Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

Semaine du 2 janvier 2005

Le Temps de la Nativité

 

 

I -Sur les mystères de notre Foi.
Méditations.


Vous ne trouverez plus, en cette année nouvelle, dans votre paroisse Saint Michel, les homélies dominicales, habituelles. Vous pourrez cependant les retrouver chaque dimanche. Elles sont enregistrées. Elles sont toujours à votre disposition. En archive 2004. Ainsi sur « la fête du Saint Nom de Jésus », cliquez ici, vous la retrouverez tout de suite.

En cette année nouvelle, nous allons entreprendre une autre chose : la méditation des Mystères de notre foi. D’où le titre nouveau.

Vous n’en serez pas surpris. Qu’est-ce que le prêtre, sinon le dispensateur de « mystères de Dieu ». Saint Paul est formel : « Qu’on nous regarde comme des serviteurs du Christ et des dispensateurs des mystères de Dieu »(1Cor 4 1). Le prêtre est fait pour les annoncer, pour les approfondir. Il doit en vivre et en faire vivre ses paroissiens. C’est ce que je prétends faire cette année, avec votre collaboration.

C’est certainement le plus beau des ministères. Le plus consolant. Le plus riche pour l’âme fidèle. Tant il est vrai que les mystères de notre religion sont choses merveilleuses à connaître et méditer. Ils ne sont malheureusement pas assez connus et donc pas assez aimés. Ils ne donnent pas l’allégresse qu’en eux-même ils contiennent. Et pourtant ils sont, de soi, par eux-même comme l’ « eau vive » qui réjouit le cœur du pèlerin.

Vous en voulez la preuve immédiate, simple ? Portez, par exemple, quelque attention à cette phrase de saint Paul aux Romains. L’Eglise nous en réjouissait dans le bréviaire, au 2 janvier.

Il nous parle du mystère de l’Incarnation Rédemptrice. Et sur ce mystère, il a ces paroles étonnantes, sublimes, mystérieuses, enchanteresses qui vous interpellent : « Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui nous devons d’avoir eu accès par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes, et de nous glorifier dans l’espérance de la gloire de Dieu….Or, l’espérance ne trompe point, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné ». « Car lorsque nous étions encore pécheurs, le Christ, au temps marqué, est mort pour des impies. C’est à peine si l’on meurt pour un juste, et peut-être quelqu’un saurait-il mourir pour un homme de bien. Mais Dieu montre son amour envers nous en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous. A plus forte raison donc, maintenant que nous sommes justifiés dans son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère. Car, si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. Bien plus, nous nous glorifions même en Dieu par Notre Seigneur Jésus-Christ, par qui maintenant nous avons obtenu la réconciliation ». (Rm 5 1-11)

Voyez la richesse des expressions. Vous ne pouvez rester insensibles à ces affirmations qui tombent de la bouche de Paul. Elles vous interpellent : « Nous sommes sauvés de la colère de Dieu » et maintenant « Nous avons la paix avec Dieu » parce que « justifiés » par NSJC, « réconciliés » en la foi que nous lui portons. Nous avons dès lors « cette espérance de la gloire de Dieu » grâce à cette « réconciliation » obtenue pour nous, sans aucun mérite de notre part. mais par pure gratuité, par pur amour-miséricordieux. qui éclate merveilleusement dans la Passion du Christ. Ainsi le « salut », la « paix » d’avec Dieu, « l’espérance de la gloire », eschatologique, la « justification » la « réconciliation », « l’amour de Dieu » en nos âmes, par l’Esprit-Saint donné : ce sont les fruits merveilleux de ce mystère de l’Incarnation Rédemptrice. Qu’est-ce qui peut donner au cœur humain meilleure joie que la foi contemplant ces vérités surnaturelles de ce mystère chrétien qu’est la Rédemption ? Je vous le demande !

Oui vraiment parce qu’ils ne sont pas connus, ils ne sont pas aimés, et le Monde se refroidit et vit trop souvent dans la seul recherche des joies humaines, nobles certainement, mais toujours fragiles, toujours éphémères…et de toute façon incapables de satisfaire le cœur humain fait pour l’absolu et l’éternel.

Les mystères chrétiens.

Voilà ce que vous trouverez dès lors toutes les semaines dans la paroisse saint Michel : une méditation suivie des mystères de notre foi.

Je m’inspirerais surtout des considérations de l’ouvrage magistral du Père Du Pont, S.J. mais je l’enrichirais au gré de mes lectures et des considérations de Saint Thomas soit dans la Somme soit dans ces commentaires des Evangiles.

Beaucoup aujourd’hui disent aller chercher un peu de spiritualité dans les religions orientales. Malheur ! Alors qu’ils ont tout, là, dans la vérité des mystères de la religion catholique.

J’espère que je vous passionnerai. Et que vous serez fidèles à vos rendez-vous hebdomadaires…de la « paroisse saint Michel », généralement tous les mercredis. Pour le bien de votre âme. Je peux porter ce témoignage : Etant dépouillé de tout, de tout ministère, moi qui aimais le ministère et en vivais surabondamment, étant privé presque du matin au soir de toutes relations humaines, sinon pour les repas de midi et du soir, vivant presque d’une vraie vie érémitique, mon âme, pourtant, « exalte le Seigneur » chaque matin, à tout instant, en la seule raison des mystères de notre foi.

Et sans autre considération, commençons cette méditation de nos mystères chrétiens, « christiques », en tant qu’ils sont tous centrés sur le Christ pour notre gloire et la gloire de Dieu le Père .

Première Médiation : du décret de l’Incarnation-Rédemptrice.


Au commencement de cette méditation, il serait bon que vous vous représentiez Dieu, notre Créateur et Seigneur tel que Saint Jean nous le décrit, dans l’Apocalypse, plein de majesté, assis sur un trône environné de l’arc-en-ciel : « Aussitôt je fus ravi en esprit ; et voici qu’un trône était dressé dans le ciel, et sur ce trône quelqu’un était assis. Celui qui était assis avait un aspect semblable à la pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était entouré d’un arc-en-ciel, d’une apparence semblable à l’émeraude ». (Apoc ; 4 2-3), symbole de son infinie miséricorde, de sa bonté, de sa sagesse, de sa puissance sans bornes : ce sont les qualités avec lesquelles Il gouverne toutes choses et remédie efficacement à nos misères.

Cette bonté essentielle de Dieu me permet de m’approcher, « de ce trône de la grâce », comme le dit Saint Paul, sans crainte, « avec confiance espérant y recevoir miséricorde et d’y trouver le secours dans le temps favorable » ( Heb 4 16)

Je regarderai également le monde et tous les hommes, et moi-même au milieu d’eux, avec les marques du péché d’Adam, éloignés de Dieu, courbés sous le poids du travail, de la misère, de la haine, des guerres, de la mort, et de toute façon semblables à ce voyageur qui tomba entre les mains des voleurs sur le chemin de Jéricho : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ; il tomba entre les mains des brigands qui le dépouillèrent, et l’ayant chargé de coups, se retirèrent le laissant à demi mort » (lc 10 30)

Les trois divines Personnes regardent avec compassion tant de malheurs et délibèrent sur le moyen de les secourir et de les sauver.

A – Dieu et « l’économie de salut ».

Car Dieu veut en effet que « tous les hommes soient sauvés » (1 Tim 2 3)
Voilà le propos divin que Saint Paul appelle « le mystère de piété ».

Le père Spicq, dans son livre « spiritualité sacerdotale selon saint Paul » définit ce propos divin, ce « mystère de piété » en ces termes :

« La sagesse divine qui est une providence surtout dans l’ordre du salut (Rm 11 33 ; 16 27) a conçu le dessein de sauver tous les hommes et elle a constitué, « prédéterminé, tout un plan de réalisation et de promulgation de ce salut ». C’est le mystère du bon vouloir divin et cette volonté divine ne s’est décidée que d’après son bon plaisir (Eph 1 9). Ce propos sauveur que Dieu s’est fixé de toute éternité, selon une initiative par conséquent absolument gratuite, a été tu (Rm 16 25) caché aux siècles et aux générations passées (1 Cor 2 7) ; il est par sa nature inconnaissable aux hommes aussi bien qu’aux êtres célestes, aussi longtemps qu’il n’est pas manifesté (Eph 3 5). Ce dessein rédempteur est donc essentiellement un mystère, c’est-à-dire un secret, une connaissance réservée, la propriété de Dieu, le créateur de toutes choses. Ce n’est qu’à la plénitude des temps, à l’âge messianique qui clôt l’histoire de l’humanité que Dieu en a décrété l’exécution et la révélation ((Eph 1 10)

Révéler ce mystère c’est donc parler de la sagesse de Dieu, l’objet de la théologie chrétienne.

Ainsi donc Dieu veut manifester, par pure gratuité, son infinie miséricorde à l’égard du genre humain déchu en Adam. Il veut le retirer de l’abîme dans lequel il était tombé en Adam, en lui offrant le moyen d’obtenir le pardon des péchés.

La miséricorde de Dieu ne brille en rien plus vivement que dans le pardon des offenses et dans la compassion qu’il a pour ses propres ennemis. Il a fait cela envers les hommes, comme nous l’enseigne Saint Paul, lorsqu’il dit : « Dieu a fait paraître sa bonté et son amour à notre égard en nous sauvant, non à cause des œuvres de justice que nous avions faites mais par sa seule miséricorde » (Tit 3 4)

Pourrions-nous alors ne pas rendre à ce Seigneur et Maître mille actions de grâces, nous qui étions des créatures viles, ennemies, dignes d’être abandonnés à sa justice et qui pourtant avons trouvé auprès de sa miséricorde un asile de gloire.

« O Dieu de miséricorde, qui sans aucun mérite de notre part, nous avez pardonné de notre désobéissance comment pourrons-nous assez reconnaître ce si grand bienfait. Au moins que mon âme brûle de votre amour en chantant votre miséricorde ».


B – Le contenu du Mystère ou le moyen du salut

Ce mystère, autrement dit, cette sagesse divine, est « pour notre gloire » : c’est le salut. Il a pour objet la vie éternelle qui commence dès ici-bas par la connaissance de la vérité et comme un récompense de l’amour qu’on a pour Dieu.
Le contenu de ce mystère, du secret divin, c’est le bonheur du ciel.

Et pour ce faire, Dieu décréta que la seconde des trois Personnes divines, qui est le Fils de Dieu, se ferait homme pour réaliser ce plan divin : le salut des hommes.

Dès lors, il faut dire que le Christ Jésus, le Verbe de Dieu fait chair, est au centre de ce dessein divin. Vers lui tout converge. Donc le mystère de salut, c’est le Christ. Il s’agit de la personne même du Seigneur, de son avènement sur la terre, de son rôle salutaire, de sa passion, de tous les biens qu’il communique aux hommes – ce que Saint Paul appelle ses « richesses insondables » (Eph 3 8) et particulièrement l’espérance du Ciel . D’ou l’expression : le Christ en vous l’espérance de la gloire ». (Col 1 27)
Le Christ est donc visiblement l’expression et comme le porteur de la sagesse cachée de Dieu (1 Cor 1 24) ; il la notifie, il en exécute le dessein salvifique. De fait, si Dieu veut sauver les hommes et les faire parvenir au ciel, c’est le Christ qui est le sauveur de l’humanité, l’unique médiateur, obtenant pour tous ses frères en humanité la vie éternelle.

Et l’un des aspect de ce mystère sur lequel Saint Paul insiste davantage c’est l’appel des païens à la foi au Christ et au salut. La doxologie de l’épître aux Romains signale expressément cette vocation de toutes les nations : Rm 16 25-27.
Dieu veut les faire participer par la foi aux biens du salut communiqués par le Christ
L’épître aux Ephésiens précise que les païens sont admis au même héritage que le peuple élu, donc sont admis à posséder les mêmes dons spirituels ; à construire avec eux un même corps, donc à participer à une même Eglise ; enfin à bénéficier des mêmes promesses, donc à n’avoir qu’un seul et même esprit : Eph 3 3-6 (cf également Col 1 27)
Ainsi la formule la plus compréhensible du mystère est donnée par Eph 1 10 où il est dit que Dieu s’est proposé de « tout réunir dans le Christ ». Dans son dessein de salut, le Dieu éternel a décrété que le Christ serait le centre, le lien vivant, le principe de convergence, d’harmonie et d’unité de toutes les créatures quelles qu’elles soient, terrestres, humaines et célestes

Ainsi pour saint Paul il est clair que toutes ces notions de mystère, de salut, de Christ, d’Evangile, d’ Eglise coïncident toutes, elles ont même objet, elles recouvrent les mêmes réalités. Elles sont unies dans le dessein éternel de Dieu en faveur de l’humanité. Elles sont comme les composantes du mystère. Donc le Christ, son avènement, sa médiation, ses dons , le succès de son œuvre, ce sont les éléments composants du mystère, c’est l’objet même de l’Evangile, le thème central de la prédication, le dépôt dont l’Eglise a la garde.

Donc y adhérer par la foi, c’est s’insérer dans le plan du salut et obtenir la vie éternelle

Dès lors la seule prédication possible pour l’Eglise et pour le prêtre c’est de prêcher le Christ. Alors on comprend Saint Paul demandant : « Priez pour tous les saints et pour moi, afin qu’il me soit donné d’ouvrir les lèvres et de prêcher avec liberté le mystère de l’Evangile à l’égard duquel je fais fonction d’ambassadeur ». Eph 6 18-20.

C – La révélation du mystère

Jusqu’à l’apparition du Christ sur terre, le mystère divin fut caché. Ce temps de silence fut toutefois interrompu, encore que faiblement et plus ou moins indistinctement, par des révélations prophétiques ; si bien que les apôtres de la Loi Nouvelle pourront se servir de ces écrits inspirés dans leur prédication relative au Christ (Rm 1 2 ; 16 27). Mais maintenant la plénitude des temps étant accomplie, Dieu, par bienveillance(Eph 1 10) a voulu révéler son secret par son Esprit (2 Cor 2 10 lequel est un principe de connaissance et qui communique la sagesse divine concernant le Christ (Jn 14 26). Il a donné à cette divulgation la plus grande publicité possible ; il met en lumière, annonce, manifeste. Et voici que ce mystère qui, de sa nature, est essentiellement un secret, est mis constamment en relation avec les termes de révélation (Rm 16 25 Eph 3 3) révéler (1 Cor 2 10 Eph 3 5) manifester (Rm 1- 26 Col 1 26) faire connaître, illuminer : le secret divin est manifesté dans le monde, vu par les anges, attesté aux païens, cru dans l’univers entier (1 Tim 3 1) ….. » (Spiritualité sacerdotale p 16-23)

Ainsi donc, Dieu ne voulut pas employer à cette grande œuvre du salut une simple créature, ni ange ni homme. Mais il voulut rien moins que le Fils de Dieu se fit homme pour sauver l’homme. Ainsi il est vrai de dire que Dieu ne pouvait nous donner ni un Sauveur plus puissant, ni un remède plus efficace, ni une rédemption plus abondante ; et que, « où il y a eu, comme dit Saint Paul, une abondance de péchés, il y a eu ensuite une surabondance de grâces ». (Rm 5 20)

Ainsi le Verbe divin, égal en grandeur et en majesté, ne refusa point de s’anéantir, dit Saint Paul, en prenant la forme de serviteur (Phil 2 7). Il se revêtit de la nature mortelle et passible de son propre ennemi, l’homme. Il l’unit à la sienne en unité de personne pour arracher toute la nature humaine du malheur dans lequel elle était tombée, et l’élever par sa grâce, au plus haut point de la gloire : la vie éternelle. Ainsi Dieu s’est-il fait homme pour que l’homme devint Dieu par participation. C’est la pensée de saint Augustin.

Alors il est normal que ce décret divin de salut me jette
- d’abord dans l’étonnement,
- puis dans l’exaltation de la bonté et de la miséricorde de Dieu et qu’avec Moïse je chante cette bonté de Dieu : « Souverain Dominateur, Seigneur Dieu qui êtes plein de compassion et de clémence, patient, riche en miséricorde jusqu’à mille générations ; qui effacez l’iniquité, les crimes et les péchés ; devant qui nul n’est innocent par lui-même » (Ex 34 6),
- et enfin dans l’adoration de ce mystère de l’union de la divinité et de l’humanité chantant ce cantique : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées ; toute la terre est pleine de sa gloire, à cause de la grandeur de sa miséricorde » ( Is 6 2-3)

Et en cette méditation, nous devons en arriver finalement à professer les perfections infinies de Dieu
D’abord sa bonté infinie qu’Il manifesta en se communiquant lui-même à l’homme autant qu’il lui était possible de le faire , c’est à dire en lui donnant sa propre personne et en contractant par ce moyen une alliance réelle avec toute la nature humaine.

Puis sa Charité qu’Il manifesta en s’unissant notre nature d’une union si étroite que l’homme et Dieu par l’Incarnation ne sont qu’un ; afin que tous les hommes fussent une même chose avec Dieu par union d’amour. C’est dans cette vue que Dieu a donné librement et gratuitement ce qu’il aimait et ce qu’il estimait le plus, je veux dire son Fils et avec Lui toutes ses richesses

Sa miséricorde qu’ Il manifesta en l’unissant d’une manière merveilleuse à sa justice. Car, d’un côté, la miséricorde ne pouvait rien faire de plus que d’envoyer ce Fils bien aimé pour nous racheter lui-même en personne. D’un autre côté, la justice ne pouvait se montrer plus rigoureuse qu’en exigeant de l’Homme Dieu le paiement entier de toutes nos dettes, l’obligeant à souffrir la mort que nos péchés avaient méritée. C’est ainsi la miséricorde qui applique à tous les hommes la satisfaction que l’Homme-Dieu a faite à la justice.

Sa Sagesse qu’ Il manifesta en trouvant le moyen d’unir deux choses infiniment éloignées, Dieu et l’homme : l’un éternel, l’autre né dans le temps ; l’un impassible, l’autre passible. Par cette même sagesse, Il a découvert le secret d’accorder tellement sa miséricorde et sa justice que celle-la nous pardonne nos péchés sans porter préjudice aux droits de celle-ci.

Mais aussi sa Puissance qu’Il manifesta en la déployant au suprême degré pour honorer et enrichir l’homme ; car entre toutes les œuvres divines, il n’y en a point de plus grande que celle de Dieu fait homme.

Et enfin sa Sainteté qu’Il manifesta en la représentant au vif dans son Verbe incarné. Modèle visible et achevé de toutes les vertus, Il nous entraîne par son exemple à les imiter et Il nous aide à le faire par sa grâce. En effet si Dieu aime ainsi tous les hommes, qui n’aimera son prochain ? Si Dieu s’humilie qui osera s’enorgueillir ? Si Dieu souffre et est patient, l’homme refusera-t-il d’être patient et de souffrir ? Si Dieu est obéissant, comme l’homme pourra-t-il ne pas obéir ?

Voilà tout ce mystère qui m’oblige à louer Dieu tout le jour, à l’aimer en retour, à le servir le mieux possible. Si Dieu, avant de se faire homme, nous dit Saint Bernard dans son merveilleux petit traité de « l’ Amour de Dieu » ( ch. 2) nous demandait déjà de l’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toutes nos forces ; à combien plus forte raison exigera-t-il maintenant de moi ce degré d’amour et de ferveur dans ce service

A l’issue de cette méditation, on vibrera aux paroles de saint Bernard :

« Celui qui fait toutes ces réflexions, voit clairement, je crois, pourquoi l’on doit aimer Dieu, c’est-à-dire quel amour Dieu mérite…Mais moi…je suis redevable de cet amour, puisque non seulement je considère mon Dieu comme celui qui gratuitement m’a donné la vie, qui s’en est fait le généreux ordonnateur, le doux consolateur et le guide attentif ; puisque en outre je vois en lui mon Sauveur, celui qui pour l’éternité a la bonté de conserver ma vie, de l’accomplir et de l’introduire dans la gloire. Il est écrit : « Son rachat est très abondant et Il est entré une fois pour toutes dans le Sanctuaire, après avoir acquis une rédemption éternelle ». Et au sujet de la conservation : « Il n’abandonnera pas ses saints, qui seront gardés pour l’éternité ». Et pour l’abondance : « Ils verseront dans votre sein une bonne mesure, pressée, tassée » et ailleurs : « l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, le cœur de l’homme n’a pas compris ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment ». Quant à la glorification : « Nous attendons le sauveur, Notre Seigneur Jésus-Christ qui refera le corps de notre humilité en le conformant au corps de sa splendeur… »

Que rendrai-je au Seigneur, en échange de toutes ces grâces ? La raison et l’équité naturelle veulent que je me donne tout entier à celui dont je tiens tout ce que je suis et m’enjoignent de l’aimer de tout mon être. Mais la foi m’enseigne que je dois l’aimer d’autant plus que je comprends mieux à quel point il est au-dessus de moi : car je sais qu’il m’a donné non seulement mon être, mais par surcroît le sien propre. Car enfin le temps de la foi n’était pas encore venu, Dieu ne s’était pas encore manifesté dans la chair, n’était pas mort sur la croix, sorti du tombeau, retourné auprès de son Père : il n’avait pas encore donné toutes ces marques du très grand amour dont nous avons parlé longuement tout à l’heure, et déjà l’homme avait reçu le commandement d’aimer le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de toute son âme de toutes ses forces, c’est-à-dire de tout ce qu’il est, sait et peut. Dieu cependant ne se montrait pas injuste en réclamant dès lors son oeuvre et ses dons. Comment l’ouvrage, s’il est doué de la faculté d’aimer, n’aimerait-il pas l’artisan qui l’a fait ? Et pourquoi ne l’aimerait-il pas de toutes ses forces, alors que ce pouvoir d’aimer lui vient encore de ce même artisan ? De plus, il a été tiré du néant, par pure bonté, et élevé à la plus haute dignité ; cela rend plus évidente la dette d’amour et plus stricte l’obligation de s’en acquitter. Et puis Dieu a ajouté immensément à ses bienfaits envers nous, lorsqu’il sauva le hommes par la surabondance de sa grâce. …Si déjà je me dois tout entier pour prix de ma création qu’ajouterai-je en échange de ma réparation et surtout de cette réparation là ? Il n’a pas été aussi facile de me refaire que de me faire. Il est écrit, non seulement à mon sujet, mais à propos de tout ce qui a été créé : Il dit, et les choses furent faites. Mais celui qui pour me faire n’a eu besoin que d’une seule parole, a dû, pour me refaire, en prononcer beaucoup et accomplir des actes miraculeux et subir de dures peines , non seulement dures, mais indignes de lui. Que rendrai-je donc au Seigneur en échange de tout ce qu’il m’a donné ? Dans sa première œuvre, il m’a donné à moi et, en, me donnant, il m’a rendu à moi-même. Donc donné, puis rendu, je me dois pour prix de moi-même, et je me dois deux fois. Mais que vais-je rendre à Dieu pour prix de lui-même ? Quand je pourrai me rendre mille fois, que suis-je en comparaison de Dieu ? » (Saint Bernard « L’amour de Dieu » ch. V)


 


II- Le sacrement de l’Eucharistie

Dans l’article précédent, (III 75 1), nous avons vu que saint Thomas fondait le dogme de la présence réelle de Notre Seigneur dans l’Eucharistie sur les seules paroles évangéliques : « Ceci est mon corps, Ceci est mon sang », autrement dit, sur l’autorité de Dieu se révélant. C’est le motif formel de la foi. Les paroles du Christ sont formelles ; et l’autorité de l’Eglise ne laisse aucun doute possible.

Nous avons vu aussi que, dans le corps de l’article, Saint Thomas montrait seulement la haute convenance de cette présence réelle par trois raisons sublimes tirées :

-l’une, de la perfection de la loi nouvelle : « Hoc conveniens est primo quidem, perfectioni novae legis », tout étant mené à son perfectionnement, comme les sacrifices de l’Ancien Testament,

-la seconde, de la merveilleuse charité du Christ, le propre de l’amour exigeant la présence de l’aimé, « secundo hoc competit caritati Christi »,

-et la troisième, en raison de la perfection de la foi, le mystère de la présence de NSJC dans l’Eucharistie la provoquant ou la nourrissant, ou l’actualisant. « Tertio, hoc compétit perfectioni fidei ».

Mais si le corps et le sang du Christ sont là, désormais, après la consécration, qu’en est-il du pain et du vin qui s’y trouvaient précédemment ? Devons nous dire qu’ils s’y trouvent toujours ? Y demeurent-ils encore ? Que faut-il dire à ce sujet ? Quelle est sur ce point la vérité catholique ?

Saint Thomas va nous répondre dans cet article 2 ?

Article II : si, dans ce sacrement, demeure la substance du pain et du vin après la consécration ?

Saint Thomas, dans le corps de l’article, nous avertit que « d’aucuns ont affirmé qu’après la consécration, la substance du pain et du vin demeurait dans ce sacrement », « Quidem posuerunt post consecrationem substantiam panis et vini in hoc sacramentuo remanere »

Ce sera la position un jour de Luther que l’Eglise, au Concile de Trente, trois siècles plus tard condamnera en empruntant les paroles même de saint Thomas.

Saint Thomas d’Aquin s’oppose catégoriquement à cette « opinion » qu’on appelle aujourd’hui «impanation ». « Sed haec positio stare non potest ». L’affirmation de Saint Thomas est absolue. Pour saint Thomas, « on ne peut tenir une telle position ». Le verbe « stare » est très fort.
Pourquoi ?

Parce qu’un telle « position », c’est son mot, détruit fondamentalement « la vérité de ce sacrement », à savoir la présence réelle du Christ dans ce sacrement. La conséquence est d’importance. Si vous dites que la substance du pain et du vin demeure dans ce sacrement après la consécration, du même coup et par le fait même, que vous le vouliez ou non, vous dites que le vrai corps du Christ n’existe pas dans ce sacrement. Un telle « position » est donc la négation purement et simplement de la présence réelle, établie pourtant à l’article précédent. « Haec positio stare non potest…quia per hanc positionem tollitur veritas huius sacramenti, ad quam pertinet ut verum corpus Christi in hoc sacramento existat ».

Saint Thomas nous donne quatre raisons :

La première raison est parfaitement logique. Elle est fondée sur des évidences relatives à tout mouvement local d’un corps physique.

Voici l’argument de Saint Thomas : « Le corps du Christ n’est point là » sur l’autel, « dans le sacrement du pain et du vin eucharistiques », avant la consécration. « Si donc il s’y trouve après » - et la foi nous dit qu’il s’y trouve en effet après la consécration - il faut en trouver la raison, la cause.

Or « il ne se peut pas qu’une chose » d’ordre corporel, « soit en quelque lieu où d’abord il n’était pas, si ce n’est parce qu’il aura changé de lieu, ou parce qu’une autre chose qui s’y trouvait « aura été changé en elle ». « Non aliquid potest esse alicubi ubi prius non erat nisi per loci mutationem, vel per alterius conversionem in ipsum ».

Deux choses l’une : une chose se trouve dans un lieu où avant, elle ne se trouvait pas ou par mouvement local de la chose elle-même, ou par le changement de la chose présente en l’autre chose préalablement absente.

Saint Thomas donne un exemple : « c’est ainsi que dans une maison, du feu commence à s’y trouver, ou bien parce qu’on l’y aura transporté d’ailleurs ou bien parce qu’on l’y aura fait ».

Cet exemple ne s’appliquera qu’en partie dans le cas du corps du Christ rendu présent sur l’autel par le changement du pain en lui ; le corps du Christ, en effet, n’aura pas à être fait purement et simplement, puisqu’il était déjà ; il n’aura qu’à être fait là, puisqu’auparavant il n’était pas de là et que maintenant il est là.

Il faut donc pour expliquer la présence nouvelle du corps et du sang du Christ dans le pain et le vin eucharistiques après la consécration,
- ou bien que le corps du Christ soit venu là parce qu’il aura changé de place ou de lieu et que du ciel où il était auparavant, avant la consécration, il sera descendu sur l’autel
- ou bien que le pain et le vin qui étaient là sur l’autel aient été changés au corps et au sang du Christ.

La première solution est absolument impossible : « manifestus est autem quod corpus Christi non incipit esse in hoc sacramento per motum localem »., dit Saint Thomas.

Et pourquoi ?

Qu’on veuille bien y porter toute attention. La réponse de Saint Thomas est capitale. Elle coupe court à toutes les imaginations qu’une fausse conception du dogme de l’Eucharistie mêle trop souvent, même chez les meilleures personnes, à la pure vérité catholique. Ils sont si nombreux ceux qui s’en vont répétant, sans prendre garde au sens métaphorique de ces expressions, qu’au moment de la consécration le Christ descend du Ciel sur l’autel. C’est là une expression qui n’est vraie qu’au sens métaphorique. Entendue au sens propre, elle est une erreur que Saint Thomas condamne ici avec la dernière énergie.

Donc il est évident que le corps du Christ ne peut commencer à être dans ce sacrement par mouvement local, « per motum localem ». Saint Thomas nous en donne trois raisons

a-D’abord « parce qu’il s’en suivrait qu’il cesserait d’être au ciel » « Quia sequeretur quod desineret esse in caelo ».

Ce qui en effet se meut d’un mouvement local ne parvient d’une façon nouvelle, en quelque lieu où il n’était pas auparavant, tandis qu’auparavant il était dans un autre lieu, « qu’en quittant le premier » lieu où il était d’abord
Ensuite « parce que tout corps qui se meut d’un mouvement local passe par tous les milieux » qui séparent le premier où il était du second où il se trouve ensuite : tout mouvement local d’un corps en mouvement est, en effet un mouvement continu qui doit parcourir tout l’espace qui séparent les deux points extrêmes, « or ici dans le cas du corps du Christ rendu présent sur l’autel, on ne peut rien dire de semblable », « quod hic dici non potest ».

Il n’est pas vrai en effet, que le corps du Christ traverse les espaces célestes pour venir,du ciel où Il était, sur l’autel où il commence d’être après la consécration. S’il en était ainsi en effet tout ne se passerait pas en un instant, ici, comme nous verrons que cela se fait.

Enfin « parce qu’il est impossible qu’un seul et même mouvement d’un même corps se mouvant d’un mouvement local se termine simultanément à divers lieux ; alors que cependant le corps du Christ commence d’être dans ce sacrement simultanément en plusieurs lieux », c’est-à-dire sur tous les points de la terre où se célèbre au même moment le sacrement de l’Eucharistie.

Ainsi vous voyez que c’est bien en raison de ce qui constitue l’essence même du mouvement local d’un corps se mouvant que Saint Thomas rejette de façon la plus absolue la première hypothèse : à savoir la présence réelle du corps du Christ dans l’Eucharistie par quelque chose ayant trait au mouvement local. C’est clair.

Comme le dit très bien le Père Pègues : « Tout mouvement local, pour un corps qui se meut de ce mouvement, comprend essentiellement un point de départ, un trajet, un point d’arrivée. Or, dans le fait du corps du Christ rendu présent sur l’autel par la consécration, il ne peut y avoir - d’ordre de mouvement local - ni point de départ, ni trajet, ni point d’arrivée. Donc il est absolument impossible d’en appeler ici à un changement du côté du corps du Christ venant sur l’autel par mode de mouvement local. Du même coup sont écartés, manifestement, tous ces modes d’explication dont le nom seul implique, qu’on le veuille ou non, le concept de mouvement local ». (p.82)

Dès lors ce n’est pas du côté du corps du Christ présent au ciel depuis le jour de l’Ascension et en supposant un changement quelconque de sa part, par exemple dans sa forme, que nous devons chercher la raison de sa présence nouvelle sur l’autel dans le sacrement de l’Eucharistie après la consécration.

La première hypothèse doit donc être écartée absolument. Notre Seigneur n’est pas présent ici dans ce sacrement, la consécration faite, par simple mouvement local. Ce n’est pas possible. Ce serait incohérent.

La deuxième hypothèse s’impose donc nécessairement.

Saint Thomas est formel : « Et c’est pourquoi il demeure que le corps du Christ ne peut en aucune autre manière commencer d’être de nouveau dans ce sacrement » , après la consécration, alors qu’auparavant il n’y était pas, « si ce n’est par la conversion », par le changement, « de la substance du pain en lui ». « Et propter hoc relinquitur quod non possit aliter corpus Christi incipere esse de novo in hoc sacramento nisi per conversionem substantiae panis in ipsum ».

« Or, poursuit saint Thomas, ce qui est changé en quelque chose, quand le changement est fait, ne demeure plus. Donc il reste que, si l’on veut sauver la vérité de ce sacrement, la substance du pain après la consécration ne peut demeurer ».

Ainsi pour Saint Thomas, la vérité du dogme catholique, la vérité de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie ne peut être sauvée -« salva veritate huius sacramenti » - et rien de moins - ne peut être gardée, conservée que par le changement de la substance du pain et de la substance du vin au corps et au sang du Christ. Si donc on supprime dans les explications données du mystère, ce changement, cette « conversio », si on le compromet, si on le nie, c’est tout le dogme de la présence réelle du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie, que l’on ruine.

C’est dire l’importance de bien comprendre cette première raison que nous donne saint Thomas.

Il en donne trois autres.

Voyons les rapidement.

b- La deuxième raison est que cette position, à savoir celle qui affirme que la substance du pain et du vin demeure, la consécration faite, « est qu’elle est contraire absolument à la forme de ce sacrement qui nous fait dire : « Hoc est corpus meus », « Ceci est mon corps ». Ce qui ne serait pas vraie si la substance du pain demeurait là. Jamais en effet on pourrait dire , en toute vérité, que la substance du pain est le corps du Christ. Jamais la substance du pain peut être dite le corps du Christ. C’est l’évidence même. Il faudrait dire bien plutôt : « Ici est le corps du Christ ». Mais le Christ Jésus n’a pas dit : « Ici est mon corps », mais bien « Ceci est mon corps ». Ergo.

c- La troisième raison qui rend impossible le maintien de la substance du pain et du vin dans le sacrement de l’Eucharistie, la consécration faite, est que cette position serait contraire à la vénération de ce sacrement. Il ne permettrait que l’on puisse entourer l’Eucharistie de l’adoration de latrie due à Dieu seul, comme on le fait dans la pratique de l’Eglise. On commettrait bien au contraire une véritable idolâtrie. « Tertio, quia contrariaretur venerationi huius sacramenti, si aliqua substantia esset ibi quae non posset adorai adorationé latriae ».

d- Enfin, une quatrième raison est que cette affirmation serait contraire au rite de l’Eglise, selon lequel après avoir pris une nourriture corporelle, il n’est point permis de prendre le corps du Christ ; alors que cependant après une hostie consacrée on peut de nouveau communier, comme le fait, par exemple, le prêtre le jour de Noël ou le 2 Novembre pour la commémoraison des défunts.

Et Saint Thomas de conclure après toutes ces raisons dont la première est capitale : « Aussi bien cette position », affirmant que la substance du pain et du vin demeure après la consécration, « doit être évitée comme hérétique ». « Unde haec positio vitanda est tanquam haeretica ».

Le Concile de Trente, trois siècles après, n’a fait que reprendre l’affirmation de Saint Thomas : « Si quelqu’un dit que dans le très saint sacrement de l’Eucharistie demeure la substance du pain et du vin ensemble avec le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ…qu’il soit anathème ». (Sess. 13, can 2).

 

III - Les cardinaux Médina et Stickler

 

Deux merveilleux textes de cardinaux, le cardinal Stickler et le cardinal Médina, nous ont apporté un peu de joie et de baumes au cœur, en cette fin d’année 2004.

Il faut les lire et les faire connaître.

A – D’abord, celui du cardinal Stickler.

Le cardinal vient de donner une magnifique lettre-préface d’encouragement et d’approbation à la très heureuse initiative de « Renaissance Catholique » de re-diffuser en France le « Bref Examen Critique » du « Nouvel Ordo Missae » présenté au Souverain Pontife Paul VI, par les cardinaux Ottaviani et Bacci.

C’est merveilleux !

Cela permettra aux prêtres d’avoir la bonne lecture et la bonne interprétation de « la réforme liturgique issue du Concile Vatican II » et du texte introductif : l’ « Institutio generalis Missalis romani » publié par la Constitution « Missale Romanum », le 3 avril 1969. Cette initiative tombe bien : juste au moment où l’épiscopat français fait traduire en français ce document pour en faciliter sa compréhension. Les prêtres auront ainsi en main la bonne intelligence du texte qui a présidé à la réforme liturgique !.

Ils sauront, en plus, la pensée du cardinal Stickler sur cette réforme. Elle risque d’en indisposer plus d’uns. C’est même surprenant qu’il puisse parler ainsi ! Ces successeurs auront bien du pain sur la planche…pour procéder à la nécessaire réforme de la Réforme…

« Cité du Vatican,
le 27 novembre 2004


Chers amis,

Vous désirez réaliser une nouvelle édition du célèbre « Bref examen critique du nouvel ordo Missae des cardinaux Ottaviani et Bacci.
Je ne puis que vous y encourager vivement et je bénis votre entreprise pour qu’elle aboutisse à faire connaître au plus grand nombre ce texte important.

En effet, l’analyse du « Novus Ordo » faite par ces deux cardinaux n’a rien perdu de sa valeur ni, malheureusement, de son actualité.

( NDLR : il faut préciser que ce texte du « Bref examen critique » n’est pas de la plume de ces deux cardinaux. Ils n’ont fait que le présenter au pape Paul VI avec une lettre fameuse d’accompagnment)

Membre de commissions préparatoires du concile et expert en liturgie au II ième Concile du Vatican, j’ai moi-même vécu de très près les profonds bouleversements qui ont suivi la réforme liturgique.

Le décret « Sacrasanctum Concilium » suggérait une réforme comme on l’entend au sein de l’Eglise catholique, et non un bouleversement accompagné d’une fabrication hâtive de nouveaux rituels. Ces innovations ouvraient trop grande la voie à ceux qui, peut-être sans le vouloir consciemment, feront entrer, comme l’a dit notre pape Paul VI, les « fumées de Satan » dans l’Eglise.

Les résultats de la reforme sont jugés dévastateurs par beaucoup aujourd’hui. Ce fut le mérite des cardinaux Ottaviani et Bacci de découvrir très vite que la modification des rites aboutissait à un changement fondamental de la doctrine.

Heureusement, la Messe romaine latine dite de saint Pie V n’a jamais été interdite : les prêtres et les fidèles peuvent toujours puiser à la source de la « lex orandi » et ainsi vivre fidèlement la « lex credendi ».

Il est donc louable et utile, comme vous le désirez, de faire de nouveau entendre, trente-cinq ans après, la voix de ces deux princes de l’Eglise, défenseurs de la doctrine, de la Tradition catholique et de la Papauté.

Croyez, chers amis, à l’assurance de ma paternelle bénédiction et de mes prières auprès du tombeau de saint Pierre ».

Alfons Maria card Stickler.


B – Ensuite, le cardinal Medina


Le cardinal Médina, ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin, vient d’écrire un beau texte sur le sacrifice eucharistique. La « Nef » de janvier 2005 vient de le diffuser. En cette année eucharistique, il faut le faire connaître.
Voilà un très beau et simple rappel de la doctrine catholique sur le « sacrifice eucharistique ». Voilà un beau texte qui pourrait très heureusement inspirer ceux qui devront demain travailler à la réforme de la « réforme liturgique ». Merci au cardinal. Nous l’assurons de notre prière reconnaissante !

Voici le texte, A lire et à faire lire.

« Le mystère eucharistique comprend trois aspects ou dimensions qui sont à la fois unis entre eux et inséparables :
1) l’aspect sacrificiel, mis en évidence dans les récits de l’institution ;
2) l’aspect de communion avec le Christ, souligné dans le discours de Capharnaüm et les récits de l’institution ;
3) l’aspect de présence substantielle du Christ, mis en évidence dans les récits de l’institution et dans le discours de Capharnaüm. On trouve un accent spécial de ce dernier aspect dans le récit de l’institution relaté en 1 Cor 11 27.

Le fait d’isoler un aspect ou une dimension par rapport aux autres a pour effet d’appauvrir le contenu total et organique du mystère eucharistique. Si ce même isolement porte à une négation, théorique ou seulement pratique du mystère eucharistique, nous sommes en présence d’une idée fausse hétérodoxe.

Parmi ces diverses dimensions, on peut se demander laquelle est prioritaire sur le plan ontologique, tout en incluant certainement les deux autres.

Il existe des raisons valides pour affirmer que la dimension originaire est celle du sacrifice. On trouve aussi quelques textes du Magistère qui illustrent clairement le contenu de la doctrine de l’Eglise à ce sujet.

La notion de « sacrifice ».

Qu’est-ce qu’un sacrifice ?
C’est un acte rituel symbolique, dans lequel, par le moyen d’une offrande, celui qui offre exprime son attitude d’adoration envers Dieu, e, le reconnaissant comme l’unique absolu et nécessaire, comme Celui duquel sa propre existence en tant que créature tire son origine et a sa raison d’être. C’est un acte rituel. Il s’agit d’un rite symbolique qui, pour être véridique, doit être m’expression de la réalité de l’attitude intérieure de celui qui offre le sacrifice. De fait, si l’intériorité n’existe pas, le rite extérieur demeure vide et ne peut être agréé par Dieu.

Toutefois, étant donné que le rite a un caractère symbolique, il est aussi doté d’une force pédagogique, qui porte celui qui offre le sacrifice et dont la disposition intérieure est imparfaite, à purifier et à approfondir son attitude d’adoration vis-à-vis de Dieu.

Le rite sacrificiel s’accomplit à travers une offrande, c’est-à-dire un objet matériel, qui a généralement un lien avec la vie ; elle a pour but d’exprimer l’attitude intérieure de celui qui offre. En effet, par un tel don, celui-ci reconnaît que sa propre vie n’a de consistance qu’en Dieu seul, soit parce que son existence tient de Lui son origine, soit parce qu’il doit faire ses choix en fonction de Lui, soit parce qu’il reconnaît que sa finalité et donc son destin définitif sont en Lui.
Certaines catégories de sacrifice comportent la destruction de l’offrande-victime, afin de mettre en évidence la toute-puissance absolue et la transcendance incomparable de Dieu. Une telle conception du sacrifice est comme un commentaire du « Je suis celui qui suis » (Ex 3 14)

Toutefois, il y a aussi des types de sacrifice où une partie de la victime est remise à celui qui offre ; ce geste veut exprimer le fait que Dieu accepte l’hommage d’adoration de la personne qui offre le sacrifice, et qu’il lui concède une participation à ce qu’il est Lui-même. Ainsi, lz fait de manger une partie de l’offrande équivaut à une affirmation claire de la volonté de celui qui offre le sacrifice, de vivre pour la gloire de Dieu : « Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous moirons pour le Seigneur » (Rm 14 18)

L’Eucharistie est un sacrifice.

Pourtant la célébration eucharistique est un sacrifice relatif qui rend présent l’unique Sacrifice du Christ sur la Croix. En effet, le sacrifice du Christ sur le calvaire ne se multiplie pas : dans la célébration eucharistique, seule sa présence se renouvelle, « s’actualise », se re-présente ».
Dans le Sacrifice du Christ, ce dernier est à la fois Celui qui offre, le prêtre et l’offrande –victime. Cela signifie que, dans ce cas, celui qui offre le sacrifice s’identifie à l’offrande, et que, de plus, l’expression extérieure de l’offrande correspond toujours parfaitement à l’attitude intérieure de Celui qui est le principal offrant.
Ce sacrifice est celui que le Christ a chargé l’Eglise de célébrer rituellement. Afin que cette célébration ne puisse jamais être « vide » et « fausse », Il a établi le rite de telle manière que l’offrande soit Lui-même, c’est-à-dire qu’elle soit vraie, réelle et que, par conséquent, Lui-même soit substantiellement présent sous les espèces eucharistiques. Ces dernières, sous la double figure du pain et du vin, se réfèrent sans équivoque au sacrifice de la Croix. Ainsi, la messe ne peut jamais être « vaine » parce que l’offrande permanente du Christ est présente à chaque célébration. On constate donc combien la présence réelle s’insère dans la nature sacrificielle de la célébration eucharistique.
L’aspect ou la dimension de type « convivial » ou exprimant la « communion » fait partie aussi de la nature sacrificielle de l’Eucharistique : ceux qui offrent le sacrifice mangent la victime ; ils affirment aussi vouloir « avoir les mêmes sentiments que le Christ » (Ph 2 5), « vivre pour le Seigneur » (Rm 14 8), et ne pas mener eux-mêmes leur existence selon l’ « homme ancien », mais vivre pour le Christ en « hommes nouveaux » (Ga 2 20). Par la manducation sacramentelle du pain eucharistique, le Christ transforme celui qui le mange, de telle manière que, comme Lui-même vit pour le Père (Jn 6 57), ainsi celui qui le mange vit par Lui, demeure en Lui, a la vie éternelle dès ce moment et l’a en abondance (Jn 6 53-58)
Etant donné que la présence sacramentelle du Christ dure aussi longtemps que demeurent les espèces eucharistiques, on doit adorer sa présence à la fois vraie réelle et substantielle dans le Sacrement. Cette adoration est intimement liée à la présence sacrificielle du Christ, à son sacrifice sur la Croix, et à notre destinée, qui est de vivre en Lui et pour Lui, consacrés à la gloire du Père, du Fils et de l’Esprit Saint (Cf Ep 1 4-6), sans pour autant oublier que notre offrande, le Christ, et le fruit des entrailles de Marie, et que celle-ci offrit d’une manière unique, la Victime de la Croix, parce que cette Victime éy=tait la chair de sa chair et le sang de son sang.

Dimension, intentions et finalité du sacrifice.

La première finalité de tout sacrifice est d’offrir à la majesté de Dieu un tribut d’adoration, par lequel on reconnaît en Lui l’origine de tout bien et le point de référence absolu de toutes les créatures. Par l’offrande du sacrifice, Dieu est donc reconnu comme l’unique nécessaire, la raison d’être de toute créature, l’infini, le Transcendant, le Tout-Puissant, Celui qui est au-delà de tout et en même temps au cœur de l’intimité la plus profonde de chaque être. L’adoration s’exprime physiquement par l’attitude corporelle de la prostration, c’est-à-dire une sorte d’anéantissement de l’homme devant l’Unique Etre qui peut dire : « Je suis celui qui suis ». L’adoration implique que l’on accepte avec joie que sa propre vie n’a pas d’autres sens que de « vivre en Dieu et pour Dieu », quel que soit le contexte concret de sa propre existence. L’adoration comporte simultanément une attitude d’humble servitude, de service et de confiance filiale.
La louange est très voisine de l’adoration ; elle est l’expression de l’admiration gratuite de l’homme en présence de la grandeur, la majesté, le pouvoir, la beauté, la bonté, l’amour et la miséricorde de Dieu. La louange est un élan gratuit : celui qui loue met sa joie dans la reconnaissance de la plénitude d’être et de beauté, de vérité et de bonté de Dieu. Louer c’est tout à la fois « bénir », « parler bien », reconnaître avec joie la perfection de Dieu. Celui qui loue grandit sur le plan spirituel, et il fait donc l’expérience de l’allégresse et de la joie devant le Bien suprême. La louange suscite en celui qui la pratique une sorte d’ébriété spirituelle, et aussi une contemplation béatifiant, sereine et ineffable de Celui qui est comme un océan infini de lumière, d’harmonie, de beauté et de plénitude.

L’action de grâces

Dieu se communique à nous de multiples manières : il nous donne l’être naturel, il nous octroie sa grâce, il nous accorde son pardon, il nous maintient dans l’existence, il nous insère dans la vie sociale, il nous confère la capacité de transformer ce monde par notre travail, il nous envoie son propre Fils, il nous rassemble dans son Eglise, il nous appelle à la sainteté et il nous accueille à l’issue de notre pèlerinage terrestre dans la béatitude éternelle. La dimension d’action de grâces provient de tout ceci. Si l’adoration et la louange ont pour but la contemplation de Dieu en lui-même, l’action de grâces a pour objet de Le contempler comme la source de toute bonté, qui se communique à chacun de nous gratuitement, non par nécessité mais par un mouvement qui Le porte à nous faire participer à sa plénitude, à nous donner et à se donner. Tout ce que nous sommes et aussi tout ce que nous avons, provient d’un don de Dieu, un don que nous n’avons pas mérité et auquel nous n’avons pas « droit ». l’action de grâces, exprimée dans le sacrifice, est aussi synonyme de reconnaissance, à la fois de notre pauvreté comme créatures de la munificence de Dieu, qui nous donne sans s’appauvrir Lui-même, et qui donne aussi au-delà de ce que nous osons demander ou espérer.

Toutefois, une rupture tragique est intervenue dans la relation entre l’homme et Dieu :le péché. Dans tout péché, on trouve une triple malice : l’orgueil, qui et incompatible avec l’adoration ; l’idolâtrie, qui consiste à mettre quelque chose ou quelqu’un à la place qui ne revient qu’à Dieu seul, et l’adultère, du fait qu’on aime alors quelque chose à côté et au dessus de l’amour dû à Dieu. Le péché est la négation de l’adoration, il rend incapable de louer et il correspond à une suprême ingratitude. Le sacrifice a une dimension propitiatoire ou réparatrice : en effet, grâce à l’adoration, à la louange et à l’action de grâces, le sacrifice contribue à remettre de l’ordre dans la relation, troublée par le péché, entre l’homme et Dieu, et ce rétablissement est concret, et n’équivaut donc pas seulement à un concept. La propitiation ou réparation fait retourner l’homme pécheur à sa « vérité », à son attitude d’adoration en esprit et vérité » (cf Jn 4 24), une attitude qui est elle-même le fruit de la « conversion », qui consiste à « se tourner » vers Celui, qui est « l’unique nécessaire » (cf Lc 10 42)
Le sacrifice « restitue » à Dieu la place qui lui revient dans le cœur de l’homme ; de ce fait, il est une acte de « vérité » profonde. La dimension « réparatrice » restitue à Dieu la louange qui lui est due sous l’aspect de sa miséricorde : ce mot indique l’amour de Dieu qui pardonne à la créature, qui a commis l’erreur tragique de rechercher le bonheur et sa propre réalisation là où il ne pourra jamais la trouver. Ainsi, le fait d’implorer le don du pardon est une manière d’adorer, de louer et de rendre grâces à Dieu ; une telle demande formulée dans la prière, est une occasion nouvelle pour favoriser l’attitude humble de la créature ; celle-ci sui l’exemple du publicain, qui n’osait lever les yeux et qui, prosterné, répétait : « Aie pitié de moi >Seigneur, parce que je suis un pécheur » (Lc 18 13). De même, cette dimension réparatrice, contenue dans le sacrifice du Christ sur la Croix et dans l’offrande eucharistique, signifie ceci : s’il est vrai que Lui, le Christ, n’a jamais commis de péché (cf 8 46), Il s’est néanmoins « fait péché » pour nous, comme Tête de l’humanité pécheresse.
La propitiation ou réparation s’applique autant aux hommes qui sont encore en pèlerinage dans ce monde, qu’aux âmes qui complètent leur ultime purification au purgatoire, avant d’entrer dans la possession définitive du bonheur éternel. On est ici en présence d’une œuvre de grande charité : le sacrifice eucharistique est offert dans sa dimension propitiatoire pour les âmes du purgatoire ; de fait, celle-ci ont encore besoin de purification, et elles peuvent l’obtenir par l’application à elle-mêmes des mérites du Christ qui, sur la Croix, nous a « rachetés »(sauvés) en nous arrachant au pouvoir de Satan, le prince de ce monde ; ce dernier prétend être adoré lui-même (Mt 4 9), en suggérant à l’homme ce grand mensonge qui consiste à vouloir être comme Dieu, arbitre du bien et du mal (cf Gen35)

Une supplication ou imploration

L’homme, dans son indigence, a des nécessités de toutes sortes : matérielles , spirituelles et surnaturelles. L’homme est radicalement un pauvre ; ainsi, la seconde partie du Notre Père fait référence d’une manière concise à ses principales carences. S’il est certain que le sacrifice est une action de grâces pour les biens reçus, il est aussi une supplication ou une imploration pour obtenir ce dont nous avons besoin. En un certain sens, l’imploration est la conséquence et l’expression de l’adoration : en effet, elle est la reconnaissance que l’origine de tout bien se trouve en Dieu seul, et que Lui seul peut remédier à notre indigence. Il est clair que nos besoins les plus profonds sont d’ordre surnaturel : il s’agit des grâces dont nous avons besoin pour accomplir en nous, d’une manière adéquate, la volonté salvifique de Dieu, nous permettant ainsi de participer à la vie éternelle dans son Royaume. Toutefois, nous avons aussi des nécessités d’ordre temporel, qui ne s’opposent pas à nos besoins de nature spirituelle ou surnaturelle : elles se réfèrent en l’occurrence aux biens, entendus comme des moyens ou des instruments, qui nous aident et nous soutiennent dans la recherche du Royaume. Le Père sait ce dont nous avons besoin, mais il est glorifié quand nous demandons ces biens avec une confiance filiale, en reconnaissant ainsi que nous ne sommes pas auto-suffisants, et que Lui seul peut satisfaire les justes aspirations qu’il a mises Lui-même dans nos cœurs. Demander est donc un acte d’humilité et de confiance ; dans le sacrifice eucharistique, nos demandes s’insèrent dans cette offrande du Christ, par qui le Père nous concède tous les biens.

L’Eucharistie, centre de la vie chrétienne

L’Eucharistie est le centre de la vie chrétienne pour les raisons suivantes : elle est le Sacrifice parfait de la Nouvelle Alliance ; elle est la réalité » vivante et présente du sacrifice du Christ sur la Croix ; elle est l’adoration parfaite qui jaillit du Cœur du Christ, Dieu et homme ; elle est la louange de l’Eglise incorporée dans la louange du Christ, qui est toujours actuelle ; elle est l’action de grâces du Christ pour tout ce que, gratuitement, nous avons reçu ; elle est la réparation parfaite pour tous les péchés par lesquels nous avons offensé le Père d’infinie majesté, qui, Lui, est toujours disposé à nous pardonner par les mérites du Sacrifice du Christ sur la Croix. Enfin, grâce à l’Eucharistie, nous pouvons adresser nos prières au Père, afin qu’Il nous accorde Son secours dans notre complète indigence .

La célébration eucharistique est le centre de la vie chrétienne, parce qu’en elle, en recevant le Corps et le Sang du Christ, nous sommes peu à peu transformés en Lui par la grâce sacramentelle, comme enfants du Père, membres du Christ, et temples et demeures de l’Esprit-Saint. Par sa puissance transformatrice, la grâce sacramentelle de l’Eucharistie fait que ce n’est plus nous qui vivons, mais que c’est le Christ qui vit en nous (cf Ga 2 20)
De plus, comme la présence réelle, vraie et substantielle du Christ demeure tant que subsistent les espèces sacramentelles, nous présentons au Christ, c’est-à-dire à Lui-même, qui est sacramentellement présent, notre adoration dans la continuité avec les différentes dimensions et intentions contenues dans la célébration du sacrifice, qui sont symbolisées d’une manière expressive par la séparation des signes du Corps et du sang du rédempteur.

Ainsi, tous les aspects du mystère eucharistique, qui sont centrés dans la dimension ou nature sacrificielle, constituent une unité admirable et organique dont le fruit de grâce est d’approfondir jour après jour notre vocation à la sainteté, pour la louange de la gloire et la grâce de Dieu (Eph 1 4-6)

Le sacrifice, acte individuel ou communautaire

La sainte Ecriture présente des exemples de sacrifices offerts individuellement par des personnes, par des familles, ou par des communautés plus amples. Comme exemples de sacrifices offerts par des personnes individuellement, on peut citer ceux de Caïn et d’Abel, d’Abraham et de job. Parmi ceux qui sont offerts par des familles, il y a celui de Noë, de l’agneau pascal et du père de Samuel, les « victimes pacifiques ». Comme exemples de sacrifices offerts par toute la communauté, on peut citer l’offrande de Moïse au pied du Sinaï, le sacrifice annuel du jour de l’expiation, ceux qu’offrit David quand il transféra l’Arche de l’Alliance, et ceux qu’offrit Salomon, lors de la célébration de la dédicace du Temple de jérusalem. Toutefois, il n’est pas juste d’opposer les aspects « personnel » et « communautaire » : d’une part, toute communauté est formée de personnes ; d’autre part, toute personne est membres d’une communauté, qui conditionne positivement ou négativement, ses options éthiques, et donc ses relations avec Dieu. Dans la foi catholique, la « communion des saints » est la réalité qui rend compte des relations entre les membres du Corps du Christ. Ainsi, tout comme les actes bons accomplis par chaque personne affectent la communauté d’une manière positive , il est tout aussi vrai que les options négatives d’un membre portent préjudice au Corps de l’Eglise, soit en raison de mauvais exemple qui est donné, soit parce que de telles actions privent l’ensemble de la communauté de ces grâces de bien et de sainteté, qui sont utiles à tous ses membres .
En un certain sens, tout sacrifice a une dimension qui affecte la communauté, du fait que la personne humaine est liée d’une manière indissoluble à la communauté dans une relation réciproque de dons et d’accueil de ces mêmes dons.
Le rite sacrificiel n’est jamais privé d’une connotation sociale ; dans le cas de l’Eucharistie, cette connotation est intrinsèque, parce que le Christ Jésus est la Tête de l’Eglise et que c’est Lui qui s’est offert sur la Croix pour la rédemption de tous les hommes. S’il est vrai que la célébration eucharistique est la présence renouvelée du sacrifice du Christ, il est tout autant certain que cette célébration est le sacrifice de l’Eglise, Corps du Christ, qui, avec Lui, par Lui et en Lui, s’offre au Père dans une attitude d’adoration, de louange, d’action de grâces, de réparation, et de supplication. Aucune Messe n’est « privée », même si elle est célébrée quelque fois « en privée » : l’Eglise entière prend part à toute célébration, quelle qu’elle soit ; cela explique que même si des intentions particulières et personnelles sont légitimement présentées, l’acte sacrificiel a avant tout une dimension universelle, comme ce fut le cas pour le sacrifice du Calvaire.
Il est vrai que la participation des autorités temporelles au culte eucharistique a un aspect positif, puisqu’elle est l’expression de leur foi personnelle et de leur reconnaissance de la souveraineté de Dieu et de l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ. Toutefois, si une telle participation fait défaut, cela ne signifie pas que la célébration ne tient pas compte des intérêts du bien commun de la société temporelle ; en effet, ceux-ci ne sont pas indifférents pour ceux qui cheminent sur les voies qui mènent au salut.


En conclusion

Il n’est pas possible de résumer dans quelques pages les richesses infinies et ineffables du mystère eucharistique. Prétendre le contraire serait faire preuve d’une hardiesse bien supérieure à nos propres forces humaines. L’intention de ces réflexions est de montrer la structures d’unité de cette action qui constitue le centre et le sommet de la vie personnelle du Chrétien et de la communauté ecclésiale. On a voulu montrer comment les divers aspects du mystère eucharistique, non seulement sont enchevêtrés les uns dans les autres, mais constituent aussi une unité indissociable et sont la source et la garantie de l’unité intérieure de la vie chrétienne, qui croît dans la communion de l’Eglise, est insérée dans le Christ Sauveur, accueillie sous la protection maternelle de la Vierge Marie , et orientée vers la plénitude de la gloire où « Dieu sera tout en tous » (I Cor 15 28).