seule louange soient couronnés de succès. Depuis la triste année 1988, les Papes successifs n’ont pas cessé de tendre la main à ceux de leurs enfants qui voulaient se faire leurs juges. Sans doute aujourd’hui le fossé s’est-il élargi et les passerelles sont-elles plus difficiles à mettre en place. C’est une raison supplémentaire pour ne pas tarder à le faire de tout notre cœur. Vos évêques continueront à travailler paisiblement et sereinement à la réconciliation nécessaire dans la fidélité au Pape et dans la communion avec lui.

 

Pour ma part, j’ai hérité du Cardinal Lustiger une pratique généreuse et ecclésiale du Motu Proprio Ecclesia Dei Adflicta. Je suis heureux que cette pratique ait permis à des chrétiens sincères de rester dans la communion ecclésiale et d’y avoir leur place comme ils sont à leur place dans la pastorale du diocèse. Je pense que la communion progressera plus largement

encore si l’on veut bien renoncer aux anathèmes et aux surenchères. Un signe de ce progrès serait sans doute que tous puissent célébrer l’Eucharistie en suivant le même calendrier liturgique et le même lectionnaire. Comme l’unité progresserait si nous entendions tous chaque dimanche la même Parole de Dieu, si nous célébrions ensemble les mêmes fêtes du Seigneur et si nous fêtions ensemble les mêmes saints !

 

+André Vingt-Trois

Archevêque de Paris