La chasuble

La chasuble était primitivement une sorte de manteau, la poenula, porté indifféremment par les laïcs et les clercs : elle était complètement ronde, avec une ouverture au centre, par où celui qui la revêtait passait la tête : on la relevait en plis sur les bras. Enveloppant ainsi l'homme tout entier, elle était comparée à une petite maison, casa, casula, casabula, d'où lui vient son nom de " chasuble ". Chez les Grecs, on l'appelait planeta, " planète ", par allusion à son peu de fixité sur les épaules où elle pouvait tourner.

Du Ier au Me siècle, elle se substitue à la toge. Dans sa seconde lettre à son disciple Timothée, saint Paul écrit " Hâte-toi de venir me rejoindre au plus tôt... En venant, apporte-moi la pénule que j'ai laissée à Troas chez Carpus... " (2 Tm 4, 13).

Au IVe siècle, elle devient l'uniforme sénatorial.

Aux VIe-VIIIe siècles, elle est définitivement passée de l'usage profane au culte liturgique : Amalaire précise qu'elle est portée par tous les clercs. Suivant le degré dans la hiérarchie et la fonction à accomplir, la chasuble était portée de différentes manières : les clercs inférieurs l'enlevaient pour monter à l'ambon ; les sous-diacres la portaient relevée sur l'épaule, retombant en pointe sur la poitrine, et l'enlevaient pour chanter l'épître ; les diacres parfois la roulaient en bandoulière.

Vestige de cet antique usage de revêtir de la chasuble les ministres de l'autel, restait, il y a encore quelques décennies, le fait qu'aux jours de pénitence, lorsque le diacre et le sous-diacre ne pouvaient porter la dalmatique et la tunique qui sont des vêtements de joie, ils revêtaient alors une chasuble pliée. Le diacre encore, le jour de son ordination sacerdotale, se présente au pontife avec la chasuble pliée devant et derrière.

Vers le IXe siècle, pour la même cérémonie, le diacre dépose la chasuble et conserve la dalmatique qu'il portait déjà en-dessous. Les sous-diacres adoptent la tunique.

Aux VIIIe et IXe siècles, elle n'est plus en laine mais en soie.

Jusqu'au XIIIe siècle, elle conserve la forme de la paenula antique. Ensuite, elle va subir de nombreuses transformations.

Aux XIVe-XVe siècles, de celle d'une cloche complète, la forme devient elliptique, c'est-à-dire largement échancrée sur les côtés pour faciliter les mouvements du prêtre. Ensuite elle prendra la forme d'un scapulaire, avec un pan sur le devant et un pan dans le dos.

Depuis le XVIe siècle, l'échancrure est allée en s'accentuant afin de laisser toujours plus de liberté aux bras du célébrant, mais les Romains eux-mêmes avaient écourté sur les bras l'étoffe de la paenula afin d'être moins entravés. L'action de lever le bas de la chasuble par le diacre ou les acolytes, lors de l'élévation, n'est plus qu'un faible souvenir de sa forme ancienne, qui pouvait gêner la génuflexion du prêtre.

La chasuble en forme de scapulaire est dite " romaine ", et celle en forme de cloche est appelée " gothique ".

Généralement la chasuble porte une croix : sur le devant, pour les chasubles italiennes, le dos étant orné d'une large colonne, l'inverse pour les chasubles françaises, et avec une croix devant et derrière pour les chasubles allemandes (Imitation, livre IV, chapitre 5).

L'usage de la chasuble est obligatoire pour célébrer la messe. Vêtement sacerdotal, elle est réservée aux prêtres qui célèbrent. Il y avait cependant, jusqu'à une date récente, trois occasions où la chasuble pouvait être portée par des prêtres qui ne célébraient pas ; c'était le cas

a) des douze prêtres qui assistaient l'évêque le Jeudi saint pour la bénédiction des saintes huiles, qui la portaient avec l'étole et le manipule, parce qu'autrefois ils concélébraient avec le pontife ;

b) à la procession de la Fête-Dieu, mais sans étole ni manipule;

c) des prêtres qui portaient les reliques à la cérémonie de la consécration d'une église, sans étole et sans manipule.

La chasuble symbolise, dans la pensée de l'Église, trois réalités importantes : la charité, la pureté et le joug du Seigneur.

Le prêtre doit être charitable envers Dieu et tous ceux qu'il appelle à sa gloire. Ainsi, lors de l'imposition de la chasuble à l'ordination du prêtre, la formule du pontifical dit-elle

" Recevez l'habit sacerdotal, symbole de la charité ; car Dieu est puissant pour augmenter en vous la charité et son œuvre parfaite. "

En prononçant ces paroles, le prélat revêt le prêtre de la chasuble, qui doit être pliée en deux par derrière et pendre devant dans toute sa longueur.

Yves de Chartres fait remarquer que la chasuble est un vêtement qui se met par-dessus tous les autres, parce que la charité est la reine de toutes les vertus.

Sans la charité, le prêtre est un " airain sonnant ", quels que soient ses talents. Sans elle, " il n'est rien " et sans elle, toutes ses œuvres sont néant : " elles ne lui servent de rien " (1 Co 13, 1-3).

La chasuble est à deux pans, un devant et un derrière, parce que la charité, qui est une, a deux objets : Dieu et le prochain, comme il y a deux tables de la Loi, une qui concerne Dieu et une autre qui concerne l'homme ; comme il y a deux parties au Notre Père, une qui concerne Dieu et une autre qui concerne l'homme ; tout comme Dieu, qui est charité, s'est manifesté aux hommes dans son Fils, vrai Dieu mais aussi vrai homme.

Le pontife, après la communion du nouveau prêtre, lui donne le pouvoir d'absoudre, à la suite de quoi, il déploie la chasuble, encore pliée, en disant à l'ordonné

" Que le Seigneur vous revête de la robe d'innocence. "

Ce déploiement de la chasuble semble être du XIIe siècle.

Le missel nous livre encore une autre formule relative à la chasuble, c'est celle que le prêtre doit réciter en la revêtant

" Seigneur, vous qui avez dit: Mon joug est suave et mon fardeau léger : faites que je puisse le porter de manière à obtenir votre grâce."

Cette prière du missel est du IXe siècle et fait allusion à la parole suivante de Notre-Seigneur : " Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger " (Mt 11, 28-30).

La chasuble est aussi le mémorial du manteau de pourpre dont le Christ fut revêtu devant Pilate. Elle est enfin le manteau sans couture du Sauveur tiré au sort par les soldats au pied de la croix.

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