I-Nos mystères chrétiens
L’Immaculée Conception de Notre Dame
Méditation VI
A- La grâce d’Immaculée
Conception considérée dans le plan de la prédestination
et dans sa réalisation historique.
Ici, je dois considérer que le
temps approchant où Dieu devait se revêtir de notre nature,
pour accomplir son œuvre rédemptrice, son premier soin
fut de créer l’être duquel il allait recevoir le
jour. Cet être est la Vierge très pure, Notre Dame. «
Ne craignez rien, dit l’ange à Marie, car vous avez trouvé
grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez en votre sein, et
vous enfanterez un fils et vous lui donnerez le nom de Jésus
» (Lc 130). La foi nous enseigne qu’Il lui communiqua,
dès le premier instant de sa conception, les dons les plus
relevés et les plus rares privilèges. Et d’abord
: la grâce de l’Immaculée Conception. Il convenait
qu’un tel Fils en usât de la sorte envers celle qu’il
avait choisie librement et par amour entre toutes les femmes pour
être sa Mère.
Il est très heureux de méditer
quelques instants la grâce de l’Immaculée Conception
dans sa relation avec sa prédestination à être
la Mère de Dieu.
C’est en effet dans une perspective
de prédestination que les premières lignes de la Bulle
« Ineffabilis Deus » de Pie IX, présentent le privilège
marial de l’Immaculée Conception :
« Dieu avait prévu de toute
éternité la déplorable ruine à laquelle
la transgression d’Adam devait entraîner tout le genre
humain ; et, dans les profonds secrets d’un dessein caché
à tous les siècles, il avait résolu d’achever
en un mystère encore plus profond, par l’Incarnation
du Verbe, le premier ouvrage de sa bonté, afin que l’homme
poussé au péché par la malice et la ruse du démon
ne pérît pas…et que la chute de notre nature dans
le premier Adam fut réparée avec avantage dans le second.
Il destina donc, dès le commencement et avant tous les siècles,
à son Fils unique, la Mère de laquelle, s’étant
incarné, il naîtrait dans la bienheureuse plénitude
des temps. Il la choisit, lui marqua sa place dans l’ordre de
ses desseins. Il l’aima par dessus toutes les créatures
d’un tel amour de prédilection qu’il mit en elle,
d’une manière singulière, toutes ses plus grandes
complaisances »
Vous remarquerez qu’ici, le pape
contemple la grâce de l’Immaculée Conception dans
le cadre de l’Incarnation et de la Rédemption.
Cette vue est exprimée de nouveau,
d’une manière explicite, dans un autre passage de la
Bulle où le Pape écrit, concernant les grâces
qui ont sanctifié les commencements de la vie de la Sainte
Vierge : « Commencements mystérieux, que Dieu avait prévus
et arrêtés dans un seul et même décret avec
l’Incarnation de la Sagesse divine », Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et Dom Frènaud, moine de Solesmes,
écrivait, merveilleusement, commentant cette idée :
« L’Immaculée Conception
est donc l’un des effets du décret divin qui prédestine
le Christ lui-même…La prédestination de Marie n’a
d’autre terme principal que l’Incarnation elle-même
du Rédempteur. Marie, en tout ce qu’elle est et en tout
ce qu’elle a par grâce, est tellement relative à
son Fils que toutes ses grandeurs surnaturelles, tous ses dons et
privilèges ne vont qu’à réaliser l’intégrité
et la perfection du Christ lui-même. Marie est éternellement
pensée et voulue comme Mère du Sauveur, avec le sublime
degré de grâce et de gloire qui convient à cette
vocation, afin d’assurer en plénitude cet état
parfait de Fils de l’homme qui appartient au Verbe Incarné.
Celui-ci n’est parfaitement Fils, selon la nature humaine, que
s’il a une Mère parfaite.
C’est le même acte d’amour qui, en voulant l’absolue
perfection du Verbe Incarné, prédestine par là-même
Celle qu’il lui donne pour Mère. Certes, cette Mère
n’est comprise dans ce vouloir divin qu’à une place
relative et subordonnée : elle n’est voulue que pour
son Fils, mais elle l’est en raison de et par l’amour
même que Dieu porte à son Fils. Il y aura donc une différence
radicale et une distance incommensurable entre le bien infini voulu
à ce Fils et le bien fini voulu - à cause de Lui - à
sa Mère. Il reste vrai cependant qu’une telle prédilection
divine sera la plus forte que Dieu puisse avoir pour une pure créature,
puisque aucun autre amour de Dieu pour une créature ne peut
être aussi intimement lié à celui qu’il
a pour son Fils, inséré en cet amour, intégré
à lui. Le résultat de cette prédestination sera
donc, en Marie, une grâce sans égale…une plénitude
»
Ainsi il est beau de situer la place
exacte et le sens profond de la première grâce de Marie
: son Immaculée Conception, dans le plan et l’objet adéquat
de sa prédestination à être la Mère de
Dieu, et donc dans la prédestination même du Christ-Rédempteur
Elle en est le premier effet dans l’ordre
de l’exécution…pour accueillir dans le monde le
Fils de Dieu, « le premier élément nécessaire
à l’accomplissement intégral de la fonction sublime
de Mère de Dieu. ».
Et ces considérations merveilleuses
permettent alors de comprendre que la grâce d’Immaculée
Conception, plus que toute autre, est une grâce de Rédemption
: « Sublimiori modo redempta », dit la Bulle « Ineffabilis
Deus». Cette grâce donnée à Marie, non pour
la purifier, mais pour la préserver de tout péché
et de toute souillure, est en elle-même le triomphe parfait
du Rédempteur sur la contagion émanée d’Adam.
…Aussi il n’y aura pas de grâce qui appellera davantage
la Passion et la mort du Christ que celle de Marie dans sa Conception
Immaculée, la parfaite rachetée.
Ainsi l’Immaculée Conception
est partie intégrante de la Maternité divine. On peut
dire avec Saint Thomas que cette grâce de l’Immaculée
Conception est comme la « dernière disposition préparatoire
» à l’Incarnation rédemptrice. D’une
part elle rend possible cette venue du Dieu Sauveur, d’autre
part, elle exigera si Dieu décide librement de s’incarner
que cette Incarnation soit rédemptrice.
Dom Frenaud l’explique : «
C’est bien d’abord la grâce propre de l’Immaculée
qui rend possible, dans les conditions de dignité exigées
librement par le vouloir divin, l’Incarnation du Fils de Dieu
et son insertion dans la race humaine. Selon cette exigence divine,
le Verbe ne devait pas prendre chair d’une race pécheresse
et souillée avant qu’une créature, choisie de
toute éternité pour devenir sa Mère, n’eut
été engendrée de cette race en demeurant parfaitement
sainte et pure de tout péché. Dieu voulait pour son
Fils cette Mère parfaite qui seule serait digne non seulement
de le recevoir passivement, mais de l’accueillir librement et,
par un acte de foi et d’obéissance, de l’engendrer
de sa propre chair ».
« On ne saurait dire cependant
que l’Immaculée Conception en rendant possible la venue
du Fils du Dieu, posât d’elle-même une exigence
stricte de la future Incarnation…Par contre, une fois supposée
l’initiative gracieuse de Dieu décidant librement de
s’incarner dans le sein d’une vierge immaculée,
il semble bien que la grâce même de cette Vierge a porté
de tout son poids le Dieu qui a voulu naître d’elle, à
se faire son Rédempteur et le Rédempteur de toute sa
race. Marie, en effet, déjà comblée de grâces,
mais d’une grâce toute entière suspendue à
une future rédemption, appelle cette rédemption de tout
le poids de sa sainteté. Et, du seul fait qu’elle devient
la Mère de Dieu, que Dieu devient son Fils, un Fils parfait
et tout puissant, celui-ci se doit d’accomplir l’œuvre
attendue de solder l’immense dette que lui transmet sa Mère.
C’est ainsi que, connaturellement ,l’Incarnation du Dieu
qu’Elle engendre fait qu’ Elle ne peut être Mère
de Dieu sans faire de Lui son rédempteur ».
En sorte qu’il faut dire que l’Immaculée
Conception amorce, en Marie, toute l’œuvre future du salut
« La Vierge Marie est la parfaite
rachetée, la première et la plus élevée
dans cet ordre. Il lui reviendra donc d’y être à
la fois modèle et principe de diffusion. Sans doute, elle ne
pourra l’être à titre de source première
: elle doit toute sa grâce au Rédempteur. Mais parce
qu’elle est la première et la mieux rachetée,
et parce qu’elle seule a toujours échappé totalement
à la contagion du mal, elle pourra tenir, auprès du
nouvel Adam, père de toute la race des régénérés,
la place de nouvelle Eve, mère de tous les vivants. Ainsi la
grâce d’Immaculée Conception fait de Marie la future
compagne, indissolublement associée au Rédempteur dans
toute son œuvre de salut. Ainsi le rôle de Médiation
et de Co-Rédemption dérive en Marie de son état
initial de Première rachetée»…La grâce
d’Immaculée Conception commence en Marie une médiation
de sainteté qui ne s’achèvera qu’à
la fin de ce monde.
B- La grâce de l’Immaculée
Conception
Le premier privilège, donc, que
Dieu accorda à Marie fut de la préserver du péché
originel qu’elle devait contracter comme fille d’Adam
- c’est le debitum peccati - et de sanctifier son âme
à l’instant même qu’Il la créa et
l’unit à son corps.
C’est le dogme catholique précisé
par le Pape Pie IX, dans la Bulle « Ineffabilis Deus »
du 8 décembre 1854.
A- Le dogme catholique : « … Nous déclarons, prononçons
et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse
Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception,
par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant,
en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre
humain, préservée intacte de toute souillure du péché
originel, est une doctrine révélée de Dieu et
qu’ainsi elle doit être crue fermement et constamment
par tous les fidèles.
C’est pourquoi, s’il en était, ce qu’à
Dieu ne plaise, qui eussent la présomption d’avoir des
sentiments contraires à ce que nous venons de définir,
qu’ils sachent très clairement qu’ils se condamnent
eux-mêmes par leur jugement, qu’ils ont fait naufrage
dans la foi et se sont séparés de l’unité
de l’Eglise, et que, de plus, par le fait même, ils encourent
les peines portées par le droit s’ils osent manifester
par paroles, par écrits ou par quelque signe extérieur,
ce qu’ils pensent intérieurement ».
Cette définition contient trois
points importants, nous dit le Père Garrigou dans son livre
« la Mère du Sauveur » :
1- Il y est affirmé que la bienheureuse
Vierge Marie a été préservée de toute
tache du péché originel au premier instant de sa conception,
c’est-à-dire quand son âme a été
créée et unie au corps, puisque alors seulement il y
a personne humaine et la définition porte sur ce privilège
accordé à la personne même de Marie. Il y est
dit que c’est un privilège spécial et une grâce
tout à fait singulière, effet de la toute-puissance
divine.
« Préservée de toute
taches du péché originel » ? Qu’est-ce à
dire ?
Que faut-il entendre selon l’Eglise
par péché originel dont Marie a été préservée
? L’Eglise voit le péché originel par ses effets
: son inimitié ou malédiction divine, la souillure de
l’âme, un état d’injustice ou de mort spirituelle,
une servitude sous l’empire du démon, l’assujettissement
à la loi de la concupiscence, de la souffrance et de la mort
corporelle, considérée comme peine du péché
commun. Ces effets supposent la privation de la grâce sanctifiante
qu’Adam avait reçue avec l’intégrité
de nature pour lui et pour nous et qu’il a perdue pour lui et
pour nous.
Voilà !
Il faut donc dire que Marie, dès
l’instant de sa conception, n’ a pu être préservée
de toute tache du péché originel qu’en recevant
la grâce sanctifiante, c’est-à-dire l’état
de justice et de sainteté, effet de l’amitié divine
opposée à la malédiction divine et que par suite
elle a été soustraite à la servitude sous l’empire
du démon et à l’assujettissement à la loi
de la concupiscence et même de la souffrance et de la mort considérées
comme peines du péché de nature, bien que, en Marie
comme en Notre Seigneur, la souffrance et la mort aient été
une suite de notre nature et qu’elles aient été
offertes pour notre salut.
2- Il est affirmé, de plus, dans
cette définition que c’est en vertu des mérites
de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain que Marie a été
préservée du péché originel On ne saurait
donc plus admettre que Marie est immaculée en ce sens qu’elle
n’a pas eu besoin de rédemption, et que la première
grâce en elle est indépendante des mérites futurs
de son Fils
Selon la Bulle « Ineffabilis Deus », Marie a été
rachetée par les mérites de son Fils, et de la façon
la plus parfaite par une rédemption non pas libératrice
du péché originel déjà contracté,
mais par une rédemption préservatrice. Déjà
dans l’ordre humain, celui qui nous préserve d’un
coup mortel est mieux encore notre sauveur que s’il nous guérissait
seulement de la blessure faite par ce coup.
A l’idée de rédemption
préservatrice se rattache celle-ci que Marie, fille d’Adam,
descendant de lui par voie de génération naturelle,
devait encourir la tache héréditaire et l’aurait
encourue de fait, si Dieu n’avait pas décidé de
toute éternité de lui accorder ce privilège singulier
de la préservation en conséquence des mérites
futurs de son Fils. La sainte Vierge a été préservée
du péché originel par la mort future de son Fils, c’est-à-dire
par les mérites de Jésus mourant pour nous sur la croix.
On voit dès lors que cette préservation
de Marie diffère beaucoup de celle du Sauveur lui-même,
car Jésus-Christ ne fut nullement racheté par les mérites
d’un autre, ni par les siens : il a été préservé
du péché originel et de tout péché à
un double titre : premièrement par l’union personnelle
ou hypostatique de son humanité au Verbe, à l’instant
même où sa sainte âme a été créée,
car aucun péché soit originel soit actuel ou personnel
ne peut être attribué au Verbe fait chair ; et secondement
de par sa conception virginale, due à l’opération
du saint-Esprit, Jésus ne descend pas d’Adam par voie
de génération naturelle. Cela n’appartient qu’à
lui seul.
3- La définition du dogme de l’immaculée
Conception propose cette doctrine comme révélée
et donc comme contenue au moins implicitement dans le dépôt
de la Révélation, c’est-à-dire dans l’Ecriture
sainte et la Tradition.
B- la raison théologique
La principale raison de convenance de
ce privilège est le développement de celle que donnait
Saint Thomas pour montrer la convenance de la sanctification de Marie
dans le sein de sa Mère avant sa naissance : « Il faut
raisonnablement croire que celle qui devait enfanter le Fils unique
de Dieu, plein de grâce et de vérité, a reçu
plus que toute autre personne les plus grands privilèges de
grâce. Si donc Jérémie et saint Jean Baptiste
ont été sanctifiés avant leur naissance, il faut
croire raisonnablement qu’il en a été de même
pour Marie. (III 27 1)
Mais il fallut développer cette
raison de convenance pour arriver jusqu’au privilège
de l’Immaculée Conception. Et c’est Duns Scot qui
eut le mérite de bien mettre en lumière la haute convenance
de ce privilège en répondant à cette difficulté
: le Christ est le rédempteur universel de tous les hommes
sans exception (Rm 3 23) Or si Marie n’a pas contracté
le péché originel, elle n’en a pas été
libérée par le Christ. Elle n’a donc pas été
rachetée par Lui.
A cette difficulté, Duns Scot répond par l’idée
de la rédemption non pas libératrice, mais préservatrice
Cette raison est la suivante : « Il convient que le Rédempteur
parfait exerce une rédemption souveraine au moins à
l’égard de la personne de sa Mère qui doit lui
être associée plus intimement qu’aucune autre dans
l’œuvre du rachat de l’humanité. Or la rédemption
souveraine n’est pas seulement libératrice du péché
déjà contracté, mais préservatrice de
toute souillure, comme celui qui préserve quelqu’un d’un
coup mortel est plus encore son sauveur que s’il le guérissait
de la blessure faite par ce coup. Donc il convient hautement que le
Rédempteur parfait ait, par ses mérites, préservé
sa Mère du péché originel et aussi de toute faute
actuelle. »
C-Les conséquences du
Privilège de l’Immaculée Conception
Marie a été préservée
du foyer de convoitise. Il n’a jamais existé en elle.
En conséquence, aucun mouvement de sa sensibilité ne
pouvait être désordonné, prévenir son jugement
et son consentement. Il y eut toujours en elle la subordination parfaite
de la sensibilité à l’intelligence et à
la volonté et de la volonté à Dieu, comme dans
l’état d’innocence. C’est ainsi que Marie
est très pure, tour d’ivoire, très pur miroir
de Dieu.
Le Père Louis Du Pont, sur ce
sujet, a ce beau développement qu’il faut citer : «
Le second privilège que Dieu accorda à Marie fut de
la préserver du foyer du péché, qui est en nous
la racine, le germe du péché et l’attrait qui
nous y porte ; d’où naît la rébellion de
la chair contre l’esprit, et de la sensualité contre
la raison. Ainsi l’âme de cette Vierge très pure
se trouva, avec toutes ses puissances, dans une paix et une harmonie
parfaite, parce qu’elle devait servir de Temple au Prince de
la Paix, qui, selon l’expression de David, fait sa demeure dans
la paix (Is 9 6 ; Ps 75 3). Elle ne ressentit jamais cette guerre
intestine que nous éprouvons tous et qui est si souvent pour
nous une source de gémissements. Ses sens n’avaient point
de désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit
ne rencontrait point de difficulté à gouverner les sens.
La loi de l’appétit ne s’opposait point à
celle de la raison et la raison n’avait aucune peine à
dompter les passions de l’appétit. Au contraire, l’esprit
et les sens, la raison et l’appétit s’unissaient
avec un souverain plaisir, et s’assujettissaient dans un accord
parfait à la loi éternelle du Créateur.
En raison de la grâce de l’Immaculée
Conception, il faut dire aussi que Marie fut confirmée en grâce
d’une manière si particulière que, pendant toute
sa vie, elle ne commit jamais un seul péché actuel d’action,
de parole, ou même de pensée. C’est défini
même par l’Eglise au Concile de Trente dans sa 6e session
par le décret sur la justification, le canon 23 : « Si
quelqu’un dit que l’homme une fois justifié ne
peut plus pécher ni perdre la grâce et que donc celui
qui tombe et pèche n’a jamais été vraiment
justifié ; ou au contraire, qu’il peut durant toute sa
vie éviter tout péché, même véniel,
à moins d’un privilège spécial de Dieu,
comme l’Eglise le tient pour la bienheureuse Vierge, qu’il
soit anathème. ».. Dieu par une providence spéciale,
l’assistait dans toutes ses œuvres, afin qu’elles
fussent, comme dit Saint Paul en parlant de l’Eglise, glorieuses
et pures…c’est-à-dire sans tache, ou péché
mortel ; sans ride, ou péché véniel ; et sans
aucune imperfection quelconque. Car elle ne se contentait pas de fuir
le mal ; elle évitait encore ce qui ne lui semblait pas le
meilleur, imprimant à toutes ses actions ce caractère
d’éclatante pureté qui distingue l’Eglise
triomphante »
Mais encore, « dès le premier
moment de sa conception, elle se trouva remplie de grâces, d’amour
de Dieu, de toutes les autres vertus et des dons du Saint-Esprit,
avec tant d’abondance et de plénitude, qu’elle
surpassait en sainteté les anges et les séraphins. Dieu
la combla de ces faveurs afin qu’elle fût la digne Mère
de son Fils et la digne Reine du Ciel. …Ainsi il est vrai de
dire qu’elle commença sa carrière là où
ces purs esprits achevèrent la leur, et qu’elle eut sur
la terre plus de degrés de sainteté que ceux qui vivaient
dans le ciel, sans toutefois participer à ce qui fait proprement
l’état des bienheureux… »
De même Marie n’a jamais
été sujette à l’erreur, à l’illusion
; son jugement était toujours éclairé, toujours
droit. . Elle est, comme le disent les Litanies, le siège de
la Sagesse, la reine des docteurs , la Vierge très prudente,
la Mère du bon conseil. Elle eut dès ici bas une connaissance
éminente et supérieurement simple de ce que l’Ecriture
dit du Messie, de l’Incarnation, de la Rédemption. Elle
fut parfaitement exempte de convoitise et d’erreur.
Mais pourquoi le privilège de
l’Immaculée Conception n’a-t-il pas soustrait Marie
à la douleur et à la mort qui sont aussi des suites
du péché originel ?
En vérité, la douleur et
la mort en Marie, comme en Notre Seigneur Jésus-Christ, ne
furent pas, comme en nous, des suites du péché originel
qui ne les avaient jamais effleurés. Ce furent des suites de
la nature humaine, qui, de soi, comme la nature de l’animal,
est sujette à la douleur et à la mort corporelle. Ce
n’est que par privilège surnaturel qu’Adam innocent
était exempt de toute douleur et de la nécessité
de mourir.
Jésus, pour être notre rédempteur
par sa mort sur la croix, a été virginalement conçu
dans une chair mortelle, « in carne passibili », et Il
accepte volontairement de souffrir et de mourir pour notre salut.
A son exemple, Marie accepta volontairement la douleur et la mort
pour s’unir au sacrifice de son Fils, pour expier avec lui à
notre place et nous racheter.
Et chose étonnante, le privilège
de l’Immaculée Conception et la plénitude de grâce,
loin de soustraire Marie à la douleur, augmentèrent
considérablement en elle la capacité de souffrir du
plus grand des maux qui est le péché. Précisément
parce qu’elle était absolument pure, parce que son cœur
était embrasé de la charité divine, Marie souffrit
exceptionnellement des maux les plus graves dont notre légèreté
nous empêche de nous affliger. Marie a souffert du péché
dans la mesure de son amour pour Dieu que le péché offense,
de son amour pour son Fils que le péché crucifiait,
dans la mesure de son amour pour nos âmes que le péché
ravage et tue. Le privilège de l’Immaculée Conception,
loin de soustraire Marie à la douleur, augmenta ainsi ses souffrances
et la disposa si bien à les supporter qu’elle n’en
perdit aucune et les offrit nécessairement avec celles de son
Fils pour notre salut.
II-Le sacrement
de l’Eucharistie
En raison de la transsubstantiation du pain et du vin
en son corps et en son sang, le Christ, sans changer aucunement en
Lui-même, a acquis ce rapport avec les espèces sacramentelles
du pain et du vin de sorte qu’Il se trouve contenu en elles
et en chacune d’elles, et en chacune de leurs parties, tel qu’Il
est dans l’intégrité de son être substantiel,
avec son corps, son sang, son âme, sa divinité.
Cela ressort des trois articles précédemment
étudiés (cf Paroisse Saint Michel du dimanche de la
Septuagésime)
Mais ses accidents, et en particulier
ses dimensions, sa quantité, tout cela s’y trouve-t-il
aussi contenu ? Autrement dit, le Christ est-il sous les espèces
sacramentelles et sous chacune d’elles et sous chacune de leurs
parties, avec ses qualités, avec sa quantité ?
Voilà l’objet précisé
de l’article suivant.
Article 4 : Si toute la quantité
dimensive du corps du Christ est dans ce sacrement.
Dans le corps de l’article, saint Thomas en appelle de nouveau
à la distinction qu’il a utilisée en l’article
1, à savoir la distinction entre la présence du Christ
dans ce sacrement « ex vi sacramenti » et « par
concomitance ». C’est cette distinction capitale qui va
lui permettre de répondre positivement à la question
de l’article 4 et d’en préciser la manière
ou plus exactement le mode. La présence du Christ dans l’Eucharistie
est une présence sacramentelle, non par manière de quantité,
mais par manière de substance et selon la substance. Voilà
son explication théologique, très claire.
« Comme il a été
dit plus haut (a.1), quelque chose du Christ est dans ce sacrement
d’une double manière : par la vertu du sacrement ou par
concomitance naturelle. Par la vertu du sacrement, la quantité
dimensive du corps du Christ n’est pas dans ce sacrement. C’est
qu’en effet, par la vertu du sacrement (i.e. par la force des
paroles) est dans ce sacrement ce à quoi directement la conversion
se termine. Or la conversion qui se fait dans ce sacrement se termine
directement à la substance du Christ, non à ses dimensions
: comme le montre le fait que la quantité dimensive du pain
demeure, après la conversion, seule étant changée
la substance du pain. Toutefois, parce que la substance du corps du
Christ n’est pas dépouillée réellement
de sa quantité dimensive et de ses autres accidents, en vertu
de la concomitance réelle est dans ce sacrement toute la quantité
dimensive du Christ avec tous ses autres accidents ».
Donc la quantité dimensive et
les autres accidents du corps du Christ ne se trouvent pas dans ce
sacrement par la vertu du sacrement (i.e par la vertu des paroles
de la consécration) et cela parce qu’ il n’y a
dans ce sacrement, par la vertu du sacrement, ( i.e. par la vertu
des paroles même de la consécration) que ce à
quoi se termine, dans le corps du Christ, directement et proprement
l’action consécratoire. Or l’action consécratoire
ne s’est pas terminée proprement et directement aux accidents
du Christ, puisque cette action consécratoire a consisté
dans le changement d’un sujet donné en son correspondant
dans un autre sujet donné et que les accidents du pain n’ont
pas été changé. Donc en vertu de l’acte
consécratoire, il n’est pas né de rapport direct
entre les accidents du pain et les accidents du corps du Christ ;
c’est seulement entre les accidents du pain qui demeure et la
substance du corps du Christ à laquelle a été
changée leur substance. Et voilà pourquoi ce que les
accidents du pain contiennent en vertu du sacrement, c’est uniquement
la substance du corps du Christ. Seulement comme cette substance du
corps du Christ est unie réellement à sa quantité
dimensive et à ses autres accidents, cette quantité
dimensive et ses autres accidents se trouveront dans le sacrement,
non pas en raison d’un rapport direct qu’ils auraient
aux accidents eucharistiques, mais uniquement en raison du rapport
qu’ils ont à leur propre substance dont ils ne se séparent
point. Ils seront, par conséquent dans ce sacrement, non selon
leur mode propre et comme se substituant aux accidents du pain, mais
selon le mode de leur substance, qui, elle, se substitue à
la substance du pain, dans le rapport que cette substance avait à
ses propres accidents.
Cette présence du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie
est donc une présence par mode de substance dont nous n’aurons
jamais d’autres exemples, mais dont nulle intelligence ne saurait
démontrer l’impossibilité.
Concluons donc que le corps du Christ,
en raison de la transsubstantiation, est dans le sacrement de l’Eucharistie
avec tout ce qui lui appartient, non seulement avec ses parties essentielles
ou de substance et avec toutes les autres parties substantielles du
Christ, mais encore avec son être accidentel tout entier, y
compris la quantité dimensive qui est la sienne et cela par
mode de substance. Il s’agit bien d’une « présence
dans le lieu », mais tout le contraire d’une « présence
locale », où chaque partie d’un corps est coextensive
à une partie du lieu qu’il occupe. Il serait contradictoire
que le corps du Christ soit coextensif au lieu qu’occupe une
petite hostie.
Présence eucharistique par mode
de substance et selon la substance. Voilà la réalité
eucharistique.
Et c’est ce qui est défini
par le Concile de Trente.
Le dogme :
« Le saint Concile enseigne et
confesse, d’une manière manifeste et sans retour, que
dans l’auguste sacrement de l’Eucharistie, après
la consécration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus-Christ,
vrai Dieu et vrai homme, est contenu véritablement, réellement
et substantiellement sous les espèces de ces réalités
sensibles. Car il ne répugne pas que Notre Sauveur lui-même
soit toujours assis à la droite du Père dans les cieux,
selon sa manière d’exister naturelle, ( coextensive au
lieu) et que néanmoins, en de nombreux autres lieux, il soit
présent à nous sacramentellement, par sa substance,
selon une manière d’exister qui, bien que nous puissions
à peine l’exprimer par les mots, put néanmoins
être conçue par l’esprit, dans la lumière
de la foi, comme possible à Dieu et que nous devons croire
très fermement (Con de Trente Session XIII c.I)
Et voici le canon correspondant : « si quelqu’un nie que
dans le sacrement de la très sainte Eucharistie sont contenus
vraiment, réellement et substantiellement le corps et le sang,
avec l’âme et la divinité, de Notre Seigneur Jésus-Christ,
et par conséquent le Christ entier ; et s’il prétend
qu’ils n’y sont qu’en signe ou en figure, ou par
leur vertu, qu’il soit anathème ».
De cette présence du Christ par
mode de substance dans l’Eucharistie,
- il résulte que le corps du Christ
n’est pas multiplié -
Il n’y a pas deux corps du Christ,
l’un au Ciel et l’autre sur les autels - Il n’y
a pas deux corps du Christ, mais deux présences de l’unique
corps du Christ : l’une inchangée, première, sous
les apparences naturelles, l’autre nouvelle, dépendante,
sous les apparences sacramentelles. Ainsi, quand maintenant les prêtres
dispersés sur les cinq continents prononcent sur le pain les
paroles de la consécration, ils ne multiplient pas le corps
du Christ, mais les présences sacramentelles du corps du Christ.
- Le corps du Christ, non plus, n’est
pas divisé.
Au Cénacle, quand le Christ rompt
le pain consacré pour le donner aux disciples, ce qu’il
divise ce sont les apparences sensibles, qui sont le signe, de sacrement
de son corps ( signum sacramentum), ce n’est pas la substance
présente sous ces apparences, la chose (la res) ; et ce qui
est alors multiplié ce sont les présences réelles
de cet unique chose, de cette unique substance. Ainsi en est-il aujourd’hui
encore.
Nous aborderons la semaine prochaine
la question 78 sur la forme de ce sacrement.
III-Pour « nourrir » ce temps
de Carême.
Deuxième sermon sur le Carême de saint
Léon le Grand.
« Aux approches de la célébration
pascale, bien aimés, le retour régulier du temps prescrit
devrait suffire à nous rappeler le jeûne du carême
; pourtant nous devons y joindre encore notre exhortation, pensant
qu’avec l’aide du Seigneur, elle ne sera pas inutile aux
tièdes, ni fastidieuse aux fervents.
Ces jours ont pour dessein d’obtenir
un accroissement de toute notre pratique religieuse ; il n’y
est personne parmi vous, j’en suis persuadé, qui ne se
réjouisse d’être stimulé aux bonnes œuvres.
Aussi longtemps que nous demeurons mortels, notre nature est sujette
au changement : aussi, même si elle s’élève
jusqu’au plus haut degré de zèle dans la poursuite
des vertus, elle peut cependant toujours rencontrer une occasion de
chute aussi bien qu’une occasion de progrès. Et telle
est la vraie justice des parfaits qu’ils n’osent jamais
se croire parfaits, de peur qu’abandonnant leur résolution
de poursuivre le chemin avant d’être au but, ils ne succombent
au danger de défaillir au moment même où ils perdraient
le désir d’avancer.
Nul parmi nous, bien aimés, n’est
si parfait et si saint qu’il ne puisse être encore plus
parfait et plus saint : tous ensemble, par conséquent, sans
différence de dignité, sans distinction de mérites,
courons avec pieuse avidité vers celui que nous n’avons
pas encore atteint et, à ce qui est de la mesure de notre comportement
habituel, ajoutons encore quelque chose comme un complément
réellement indispensable ; car il révèle avoir
bien peu de piété en d’autres temps, celui qu’en
ces jours-ci on ne voit pas en redoubler.
2- C’est donc bien à propos
qu’a retenti à nos oreilles la leçon tirée
de l’enseignement de l’Apôtre : « Voici maintenant
le temps favorable, voici maintenant le jour du salut ». (2
Cor 6 2).
Est-il, en effet, un temps plus favorable
que celui-ci, des jours plus propres au salut que ceux-ci, où
la guerre est déclarée aux vices, où s’accroît
le progrès de toutes les vertus ?
En tout temps, il est vrai, ô
âme chrétienne, tu devrais te tenir en garde contre l’adversaire
de ton salut, afin que le tentateur ne trouve nulle brèche
ouverte à ses ruses ; mais en ce moment, il te faut plus de
précautions et une prudence plus attentive alors que ton ennemi,
toujours le même, redouble ses attaques, sous l’effet
d’une jalousie plus agressive : maintenant, en effet, dans le
monde entier, le pouvoir lui est enlevé qui lui assurait une
domination séculaire et les armes innombrables de ses captures
lui sont ravies. Des foules de toutes les nations et de toutes les
langues renoncent au plus cruel des pirates ; et il n’est désormais
pas une seule race d’hommes qui ne se rebelle contre ses lois
tyranniques, puisque sur toute la surface de la terre des millions
d’hommes se préparent à leur régénération
dans le Christ ; l’avènement de la création nouvelle
approche et l’esprit de malice est expulsé de ceux qu’il
possédait. L’ennemi évincé frémit
d’une fureur impie et recherche quelque gain nouveau puisqu’il
a perdu son droit ancien. Sans se lasser, il tend des pièges,
toujours en éveil, en quête de quelque brebis qui, insouciante,
s’écarterait du troupeau sacré : par la pente
des voluptés et le chemin déclive de la luxure, il la
mènerait dans les auberges de la mort. . Voilà pourquoi
il enflamme la colère, alimente la haine, aiguise la cupidité,
ridiculise la continence, excite la gourmandise.
3- Qui n’oserait-il pas tenter,
lui qui n’a pas même écarté de notre Seigneur
Jésus-Christ, les entreprises de la ruse ? Comme le récit
évangélique nous l’a révélé,
notre Sauveur, qui était véritablement Dieu, voulut
montrer qu’il était aussi véritablement homme
et bannir ainsi toutes les fantaisies impies de l’erreur : après
un jeûne de quarante jours et de quarante nuits, il éprouva
la faim propre à notre faiblesse ; le diable se réjouit
donc d’avoir trouvé en lui l’indice d’une
nature passible et mortelle et, voulant éprouver une puissance
qu’il r redoutait : « Si tu es le Fils de Dieu, lui dit-il,
ordonne que ces pierres se changent en pains ». le Tout-Puissant
pouvait certes le faire, et il était facile à toute
créature, de quelque genre qu’elle fût, de passer,
au commandement du Créateur, à l’espèce
qu’il lui ordonnerait de prendre ; c’est ainsi que, lorsqu’il
le voulut, il changea l’eau en vin au festin des noces. Mais
il convenait mieux à l’économie de notre salut
que le Seigneur vainquit la fourberie des plus orgueilleux des ennemis
non par la puissance de sa divinité, mais par le mystère
de son humilité. Pour finir le diable mis en fuite et le tentateur
dupé dans tous ses artifices, les anges s’approchèrent
du Seigneur et ils le servirent : celui qui était vrai homme
et vrai Dieu garda ainsi son humanité hors d’atteinte
des questions captieuses et manifesta sa divinité devant les
hommages des saints. Qu’ils soient donc confondus, les fils
et disciples du diable, qui, pleins de l’esprit du serpent trompent
quiconque est simple, niant que dans le Christ, il y ait réellement
l’une et l’autre nature, et dépouillant soit la
divinité de l’humanité, soit l’humanité
de la divinité ; une double preuve en un seul moment détruit
cette double erreur, car la faim ressentie dans le corps atteste la
parfaite humanité, et le service des anges la parfaite divinité.
4- A l’école de notre Rédempteur,
bien-aimés, nous apprenons donc que « l’homme ne
vit pas seulement de pain ; mais de tout ce qui sort de la bouche
de Dieu », et qu’il convient au peuple chrétien,
en quelque degré d’abstinence qu’il soit établi,
de souhaiter plus se nourrir de la parole de Dieu que d’aliment
matériel. Embrassons donc ce jeûne solennel avec une
dévotion empressée et une foi alerte, et célébrons-le
non par une diète stérile telle que la dictent souvent
et la faiblesse du corps et la maladie de l’avarice, mais par
une large générosité.
Ainsi serons-nous vraiment de ceux dont
la Vérité elle-même a dit : « Heureux ceux
qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
» Que les œuvres de la piété fassent nos
délices, et remplissons-nous de ces aliments qui nourrissent
en vue de l’éternité. Mettons notre joie à
soulager les pauvres que rassasieront nos largesses ; réjouissons-nous
d’habiller ceux dont nous couvrirons la nudité des vêtements
nécessaires ; faisons sentir notre bonté aux alités
dans leurs maladies, aux infirmes dans leur faiblesse, aux exilés
dans leurs épreuves, aux orphelins dans leur abandon, aux veuves
désolées dans leur tristesse ; il n’est personne
qui, en les aidant, ne puisse s’acquitter d’une certaine
part de bienfaisance. Aucun revenu n’est trop petit lorsque
le cœur est grand et la mesure de notre miséricorde ou
de notre compassion ne dépend pas des limites de notre fortune.
L’opulence de la bonne volonté ne manque jamais de mérite,
même si l’on a peu de ressources. Les aumônes des
riches sont plus importantes, et moindres celles des gens peu aisés,
mais le fruit de leurs œuvres ne diffère pas si un même
amour les anime.
5- En ce temps si propice à l’exercice
des vertus, bien-aimés, nous pouvons encore nous faire d’autres
couronnes sans vider nos greniers, sans rien diminuer de notre argent
: c’est en éloignant toute licence, en renonçant
à l’ébriété, en domptant la convoitise
de la chair sous les lois de la chasteté, en changeant les
haines en amitiés, en convertissant les inimitiés en
paix, en éteignant la colère par la sérénité,
en pardonnant l’injure avec bienveillance, en réglant
enfin si bien le comportement des maîtres et des esclaves que
l’autorité des uns se fasse plus douce et l’obéissance
des autres plus dévouée. C’est par cette discipline,
bien-aimés, que l’on obtient la miséricorde de
Dieu et que, la culpabilité des fautes effacée, on peut
célébrer religieusement la vénérable Pâque.
C’est aussi ce qu’observent,
conformément à une coutume sainte et déjà
ancienne, les très pieux empereurs du monde romain. En l’honneur
de la Passion et de la Résurrection du Seigneur, ils inclinent
la majesté de leur puissance et, adoucissant la rigueur de
leurs lois, font relâcher des prisonniers coupables de nombreux
délits. Ainsi, en ces jours où le monde est sauvé
par la divine miséricorde, leur clémence, elle aussi,
s’offre en modèle en imitant la Bonté d’en
haut. Que les peuples chrétiens imitent donc leurs princes
et que l’exemple des empereurs les encourage à pardonner
dans leur maison. Il n’est pas permis, en effet, que les lois
privées soient plus rigoureuses que les lois publiques. Pardonnons
les fautes, brisons les liens, oublions les injures, finissons en
avec les vengeances ; alors la fête sacrée, grâce
au pardon divin et aux pardons humains, nous trouvera tous joyeux,
tous irréprochables ; par notre Seigneur Jésus-Christ
qui, avec le Père et l’Esprit-Saint, vit et règne
comme Dieu dans les siècles des siècles. Amen.