Rappel important : Pour la grande famille
des paroissiens sain
Rappel :
votre pèlerinage jubilaire
st Michel. Pensez à vous inscrire
sans retard au pèlerinage jubilaire de Notre Dame du Puy.
J’ai confirmation de la direction
des pèlerinages du Puy, pour le créneau demandé,
soit le samedi 9 juillet de 15 à 17 heures, et la sainte messe
ainsi que le dimanche 10 juillet pour la montée à Saint
Michel d’Aiguilhe, à 9h00 et pour la sainte messe à
Chaspuzac ( près de Loudes) à 11h30 et réservation
de la salle des fêtes du village pour le repas de 13 h.
Inscription : Pour me faciliter l’organisation,
précisez-moi sans retard, au moins votre intention en utilisant
le « contact » installé à cet effet sur la
page verte du site ITEM . Je dois préciser le nombre de pèlerins
le plus tôt possible. Indiquez votre nom, adresse postale, adresse
électronique et téléphone, le nombre de pèlerins
: si vous êtes seul ou en famille, le nombre d’enfants.
Un pèlerinage jubilaire pour
gagner l’indulgence plénière ne se manque pas. Si
proche de chez vous ! Et si rare ! Il n’y en aura que deux au
XXI° siècle : celui de 2005 et 2016. Il faudra ensuite attendre
2157 !
Prix : Pour les personnes adultes, il
faut compter 6 euros qui donne droit au livret du pèlerin à
l’écharpe, à la médaille. Le prix pour enfant
nous sera précisé plus tard. .
Pour votre hébergement, repas
et tourisme, vous pouvez contacter l’office de tourisme du Puy
: tel : 04 71 09 38 41. Site Internet : www.ot.lepuyenvelay.fr
Camping possible à Chaspuzac, vous pouvez trouver de beaux champs
pour « camper ». Me le préciser
Le prix du repas de 13 h, le dimanche 10 juillet 2005 vous sera précisé
ultérieurement, en fonction du nombre.
Bureau du Jubilé 2005 : Maison
de la Providence 4 Bd du docteur Chantemesse 43 Le Puy-en-Velay Accueil
et Information 04 71 07 04 65. Courriel : contact@jubiledupuy.cef.fr
A- La « Sainte Famille
»
Je vous rappelle que vous pouvez trouver
l’homélie que je vous adressais l’an dernier à
l’occasion de la fête de la Sainte Famille, dans les «
archives de la paroisse ». Si vous le voulez, cliquez-ici
En lisant le bréviaire, dimanche
dernier, en la fête de la Sainte Famille, mon attention fut attirée
par la richesses des textes que l’Eglise nous fait lire dans les
« leçons » des « Matines ». J’ai
pensé les porter aussi à votre connaissance.
Dans ces textes, vous trouverez la vraie
« spiritualité » familiale. L’Eglise en a une
haute idée !
a-Dans le premier Nocturne, l’Eglise
nous fait lire l’Epître de Saint Paul aux Colossiens, le
chapitre 3 des versets 12 à 25, puis les deux premiers versets
du chapitre 4.
Lisez et voyez et méditez…les vertus qui doivent régner
dans l’enceinte familiale :
L’Epître de Saint Paul aux
Colossiens :3 12-25 ; 4 1-2
Leçon 1 :« Ainsi donc revêtez-vous
de la charité, qui est le lien de la perfection. Et que la Paix
du Christ, à laquelle vous avez été appelés
de manière à former un seul corps, règne dans vos
cœurs ; soyez reconnaissants. Que la parole du Christ demeure en
vous avec abondance, de telle sorte que vous vous instruisiez et vous
avertissiez les uns les autres en toute sagesse : sous l’inspiration
de la grâce que vos cœurs s’épanchent vers Dieu
en chants, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels
».
Leçon 2 :« Et quoi que
ce soit que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au
nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces
à Dieu le Père. Vous femmes, soyez soumises à vos
maris, comme il convient dans le Seigneur. Vous maris, aimez vos femmes
et ne vous aigrissez pas contre elles. Vous enfants, obéissez
en toutes choses à vos parents, car cela est agréable
dans le Seigneur. Vous pères, n’irritez pas vos enfants,
de peur qu’ils se découragent. »
Leçon 3 : « Vous serviteurs,
obéissez, en tout à vos maîtres selon la chair,
non pas à l’œil et pour plaire aux hommes, mais avec
simplicité de cœur, dans la crainte du Seigneur. Quoi que
vous fassiez, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur, et
non pour les hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur pour récompense
l’héritage céleste. Servez le Seigneur Jésus-Christ.
Car celui qui commet l’injustice recevra selon son injustice,
et il n’y a point d’acception de personnes. Vous maîtres,
rendez à vos serviteurs ce que la justice et l’équité
demandent, sachant que vous aussi vous avez un maître dans le
ciel. Persévérez dans la prière, apportez-y de
la vigilance, avec des actions de grâces ».
b-Dans le deuxième Nocturne,
l’Eglise nous fait lire certains passages d’une Lettre Apostolique
de Léon XIII du 14 juin 1892, sur la Sainte Famille et sa perfection
leçon 4 :« Quand le Dieu
de miséricorde eut décidé de réaliser la
grande œuvre du relèvement de l’humanité, que
les siècles depuis longtemps attendaient, il en disposa l’ordre
et l’économie de telle sorte que les débuts de cette
oeuvre offrirent au monde l’auguste spectacle d’une famille
divinement constituée, en laquelle tous les hommes pussent contempler
l’exemplaire le plus parfait de la société domestique,
ainsi que de toute vertu et sainteté.
Telle fut en effet cette famille de
Nazareth, où, avant de répandre sur toutes les nations
la splendeur de sa pleine lumière, le Soleil de justice, c’est-à-dire
le Christ, Dieu, notre sauveur, demeura caché avec la Vierge
sa Mère et Joseph, l’homme très saint qui remplissait
à l’égard de Jésus la charge paternelle.
Il n’y a pas le moindre doute qu’à raison des louanges
méritées dans la société habituelle de la
vie domestique, par les mutuels services de charité, la sainteté
des mœurs, et l’exercice de la piété familiale,
cette sainte Famille ait brillé d’une souveraine supériorité,
qui devait être pour les autres, un modèle de toutes ces
vertus. Et la Providence l’a ainsi établie, selon son dessein
plein de bonté pour que tous les chrétiens , quelle que
soit leur condition ou leur patrie, puissent facilement, s’ils
tournent vers elle leur attention, avoir une cause et une invitation,
pour la pratique de toute vertu ».
Lecon 5 : « Les pères de
famille trouvent assurément en Joseph une règle incomparable
de la vigilance et de la providence paternelles ; les mères ont
en la très sainte Vierge, Mère de Dieu, un exemple insigne
d’amour, de respect modeste, de soumission d’esprit et de
foi parfaite ; les enfants de la famille ont en Jésus soumis
à ses parents un divin exemple d’obéissance, qu’ils
doivent admirer, vénérer, imiter. Ceux qui sont nés
dans la noblesse doivent apprendre de cette famille de sang royal, à
garder la modération dans la prospérité et la dignité
dans les afflictions ; les riches doivent reconnaître à
son école qu’il faut estimer bien moins les richesses que
les vertus. Quand aux ouvriers et à tous ceux qui sont si amèrement
exaspérés par les soucis angoissants et les trop maigres
ressources de leur état familial, s’ils jettent un regard
sur les membres très saints de cette société domestique,
ils y trouveront sans aucun doute un motif de se réjouir du sort
qui leur est échu, plutôt que de s’en attrister.
Leurs labeurs leur sont en effet communs avec la sainte Famille et communs
avec elle les soucis de la vie quotidienne. Joseph, lui aussi, dut pourvoir,
en gagnant son pain, à la subsistance des siens et les mains
divines elles-mêmes s’exercèrent à un métier.
Il n’est donc pas très étonnant que des hommes pleins
de sagesse, ayant des richesses en abondance, aient voulu y renoncer
pour choisir la pauvreté et s’y trouver en société
de Jésus, Marie et Joseph ».
Leçon 6 : « C’est
à bon droit que, pour tous ces motifs, le culte de la Sainte
Famille, opportunément introduit parmi les catholiques, prend
chaque jour de nouveaux accroissements, comme le prouvent, soit les
associations chrétiennes instituées sous le vocable de
la Sainte Famille, soit les honneurs singuliers qui lui sont rendus
et surtout les privilèges et les faveurs spirituelles accordés
par nos prédécesseurs pour exciter envers elle le zèle
de la piété. Ce culte a donc été en grand
honneur depuis le dix-septième siècle et propagé
de tous côtés dans l’Italie, la France, la Belgique
; il s’est répandu dans presque toute l’Europe, puis
il a traversé les vastes espaces de l’Océan et s’est
étendu, par la région canadienne, en Amérique,
pour y fleurir sous les plus heureux auspices. C’est qu’en
effet on ne peut rien envisager de plus salutaire et de plus utile aux
familles chrétiennes que l’exemple de la sainte Famille,
qui comprend la perfection et l’ensemble de toutes les vertus
domestiques. Implorés ainsi au sein des familles, puissent Jésus,
Marie et Joseph leur venir en aide, alimenter leur charité, régler
leurs mœurs, les entraîner à la vertu par leur exemple
; et, par leur secours, adoucir et rendre supportables les mortelles
épreuves qui, de tous côtés, nous menacent ».
c- Dans le troisième Nocturne,
l’Eglise nous propose une homélie de Saint Bernard, son
homélie 1 sur « Missus est », une méditation
sur la soumission de NSJC
Leçon 7 : « Et il leur
était soumis. Qui et à qui ? Dieu, à des hommes
! Dieu, dis-je, à qui les Anges sont soumis, à qui les
Principautés et les Puissances obéissent, était
soumis à Marie, et non seulement à Marie, mais aussi à
Joseph à cause de Marie. Regarde donc l’un et l’autre,
et dis-moi ce que tu admires le plus , de la très bénigne
condescendance du Fils, ou de l’incomparable dignité de
la Mère. De part et d’autre, miracle ! Que Dieu obéisse
à une femme, humilité sans exemple ; et qu’une femme
commande à Dieu, élévation sans pareille. En louant
les vierges, on chante leur privilège de suivre l’Agneau
partout où il va. Eh bien, de quelles louanges ne jugerez-vous
pas digne celle qui le précède ? »
Leçon 8 : « Apprends, homme,
à obéir ! terre apprends à te soumettre ! poussière,
apprends à être docile ! Parlant de ton Créateur,
l’Evangéliste dit : Et il leur était soumis : c’est,
évidemment, à Marie et à Joseph. Honte à
toi, cendre orgueilleuse !Dieu s’abaisse, et toi, tu t’élèves
? Dieu se soumet à des hommes, et toi, cherchant à dominer
les autres, tu te mets au-dessus de ton Créateur ? Puisse Dieu
quand je pense quelque chose de semblable, daigner me répondre
par le reproche qu’il adressa à l’Apôtre :
Va-t’en, dit-il, derrière moi, Satan, car tu n’as
pas le sens de ce qui est de Dieu. En effet, chaque fois que je désire
la prééminence parmi les hommes , chaque fois je tente
de passer avant Dieu ; et alors vraiment je n’ai pas le sens de
ce qui est de Dieu. Car c’est de Lui qu’il a été
dit : Et il leur était soumis. O homme, si tu ne daignes pas
imiter l’exemple d’un homme, il ne sera certes pas indigne
de toi de suivre ton Créateur. Si tu ne peux, sans doute, le
suivre partout où il ira, daigne au moins le suivre jusqu’où
il a voulu descendre pour toi. »
Leçon 9 : « Si tu ne peux
marcher dans les sentier ardu de la virginité, suis au moins
ton Dieu dans la voie très sûre de l’humilité
; si quelques-uns, même de ceux qui sont vierges, ont dévié
hors de cette voie droite, eux non plus, à dire vrai, ne suivent
pas l’Agneau partout où il va. Il suit bien l’Agneau,
l’humble qui n’est pas pur ; il le suit aussi, l’orgueilleux
qui est vierge ; mais aucun des deux, partout où il va ; car
l’un ne peut s’élever à la pureté de
l’Agneau qui est sans tache et l’autre ne daigne pas s’abaisser
à la mansuétude de cet Agneau qui s’est tu non seulement
devant celui qui le tondait, mais encore devant celui qui le tuait.
Et pourtant le pécheur, en s’humiliant, a choisi un meilleur
parti que l’orgueilleux qui est vierge ; puisque l’humble
réparation de celui-là efface sa souillure, tandis que
l’orgueil de celui-ci souille sa pureté ».
II- De la Charité de Dieu
qui brille dans le mystère de l’Incarnation
méditation
La semaine dernière, dans notre
première méditation sur le mystère de l’Incarnation,
nous avons pu faire ressortir toutes les perfections qui resplendissent
dans ce mystère : sa bonté, sa charité, sa miséricorde,
sa sagesse, sa puissance sa sainteté…Nous voudrions aujourd’hui
insister plus spécialement sur l’une d’entre elles
: sur la charité.
Nous la fonderons toute entière
sur cette parole de saint Jean en son Evangile : « Dieu a tellement
aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique afin
que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle
» (Jn 3 16) ; C’est une phrase tirée du dialogue
en NSJC et Nicodème.
Dans ce peu de mot, Saint Jean expose
les deux choses principales qui sont à méditer dans ce
mystère :
A- Sa cause : la charité, son immensité,
B - Sa fin et ses effets admirables : la vie éternelle.
A La cause principale du mystère
de l’Incarnation : « Dieu a tellement aimé le monde…
»
Deux idées ici sont à
considérer : la charité de Dieu, cause de l’Incarnation
et son immensité que l’on peut faire ressortir d’une
manière particulière en considérant et l’objet
de cet amour : le « monde », et le don fait : le Fils de
Dieu.
A l’origine de la mission du Christ et de son œuvre rédemptrice
il y a l’amour de Dieu pour les hommes, plus exactement son agape,
i.e. l’amour le plus généreux, le plus constant
et le plus universel….Tout l’accent de cette phrase repose
sur cette charité, sur la nature, l’extension et les réalisations
d’un amour aussi exceptionnel. Il s’agit en effet de l’amour
propre à Dieu…Saint Jean vise la charité éternelle
de Dieu qui a le privilège de toutes les initiatives et se manifeste
dans une double intervention historique : l’Incarnation et le
Calvaire qui doivent être ainsi considérés comme
l’épiphanie de l’agape divine (1Jn 4 9)
Ce qui est révélé
en premier lieu, c’est l’objet de cet amour et d’abord
son extension : le monde entier. Le choix du terme « cosmos »
interdit toute limitation. Il ne s’agit plus de la prédestination
de Dieu pour Israël ni même du Père céleste
pour ses enfants (I Jn 3 1) mais de l’humanité : tous et
chacun de ses membres.
Il faut souligner le paradoxe d’un
tel attachement. Concrètement ce monde est celui de pécheurs,
d’ennemis de Dieu et lorsque celui-ci décide de manifester
sa charité, c’est en faveur de coupables. Et l’on
sait que l’Agneau de Dieu viendra précisément enlever
le péché (JN 1 20)
Si l’objet de cet amour divin
est surprenant, c’est de la stupeur que l’on éprouve
en apprenant que Dieu livre aux pécheurs son propre Fils. La
pointe de l’affirmation est dans la correspondance entre ce don
insigne et la charité du Père. Il y a un rapport de cause
à effet entre celle-ci et celui-là : ….Dieu a aimé
les hommes de cette façon et à ce point i.e. : sous cette
forme stupéfiante, que, de fait, il a donné son Fils !
Jamais aucun esprit humain n’aurait pu concevoir chose pareille
Dieu donne aux hommes ce qui lui est
le plus cher…
Il n’y a aucune contrainte dans cette initiative du Tout-Puissant
: il aime tous les hommes mais il offre son Fils aux croyants
Or cet amour divin qui se manifeste à un moment précis,
c’est le Fils fait chair, au milieu de nous descendu du ciel et
envoyé ; de sorte que ce verset vise d’abord l’Incarnation,
épiphanie de la charité (Tit 3 4) Toutefois, le don est
si complet, si total qu’il englobe et la naissance de Jésus
et sa mort et c’est même sur cet « abandon »
que Saint Jean met l’accent principal
Si l’amour se mesure au don, l’immensité de la charité
du Père s’apprécie en fonction de cet « envoi
» qui est celui d’une victime (Lc 20 13)
La désignation de Jésus
: le Fils unique relève non seulement sa dignité, sa divinité,
mais sa proximité avec le Père et à quel point
il en est aimé : le Monogène, c’est le Fils chéri
entre tous. Ainsi Dieu aime les hommes à ce point qu’il
leur livre son Unique, l’Aimé par excellence. Si donc le
don est total, son objet est bien plus significatif encore. Le Père
sacrifie son propre Fils
B- La fin et les effets admirables de
l’Incarnation
L’intention du Père et
le but de l’envoi du Fils sont précisés dans la
deuxième partie du verset : Que nul ne se perde, que chacun vive.
La double forme positive et négative de l’énoncé
a valeur superlative : un salut universel, immédiat et définitif.
On ne peut signaler plus clairement que l’agapé divine
est une « volonté du bien » des autres. Vouloir si
sincère et fort qu’il consent au sacrifice le plus absolu
pour obtenir ce « bien », en l’espèce : la
vie éternelle » i.e. la participation à la vie intime
de Dieu, en définitive une réciprocité d’amour….Amour
du Père, don du Fils -Incarnation et mort - vie éternelle
s’enchaînent rigoureusement (cf RM 8 30) dans le plan divin
et l’économie du salut.
La foi, nécessaire au salut éternel
Il reste toutefois à l’homme
de s’approprier le salut offert. La seule réponse qui lui
est demandée à l’initiative divine est la foi :
en la personne du Christ incarné.
d’après le contexte, le croyant confesse que Jésus
est le Monogène, mais d’abord il le reçoit et même
il le voit comme une épiphanie de la charité du Père
: Dieu étant dans le Christ se réconciliant le Monde (2
Cor 5 19). Selon Saint Jean, le salut d’un chacun se décide
en fonction de l’acceptation ou du refus de l’amour de Dieu
manifesté dans le Christ révélateur et victime.
L’objet de la foi vivante est cette agapé, comme il sera
dit clairement dans 1 Jn 4 16
C- Conclusion.
C’est à juste titre que
l’on considère ce verset de l’Evangile de saint Jean
comme le mot clef de toute la Révélation i.e. du mystère
de Dieu, de la christologie et de la sotériologie. C’est
l’amour, en effet, qui fait le lien entre Dieu et les hommes,
l’éternité et l’histoire et c’est dans
le Christ que le croyant accède à la connaissance et à
la vie de Dieu
Aucun texte de l’Ecriture ne donne
davantage de lumière sur la « charité ». Il
révèle que cet amour est un attribut du Père ;
éternel, puisqu’il est antérieur à l’envoi
du Fils et inspire le plan du salut ; universel, car il s’étend
au monde entier, parfaitement gratuit, sans autre motif que lui-même
; non seulement il est toute bienveillance et miséricorde, mais
actif, dynamique ; il prend l’initiative et veut se prouver. Ce
qui est révélé surtout c’est son immensité.
A coup sûr c’est l’infini de l’agapé
divine que l’Apôtre veut suggérer à ses lecteurs,
comme l’a bien compris Saint Thomas à la suite de Saint
Jean Chrysostome : « Ostendit hic : hanc Dei caritatem esse maximam
ex quatuor. Primo namque ex persona amantis… ; secundo ex conditione
amati… ; tertio ex magnitudine munerum… ; quarto ex fructus
magnitudine ».
III - Le sacrement de l’Eucharistie
Saint Thomas nous a prouvé, dans
son article second que la substance du pain et la substance du vin,
après la consécration, ne demeurait pas. Telle est la
conclusion directe de cet article. Il est vrai que, parmi les raisons
apportées par saint Thomas, la première allait à
prouver quelque chose de plus. Elle nous disait ce qu’il advenait
de la substance du pain et de la substance du vin en vertu de la consécration
: elle nous apprenait qu’il fallait que cette substance se changeât
au Corps et au Sang du Christ. Il y avait donc nécessairement
conversion du pain au corps du Christ et du vin en son Sang du Christ,
la consécration faite.
Mais comme cette affirmation sur la
conversion ou le changement substantiel du pain au Corps du Christ et
du vin en son Sang n’était pas l’objet direct de
l’article, comme d’aucuns qui admettaient que la substance
du pain et du vin ne demeurait pas
n’admettaient pas cependant cette conversion substantielle, ce
changement du pain au Corps du Christ, mais parlaient d’ «
anéantissement » ou d’ « évaporation
»…ou d’autres choses de ce genre, Saint Thomas y revient
expressément dans cet article 3.
Artclie 3 : Si la substance du pain,
après la consécration de ce sacrement, est anéantie
ou si elle se résout en la matière antérieure ?
La question vient logiquement après
la conclusion précédente. En effet si nous avons établi
que la substance du pain et du vin ne demeure pas avec le Corps et le
Sang du Christ, tout de suite la question doit se poser : « que
devient donc la substance du pain et la substance du vin ? Est-elle
anéantie ? ou peut-on dire qu’elle s’évapore,
qu’elle retourne aux premiers éléments ; en tout
cas qu’elle disparaît, qu’elle cède la place
au corps du Christ ?
L’Eglise parle, elle, de «
conversion substantielle » de la substance du pain en la substance
du Corps de Christ et du vin en la substance du Sang du Christ. Il n’y
a ni anéantissement de la substance du pain ; ni évaporation.
Mais bel et bien conversion ou changement substantiel. C’est l’affirmation
de l’Eglise tout particulièrement au Concile de Trente.
Saint Thomas s’explique dans cet
article.
Il affirme que doit être absolument
rejeté l’affirmation qui dirait que la substance du pain
et du vin disparaît en cédant purement et simplement la
place à la substance du corps et du sang du Christ, soit qu’elle
cesse d’être par annihilation soit simplement qu’elle
cesse d’être elle-même étant privée
de sa forme.
Non.
La foi oblige à affirmer, après la consécration,
la présence du corps et du sang du Christ. En vertu des paroles
de la consécration. Avec cette présence du corps et du
sang du Christ, la substance du pain et du vin ne peut demeurer (cf
article 2) Pour Saint Thomas, loin d’être embarrassé
par cette non permanence de la substance du pain et du vin après
la consécration, il déclare au contraire qu’elle
la conditionne même de la présence du corps et du sang
du Christ. L’unique mode possible pour que le corps et le sang
du Christ soient là, sur l’autel, après la consécration,
alors qu’auparavent ils n’y étaient pas, c’est
que la substance du pain et du vin ait été changée
en ce corps et en ce sang du Christ. Il s’agit d’un vrai
changement, un changement substantiel (cf article 4). Saint Thomas ne
dit pas que la substance du pain et du vin a simplement fait place au
corps et au sang du Christ. Il veut dire qu’elle est passée
au corps et au sang du Christ. Dès lors , il est bien évident
qu’il n’y a plus à se demander ce qu’elle est
devenue, si elle a été annihilée ou évaporée.
De mode possible pour expliquer que
le corps véritable et le sang du Christ soit ici présent,
sous les espèces sacramentelles, après la consécration,
alors qu’auparavant , nous n’avions ici que du pain et du
vin, il n’en est qu’un : celui qui fait porter la vertu
des paroles consécratoires, non pas sur le corps du Christ pour
l’amener ici, l’y introduire, lui faire chasser la substance
du pain et du vin qui sont là sur l’autel, mais bien sur
le pain et le vin qui sont là sur l’autel, pour faire,
par eux, que le corps du Christ qui est au ciel, et qui demeure en lui-même
absolument inchangé, devienne présent sur l’autel
sous les espèces sacramentelles. Il n’y a donc pas à
parler de disparition de la substance du pain et du vin, d’annihilation
ou de dissolution à son endroit. Un seul mot doit être
gardé, essentiel pour le mystère même de la présence
réelle du corps du Christ, c’est le mot de conversion,
de changement dont Saint Thomas précisera la plénitude
de sens à l’article suivant, l’article 4. Il parlera
alors de « transsubstantiation », ce que le Concile de Trente
consacrera définitivement en l’imposant à la foi
même de tout enfant de l’Eglise catholique.
A la fin du présent article,
Saint Thomas ajoute un supplément de démonstration à
ce que seule la « conversion substantielle » permet d’expliquer
la présence réelle et nullement ces termes d’ «
annihilation » ou de « évaporation », c’est
l’argument tiré de la « forme » consécratoire,
ou parole de la consécration. En effet l’effet du sacrement
est signifié par la forme. Or ni « l’annihilation
» ni l’ « évaporation » ou autre chose
de semblable ne sont signifiées par les paroles de la forme du
sacrement de l’Eucharistie : « Ceci est mon corps ».
« Par où l’on voit, dit Saint Thomas « que
cette position est fausse ».
Dans le « ad tertium »,
saint Thomas affirme que la substance du pain n’est pas annihilée.
Pour qu’elle fut et pût être dite « annihilée
», il faudrait que le terme de l’action tombant sur elle,
fût le néant. Or cela n’est pas. Le terme de cette
action n’est pas le néant, c’est le corps du Christ,
auquel elle est changée. Donc on ne peut absolument pas dire
qu’elle est annihilée. Il n’y a qu’un mot qui
convienne c’est le mot « changé » ; elle n’est
pas annihilée, elle n’est pas détruite ; elle est
changée au corps du Christ. C’est la seule chose qu’on
puisse, qu’on doive dire, au nom de la foi catholique ; et quelque
mystérieuse qu’elle soit, il n’y a point d’autre
nom ou chose que nous ayons le droit ou le devoir d’affirmer
Cette conclusion de Saint Thomas est
bien celle que le Concile de Trente a entendu faire sienne, dans le
fameux canon, où en même temps qu’il nie la permanence
de la substance du pain et du vin, après la consécration
; il affirme leur changement au corps et au sang du Christ. Nous connaissons
déjà, après l’article 2, la première
partie de ce canon. Le voici maintenant tout entier, avec le mot décisif
établi par Saint Thomas : conversion : « Si quelqu’un
dit que dans le très saint sacrement de l’Eucharistie demeure
la substance du pain et du vin ensemble avec le corps et le sang de
Notre Seigneur Jésus-Christ et nie cette admirable et unique
conversion de toute la substance du pain au corps et de toute la substance
du vin au sang, tandis que demeurent seulement les espèces de
pain et de vin, conversion que l’Eglise catholique appelle très
justement transsubstantiation, qu’il soit anathème ».
Nous savons, par la foi, que dans ce
sacrement du pain et du vin eucharistique, le corps et le sang du Christ,
après la consécration, se trouvent contenus en vérité,
réellement et substantiellement. La substance du pain et du vin
n’y est plus. Elle a été changée au corps
et au sang du Christ : non pas en ce sens qu’elle aurait disparu
pour leur céder la place ; mais en ce sens que vraiment elle
a été changée elle-même et en elle-même,
au corps et au sang du Christ. Quelque chose d’absolument nouveau
s’est passée là où se trouvait auparavant
le pain de froment et le vin de vigne mêlé d’eau.
Sur ce pain et sur ce vin ont été prononcées des
paroles qui ont fait que maintenant le corps et le sang du Christ sont
là. Non pas que ces paroles aient agi sur le corps du Christ
qui était au ciel, et qu’elles l’aient amené
ici par mode de mouvement local, comme sembleraient l’entendre
les théologiens qui parlent d’adduction ou d’introduction
du corps du Christ sous les espèces sacramentelles. Les paroles
prononcées n’ont pas eu cet effet, que d’ailleurs
elles ne signifient en rien. Elles ont eu pour effet de faire, ce que
proprement elles signifient, que ce qui était là auparavant,
c’est à-dire le pain et le vin , soit maintenant autre
chose : non pas que cela disparaisse, ou que cela soit détruit
; mais que cela soit le corps et le sang du Christ. Les paroles , en
effet, disent et elles ont fait ce qu’elles disent : Ceci est
mon corps ; Ceci est mon sang. Si donc le corps et le sang du Christ
sont maintenant où étaient auparavant ce pain et ce vin,
c’est uniquement parce que ce que nous voyons encore là
et que nous désignons toujours par ce pronom démonstratif,
ceci, qui était auparavant du pain et du vin, n’est plus
maintenant du pain et du vin, mais le corps et le sang du Christ, c’est
, nous l’avons dit avec saint Thomas - et cette conclusion s’impose
d’une façon absolue, au point de ruiner le dogme même
de la présence réelle si on ne l’admet pas et l’Eglise
, juge infaillible, a défini le mot – parce que la substance
du pain et du vin, au sens le plus réel, le plus véritable,
le plus formel, le plus substantiel de ce mot, a été changée,
convertie, au corps et au sang du Christ.
Fort bien, me direz-vous.
Mais est-ce possible, cela ?
Ce changement substantiel est-il possible ?
Ce sera l’étude de la semaine prochaine avec l’examen
du très important article 4 : Si le pain peut-il être converti
au corps du Christ ?
Mais avant cela, cette explication théologique
donnée et ce rappel de la foi fait vont vous permettre de mieux
saisir le document suivant qui me paraît très important
pour nous tous aujourd’hui : à savoir l’histoire
de l’introduction du protestantisme en Angleterre par l’étude
de la réforme de Cranmer. Ce que l’Angleterre a connu après
le schisme d’Henri VIII et la réforme de Cranmer, la France
n’est-elle pas en train de le connaître avec l’application
de la réforme liturgique telle qu’elle est appliquée
en France ? Après la lecture de cet article de Michaël Daevis,
que le Bon Dieu vient de rappeler à lui, paix à son âme,
vous serez encore plus décidés de rester fermement attachés
au rite de Saint Pie V.
IV- Un peu d’histoire :
« la réforme liturgique anglicane ».
Tout le monde connaît la belle
figure de catholique anglais que fut Michael Davies. Historien de qualité,
il écrivit de nombreux livres. Entre plusieurs titres, nous rappèlerons
son « Apologie pour Mgr Lefebvre ».
Un livre posthume vient d’être
publié, tout récemment, par les éditions «
Clovis », sur le réforme de Cranmer, intitulé «
La réforme liturgique anglicane ». Son traducteur, l’excellent
Monsieur Cloarec, de Rouen, m’en a gentiment adressé un
exemplaire. Il m’avait demandé de l’éditer
à Fideliter. La chose ne put se faire de mon temps. Je félicite
les éditions « Clovis » d’avoir su réaliser
cette édition.
En hommage et en souvenir de Michael
Davies, nous donnons ici la conférence qu’il donna en octobre
1996 au colloque du C.I.E.L à notre Dame du Laus sous la présidence
de + Mgr Lagrange. Elle vous permettra de vous faire une idée
et de l’historien et de l’importance de ce livre. Cette
conférence reprend l’essentiel du chapitre 8 de son ouvrage
: « la réforme liturgique anglicane ».
Nous donnons ici les principaux extraits
de cette conférence. Ils sont tirés du livre contenant
les « actes du 2° colloque du C.I.E.L : « Vénération
et administration de l’Eucharistie. ( Actes du 2° colloques
d’études… oct ; 1996. Ed. du C.I.E.L. pp. 43-61)
LA VENERATION EUCHARISTIQUE DANS LA
REFORME ANGLICANE AU XVI° SIECLE
+ M. Michael Davies (Angleterre).
En Europe continentale, les réformateurs
protestants du XVI° siècle voulaient changer la religion
existante. A propos de ces prétendus réformateurs qui,
en réalité, étaient des révolutionnaires,
Mgr Philip Hugues, grand historien catholique britannique de ce siècle,
écrit : « Ce qui caractérisait ces révolutionnaires
- comme tous les autres, car cela est aussi vrai des rebelles sociaux
et politiques que des rebelles religieux -, c'était leur manie
de vouloir que toute l'histoire future commence à partir de leur
propre reconstruction de la gloire primitive telle qu'ils l'imaginaient.
»
Les principaux réformateurs avaient, pour la plupart, été
prêtres, et il n'est pas surprenant qu'ils aient senti que c'était
la messe qui importait et que c'était contre la messe, plus que
contre le pape, que devait porter en priorité leur attaque. Ce
point est souligné par l'historien allemand J. Lortz : «
Pour l'Église catholique, l'événement le plus grave
de la Réforme ne fut pas l'attaque contre le pape, mais le fait
que ses mystères furent vidés de la source objective du
pouvoir. »
Tous les réformateurs ont nié que la messe fût un
sacrifice et, à l'exception de Luther, ils rejetaient aussi la
présence substantielle du Christ dans les espèces consacrées.
La forme la plus élevée de la croyance protestante - pourtant
bien éloignée de la doctrine catholique - était
la théorie de la consubstantiation telle que l'entendait Luther.
La plus basse était la perspective symboliste défendue
par Zwingli, selon qui le pain et le vin ne font que « représenter
» le corps et le sang du Christ. Zwingli et Calvin enseignaient
tous deux que le corps et le sang du Christ ne sont pas objectivement
contenus dans le sacrement et que, en conséquence, ils ne peuvent
être offerts par le prêtre. Pour eux, en toute logique,
le concept d'oblation eucharistique ne pouvait que constituer ce qu'ils
appelaient une « adoration du pain », qu'ils ne cessèrent
jamais de dénoncer.
Henri VIII, chef suprême de l'Eglise d'Angleterre sur la terre
Le roi Henri VIII, lui, ne souhaitait pas changer la religion, il voulait
simplement changer de femme. Si le pape avait accédé à
la demande d'Henri VIII d'annuler son mariage avec Catherine d'Aragon,
il n'y aurait pas eu de réforme protestante en Angleterre. La
dispense accordée par Jules II, qui avait permis à Henri
d'épouser la veuve de son frère Arthur, mort à
quinze ans sans avoir consommé son mariage, était parfaitement
valide, inattaquable en droit canon, et, en conséquence, l'annulation
ne pouvait être accordée.
En 1531, Henri choisit pour nouvel archevêque de Cantorbéry
le complaisant Thomas Cranmer, qui lui obéirait sans contestation.
Ne souhaitant pas braquer Henri VIII plus que nécessaire, le
pape Clément VII accepta cette nomination. En 1532, alors qu'il
était en Europe pour le compte du roi, Cranmer - alors protestant
convaincu - épousa secrètement la nièce d'André
Osiandre, un pasteur luthérien. Sans doute Henri l'eût-il
fait exécuter s'il avait entendu parler de ce mariage ou de son
protestantisme. De son côté, Henri épousa le 25
janvier 1533 sa maîtresse, Anne Boleyn, alors enceinte. Par complaisance
pour son royal bienfaiteur, Cranmer déclara invalide son mariage
avec Catherine d'Aragon et valida le mariage avec Anne Boleyn. Le 11
juillet 1533, le pape Clément VII excommunia Henri et tous ceux
qui avaient participé aux délibérations du tribunal
de Cranmer.
En novembre 1534, le Parlement adopta la Loi de Primauté, nommant
Henri « seul chef suprême sur la terre de l'Eglise d'Angleterre,
appelée Anglicana Ecclesia ». Le refus de prêter
serment était considéré comme une trahison, passible
de la peine de mort. Tous les évêques anglais se soumirent
au roi, à l'exception de saint John Fisher, évêque
de Rochester. On n'oubliera jamais la remarque féroce que fit
le saint à propos de ses confrères évêques
: « La forteresse est trahie par ceux-là même qui
devaient la défendre. » Sir Thomas More préféra
lui aussi mourir plutôt que d'accepter cette loi, tout comme un
petit nombre de chartreux.
Henri avait rompu les ponts avec Rome, mais il ne voulait pas que l'Eglise
dont il était le chef rompît avec la doctrine chrétienne.
Si, entre 1536 et 1539, il supprima les monastères et saisit
leurs terres et leurs biens, ce fut pour des raisons financières
et non religieuses. Pour ce qui est de la Messe, le roi était
particulièrement conservateur et il n'y apporta aucun changement,
sinon qu'il supprima toutes les prières pour le pape et toute
commémoration de saint Thomas Becket.
Malgré la rupture avec Rome, la dissolution des monastères
et autres mesures telles que l'abrogation de certains jours fériés,
ce qui se passa en Angleterre sous Henri VIII ne fut en rien comparable
à la réforme protestante en Europe continentale. Hilaire
Belloc dit avec juste raison qu'il faudrait parler de « schisme
» à ce propos. Il écrit :
« Ce ne fut pas un mouvement « hérétique »
dans le sens habituel du terme : en effet, il ne combattait aucune des
principales doctrines qui faisaient l'objet de si violentes attaques
sur le continent de l'Europe. Sans doute refusait-il l'autorité
du pape ; pourtant, non seulement il ne niait pas la transsubstantiation,
la messe, l'ensemble du système sacramentel, mais il les affirmait
vigoureusement. Pour simplifier les choses, on pourrait dire que, pour
l'homme de la rue, dans sa vie quotidienne et ses devoirs religieux
hebdoma¬daires, les choses semblaient continuer exactement comme
auparavant. »
L'accession au trône d'Édouard VI.
Henri VIII mourut en janvier 1547 et eut pour successeur Édouard
VI, le fils de sa troisième femme, Jane Seymour. Édouard
VI, alors enfant maladif de neuf ans, ne fut que le pantin de son Conseil,
dominé par les protestants. Ceux-ci, qui avaient caché
leurs convictions profondes sous le règne de Henri, les affichaient
désormais sans peur, n'ayant plus rien à craindre de les
proclamer. Leur objectif était d'éliminer la foi catholique
du pays, et le principal moyen qu'ils employèrent à cette
fin fut de remplacer la messe latine immémoriale par un service
protestant de communion en langue vulgaire. La rupture avec le pape
n'avait en aucune façon satisfait Cranmer, aussi longtemps que
demeurait le « papisme » et, sous ce vocable, ses consorts
réformateurs et lui entendaient la Messe. Elle seule importait,
non seulement pour les catholiques, mais aussi pour les protestants.
Cranmer haïssait la messe, comme si ce fût un ennemi vivant.
Il attaquait, comme étant la racine du papisme, « la doctrine
papiste de la transsubstantiation, de la présence réelle
de la chair et du sang du Christ dans le sacrement de l'autel (ainsi
qu'ils l'appellent), et le sacrifice et l'oblation du Christ faits par
le prêtre pour le salut des vivants et des morts. » On trouvera
un exemple typique de cette haine des réformateurs pour la messe
dans un passage de John Hooper, évêque de Gloucester :
« Je crois que la sainte Cène du Seigneur n'est pas un
sacrifice mais simplement un souvenir et une commémoration de
ce saint sacrifice de Jésus-Christ. En conséquence, elle
ne devrait pas être adorée comme Dieu, ni comme le Christ
qui y serait contenu ; celui-ci ne doit être adoré que
dans la foi, sans tous les éléments corruptibles. Semblablement,
je crois et je confesse que la messe papiste est une invention et un
rite de l'homme, un sacrifice de l'Antéchrist et une apostasie
du sacrifice de Jésus-Christ, c'est-à-dire de sa mort
et de sa passion ; et que c'est un sépulcre puant et souillé
qui cache et couvre le mérite du sang du Christ ; et qu'en conséquence
la messe doit être abolie et la sainte Cène du Seigneur
rétablie et restaurée dans sa perfection. »
Malgré sa haine pour la messe, Cranmer décida de procéder
prudemment même si, sous Édouard VI, les protestants contrôlaient
effectivement le pouvoir politique du royaume. Il se rendit compte qu'il
fallait faire disparaître la messe progressivement, en plusieurs
années, pour éviter de provoquer une rébellion
armée
Dans l'étude la plus pénétrante écrite à
ce jour sur les doctrines eucharistiques des réformateurs protestants,
le père Francis Clark écrit : « Dans un premier
temps, pendant la période critique, Cranmer et ses amis virent
que le plus sage était d'introduire la Réforme par étapes,
pour préparer graduellement les esprits aux mesures plus radicales
à venir. Parfois, la contrainte ou l'intimidation furent nécessaires
pour étouffer l'opposition mais, de façon générale,
leur politique consista d'abord à neutraliser la masse conservatrice
du peuple, à la priver de ses dirigeants de conviction catholique,
puis à l'accoutumer progressivement au nouveau système
religieux. »
Langue vulgaire et audibilité.
Avant même que ne fussent imposés, en 1549, les nouveaux
services, certaines parties de la messe étaient parfois célébrées
en langue vulgaire ce qui, en soi, était déjà «
une véritable révolution. » Cela en changeait tout
le caractère, et il apparut que c'était là un moyen
efficace d'amener une transformation révolutionnaire : ainsi
accoutumait-on en effet les gens à l'idée qu'il était
possible d'apporter des changements radicaux à leur manière
de célébrer. Le 12 mai 1548, une célébration
entièrement en anglais - y compris la consécration eut
lieu à Westminster. Tout en insistant sur l'usage de la langue
vulgaire, les réformateurs exigeaient que toute la communauté
des fidèles pût entendre l'ensemble de la cérémonie,
ce qui était en parfaite opposition avec la messe latine.
Le Book of common prayer de 1549
Le 21 janvier 1549, la première loi d'uniformité imposa
le premier Book of common prayer de Cranmer, à partir du dimanche
de la Pentecôte (9 juin), à la place de tous les livres
de liturgie latins traditionnels ; en même temps, cette loi mettait
en œuvre l'objectif à long terme de Cranmer, qui était
de remplacer la messe catholique par un service de communion protestant.
Cranmer appela son nouveau service de communion : « la Cène
du Seigneur et la sainte communion, communément appelées
la messe. » Ce titre est une description exacte de ce nouveau
service qui, manifestement, était destiné à être
une « commémoration » protestante de la Cène
du Seigneur, mais qui ne contenait rien de spécifiquement hérétique
et que l'on pouvait interpréter comme une messe. Dans le Prayer
book de 1552, le titre du service de Cranmer ne comportait plus le mot
« messe », ce qui marquait l'étape ultime de sa révolution
liturgique : l'imposition d'un service qui ne pouvait être interprété
autrement que comme une commémoration protestante.
Dans le Prayer book de 1549, le caractère protestant du service
s'exprimait principalement par ce qu'il rejetait de la messe latine
traditionnelle. Ainsi que l'explique le P. Clark : « La liturgie
du Book of common prayer de 1549 a fait l'objet d'études exhaustives
et l'on s'accorde en général pour dire que sa principale
différence par rapport avec le rite latin qu'il a remplacé
est l'omission du langage sacrificiel »
L'assemblée pouvait entendre toutes les paroles du nouveau service,
dit exclusivement en anglais, et la communion était donnée
sous les deux espèces. Furent abolis le Judica me, où
il est question du prêtre qui va monter « à l'autel
de Dieu », ainsi que le Confiteor. Manifestement, la confession
des péchés à Notre-Dame, aux saints et aux anges,
à qui on demandait leur intercession, était incompatible
avec la doctrine protestante de la justification. Comme Luther, Cranmer
élimina complètement le rite de l'offertoire, avec ses
multiples références au sacrifice et à la présence
réelle. Furent également supprimés l'Orate fratres
et la secrète. Si Luther abolit complètement le canon
de la messe, Cranmer se contenta d'en supprimer les prières qui
affirmaient spécifiquement le sacrifice et la présence
réelle. Bien que les paroles de consécration aient été
codifiées par le concile de Florence, Cranmer n'hésita
pas, même là, à apporter des changements. Les mots
« qui sera livré pour vous, faites ceci en mémoire
de moi » (quod pro vobis tradetur, hoc facite in meam commemorationem)
furent ajoutés à la consécration du pain et, dans
la consécration du vin, les mots mysterium fidei furent supprimés.
Aucune élévation n'était autorisée, pour
exclure toute possibilité d'adoration. Ayant en abomination le
Placeat tibi - spécifiquement sacrificiel - précédant
la bénédiction finale, les réformateurs le supprimèrent.
Une catastrophe culturelle
Le passage d'une liturgie totalement en latin à une liturgie
totalement en langue vulgaire provoqua une catastrophe culturelle aux
conséquences incalculables : en effet, le peuple catholique se
trouva complètement coupé de tout l'héritage de
musique liturgique de la chrétienté occidentale, qui était
entièrement en latin. Le Parlement adopta une loi - renforcée
par une proclamation royale - ordonnant de rassembler, pour être
détruits, tous les anciens livres de messe « superstitieux
» que les récalcitrants continuaient à utiliser
; les évêques réformateurs recherchèrent
diligemment les éléments de la « superstition »
papiste qui avaient pu survivre dans la liturgie : les ornements sacerdotaux
disparurent des églises et on peignit sur les murs des textes
dirigés contre la présence réelle et la messe.
»
Le Pr J. J. Scarisbrick a fait une évaluation éloquente
de la dévastation provoquée par la Réforme dans
l'héritage culturel de la population d'Angleterre et du Pays
de Galles : « Entre 1536 et 1553, il y eut en Angleterre une vague
de démolition et de pillage de choses belles et sacrées,
irremplaçables, telle qu'il n'y en a probablement pas eu ni avant
ni après... A la fin, des milliers d'autels avaient été
enlevés, d'innombrables vitraux, statues et peintures murales
avaient disparu, de nombreux choeurs et bibliothèques avaient
été dispersés. Des milliers de calices, de ciboires,
de croix et autres objets de ce genre avaient été vendus
ou « mutilés » ... et un nombre incalculable de précieux
vêtements liturgiques avaient été dégarnis
ou saisis.
Les autels remplacés par des tables
Le remplacement des autels par des tables fut une étape supplémentaire
qui s'inscrivit dans la droite ligne de politique liturgique des réformateurs
continentaux. Calvin enseignait que, le Christ ayant accompli son sacrifice
une fois pour toutes, Dieu « nous a donc donné une table
pour manger sur elle, et non pas un autel pour sacrifier dessus. Il
n'a point consacré des prêtres pour immoler des hosties
mais il a institué des ministres pour distribuer la nourriture
sacrée au peuple. »
Après 1549, tous les autels de pierre sur lesquels le sacrifice
de la messe avait été offert pendant des siècles
furent détruits et remplacés par des tables de bois recouvertes
d'une toile de lin et placées dans le choeur. Le 24 novembre
1550, le Conseil du roi envoya une lettre à Ridley, évêque
de Londres, pour lui expliquer : « En premier lieu, la forme de
la table incitera plus les simples à abandonner les opinions
superstitieuses de la messe papiste pour les amener à la juste
utilisation de la Cène du Seigneur. En effet, un autel est destiné
à un sacrifice ; une table est destinée à ce que
les hommes y prennent leur repas . »
Les autels consacrés du sacrifice chrétien furent enlevés
et détruits dans tout le pays. On peut sans exagération
parler d'une « haine de la messe » de la part des prêtres
et évêques apostats qui procédèrent à
cette destruction sacrilège. Dans de nombreuses églises
et cathédrales anciennes d'Angleterre, la table d'autel fut utilisée
comme dallage, ou même comme marche sur laquelle passaient les
fidèles entrant dans l'église pour assister au nouveau
service en langue vulgaire. Dans le seul comté de Cambridge,
on trouve encore plus de trente pierres d'autel ainsi placées
pour que l'on marche dessus :
Le Book of common prayer de 1552
En 1552, Cranmer imposa son second Prayer book, dans lequel avait été
supprimé un certain nombre d'ambiguïtés contenues
dans le rite de 1549, conservant simplement ce que, à l'évidence,
il était destiné à être : un service de communion
protestant. Cranmer invita en Angleterre un certain nombre des protestants
continentaux les plus extrémistes et leur demanda leur avis.
Le plus influent était un ancien dominicain allemand, Martin
Bucer. Celui-ci rejetait toute présence eucharistique du Christ
dans ou sous les formes du pain et du vin. Il fulminait contre le sacrifice
de la messe, « rempli d'abominations que nous ne pouvons suffisamment
détester : l'adoration du pain (artolatreia), donc chargée
d'insulte infinie envers Dieu, dans laquelle on prenait du pain pour
le Christ lui-même et on l'adorait, alors que son espèce
demeurait intacte... » Cranmer l'invita à compiler une
critique du Prayer book de 1549. Celle-ci fut écrite en latin
et on la connaît sous le nom de Censura. Le Prayer book de 1552
reprit au moins les deux-tiers de ses critiques, confirmation dramatique
de l'influence exercée par Martin Bucer sur Cranmer.
Bucer censura plusieurs aspects du rite de communion, dont il craignait
qu'ils pussent être interprétés dans un sens catholique.
Il insistait en particulier pour que le pain ne fût pas placé
sur la langue du communiant, mais dans sa main :
« Je ne doute pas que l'usage de ne pas mettre ces sacrements
dans les mains des fidèles aient été introduits
en raison d'une double superstition : premièrement le faux honneur
que l'on désirait manifester à ce sacrement, et secondement
l'arrogance perverse de prêtres qui prétendaient à
une plus grande sainteté que celle du peuple du Christ, en vertu
de l'huile de la consécration. Il ne fait pas de doute, le Seigneur
les a donnés, ces symboles sacrés, dans les mains des
apôtres, et on ne peut lire les récits des anciens sans
être absolument convaincu que ce fut là l'usage observé
par les Églises jusqu'à l'avènement de la tyrannie
de l'Antéchrist romain.
« En conséquence, et considérant qu'il faut détester
toute superstition de l'Antéchrist romain, et qu'il faut rappeler
la simplicité du Christ, des apôtres et des Églises
anciennes, je désire qu'il soit ordonné aux pasteurs du
peuple et à ceux qui l'instruisent d'enseigner fidèlement
à ceux dont ils ont la charge qu'il est superstitieux et pervers
de penser que les mains de ceux qui croient vraiment au Christ sont
moins pures que leur bouche, ou que les mains des ministres sont plus
saintes que celles des laïcs, de sorte qu'il serait pervers, ou
moins approprié - ainsi que le pensait à tort le peuple
ordinaire - que les laïcs reçoivent ces sacrements dans
la main ; de même qu'il est superstitieux et pervers de penser
que les ministres seraient autorisés à manipuler les sacrements
mais que les laïcs ne seraient pas autorisés à le
faire, et qu'ainsi il faudrait mettre le sacrement dans leur bouche,
ce qui non seulement est étranger à ce qui a été
institué par le Christ mais en outre offense la raison humaine
« Bien que l'on puisse concéder, pendant un certain temps
et pour ceux dont la foi est faible, qu'on leur donne le sacrement dans
la bouche lorsqu'ils le désirent, pour autant qu'ils reçoivent
un enseignement approprié, ils se conformeront bientôt
au reste de l'Église et prendront le sacrement dans la main.
»
On voit donc que l'objection de Bucer à la façon traditionnelle
de donner la communion est double : elle perpétue selon lui la
croyance qu'il existe quelque différence essentielle entre un
prêtre et un laïc, et entre le pain et le vin utilisés
dans la communion et le pain et le vin ordinaires. Sa solution consiste
à laisser facultative, dans un premier temps, la communion dans
la main, mais cette option s'accompagne d'une campagne de propagande
destinée à convaincre rapidement les fidèles.
Les signes de croix
Les réformateurs considéraient que les signes de croix
ne pouvaient que conduire à la superstition, et ils les supprimèrent
de la liturgie. Le canon de Sarum et d'autres missels anglais et gallois
antérieurs à la Réforme com¬portaient vingt-six
signes de croix. Dans le service de communion de 1549, Cranmer n'en
conserva que deux. Et même cette concession à la tradition
pro¬voqua l'ire de Martin Bucer qui, dans sa Censura, exprima l'espoir
« que seraient retirées les petites croix noires qui sont
imprimées dans le livre à cet endroit. » Dans son
Prayer book de 1552, Cranmer les supprima.
La communion à genoux
Bien que, dans son Prayer book de 1552, il ait repris la plupart des
cen¬sures de Bucer, Cranmer fut l'objet d'une attaque particulièrement
virulente du réformateur John Knox, car il avait conservé
la tradition de s'agenouiller pour la communion. Cranmer régla
la question par un compromis bien dans sa manière : les communiants
continueraient à s'agenouiller, mais la célèbre
rubrique noire fut ajoutée au service de communion de 1552. Elle
dit ceci :
« Afin que ledit agenouillement ne soit pas considéré
ou estimé autrement, nous déclarons formellement qu'il
ne faut pas y voir un signe d'adoration que l'on fait ou que l'on devrait
faire à l'égard du pain et du vin sacra¬mentels reçus
corporellement à ce moment-là, ou à l'égard
d'une quelconque présence réelle et essentielle comme
étant la chair et le sang naturels du Christ. En effet, pour
ce qui est du pain et du vin sacramentels, ceux-ci demeurent dans leurs
substances tout-à-fait naturelles et ne peuvent en conséquence
être adorés, car ce serait de l'idolâtrie, que tous
les fidèles chrétiens doivent abhorrer. Et en ce qui concerne
le corps et le sang naturels de notre Sauveur, le Christ, ils sont au
ciel et non ici. Car il est contraire à la vérité
du vrai corps naturel du Christ que d'être en plus d'un lieu en
même temps. »
Il est intéressant de noter la correspondance entre cette rubrique
et les doctrines anathématisées dans deux canons de la
treizième session du concile de Trente l'année précédente,
en 1551. Il est indubitable que les termes employés dans cette
rubrique noire constituaient un rejet explicite des canons 1 et 6 de
cette session.
A cette époque, Cranmer prenait soigneusement note des enseignements
du concile de Trente et, en mars 1552, il écrivait à Calvin
: « Nos adversaires tiennent maintenant leurs conciles à
Trente pour établir leurs erreurs... A ce que je sais, ils font
des décrets concernant l'adoration de l'hostie ; aussi ne devons-nous
rien négliger, non seulement pour préserver les autres
de cette idolâtrie, mais aussi pour arriver entre nous à
un accord sur la doctrine de ce sacrement. »
On trouve la réponse de Cranmer au concile de Trente dans les
Quarante-deux Articles de 1553 qui sont, pour l'essentiel, son oeuvre.
Un passage de l'article XXIX est révélateur, en ce qui
concerne tant la rubrique noire que la 13` session du concile de Trente.
On lit en effet dans le paragraphe en question : « La transsubstantiation,
ou changement de la substance du pain et du vin en la substance du corps
et du sang du Christ, ne saurait être prouvée par la sainte
Écriture ; au contraire, elle est incompatible avec ce que dit
clairement l'Écriture, et a donné lieu à de multiples
superstitions. Attendu que la vérité de la nature humaine
exige que le corps d'un seul et même homme ne puisse être
en même temps en plusieurs lieux, mais doive nécessairement
se trouver en un seul lieu déterminé, en conséquence,
le corps du Christ ne peut, à un moment donné, se trouver
en plusieurs lieux divers. Et du fait que, ainsi que l'enseigne l'Écriture,
le Christ a été élevé aux cieux et y demeurera
jusqu'à la fin du monde, un fidèle ne devrait ni croire
ni confesser ouvertement la présence réelle et corporelle
(ainsi qu'ils l'appellent) de la chair et du sang du Christ dans le
sacrement de la Cène du Seigneur. Le Christ n'a pas pres¬crit
que le sacrement de la Cène du Seigneur fût conservé,
porté, élevé ni adoré. »
Ainsi, le Prayer book de 1552 exposait très clairement la question
de la vénération de l'Eucharistie dans la liturgie anglicane
: elle était tenue pour une abomination et totalement interdite.
On considérait que le pain et le vin distribués dans la
sainte communion n'étaient pas différents du pain et du
vin utilisés dans les repas ordinaires. La Cène du Seigneur
était elle-même un repas, rien qu'un repas, et en tout
cas pas un sacrifice - et c'est la raison pour laquelle les autels sacrificiels
furent détruits et remplacés par des tables pour la Cène.
La restauration de la messe
Le commun des fidèles manifestait un ressentiment si amer à
l'égard de la révolution liturgique de Cranmer que, dans
la plupart des cas, seule la menace de sanction pouvait les inciter
à assister aux nouveaux services. La profonde catholicité
du peuple anglais se manifesta lorsque, à la mort d'Édouard
VI, en 1553, Marie, fille très catholique de Catherine d'Aragon,
monta sur le trône, décidée à restaurer la
foi catholique quoi qu'il en coûtât. Le Pr. Bindoff, protestant,
note que, peu après son accession au trône, « la
messe était célébrée dans les églises
de Londres, non pas sur ordre, mais pour répondre à la
dévotion populaire, et de tous les coins du pays, l'on apprenait
qu'elle se rétablissait sans opposition », On sortait des
cachettes statues, crucifix, autels, vêtements liturgiques et
vaisseaux sacrés et, dans la liesse, on les replaçait
dans les églises qui, de temps immémorial, avaient fait
la fierté des fidèles.
La restauration de la foi catholique sous Marie Tudor, qui avait rétabli
l'union avec le pape, et le rétablissement de la messe latine
traditionnelle furent accueillis avec enthousiasme par au moins 99%
de la population d'Angleterre et du Pays de Galles. Le protestantisme
imposé d'en haut n'avait rallié que moins d'un pour cent
de celle-ci.
Lex orandi, lex credendi
La reine Marie mourut le 17 novembre 1558, pendant que la messe était
célébrée dans sa chambre. Pendant toute sa vie
d'adulte, elle l'avait entendue quotidiennement. Élisabeth fut
couronnée comme catholique et promit de régner en tant
que telle ; pourtant, elle viola sa parole presque immédiatement
et retourna au protestantisme qui lui permettait en effet d'ajouter,
à son pouvoir politique, le contrôle religieux de ses sujets.
La nouvelle liturgie détruisit la foi ancienne lorsqu'elle fut
de nouveau imposée sous le règne d'Élisabeth, avec
des sanctions si sévères que, en dépit de sa nature
manifestement non-catholique, il n'y eut qu'une poignée des catholiques
les plus fervents pour refuser d'assister au nouveau service. Les six
années au cours desquelles le protestantisme avait été
imposé sous le règne d'Édouard VI n'avaient guère
affecté la foi du peuple anglais ; en revanche, sous le règne
d'Élisabeth, il fut contraint d'assister au service protestant
pendant plusieurs décennies de suite (Élisabeth régna
jusqu'en 1603). Le service de communion protestant officiel était
célébré sur une table tournée vers le nord
et non plus vers l'est, en totalité en langue vulgaire, toutes
les prières étant audibles par la communauté des
fidèles ; la communion était donnée sous les deux
espèces et, sous la forme du pain, dans la main. Ce service ne
comportait pas un seul mot, pas un seul geste ni une seule rubrique
qui pût laisser croire que le pain et le vin reçus dans
la communion fussent en quoi que ce soit différents du pain et
du vin consommés lors d'un repas ordinaire ; que ce que l'on
offrait fût un sacrifice et non simplement une prière de
louange et d'action de grâces ; ni que l'homme qui présidait
le service possédât des pouvoirs que n'avait pas le reste
de la communauté. Au début, la plupart des fidèles
n'allèrent qu'à contrecoeur au nouveau service anglais,
puis, à mesure que passaient les années, l'axiome lex
orandi, lex credendi finit par s'imposer, comme toujours à terme
: la forme détermine le fond. Les gens étaient contraints
de prier comme des protestants, et ils devinrent protestants.
Mgr Hugues fait remarquer avec juste
raison : « Aujourd'hui encore, un catholique a beaucoup de mal
à comprendre que ces théories et ces rites furent, du
moins dans une très large mesure, l'œuvre d'hommes qui étaient
des prêtres, qui non seulement avaient reçu les sacrements
catholiques, mais avaient célébré la messe, et
qui en étaient désormais à se satisfaire de cette
situation sans un signe de regret pour la précédente.
»
En outre, il dit explicitement que, en Angleterre, le catholicisme fut
détruit par la réforme liturgique de Thomas Cranmer, à
nouveau imposée sous le règne d'Élisabeth.
« Dès lors que ces nouveaux rites sacramentels, par exemple,
furent devenus l'habitude du peuple anglais, la substance de la réforme
doctrinale, désormais victorieuse en Europe du Nord, devait nécessairement
transformer l'Angleterre à son tour. Presque insensiblement,
à mesure que passaient les années, les croyances enchâssées
dans les rites anciens - désormais tombés en désuétude
- et que ces rites gardaient vivantes dans l'esprit et l'affection des
hommes, allaient disparaître sans qu'il fût besoin d'une
campagne missionnaire systématique pour en prêcher l'abandon.
»
Pourtant, certains catholiques restèrent fidèles, refusant
tout compromis. En particulier, ceux qui préservèrent
la foi en Grande-Bretagne furent les jeunes qui allèrent se former
dans les séminaires d'Europe. Ils revenaient pour donner la messe
au peuple et, bien trop souvent, donner leur vie pour la messe, la messe
latine traditionnelle que l'on trouve dans le missel de saint Pie V.
Les vainqueurs avaient pris possession des églises dans lesquelles
la messe immémoriale avait été célébrée
pendant des siècles, mais les catholiques fidèles possédaient
la messe, et c'était la messe qui importait. »
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