Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Semaine du 25 décembre 2004

La Nativité

 

 

I – Les textes de la messe de Minuit

 

Introït (Ps 2 7)

Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon Fils, c’est moi qui t’engendre aujourd’hui ». V/ pourquoi les nations frémissent-elles ? Pourquoi les peuples méditent-ils de vains complots. V/ Gloire au Père.

Collecte

« Dieu qui avez embrasé cette nuit très sainte des splendeurs de celui qui est vraie lumière, faites qu’après en avoir connu ici-bas les mystères, nous en savourions aussi les joies dans le Ciel. Lui qui étant Dieu vit et règne ».

Epître de Saint Paul à Tite 2 11-15

« Fils bien aimé, voici manifestée à tous les hommes la grâce de Dieu, notre Sauveur. Elle nous enseigne à rejeter l’impiété et les convoitises du monde, pour vivre avec mesure, justice et piété, dans le siècle d’ici-bas, attendant l’espérance bienheureuse et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ ; lui qui s’est donné pour nous, afin de nous racheter de tout péché et de purifier un peuple qui soit à lui, un peuple ardent à faire le bien. C’est ainsi que tu dois prêcher et exhorter, dans le Christ Jésus, notre Seigneur ».

Graduel (Ps 109)

« Au jour de ta puissance, à toi la primauté ; dans les splendeurs du ciel, dès avant l’aurore je t’ai engendré de mon sein. V/ Oracle du Seigneur à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis un escabeau pour tes pieds ».

Alleluia (Ps 2 7)

Alleluia, alleluia. V/Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon Fils, c’est moi qui t’engendre aujourd’hui. Alleluia.

Evangile selon Saint Luc 2 1-14

« En ce temps-là, parut un édit de César Auguste, ordonnant de recenser toute la terre. Ce premier recensement eut lieu sous Quirinius, gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi, venant de Galilée, de la villes de Nazareth, monta en Judée, à la ville de David appelée Bethléem – car il était de la maison et de la descendance de David – pour se faire recenser avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Or il advint, pendant qu’ils étaient là, que s’accomplit le temps où elle devait enfanter. Et elle enfanta son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une crèche, car il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtellerie. Il y avait dans ces parages des bergers qui campaient et veillaient la nuit pour garder leurs troupeaux. Et voici que l’Ange du Seigneur se trouva devant eux, et la Gloire du Seigneur resplendit autour d’eux. Et ils furent saisis d’une grande crainte. Mais l’Ange leur dit : « Ne craignez pas : car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera pour tout le peuple : il vous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Messie Seigneur, dans la ville de David. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche. Et soudain, il y eut avec l’ange une foule de l’armée des cieux qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

Offertoire Ps 95 11-13

« Que les cieux se réjouissent et que la terre exulte en présence du Seigneur, car il vient »

Secrète

« Daignez, Seigneur, agréer notre offrande en ce grand jour de fête, afin que, sous l’effusion de votre grâce, s’opère l’échange sacré qui nous donne la nature divine de celui en qui vous est unie notre nature humaine. Lui qui, étant Dieu, vit »

Communion (Ps 109 )

« Dans les splendeurs du Ciel, dès avant l’aurore je t’ai engendré de mon sein »

Postcommunion

« Faites, Seigneur, notre Dieu, qu’ayant la joie de célébrer, par ces mystères sacrées, la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ, nous puissions, par la pratique d’une vie sainte, nous rendre dignes de partager sa gloire. Lui qui, étant Dieu, vit et règne ».

 


II- Homélie de la messe de Minuit.

 

« Et gloire à Dieu au plus haut des cieux ».

Accourons, nous aussi, comme les bergers, auprès de la crèche de Bethléem, près de l’enfant Jésus, né de la Vierge Marie, d’une naissan,ce virginale. Et chantons avec les anges, les bergers, Notre Dame , Saint Joseph, avec toute la création, le bœuf et l’âne, le ciel et la terre, la mer et les étoiles, chantons la gloire de Dieu qui a visité son peuple pour son salut, pour sa régénération, pour son retour au Royaume éternel.

Il ne peut y avoir, à cet instant ni tristesse, ni chagrin, ni tremblement ni crainte, mais une joie simple, une joie d’enfant, une allégresse, une acclamation : « Gloria in Excelsis Deo ».

Laissons nous saisir par ce grand mystère de la Nativité.

Un sauveur nous est né, le Dieu très saint, s’est incarné, en cette nuit de Noël. Le Fils de Dieu a pris, dans le sein de la Vierge Marie, notre nature humaine.

Tel est le mystère que nous fêtons.

La majesté s’est revêtue de l’humilité
La force, de faiblesse.
L’éternité de caducité.

Voilà le mystère de cette nuit, le plus beau des mystères, la plus belle des nuits.

« La nature inviolable s’est unie à une nature passible, vrai Dieu et vrai Homme, s’associant dans l’unité d’un seul Seigneur, pour payer la dette due par notre commune condition de pécheur ».(St Léon)

Voilà la finalité du mystère, sa raison d’être.

« Le Verbe de Dieu, Dieu, Fils de Dieu, qui au commencement était avec Dieu, par qui toutes choses ont été faites et sans qui rien n’a été fait, est devenu Homme, afin de délivrer l’homme de la mort éternelle ». (St Léon)

Chantons nous aussi pour tant de bonté miséricordieuse, notre Gloria in Excelsis Deo, en signe de simple reconnaissance.

Qui que nous soyons, grand ou petit, humble ou solennel, enfants, parents, lettrés moins lettrés, savants, moins savants, devant le mystère de Noël, chantons « notre grand Dieu et Sauveur ».

« Aujourd’hui, par amour pour nous, le Roi des cieux a daigné naître d’une Vierge pour rendre à l’Homme, livré à sa perte, sa vocation au royaume céleste » (St Léon)

Aussi ne peut-il y avoir, à cet instant, devant cette crèche, en cette nuit, aucune larme, sinon des larmes de joie, mais bien plutôt un chant d’allegresse, une joie profonde et surnaturelle.

« C’est la joie dans l’armée des Anges parce que le genre humain a vu apparaître le salut éternel ».

« Remercions, exultons d’allégresse et de joie. Dieu le Père, par son Fils dans l’Esprit-Saint, lui qui, à cause de la grande miséricorde dont il nous a aimé, a eu pitié de nous et alors que nous étions morts à cause de nos péchés, nous a fait revivre par le Christ ». (St L »on)

Il ne peut y avoir, à cet instant, devant cet enfant, ni long raisonnement, ni long discours théologique, mais simples acclamations, mais simples affirmations de la bonté de Dieu qui nous confond, qui confond tout cœur bien né.

« Notre Sauveur est né aujourd’hui, mes bien-aimés, dit Saint Léon, réjouissons nous ».

Il ne peut y avoir, en effet, de place pour la tristesse en ce jour où naît la Vie ».

« Voici que se dissipe la crainte qui s’attache à notre nature mortelle et que la joie nous inonde à la promesse de l’éternité » (St Léon).

Et nul d’entre nous n’est exclu de cette commune allégresse puis que tous nous avons mis notre foi et notre espérance en cet enfant et que nous savons que quiconque croit en lui ne peut périr mais a les promesses de la vie éternelle.

En effet, Notre Seigneur voulant détruire le péché et la mort, mais ne trouvant personne indemne de faute, vient lui-même, nous libérer tous » (St Léon)

O bonté ineffable. O délice céleste. O enfant de la crèche, à votre vue, comme les anges, les bergers, la Vierge Saint, Saint Joseph, les « étoiles radieuses », nous tous justes, « nous bondissons de joie ». (St Léon)

« Le triomphe n’est pas loin » tant est proche le triomphateur !

Vous êtes, O enfant de la crèche, le Verbe de Dieu fait chair, le Verbe de Vie qu’avec les apôtres, grâce aux apôtres, nous entendons, nous voyons des yeux de la foi. Nous vous contemplons. Nos mains aussi peuvent vous toucher…

« Car la Vie a été manifestée et nous l’avons vue et nous lui rendons témoignages et nous vous annonçons la Vie éternelle qui était dans le sein du Père et qui nous a été manifesté - ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Et nous écrivons ces choses, et nous vous disons ces choses - et nous vous rappelons ces choses, en cette nuit de Noël - afin que votre joie soit parfaite » (I Jn 1 1-4)

Car il est lui-même venu « comme victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier » (1 Jn 2 1)

La victoire, le triomphe n’est plus loin. Il est, pour nous, parmi nous, en cet enfant de la crèche

Et nous voyons et nous attestons « que le Père a envoyé le Fils comme sauveur du monde » (1 Jn 4 14)

En cette nuit de Noël, nous confessons que « Dieu nous a donné la vie éternelle et que cette vie est dans son Fils (1 Jn 5 12) : « Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu, n’a pas la vie ». (1 Jn 5 12)

Et moi en cette nuit de Noël, en tant « qu’intendant des mystères de Dieu », je vous dis tout cela afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle vous qui croyiez au nom du Fils de Dieu.

« Il est l’Agneau de Dieu qui efface la péché du monde ».
A Lui, tout honneur et toute gloire.
En Lui, grâce à Lui, nous bondissons de joie, comme le dit étonnement Saint Léon, car il « nous offre le pardon et nous appelle à la Vie ».

Car voici que le Fils de Dieu, à la plénitude des temps, à l’heure suprême, inscrite dans le plan ineffable de la sagesse divine, voici que « le Fils de Dieu a pris sur lui tout le poids de la nature humaine pour la réconcilier avec son créateur » (St Léon)

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

Vous qui êtes notre salut, nous vous louons
Vous qui êtes notre vie, nous vous bénissons, nous vous adorons, nous vous glorifions
Vous qui êtes l’Emmanuel », nous vous rendons grâces pour votre immense gloire, pour votre immense amour qui est toute votre gloire.

Aujourd’hui, nous est venu du Ciel la paix authentique.
Aujourd’hui sur le monde entier, coule, a coulé du ciel comme un « rayon de miel ». Vous êtes, O Jésus, ce « rayon de miel ».
Vous êtes, de fait, toute « bénignité », toute « humanité ». Vous êtes cette bonté de Dieu manifesté dans le temps.
« Mais lorsque la bonté de Dieu, Notre Sauveur, et son amour pour les hommes sont apparus, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde par un bain de régénération et de renouvellement opéré par le Saint-Esprit qu’il a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ, notre Seigneur, afin que justifiés par sa grâce, nous devenions en espérance, héritiers de la Vie éternelle » (Tit 3 4)

Et l’ange, alors, peut affirmer, et la milice céleste chanter « et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté »

Consolez-vous !Consolez-vous « ad invicem » par ses paroles car, par cet enfant de la crèche, la faute est expiée, le temps de l’épreuve est fini.

« Le peuple qui marchait, dit Isaïe, le prophète, dans les ténèbres a vu une grande lumière et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi »

« Alors tu as multiplié l’allégresse, tu as fait croître la joie. On est joyeux devant toi de la joie de la moisson, de l’allégresse lors du partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la verge qui frappait son épaule, le bâton de son oppresseur, tu les as brisés, O Enfant de la crèche,, Sandales du guerrier dans la mêlée, manteaux souillés du sang, tout est brûlé, tout est dévoré par le feu », O enfant de la crèche, par le feu de la charité

Oui, comment, en effet, rester sans amour de reconnaissance quand nous savons que Jésus-Christ s’est donné lui-même afin de payer la rançon de toute iniquité et de purifier un peuple qui lui appartienne en propre, zélé pour les bonnes et belles œuvres.

Le Fils unique de Dieu est venu pour nous racheter, nous enseigner la voie de salut et nous rendre la vie de la grâce. Il nous comble ainsi de ses bienfaits. Il nous manifeste aussi l’excès de sa bonté.

« Je suis venu, dit-il, jeter le feu sur la terre ». Et de fait, après l’Incarnation du Verbe de Dieu, quel admirable incendie d’Amour pour Dieu n’a-t-on pas contemplé dans un grand nombre d’âmes généreuses. Combien d’âmes dans les cloîtres, à l’autel, dans les foyers chrétiens ont mené une vie digne du Seigneur, se détachant du monde et de ses convoitises, pour vivre de Jésus-Christ, de son esprit, heureux de rendre amour pour amour.

Ainsi, dit saint Pierre, « vous qui êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, vous qui êtes bâtis sur la pierre inébranlable du Christ, greffés, par votre baptême, sur le Seigneur lui-même, demeurez fermes dans cette foi, dans cette charité.

La vie éternelle est à vous !

 

 

III – En l’Année Eucharistique, une étude de l’Eucharistie en suivant saint Thomas.

 

Après avoir considéré la matière du sacrement de l’Eucharistie en elle-même : le pain et le vin, dans la Question 74, Saint Thomas la considère en sa « consécration ».

Nous savons en effet que ce sacrement, à la différence des autres sacrements, ne consiste pas dans l’usage ou l’application de la matière à un sujet donné, par exemple comme pour le baptême qui est une ablution, mais dans la consécration même de cette matière.

Qu’est-ce à dire ?

Saint Thomas répond d’une manière qui peut vous faire pressentir la profondeur du mystère: il parle de la « conversion » c’est-à-dire il parle du changement du « pain et du vin au corps et au sang du Christ », «de conversione panis et vini in corpus et sanguinemen Christi ».

C’est l’objet de la merveilleuse question 75 et de ses huit articles.

Nous étudierons cette semaine le premier article. Je serais heureux si vous pouviez le méditer ? C’est un très belle article. Les réflexions de Saint Thomas sur l’Eucharistie sont très profondes.

ARTICLE PREMIER : SI, DANS CE SACREMENT EST LE CORPS DU CHRIST OU SEULEMENT SELON LA FIGURE OU COMME DANS UN SIGNE ?

Ici, Saint Thomas parle du changement du pain au corps de Christ.

Est-ce une présence réelle, substantielle ou seulement une présence symbolique, une présence par signe ?

Transportons-nous, par la pensée, auprès d’un autel où se célèbre, dans l’Eglise catholique, le sacrement de l’Eucharistie. Voici le moment de la consécration. Le prêtre est là. Il tient dans ses mains l’hostie, faite de pain de froment azyme ; et, tout près, il a le calice contenant du vin de vigne mêlé d’un peu d’eau. Sur l’hostie, il prononce des paroles que nous étudierons plus loin, qu’on appelle la forme ; il en prononce d’autres sur le calice.

Les paroles qu’il vient de prononcer entraînent tout de suite une question : celle qui nous intéresse en ce moment.

Que s’est-il passé en vertu de ces paroles prononcées par le prêtre ?

Y a-t-il quelque chose de nouveau sur l’autel ?

La foi nous enseigne-t-elle quelque chose de précis à ce sujet ? Que nous dit-elle ?

Il est certainement question du corps et du sang du Christ. Les paroles prononcées par le prêtre en font mention expressément. Mais dans quel sens est-il parlé du corps et du sang du Christ ? S’agit-il du corps et du sang du Christ en eux-mêmes, dans leur réalité, dans leur vérité ? Ou s’agit-il seulement d’un souvenir, d’une figure, d’un signe qui les rappelleraient à notre pensée.

On voit l’importance de cette question.

Car, si le corps et le sang du Christ ne sont là qu’en figure, comme dans un signe qui en évoque seulement le souvenir, nous n’aurons à supposer aucune modification essentielle dans le pain qui était là sur l’autel avant la consécration, ou dans le vin que contenait le calice.

Si au contraire, il faut admettre que depuis le moment où le prêtre a prononcé les paroles de la consécration et en vertu de ces paroles - vi verborum – le corps et le sang du Christ sont là maintenant sur l’autel, alors qu’auparavant il n’y avait que du pain et du vin, les questions vont se poser pressantes, inéluctables. Comment expliquer cette présence nouvelle du corps et du sang du Christ ? Dans quels rapports se trouvera, avec cette présence, le pain ou le vin qui étaient là auparavant ?

On le voit : toute la suite de la question dépend de cet article 1er , de sa réponse.

Donc l’objet de la question ici est de savoir si le corps du Christ est vraiment dans ce sacrement ainsi que le sang. Autrement dit, dans ce pain et dans ce vin, y-a-t-il le corps et le sang du Christ non pas seulement en figure ou signe, mais selon leur vérité, selon l’être qui est le leur ?

Laissons les quatre objections.

Dans le « Sed Contra » Saint Thomas cite un double texte patristique exprimant d’une manière formelle la pensée de l’Eglise.

Saint Hilaire : « Si la vérité de la chair et du sang du Christ, il n’est laissé aucune place pour l’hésitation. Maintenant et par l’affirmation du Seigneur et par notre foi, sa chair est véritablement une nourriture et son sang est véritablement un breuvage ».

Saint Ambroise dit : « De même que le Seigneur Jésus-Christ est le vrai Fils de Dieu, de même c’est sa véritable chair que nous prenons, c’est son vrai sang qui est un breuvage ».

DANS LE CORPS DE L’ARTICLE, Saint Thomas va tout de suite au but.

La présence réelle s’impose eu égard à l’autorité de Dieu se révélant. Autrement dit ce n’est ni les sens ni la raison qui me permet d’affirmer la présence réelle, bien au contraire. C’est uniquement la foi qui pour base essentielle la parole de Dieu et son autorité. Il ne peut ni se tromper ni nous tromper. Or en Saint Luc, il est dit clairement : « Ceci est mon corps livré pour vous » (Lc 22 19) que Saint Cyrille commente : « Ne doute pas que cela soit vrai ; mais plutôt reçois les paroles du Sauveur dans la foi : étant, en effet, la Vérité, Il ne ment pas ».

Donc seule la foi fondée sur l’autorité de Dieu peut affirmer la présence réelle de Notre Seigneur dans l’Eucharistie.

Saint Thomas est clair : « Dicendun quod verum corpus Christi et sanguinem esse in hoc sacramento, non sensu déprehendi potest, sed sola fidé qui auctoritati divinae innititur ».

Pour le catholique vivant de sa foi, rien n’est plus certain que l’existence, dans ce sacrement du pain et du vin eucharistiques, du corps et du sang du Christ, selon la vérité ou la réalité de leur substance, et non pas seulement à titre de chose signifiée, ou représentée ou dont la vertu s’y trouverait participée et agissante.

Cette certitude repose non sur le témoignage des sens ni sur des arguments de la raison mais sur la seule parole de Dieu…Ni les sens, ni la raison ne peuvent rien nous dire à ce sujet. Nous ne savons ce qu’il en est que par la parole ou le témoignage de Dieu qui nous le dit. Mais nous le savons, par cette parole, de la manière la plus certaine.

Ajoutons aussi que le fait de la parole divine et le sens de cette parole est tout ce qu’il y a de plus constant, puisque aussi bien nous avons l’autorité même de l’Eglise, en son magistère le plus formel et le plus authentique qui nous l’assure.

LE CATECHISME DU CONCILE DE TRENTE commente cette phrase citée plus haut de Saint Thomas d’une manière très forte : « L’Apôtre nous enseigne que ceux qui ne « discernent point le Corps de Notre Seigneur, commettent un grand crime. Les Pasteurs devront donc, avant tout, exhorter les chrétiens à faire tous leurs efforts pour élever ici leur esprit et leur raison au-dessus des choses sensibles. S’ils se persuadaient que le sacrement de l’Eucharistie ne contient que ce que les sens y aperçoivent, ils tomberaient fatalement dans cette impiété énorme de croire qu’il ne renferme que du pain et du vin, puisque les yeux, le toucher, l’odorat, le goût ne rapportent que des apparences de pain et de vin. Il faut donc faire en sorte qu’ils renoncent autant que possible, au jugement des sens, pour s’élever uniquement à la contemplation de la Vertu et de la Puissance infinie de Dieu ; car la foi catholique enseigne et croit sans hésitation aucune, que les paroles de la Consécration produisent… le vari corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, celui-là même qui est né de la Vierge Marie, qui est assis à la droite du Père » (p 217-218)

Et de citer pour le prouver les paroles de Notre Seigneur : « Ceci est mon corps, Ceci est mon sang ». (Mt 16 26 Mc 14 22 24 Lc 22 1)

Comme Saint Thomas ne fait pas de théologie « positive », il ne cherche pas dans son article, à multiplier les preuves scripturaires ni à collationner l’enseignement du Magistère.

Donnons seulement ici L’ENSEIGNEMENT DU CONCILE DE TRENTE : « Si quelqu’un nie que dans le sacrement de la très sainte Eucharistie soit contenu véritablement, réellement et substantiellement le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais dit qu’ils n’y sont seulement comme dans un signe, ou une figure, ou en vertu, qu’il soit anathème » (Sess. XIII can I)

Et pour de plus ample développement sur ce sujet de théologie positive , nous renvoyons volontiers au Catéchisme du Concile de Trente aux pages 217-221 ;

DES CONVENANCES DE LA PRESERNCE REELLE

Saint Thomas, par contre, développe les belles convenances de la présence réelle. C’est l’essentiel de l’article I. « Hoc autem conveniens est ». « Et cela convient » dit-il. C’est, là, chose parfaitement harmonieuse, ou encore cela relève de la sagesse, d’une grande sagesse

Il nous donne à méditer trois magnifiques convenances.

PREMIERE CONVENANCE : cette présence réelle du Corps et du Sang du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie convient d’abord à la « perfection de la Nouvelle Loi » : « Hoc autem conveniens est, primo quidem, perfectioni novae legis ».

On pourrait résumer la pensée thomiste de cette manière :

Dans la Nouvelle Loi, tout est amené à sa perfection, au sommet de la perfection. Ainsi du sacrifice. Dans l’Ancienne Loi, il était simplement signe symbole figure de la Passion à venir du Christ. Il annonçait le sacrifice parfait de la Loi Nouvelle. Il fallait donc qu’ici, dans la Nouvelle Loi, le sacrifice soit réel et non plus simplement figuré. D’où la présence réelle de la divine victime de ce sacrifice parfait.

VOICI L’ARGUMENT DE SAINT THOMAS : « Il fallait, assurément, que la loi nouvelle eût dans l’ordre des rites sacramentels, quelque chose de plus que l’ancienne Loi. Or « les sacrifices de l’ancienne loi contenaient » en figure, mais « seulement en figure ce vrai sacrifice de la Passion du Christ » qui devait être le seul vrai sacrifice agréé par Dieu, en raison de lui-même. « Il est dit en effet aux Hébreux : « La loi qui avait l’ombre des biens à venir, non la véritable image ». Dès lors, il fallait que le sacrifice de la nouvelle Loi, institué par le Christ eut quelque chose de plus ; à savoir qu’il contint le Christ lui-même immolé, non pas seulement en représentation ou en figure, mais aussi dans sa réalité, dans sa vérité », dans sa propre substance. « Et de là vient que ce sacrement, qui contient le Christ lui-même réellement comme le dit saint Denys au chapitre III de la Hiérarchie Ecclésiastique, est l’achèvement de tous les autres sacrements, dans lesquels la vertu du Christ est participée ».

Vous retiendrez encore cette expression de Saint Thomas concernant le sacrement de l’Eucharistie qui est aussi « sacrifice » : « Et ideo oportuit ut aliquid plus haberet sacrificium novae legis a Christo institutum : ut scilicet contineret ipsum passum, non solum in significatione vel figura, sed etiam in rei veritate ».

VOIVI LE MAGNIFIQUE COMMENTAIRE DU CATECHISME DU CONCILE DE TRENTE sur cette première raison de saint Thomas :

« Mais ce qui met le comble au bonheur et à l’édification des âmes pieuses, c’est de contempler la sublime dignité de ce sacrement. Par là elles comprennent d’abord toute la perfection de la Loi évangélique, laquelle possède en réalité ce que la Loi de Moïse n’avait qu’en figure et en images. Ce qui a fait dire admirablement à Saint Denys que « Notre Eglise tient le milieu entre la Synagogue et la Jérusalem céleste, et qu’elle participe de l’une et de l’autre ». Les fidèles ne sauraient donc trop admirer la perfection, la gloire, la grandeur de la Sainte Eglise, puisqu’il n’y a, pour ainsi dire, qu’un seul degré qui la sépare de la béatitude céleste. Nous avons cela de commun avec les habitants des cieux, que les uns et les autres nous possédons Jésus-Christ, Dieu et homme, présent au milieu de nous. Le seul degré qui nous sépare d’eux, c’est qu’ils jouissent de la Présence de Jésus-Christ par la vision béatifique, tandis que nous, nous adorons seulement sa Présence, Présence invisible à nos yeux, et cachée sous le voile miraculeux des saints Mystères, mais que cependant nous confessons avec une foi ferme et inébranlable ». (p 221 222).

On voit comment le catéchisme de Trente unit ici, dans ce commentaire merveilleux la première et la troisième convenance de Saint Thomas.

LE PERE PEGUES commente Saint Thomas :

« l’humanité doit à Dieu un sacrifice. L’humanité déchue et pécheresse lui doit un sacrifice expiatoire. Mais quelle expiation pouvait égaler l’offense ? Une seule : celle d’un Dieu fait homme. (On verra cela mieux quand nous étudierons le mystère de la Rédemption). Il fallait donc qu’un Dieu fait homme fut immolé. L’immolation devait se faire sur la croix . Voilà le sacrifice par excellence, le « seul vrai sacrifice, comme nous le dit ici Saint Thomas, « illud verum sacrificium Passionis Christi » qui soit vraiment digne d’être agréé par Dieu. Tous les autres sacrifices empruntent à celui-là leur vertu ; ou plutôt c’est ce sacrifice de la croix qui doit se retrouver en tous. Dans les temps qui ont précédé la Passion, sous la loi écrite, des sacrifices sans nombre et de toute sorte s’efforçaient de traduire à leur manière le futur sacrifice de la Croix ; ils ne contenaient pas la véritable victime immolée ; ils la figuraient seulement. Quelle allait être la condition de l’humanité après la Passion ? Se pouvait-il qu’elle présentât encore en Dieu le sang de vils animaux, alors que Dieu avait désormais odoré la vertu divine du sang de son Fils répandu pour rétablir sa gloire ? Non, évidemment ; et cette Passion une fois accomplie ne pouvait plus permettre que Dieu agrée, dans l’ordre des rites sacramentels, un sacrifice quelconque qui ne serait pas elle. D’autre part, l’humanité toujours déchue, bien que rachetée, ne pouvait se passer, dans l’ordre même des rites sacramentels, de sacrifice, de sacrifice sensible, à sa portée, qu’elle put constamment offrir à Dieu. Il n’y avait qu’une ressource, c’était de perpétuer à travers toutes les générations et en tous lieux, le sacrifice enfin réalisée sur la Croix. Il fallait mettre à la portée de tous la vraie Victime dans son état de victime immolée, afin que tous pussent l’offrir, en cet état, à Dieu le Père et lui payer constamment le tribut du seul sacrifice désormais digne de Lui. C’est ce que nous avons par le mystère de la présence réelle, dans ce sacrement du vrai corps du Christ et du sang : « Continet enim sacrificium novae legis a Christo institutum, ipsum Christum passum, non in significatione, vel in figura, sed etiam in rei veritate. La sagesse de Dieu ne pouvait mieux concilier toutes les exigences. ».


LA DEUXIEME CONVENANCE : « cela – la présence réelle -convient à la charité du Christ qui lui a fait prendre, pour notre salut, le véritable corps de notre nature » « Hoc competit caritati Christi, ex qua pro saluté nostra corpus verum nostrae naturae assumpsit ».

VOICI L’ARGUMENT DE SAINT THOMAS:

« Parce que ce qu’il y a de plus souverainement propre à l’amitié, c’est, pour les amis le vivre ensemble, comme le dit Aristote au livre IX de l’Ethique, le Christ nous promet sa présence corporelle à titre de récompense (au ciel) en Saint Mathieu, ch 24 28 : « Où se trouvera la corps, là se rassemble aussi les aigles. Entre temps, cependant, Il ne nous a point privés même de sa présence corporelle dans ce pèlerinage », de notre vie terrestre, « mais par la vérité de son corps et de son sang, Il s’unit à nous dans ce sacrement. Aussi bien Lui-même dit, en Saint Jean : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » Et de là vient que ce sacrement est le signe de la plus grande charité et l’appui de notre expérience, en raison d’une si familière union du Christ à nous : « Unde hoc sacramentum est maximae caritatis signum et nostrae spei sublevamentum, ex tam familiari coniunctione Christi ad nos ».

CETTE RAISON EST MERVEILLEUSEMENT RESUME DANS LE CATECHISME DU CONCILE DE TRENTE. C’est vraiment un chef d’œuvre :

« Enfin Jésus-Christ nous a laissé dans ce Sacrement, la preuve de l’immense amour qu’Il a pour nous. N’était-ce pas en effet un des plus beaux traits de cet amour, de n’avoir pas emporté loin de nous cette nature qu’Il nous avait empruntée, mais d’avoir voulu, autant que cela était possible, demeurer sans cesse avec nous, afin que sans cesse on pût dire de Lui en toute vérité : « Mes délices sont d’être avec les enfants des hommes » ( Prov 8 31)

LE PERE PEGUES commente : « Oui, vraiment, une raison de ce sacrement et des merveilles que le Christ y a renfermées, c’est bien « la Charité du Christ ». Le Fils de Dieu nous a aimé jusqu’à se faire enfant des hommes comme nous pour nous sauver. Nous avions pu vivre avec Lui comme on vit avec un ami. Mais le propre de l’amitié n’est-il pas d’unir les cœurs et d’attacher tellement à la personne des amis, que, privés de leur présence, la vie n’est plus qu’un lourd fardeau ? « Maxime proprium amicitiae est convivere amicis : le propre par excellence de l’amitié est, pour les amis, le vivre ensemble ». C’est dans le vivre ensemble que consiste pour les amis la joie par excellence et comme le fruit propre de l’amitié. Le Christ, ami parfait des enfants des hommes, le savait bien ; et voilà pourquoi Il nous fait espérer le bonheur de sa présence comme récompense dans le ciel. Mais en attendant les joies du ciel, serions-nous privés totalement durant les longs jours de notre exil, du bonheur de sa présence au milieu de nous ? L’amour de Jésus pour ses fidèles, pour ses amis, ne l’a pas voulu. Et c’est pourquoi Il s’est résolu à créer de Lui à nous, l’union vraie, présentielle, substantielle, qu’Il a réalisée par son Eucharistie ». (T 18, p. 73)


TROISIEME CONVENANCE de la présence réelle : Une troisième raison est que cela convient à la perfection de la foi. « Hoc competit perfectione fidei ».

Comment ?

« La foi, en effet, comme elle porte sur la divinité du Christ, porte aussi sur son humanité selon cette parole : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14 1) Et parce que la foi est des choses invisibles, de même que le Christ nous offre sa divinité d’une manière invisible, de même aussi, dans ce sacrement, Il nous offre sa chair d’une manière invisible ».

C’est donc pour la perfection de notre foi que le Christ a voulu nous donner comme objet son humanité cachée sous les espèces eucharistiques. Quand il vivait au milieu de nous, il y avait un grand mérite à percer, des yeux de la foi, le voile de son humanité, pour atteindre sa divinité. Ici, avec le sacrement de l’Eucharistie, nous avons un mérite nouveau dans l’ordre de la foi : celui de percer les voiles eucharistiques où non seulement sa divinité, mais aussi son humanité est cachée à nos sens et à notre raison. Aussi bien, est-ce ici le triomphe de la foi. Voilà pourquoi l’Eglise appelle ce sacrement le « mysterium fidei ».

Saint Thomas termine son article par une réflexion de grande importance : « Certains auteurs, pour n’avoir pas pris garde de ces choses, ont affirmé que le corps et le sang du Christ n’étaient dans ce sacrement que comme en signe « et non point dans la vérité, dans la réalité de leur être ou de leur substance ». Saint Thomas nous dit : « Affirmation qui doit être rejetée comme hérétique, parce que contraire aux paroles du Christ » : « Quod est tanquam haereticum abjiciendum utpote vervis Christi contrarium ».

Saint Thomas admet donc que la doctrine de la présence réelle est de foi divine. Elle résulte des paroles même du Christ ou mieux elle est formellement exprimée par ces paroles. Il n’y aurait aucun texte de Pères ou de Concile pour la préciser ou l’imposer, il faudrait encore l’admettre sous peine d’être formellement hérétique. Le sens est si net, si manifeste, dans les paroles mêmes de l’Ecriture sur la Présence réelle qu’il est impossible de rejeter un pareil sens. Les seules paroles du Christ suffisent par elles-mêmes pour qu’on soit obligé d’admettre la présence réelle sous peine de tomber dans l’hérésie.

Un témoignage peu suspect de la force d’évidence absolument contraignante contenue dans les paroles mêmes du Christ, est celui de Luther : « Ego ma captum video ; nulla elabendi via telicta est : textus Evangelicus nimis est paretus : Je me vois pris ; aucune issue n’est laissé pour échapper : le texte évangélique est trop clair ».

NB Sur toutes ces grandes questions eucharistiques, considérées tout ensemble du point de vue positif et du point de vue doctrinal, un des meilleurs livres à consulter demeure toujours l’Histoire des variations de Bossuet livre qui est certainement un des plus beau livre de la langue française.

 

 


IV - l’Année Jubilaire au Puy, au pied de Notre Dame de France.

Retenez les dates

du samedi 9 juillet de 15 h à 17 h

au dimanche 10 juillet 2005 à 17 h

Samedi, 9 juillet 2005 :

Réunion à 15h à la chapelle Saint Georges
Messe à la cathédrale à 17 h

Dimanche 10 juillet 2005 :

Ascension du Mont Saint Michel : 9 h
Messe à l’Eglise de Chaspusac à 11 h. (8 kms du Puy, très belle église du 12 siècle.
Repas dans la salle communale de Chaspuzac à 13 h.

Pour vous encourager à faire ce pèlerinage jubilaire au cours de vos vacances et à cette date, avec Mr l’abbé Aulagnier, voici un beau résumé de l’Histoire de la Cathédrale du Puy et de son « jubilé », de« son grand pardon » écrit par Monsieur l’abbé Boivin (FSSPX).

 


La Bienheureuse Vierge Marie et le Puy
Par l'abbé Claude Boivin, fsspx

LA FONDATION DE L’EGLISE DU VELAY

Les antiques traditions de l’Eglise du Puy nous enseignent que le premier évêque du Velay fut saint Georges, envoyé dans les Gaules par saint Pierre en vue d’évangéliser les hauts plateaux du Centre. Le Prince des Apôtres lui adjoignit comme compagnon de route saint Front, futur évêque de Périgueux. Mais à peine eurent-ils atteint la petite ville de Bolsène - au nord de Rome - que Georges trépassa. Abattu, Front repartit pour Rome où Pierre lui remit son bâton de marche, lui demandant de le déposer sur la tombe du défunt, enseveli depuis six jours. Saint Front s’exécuta et Georges ressuscita. Tous deux reprirent leur route.
Le bâton miraculeux fut ensuite partagé en deux moitiés et saint Georges déposa sa partie dans l’église de Saint-Paulien, siège primitif de l’évêché du Velay.
On porte au crédit du premier évêque du Velay la très spéciale dévotion qu’il avait à la Sainte Vierge. Jamais il ne manquait de la citer dans ses homélies et de chanter sa louange.

LES APPARITIONS DE LA SAINTE VIERGE MARIE ET LA DEDICACE DE LA CATHEDRALE

Avant de mourir « pour la seconde fois » de façon très paisible parmi ses ouailles (en l’an 84 selon les anciennes traditions ; vers le milieu du IIIe siècle, selon d’autres), saint Georges eut le temps de se rendre sur le Mont-Anis où une veuve venait d’être miraculeusement guérie par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie. Cette pieuse femme malade, baptisée par saint Front, s’était sans succès soumise à la médecine des hommes. Elle s’était alors adressée à la Sainte Vierge qui lui fit entendre ces paroles :

« Levez-vous, ma fille, du lit où vous ne sauriez trouver la santé, et allez la chercher sur le Mont-Anis où elle vous sera rendue. »

Elle se fit porter au lieu indiqué, y vit une grande pierre noire et carrée en forme d’autel sur laquelle elle se reposa et s’endormit. Cette pierre était un autel sacré sur lequel les druides accomplissaient les cérémonies du culte. Dans son sommeil lui apparut une Dame rayonnante de clarté entourée d’anges. Elle s’enhardit à demander quelle était cette reine :

« C’est, répondit un des anges, l’auguste Mère du Sauveur qui, entre tous les lieux du monde, s’est choisi spécialement cet endroit, pour y être servie et honorée jusqu’à la fin des siècles ; et afin que vous ne preniez pas ce que vous voyez pour un vain songe, sachez que la guérison que vous désirez vous est accordée. »

A la nouvelle de ce miracle, saint Georges était accouru sur le Mont-Anis et fut doublement étonné, en ce jour du 11 juillet, de voir le lieu couvert de neige et un cerf gambadant qui traçait l’enceinte du sanctuaire que Notre-Dame voulait voir ériger en ce lieu. Saint Georges ne planta qu’une haie d’aubépines. Le lendemain 12 juillet, la neige avait disparu et l’aubépine s’épanouissait comme une couronne virginale. Malgré la venue de saint Martial de Limoges, premier pèlerin du Mont-Anis, qui désigna dans l’enclos la place que devait occuper l’autel de la basilique future et qui remit à l’Eglise du Puy une relique de très grand prix - un soulier de la Sainte Vierge - le projet traîna et n’aboutit que plus tard.
Il fallut attendre l’épiscopat de saint Evode ou Vosy, septième évêque du Velay – vers 220 selon les uns, vers 375 de façon plus vraisemblable selon les autres - et une nouvelle guérison miraculeuse au même endroit, sur la pierre qu’on appellera Pierre des fièvres, pour que fût enfin entrepris le sanctuaire réclamé à nouveau par la Vierge Marie :

« Ma fille, dit-elle à la malade, c’en est fait, vous êtes guérie. Allez trouver mon serviteur Vosy ; dites-lui, de ma part, qu’il ne manque pas de jeter ici au plus tôt les fondements du sanctuaire que n’ont pu m’y élever ses prédécesseurs… C’est ici que j’accorderai aux supplications de la piété le soulagement des malades et la consolation des affligés. J’ai choisi cette montagne entre mille pour donner une audience favorable à ceux qui viendront m’y présenter leurs demandes et leurs requêtes. »

En confirmation de cela, la neige tomba à nouveau en abondance.
Saint Vosy jugea bon de transférer le siège épiscopal de Saint-Paulien à Anicium ou Mont-Anis, devenant le premier évêque du Puy, nom qui sera donné au Mont-Anis au début du XIe siècle. Aidé de saint Scutaire, patricien romain, architecte et l’un de ses successeurs, il construisit le sanctuaire qui ne comprenait alors que ce que l’on appelle la « chambre angélique », c’est-à-dire l’abside et la première travée de l’actuelle cathédrale du Puy. Il enfermait la Pierre des fièvres.

L’église fut consacrée du vivant de saint Vosy, non par la main des hommes mais par le ministère des anges, à la lueur de milliers de torches célestes dont plus de trois cents furent recueillies à la suite de la cérémonie par la piété des fidèles. Elle fut achevée par saint Scutaire dans la première moitié du Ve siècle.
En raison des apparitions de la Sainte Vierge et de la consécration angélique, la cathédrale du Puy, tout comme la ville et le diocèse, est placée sous le patronage de Notre-Dame de l’Annonciation, vocable qui unit le 25 mars et la dévotion à Notre-Dame et la dévotion aux saints anges.
De plus, la fête de la Dédicace de la cathédrale est fixée au 11 juillet, jour de la première chute de neige.
Ce sanctuaire angélique allait devenir le plus vénéré des lieux de pèlerinage de la chrétienté en l’honneur de Notre-Dame, avec Sainte-Marie-Majeure à Rome.
Accomplissant de nombreux miracles de guérison sur cette antique pierre druidique du Mont-Anis, la Bienheureuse Vierge Marie apparut comme l’instrument de la victoire du catholicisme sur le paganisme antique.

LE PUY ET LOURDES

Mais elle va apparaître également comme l’instrument de la victoire du catholicisme sur l’Islam, à l’époque de Charlemagne. Par deux fois, en tant que roi des Francs puis en tant qu’empereur, Charlemagne se rendit au Puy. Pour mieux assurer le service du Mont-Anis et mieux pourvoir à la majesté du culte, il développa le chapitre de Notre-Dame en créant dix canonicats supplémentaires. Voici en quels termes s’exprime l’empereur :

« Nous avons visité dernièrement la basilique ou très sainte et angélique église de la bienheureuse Marie d’Anicium… Pour l’accroissement du culte et du service divin, dans une si sainte basilique où les fidèles de toutes les parties du monde viennent implorer le secours de Dieu et… la très clémente Mère de Dieu… nous créons dix chanoines qui prieront pour l’augmentation et la dilatation de toute l’Eglise apostolique et romaine. »

De plus, en compagnie de Rorice ou Borice, évêque du Puy, Charlemagne s’occupa de réduire, dans les Pyrénées, la province de Bigorre où un chef sarrasin s’était constitué une sorte de souveraineté indépendante. Il l’assiégea dans son imprenable citadelle de Mirambelle. Devant l’insuccès de l’entreprise, Rorice du Puy se mit en prière et invoqua la Reine du Ciel. Grâce à l’intercession de Notre-Dame et à un miracle qu’elle accomplit, l’évêque rencontra le chef musulman, jusqu’alors intraitable, qui s’adoucit et fut touché par la grâce. Il fit don de sa seigneurie de Bigorre à Sainte-Marie du Mont-Anis, ce qu’approuva Charlemagne. Quelque temps plus tard, le chef maure ratifia la convention dans l’église angélique du Puy. Il y reçut le baptême avec ses hommes dans les meilleures dispositions.

Le château de Mirambelle et la ville qui l’entoure s’appellent désormais Lourdes. Le Puy, Lourdes : deux lieux où apparut la Bienheureuse Vierge Marie à des siècles de distance, mais lieux qui vivent de Notre-Dame, dans un lien très étroit de parenté spirituelle.
En 1062, devant l’évêque du Puy Pierre II de Mercoeur, le comte Bernard Ier de Bigorre renouvela l’allégeance à Notre-Dame du Puy de son domaine , exempt de toute autre suzeraineté que celle de Notre-Dame.

En 1307, l’évêque du Puy et son chapitre céderont à Philippe le Bel l’hommage de Lourdes et de la Bigorre, lequel sera remplacé par un tribut annuel et perpétuel qui sera versé jusqu’à la Révolution française.

Ainsi, l’église angélique du Puy revendique hautement et à juste titre son droit d’aînesse et de suzeraineté sur la terre de Lourdes.

Plus près de nous, les pèlerinages reprendront de Lourdes au Puy et celui du 15 août 1829 sera l’un des plus marquants. De plus, le 11 février 1856, le pape Pie IX signera le décret d’érection de la cathédrale du Puy, église-mère de Lourdes, en basilique mineure, soit deux ans jour pour jour avant la première apparition de la Bienheureuse Vierge Marie à Lourdes, église-fille du Puy. La Sainte Vierge reste maîtresse et du Puy et de Lourdes.

LES PAPES ET LES ROIS AU PUY.

La dévotion à la Vierge du Mont-Anis ne cessera de croître au cours des siècles. Les pèlerins malades prendront l’habitude de s’étendre sur la Pierre des fièvres pour obtenir leur guérison. Les pèlerins pécheurs trouveront auprès de Notre-Dame soulagement et conversion.
De plus dès 951, partira du Puy la première des quatre grandes routes qui conduiront au tombeau de l’apôtre saint Jacques à Compostelle ; à partir de la fin du Xe siècle, en 992, se mettra en place le Grand Pardon ou Jubilé du Puy.

Papes, rois, saints, pèlerins inconnus sont venus innombrables et fervents se prosterner dans l’église angélique et apporter à Notre-Dame le tribut de leur vénération et de leurs prières.
Et tout d’abord, relevons l’hommage de six papes venus vénérer la Vierge du Puy.
Sans s’être rendu au Puy, le pape saint Léon IX écrivit dans une bulle célèbre de 1051 :

« Nulle part, la Sainte Vierge ne reçoit un culte plus spécial et plus filial de respect, d’amour et de vénération que celui que les fidèles de la France entière lui rendent dans cette église du Mont-Anis, autrement dite du Puy-Sainte-Marie . »

A cette occasion, il concèda à l’évêque du Puy Etienne II de Mercoeur le privilège du pallium.
En 1095, le bienheureux Urbain II, ancien grand-prieur de Cluny, fut le premier pape à se rendre au Puy, en vue de lancer la Croisade contre les musulmans et pour la délivrance des Lieux Saints. Il y présida la fête du 15 août et passa la journée au pied de l’autel de Notre-Dame, lui confiant la formidable entreprise qu’il avait conçue.
De là, il partit pour Clermont où se tint le concile, convoqué par une lettre du pape datée du Puy. Le pape choisit comme légat et chef spirituel de la croisade l’évêque du Puy, Adhémar de Monteil, qui mourra de la peste à Antioche en 1098. C’est à l’occasion du départ de la Croisade que, selon la tradition, l’évêque du Puy composa le Salve Regina appelé immédiatement Antiphona de Podio ou Antienne du Puy. Elle fut probablement chantée pour la première fois dans la cathédrale du Puy.

Au XIIe siècle, cinq papes se rendront au Puy. Pascal II s’y trouva le 14 juillet 1107. Gélase II, fuyant l’Italie en raison du conflit l’opposant à l’empereur Henri V se réfugia en France, la terre hospitalière des pontifes romains persécutés. Il visita le Puy en 1118 avant de mourir à Cluny. L’année suivante en 1119, Callixte II, pape bourguignon élu à Cluny, vint mettre son pontificat sous la protection de la puissante Reine du Mont-Anis. En 1130, Innocent II, chassé de Rome par les intrigues de l’antipape Pierre de Léon, se rendit au Puy pour supplier Notre-Dame de mettre un terme aux divisions de l’Eglise. Alexandre III, fuyant l’empereur Frédéric Ier Barberousse vint rendre hommage à la Vierge du Puy en août 1162 et en juin 1165.

Evoquons maintenant l’hommage des rois venus prier la Vierge. Nous avons déjà mentionné le double pèlerinage de Charlemagne au Puy. Son fils, Louis le Pieux, s’y rendit en 795 alors qu’il n’était que roi d’Aquitaine. Devenu empereur en 814, il y revint deux fois en 832 et 833. En 877, son fils l’empereur Charles le Chauve fit également le pèlerinage.
En 892, le roi de France Eudes vint implorer la Vierge Marie pour qu’elle protège le royaume des invasions normandes. En 1029, la dévotion amena également le roi Robert II aux pieds de Notre-Dame du Puy, ainsi que Louis VI un petit peu plus tard. En 1146, Louis VII ne voulut pas partir à la seconde Croisade sans se mettre sous la protection de la Vierge du Puy. Son fils, Philippe-Auguste agira de la même façon en 1188 avant d’entreprendre la troisième Croisade.
Saint Louis vint au Puy en 1245 puis en 1254. Nous verrons plus loin que, très probablement, lors du second voyage à l’issue de la septième Croisade, il fit hommage au sanctuaire de la fameuse « Vierge noire » détruite en 1794.
Philippe III en 1283 et Philippe IV en 1285 firent de somptueux présents à la bienheureuse Vierge Marie lors de leur venue. Accompagné de ses oncles, les ducs de Berry et de Bourgogne, Charles VI vint vénérer la Vierge à l’Annonciation de 1394.
A l’Annonciation de 1420, le futur Charles VII confia à Notre-Dame la situation désespérée de la France, juste avant la vente du royaume aux Anglais. Devenu roi, Charles VII reviendra quatre fois encore à l’église angélique. En 1422, au début de son règne, il accourut au Mont-Anis pour demander aide et protection. Il y revint en janvier 1424, et en décembre 1425 dans la « grande pitié du royaume de France ». Sans être présent au Grand Pardon de 1429 qui fut un véritable pèlerinage national, du 25 mars au 3 avril, le roi, ainsi que le peuple, mit toute son espérance en le secours de Notre-Dame. Tant de confiance allait être récompensée. Une intervention miraculeuse se produisit : Jeanne d’Arc apparut et la France fut miraculeusement sauvée.

Jeanne d’Arc voulut elle-même mettre son entreprise sous la protection de Notre-Dame du Puy. Elle concevait ce jubilé comme le point de départ de la rédemption de la France. Dans l’esprit de l’héroïne, c’était au moment où la prière de la France entière retentirait sous les voûtes du sanctuaire du Mont-Anis que la sainte Vierge manifesterait son intervention miraculeuse en faveur du pays occupé. La conviction de sainte Jeanne d’Arc était si forte que, ne pouvant se rendre au Puy, retenue à Poitiers, elle se fit représenter au jubilé par sa mère, Isabelle Romée, par ses frères Jean et Pierre et par plusieurs chevaliers de son escorte de Vaucouleurs à Chinon. Jeanne d’Arc pria donc au Puy par le truchement de sa famille et de son entourage. Le jubilé s’acheva début avril 1429. Le 29 du même mois, Jeanne entrait dans Orléans et la délivrait totalement le 8 mai suivant. Le 17 juillet de la même année, dans l’octave de la dédicace de Notre-Dame du Puy, Charles VII était enfin sacré à Reims et couronné roi de France. Il n’était pas ingrat. Il voulut manifester sa reconnaissance en venant en 1434 remercier solennellement Notre-Dame du Puy qui avait daigné bénir sa couronne et sauver la France.

Voici venir maintenant le roi Louis XI, trois fois pèlerin du Mont-Anis. Jeune prince, il accompagna son père en 1434. Devenu roi et inquiet de son salut au soir de sa vie, il vint au Puy en 1475 et 1476 en manifestant des largesses royales à l’égard de tous. En 1449, fut institué au Puy le troisième Angelus, récité le midi. L’usage fut consacré en 1455 par Callixte III et Louis XI l’étendit à tout le royaume en 1476.
En 1495, Charles VIII au retour de la guerre d’Italie vint remercier Notre-Dame de l’avoir puissamment protégé.

C’est du fond de sa prison de Madrid, après la défaite de Pavie en 1525, que François Ier s’engagea à se rendre au Puy s’il recouvrait la liberté. Libéré l’année suivante, il se rendit au Mont-Anis en 1533. L’entrée de François Ier, accompagné de la reine, des trois princes ses fils, du cardinal de Lorraine, du nonce, d’évêques nombreux, de six ambassadeurs, d’une suite nombreuse, fut la plus brillante dont les annales du Puy aient conservé le souvenir. Ce fut en même temps la dernière des visites d’un roi de France au Puy.

Toutefois, en 1621 encore, le roi Louis XIII avouera au pape sa spéciale dévotion à la Vierge du Puy à laquelle il se consacra personnellement en 1629. Fort des grâces nombreuses qu’il en reçut, il consacra son royaume à Notre-Dame en 1638. On peut d’ailleurs dire que l’Assomption est devenue la fête « principale » de la cathédrale du Puy, accompagnée ce jours-là de la grande procession dans les rues de la ville.
Plus près de nous, la reine Marie-Amélie se rendra au Puy à l’occasion du Jubilé de 1842.

LES SAINTS AU PUY

Si les papes ne sont venus au Puy qu’à la fin du XIe siècle et au XIIe siècle, lors de la grande période de l’efflorescence mariale, si les rois ont cessé au XVIe siècle de prier la Vierge du Mont-Anis sur l’emplacement même des apparitions et des miracles, les saints, eux, n’ont jamais interrompu le pèlerinage du Puy. Certains, comme sainte Jeanne d’Arc, ont puisé leur force dans la dévotion à la Vierge du Puy sans pouvoir la prier sur place, mais nombreux sont ceux qui l’ont visitée et lui ont rendu hommage. Aujourd’hui encore, venir prier au Puy, c’est mettre ses pas dans les pas des saints qui n’ont jamais cessé de fréquenter ce haut-lieu marial privilégié. Prier sur place la Vierge noire, c’est continuer une prière qui n’a jamais été interrompue.

Rappelons maintenant le souvenir de quelques saints qui ont voulu honorer les gloires de la Vierge du Puy. Nous avons déjà évoqué saint Martial, l’apôtre du Limousin, qui offrit au Puy un soulier de la Sainte Vierge toujours visible dans le trésor de la cathédrale. Nous rappellerons au début du VIIIe siècle saint Eudes, premier abbé du Monastier et son successeur et neveu saint Théodfrède, second abbé, mort martyrisé par les sarrasins le 19 octobre 728.

Vinrent au Puy également les abbés de Cluny qui ne manquèrent pas de puiser prudence et force auprès de Notre-Dame. Saint Mayeul, quatrième abbé de Cluny de 948 à 994, accomplit au Puy en 960 un miracle qui laissa un tel souvenir que l’Université de la cathédrale le choisit pour son patron.

Son successeur saint Odilon, abbé de 994 à 1049, fut lui-même élevé au Puy. Il vint souvent prier la Vierge du Mont-Anis. En 1031, l’évêché de la ville fut attribué à son neveu Etienne II de Mercoeur. Plus tard, saint Pierre le Vénérable, abbé de 1126 à 1156, vint au Puy en 1138 où il accomplit un miracle fameux, puis en 1146, en même temps que Louis VII.

Saint Robert de Turlande, après un pèlerinage à Rome, vint prier au Puy avant de fonder le célèbre monastère de La Chaise-Dieu où il mourut en 1067 entouré de 300 moines.

Saint Hugues, évêque de Grenoble, vint à deux reprises en 1087 et 1130 offrir ses hommages et ses prières à Notre-Dame. La seconde fois, il y rencontra Innocent II. Saint Etienne de Muret, fondateur de l’ordre de Grandmont vint à son tour en pèlerinage au Puy avant 1124.

L’ordre de saint Dominique peut se réclamer de très forts liens avec Le Puy. Au moment où le Sud de la France gémissait sous l’hérésie des Albigeois, Dieu suscita saint Dominique qui s’en vint visiter la Vierge du Mont-Anis. Alors qu’il la priait dans la cathédrale, la Sainte Vierge lui apparut soudainement. Elle l’encouragea dans ses labeurs et lui dit :

« Si vous voulez arrêter le débordement des maux qui affligent en ce moment une portion notable de l’Église, prêchez sans relâche aux pauvres égarés les mystères de la Rédemption et amenez-les à les méditer, car tout le mal actuel vient de l’ignorance et de l’oubli des vérités de la foi. »

Elle l’encouragea dans ce but à développer partout le Rosaire en vue de la conversion des hérétiques, pratique qui, ainsi, se rattache à la dévotion à Notre-Dame du Puy.

Au soir de la vie de saint Dominique fut établi au Puy un couvent de religieux dominicains à proximité de l’église Saint-Laurent. Saint Thomas d’Aquin visita lui-même l’établissement, y enseigna et pria la célèbre Vierge. Un peu plus tard, saint Roch, vraisemblablement tertiaire dominicain, vint également prier aux pieds de Notre-Dame.
En 1416, le couvent abrita saint Vincent Ferrier qui, alors qu’il prêchait pendant quinze jours, visita la Vierge du Mont-Anis.

Plus tard encore, en 1602, naîtra au Puy la bienheureuse Agnès de Langeac, tertiaire dominicaine, élevée dans l’amour de Notre-Dame du Puy, à laquelle elle se consacra dès l’âge de sept ans. En 1631, elle fut gratifiée d’une vision lors de son oraison l’invitant à prier pour un prêtre qu’elle ne connaissait pas. Trois ans plus tard, en mars 1634, elle rencontra ce prêtre. Il s’agissait de Monsieur Olier, futur fondateur de la Société de Saint-Sulpice venu confier son projet à la Vierge du Puy. Sœur Agnès le recommanda à Monsieur de Condren, supérieur de l’Oratoire de France et le soutint dans son œuvre de formation et de sanctification du clergé de France. En 1652, l’évêque du Puy confiera son séminaire aux Sulpiciens, juste retour des choses.

Si saint François d’Assise ne vint pas au Puy, il ne pouvait manquer d’y établir une maison de son vivant. Les Franciscains s’y fixèrent en 1223. L’illustre thaumaturge saint Antoine de Padoue y fut deux ans gardien et y enseigna la théologie. Les religieux se chargèrent de répandre au loin la renommée et la popularité du pèlerinage. Le Grand Pardon du Puy associait en effet deux mystères particulièrement chers à saint François, l’homme de la Crèche et des Stigmates : l’Annonciation et le Vendredi-Saint.
Fille de sainte Claire d’Assise et réformatrice, sainte Colette vint au Puy en 1425, munie d’une bulle de Martin V, en vue de fonder un couvent de Clarisses. Elle y revint en 1432 pour y installer les religieuses dans un établissement tout neuf. Le 2 juillet, la petite troupe de quinze religieuses vénéra la Vierge Noire à la cathédrale, et l’évêque « mit les sœurs en possession » de leur monastère. Il est encore aujourd’hui le cœur du quartier où sainte Colette avait choisi de l’implanter il y a plus cinq siècles.

Faut-il évoquer saint François-Régis, apôtre du Velay et du Vivarais ? Il passa sept années d’une vie bien remplie à l’ombre de Notre-Dame du Puy. Professeur au collège, catéchiste éminent, confesseur infatigable, prédicateur de missions populaires dans les campagnes du Velay et du Vivarais, soutien des pauvres, il mourut en mission à La Louvesc en 1640.
La liste des saints déjà imposante ne peut que s’allonger. Mentionnons, plus près de nous, la venue au Puy de saint Benoît-Joseph Labre, le pèlerin-mendiant. Saint Bénilde, Frère des Écoles Chrétiennes vécut à Saugues, dans le diocèse du Puy, de 1841 à sa mort en 1862. Il fut un dévot très fervent de Notre-Dame du Puy. Il en fut de même de sainte Euphrasie Pelletier venue vénérer la Vierge du Puy à qui elle confia certainement son œuvre de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur.

Bien loin d’être exhaustive, cette série de saints ne fait que mesurer l’ampleur de la dévotion des fidèles de toute la Chrétienté à la Vierge du Puy.
Mais c’est plus encore à l’occasion des jubilés que se manifestera le recours des chrétiens à Notre-Dame du Puy.

LE GRAND PARDON OU JUBILE DE NOTRE DAME DU PUY

Aux approches de l’an mil, en une période de grand désordre que ce soit dans l’Église ou dans le monde féodal, bien des phénomènes laissaient présager la fin des temps. Bien que l’Église n’autorisât pas la croyance en la fin prochaine du monde, croyance entretenue par maints visionnaires et illuminés, les multitudes des fidèles partaient en pèlerinage pour se confier à la miséricorde divine. De plus, une croyance était accréditée selon laquelle la fin du monde arriverait lorsque l’Annonciation tomberait un Vendredi-Saint. Or, cette rare et mystérieuse coïncidence, unissant dans le même jour du 25 mars les mystères de l’Incarnation et de la Rédemption, s’était produite en 970 et 981. Elle devait se renouveler en 992. En raison des foules nombreuses qui venaient habituellement au Puy, fut institué en cette année 992 un jubilé solennel. Il fut le premier d’une longue série. Il se renouvellera toutes les années où l’Annonciation se rencontrera avec le Vendredi-Saint. L’occurrence des deux événements se présentera le 25 mars 2005 pour la trentième fois depuis 992. Le jubilé de Notre-Dame du Puy est ainsi le plus ancien de tous les jubilés de l’univers catholique.

Tout au long des siècles, les papes se sont plu à enrichir le sanctuaire de nombreuses faveurs et indulgences spirituelles. De plus, le sanctuaire bénéficie du privilège des sept autels ou stations romaines, en sorte qu’en allant prier à sept autels de la cathédrale du Puy, on gagne les mêmes indulgences qu’en allant prier aux sept grandes basiliques de Rome.

Le premier jubilé bien connu fut le dixième, célébré en 1407 sous l’épiscopat d’Élie de Lestrange, évêque du Puy de 1397 à 1418. Il ne dura qu’un seul jour, le 25 mars. Mais l’affluence fut telle que l’évêque demanda à Martin V d’allonger la durée du onzième jubilé en 1418. Dans sa lettre au pape, l’évêque évoque l’existence du jubilé depuis des « temps immémoriaux ». Le pape prolongea le jubilé jusqu’au Mardi de Pâques.

Nous avons déjà évoqué le douzième jubilé, celui de 1429, qui fut un véritable pèlerinage national où s’amorça la délivrance de la France. Il fut prolongé jusqu’au Dimanche de Quasimodo. Il fut suivi des jubilés de 1440, 1502, 1513 et 1524.

En 1502, l’évêque du Puy crut que le récent jubilé de l’Année Sainte romaine de 1500 diminuerait considérablement le nombre des pèlerins du Puy. Aussi ne recourut-il pas au Saint-Siège pour obtenir une prolongation du jubilé. Mal lui en prit, car il y eut à partir des Rameaux une foule tellement considérable de pèlerins venus de France, d’Espagne, d’Italie, d’Angleterre et même de Grèce que les trois mille confesseurs dont l’évêque s’était pourvu ne suffirent pas et qu’on dut en ajouter encore un millier. Ils étaient échelonnés dans la basilique ; les églises, les porches, les cimetières en étaient bondés.

En 1622, le dix-septième jubilé, près d’un siècle après le précédent, dura sept jours. A la requête de l’évêque appuyé par le roi Louis XIII, le pape Grégoire XV prolongea, à perpétuité, pendant l’octave entière, le privilège accordé par ses prédécesseurs pour le seul jour du Vendredi-Saint.

En 1633, le dix-huitième jubilé se déroulera avec un temps très serein, tout à fait inhabituel.
En 1644, malgré le froid et la neige, le succès du dix-neuvième jubilé fut complet. Il se déroula après la consécration de Louis XIII à Notre-Dame du Puy et après la consécration de la France à la Vierge de l’Assomption.

A l’occasion du vingtième jubilé de 1701, l’affluence des pèlerins n’eut plus de bornes. Le temps était affreux, mais, malgré tout, les confesseurs ne purent suffire à la multitude des pénitents. Pour éviter l’encombrement de la cathédrale, il fut permis de communier dans n’importe quelle église ou chapelle de la ville. D’après les procès-verbaux de l’époque, on compta quinze mille communions chez les Jésuites, trois mille chez les Cordeliers, six mille chez les Carmes, dix mille chez les Capucins et sans doute autant chez les Dominicains de Saint-Laurent. A la Cathédrale, l’autel de Notre-Dame, la Pierre des Fièvres et les issues étaient tenus par un corps de garde spécial, les confessions et les communions ininterrompues.

Fort de ce qui s’était passé en 1701, le pape Clément XI prolongea le jubilé de 1712 jusqu’à Quasimodo. Lors du vingt-deuxième jubilé de 1785, on pressentait vaguement que le calme complet dont jouissait la France était celui qui précédait la tempête. Aussi les populations coururent-elles en foule se jeter aux pieds de Celle que l’Église invoque du titre d’Étoile de la Mer et, malgré les ravages de l’impiété voltairienne, on ne compta pas moins de quatre-vingt mille pèlerins à ce jubilé.

Le jubilé de 1796 se présenta sous des auspices tragiques : la cathédrale était profanée et la Vierge brûlée. Une créature pécheresse avait osé s’asseoir à la place de la Vierge immaculée et y avait reçu un culte idolâtre. Le sanctuaire était aux mains des schismatiques. Dans cette triste conjecture, l’évêque du Puy alors exilé avait obtenu de Pie VI une bulle du 29 janvier 1796 par laquelle le pape, suspendant la faveur octroyée à la cathédrale par ses prédécesseurs, accordait un nouveau pardon que l’on pourrait gagner là où ce serait possible dans le diocèse, en évitant tout contact avec les assermentés. Le jubilé connut un beau succès spirituel car la persécution, bien loin d’éteindre la foi, l’avait ravivée dans bien des âmes.

Après la tourmente révolutionnaire, des catholiques s’étaient interrogés sur le bien fondé de la reprise du jubilé romain en 1825. Les libéraux y étaient franchement hostiles. Malgré cela, le pape Léon XII avait tenu à mettre en place l’Année Sainte romaine de 1825 et la piété des fidèles lui avait donné raison.

Il en fut de même au Puy. La gloire du sanctuaire et du jubilé allait vigoureusement se ranimer au XIXe siècle et jeter au loin une nouvelle splendeur.
En 1842, le vingt-quatrième jubilé dura douze jours et fut digne de ceux qui avaient précédé la tourmente révolutionnaire. Cent quarante-deux mille pèlerins dont la reine Marie-Amélie y assistèrent.
En 1844, l’actuelle statue de la Vierge du Puy prenait place au-dessus du maître-autel de la cathédrale en remplacement de l’ancienne.
C’est entre les deux jubilés de 1853 et 1864 que le pape Pie IX, comme nous l’avons vu, érigea la cathédrale du Puy en basilique mineure, le 11 février 1856. Le 8 juin suivant, la statue de la Vierge trônant au-dessus du maître-autel était couronnée solennellement au nom du pape et par décision du Chapitre de Saint-Pierre de Rome.

En cette année 1856, Monseigneur de Morlhon, évêque du Puy, adressa un mandement à ses fidèles dans lequel il écrivait :

« De tous les sanctuaires bâtis en l’honneur de Marie sur le sol sacré de la France, il n’en est pas dont la fondation remonte à une époque plus reculée ! Aucun n’a attiré un plus grand nombre de pèlerins de tout rang, de tout sexe et de toute condition. Enfin, dans aucun, la Reine du Ciel ne s’est plu davantage à répandre ses grâces et ses faveurs sur ceux qui l’invoquent. Encore moins en est-il un autre que les Souverains Pontifes aient dotés de plus de privilèges et enrichi de plus d’indulgences. N’y eut-il que son célèbre jubilé, l’église angélique pourrait se glorifier d’être dans un rang suréminent parmi toutes les autres églises consacrées à Marie, non seulement en France, mais dans le monde tout entier. »

Lors des jubilés de 1853 et 1864, l’affluence des pèlerins fut considérable. Les calculs qui furent faits en portent le nombre à trois cent mille environ à chaque fois. La Vierge Noire fut solennellement portée en procession dans les rues de la ville.
Les jubilés du XXe siècle eurent lieu en 1910, 1921 et 1932.
En 1910, saint Pie X étendit la durée du Grand Pardon du 24 mars au 10 avril.
Dans un bref du 31 janvier 1932, le pape Pie XI « confirmait, étendait et rendait perpétuelles les insignes faveurs du jubilé de Notre-Dame du Puy ».

Monseigneur Rousseau, l’évêque du Puy d’alors, annonça le Grand Pardon par une lettre pastorale du 11 février 1932 :

« Le jubilé du Puy, écrivit-il, est l’exaltation de l’Incarnation et de la Nativité du Verbe, de la Maternité divine de Marie, et, par suite, l’annonce de la rédemption de beaucoup d’âmes… Il a lieu toutes les fois que le 25 mars, jour béni de l’Annonciation, coïncide avec le Vendredi-Saint : c’est la rencontre de l’Incarnation du Verbe avec la mort du Christ. Notre cathédrale, notre cité, notre diocèse ont pour fête patronale Notre-Dame de l’Annonciation : le jubilé est donc comme la consécration des liens qui unissent nos âmes au mystère de l’Incarnation, le plus doux, le plus consolant des mystères chrétiens. »

Le jubilé de 1932 fut le plus important du XXème siècle : 300.000 pèlerins se rendirent au Puy dont 10.000 enfants de la Croisade Eucharistique.
La journée de clôture, présidée par le Cardinal Verdier, archevêque de Paris, représentant du Pape, entouré de vingt archevêques et évêques, fut une apothéose, avec plus de 100.000 pèlerins présents. Monseigneur Rousseau s’exprima en dernier, adressant à Notre-Dame du Puy l’hommage et consécration solennelle suivante :

« O Vierge du Mont-Anis… Reine de France, Mère pleine de miséricorde et de tendresse… »
« Bénissez, ô Reine de la Sainte Église, le père très aimé de nos âmes, Sa Sainteté Pie XI, dont le cœur paternel a étendu, consacré magnifiquement les faveurs spirituelles de notre Grand Pardon… »
« Bénissez l’éminent Cardinal de Paris, le représentant du pape parmi nous. Le prestige de son autorité, l’éclat de sa pourpre apportent à ces fêtes une splendeur incomparable. Supérieur de l’illustre Compagnie de Saint-Sulpice fondée au pied de votre statue d’Anis, archevêque de la capitale de votre Royaume, il est donc le premier de vos fils. »
« Bénissez ces augustes prélats, accourus de tous les points de la France pour déposer à vos pieds l’hommage de l’épiscopat français, le tribut de l’amour fidèle de la Fille aînée de l’Église. »
Bénissez la France. Si, à juste titre, on a proclamé votre basilique angélique “le plus national parmi les sanctuaires de la Très Sainte Vierge”, de ce sanctuaire doit éclater le cri de la prière confiante…

« Soyez remerciée, ô Mère de la divine grâce… O clémente, ô tendre, ô douce Vierge d’Anis ! »

Le trentième et prochain jubilé se déroulera en 2005. Il précédera ceux de 2016, 2157 et 2168. Il a été fixé par Rome du Jeudi-Saint 24 mars au lundi 15 août 2005. Il était autrefois annoncé, comme dans l’Ancien Testament, au son de la trompette, par un diacre, avant la messe du 15 août précédant l’Année Jubilaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Voici en quels termes s’exprime le Décret romain de la Sacrée Pénitencerie du 25 mars 2003 concédant les indulgences jubilaires :

« L’église cathédrale du Puy, éminente par le patronage de la Très Bienheureuse Vierge Marie… a été construite à l’époque du Synode d’Éphèse (431)… La dévotion des fidèles, non seulement du Puy, mais encore de toute la Gaule et de presque toute l’Europe, s’est très tôt portée avec un intérêt particulier vers cette église cathédrale, au point que celle-ci est devenue un sanctuaire marial très célèbre… Assurément, cette pieuse célébration du jubilé du Puy est intimement liée au dogme défini au Concile œcuménique d’Éphèse, de l’unique personne et de la double nature dans le Christ Notre-Seigneur et, conséquemment, de la maternité divine de Marie. »

Monseigneur Brincard, évêque du Puy, a de son côté officiellement annoncé le jubilé dans une Lettre pastorale du 25 mars 2003 :

« … En l’année 2005, où le Vendredi-Saint coïncide avec l’Annonciation, nous aurons donc la grâce exceptionnelle d’un nouveau jubilé. Recevons cette grâce comme un don précieux du Seigneur. Nous nous attacherons à vivre ce Grand Pardon dans la joie et l’action de grâce, pour la sanctification de nos personnes et de nos vies. »
« “Femme, voici ton Fils… voici ta Mère”. Prononcées par Jésus du haut de la croix, ces paroles retentiront profondément dans nos cœurs. »
« Avec Marie, Mère de Dieu, nous ferons mémoire des mystères de notre salut, principalement des mystères de l’Incarnation et de la Rédemption pour contempler, admirer et approfondir le contenu de notre foi et les merveilles de grâces dont le Dieu d’infinie bonté nous a favorisés… Un temps de célébration du Grand Pardon : du Jeudi-Saint 24 mars 2005, à la fête de l’Assomption, le 15 août 2005… »

La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X a fixé son pèlerinage national les samedi 23 et dimanche 24 avril 2005.
Rappelons les conditions pour l’obtention des indulgences jubilaires, second baptême du chrétien :

Conditions générales :
- Confession dans les huit jours précédents ou suivants.
- Communion le jour même de l’accomplissement de l’œuvre.
- Exclusion de toute affection à tout péché, même véniel. (Si cette condition était imparfaitement remplie, l’indulgence serait alors partielle).
De plus, les œuvres prescrites sont les suivantes :
- Effectuer un pèlerinage à la cathédrale Notre-Dame du Puy en priant aux intentions du pape et de l’Église.
- Accomplir un acte significatif de charité envers le prochain.
Les intentions du Souverain Pontife sont les suivantes :
- Exaltation de la Sainte Église
- Extirpation des hérésies
- Propagation de la foi
- Conversion des pécheurs
- Paix entre les Princes chrétiens

Suite plus tard :
Histoire de la statue de la Bienheureuse Vierge Marie de la cathédrale.
Histoire de la cathédrale – Notre-Dame de France – Saint Michel – Saint Joseph.

Abbé Claude Boivin †