Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Semaine du 25 avril au 1° mai 2004

Dimanche du Bon Pasteur

 

Sommaire

 

 


« Misericordia Domini plena est terra »


Voilà les premiers mots de l’In troït qui servent d’introduction solennelle à cette messe dite, hier« du Bon Pasteur », aujourd’hui, depuis la canonisation de Sainte Faustine, la Sainte du Pape Jean-Paul II, de la « miséricorde » des premiers mots de l’Introït. « Misericordia Domini plena est terra ». Quel que soit le nom donné à cette messe, du « Bon Pasteur » ou de la « Miséricorde », il faut comprendre cette figure du Bon Pasteur - et donc aussi du sacerdoce catholique - dans cette perspective de la miséricorde de Dieu qui est la qualité propre de Dieu. Le Bon Pasteur est le symbole, la figure de la miséricorde de Dieu. Il manifeste cette miséricorde divine. Il nous porte cette miséricorde, sa clémence, sa bénignité, sa bonté. Il l’accomplit.

Développons ces quelques idées.

Le Bon Pasteur manifeste cette miséricorde divine.
Là, il faut, pour illustrer cette vérité, se rappeler les nombreuses et belles paraboles de notre Saint Evangile.

Et tout d’abord la parabole du Bon Samaritain

Il est le « Bon Samaritain » qui, touché de compassion, s’arrête pour soigner, panser la victime abandonnée, demi-morte, sur le bord du chemin. - Oui ! Comme il faut aimer lire, relire notre Evangile – La conduite du Samaritain révèle une charité parfaite. C’est celle même de Dieu. C’est celle même du Bon Pasteur. Elle se caractérise pas sa spontanéité et sa promptitude. Le scribe qui passe aussi, connaissant le précepte, s’enquiert, lui, d’abord de son extension. Il n’aimera que s’il est obligé et dans la mesure même où il est obligé. Le samaritain, lui, aime, non seulement sans se référer à un article de code, mais même s’en s’informer de l’objet de son dévouement. Sa bonté jaillit d’elle-même, comme celle de Dieu qui chérit ses créatures indépendamment de leur amabilité propre. Dans le Sermon sur la Montagne, le Seigneur demandait de ne pas seulement aimer en retour de l’affection qu’on reçoit. Là, le Samaritain, non seulement est le premier à aimer, mais sa charité, désintéressée, est un pur don. Il ne s’agit pas de discerner au sein de l’humanité quels êtres on peut aimer, mais bien d’aimer soi-même, purement et simplement, sans faire de discrimination entre les objets aimables ou non. La charité du Samaritain, en contraste notamment avec l’absentéisme du Lévite et du prêtre, apparaît singulièrement personnelle, active, effective. Il interrompt son voyage, il panse les plaies, il couvre tous les frais. Il intervient lui-même. Si grand que soit sa générosité pécuniaire, elle n’atteint pas le prix de son engagement personnel. Son amour lui fait prendre un intérêt profond à la misère du blessé avec qui il entre en contact direct.
A voir la Samaritain, on comprend que la charité du « Bon Pasteur » comporte de la compassion et de la miséricorde. Le Samaritain devait se douter qu’un blessé sur la route de Jérusalem à Jéricho avait toutes chances d’être un juif, un ennemi abhorré. Mais voici que non seulement il le secourt, mais il est tout ému en le voyant si maltraité ! C’est le trait que Notre Seigneur accuse davantage : Aussitôt que le Samaritain aperçoit le blessé, il ressent une vive compassion : il est ému. La compassion est un sentiment propre au Sauveur ; c’est une émotion physique devant la douleur, la peine ou la misère des hommes et à laquelle Jésus, le Bon Pasteur, ne résiste jamais ; c’est elle qui explique ses interventions miraculeuses. Au spectacle d’un grand chagrin, le Maître est envahit de pitié. Lorsqu’il se rendait à Naïm et qu’aux approches de la ville il rencontre le convoi « d’un mort, un fils unique, dont la mère était veuve », le Seigneur « l’ayant vue, fut plein de compassion pour elle, et lui dit : « Ne pleure plus » (Lc 7 13) Le Seigneur prête au Samaritain la même pitié pour le blessé ; c’est par compassion que le Samaritain s’approche sans hésiter ni délibérer, qu’il est plein de sollicitude, qu’il soigne ce malheureux. C’est ce sentiment si pur si vrai que n’ont pu ressentir le prêtre et le lévite qui explique toute sa conduite. La compassion fait partie intégrante de la charité. Il y a donc dans la charité, caractéristique de Samaritain comme du « Bon Pasteur », dans la charité du Nouveau Testament, une note de tendresse. Cela ressort bien dans l’attitude du Bon Pasteur, du Bon Samaritain.

Il est aussi le Bon Pasteur qui va chercher la « brebis perdue »
Souvenez-vous de ce très beau récit : « Qui d’entrevous, ayant cent brebis, s’il en perd une, ne laisse les quatre-vingt dix neuf autres dans le désert, pour aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? - admirez cette ténacité dans le propos du Bon Pasteur. : « jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée » -. Et quand il l’a retrouvée, il la met avec joie sur ses épaules ; et de retour à la maison, il assemble ses amis et ses voisins et leur dit : « Réjouissez-vous, parce que j’ai trouvé ma brebis qui était perdue ». Admirez, vous dis-je, cette ténacité dans sa recherche. Mais aussi sa tendresse, sa miséricorde une fois la brebis retrouvée ainsi que sa joie exprimée, manifestation de la pureté, de la sincérité de ses sentiments et du prix que cette « brebis perdue » représentait pour lui. Elle était chère à son cœur. (Luc 15 4-8)

Il est aussi cette femme qui recherche la drachme perdue et là aussi avec quelle application, quelle constance, quelle ténacité : elle lui était chère cette drachme ! C’était son bien. Et quelle joie lorsqu’elle la retrouve. C’était son bien propre, pas un bien quelconque qu’elle cherche d’une manière distraite et même indifférence. Non. Rien de cela :« Quelle est la femme qui, ayant dix drachmes, si elle en perd une, n’allume une lampe, ne balaye sa maison et ne cherche avec soin jusqu’à ce qu’elle l’ait retrouvée ? Et quand elle l’a retrouvée, elle assemble ses amis et ses voisins et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai retrouvé la drachme que j’avais perdue ». (Lc 15 8-10)

Il est également le père de l’enfant prodigue qui se réjouit du retour de cet enfant. Il l’accueille. Et avec quelle émotion !Avec quelle joie : « Et le père dit à ses serviteurs : « apportez la plus belle robe et l’en revêtez ; mettez-lui un anneau au doigt et une chaussure aux pieds. Amenez le veau gras et tuez-le ; faisons un festin de réjouissance : car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé. Et ils se mirent à se réjouir ». (Lc 15 21-24)

Il est celui qui pardonne par pure miséricorde. Là, les exemples abondent, surabondent dans l’Evangile.

Voyez le dans le récit avec la femme adultère
Voyez le avec Marie Madeleine à la table de Simon. Là, il s’agit de la miséricorde du Maître à l’égard d’une grande pécheresse. Le Maître était réputé pour sa bonté envers les publicains et les hommes perdus de réputation. Là c’est avec une femme de rue.
Jésus est reçu chez le Pharisien Simon, il prend place à table, c’est-à-dire qu’il s’étend sur le lit, peu élevé, couvert de tapis et de cousins ; appuyé sur le coude gauche, ayant enlevé ses sandales, il a les pieds nus du coté de l’espace libre où circulent les serviteurs. Une femme se présente et quelle femme ! Une pécheresse notoire. Toute la ville connaissait ses désordres. Ce n’est pas à dire cependant que ce fut une prostituée ; elle n’aurait été admise par la domesticité et il y a dans l’attitude de la pécheresse une distinction que ne sauraient avoir ces femmes, même repentantes. C’est une femme de la société, de mœurs légères, « déréglée », aux multiples aventures, dont la réputation n’a plus rien à perdre. Seul son rang social lui garde un certain respect de la part des concitoyens, et on n’ose lui interdire l’accès de la salle.

Cette femme, qui a perdu tout honneur veut rendre à Jésus un hommage courant en Orient pour un personnage de marque. Elle apporte un flacon d’huile parfumée. Normalement, elle aurait dû oindre la tête du Seigneur ; si elle veut verser son parfum sur ces pieds, ce ne peut être que dans la conscience de son indignité. Cette intention, jointe à celle d’honorer le Maître, révèle d’emblée la qualité de cette âme, alliant la discrétion à la ferveur : elle traduit la profondeur de son respect par son propre abaissement et, par suite, l’aveu de sa misère. La pécheresse se place donc en arrière de la table, à la hauteur de Jésus et se met à genoux. Alors se produit ce qu’elle n’avait pas prévu. Elle a une explosion de larmes et elle s’abandonne à ses pleurs assez longtemps pour que les pieds du Maître en soient tout mouillés.
Cette inondation était une incorrection. De surcroît cette femme n’a pas pu ne pas remarquer un détail : les pieds de Jésus n’ont pas été lavé avant le repas encore recouverts de la poussière de la route. C’était là un manque d’égard évident. Alors la pécheresse improvise un beau geste : au lieu de prendre un linge, elle dénoue ses longs cheveux - acte singulièrement humiliant en public – et s’en sert comme d’un linge pour essuyer les pieds du Maître. C’est une admirable trouvaille dont seul un cœur de femme a le secret. Et elle se met à baiser encore et encore les pieds de son Seigneur. Ce qui révèle de la foi, une profonde révérence, de l’humilité, de l’attachement et de l’amour. C’est alors que la pécheresse revient à son premier projet : elle oint les pieds de Jésus.
Simon reste dans le silence. Mais reste choqué. Il pense : Jésus n’est pas un prophète comme beaucoup le pensent : Pour se laisser ainsi faire de la sorte, c’est qu’il ignore l’identité de cette femme. La connaissant, il n’aurait pas supporté qu’elle le touche. Simon, correct, ne bronche pas. Il laisse faire.

Mais Jésus, de fait, sonde les pensées de son cœur. Il lui demande poliment de prendre la parole. Simon le lui accorde froidement et le Maître de lui soumettre un cas : celui de deux débiteurs engagés vis-à-vis du même préteur. La différence des dettes est assez considérable, mais la situation des deux hommes est identique : ni l’un ni l’autre ne peuvent rembourser. Le créancier, fort détaché de l’argent, ayant peu de goût des procédures, renonce à sa créance. Plus exactement, il fait grâce de tout à ses deux obligés. La gratuité de cette remise est nettement soulignée : c’est un acte de bienveillance et de générosité. Il s’agit d’une magnifique libéralité du créancier.
D’où la pointe de la parabole : « lequel d’entre eux devra l’aimer davantage » ?
« L’aimer davantage » au sens de « aimer en retour », au titre de la simple reconnaissance, au titre de la « redamatio » c’est-à-dire de la gratitude : « Quel est celui qui en aura davantage gré » ? et qui le manifestera le plus ?
Simon de répondre tout naturellement : « Je suppose que c’est celui auquel il a remis davantage ».

C’est alors que Jésus se tourne vers la pécheresse à la quelle il ne semble avoir accordé jusqu’ici aucune attention. Il expose en détail les hommages qu’il en a reçu, les opposant au manque d’égards de Simon . Ce n’est pas le juste pharisien qui l’a honoré, c’est cette femme coupable et méprisée. Jésus, c’est manifeste, identifie réciproquement les deux débiteurs à la pécheresse et au Pharisien, Lui-même représente le créancier libéral. Jésus souligne la différence d’attitudes des deux débiteurs, - l’un fervent, l’autre beaucoup moins - , celle de l’indifférence, de la froideur d’une part, - Simon -, celle de manifestations de respect, d’honneur, de vénération d’autre part - la pécheresses – . Les gestes de la femme sont l’expression d’un amour prompte, d’un amour de gratitude. Celui auquel on pardonne peu, par ce qu’il a guère de manquements à se faire pardonner, aimera peu.
Par contre cette pécheresse manifestera une immense reconnaissance parce que le Seigneur va la tenir quitte de ses nombreux péchés. Elle aura une âme aimante et quasi religieuse. Sans avoir prononcé une parole, cette femme a su « crier » son adoration, son attachement son désir de purification et sa volonté de fidélité : son amour de charité. Le Maître ne peut pas ne pas en être ému. Il voit la vénération que cette femme veut exprimer. Certes, c’est une pécheresse. Mais c’est aussi une pénitente. Et quelle ferveur ! Quelle vénération ! Jésus qui est l’objet de cette foi et de cette adoration, répond en accordant le pardon. Il est le Bon Pasteur. Il donne le pardon. Comme un bon créancier, il accorde gracieusement son pardon. Et ce pardon accordé accroît, dans l’âme pénitente, une fois l’âme purifiée, une ardente gratitude. Vous remarquerez que ni la pécheresse ni le Seigneur ne se sont adressés la parole. Mais le son de la voix du Maître, il est le Bon Pasteur, dut avoir une singulière tendresse et son regard bien expressif lorsqu’il prononça l’absolution : « Tes péchés te sont remis. Ta foi t’a sauvée. Pars en paix ». La pécheresse a cru en la messianité du Seigneur, en sa divinité. Elle avait la certitude qu’il aimait les pécheurs, qu’il était un créancier accessible, généreux et qu’il pouvait remettre les fautes. Ce qui sauve cette femme, c’est très exactement l’obsequium fidei, une soumission religieuse et adorante de son cœur. La pécheresse a adoré son Seigneur lui faisant l’offrande de sa vie entière.
Son émotion devait être à son comble. Jésus lui suggère de se retire : « Pars en paix », dans la paix du cœur et pour en goûter la douceur. Seul le Bon Pasteur peut susciter et engendrer de « tels sentiments ». Elle emporte avec elle son trésor : la pensée du Bon Pasteur et disparaît.

Notre Seigneur est celui aussi qui est sensible à la peine du prochain. On l’a vu devant la douleur de la femme à la porte de Naïm, Il est sensible à la douleur des malades, des aveugles, des sourds de muets, des paralytiques
Oui ! Vraiment ! Jésus-Christ, le Bon Pasteur, manifeste la miséricorde de Dieu.

Mais il est aussi celui qui accomplit la miséricorde de Dieu qui veut le salut du genre humain. Il accomplit le « vouloir divin », le « propos salvifique de Dieu par l’acceptation du sacrifice de la Croix.
Il apporte le salut. Il est le salut. Il apporte le salut parce qu’il est le Sauveur.
Souvenez-vous du très beau récit de l’Evangile de Zachée

« Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la ville. Et voilà qu’un homme nommé Zachée, chef des publicains et fort riche, cherchait à voir qui était Jésus ; et il ne pouvait y parvenir à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et monta sur un sycomore pour le voir parce qu’il devait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’ayant vu, il lui dit : « Zachée, descends vite, car il faut que je loge aujourd’hui dans ta maison. Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie. Voyant cela, ils murmuraient tous en disant : « Il est allé loger chez un pécheur ». Mais Zachée, se présentant devant le Seigneur, lui dit : « Voici, Seigneur, que je donne aux pauvres la moitié de mes biens et si j’ai fait tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple ». Jésus lui dit : « le Salut est entré aujourd’hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».(Lc 19 7 et ss)

Souvenez-vous de la belle confession de Saint Pierre devant le Sanhédrin. Il vient de guérir le boiteux, mendiant à la porte du Temple appelée « la Belle Porte ». Avec Saint Jean, il enseigne le peuple dans le Temple, survient mécontents « les prêtres et le capitaine des gardes du Temple » (Act 4 1). Tous deux sont emprisonnés le soir. Le lendemain, ils comparaissent devant le Sanhédrin. Ils sont interrogés « Par quelle puissance ou au nom de qui avez-vous fait cela » (Act 4 5) ? Alors Saint Pierre prend la parole et leur dit cette belle confession de foi : « Chefs du peuple et anciens d’Israël, écoutez : « si l’on nous interroge aujourd’hui à l’occasion d’un bienfait accordé à un infirme, et qu’on nous demande par quoi cet homme a été guéri, sachez-le bien, vous tous et que tout le peuple d’Israël le sache aussi : C’est par le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ de Nazareth, que vous vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par lui que cet homme se présente devant vous pleinement guéri. Ce Jésus est la pierre rejetée par vous de l’édifice et qui est devenue la pierre angulaire. Et le salut n’est en aucun autre ; car il n’y a pas sous le ciel un autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Act 4 12)

Mais il faut citer aussi la magnifique et enthousiasmant profession de foi des élus du Ciel dans la vision glorieuse que nous découvre Saint Jean dans son Apocalypse : « Après cela, je vis une foule immense que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches et tenant des palmes à la main. « Ils criaient d’une vois forte, disant : « Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à l’Agneau » (Apoc 7 10)

Il faut citer encore la belle confession de Saint Pierre après l’annonce faite par Notre Rédempteur de la Saint Eucharistie : « Seigneur, a qui irions-nous vous avez les paroles de la vie éternelle ».

Et souvenez-vous aussi de ce combat d’écrit dans l’Apocalypse entre la « femme et le dragon ». C’est le magnifique chapitre 12 de ce livre mystérieux et sublime : « Il y eut alors un combat dans le ciel : Michel et ses anges s’avancèrent pour combattre le dragon ; et le dragon et ses anges combattirent ; mais ils ne purent vaincre, et leur place même ne fut plus trouvée dans le ciel. Il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, celui qui est appelé le diable et Satan, le Séducteur de toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges avec lui. Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ ; car il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu. Eux aussi l’ont vaincu par la vertu du sang de l’Agneau et par la parole de leur témoignage, ayant renoncé à l’amour de la vie, jusqu’à souffrir la mort. C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux ! » (Apoc 12 7-12).

Mais qui d’entre vous ne saurez vibrer à ces paroles toujours de l’Apocalypse en son chapitre 5 nous présentant Notre Seigneur comme l’Agneau immolé accomplissant le salut de tout l’univers :
« Puis je vis dans la main droite de Celui qui était assis sur le trône un livre écrit en dedans et en dehors, scellé de sept sceaux. Et je vis un ange puissant qui criait d’une vois forte : « Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ? Et personne ni dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, ne pouvait ouvrir le livre ni voir ce qu’il contenait. Et moi je pleurai beaucoup de ce qu’il ne se trouvait personne qui fût digne d’ouvrir le livre, ni de voir ce qu’il contenait. Alors un des vieillards me dit : « Ne pleure point ; voici que le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu, de manière à ouvrir le livre et ses sept sceaux. » Et je vis, au milieu du trône et des quatre animaux, et au milieu des vieillards, un Agneau qu’on aurait dit avoir été immolé ; il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés par toute la terre. Il vint et prit le livre de la main droite de Celui qui était assis sur le trône. Quand il eut pris le livre, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints. Et ils chantaient un cantique nouveau disant : « Vous êtes digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux ; car vous avez été immolé, et vous avez racheté pour Dieu par votre sang les hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation ; et vous les avez faits rois et prêtres et ils règnent sur la terre ». (Apoc. 5 1-10)

Ce fut la proclamation de l’ange de la Nativité : aux bergers, l’ange dit : « Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.Voici à quel signe vous le reconnaîtrez…)(Lc 2 10)

C’est également le magnifique chant de Zacharie, le père de Saint Jean-Baptiste : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple. Il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur, selon ce qu’il a dit par la bouche de ses saints prophètes aux siècles passés, - un Sauveur qui nous délivrera de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent. Il a accompli la miséricorde promise à nos pères et s’est souvenu de son alliance sainte selon le serment par lequel il a juré à Abraham notre père de nous faire cette grâce, qu’étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte, dans la sainteté et la justice en sa présence, tous les jours de notre vie. Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut ; car tu marcheras devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut dans le pardon de ses péchés par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, par lesquelles le Soleil levant nous a visités d’en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans le ténèbres et dans l’ombre de la mort, et pour diriger nos pas dans la voie de la paix » (Lc 1 57 80)

Peut-on trouver une acclamation plus belle en l’honneur de Notre Seigneur, définissant le but de la mission du Bon Pasteur qui est une « œuvre de miséricorde » : « Il a accompli la miséricorde promise ».

Et le chant du prophète Siméon : ayant l’Enfant Jésus dans ses mains, il chante dans le temple son cantique de toute beauté : « C’est maintenant, Seigneur, que, selon votre parole, vous laissez votre serviteur s’en aller en paix ; car mes yeux ont vu votre salut, que vous avez préparé devant tous les peuples, pour être la lumière qui éclairera les nations et la gloire de votre peuple d’Israël » (Lc 2 27)

Saint Bernard, maître en spiritualité.



Ce dimanche du « Bon Pasteur » ou de la « Miséricorde » me fit penser et relire un très beau chapitre de saint Bernard dans son commentaire du « Cantique des Cantiques ». Son fameux chapitre XI qu’il intitule « de la Rédemption du genre humain ». J’ai pensé que vous seriez heureux de trouver une si consolante spiritualité. Spiritualité qui trouve son fondement, entre autres, dans la belle figure du « Bon Pasteur », dans la belle pensée de la Miséricorde. Voilà ce beau texte :

« De la Rédemption du genre humain »

« 1- Je l’ai dit à la fin de mon dernier sermon, et je veux le répéter aujourd’hui : je désire vous voir tous participer à cette grâce qui permet à la piété de s’élever à la louange des bienfaits divins et aux joies de la gratitude. C’est d’une part un bon moyen de soulager les peines de la vie présente, qui sont plus tolérables quand nous éprouvons le bonheur de louer Dieu ; et d’autre part rien sur terre ne saurait, mieux que l’allégresse de la louange, nous donner l’image de l’état des habitants du ciel. L’Ecriture dit en effet : « Heureux ceux qui habitent ta demeure Seigneur ; ils te loueront dans les siècles des siècles ». Je pense que le Prophète fait allusion surtout à ce parfum-là, lorsqu’il dit : « Il est bon ; il est doux à des frères d’habiter ensemble ; c’est comme une huile précieuse répandue sur la tête ». Car je ne vois pas que ces paroles puissent s’appliquer au premier parfum ; s’il est bon, il n’est pas doux, puisque le souvenir des fautes commises est amer. Et ceux qui composent cet onguent n’habitent pas ensemble ; chacun d’eux s’afflige seul de ses propres péchés. En revanche, ceux qui s’adonnent à l’action de grâces ne voient que Dieu, ne pensent qu’à lui, et l’on peut vraiment dire d’eux qu’ils habitent ensemble.

2 – C’est pourquoi, mes chers amis, je vous engage à vous détourner parfois du souvenir pénible de vos anciens cheminements, pour suivre l’itinéraire moins ardu où la mémoire apaisé n’évoque plus que les bienfaits divins. Vous qui êtes accablés sous la honte de vous-mêmes, reprenez haleine en ne contemplant plus que Dieu seul. Je voudrais vous voir mettre en pratique le conseil du Prophète : « Mets en Dieu ton plaisir, et il t’accordera ce que demande ton cœur ». Sans doute, il est bon de s’affliger de ses péchés, mais à condition que ce ne soit pas à tous les instants de la vie. Il faut faire alterner avec ce souvenir la mémoire plus heureuse des bontés de Dieu, car la tristesse continuelle endurcit le cœur et risque de le jeter au mortel désespoir. Mêlons le miel à l’absinthe, afin que, tempérée de quelque douceur, la saine amertume entre dans un breuvage qui puisse se boire. D’ailleurs, Dieu lui-même modère l’affliction d’un cœur contrit, retire l’âme abattue de l’abîme du désespoir, console les affligés en leur donnant le miel des ses douces promesses, et rend courage à celui qui perd confiance. Il dit par la voix du Prophète : « Je te mettrai la louange à la bouche, comme un frein qui t’empêchera de courir à ta perte ». Ce qui signifie : Afin que la vue de tes forfaits ne te jette au fond de la tristesse, et de peur que comme un cheval sans mors tu n’ailles te précipiter par désespoir au gouffre où tu périrais, je te mettrai le frein de mon pardon, je te rendrai confiance en te faisant chanter mes louanges ; et tu reprendras vie dans ma grâce, parce que tu auras compris que je suis plus indulgent encore que tu n’es coupable. Si Caïn avait eu ce frein à la bouche, il n’aurait jamais proféré ce cri désespéré : « Ma faute est trop grande pour que je puisse mériter le pardon ». Mais non, mais non ! La compassion divine est plus grande que n’importe quelle faute. Aussi le juste ne s’accuse-t-il pas continuellement, mais seulement au début de son discours : car il a coutume de finir par la louange de Dieu. Voyez d’ailleurs quel ordre il suit : « J’ai examiné mes voies et je m’en suis détourné pour poursuivre mon chemin sous tes commandements ». Après avoir subi dans ses propres voies l’accablement de la contrition, il trouve le bonheur dans les voies de la loi divine. A votre tour, et à l’exemple du juste, ayez de vous-même une conscience humiliée, mais de Dieu une connaissance heureuse. On lit au livre de la Sagesse : « Pensez à Dieu dans sa bonté et cherchez le dans la simplicité de votre cœur ». C’est une chose facile à qui pratique la fréquente et même la continuelle remémoration de la générosité divine. On ne peut suivre le précepte de l’Apôtre : « Rendez grâce en toutes choses », si l’on oublie de quoi on doit rendre grâces. Je ne vous souhaite pas de mériter le reproche que l’Ecriture fait au peuple juif de n’avoir pas gardé mémoire des bienfaits du Seigneur et des merveilles qu’il lui, avait révélées.

3 – Il est vrai qu’aucun homme n’est capable de se rappeler tous les bienfaits que la miséricorde de Dieu ne cesse de dispenser aux mortels. « Qui dira la puissance du Seigneur et fera entendre toute sa gloire » ? Mais que le principal de ces bienfaits, c’est-à-dire l’œuvre de notre rédemption ne quitte jamais la mémoire des hommes rachetés. Dans cette œuvre, il est deux points surtout qui me reviennent à l’esprit et que je proposerai à vos méditations. Je le ferai le plus brièvement possible, me souvenant de ce précepte : « Donne l’occasion au sage et il sera encore plus sage ». Ces deux points sont le mode selon lequel s’accomplit la Rédemption et le fruit qui en résulte. Le mode c’est l’anéantissement de Dieu ; le fruit, c’est notre âme remplie de Dieu. La méditation du second point est le germe da la sainte espérance ; la médiation du premier est le foyer où s’allume l’incendie du plus grand amour. Tous deux sont nécessaires à nos progrès : car si l’amour ne l’accompagne, l’espérance reste mercenaire ; et l’amour est tiède, si l’on en espère aucun fruit.

4 – Or, de notre amour nous attendons ce fruit que nous a promis Celui que nous aimons : « On versera dans votre sein une mesure pleine, pressée, tassée, débordante ». Cette mesure, dit le texte, sera sans mesure. Mais je voudrais savoir quelle est la chose dont nous posséderons une telle mesure, ou plutôt une telle immensité. Aucun œil, Seigneur, sinon le tien, n’a vu ce que tu prépares à ceux qui t’aiment ». Dis-nous donc ce que tu nous prépares. Nous croyons, nous avons confiance en tes promesses : « Nous serons rassasiés des biens de ta maison », mais quels sont ces biens ? Serait-ce le blé, le vin l’huile, l’or, l’argent, les pierres précieuses ? Non, puisque ces choses-là, nous les voyons. Nous les voyons et nous en sommes las. Nous cherchons ce que l’œil ne voit pas, ce que l’oreille n’entend pas, ce qui n’est pas monté jusqu’au cœur de l’homme. C’est cette choses-là, quelle qu’elle soit, qui nous plaît, nous attire, que nous désirons atteindre. « Ils seront tous enseignés de Dieu », dit l’Evangile, et « lui-même sera tout en tous ». Si je comprends bien, cette plénitude que nous attendons de Dieu ne sera autre chose que la plénitude de Dieu lui-même.

5 – Mais qui pourrait comprendre l’infinie douceur que renferment ces quelques mots : « Dieu sera tout en tous » ? Sans parler du corps, je distingue trois facultés qui sont à elles trois l’âme elle-même : la raison, la volonté, la mémoire quiconque progresse sur la voie de l’esprit sait bien tout ce qui manque ici-bas à chacune de ces facultés pour être entière et parfaite. Pourquoi cette imperfection, sinon parce que Dieu n’est pas encore tout en tous ? C’est pour cela que si souvent la raison est fautive en ses jugements, la volonté est sans cesse troublée, et la mémoire obscurcie par de constants oublis. Malgré elle, la noble créature humaine est soumise à cette triple débilité, mais elle l’est dans l’espérance. Car un jour celui qui comble l’âme des biens qu’elle désire sera pour notre raison la plénitude de la lumière, pour notre volonté l’abondance de la paix, et pour notre mémoire la parfaite continuité de la vie éternelle. O vérité, charité, éternité ! Heureuse, bienheureuse Trinité ! C’est à toi qu’aspire misérablement ma trinité de misère, dans le malheureux exil où elle se traîne. Eloignée de toi, elle s’est empêtrée dans les erreurs, les souffrances, les craintes. Hélas, nous t’avons échangée contre une trinité inférieure. « Mon cœur est troublé » et de là la douleur ; « ma force m’a abandonné », de là l’épouvante ; « et la lumière de mes yeux n’est plus avec moi », de là l’erreur. En s’exilant, la trinité de mon âme est devenue une toute autre trinité.

6 – « Mais pourquoi es-tu triste, ô mon, âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je me fierai encore à lui ». Quand l’erreur aura quitté ma raison, quand ma volonté se sera libérée de la souffrance, et ma mémoire de la crainte, ces imperfections seront remplacées par l’admirable sérénité, la plaine douceur, l’éternelle sécurité que nous espérons. Ce sera l’œuvre de Dieu vérité, de Dieu charité, et de Dieu toute-puissance. Dieu sera tout en tous : la raison sera éclairée par la lumière qui ne s’éteint jamais ; la volonté s’établira dans la paix immuable ; la mémoire s’alimentera à la source éternellement intarissable. Vous jugerez vous-mêmes s’il ne convient pas d’attribuer le premier de ces biens, le second au Saint-Esprit le dernier au Père, mais sans pourtant retirer la moindre part de tout cela au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Gardez-vous bien d’atténuer la plénitude des trois personnes en les distinguant entre elles, et d’effacer leur différence en insistant sur leur parfaite unité. Observez d’ailleurs que les enfants du siècle font une expérience analogue au sujet des séductions de la chair, des spectacles du monde et des pompes de Satan : c’est par le total de ces illusions que la vie présente dupe les malheureux qui s’y attachent, selon ce que dit Saint Jean : « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair et concupiscence des yeux et orgueil de la créature ».

7 – Voilà pour les fruits de la Rédemption. Quant au mode selon lequel elle s’opère et que j’ai défini, vous vous en souvenez, comme un anéantissement de Dieu, je vous invite également à porter votre attention sur trois points principaux. Cet anéantissement ne fut ni simple ni médiocre : Dieu s’est anéanti lui-même jusqu’à la chair, à la mort et à la croix. On ne peut mesurer à sa valeur l’humilité, la bonté et la condescendance du Dieu de majesté qui accepta de revêtir notre chair, d’être mis à mort, et de subir l’infamie de la croix. Mais quelqu’un pourrait ici m’interrompre pour dire : le Dieu créateur ne pouvait-il donc réparer son œuvre sans subir cet abaissement ? Certes il le pouvait, mais il préféra s’offrir à l’ignominie, afin d’ôter à l’homme l’occasion de commettre outre les autres péchés, le pire, le plus odieux de tous, c’est-à-dire l’ingratitude. Il a pris sur lui la plus lourde peine, afin que l’homme lui fût redevable du plus grand amour. La difficulté de la Rédemption devait être un avertissement pour la créature que la facilité de sa condition première n’avait pas rendue assez reconnaissante. Que disait, en effet l’homme ingrat ? Il disait : « J’ai été créé gratuitement mais je n’ai coûté aucune peine à mon créateur. Il a prononcé une simple parole, et j’ai été créé, avec tous les êtres ensemble. Il n’y a rien de bien extraordinaire dans un don qui n’a coûté qu’un mot ». Ainsi donc, rabaissant le bienfait de la création, l’impiété humaine trouvait un motif d’ingratitude là où il fallait reconnaître un motif d’amour ; et l’homme agissait ainsi pour excuser ses fautes. Mais la bouche qui proférait l’injustice a été fermée. Il est manifeste que Dieu a payé pour l’homme un prix énorme : maître, il s’est fait esclave ; riche, il est devenu pauvre ; Verbe, il s’est fait chair ; et Fils de Dieu, il n’a pas dédaigné d’être le fils de l’homme. Souvenez-vous que, si avez été fait de rien, vous n’avez pas été rachetés de rien. En six jours, Dieu a créé toutes choses, et l’homme parmi elles. Mais l’œuvre du salut a demandé trente années entières de terrestre labeur, enduré avec quelle patience ! L’ignominie de la croix, l’horreur de la mort sont venues s’ajouter aux servitudes de la chair et aux tentations de l’Ennemi ! Il le fallait. C’est ainsi Seigneur, que tu as sauvé les hommes en multipliant ta propre miséricorde.

8 – Méditez bien cela, approfondissez ces pensées. Ranimez de ces parfums vos cœurs longtemps torturés par l’odeur importune de vos péchés… »